Chapter Text
Il pleuvait. Pourtant à la météo ce matin, ils avaient annoncé du beau temps. Kyo releva les yeux vers le ciel et laissa les gouttes se mêler à ses larmes. C’était fini. Tout était fini. Le blond se laissa tomber à genoux, sur le trottoir de Manhattan alors qu’autour de lui, des agents en uniforme s’activaient pour écarter les curieux.
Un homme s’approcha de lui. Kyo ne releva pas la tête, il continua de fixer le béton tout en se demandant comment tout ça était arrivé. Une main se posa sur son épaule. Kyo ferma douloureusement les yeux. Il n’avait pas besoin de la compassion d’un policier. Il ne voulait pas qu’on ait pitié de lui. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’on arrête le salaud qui lui avait fait ça. Celui qui l’avait privé à tout jamais de la seule femme qui ait compté pour lui… Kyoko… Elle avait été beaucoup de chose pour Kyo. Un professeur, une grande-sœur, une amie, un mentor, un guide, une tante… Tous des rôles qu’elle avait assumé et assuré avec brio, sans jamais vouloir revêtir celui qui aurait dû être le sien : celui de mère.
- Kyo…
Le blond se figea. Cette voix semblait presque irréelle, comme sortie d’un lointain souvenir. Était-il en train de rêver ? Sans doute car l’amour de sa vie ne pouvait pas être ici, pas à cet instant où il avait besoin de ses bras et de ses étreintes. Non, c’était trop beau pour être vrai et pourtant…
Le flot de ses larmes redoubla alors que le chanteur relevait lentement le visage vers l’homme qui s’était accroupi devant lui et qui lui souriait presque tendrement.
- Kaoru ? Balbutia le blond qui n’en croyait pas ses yeux.
Le brun acquiesça avant de le prendre dans ses bras pour le serrer aussi fort qu’il le put. Depuis combien d’années ne s’étaient-ils pas revus ? Kyo avait espéré cet instant si longtemps ! Il l’avait imaginé de mille et une manières mais n’aurait jamais cru que le jour où il retrouverait l’amour de sa vie, serait aussi le jour le plus noir de son existence… C’était à croire qu’il aurait toujours à choisir entre Kaoru et Kyoko. Quoique cette fois-ci quelqu’un avait fait ce choix pour lui.
- Tout ça n’est pas vrai, murmura le chanteur en crispant ses doigts sur le manteau du brun.
- J’aimerais te dire que oui, souffla Kaoru en déposant un baiser contre sa tempe.
- Kaoru…
- Je sais. Viens, rentrons.
Kyo laissa son amant l’aider à se relever et le suivit en silence. Il aurait aimé lui poser tellement de question ! Qu’avait-il fait toutes ces années ? Pourquoi ne l’avait-il jamais appelé ? Avait-il retrouvé sa fille, Yukina ? Que faisait-il aujourd’hui, ici, à cet instant où il avait tellement besoin de lui ? L’aimait-il toujours ? Kyo ne lui posa aucune de ces questions. Il savait de toute façon que la réponse à sa dernière interrogation était oui. Kaoru l’aimait, comme il l’avait toujours aimé et les années ainsi que la distance n’avaient en rien changé ses sentiments, bien au contraire l’ancien inspecteur l’aimait bien plus qu’au premier jour.
Hyde suivit des yeux la berline noire qui emmenait Kyo et Kaoru loin de la scène de crime. Le médecin et l'inspecteur s'étaient longuement regardés sans se sourire. Parfois, Hyde se disait que la vie était ironique. Qui aurait pu imaginer que le si droit Kaoru Niikura ferait finalement parti des hommes sur lesquels il pouvait le plus compter. Il était devenu malgré lui son complice et ils étaient ensemble sur la même galère, pour le meilleur et pour le pire. Un sourire se dessina sur les lèvres de Hyde qui s'engouffra dans l'immeuble en rénovation. Il y avait des policiers partout mais également des hommes en costumes noirs. Ces derniers devaient très vraisemblablement appartenir à la branche américaine du clan des démons. Leurs visages étaient fermés et certains étaient au téléphone. Apparemment la nouvelle avait dû faire le tour du réseau. Bientôt la mort de la reine-mère ne serait plus une rumeur mais une réalité.
Un soupir traversa les lèvres du médecin. Toutes ces histoires de yakuza étaient d'un ennuie ! Et s'il était ici, c'était à cause sa mère qui le lui avait demandé comme une faveur mais également pour Kaoru, pour qui il avait une certaine affection bien que ce sentiment ne soit pas réciproque. Hyde ne prit pas l'ascenseur. Il préférait les escaliers. À l'entrée, on lui avait dit que la scène de crime se trouvait au septième étage et qu'un enquêteur l'attendait sur place. Hyde monta lentement les escaliers, repassant dans son esprit le prologue de cette sordide histoire. Le septième étage arriva bien plus vite qu'il ne l'aurait pensé. Il n'était même pas essoufflé ! Les heures passées à la salle de sport avec Kaoru commençaient à payer.
Un homme gardait l'accès au septième étage. Hyde déclina son identité et on le laissa passer. Il n'y avait pas d'autre policier juste un homme brun qui téléphonait un peu à l'écart. Hyde le reconnut immédiatement. Il était plutôt célèbre dans le milieu du showbiz. Musicien, interprète, producteur, amant officiel du démon, père du futur chef de clan... Toshimitsu Deyama, Toshi pour les intimes ne semblait pas avoir pris une ride. Il était égal à lui-même, transpirant la bonté en apparence et dissimulant son regard sombre derrière d'épaisse lunette de soleil. L'homme en question était au téléphone. Hyde n'entendit presque rien de sa conversation mais il devinait aisément avec qui il conversait. Ce ne devait certainement pas être Yoshiki. Toshi était trop calme alors peut-être était-ce avec Heath.
Hyde s'arrêta devant l'unique porte ouverte de l'étage et jeta un rapide coup d'œil à l'intérieur avant d'y entrer. Elle était là, pendue au plafond, vêtue d'un kimono masculin pourpre et d'un masque de démon. Ses cheveux avaient été teints en rouge et ses ongles en noires. Elle était l'incarnation du Diable Rouge mais après tout, n'en avait-elle pas été l'épouse ?
- Fascinant, n'est-ce pas ?
Hyde se tourna lentement vers l'homme qui se tenait à l'autre bout du salon et qui prenait des notes. Il était japonais et plus jeune que lui. Un large sourire fendit le visage du médecin qui déclara :
- Daisuke ! Toi ici ? Quelle belle surprise.
Le policier le dévisagea longuement, ne sachant quoi répondre.
- J'ai pourtant suivi tes indices, répondit prudemment le plus jeune.
Cette fois-ci, ce fut Hyde qui l'interrogea du regard, arquant même un sourcil de surprise. Un petit sourire se dessina alors sur les lèvres de Daisuke qui retint un petit rire nerveux :
- Ce n'était pas toi.
- Visiblement non, répondit Hyde. Je ne sais pas à quoi tu fais référence mon petit Dai, mais quelque chose me dit que tu dois avoir un admirateur secret.
Le visage de Daisuke s'assombrit alors qu'un large sourire se dessinait sur les lèvres de Hyde. Cette histoire semblait bien plus complexe qu'elle n'y paraissait et peut-être était-ce l'occasion de commencer un nouveau jeu ?
- C'est toi qui dirige cette enquête ? Questionna le plus vieux.
- Oui et non, répondit Daisuke.
- Que fais-tu exactement ?
- Je travaille pour Interpol. J'appartiens toujours aux forces de police japonaise mais j'ai été détaché sur le sol américain pour participer aux enquêtes menée sur les citoyens japonais, conformément aux derniers accords passé entre nos deux gouvernements. Chaque fois qu'un japonais est tué ou accusé de meurtre, moi ou un autre de mes deux collègues sommes dépêchés sur place et nous travaillons en collaboration avec le responsable de l'enquête et cela peu importe la juridiction.
- Donc tu travailles avec la police, le bureau du chérif ou le FBI en toute liberté.
- Exacte.
Pour toute réponse, Hyde se contenta d'applaudir. Son ami avait beaucoup changé depuis l'époque où ils s'étaient rencontrés et qu'il n'était alors qu'un simple agent de police. Cependant Hyde avait toujours su qu'il pouvait faire une belle carrière, Daisuke était un enquêteur de talent. Peut-être même qu'il aurait pu être capable de l'arrêter s'il ne s'était pas laissé séduire par le monstre qu'il était.
- Que fais-tu là si ce n'est pas ton œuvre ? Questionna Daisuke.
- C'est ma mère qui m'envoie. Son amitié avec Kyoko date de cette vieille histoire de harem.
- Et comment ta mère a su où t'envoyer ?
- Ma mère est une femme bien mystérieuse, soupira Hyde. Elle m'a demandé de venir voir si c'était vrai et si c'était le cas, d'avoir la gentillesse de retrouver celui qui s'en serait pris à son amie.
- En fait tu es un gentil garçon, se moqua le policier.
- Un vrai fils à maman !
- Docteur Takarai ! S'exclama Toshi en entrant.
Hyde et Daisuke se retournèrent vers lui et le médecin lui serra poliment la main tout en lui souriant légèrement. Le large sourire qui était dessiné sur les lèvres du chanteur en était presque indécent. Après tout, la mère de son fils se balançait au bout d'une corde à quelques pas d'eux.
- Je suis content de vous voir, reprit Toshi. Quand votre mère, Dame Jiandi m'a dit que nous pouvions compter sur le soutien de la famille Luo, je ne pensais pas qu'elle vous enverrez en personne. Je sais que nos deux clans sont rivaux au Japon mais notre alliance sur le continent américain est solide.
- J'ignorais que vous étiez le représentant du clan des démons aux États-Unis, déclara Hyde.
- Je ne le suis pas, répondit Toshi en lui adressant un énigmatique sourire. C'est Kyoko qui assumait cette fonction depuis quelques années. Je n'étais qu'un ami.
- Et le père de son fils.
Toshi ne répondit pas. Hyde regrettait qu'il ait gardé ses lunettes de soleil. Peut-être que son regard l'aurait un peu éclairé sur ses pensées. Finalement un mince sourire se dessina sur les lèvres de Toshi qui avança vers le cadavre qui n'avait pas encore été décroché sur ordre de Daisuke.
- Retrouvez celui ou ceux qui lui ont fait ça. Malgré nos différents, je tenais beaucoup à Kyoko. Elle a été mon premier amour et c'était la mère de mon fils.
- Où sont son mari et son autre fils ?
- Nous les recherchons actuellement. J'ose espérer qu'il ne leur est rien arrivé de fâcheux. Vous pensez que nous pouvons la décrocher maintenant ?
Il se tourna vers Daisuke qui déclara :
- Nous attendons l'équipe scientifique. Elle ne devrait plus tarder.
Toshi acquiesça et alors qu'il s'apprêtait à s'en aller, Hyde lui demanda :
- Qui assure l'intérim ?
- Moi, répondit le chanteur sans se retourner.
Lorsqu'ils se retrouvèrent seuls, Daisuke se tourna vers son mentor et lui demanda :
- Tu crois qu'il est derrière tout ça ?
- J'espère que non, sinon j'aurais fait le déplacement pour rien, rétorqua Hyde en reportant son attention sur le cadavre.
Daisuke lui tendit une paire de gant et le médecin les enfila avant de soulever la manche droite du kimono de Kyoko. Le mot "Whore" avait été gravé dans sa chair. Hyde examina son bras gauche et y découvrit le mot "Devil".
- Ça a été fait post mortem ? Demanda Daisuke.
- Non.
- Tu penses à un règlement de compte ?
- Il est encore trop tôt pour le dire.
- Je vais faire le nécessaire pour que tu sois nommé consultant sur cette affaire.
- Si tu veux mais si tu n'y vois pas d'inconvénient, Kaoru travaillera également sur cette affaire.
- Dois-je être jaloux ?
- Évidemment, se moqua Hyde en souriant largement. Tiens, c'est l'adresse de l’hôtel dans lequel nous sommes descendus.
- Nous ?
- Kaoru et moi voyons.
- Je vais vraiment finir par être jaloux, soupira Daisuke en rangeant la petite carte dans la poche intérieur de sa veste. Je vous ferais porter une copie du dossier.
- Merci.
- Non merci à toi d’être venu.
*
Kyo raccrocha et posa son téléphone portable sur la table du salon avant de relever lentement les yeux vers l’homme qui s’activait dans l’espace cuisine. Kaoru était en train de leur préparer du thé ainsi qu’une collation. Kyo n’avait pas le cœur à manger. Son estomac lui faisait trop mal et cette douleur n’était rien en comparaison de ce qu’il ressentait au fond de son cœur. Il avait envie d’hurler son désespoir et sa haine. Alors qu’enfin ils allaient former une vraie famille, voilà que Kyoko s’enfuyait à nouveau et cette fois-ci, Kyo ne pouvait pas la rejoindre. Il aurait pu mais Kaoru était revenu comme pour l’empêcher de commettre l’irréparable.
Le brun lui adressa un sourire rempli de tendresse et le chanteur ne put s’empêcher d’y répondre. Malgré la distance, malgré les années et après tout ce qu’ils avaient traversé, ils s’aimaient encore. Comment était-ce possible ? Et s’il s’était depuis toujours trompé de bataille ? Kyo avait passé sa vie à courir après Kyoko dans l’espoir qu’elle admette leur lien de parenté. Peut-être était-ce après Kaoru qu’il aurait dû courir.
L’ancien inspecteur vint s’asseoir à côté de lui et lui tendit un mug chaud. Kyo ne le porta pas à ses lèvres mais garda la tasse chaude entre ses mains. Cette chaleur avait quelque chose de réconfortante.
- Tu as réussi à avoir ton père ?
- Sakurai prend l’avion ce soir. Il devrait normalement arriver demain en fin de journée.
Kaoru acquiesça. C’était une bonne chose. Kyo avait besoin de soutien mais surtout, il devait être entouré par des personnes qui l’aimaient.
- Kaoru, pourquoi es-tu revenu ?
- Pour toi.
Kaoru posa sa main sur son genou et Kyo sourit faiblement. Il aurait aimé lui demander comment il avait su mais il n’osa pas. Il n’était pas prêt à entendre son histoire. Il ne voulait pas encore savoir ce qui lui était arrivé ces dernières années. Tout ça ne comptait pas. Le plus important, c’était qu’il soit aujourd’hui avec lui.
- Et ta fille ? Murmura faiblement le blond.
- Elle va bien.
Où était-elle ? Kyo n’osa pas le demander, il reposa plutôt son mug sur la table basse en verre et s’enfonça dans le canapé. Kaoru passa un bras autour de ses épaules avant de déposer un tendre baiser sur sa tempe. Kyo ferma les yeux et laissa son amant l’attirer contre lui. Autrefois il aurait sans doute fait des manières et l’aurait même repoussé, mais ils avaient perdu trop de temps et il ne voulait pas reproduire les mêmes erreurs.
- Je t’aime, murmura le brun en resserrant ses bras autour de lui. Je t’aime tellement.
- Moi aussi, souffla le blond.
Une larme roula sur la joue de Kyo. Il aurait dû être heureux, mais il ne l’était pas. Kyoko était morte, emportant avec elle ses secrets. Elle l’avait encore abandonné et cette fois-ci pour de bon.
- Je te jure que je retrouverais celui qui a fait ça, murmura Kaoru. Je te le jure.
Kyo ne répondit pas. Il se contenta de se blottir contre lui jusqu’à ce que le sommeil ne l’emporte. Kaoru de son côté, continua de lui caresser le dos et les cheveux, se promettant silencieusement de ne plus jamais l’abandonner.
Un bruit de clé précéda l’ouverture de la porte d’entrée. Kaoru tourna la tête et vit Toshi se glisser dans l’appartement. L’ancien inspecteur savait très exactement qui il était. Ils s’étaient rencontrés il y a longtemps au Japon et ne s’étaient pas revus depuis.
- Comment va-t-il ? Demanda le chanteur brun en s’asseyant dans le fauteuil qui leur faisait face.
- Comment voulez-vous qu’il aille ? Rétorqua un peu froidement Kaoru.
- C’est bien que vous soyez revenu.
- Vous ne semblez pas surpris.
Toshi se contenta de sourire légèrement. Kaoru le fixa longuement, le détaillant et cherchant à sonder ses pensées. Cet homme était décidément bien étrange et l’ancien inspecteur avait du mal à le cerner. Cependant une chose était certaine, il ne lui faisait pas confiance.
- Racontez-moi ce qu’il s’est passé.
- Par où commencer ? Soupira Toshi.
- Par ce qui vous semble être le début.
- Kyo et moi revenions d’un voyage d’affaire.
- D’un voyage d’affaire ?
- Oui, la maison de production de Kyo marche plutôt bien.
- Et vous, que faites-vous dans cette entreprise ?
- Je me contente de le conseiller, déclara Toshi en esquissant un petit sourire qui éveilla la méfiance de son cadet.
Quel genre d’influence exerçait cet homme sur Kyo ? Kaoru commençait à regretter d’être parti si longtemps. En effet son sixième sens lui murmurait de se méfier de lui.
- Nous devions retrouver Kyoko ici. Nous n’avons pas réussi à la joindre du week-end et puis Kyo a reçu un message.
- Quel genre de message ?
- Un mail de Kyoko lui demandant de la rejoindre dans cet immeuble en travaux. Le reste, vous le connaissez. Nous avons immédiatement appelé la police.
- Et vos hommes.
Un nouveau sourire se dessina sur les lèvres du chanteur brun.
- Ce ne sont pas mes hommes, rectifia Toshi. Je ne suis personne pour le clan.
- Juste le géniteur de l’héritier.
- Vous semblez bien renseignés Kaoru. Vous semblez en savoir bien plus que Kyo lui-même. Est-ce le clan Luo qui vous a raconté tout ça ?
- Je n’appartiens pas à ce monde.
- Moi non plus.
- Et je ne connais pas la famille Luo. Je ne fais qu’accompagner Hyde dans certains de ses déplacements. Vous vivez ici ?
- Oui et non.
- Kyoko et Kyo vivent ici... Quel genre de relation entreteniez-vous avec elle ?
- Nous étions amis.
- Et son mari, Akira ? Vivait-il ici ?
- Je ne sais pas.
- Vous ne savez pas ?
- Il a disparu.
- Depuis combien de temps ?
- Je ne sais pas.
Kaoru se crispa tout en se mordant la langue pour ne pas perdre son calme. Toshi ne lui disait pas tout. Il ne lui mentait pas non plus mais jouait volontairement les imbéciles. Avait-il tué ou fait tuer Kyoko ? Il était trop tôt pour le dire.
- Kyo ne prendra jamais la tête du clan des démons et ne deviendra jamais le prochain Diable Rouge, déclara froidement Kaoru. Moi vivant, cela n’arrivera jamais.
Toshi se contenta de sourire. Exaspéré, Kaoru prit une profonde inspiration pour tenter de garder son sang-froid.
- Il parait qu’on disait la même chose de Kyoko, murmura finalement le plus vieux.
Le visage de Kaoru s’assombrit alors que ses bras se resserraient autour de son amant endormi, comme pour le protéger de ce prédateur qui leur faisait face.
- Je ne souhaite pas non plus que mon fils devienne le prochain Diable Rouge. Malheureusement ce n’est pas moi qui décide. Je ne suis rien dans ce clan. Je ne suis personne. Juste un musicien tombé amoureux de la mauvaise personne.
Quelque chose sonnait faux dans la déclaration de Toshi. Malheureusement il ne laissa pas à Kaoru le temps de lui poser d’autres questions car il se leva en déclarant qu’il avait à faire avec les formalités relatives aux derniers évènements. Parlait-il des obsèques de Kyoko ou bien de la réorganisation de la branche américaine du clan des démons ?
À peine Toshi avait-il quitté l’appartement, que le portable de Kaoru vibra. L’inspecteur poussa un profond soupir. Il n’avait pas besoin de regarder le numéro pour connaître l’identité de l’homme qui l’appelait.
- Hyde, murmura Kaoru en décrochant.
- Tu peux parler ?
Kaoru jeta un coup d’œil à son amant qui dormait profondément contre lui.
- Attend, fit l’ancien inspecteur.
Hyde ne répondit pas. Kaoru posa son téléphone sur la table basse, le temps de se détacher de l’étreinte de Kyo sans le réveiller. L’ancien policier reprit ensuite son téléphone et sortit sur la terrasse.
- C’est bon, déclara Kaoru.
- Alors c’était comment avec beau-papa ?
- Comment tu sais ça, toi ?
Hyde se contenta de ricaner à l’autre bout du fil, ce qui agaça un peu l’ancien policier qui commençait à le connaitre.
- Que sais-tu du clan des démons ? Demanda Kaoru.
- Vaste sujet !
- Tu les connais bien, non ?
- Oui et non. J’ai passé un été chez le Diable Rouge quand j’étais adolescent. Je te montrerais les cicatrices qu’il m’a laissées…
- Sans façon et c’est totalement hors sujet.
- Disons que c’est révélateur du personnage.
- Qui est actuellement le Diable Rouge ?
- Personne. Le Diable n’a pas d’existence propre. C’est le mal incarné. Il n’est qu’un masque et une perruque. Celui qui les porte importe peu.
- Tout ça est beaucoup trop compliqué pour moi, soupira Kaoru.
- Kaoru n’oublie pas pourquoi tu es ici.
- Pourquoi fais-tu ça, Hyde ?
- Tu devrais le savoir depuis le temps.
Kaoru ne répondit pas. Hyde raccrocha. Lorsque Kaoru se retourna pour entrer dans l’appartement, il trouva Kyo appuyé contre le chambranle de la porte fenêtre ouverte. Les deux hommes se fixèrent en silence. Depuis combien de temps le blond était-il là ? Qu’avait-il entendu exactement ? Dans le fond, ça n’avait aucune importance car Kaoru ne voulait plus avoir de secret pour lui. Si Kyo lui posait des questions, il lui répondrait en toute sincérité et peu lui importait les conséquences.
- Combien y en a-t-il eu ? Demanda finalement le chanteur.
Kaoru hésita. Il n’était pas vraiment certain de savoir de quoi Kyo voulait parler même s’il s’en faisait une vague idée. Kyo le regarda avec insistance de l’ancien inspecteur comprit.
- Personne qui n’ait vraiment compté, répondit simplement Kaoru.
- Pour moi c’est pareil, se contenta de répondre Kyo en se détachant de l’encadrement de la porte fenêtre.
Kaoru déglutit difficilement. La réponse de Kyo lui avait fait plus mal qu’il ne l’aurait cru. Il tenta toutefois de passer outre et suivit son amant à l’intérieur. Ce qui avait pu se passer lorsqu’ils étaient loin l’un de l’autre ne comptait. Seul leur amour avait de l’importance.
Kyo s’arrêta devant la porte de la salle de bain. Il pressa l’interrupteur puis adressa un regard à Kaoru, comme s’il était surpris qu’il ne le suive pas. Le brun esquissa un léger sourire puis le rejoignit. Lorsqu’il entra dans la salle de bain, il trouva Kyo assis au bord de la baignoire. Il était en train de leur faire couler un bain. Kaoru referma la porte. Le chanteur ne releva pas les yeux vers lui. Il se contenta de sourire légèrement tout en jouant du bout des doigts avec l’eau qui montait doucement dans la baignoire. Elle était chaude et agréable. Kyo ouvrit en flocon bleu et laissa couler le savon moussant. Bientôt une épaisse mousse recouvrit la totalité de la baignoire et le blond coupa l’eau. Il retira son t-shirt puis son jeans, sous le regard avide de Kaoru qui ne l’avait plus revu nu depuis des années. Cette perspective fit d’ailleurs naitre une agréable tension au niveau de son entrejambe bien que la situation ne s’y prêtait pas vraiment.
Le dos de Kyo était intégralement tatoué. Kaoru n’y avait pas immédiatement prêté attention, mais à mesure qu’il observait son amant, un nœud commença à se former au creux de son estomac. Certains tatouages lui semblaient familiers. Certains faisaient référence au clan des démons. Kaoru devint blanc. Il arrivait trop tard. Kyo avait déjà un pied dans le milieu. Peut-être même depuis sa rencontre avec Toshi. Mais en était-il réellement conscient ?
C’est un bruit d’eau qui sortit Kaoru de ses réflexions. Kyo l’observait avec surprise et inquiétude. Kaoru revint à la réalité. Il avait raté le plus intéressant. Tant pis, il se rattraperait plus tard. Kyo s’installa un peu plus confortablement et admira le spectacle que lui offrait son amant en retirant ses vêtements. Kaoru se sentit un peu gêné d’être ainsi épié notamment lorsqu’il retira son sous-vêtement. Kyo étira largement ses lèvres et son amant se dépêcha de le rejoindre dans l’eau moussante. Kaoru s’installa d’abord en face du blond qui ne tarda pas à venir s’assoir contre lui. Le brun referma ses bras sur lui et les deux hommes restèrent enlacés sans rien se dire. Ce n’était pourtant pas l’envie qui manquait à Kaoru de lui poser des questions sur ce qu’avait été sa vie ces dernières années mais aussi et surtout sur ses tatouages. Kyo avait également son lot de question mais n’arrivait pas à se défaire de l’image de Kyoko pendue au milieu de cette pièce, portant un masque de démon et une perruque rouge.
- À quoi penses-tu ? Murmura Kaoru à son oreille.
Kyo se contenta de sourire légèrement avant de lui répondre :
- À tellement de chose !
- Je t’aime Kyo.
- Je sais.
- Quoi qu’il arrive, je t’aimerais toujours.
Le brun déposa un baiser contre sa tempe et le blond ferma les yeux, en sentant ses lèvres contre sa peau.
- Tu vas vraiment enquêter ? demanda finalement Kyo.
- Je ne suis pas très doué mais je le ferais.
- Ne dis pas n’importe quoi. Tu es le meilleur enquêteur que je connaisse.
Kaoru se contenta de sourire légèrement. Ce n’était pas vrai. Il avait été un piètre flic, incapable de voir que son meilleur ami était un psychopathe de première. Peut-être s’était-il un peu trop avancé en promettant à Kyo la tête du meurtrier de sa mère. Quoique… Hyde était cette fois-ci dans leur camp… Mais pouvaient-ils vraiment compter sur lui ? Kaoru n’en était pas certain. Malgré le temps qu’il avait passé à ses côtés, il n’était jamais vraiment parvenu à saisir complètement le personnage ni à comprendre ses réelles motivations. Hyde ne semblait répondre à aucune logique et Kaoru était chaque fois surpris par ses différentes implications mais également par ses agissements.
- Il s’est passé beaucoup de chose pendant ton absence, reprit Kyo.
- J’imagine. Il parait que tu es devenu un homme d’affaire maintenant.
- Je fais toujours de la musique.
- Mais moins qu’avant.
- C’est vrai.
Il y eut un blanc avant que Kyo ne lui demande :
- Tu crois que je me suis trompé ?
- À quel sujet ?
- Tout.
Kaoru poussa un profond soupir avant de lui dire :
- Je crois que toi et moi avons fait beaucoup d’erreur mais que rien n’est irréparable.
- Tu vas rester cette nuit ? Demanda Kyo avec une certaine hésitation.
- Cette nuit et toutes les autres, répondit simplement le brun en resserrant ses bras sur son amant.
Kyo ferma les yeux et savoura cette étreinte. C’était tout ce dont il avait besoin pour oublier Kyoko.
