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Jour de noces

Summary:

Quand Byakuya est poursuivi par son grand-père pour trouver une épouse et tenir ses devoir de chef de clan (et donc avoir une descendance), il se contente d'expliquer qu'il est déjà marié. Mais quand il montre la porte pour annoncer son épousée, ce n'est pas Soi-Fon (qu'il espérait bien convaincre de jouer le jeu quelques temps) qui la franchit mais... Kenpachi. Qui de façon aussi surprenante qu’inattendue prend le train en marche.
Et c'est à partir de là que la situation devient étrange : pourquoi est-il plus facile au chef de clan de passer du temps avec celui que tout le monde ne voit que comme un barbare ? Et comment se fait-il que ce petit bourgeois de rien du tout, pédant et prétentieux, s'avère en réalité bien plus abordable quand on gratte un peu le vernis à la surface ?

ATTENTION !! Ceci est une fic née du premier confinement parce qu'il fallait bien s'occuper les mains en télétravail et... Elle a clairement fait sa vie toute seule...

[update tous les mardis]

Notes:

Au départ ça se concentre surtout sur Ken-chan et Bya-chan. Les autres couples viendront plus tard.

(See the end of the work for other works inspired by this one.)

Chapter Text

Kuchiki Byakuya, Chef du Clan Byakuya et, tout étant, troisième noble le plus important du Seireitei, attendait froidement que les conversations autours de lui veuillent bien se taire. Depuis la mort de son épouse, il était, aux yeux de sa famille, un célibataire endurci qui avait même adopté la sœur de son épouse pour en faire son héritière. Ce qui ne plaisait pas du tout à la majorité du clan. Leur sang était pur ! Pas issu des bas-fonds. Alors voir cette parvenue entrer dans leur clan ??? C'était ridicule. En faire une noble ? Pire encore. Mais l'héritière ??? Non, non, non… Il fallait y faire quelque chose.
Le capitaine du sixième régiment des shinigamis gardait son calme. Jusque-là, il avait toujours pu renvoyer dans l'insignifiance ce genre de délires récurent du reste de sa famille. Il ne voyait pas pourquoi ce ne serait pas le cas cette fois.

"- Et bien cousin, produisez un héritier et je le prendrai pour le clan." Proposa finalement Byakuya qui commençait à s'agacer.

Il commençait à se faire tard, ses hommes l'attendaient. Il avait promis à Renji de s'entraîner un peu avec lui sur son Bankai, sa sœur avait insisté pour dîner avec lui. Non vraiment, il n'avait que faire des couinements de ses oncles, ses tantes, ses cousins et surtout, son grand-père. Le vieil homme, toujours aussi constipé, le fixait du coin de l'œil avec quelque chose qui commençait à l'inquiéter. Qu'est-ce que ce vieux fou avait en tête ?
Si le capitaine était toujours aussi mesuré qu'avant, sa rencontre avec Ichigo lui avait fait réaliser pas mal de choses. Avec le temps, si le jeune humain l'agaçait toujours autant, l'irritation s'était matinée d'un certain amusement un peu attendri. A présent, il le tolérait même avec une aisance assez remarquable. Évidemment, il ne l'aurait jamais avoué. Ni ne l'aurait jamais montré au premier concerné.

"- Pouvons-nous en rester là pour aujourd'hui ? J'ai à faire." finit par réellement s'agacer le capitaine, frappant de stupeur le reste du clan.

Normalement, personne ne les empêchait de pérorer jusqu’à plus soif. QUI avait donné autant de répondant au jeune chef de clan ? Il était là pour dire oui aux décisions de son grand père, rien de plus. S'il commençait à prendre de l'indépendance, il était effectivement plus que temps de lui rappeler sa place. Un mariage serait un bon début.

***

Loin, très loin de ce genre de considérations pour le moins abstraites, c'est un Kenpachi content qui reposait, la tête appuyée sur une main, le coude dans un coussin, avec une coupe de saké dans l'autre main. Il regardait sa petite Yachiru embêter Ichigo qui était venu en visite avec ses congénères. Il aimait bien les humains. Non seulement ils étaient forts mais en plus, ils étaient de très bons amis pour la fillette. Ils lui ouvraient d'autres perspectives, et lui permettaient de connaître autre chose que le Seireitei. Et puis... Bon d'accord : ça lui permettait de rester un peu au calme aussi. Quand Yumichika et Ikkaku n'était pas la cible de sa petit tornade adorée, c'était lui qui était en première ligne. Ça faisait des victimes fraîches. Tout le monde en bénéficiait il fallait être honnête. Et puis... Ichigo avait l'air de bien s'amuser aussi ! Et ses amis avec. Enfin sauf Orihime qui restait sagement sur le côté avec lui, assise sur un coussin. Elle observait la joyeuse troupe avec un petit sourire satisfait avec un soupçon d'autre chose...
Curieux, il l'observa avec un peu plus d'attention, puis suivit son regard. Et il n'eut pas besoin d'aller très loin pour voir sur qui il se portait exactement... Il masqua son sourire dans sa coupe de saké. Tiens donc ! Il avait manqué ça lors de leurs précédentes visites. A moins que ça ne soit nouveau ? Il faudrait qu'il en touche deux mots à Yumichika. Cette vieille commère serait aux anges d'avoir quelques ragots neufs à se mettre sous la dent. Et avec un peu de chance il arrêterait de vouloir lui présenter des gens. C'était une attention touchante de sa part il ne le niait pas ! Mais il n'en avait pas besoin. S'il voulait de la bonne compagnie il savait où aller. Et contre une rétribution sonnante et trébuchante, personne n'avait à faire semblant de ne pas le trouver affreux. De ne pas avoir peur de lui. D'avoir envie de lui faire la conversation.
Là où il allait, on le regardait à peine, il prenait ce qu'il était venu chercher et il rentrait chez lui aussi discrètement qu'il en était sorti. Pourquoi y mettre plus de forme que ça ? Ce n'était qu'un échange commercial et il n'y avait ni sourire crispé, ni petit rire gêné, et pas d'excuse à trouver pour partir au plus vite et ne plus jamais croiser sa route. Ça lui convenait très bien. Et si Yumichika roucoulait comme une tourterelle avec Ikkaku il était très heureux pour eux. Il savait juste que ce genre de chose n'était pas pour lui.
La seule qui avait de l'importance aux yeux du grand capitaine de la onzième division, c'était sa petite tornade. Son sourire, ses rires, sa joie de vivre, et son énergie débordante. Il ne voulait jamais la voir autrement que comme elle était, maintenant, à poursuivre des humains et à être poursuivie en retour, dans de grands éclats de joie insouciante. Il y avait bien longtemps que sa petite Yachiru ne l'était plus, mais tant qu'il pourrait lui offrir des parenthèses comme celle-ci alors tout irait bien.

"- Tout va bien Zaraki-san ?" demanda soudain Orihime.

Elle n'avait pas aimé l'ombre qui était soudain passé sur le visage de son silencieux comparse de l'après-midi.
Elle fut presque rassurée quand il arbora l'instant d'après cette mine de matou roublard.

"- Je me disais juste que Ichigo est un parfait compagnon de jeu pour Yachiru. Et Ishida et Chad aussi."
"- Oui je suis sûre qu'ils s'amusent beaucoup !" confirma la jeune femme.

Si les trois autres l'avaient entendue ils auraient certainement réfuté le point. Mais ils étaient trop occupés à fuir devant la tornade armée d'un feutre indélébile pour se soucier des discussions qui se tenaient un peu plus loin.

***

Enfin de retour dans les baraquements de sa compagnie, Byakuya put se permettre de soupirer de soulagement. Son aide de camp lui apporta rapidement du thé avec des petits gâteaux qu'il grignota gentiment en surveillant l'entraînement de l'après-midi de ses hommes. Renji faisait un travail honorable à ce poste de lieutenant. Lui qui l'y avait mis plus pour le voir se bananer qu'autre chose au début était très content de s'être trompé et qu'il ait prit les épaules nécessaires (et le cerveau aussi, un peu, il fallait être honnête) pour ça. Encore un que sa rencontre avec Ichigo avait émancipé de beaucoup de choses.
Un petit sourire définitivement malsain lui monta aux lèvres. Ses hommes eurent un frisson devant ce sourire bien hors de caractère. Non, il ne ferait pas d'Ichigo l'héritier du clan. Pas si on lui fichait la paix en tout cas. Quoi que… S'il mariait Rukia… Non, il ne ferait pas ça à sa sœur. S'il n'avait aucune envie de servir d'étalon pour les intérêts du clan, il n'allait certainement pas imposer ça à la jeune femme. En plus, quelque chose lui disait qu'il se prendrait une mandale du jeune rouquin, une seconde de son lieutenant, que sa sœur le finirait probablement avec une chaise et pire que tout, qu'il devrait subir le regard déçu et réprobateur de Ukitake. Bref.
Une fois son en-cas fini, il dégaina Senbonzakura.

"- Renji."

Le lieutenant renvoya ses hommes à leurs occupations post entraînement. Le rouquin était toujours incroyablement fier de son statut. Et que son capitaine l'appelle par son prénom. Flûte quoi ! Jamais ça n'aurait dû arriver. A moins que son capitaine le considère comme un chiot courant… Nan, il avait gagné son respect, il en était presque sûr. Et c'était pour ça qu'il lui faisait confiance et l'appelait par son prénom.
Le lieutenant de la sixième division ne réaliserait sans doute jamais que c'était l'exacte vérité. Son supérieur lui faisait une totale confiance à présent. Sans doute pour ça qu'il ne l'avait pas encore éventré quand ils allaient se balader dans le rugonkai avec sa sœur. Mais ce n'était pas la question.
Byakuya du retenir un grognement d'irritation. Il détestait de plus en plus les heures passées avec le conseil de famille de son clan. A chaque fois, il se perdait en introspection pendant des heures après. Comme s'il n'avait que ça à faire.

"- Capitaine ?"

Byakuya attaqua sans rien dire. Renji s'y attendait. Il avait maintenant l'habitude que son capitaine se passe en partie les nerfs sur lui quand il revenait de son clan. Ça ne le dérangeait pas vraiment. C'était une preuve de confiance supplémentaire après tout. Il serait une loque d'ici deux heures mais c'était toujours une délicieuse fatigue. Il aurait le temps de récupérer avant la réunion des lieutenants le lendemain. Elle avait lieu pendant celle des capitaines. Heureusement, eux ne passaient pas deux heures debout à se faire traiter comme des gamins par le capitaine général.
Un sifflement lui échappa soudain. Le capitaine était énervé ce soir. Suffisamment pour l'avoir blessé légèrement. Ils allaient éviter le bankai hein… En plus, Byakuya allait s'en vouloir s'il l'amochait vraiment. Renji connaissait assez son chef pour le savoir maintenant.
Un sourire un peu idiot apparut sur ses lèvres avant de disparaître quand il se mangea le poing ganté du noble dans la face.

"- Si tu as le temps de sourire, c'est que tu ne t'entraînes pas assez."

Ah… Merde… Bankai donc. Flûte. COURIR !!!!

***

La soirée au quartier général de la onzième division ne fut pas très différente des autres. Il y eut beaucoup de sake, des bagarres, de quoi nourrir bien plus de monde que les convives présents, le tout dans un bazar joyeux coutumier de la troupe.
Le seul qui restait à peu près sage c'était Kenpachi : pas question d'avoir des mineurs saoules sous son toit ! Il veillait donc à ce qu'aucun de ses hommes ne tente une blague stupide, même s'il était plutôt confiant, et se contentait de présider l'assemblée d'un œil attentif, au moins pour éviter les quelques projectiles improvisés qui passaient par là.
Il avait proposé le gîte et le couvert aux adolescents quand le soleil avait commencé à décliner à l'horizon. Yachiru avait aussitôt bondi de joie et décidé qu'elle partagerait son futon avec Orihime. La jeune humaine avait accepté avec plaisir et face à elles, personne n'avait le cœur – ni le courage – de contester.
Il observait le bazar ambiant quand il sentit un regard appuyé sur sa personne. Il tenta bien de l'ignorer un moment mais il savait que c'était peine perdue.

"- Vous auriez pu en profiter pour sortir un peu Taichou," glissa Yumichika quand il fut certain d'avoir toute l'attention de son capitaine, même s'il n'avait pas bougé d'une clochette. "J'ai une amie qui–"
"- Ça ne se fait pas de partir quand il y a des invités," esquiva-t-il aussitôt. Ne pouvait-on lui fiche la paix un peu ? "Et je n'ai pas besoin de compagnie, Yumichika."
"- Tout le monde a besoin de compagnie. Les humains – et les shinigami – ne sont pas faits pour rester seuls."
"- Chaque règle a son exception," trancha-t-il avant d'ajouter, un peu fourbe. "Mais qui est-ce qui s'est installé sur les genoux d'Ikkaku, je ne vois pas très bien d'ici..."

La technique était basse et fourbe, mais tellement efficace que Kenpachi n'avait aucun scrupule à en user : à peine ces quelques mots quittaient-ils sa bouche que Yumichika filait bille en tête à l'autre bout de la salle pour récupérer son compagnon (qui n'avait personne sur les genoux mais ce n'était qu'un détail).
A nouveau seul, Kenpachi eut un petit soupir soulagé, mâtiné d'un rien de mélancolie. Peut-être que Yumichika avait raison. Ou peut-être pas. En attendant, il serait bientôt l'heure de coucher Yachiru : elle avait déjà baillé deux fois à s'en décrocher la mâchoire et ne quittait pas le giron de Orihime. C'était bien la preuve que cette journée à jouer arrivait à sa fin.

***

Une fois la nuit tombée, Byakuya quitta les locaux de sa division pour retourner à la maison de son clan. Son grand-père l'exigeait de plus en plus. Le vieil homme réalisait que son petit-fils prenait son indépendance et n'aimait pas ça du tout. Il avait commencé à s'en rendre compte quand le jeune capitaine avait pris son actuel lieutenant sous ses ordres sans lui en parler. Ce n'était pas le shinigami que Ginrei Kuchiki voulait voir second à la tête de son ancienne division. Il s'était même emporté contre son petit-fils qui n'avait rien dit avant de retourner à sa division. Il avait cru qu'il avait compris mais le gamin continuait sa rébellion discrète. Le jeune homme qu'il voulait voir à ce poste avait été envoyé à un poste "intéressant" sur terre. Et dans une autre division. Aucune chance évidement de relier ça à son petit-fils mais le vieux shinigami était sûr que Byakuya était responsable.

"- Bonsoir grand- père."
"- Byakuya. Tu rentres tard !"
"- J'ai des responsabilités."
"- Envers ton clan !"
"- Envers le Seireitei et encore ma division aussi."

Le calme presque placide de son petit-fils irritait de plus en plus Ginrei. Depuis quand ne baissait-il plus les yeux hein ?

"- Le dîner est servi ?"
"- Dans un instant, seigneur Kuchiki." Assura un serviteur au jeune chef de clan.

Satisfait, Byakuya alla se changer sans attendre davantage. Son uniforme lui irritait la nuque depuis quelques jours. Sans doute l'usure des années. Il allait devoir le faire remplacer.
Un peu scandalisé, l'ancien chef de clan réalisa qu'il venait de se prendre un vent monstrueux. Son petit-fils l'avait tout simplement ignoré. Bégayant d'outrage, il alla s'installa à la salle de dîner pour commencer sans lui. Ou tout au moins aurait aimé ! Depuis quand on ne servait pas avant l'arrivée du chef de clan ??
… Ah oui… Il ne l'était plus depuis des années.
Encore plus irrité, il attendit le retour de son petit-fils pour se lancer dans sa nouvelle marotte du moment.

"- J'ai invité des filles de la noblesse pour la fin de semaine."
"- Je suis occupé. Et peu intéressé."
"- Byakuya. Le clan–"
"- Va très bien, merci pour lui. Je suis en mission ce week-end. Je m'occuperai de ça quand ce sera nécessaire." Donc sans doute jamais. "Pour l'instant, j'ai eu une rude journée et demain la réunion mensuelle des capitaines. J'aimerai une soirée tranquille pour changer."

Le ton était toujours aussi calme bien qu'un peu sec aux entournures. Le reste du clan fit le gros dos. Ce n'était pas le moment de la ramener dans ce qui allait probablement finir en dispute entre l'ancien et le nouveau chef de clan.

"- Byakuya. Ton père–"
"- Est mort et enterré."

Le sifflement du jeune capitaine calma toute velléité de protestation de Ginrei. Il savait reconnaître une maladresse de sa part. Ça ne ferait qu'envenimer les choses. Il se contenterait de contacter le capitaine général et de lui demander que son petit-fils soit remplacé pour le week-end. Il devait se marier ! Le vieux général pouvait comprendre les histoires de clan.
Agacé, Byakuya finit rapidement son dîner avant de se retirer. Son épouse lui manquait. Il l'avait aimé comme une amie avant tout. La solitude lui pesait parfois.

***

Comme souvent après les soirées agitées, le petit déjeuner de la onzième division se déroula dans un calme relatif. L'heure matinale aidait sans doute aussi mais il y avait réunion des capitaines et il n'était pas question d'être en retard. Enfin pas trop.
Kenpachi mettait un point d'honneur à toujours arriver parmi les derniers. Ça agaçait les premiers de la classe, et on le jugeait inapte et manquant de sérieux pour des missions de première envergure. Ce qui l'arrangeait bien parce qu'il n'aimait pas partir en mission et laisser ses troupes sans surveillance. D'autres auraient dit "sans protection" mais Zaraki n'était pas du genre à protéger ses hommes, ce n'était pas du tout son style, c'était une évidence.
Il prit donc son temps pour se restaurer, aller prendre un bain et se préparer. Il jeta un coup d’œil mais quand vint l'heure de partir Yachiru et Orihime n'étaient plus dans la chambre de la petite. Elles avaient dû filer aux bains pendant qu'il se préparait.
Il quitta donc son chez lui d'un pas paisible et très calculé, qui le ferait arriver bon dernier. Et plus il y pensait plus il en était satisfait ! Il n'avait jamais aimé les réunions de toute façon…

Byakuya avait quitté son clan un peu en retard. Rien, heureusement qu'un ou deux shunpo ne puisse rattraper évidemment mais ça l'irritait. Son cousin lui avait tenu la jambe jusqu'à ce qu'il soit presque en retard. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Mais il était à peine l'heure du thé qu'il était déjà irrité. Cette journée sentait déjà mauvais. Heureusement, il avait au moins évité son grand père. Il ne savait évidemment pas que ledit grand-père s'était présenté à l'aube devant le capitaine général pour lui demander de libérer son petit-fils de ses obligations pour le week-end. Le gamin devait rencontrer des demoiselles pour en choisir une à marier. C'était important quand même. Le vieux général, les yeux toujours au trois quart clos, avait accepté la demande de quelques oui dans les blancs, à la grande satisfaction de Ginrei. Lorsque l'ancien chef du clan Kuchiki était parti, le capitaine de la première division avait finalement penché la tête vers son lieutenant.

"- Et il voulait quoi exactement ?"
"- … Qu'on libère le jeune Kuchiki pour une histoire de mariage je crois…"
"- … Pas écouté non plus hein ?"
"- Vous me connaissez si bien, Capitaine."

Les deux hommes se connaissaient depuis bien avant que l'intégralité de tous les actuels capitaines ne viennent au monde.

"- On verra bien. Allons-y."

Sinon, c'était lui qui allait finir par être en retard.

***

Kenpachi jeta un regard à l'extérieur du hall de réunion. Dehors ne restait plus que quelques servantes, Soi Fon et Komamura. Il était donc temps de se montrer. Toujours tranquille, il s'avança pour regagner la salle et laisser le temps aux deux autres dehors de rentrer avant lui. En plus il profitait un peu plus longtemps du beau soleil qui brillait. Après des jours de grisaille c'était agréable.
A l'intérieur, l'ambiance était loin d'être au beau fixe. Chacun grignotait un biscuit ou sirotait une tasse de thé, les petits groupes se formant naturellement par affinité. Et au milieu de cette paix apparente, Yama-ji assurait à Byakuya qu'il était évidemment relevé de ses obligations du week-end à venir : un mariage était prioritaire sur les missions.

"- Un… Mariage ? Mon Mariage ?"
"- Tout mes félicitations," réitéra le capitaine de la première division, peu concerné par la mine ahurie du jeune shinigami en face de lui.
"- Mais il n'est pas question de me marier !"
"- Qui va se marier ?" demanda Kyoraku dont les oreilles traînaient toujours au mauvais endroit au mauvais moment.
"- Kuchi–"
"- Personne." coupa le capitaine de la sixième division en haussant un peu le ton. "De toute façon je suis..." Et maintenant que toute l'attention de Yama-ji, et pas que la sienne, était sur lui, il dut improviser. "Je suis déjà remarié. Avec…"

Il perçut une voix féminine qui se rapprochait. Il n'était pas certain de la reconnaître, mais elle ressemblait bien à celle de Soi Fon et il serait toujours temps d’improviser ensuite. Il se redressa un peu et désigna alors la porte d'un geste très naturel.

"- Je suis déjà marié avec S–"
"- Zaraki ??"

L'exclamation étranglée de Kyoraku lui fit tourner la tête si vite qu'il sentit ses vertèbres craquer. Comment ça Zaraki ? Que venait-il faire dans cette histoire celui-là ? Il comprit immédiatement en voyant le grand capitaine couturé de cicatrices immobile à l'entrée de la salle sous le feu des regards de tous les capitaines déjà présents.
Il y eut un instant de flottement, puis, tous les regards se tournèrent vers lui. Piqué au vif, il resta droit comme un i, et, très sûr de son fait, réitéra le mensonge éhonté en espérant que l'autre abruti ne viendrait pas tout gâcher.

"- Parfaitement. Je suis déjà remarié. Avec Zaraki."

La stupeur s'abattit sur l'assistance comme un nuage de criquets des champs de blé. Plus personne n'osait bouger. Les sourcils de Yama-ji étaient montés si haut qu'ils dépassaient presque son crâne. Quant à ce pauvre Kenpachi, il n'osait pas bouger non plus. Son premier réflexe avait été de demander de quoi il était question mais la stupeur ambiante l'avait retenu de prononcer un son. Et puis… Kuchiki devait sans doute avoir une bonne raison de déclarer une chose pareille. Non ?
Byakuya jeta un regard noir à l'assemblée. Il croisait les doigts que Zaraki se taise, ce qu'il faisait très bien pour l'instant. Pourtant, la stupeur allait probablement finir par s'estomper suffisamment pour qu'il demande des explications. Ou s'énerve.

"- D'ailleurs, si nous en avons fini, nous allons vaquer."

Et lui attrapa le grand machin par le bras et le traîna avec lui. Il s'excuserait une fois qu'ils seraient tous les deux.
Pourquoi diable était-ce tombé sur lui ? Ça n'aurait pas pu être pire ! Mais au moins, avec une mésalliance pareille, son grand-père allait lui ficher la paix. Ou tenter de tuer Zaraki. Ce qui n'avait aucune chance de passer.

"- Viens, Zaraki."

Il lui jeta un petit regard presque suppliant aussi discret que possible. Qu'il se taise et vienne sans discuter, PITIE !
Le grand capitaine suivit le mouvement sans une protestation et parvint presque à avoir l'air naturel et décontracté. Enfin aussi décontracté qu'un fauve puisse en avoir l'air en tout cas…
Il attendit sagement d'être à bonne distance du perron de la longue cour qui menait au bâtiment de réunion avant de prononcer un son.

"- Tu sais que la réunion allait commencer ?" demanda-t-il comme s'il parlait de la météo.

Byakuya se passa une main dans les cheveux, signe évident de sa nervosité et chose qu'il ne faisait jamais.

"- Je sais. Mais là, je m'en fiche." Il prit une grande inspiration. "Merci de ne pas avoir hurlé. Je suis navré de t'avoir embarqué dans cette histoire. C'est un monstrueux malentendu."

Qui l'arrangeait presque quelque part, il fallait être raisonnable. Mais quand même.
Zaraki ne put retenir un petit rire mesquin.

"- Je me doute ! Personne avec toute sa tête ou de façon délibérée n'affirmerait être marié avec moi." Il secoua doucement la tête, tout en continuant à suivre son collègue. "On va où au fait ?"
"- Boire un thé à ma division."

Ça allait ajouter aux rumeurs qui étaient évidemment en train de se répandre mais le jeune chef de clan, plus il y réfléchissait, trouvait l'idée remarquable

"- Je pourrais te trouver du saké à mettre dedans." Avoua-t-il avec un infime sourire en coin.

Le grand capitaine était une créature étrange, souvent dangereuse et carrément impressionnante, mais un Kuchiki n'avait peur de rien n'est-ce pas ? Et puis, il n'allait pas le manger. La retenue dont il avait fait preuve jusque-là avait été remarquable aussi. Il aurait attendu à ce qu'il lui hurle dessus ou l'attaque.

"- Je ne serais pas contre un peu de sake dans le thé alors," acquiesça Kenpachi.

Il n'aimait pas les réunions et avait là une parfaite excuse pour en rater une. Il continua de cheminer près du capitaine de la sixième division avant d'être interpellé par un détail non négligeable de leur petit coup d'éclat improvisé.

"- Et euh... Tu comptes expliquer qu'il y a eu méprise à un moment ou… ?"

Byakuya fit une petite moue bien peu à sa place sur un visage normalement aussi solennel.

"- Je suis obligé ?"

Vraiment, ça l'arrangeait bien.
Une fois dans ses appartements de sa division, il offrit un thé et une bouteille de saké a son hôte. Et il n'avait encore rien cassé ! Son opinion du malade principal parmi ses collègues s'était quelque peu remontée.
Kenpachi assaisonna son thé au jasmin avec parcimonie : l'alcool relevait le goût du thé et le thé rendait le sake un rien plus subtil. Il prenait rarement le temps de faire de tels mélanges, sauf quand il se laissait aller à visiter certaines maisons de thé du rugonkai.
Une fois servi, il apprécia les aromes remontant de sa tasse avant de répondre.

"- Obligé non. Mais si je dois être son époux ? Ton épouse ?" demanda-t-il, avec une drôle de moue sur le visage, "bref si on doit nous considérer comme mariés à partir de maintenant, j'aime autant être au courant."

Il osait tout juste imaginer le scandale que ferait Yumichika si jamais la chose arrivait à ses oreilles. Il estimait avoir entre une et trois heures de tranquillité à partir de sa sortie des quartiers de la sixième division.
Byakuya fixa le grand shinigami avec surprise. Il participera vraiment à cette farce ?? De son plein gré ??

"- …Vraiment ? Pourquoi ? Pourquoi participer à cette supercherie ?" Qu'est-ce que Zaraki avait à y gagner ? "Qu'est-ce que tu voudrais en échange ?"

La suspicion était réelle.
La réponse fut prononcée avant même d'y réfléchir tout à fait.

"- Hmm… Encore de ce délicat thé au jasmin et de cet excellent saké."

Kenpachi prit une gorgée de sa tasse, son seul œil visible clos, et il en ronronna presque. Ce thé était d'une finesse remarquable et le saké n'avait rien à voir avec le débouche latrines qui circulait dans son unité. Il avait connu la rue, la faim et la misère. Connaître un tel luxe à présent, comme il le pouvait avec son rang de capitaine, lui rappelait sa chance. Il savourait d'autant plus le breuvage auquel il avait droit à cet instant. Il prit une autre gorgée qu'il savoura avec la même déférence puis demanda, sans jamais rouvrir son œil.

"- Et toi ? Qu'as-tu à gagner à une telle farce ?"

Byakuya renifla un peu, amusé. Le brutal et dangereux capitaine aimait le luxe finalement ? C'était presque… mignon ? Non, il n'y avait rien de mignon chez Zaraki Kenpachi.

"- Si c'est tout ce que ça me coûte, je veux bien te servir moi-même en thé et en saké pour les siècles à venir." Il n'aimait pas le capitaine de la onzième, mais pour lui rendre ce service… "Ce que j'ai à y gagner ? La liberté…"

La liberté d'avoir la paix. La liberté de pouvoir porter son deuil et peut-être un jour, d'aimer à nouveau.
Malgré tout ce qu'on pouvait lui reprocher… Il avait aimé et refusait de perdre avant même de l'avoir ce qu'il pourrait peut-être retrouver un jour. Si son grand-père avait voulu le marier avant d'avoir rencontré Kurosaki il se serait peut-être soumis. Maintenant ? Non. Le jeune humain avait réveillé quelque chose qu'il avait cru mort avec son épouse. Il refusait de le perdre encore.

"- Hmmm… Eh bien… J'imagine que nous sommes unis pour le meilleur et pour le pire alors," sourit le grand capitaine, en fixant cette fois son comparse, comme il levait sa tasse de thé pour porter un toast.

Byakuya en resta stupéfait une fois de plus.

"- V– vraiment ?" Un petit sourire presque cruel apparu petit à petit sur son visage normalement si froid. "Une alliance qui va être fort cocasse… Merci, Zaraki."

Il n'aurait JAMAIS imaginé une solution aussi hallucinante. Et aussi… gracieuse en même temps. Un petit rire lui échappa soudain qui tenait presque du ricanement.

"- J'espère que tes conquêtes ne seront pas trop jalouses."

Si lui allait se retrouver "hors limite", Kenpachi aussi.
… Avait-il un bracelet de mariage à la taille de l'immense capitaine ? Maintenant que leur "alliance" était "connue", ils n'auraient plus besoin de se "cacher".

"- C'est totalement ridicule."

Et ça le faisait rire sans qu'il n'arrive à se retenir.
Kenpachi afficha un petit sourire alors qu'il continuait à siroter sa tasse de thé. En effet oui, totalement ridicule. Comme si un type comme lui avait une quelconque chance de conquérir quelqu'un comme Kuchiki Byakuya. Qui devait sans doute être plus habitué à des corps souples et doux sous le sien qu'à d'autres plus rudes et anguleux sur le sien…
Mais ce n'était qu'un détail insignifiant. Une comédie, qui durerait autant qu'elle durerait, voilà tout.

"- Ah… Yumichika va tellement me détester…" soupira-t-il soudain, dépité.

Byakuya remplit à nouveau la tasse vide de l'autre capitaine.

"- Yumichika ?"

C'était qui déjà ? Un des gradés de la onzième probablement mais ils ne les connaissaient pas vraiment à part Yachiru. Il adorait la petite fille même si elle était une petite peste. Elle n'était pas dure à calmer. Un gâteau ou des bonbons et ça se passait tout seul.
Kenpachi remercia et dosa son saké avant d'expliquer.

"- Mon cinquième lieutenant. Il est gentil mais parfois…" Le grand capitaine secoua la tête. Inutile d'entrer dans les détails. "Disons qu'il a les meilleures intentions avec un peu trop de curiosité. Quand il apprendra que je suis marié, et à toi par-dessus le marché… Il y a des chances que le scandale dure des heures et me rende sourd à force de hurlements."

Byakuya observa le capitaine de la onzième avec un peu d'étonnement. Où était la brute sans cervelle ?

"- … Et je ne pense pas me tromper en disant que ça a l'air de te faire très plaisir de l'embêter ?" Mais l'heure n'était pas, pour l'instant, a l'amusement. "Et depuis quand sommes-nous mariés ? longtemps ? pas trop ? des questions vont être posées. Il serait préférable d'avoir les mêmes réponses."

Le jeune capitaine n'en finissait pas d'être fasciné. Ça en devenait presque… amusant.
Kenpachi se gratta la tempe du bout de l'index un instant. Il examina les questions de Byakuya une à une, en silence, le regard plongé dans sa tasse de thé amélioré.

"- Pas trop longtemps sinon les gens vont être soupçonneux. Une cérémonie simple, discrète, parmi les mortels. C'est autorisé à certains endroits. Je ferai passer le mot à Urahara, il pourra dire qu'il était notre témoin, s'il faut pousser la mascarade jusque-là. Disons… Ichigo et sa troupe ont débarqué il y a six mois… Disons que nous sommes mariés depuis deux. Assez long pour avoir pu garder le secret, mais pas assez pour que les gens attendent trop de choses. Ça me paraît un bon compromis. Qu'en penses-tu ?"

Byakuya y réfléchit un instant. C'était effectivement logique et sensé. Exactement ce qu'il leur fallait.

"- Pourquoi n'utilises-tu pas plus cet esprit d'analyse au lieu de passer pour une sombre brute sans cervelle ? Mais bon, ça donne une raison de plus pour t'épouser." Non, il n'avait pas dit ça à voix haute. Enfin, pas comme ça. Enfin… Oh et puis flûte. "Enfin, tu m'as compris."

Ça perturbait le jeune capitaine ces stupidités.
Kenpachi eut un petit rire un rien sournois.

"- Et qui te dit que je ne l'utilise pas… ?"
"- Personne ne le voit. Et je suis fort marri de ne pas avoir réalisé avant que tu étais autre chose qu'une simple masse de muscle sans cervelle qui n'aime que taper."

Même si, il ne fallait pas être stupide non plus, ça restait quand même le cœur de métier du onzième capitaine.
Le chef de clan tapa soudain fortement dans ses mains. Un serviteur débarqua rapidement.

"- Va à mes appartements, demande à mon valet de corps la boîte laquée noire qui est au-dessus de ma penderie. Celle avec les grues à tête rouge dessus." ordonna-t-il. Le serviteur s'inclina et fila obéir. "Il sera de retour d'ici une petite demi-heure avec de quoi conforter un peu plus cette histoire."

Il verrait bien jusqu'où Zaraki allait être d'accord pour pousser la blague.
Le grand capitaine acquiesça d'un geste du chef.

"- Parfait. Etant donné cette annonce plus que cavalière, nous allons être scrutés comme du lait sur le feu…" Il prit une gorgée de sa tasse de thé. "J'imagine qu'il va aussi falloir adapter nos emplois du temps. Et faire en sorte que l'on nous aperçoive tous les deux…"

Il s'agissait plus d'une réflexion à voix haute que de réelle directive mais s'ils voulaient être crédible, Kuchiki avoir la paix, et lui faire un peu tourner Yumichika en bourrique et avoir la paix aussi… Ils allaient devoir faire quelques sacrifices. Enfin Kuchiki surtout. Lui se fichait un peu de passer du temps avec le jeune noble. Tant qu'il ne se mettait pas en tête de le transformer en type coincé comme lui…
Byakuya y réfléchissait déjà.

"- De toute façon, tout le monde va croire qu'on se voit surtout de nuit. J'anticipe les curieux aux abords de nos divisions principalement."

Le plus compliqué n'allait pas d'être de passer du temps ensemble, mais d'arrêter de traiter le onzième capitaine comme un animal pestiféré.
Kenpachi ne put que se ranger à l'avis de son collègue.

"- Mais pour vendre cette histoire il faudra que l'on nous aperçoive ensemble. Sinon ton grand-père se rendra vite compte de la supercherie." insista-t-il. "Mais rassures-toi je ne t'imposerai pas ma compagnie plus que nécessaire," conclut-il avec un rien d'auto dérision.
"- Il faudra de toute façon que je t'impose la mienne maintenant que notre "secret" est éventé. Je n'ai jamais mis les pieds à la onzième."

Et il était curieux de toute façon.
Le serviteur finit par revenir avec la boîte. La curiosité la plus dévorante était visible sur son visage mais en bon serviteur bien éduqué, il ne posa aucune question, s'inclina et quitta la pièce.
Byakuya attendit qu'il sorte pour ouvrir la boîte à bijoux. Il en sortit deux bracelets en or blanc qu'il étudia un moment avant de donner le plus grand à l'autre capitaine.

"- Quand cette histoire sera finie, je compte sur toi pour me le rendre."

Il se gardait le plus fin, le bracelet de l'épouse. En plus, ça ferait encore plus hurler son grand père. Le sourire du jeune capitaine se fit purement cynique. Il s'était promis qu'il ne serait plus jamais un mari, il ferait une très bonne épouse.
Son grand père et les anciens du clan n'avaient à s'en prendre qu'à eux-mêmes.
Le capitaine de la onzième division regarda le bijou au creux de sa paume avec stupeur un instant. Il avait du mal à croire que quelque chose d'aussi rustre ai pu orner le poignet fin ganté de soie d'un des grands chefs de clan du Seireitei. En comparaison, celui qu'avait gardé Byakuya semblait plus adapté dans sa finesse mais... Il se dégageait de sa conception une trop grande notion de soumission, d'appartenance. Ça ne collait pas avec le personnage non plus.

"- Souhaites-tu vraiment agacer ton grand-père ?" demanda-t-il à brûle-pourpoint, sans lever les yeux.

Byakuya leva les yeux du bracelet qu'il faisait tourner entre ses doigts. Son épouse avait été la dernière à le porter. Il sentait presque encore son parfum sur le métal délicat.

"- Je croyais que c'était assez clair. S'il était assez énervé pour quitter le clan, j'en serais ravi." Ginrei l'avait assez énervé pour ça. "Pourquoi ? Qu'as-tu en tête ?"
"- Un petit quelque chose sans importance…" sentencia simplement le grand bonhomme avec un large sourire qui, d'ordinaire, n'annonçait rien de bon pour le mobilier et les bâtiments alentour.

Il s'arma alors de courage et entreprit de passer le bracelet à son poignet. Un petit bout de langue rose au coin des lèvres, il bataillait avec l'objet qui refusait de coopérer.
Byakuya le laissa lutter un moment avant de le lui prendre des doigts.

"- Attends."

Il l'ouvrit correctement puis le passa autours du poignet du grand capitaine. Un frisson lui remonta dans le dos lorsqu'il effleura sa peau. Elle était étrangement douce et chaude. Un peu troublé, il était ridicule d'avoir attendu de la peau de crocodile glacée, il referma l'épais bracelet sur le poignet de Zaraki.

"- Voila."

Le grand capitaine tendit le bras et observa son poignet. Lui qui n'y était pourtant pas sensible d'ordinaire sentait encore un peu le reiatsu du capitaine de la sixième division crépiter dans le bijou. Il avait dû le porter longtemps.

"- J'en prendrai soin," promit-il, avec un air plus solennel que d'habitude.

Byakuya du ravaler la boule qui était soudain monté dans sa gorge.
C'était… La fin de quelque chose. La clôture définitive d'un drame qui le paralysait depuis des années. Ce n'était qu'une ruse, juste une arnaque stupide pour avoir la paix, mais voir son bracelet au poignet d'un autre, celui de son épouse au sien… Avec surprise, le chef du clan Kuchiki essuya ses joues. Il pleurait ? C'était lui qui sanglotait en silence comme ça ? C'était ridicule. Il était conscient de la mort de son épouse. Alors pourquoi pleurait-il ? Parce qu'il ne s'était jamais laissé aller à le faire avant ? Parce qu'on l'en avait toujours empêché ?

"- Dé– désolé." Souffla-t-il doucement.
"- Il ne faut pas. Je ne l'ai pas connue mais j'ai toujours entendu dire que vous étiez proches." Ça pouvait sembler idiot à dire comme ça mais dans ce genre de famille, les sentiments n'entraient pas vraiment en ligne de compte dans un mariage. "Ils… Ils ne t'ont jamais laissé la pleurer, n'est-ce pas ?" demanda-t-il tout bas, après un instant d'hésitation. Puis, un peu plus haut, "Nous pouvons en faire fabriquer d'autres, si tu préfères. Je connais un type dans le rugonkai qui nous ferait ça pour pas très cher…"

Byakuya finit par reprendre quelque peu son calme.

"- Je l'ai épousé sans demander leur avis aux anciens. Comme le bon rebelle que je suis," Railla le jeune capitaine. "Je n'ai pas eu le droit de pleurer quelqu'un qu'ils n'ont jamais accepté." Il effleura le bracelet à son poignet. "D'autres bracelets n'auraient aucune valeur au regard des anciens du clan. Et puis… Je suis sûr qu'Hisana aurait trouvé cette plaisanterie très drôle. Elle avait un humour noir assez inattendu." Un petit sourire triste monta aux lèvres du chef de clan. "Finalement, je ne comprends pas pourquoi mon grand-père aurait attendu de moi une quelconque obéissance. Surtout maintenant."

Ichigo et ses amis l'avaient suffisamment secoué pour décoller la pulpe de ses émotions sédimentée au fond de son cœur glacé.

"- Parce qu'il espérait qu'une fois ta crise de rébellion passée, tu serais un gentil petit noble bien rangé et bien propre sur lui ?"
"- Après les heures qu'il a passé à me brailler dessus et à me rappeler mon devoir, oui. Et ça a marché pendant un temps. Mais j'imagine que je n'ai jamais été un gentil garçon."

Le sourire du chef de clan était toujours aussi triste mais ses yeux avaient une lueur un peu cruelle au fond. C'était quelque chose qu'on n'y voyait jamais pourtant.

"- Ne suis-je pourtant pas la quintessence du noble coincé pour toi ?"

L'auto dérision, ça marchait toujours.

"- C'est ce que tu projettes en tout cas..." répondit Kenpachi, les yeux à nouveau rivés sur son poignet. "Mais qui ne porte pas de masque, dans notre délicieuse assemblée ?"

Un nouveau frisson trouva sa place entre les épaules de Byakuya. Un masque hein ? Et qu'y avait-il derrière celui de la brute bravache complétement tarée qui dirigeait la onzième division ? La curiosité avait toujours été le pire défaut du jeune capitaine. Il se mordit la langue comme il le faisait souvent pour retenir une parole malheureuse. A faire ça depuis l'enfance, il en avait une cicatrice s'usage.

"- Peut-être Ukitake."

L'homme était le plus honnête du lot même s'il pouvait être une pourriture s'il le fallait. Le jeune Byakuya l'avait vu s'énerver une seule fois. Le résultat avait été… sale.

"- Veux-tu déjeuner ici ?"

La réunion mensuelle devait se terminer. Les rumeurs allaient exploser. Autant rester à l'abri encore un peu de temps et donner du crédit à leur sucrerie.
Ce n'est qu'à la mention du repas que Kenpachi lâcha enfin cet intrus à son poignet. Sa présence et son poids étaient étranges, il lui faudrait un peu de temps pour s'y faire.

"- Si ça ne te dérange pas… Je sens que le retour chez moi va être… animé." Il se figea soudain. "Mince… Comment- vais-je expliquer la chose à Yachiru ?"
"- Je te préviens, si elle m'appelle "maman", je la gave de sucre." Ne put s'empêcher de rire Byakuya, les joues roses d'amusement.

Il tapa encore dans ses mains pour rappeler son serviteur. Derrière la porte, il put voir quelqu'un de ses hommes qui tentaient d'avoir des informations en jouant les espions de pacotilles.

"- Rukia va m'arracher les yeux."

Et ça l'amusait grandement.
Kenpachi ne manqua pas non plus la présence du shinigami apprenti espion et réagit avant même d'y penser. Il vint effleurer la joue de Byakuya du dos de la main gauche, laissant au passage apparaître le bracelet d'or blanc à son poignet, et répondit sur un ton doucereux.

"- Yachiru sera juste contente d'avoir un autre papa pour jouer quand l'autre est occupé."

Byakuya se sentit rougir mais ne détourna pas les yeux.

"- Ta fille est d'une maintenance presque aussi élevée que Renji."

Entre lieutenant, c'était sans doute la raison.
L'espion en herbe lâcha un petit couinement surpris avant de filer rapporter à ses copains ce qu'il venait de surprendre entre deux portes. Le serviteur avait un peu pâli pendant qu'il prenait la commande de Byakuya : un déjeuner pour deux. Avec desserts. Ce qui était rare pour le jeune chef de clan.

"- B– bien seigneur."

Les rumeurs étaient vraies ? Diantre. Quand il allait raconter ça en cuisine !
Kenpachi garda son sérieux jusqu'au départ des deux empêcheurs de comploter en rond avant de ricaner comme un gosse.

"- Désolé, j'ai réagi sans réfléchir."

Mais il était évident à sa mine réjouie de sale gamin content de son mauvais tour qu'il n'était pas désolé le moins du monde.
Kuchiki haussa les épaules.

"- Si nous voulons être crédibles, il va falloir nous habituer à ce genre de contacts."

D'ailleurs, ça se comportait comment un couple en public ? Il était très peu sorti avec son épouse. Et les manières du commun de s'embrasser en public ou de se tripoter… Ce n'était pas du tout pour lui. Bah, ils trouveraient bien quelque chose qui leur conviendrait à tous les deux. S'entraîner… ?

"- … Puisque nous devons arriver à faire croire à l'idée de nos interactions… Peut-être que nous devrions nous entraîner ensemble."

Pas l'un contre l'autre. Ensemble. La fraternité de l'épée aiderait sans doute à faire croire à celle des corps.
Kenpachi examina l'idée un instant, avec beaucoup de sérieux.

"- Je ne crois pas que nous devrions changer nos habitudes trop vite. On nous soupçonnerait de quelque chose. Tu n'es pas du genre à exposer ta vie au coin de la rue, et moi…" Il eut un geste d'épaule, comme si la chose n'avait pas d'importance. "Je te propose que nous avancions pas à pas, comme… Je viens de le faire sans le vouloir. Quelques gestes et allusions bien placées vendrons sans doute bien mieux notre histoire qu'un changement franc de nos habitudes."

Byakuya y réfléchit mais approuva la chose. Déjà, déjeuner ensemble serait suffisant. Ils pouvaient se séparer après le déjeuner et chacun retourner à leurs habitudes.

"- J'attends de voir combien de guetteurs nocturnes surveillerons nos divisions… Et combien de paris sont en train d'être faits."

Parce que c'était une évidence. Certains devaient être en train de s'éclater le porte-monnaie.

"- Beaucoup !" s'amusa aussitôt Kenpachi. "Hmmm… Il y a sans doute moyen de se faire de l'argent facilement. Je vais étudier la question."

Le serviteur ne tarda pas à leur apporter leur repas, les joues roses et les yeux brillants des cancans qu'il avait échangé avec ses collègues.
Byakuya dut se retenir de lever les yeux au ciel. Un Kuchiki ne faisait pas ça. Mais un Kuchiki ne bricolait pas des mensonges de la taille du Seireitei pour échapper à un mariage arrangé en entraînant dans ses mensonges le pire capitaine… Non, pas le pire… L'un des pires capitaines de ses collègues.
Il leva les yeux au ciel avant de goûter son riz blanc.