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Beware the Sea ( Sterek Fanfiction - FR )

Summary:

Lors d'une froide matinée de pêche, Derek remonta quelque chose auquel il ne s'attendait pas dans ses filets. Parmi les quelques pauvres poissons se débattant pour leur survie hors de l'eau se trouvait le corps noyé d'un jeune homme dont la main était encore crispée sur le cordage. A ce moment précis, Derek eut l'impression de plonger en pleins rêve, se demandant si tout ceci était bien réel.

Chapter 1: Prit dans les filets

Chapter Text

     C'était une froide, très froide matinée de printemps. Le vent était calme et les vagues restaient sages à la surface de l'eau illuminée par les premiers rayons du soleil encore rougis par l'aube pourpre. Le ciel, dont les rares filets de nuages bleu fendaient l'étendue violacée, se confondait presque avec l'Océan sur son horizon tant les couleurs se mêlaient entre elles. Le village portuaire s'éveillait encore à peine, vivant au rythme de l'astre du jour ainsi qu'à celui des caprices de la mer. Le commerce de poisson et de crustacés englobait la quasi-totalité des revenus des habitants, chacun ayant trouvé son compte quelque pars dans l'industrie de la pêche. Les marchés tenaient une place particulièrement importante dans la ville, se montant et se démontant sans arrêt au gré des besoins. A chaque heure de la journée, quelque chose rappelait que ce village de côte vivait grâce aux trésors de l'océan.
     L'annonce des premières pêches de la journée se fit lorsque Derek se lança sur la mer depuis le ponton entre les rochers de son terrain à bord de son chalutier rongé par le temps et l'eau salée. La peinture rouille s'était presque effacée à la base de la coque fouettée par les vagues, rongeant toujours plus la ferraille recouverte par les coquillages et les algues qui s'y étaient amassées avec les années. La carcasse avait vu monter sur son pont un bon nombre de générations de pêcheurs, passant de mains en mains depuis Dieu sait combien d'années. Et aujourd'hui, c'était le trésor du jeune marin Hale qui l'avait racheté pour une bouchée de pain quelques saisons plus tôt lors d'un marché tenu sur le vieux port. La bicoque était si abîmée qu'elle menaçait de rompre sa coque chaque jour un peu plus, mais le marin n'avait malheureusement pas encore assez amassé d'argent avec ses pêches pour se permettre d'envisager en obtenir un nouveau. Il espérait simplement que le petit navire tiendrait assez longtemps pour lui permettre d’atteindre la somme nécessaire à l'achat de son successeur.
     Le petit bateau pénétra l'immense étendue d'eau, provoquant de plus violents remous à la surface. Derek, les mains crispées sur la barre dans sa cabine sans fenêtres, regrettait de tout son être de ne pas avoir prit de gants pour partir naviguer. Régulièrement, il lâchait les poignées de bois pour souffler dans ses paumes serrées contre son visage, essayant de redonner à ses doigts bleuis par le froid leur couleur d'origine. Son bonnet tombant presque sur ses yeux lui permettait au moins de ne pas sentir ses oreilles geler. L'odeur iodée des vagues parvint à ses narines, lui indiquant que son nez était lui aussi toujours fonctionnel malgré la douleur provoquée par le froid fouettant son visage.
     Le temps d'arriver dans sa zone de pêche habituelle, le soleil avait tourné à l'orangé et le ciel s'était baigné d'un bleu très pâle donnant un aspect plutôt doux à l'océan. Malgré les conditions abruptes et la difficulté du travail, ce spectacle magnifique rendait chaque jour la pêche moins pénible au jeune Hale. Souvent, Derek avait l'impression de rêver ses matinées, et il ne se pensait éveillé que lorsque ses pieds rejoignaient la terre ferme. Pour rien au monde le pêcheur n'aurait échangé son métier pour un autre.
     Quittant enfin son pose après avoir jeté son encre, l'homme commença à remonter une à une les cagettes flottant sur les côtés du bateau. L'une après l'autre, il les ouvrit pour constater l’inexistence du poisson qui se faisait drôlement rare depuis un moment. Le pêcheur rangea chacune de ses barriques dans sa cale sans même avoir à en tirer quoi que ce soit dans son bac à prises, prévoyant d'au moins les faire sécher sur le ponton une fois rentré sur la berge. Derek espérait avoir été plus chanceux avec le grand filet qu'il tractait à l'arrière, comptant sur lui pour avoir quelque chose à vendre à la poissonnerie aujourd'hui. Il ne demandait pas beaucoup, juste une petite dizaine de pièces pour au moins rentabiliser le carburant qu'il avait brûlé pour partir naviguer aujourd'hui. Il s'approcha de la manette actionnant la poulie qui retenait le filet, tirant dessus avec appréhension. Le pêcheur joignit ses mains comme pour adresser une prière express à Dieu, le suppliant de lui donner au minimum un petit butin aujourd'hui. Et ses demandes furent exaucées, un certain amas de poisson apparaissant à la surface de l'eau à mesure que le cordage remontait le filet. Les dizaines de corps poisseux s'agitèrent, sautant et sursautant en essayant de retourner à la mer. Derek lâcha un rire, ravi de voir qu'il avait eu plus de chance à la pêche en gros qu'avec ses cagettes. Il enjamba la petite barrière de bois délimitant son carré à prises, s'apprêtant à rompre la corde pour libérer le poisson sur son ponton. Mais son attention se porta soudainement sur le contenu du filet, lui coupant le souffle tant il fût surpris de voir une telle chose. Là, accrochée fermement au cordage, une main masculine et pâle et les doigts crispés sur leur prise. Le pêcheur se mit à scruter son butin, se rendant alors compte que le corps inanimé et nu d'un jeune homme s'était prit dans son filet. La panique monta dans la poitrine de Hale, le poussant à immédiatement stopper le système de traction pour aller défaire les nœuds du filet et laisser s'échapper son contenu sur le bateau. De justesse, Derek récupéra le corps du garçon dans ses bras pour lui éviter de se fracasser contre le sol, le tirant hors des poissons pour aller le déposer contre le mur cernant le ponton. Le noyé était d'un blanc terrifiant et ses cheveux bruns trempés retombaient en trombe contre son front, laissant ruisseler sur son visage de nombreuses gouttes salées. Son corps était parsemé de grains de beauté, donnant un aspect étoilé à sa peau laiteuse. Ses lèvres quand à elles étaient devenues complètement bleu et témoignaient d'une hypothermie récente, probablement juste avant la noyade.
     Derek ne perdit pas plus de temps à contempler le corps, l'allongeant sur le dos pour lui basculer la tête en arrière et essayer de dégager ses voies respiratoires. Le pêcheur posa sa tête contre le torse du garçon, écoutant si l'air passait encore dans ses poumons. Ni signe de respiration ni battement de cœur. Il y avait peu de chances pour que l'homme puisse y faire quelque chose, mais malgré les maigres probabilités pour qu'il réussisse à réanimer le jeune homme il s'attela aux premiers gestes de secours. Il entama un massage cardiaque, se coupant parfois dans ses pressions pour pratiquer un bouche à bouche, ré-insufflant de l'air dans les poumons du noyé. Plusieurs fois il essaya, mais le garçon restait inerte. Pendant une seconde Derek envisagea d'abandonner mais en constatant l'âge jeune du repêché, probablement pas plus d'une vingtaine d'années, il ne put se résoudre à baisser les bras aussi vite. Il reprit donc plus intensément ses gestes de secours, pressant plus fort contre son thorax et soufflant davantage d'air entre ses lèvres.
     C'est alors que le garçon s'anima, se redressant en crachant une grande quantité d'eau dans un bruit d'étranglement affreux. Il retomba sur le côté, se faisant rouler sur le ventre tout en continuant d'évacuer l'eau qui était encore dans son système respiratoire. Il toussa à s'en déchirer la trachée, retombant dans un grand fracas contre le bois du pont en enlaçant ses bras, regardant autour de lui avec panique. Sa respiration était encore très difficile et le jeune homme peinait à trouver son air. Derek posa une main rassurante sur l'épaule du garçon, essayant de le rassurer sur la situation.

     - Eh. Calme-toi, c'est bon tu es sauvé. Tu es en vie d'accord? Tu es vivant.

     Le jeune homme, se contractant encore comme un poisson fraîchement sorti de l'eau, essaya de balbutier quelques mots sans pouvoir y arriver. Du liquide encombrait encore ses poumons, l'empêchant de formuler quelque chose de concis. Il devint soudainement beaucoup plus raide, se jetant sur le côté pour vomir une plus grosse quantité d'eau encore que la précédente. Enfin, son souffle lui revint entièrement après ça. Derek continua d'essayer de rassurer le miraculé, retirant sa veste pour l'enrouler dedans et lui redonner un peu chaud. Le pauvre garçon semblait gelé en plus de ne pas réaliser qu'il venait d'être tiré de la noyade.

     - Est-ce que tu peux marcher? Je vais t'emmener à la cabine pour te mettre plus au chaud.

     Le brun ne répondit pas, encore dévoré par la panique. Derek l'attrapa donc sans le brusquer pour essayer de le faire tenir sur ses jambes, le garçon arrivant à peine à y faire supporter son poids. Il ne pouvait tout simplement pas tenir debout. Le marin entreprit donc de l'attraper comme une princesse, le portant jusque dans la cabine où il le déposa sur une malle pour l'y faire asseoir. Le rescapé réussit enfin à tenir un minimum droit, appuyant son dos contre le mur pour tout de même éviter de basculer. Derek l'examina rapidement, se rendant alors compte que le garçon était percé au niveau du flanc dans une longue entaille partant de sous le pectoral jusqu'en bas du flanc. Le sang ne coulait pas, ou plus, mais la plaie était encore fraîche. L'ouverture était tranchée nette, s'enfonçant profondément dans la chair. Une partie de la blessure était comme sciée, laissant à penser qu'elle avait été provoquée par un crochet ou une lame dentée, ou quelque chose qui ressemblait à ça.

     - Mon Dieu tu es blessé.. Mais qu'est-ce qui t'es arrivé toi..? Je dois absolument t'emmener voir un médecin.
     - NON !!

     Le garçon cria un non encore très étouffé, se jetant sur son sauveur pour l'agripper par le bras, l'empêchant de reprendre la barre. Derek fronça les sourcils, se remettant accroupis pour faire face au jeune homme.

     - Tu es blessé et tu viens juste d'être sauvé de la noyade. 
     - Pourquoi..
     - Pourquoi quoi?
     - Pourquoi je suis vivant..
     - Je t'ai repêché. Tu dois te faire soigner, ou au moins vérifier que tu n'as rien de grave.
     - Non.. Non.. Personne..
     - Tu ne veux voir personne..?
     - Personne.. Personne.. Non..

    Il était évident que le garçon était sous état de choc. Mais il semblait absolument certain de ne pas vouloir voir un médecin, ce qui n'arrangeait pas particulièrement Derek. Il ne pouvait pas laisser ce jeune homme fraîchement sauvé de la noyade partir comme ça sans s'assurer qu'il n'avait rien de grave, surtout après avoir vu la blessure sur son flanc. Le jeune Hale soupira, retirant son bonnet pour le balancer au sol avec frustration. Il devait réfléchir.

     - Comment est-ce que tu t'appelles mon gars?
     - Je ne sais pas..
     - Tu ne te souviens pas? Moi c'est Derek. Est-ce que tu peux me dire comment tu t'es retrouvé dans mes filets?

     Mais ce garçon hocha frénétiquement la tête, indiquant clairement qu'il ne pouvait pas. Il serra ses doigts tremblants sur le rebord du manteau, le refermant davantage sur lui comme pour se cacher. Il avait peur, c'était évident.

     - Pourquoi tu ne peux pas me dire?
     - Je ne sais pas ce que je fais là.. Je ne me souviens pas..
     - Tu es amnésique? Je suppose que ça peut arriver de perdre la mémoire après une noyade. Mais tu comprends que je ne vais pas pouvoir te relâcher comme ça n'est-ce pas? Tu es blessé.
     - Personne.. Il ne faut pas me voir.. S'il te plais..

     Derek croisa les bras, définitivement intrigué par cette chose qu'il répétait. Personne. Personne. Pourquoi est-ce qu'il avait si peur d'être vu? Le pêcheur devait l'admettre, ce jeune homme était définitivement très intriguant.

     - Mais moi je te vois bien.
     - Ça ne me fait rien.. Toi tu peux me voir..
     - Ça ne te fait rien que je te vois?
     - Ça ne me fait rien que tu me vois..
     - Sympa.

     Le rescapé baissa les yeux, reprenant petit à petit le contrôle de son corps. Il regardait ses jambes qu'il essaya d'agiter, mais il avait définitivement encore beaucoup de mal à les bouger. C'était à peine si il arrivait à remuer ses orteils engourdis par le froid. Il avait encore l'air frigorifié. Derek entreprit donc de les réchauffer, prenant son pied entre ses immenses paumes et les y frottant pour y insuffler de la chaleur. Le brun sursauta, mais en comprenant que ce n'était pas pour lui faire du mal, il se laissa faire. Le rescapé s'était de nouveau muré dans le mutisme, cherchant encore à reprendre ses esprits. Peut-être essayait-il de se rappeler son prénom.

     - J'ai une idée. Il y a un endroit où je pourrais te cacher le temps que tu récupères, si tu es d'accord.

     Le regard noisette du jeune homme se plongea dans celui du pêcheur, semblant y trouver de l'espoir. Il y avait une petite lumière qui s'était mise à briller dans ses yeux, ce qui fît plaisir à Derek. Il hocha simplement la tête pour signifier son accord, s’emmitouflant dans son manteau ensuite pour avoir plus chaud. Il était évident qu'il avait besoin de vêtements ainsi que de soins au niveau de sa plaie, et certainement aussi de manger. Dieu seul savait ce par quoi avait pu passer ce garçon avant que le marin ne le repêche, il mettait donc un point d'honneur à lui apporter tout ce dont il aurait besoin jusqu'à son départ.
     Le bateau buta contre le bord du ponton, faisant remuer l'intégralité de ce qui se trouvait à bord. Derek coupa le moteur, sortant de la cabine pour aller examiner le poisson devenu inerte dans son bac. Il allait devoir s'occuper de ça plus tard, des choses plus urgentes s'étant présentées sans prévenir. Après avoir amarré le navire, le jeune Hale retourna dans la cabine pour essayer de récupérer le miraculé toujours assis sur sa malle. Il lui tendit la main, l'incitant à la saisir pour se lever.

     - Tu as retrouvé ton équilibre?

     Le rescapé saisit la main, se redressant sur ses jambes avant d'instantanément s'écrouler, visiblement encore trop faible pour marcher. Derek le récupéra donc dans ses bras, passant celui du jeune homme derrière son épaule pour l'aider à tenir debout. Il avança lentement, laissant le garçon faire un pas après l'autre à son rythme. Il l'aida à passer la barrière du bateau, le faisant ensuite remonter tout le ponton de bois jusqu'à ce que leurs pieds ne foulent l'herbe du terrain légèrement sauvage du marin. Derek l'emmena au travers du jardin, passant devant une bicoque faite de planches en bois blanc qui devait sûrement être son habitat, se dirigeant vers une large cabane aux attraits chaleureux bien que poussiéreuse. On y pénétrait par une porte faite de cordes en perles donnant sur un petit salon cuisine aux aspects anciens, le tout recouvert d'une épaisse couche de saleté. Personne n'était venu ici depuis longtemps. Le pêcheur déposa le miraculé sur le petit canapé, lui permettant enfin de mettre fin au supplice de rester debout. 

     - Je suis désolé, c'est pleins de poussière. Je ne m'attendais pas à y faire loger quelqu'un.
     - Est-ce que c'est chez toi?
     - Non moi j'habite la maison qui est juste devant là. Mais tu peux rester ici si tu veux. Personne ne vient jamais dans cette cabane, tu seras tranquille.
     - Merci..

     Le garçon regarda partout autour de lui, découvrant petit à petit l'étendue de l'endroit dans lequel il avait mit les pieds. Il y avait de quoi y vivre, une petite cuisine et même des sanitaires au fond de la pièce. Le rescapé ramena ses jambes contre son torse, se pinçant les lèvres dans une expression curieuse.

     - On dirait qu'on peut habiter ici.
     - Ma mère habitait ici, quand elle était encore en vie. Du moins elle passait tout son temps là, c'est elle qui a rendu fonctionnel cet endroit.
     - Pourquoi elle ne vivait pas avec toi?
     - Parce qu'elle était comme toi.
     - Comme moi?
     - Elle n'aimait pas trop les gens.

     Derek s'approcha du jeune homme, s'agenouillant devant lui en attrapant un pan du manteau qui couvrait toujours son corps nu. Le garçon eut un mouvement de recul, mais le marin lui tendit une main rassurante.

     - Je ne vais pas te faire de mal. Je veux juste vérifier ta plaie.

     Le brun hocha la tête, se détendant en relâchant sa poigne sur l'habit. Derek écarta le vêtement, dévoilant la grande lacération parcourant une bonne partie de son côté, constatant qu'elle ne saignait toujours pas. Elle était même assez propre, le sel l'ayant probablement désinfecté naturellement. Mais c'était assez béant malgré le fait que ça ne semblait pas assez profond pour avoir endommagé des organes, il serait donc de bonne précaution d'y faire quelques points.

     - Je vais devoir te recoudre.
     - Me.. Recoudre..? Qu'est-ce que ça veut dire..?
     - Tu ne sais pas? Ça veut dire que je vais refermer la plaie en utilisant un fil que je vais resserrer autour de l'ouverture. Je n'ai pas de matériel adéquat, j'espère que du fil de pêche sera suffisant..
     - Ça a l'air douloureux..
     - Il y a des chances pour que ce le soit. Je vais te demander d'être encore un peu courageux, c'est pour ta santé.
     - D'accord.. Tu m'as sauvé dans ton filet, tu ne me veux sûrement pas de mal.
     - C'est exact.

     Derek se rendit donc chez lui pour aller récupérer tout ce dont il aurait besoin pour pratiquer son intervention, accourant presque auprès du garçon pour éviter de le laisser trop longtemps tout seul. Il se remit à ses côtés, lui désignant les objets qu'il allait utiliser pour le recoudre. Le rescapé ne semblait pas particulièrement rassuré de tout cet attirail, mais il laissa tout de même le pêcheur faire ce qu'il avait à faire pour le soigner. Au premier coup d'aiguille, le brun se crispa dans un cri sourd, surpris de la sensation douloureuse qui l'avait parcouru. Mais à la suite de ça, il se montra beaucoup plus calme jusqu'à la fin. Derek s'appliquait du mieux qu'il pouvait pour faire ça le plus proprement et sans douleur possible, ce qui fût finalement un succès. L'intervention s'était passée sans accrocs, la plaie recousue et le jeune homme enfin hors de danger. Il regardait d'ailleurs les points avec une certaine admiration, surpris de l'aspect que la plaie avait maintenant.

     - C'est formidable..
     - Si tu avais oublié ça aussi, ça s'appelle la médecine. Ça sauve des vies.
     -  Ça me sauve la vie.. C'est la deuxième fois que tu le fais.
     - C'est normal. Je n'allais pas te laisser comme ça.
     - Je suis mort et tu m'as donné une vie que tu as ensuite sauvé. Est-ce que ça veut dire que je peux te faire confiance?
     - Sans doute.
     - Hm.. Non je ne préfère pas.. 
     - Sympa.

     Le jeune homme tira sur le manteau, agitant le tissus avec un air interrogé, désignant ensuite les vêtements du jeune Hale du bout du doigt.

     - Je peux avoir autre chose que ça, comme toi? 
     - Oh bien sûr. Tu dois être gelé.

     Derek quitta son siège, semblant avoir une illumination en se levant. Il fouilla dans sa poche, tendant ensuite au garçon un sandwich emballé dans du cellophane. Le brun le prit dans sa main, l'observant.

     - Pendant que je vais te chercher ce qu'il faut, manges ça. C'était mon déjeuner, mais tu en as certainement plus besoin que moi. Je m'en ferai un autre.

     Le rescapé défît le cellophane et mangea voracement le petit en-cas, attendant tranquillement que son sauveur ne lui ramène quelques vêtements. En attendant il trouva le courage de se lever, avançant en tremblant jusqu'à la fenêtre qui donnait sur le bas de la bute directement contre la mer. Le jeune homme se tint à la poutre pour être sûr de ne pas retomber, continuant de manger en appréciant la douce vue qui s'offrait à lui. Il aperçut alors Derek revenir en courant de chez lui, un paquet de jeans et de chemises sur l'épaule et dans les bras. Il passa ensuite la porte de perles, déposant le tout sur la table à manger.

     - Ça y est tu peux marcher?
     - Pas encore tout à fait.. Mais juste assez pour venir jusqu'à cette ouverture.
     - C'est déjà bien ça veut dire que ça te revient. En espérant que ta mémoire ne mettra pas trop longtemps à suivre.
     - Oui j'espère.. 

     Se tenant aux meubles, le brun retourna aux côtés du marin pour observer le tas de vêtements qu'il avait ramené. Sans réfléchir, il laissa le manteau retomber à ses pieds, se retrouvant complètement nu devant Derek qui détourna immédiatement le regard, cachant sa vision périphérique d'une main.

     - Je.. Je dois aller m'occuper du poisson pour le vendre au marché. Tu peux déjà t'habiller avec ça, je t'achèterai des sous vêtements quand je serai en ville.
     - Tu t'en vas?
     - Oui j'ai des choses à faire. Mais je reviens vite.
     - D'accord.

     Sans prendre le temps de regarder en la direction du rescapé, Derek quitta la petite maison pour aller s'occuper de ses devoirs de pêcheur, repassant chacune des images qui étaient arrivées devant ses yeux depuis le début de la matinée. Durant tout le chemin en voiture, il se demanda si tout ce qu'il avait vécu jusqu'à lors n'avait pas encore une fois été un rêve. Après tout, qu'est-ce qui pouvait lui prouver que tout ça était bien arrivé? Personne n'avait vu ce garçon miraculeusement repêché, et tout ça apparaissait presque de l'ordre du conte. Sans doute était-il plongé dans une douce rêverie et que le jeune homme ne serait plus là à son retour. En attendant, le jeune Hale devait remettre un pied dans la réalité pour aller déclarer et vendre sa prise du jour, n'oubliant pas qu'avant tout il avait pêché pour son argent.

Chapter 2: Rêve éveillé

Chapter Text

     La cargaison de poisson pesait son poids dans la balance aujourd'hui, bien que la plus grande partie de ce qui avait été pêché ne soit pas présent dans le bac de pesée. Derek regardait ses pièces être déclarées puis mises en caisse une à une, attendant son petit butin avec impatience. Le marchand jeta un œil à son collègue pêcheur, lâchant un petit sourire.

     - Belle pêche aujourd'hui on dirait Derek.
     - J'ai été chanceux aujourd'hui on dirait Scott.
     - On dirait bien oui. Tu ne nous a pas ramené de cargaison pareille depuis des semaines.

     Le pêcheur continua d'observer son ami peser les poissons, prenant appui sur le comptoir en observant lascivement la scène. C'était toujours une étape longue qu'il espérait chaque fois pouvoir sauter, mais rien de tout ça n'arrivait jamais. Il était essentiel de décompter chacune des unités pour être sûr de rendre un compte rond au pêcheur comme au marchand. Pourtant, Scott savait que Derek ne supportait pas attendre sans rien faire et il faisait de son mieux pour ne pas perdre de temps, mais ça restait toujours ennuyeux de rester là à ne rien faire. Le poissonnier remua sa petite moustache d'adolescent qu'il laissait fièrement pousser alors même qu'il avait l'air ridicule avec, mais ça personne n'osait lui dire, s'apprêtant à lancer un sujet de discussion avec le jeune Hale.

     - Tiens tu n'as pas de nouvelles âneries à me raconter aujourd'hui Derek?
     - Des âneries? Quel genre d'âneries tu veux que je te raconte?
     - Je ne sais pas. Tu arrives tout le temps avec des histoires farfelues quand tu viens chez moi, je pensais que c'était devenu une coutume. 
     - Des histoires farfelues?
     - Oui tu sais bien, comme quoi tu as l'impression de rêver quand tu es sur ton bateau, que tu vois des choses sans jamais être sûr que ce soit réellement arrivé. Comme cette fois où tu as cru voir un couple de phoques danser dans l'eau autour de ton navire.
     - Ils étaient très beaux à regarder, je te ferais dire.
     - A mon avis il faut arrêter la boisson mon ami, ça ne te réussit vraiment pas. Bon rien dans ce genre aujourd'hui?

     Derek croisa les bras sur le comptoir, y déposant sa tête en regardant le poisson s'entasser lentement dans les caisses pour être vendus. Il soupira profondément, se rappelant de l'histoire étrange qui lui était arrivé dans la matinée.

     - C'est vrai tu as raison.. J'ai fais un autre rêve ce matin Scott..
     - Ah bah tu vois. Ça m'aurait étonné de toi. Alors, de quoi il s'agit cette fois?
     - D'un garçon.
     - Un garçon? Comment ça?
     - Il y avait un garçon dans mes filets quand je les ai remonté ce matin..
     - T'as pas encore décuvé de ta cuite d'hier soir ou quoi? Vas-y mollo mon ami. T'es entrain de me dire que t'as pêché une sirène ou un truc dans le genre? 
     - Non ce n'était pas une sirène, c'était un vrai garçon avec des jambes. Bien réel. Mais il était noyé dans mon filet.
     - Et il est où ce garçon maintenant?
     - Je ne suis pas sûr.. En fait, je ne sais même pas si je l'ai bien vu finalement.
     - Ouufh.. Si tu veux un bon conseil, tu devrais vraiment aller voir quelqu'un pour ton alcoolisme.
     - Arrêtes de dire que je suis alcoolique. Je suis juste un bon rêveur.
     - Un bon rêveur alcoolique. Il n'y a pas de mal à l'admettre.

     Le poissonnier tendit une liasse de billets dont il venait de faire le compte à Derek, lui souriant avec sympathie. Le pêcheur récupéra son argent, le rangeant dans son porte monnaie avec hâte.

     - Reviens avec une nouvelle histoire pour moi demain Hale. Des comme ça je pourrais en écouter à l'infini. Tu devrais écrire un bouquin, même si t'es assez nul pour raconter. Ta mère le faisait mieux.
     - Je vais essayer. A demain Scott.

     Derek retourna à son truck, reprenant la route vers sa maison isolée entre les collines du bord de mer. Cette maison avait été construite par ses grands parents lorsqu'ils étaient encore jeunes pour toujours avoir une vue sur la mer. La famille Hale avait toujours été passionnée par les histoires de marins, et Derek en avait été tellement gavé qu'aujourd'hui il n'était même plus sûr de pouvoir faire la différence entre les rêves et la réalité. Le pêcheur était connu dans le village pour ses histoires sans queue ni tête, comme l'avait été sa mère avant lui, et ses parents avant elle. Talia racontait souvent qu'elle s'était faite enlever par un dauphin lors d'une traversée de plaisance et qu'elle était revenue enceinte de son premier enfant et dernier enfant, Derek. Mais tout le monde s'accordait à dire qu'elle cachait derrière ses rêveries de belles histoires de coucheries et que la folie s'était emparé d'elle depuis longtemps. La pauvre femme avait été tellement blessée de toutes ces moqueries qu'elle avait fini par s'isoler dans la cabane abandonnée du jardin, n'acceptant plus de voir que son fils auquel elle continuait de raconter ces légendes incroyables qui l'avaient toujours tant fait rêver. Mais un jour, noyée par le chagrin, sa mère s'était laissée emporter par les vagues pour ne plus jamais revenir. Depuis ce jour, Derek n'avait plus cru en aucun des mots qu'elle lui avait raconté, se rendant compte que la vie n'avait rien d'un conte de fée. A partir de cet instant, le jeune homme s'était débattu pour toujours garder au moins un pied dans le réel.
     Lorsque le marin gara son véhicule dans l'allée, son regard se porta immédiatement sur la petite masure au fond du terrain, se demandant si une fois de plus il se retrouverait confronté à ses délires. Il quitta son siège et se rendit jusqu'à la porte de perles, passant la tête à l'intérieur pour vérifier. Il parcourut l'endroit d'un regard pleins d'espoir, rapidement déçu par le vide de la pièce. Il n'y avait évidemment personne. Il soupira, faisant quelques pas à l'intérieur en glissant ses yeux sur les meubles poussiéreux, se rendant à l'évidence qu'il avait bel et bien encore rêvé.
     Mais alors, quelque chose de très doux parvint aux oreilles du jeune Hale qui l'attira immédiatement dehors. Il s'agissait d'un chant, une voix masculine prononçant des paroles dans un dialecte différent du siens et provenant de plus bas dans la propriété. Derek ne pu s'empêcher de poursuivre la mélodie, reprenant espoir sur la nature réelle de sa rencontre. Il arriva près d'un creux entre les rochers où il aperçut le jeune homme de son rêve accroupis au dessus de l'eau, frottant le manteau de pêche que le marin lui avait prêté comme pour le laver. Il s'approcha donc, fourrant ses mains dans ses poches.

     - Tu es toujours là alors.

     Le rescapé releva la tête vers son sauveur, se coupant dans sa chanson. Il sourit en sa direction, se concentrant à nouveau sur sa tâche. Il frottait le tissus contre un galet plat, espérant pouvoir le rendre propre à son propriétaire.

     - Pourquoi, tu croyais que j'allais m'en aller?
     - Je croyais surtout t'avoir rêvé. Que tu n'étais jamais réellement tombé dans mon filet de pêche. Mais tu es là.
     - On dirait bien que je suis réel alors.
     - On dirait bien oui.

     Le marin s'assit en tailleur aux côtés du garçon, l'observant ruiner son unique vêtement efficace contre le froid. Il se demandait pourquoi est-ce que ça avait été tant nécessaire de faire ça, surtout que dans la mesure où il le raclait avec une pierre, le vêtement ne serait sans doute plus en état d'être porté ensuite.

     - Je t'ai entendu chanter avant.
     - Oh oui, j'aime bien. C'est une jolie chanson.
     - Tu t'es rappelé des paroles. Tu chantais dans une autre langue, tu sais en quoi c'était? On aurait dit du roumain, ou du polonais peut-être, enfin quelque chose comme ça.
     - Non. Je me souviens seulement que ma mère m'a apprit cette chanson.
     - La mémoire te remonte petit à petit ça veut dire, c'est plutôt encourageant.
     - Oui.

     Le rescapé retira le vêtement de l'eau et l'étendit sur les rochers pour le faire sécher, enlaçant ensuite ses jambes en observant le remous des vagues devant eux. Il semblait apprécier leur vas et viens, se calmant au son qu'elles produisaient.

     - Il y a autre chose dont je me suis rappelé.
     - Et de quoi il s'agît?
     - De mon nom.
     - Oh c'est une bonne nouvelle, et c'est quoi alors?
     - Stiles.
     - Drôle de nom.
     - Derek aussi c'est un drôle de nom.
     - Absolument pas, c'est un nom tout à fait normal. Et ta mère elle tu te souviens comment elle s'appelle?
     - Oui je crois.. J'ai ce nom qui me revient en tête chaque fois que j'essaye de me rappeler d'elle. Claudia.. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, mais je sais que c'est comme ça qu'elle s'appelle.
     - Claudia.. La mienne s'appelait Talia.

     Après un échange de regards agréables entre les deux hommes, Derek se redressa sur ses jambes, aidant ensuite ce fameux Stiles à se relever à son tour. Puis il tourna les talons, se rendant jusqu'au ponton d'un pas décidé. Le rescapé le suivit, enlaçant ses bras en sentant un vent frais se lever sur le bord de la côte. Il regarda son nouvel ami s'éloigner vers son bateau, hésitant à le suivre.

     - Tu retournes en mer?
     - Oui. J'ai une pêche le matin et une seconde l'après-midi. On n'a pas les mêmes poissons selon l'heure à laquelle on y va.
     - Je peux venir avec toi?
     - Tu veux venir pêcher avec moi? Je croyais que tu ne voulais pas qu'on te voit. Il pourrait y avoir du monde sur la mer, et on va passer près du port.
     - Je peux me cacher dans la cabine comme ce matin.
     - Tu es un noyé, tu vas me porter malchance si tu montes avec moi sur mon bateau.
     - Est-ce que tu as eu beaucoup de chance ces derniers temps Derek?
     - Non. Pas vraiment.. Bon d'accord c'est comme tu veux, tu peux venir si ça t'amuse. Mais je t'aurais prévenu.
     - D'accord !

     Ils grimpèrent tout deux sur le bateau, Derek se réjouissant qu'il fasse moins frais sur cette deuxième partie de journée car son manteau était encore à sécher sur les rochers dans la cuve de mer au bas de sa propriété. Il prit la barre, Stiles allant se mettre sur le rebord pour observer l'eau avancer sous la coque. Il était très curieux, adorant observer tout ce qui l'entourait. Il fît plusieurs fois le tour du rafiot, se calant finalement dans le cadre de porte de la cabine pour regarder Derek manœuvrer.

     - Il est pourris ton bateau Derek.
     - Je le sais bien. Je passe mon temps à réparer les fuites dans la coque ou à réajuster les réglages du moteur. C'est une épave, mais tant qu'elle flotte je peux toujours pêcher avec.

     Le garçon s'assit sur un cordage enroulé sur le sol, regardant passer le décor. Il soupira, remuant les épaules avec naïveté. Il n'avait plus rien de la personne paniquée que le marin avait repêché, prenant petit à petit ses aises sur le navire. Ça faisait plaisir au jeune Hale de le voir en aussi bonne forme aussi vite, même si évidemment la fatigue avait creusé ses traits et qu'il aurait certainement besoin de beaucoup de repos pour récupérer de ce qui lui était arrivé.
     Derek stoppa son rafiot lorsqu'il arriva à l'endroit souhaité, déboulant sur le pont pour remonter les cagettes qu'il avait ré-équipé un peu plus tôt. Il tira sur la première, Stiles se levant pour s'approcher.

     - Je peux t'aider à faire quelque chose?
     - Oui, prends ces cagettes et range-les à bas s'il te plais.

     Le rescapé saisit la première, l'emmenant là où le pêcheur l'avait indiqué en scrutant l'intérieur. Il la déposa sur le ponton, se redressant en posant une main dans son dos, se mettant dans une drôle de position. Il avait déjà mal dans la colonne, sans doute trop affaiblis pour réellement prodiguer un effort physique.

     - Elles sont vides Derek.
     - Oui, je sais j'ai remarqué.
     - Est-ce qu'elles ne sont pas sensées être remplies?
     - Si, elles sons sensées. Mais ma chance à la pêche est mauvaise en ce moment. Il y a juste le filet dans lequel je t'ai remonté qui valait le coup sur ces dernières semaines.

     Voyant que Stiles n'allait pas ranger plus qu'une cagette, Derek entreprit de lui-même entreposer celles qui arrivaient ensuite. Le jeune homme alla se mettre assis sur une caisse posée un peu plus loin, plongeant son regard dans la mer. Il était encore trop loin pour voir son reflet, mais il appréciait toujours regarder le vas et viens des vagues à la surface. Il se mit à chanter, reprenant le même air qu'un peu plus tôt dans les rochers. Le pêcheur eut envie de lui dire de se taire de peur qu'il fasse fuir le poisson, mais vu l'état de ses pièges il était évident que ça ne changerait plus rien à la donne.
     Lorsqu'il remonta la cagette suivante, il se rendit compte qu'elle pesait beaucoup plus lourd que toutes les autres. Le pêcheur fronça les sourcils, tirant dessus pour la traîner hors de l'eau. Il constata alors que le poisson s'était pressé à l'intérieur, emprisonnant une ou deux belles pièces. Derek se tourna ers Stiles, intrigué.

     - Comment est-ce que tu as fais ça?
     - Fais quoi?
     - Tu as chanté et le poisson est apparu. 
     - Ne sois pas ridicule voyons.. C'est un coup de chance c'est tout.

     Le marin posa la cage au sol, tirant la dernière qui restait dans l'eau. Et quand celle-ci vit la surface, elle était évidemment vide. Derek se frotta le visage, se rendant compte d'à quel point il devait avoir l'air idiot. Il hocha la tête, riant comme un imbécile.

     - C'est vrai, tu dois me porter chance voila tout. Ces cages sont dans l'eau depuis longtemps, c'est un hasard rien de plus. Les chansons n'attirent pas vraiment les poissons.
     - Tu te laisses sans doute trop emporter par cette histoire de garçon dans tes filets Derek. 
     - C'est de ta faute tout ça. Tu m'as retourné la tête.
     - Ta tête avait déjà l'air bien retournée avant que j'arrive.
     - Oui c'est vrai.

     Un véhicule marin passa à toute vitesse près de celui de Derek, Stiles se jetant au sol à la seconde où il l'aperçut. Il se recroquevilla contre le ponton en se couvrant la tête de ses mains, reprenant cette attitude terrorisée qu'il avait eu dans le bateau au matin. Le jeune Hale rangea tranquillement ses filets, observant passer l'engin. 

     - Encore des branleurs qui s'amusent à faire fuir le poisson en se croyant intelligents ça.

      Son regard se posa sur Stiles qui était entrain de ramper jusqu'à la cabine, allant s'y cacher. Il s'assit sur la même malle qui l'avait vu ce matin, regardant par l'ouverture de la cabine pour s'assurer qu'il n'avait pas été aperçu. Derek le rejoignit dans le cadre, haussant les sourcils avec surprise.

     - Pourquoi tu tiens à ce point là à ce qu'on ne te voit pas?
     - On ne doit pas me voir c'est tout..
     - Tu sais au moins pourquoi tu te caches?
     - Il ne faut pas qu'on me voit.. C'est comme ça..

     Le marin soupira, allant remonter le reste des filets qui étaient tous vides. Il râla un certain nombre de fois avant de se stopper dans ses gestes, remarquant une légère dérive dans sa trajectoire. Il jeta un œil de loin aux compteurs, se rendant compte que l'encre avait été relevée par mégarde lorsque Stiles s'était jeté à l'intérieur de la cabine.

     - Stiles, tu veux bien essayer de me tenir la barre droite? Je n'ai pas fini de tout remonter et on dérive de notre emplacement. Je ne veux rien heurter.
     - Oui d'accord..

     Mais au lieu de se relever pour aller se mettre debout derrière la barre, le rescapé tendit la jambe, utilisant son pied nu contre le gouvernail pour le maintenir dans la bonne direction. Il ne tenait pas du tout à ce que quelqu'un puisse le voir perché là derrière. Derek l'observa faire, ses yeux s'encrant sur cette jambe qui se tendait avec beaucoup de grâce pour manœuvrer. Le pêcheur se racla la gorge, détournant les yeux pour continuer de remonter ses filets.

     - On n'est pas sensé conduire un bateau avec les jambes tu sais.
     - Pourquoi, j'y arrive pas?
     - Je n'ai pas dis ça.
     - Alors je ne vois pas où est le problème.
     - A vrai dire moi non plus.. Oublies ça.

     Une fois encore, Stiles se mit à chanter. Il se détendait petit à petit, magnant la barre avec beaucoup de finesse malgré la position étrange dans laquelle il se trouvait. Le jeune Hale écouta ses paroles, se sentant calmé par elles bien qu'il n'en comprenait pas le sens. Il sourit, défaisant son filet arrière qui laissa tomber un certain nombre de poissons dans le bac à prises.

     - J'ai raconté une histoire à un ami ce matin.
     - Une histoire? Quel genre d'histoire?
     - Celle d'un jeune homme trouvé noyé dans le filet d'un pêcheur.
     - Oh.. Et.. Qu'est-ce qu'on en a dit?
     - Mon ami m'a demandé si tu étais une sirène.
     - Une sirène? Pourquoi est-ce que j'en serais une?
     - Tu chantes.. Tu en es peut-être une.. Ou bien une selkie.

     Stiles passa la tête au travers de la fenêtre, semblant ne rien comprendre à ce que son interlocuteur était entrain de lui dire. Il croisa les bras sur le rebord, s'appuyant en observant son sauveur s'occuper de son poisson.

     - C'est quoi une selkie?
     - Ce sont des femmes à l'apparence de phoque qui lorsqu'elles retirent leur peau prennent forme humaine pour aller vivre sur terre. On dit aussi que si elles enterrent leur peau de phoque, elles peuvent rester sept ans sur la terre ferme avant que la mer ne les rappelle. Ainsi, elles doivent déterrer leur peau et la remettre pour rejoindre l'océan.
     - Je ne crois pas être une femme phoque en tout cas Derek. Ni une femme poisson.
     - Je ne pense pas non plus que tu en es une. Tu ne te serais pas noyé si tu étais quoi que ce soit de ces choses là.
     - Tu as l'air de vraiment y croire à tes légendes..
     - J'essaye de me rappeler que la réalité ce n'est pas un conte pourtant. Mais j'ai tellement entendu de belles histoires dans ma vie que parfois j'aimerais qu'elles soient vraies.
     - Désolé de décevoir tes attentes dans ce cas..
     - C'est rien. Ce n'est pas plus mal crois-moi.

     Lorsque les deux compères rejoignirent la berge pour remettre pied à terre, Derek chargea son pick up de la caisse de poisson qu'il avait amassé avec Stiles, se dirigeant vers la portière du côté conducteur. Le jeune homme se stoppa, enlaçant ses bras comme pour se protéger de quelque chose.

     - Tu vas vendre le poisson au marché?
     - Oui. Et je te donnerai la moitié des revenus.
     - Quoi? Pourquoi?
     - Parce que grâce à toi j'ai eu plus de chance que d'habitude. Ce n'est toujours pas grandiose, mais ta présence m'a fait remonter plus de poisson. Allez monte, on va se faire un joli petit prix.
     - Oh euh.. Non.. Vas-y sans moi.. 
     - C'est toujours à propos de cette peur qu'on te voit?
     - Oui.. 
     - D'accord. Je te ramènerai ce qu'on a gagné quand je rentrerai alors.
     - Demain.. D'accord? Je suis tellement fatigué que je pourrais m'effondrer ici sans souci.
     - C'est normal. Tu as vécu beaucoup de choses aujourd'hui. Ne t'en fais pas, je viendrai t'apporter de quoi manger demain.

     Stiles hocha la tête, puis il s'approcha d'un pas pressé pour déposer un baiser sur la joue de son sauveur, lui faisant un petit sourire avant de tourner les talons et de rentrer dans la cabane, allant y trouver repos. Derek ne pu s'empêcher de sourire comme un imbécile, gardant cet air béat jusqu'au marché où Scott le charia encore une fois sur ses rêveries. Cette fois-ci, le pêcheur ne dit rien à propos du garçon de ses filets, souhaitant juste rentrer chez lui pour pouvoir continuer de rêver sans personne pour l'embêter.

Chapter 3: Peau de phoque

Chapter Text

     La pêche n'avait encore une fois pas été bonne ce matin. Derek s'était cette fois-ci rendu seul sur le flot des eaux, ayant espéré pouvoir désormais compter sur le poisson puisque le vent semblait avoir tourné en sa faveur la veille, mais il n'en était rien. Le filet remonta presque intégralement vide, et les cagettes n'avaient accueilli personne durant leur petit voyage au fond de la baie. Il y avait tout de même un peu de poisson, mais pas de quoi en récupérer une chique somme. Le jeune Hale allait devoir se contenter de son maigre butin pour la matinée, le mettant en caisse et le chargeant à l'arrière de son pick up pour l'emmener à la ville.
     Arrivé au vieux port, le marin se dépêcha d'aller déclarer son poisson chez son ami Scott, espérant que ceci ne prendrait pas longtemps. Avec la pauvre petite cargaison qu'il ramenait aujourd'hui, ce serait d'ailleurs sûrement le cas. Quand il entra avec sa cagette dans les mains, le poissonnier rappliqua illico pour jeter un œil au butin du jour. Il soupira, frottant le bas de son visage avec compassion.

     - Maigre pêche aujourd'hui Derek.
     - Je sais. Dépêche-toi de me déclarer tout ça j'ai des choses à faire aujourd'hui.
     - Bien, bien. Je m'y met.

     Le garçon s'empara du cageot, l'emportant de l'autre côté du comptoir. Il déposa le tout sur un plan de travail où il commença la pesée des poissons, les déclarant comme d'habitude l'un après l'autre.

     - Il est revenu alors?
     - Qui ça?
     - Ton garçon dans tes filets. Est-ce que tu l'as revu finalement?
     - Oh. Non. Non il n'avait rien de réel à vrai dire.

     Derek préférait ne pas plus parler de cette histoire, évitant de cette façon les moqueries ainsi que de dévoiler la réelle présence de Stiles, celui-ci semblant vouloir à tout prix que personne ne connaisse son existence. Le poissonnier hocha la tête, déposant le dernier poisson dans la caisse qui allait être vendue au marché plus tard.

     - Qu'est-ce que tu penses que c'était ce gars? 
     - Je ne sais pas. Un joli tour d'imagination sans doute.
     - Tu aurais aimé le savoir? 
     - Oui. Je crois que j'aurais aimé. Mais il n'existe pas, alors c'est difficile d'envisager de lui demander.

     Scott alla déposer le poisson à l'arrière de la boutique, se plaçant ensuite derrière la caisse pour effectuer les comptes et donner sa part de l'argent à Derek. Mais il prit son temps, semblant vouloir faire durer cette conversation.

     - Tu sais Derek, j'ai pas mal repensé à cette histoire.
     - Ah oui?
     - Oui. Je me suis senti curieux, et j'ai un peu réfléchis sur ce que tu m'as raconté. Je me demandais, si ce garçon que tu dis avoir vu n'était en réalité rien de surnaturel, comment est-ce que tu crois qu'il se serait retrouvé dans tes filets? 
     - Tu me demandes d'hypothéser sur un rêve Scott?
     - Parce que tu ne l'as pas fais toi?
     - Si bien sûr.. Je pensais peut-être.. A un migrant tombé d'un cargo ou quelque chose comme ça. Il chantait dans une autre langue, on aurait dit du polonais. Enfin dans mon rêve toujours.
     - Un migrant? Possible. Ce serait effectivement une explication plus rationnelle. Mais toi, tu voudrais bien que ce soit autre chose, n'est-ce pas? 
     - C'était un stupide rêve Scott. Rien de plus. Alors maintenant donne-moi mon argent, que je puisse m'en aller. Je suis pressé.
     - Bien, bien. J'étais juste curieux désolé. Tiens voila ton pognon.

     Il lui tendit une pauvre liasse, Derek la rangeant tout de suite dans son porte monnaie. Cette conversation l'avait exaspéré. Scott était son ami depuis des années, mais souvent il poussait ses moqueries un peu trop loin concernant les rêves du jeune pêcheur. Il ne s'agissait sans doute que de curiosité mal placée, mais le marin arrivait de moins en moins à supporter que l'on rigole de ses histoires. Plus le temps passait et plus il comprenait sa mère qui avait fini par s'isoler du monde pour échapper aux paroles des autres.
     Derek ne retourna pas à sa voiture directement aujourd'hui, il partit plutôt vers le petit quartier marchand de la ville pour y faire quelques emplettes. Il n'avait pas trouvé le temps jusqu'ici pour s'occuper de ses affaires personnelles, mais il avait promis à son jeune rescapé de lui récupérer quelques dessous lorsqu'il se rendrait en ville. Il pénétra donc dans une boutique de breloques, ne trouvant pas d'autre endroit où il pourrait acheter des vêtements. Ce taudis était si petit et porté uniquement sur le poisson que les autres commerces se faisaient rares et il fallait souvent se contenter du peu. La vendeuse, jusqu'ici assise derrière son petit comptoir à limer ses ongles, se leva pour s'approcher de son client.

     - Bonjour Derek. Ça fait un moment que je ne t'ai pas vu. Il te faut quelque chose de spécial aujourd'hui?
     - Oui, en réalité j'ai perdu mon manteau de pêche et je venais voir si tu avais quelque chose de bien chaud pour le remplacer.
     - Ne bouges pas, je vais aller voir ce que j'ai à l'arrière de la boutique.

     Elle lui fît un beau sourire puis se pressa dans la petite pièce du fond, abandonnant le marin complètement seul dans la boutique. Celui-ci jeta un œil coupable tout autour de lui, puis il s'approcha des dessous pour hommes en en attrapant deux ou trois pour les fourrer vite fait dans son sac sans se faire remarquer. Bizarrement, il se sentait gêné d'aller acheter quelques caleçons et le pêcheur préférait les voler plutôt que de les passer à la caisse, d'autant plus qu'il manquait d'argent pour s'offrir autre chose que de la nourriture aujourd'hui.
     La vendeuse revint avec un large manteau noir, assez épais pour couper du vent et tenir chaud sur son bateau. Elle s'approcha de son client, posant le vêtement contre lui pour vérifier si la taille collait. Elle hocha la tête, convaincue que c'était la bonne.

     - Celui-ci serait parfait pour toi. Qu'en dis-tu?
     - Je suis désolé, en fait je ne vais pas pouvoir le prendre.
     - Ah oui, pourquoi?
     - Je viens de me rendre compte que j'ai oublié mon porte monnaie. Mais je repasserai pour venir le chercher, alors si tu veux bien me le mettre de côté..
     - Oui bien sûr.

     Déçue, elle alla mettre de côté le vêtement, Derek en profitant pour filer. Il venait de voler des caleçons, et il se sentait très honteux pour ça. Mais pas le temps de se ronger de remords, il retourna bien vite fait à sa voiture pour rentrer chez lui.
     Quand il se gara dans l'allée, Derek jeta immédiatement un regard sur la cabane dans son jardin. Il n'y avait pas beaucoup d'activité à l'intérieur, le jeune rescapé s'étant très certainement offert une petite balade à l'extérieur à son réveil. Le pêcheur se rendit donc à l'intérieur, déposant ses quelques "achats" sur le canapé avant de sortir, cherchant des yeux où Stiles avait pu aller. Peut-être était-il encore entrain de faire du linge dans la petite cuve de mer au bas de la colline? Le jeune Hale prit donc pas dans cette direction, espérant pouvoir rapidement revoir le garçon de son rêve. 
     En arrivant près de l'eau, Derek commença à s'inquiéter de ne pas encore avoir croisé le chemin de son nouvel ami. Il se mit à parcourir le début de crête rocheuse, espérant pouvoir l'apercevoir quelque pars. Son attention fut attirée un peu plus loin, le marin ayant enfin vu du mouvement.

     - Stiles?

     En s'approchant, le Hale tomba face à face avec un magnifique phoque entrain de se faire dorer au soleil. En le voyant approcher, l'animal se redressa, se mettant à fixer l'intrus. Derek était fasciné. Jamais il n'avait encore aperçu cet animal hors de l'eau, et son cœur palpitait rien que de le voir se prélasser sur ses terres. Mais quelque chose était étrange, le phoque était seul. Habituellement, ces créatures restaient entassées en groupe et se jetaient à l'eau dès qu'un danger approchait, mais pas celui-ci. Le pêcheur fît quelques pas de plus en sa direction, le détaillant. L'animal était recouvert de pleins de petites tâches ressemblant à des grains de beauté et ses yeux couleur whisky ne quittaient pas le marin qui continuait de se rapprocher de lui. Plus Derek l'observait, plus il avait l'impression étrange que cet animal lui était familier. Il s'assit sur un petit rocher à un ou deux mètres de lui, commençant à se demander si.. Si il ne s'agissait pas de..

     - Stiles..? Est-ce que c'est toi..?

     Le phoque se redressa à l'appel du nom, poussant un cri étrange avant de tourner le dos au Hale, dévalant à toute vitesse la pente rocheuse. Derek ne put s'empêcher de lui courir après, soudainement paniqué à l'idée que le garçon puisse s'en aller. Il en était sûr maintenant, il avait retrouvé sa peau de phoque et retournait désormais à la mer.

     - Non Stiles ne t'en vas pas ! Reviens !

     Le marin poursuivit l'animal, l'écart se creusant entre les deux êtres. Hale tendit la main en la direction de Stiles, essayant de l'appeler de son geste. L'animal se stoppa près de l'eau, semblant hésiter à y plonger. Son regard vint se reposer sur son ami qui courait toujours après lui, se demandant sans doute si il ne préférait pas finalement rester en sa compagnie. Derek arriva tout essoufflé en bas des pierres, les mains posées sur ses genoux pour se retenir le temps de reprendre sa respiration.

     - S'il te plais ne t'en vas pas.. J'ai encore tout à découvrir de toi.. Restes je t'en supplie..

     Un regard tendre s'échangea entre les deux créatures, les paroles du marin semblant avoir atteint le cœur du selkie. Il eut une lueur d'espoir, le voyant s'éloigner lentement de l'eau. Mais alors que le pêcheur se redressa pour amoindrir la distance entre eux le phoque se jeta à l'eau, disparaissant entre les vagues. Derek courut sur le bord, voyant tout son monde s'effondrer.

     - Non Stiles ! Reviens ! Stiles !

     Le jeune Hale retomba les genoux dans l'eau, observant l'océan s'étendre à perte de vue en se demandant si celui-ci lui permettrait un jour de revoir le garçon qu'il avait sauvé. Il soupira, défait pas son échec. Puis il se redressa sur ses jambes, faisant demi-tour pour rentrer chez lui.

     - T'étais entrain de parler à un phoque ou je rêve?

     Derek sursauta, reconnaissant immédiatement la voix qui venait de l'interpeller. Son regard courut le long des rochers, tombant sur Stiles qui l'observait assis sur le bord de la côte avec un air moqueur. Le marin ne put s'empêcher de soupirer son soulagement, réalisant qu'il avait en fait réellement croisé un phoque tout ce qu'il y avait de plus normal. Il se mit à gravir la roche, essayant de rejoindre le garçon.

     - Je croyais que c'était toi.
     - Ça ne va pas mieux toi. Tu crois que je suis un phoque maintenant.
     - Un selkie. Je pensais que tu avais retrouvé ta peau et que tu retournais à la mer parce qu'elle t'avait appelé.

     Stiles saisit la main de son ami, l'aidant à le rejoindre sur le bord du rocher avec le sourire aux lèvres. Le jeune homme semblait particulièrement amusé de la situation, ce qui mettait mal à l'aise Derek.

     - Tu es terrible toi.. Puisque je te dis que je ne suis rien de tout ça.
     - Alors qu'est-ce que tu es?
     - Un type qui s'est noyé comme un idiot dans l'océan, rien de plus.
     - Et ça c'est quoi?

     Le pêcheur, perdant certainement patience, désigna la blessure qu'il avait recousu sur le flanc du garçon d'un doigt accusateur. Stiles perdit son sourire, tout d'un coup beaucoup moins amusé par cette conversation. Il détourna le regard, semblant très peu à l'aise face à cette remarque.

     - Je te l'ai dis. Je ne sais pas.
     - Et moi je pense que tu sais.
     - Non je ne sais pas. Je suis amnésique, tu te souviens? Parce ça, moi je m'en souviens.
     - Est-ce que tu l'es vraiment? Ou c'est que tu ne veux juste pas me dire la vérité à propos de toi?
     - Qu'est-ce que.. Ça suffit je rentre. Cette conversation ne mène nulle pars.

     Le rescapé fît demi-tour, visiblement énervé par la situation. Derek le poursuivit, regrettant immédiatement les paroles qu'il avait prononcé juste avant.

     - Attends Stiles, je suis désolé.
     - Je ne me souviens de rien Derek. Je sais juste que je suis mort et que ton filet m'a redonné une vie. Tu comprends ça?
     - Oui.. Excuse-moi..

     Stiles se stoppa dans sa course, refaisant face à son sauveur. Il avait cet air vexé qui fît se serrer le cœur du marin, se sentant davantage coupable à cette vue. Il baissa les yeux, se rendant compte qu'il avait attaqué un amnésique et qu'il le mêlait à ses histoires farfelues alors qu'il cherchait simplement à se souvenir de qui il était.

     - Tu vas encore m'accuser de te mentir?
     - Non. Je regrette de l'avoir fais. Je veux juste t'aider Stiles.
     - Si tu veux m'aider alors continues de me cacher et arrêtes de me poser des questions dont je n'ai pas la réponse. 

     Le jeune homme retourna à la cabane s'engouffrant dans la porte en perles pour pouvoir rentrer chez lui. Il s'arrêta devant les sous-vêtements qui étaient toujours posés sur le canapé, se tournant vers Derek qui venait d'apparaître derrière lui.

     - Tu m'as acheté de nouveaux vêtements?
     - Oui. Enfin je les ai pris. Mais c'est pour toi. Ça ne doit pas être très confortable de porter tes fringues sans sous vêtements.
     - Ça ne me gênait pas particulièrement. Mais merci.
     - Oh non j'ai oublié de te prendre des chaussures.. Tu es toujours pieds nus..
     - J'aime être pieds-nus, ce n'est pas la peine. C'est plus agréable pour marcher dans l'herbe ou me promener sur les rochers. Et j'ai juste à remonter mon pantalon pour mettre les pieds dans l'eau.

     Le garçon récupéra les vêtements, les passant en revue. Ils n'avaient rien de spécial, c'étaient juste des caleçons basiques noirs. Il en choisit un, commençant à défaire son pantalon dans le but de le mettre. Mais Derek lui attrapa le poignet, le stoppant dans son geste.

     - Attends ! S-si tu voulais bien attendre que je parte pour le mettre..
     - Pourquoi?
     - Disons que.. Te voir nu me gêne un peu. Tu comprends?
     - Pas vraiment, mais si tu veux je ferai ça plus tard.
     - Merci.

     Les deux hommes s'assirent ensemble sur le canapé, restant quelques instants dans le silence. Une tension s'était installée entre eux suite à leur dernière dispute, et Derek espérait pouvoir détendre un peu l'atmosphère en trouvant un sujet de conversation. Il se racla la gorge, entamant une première phrase.

     - Qu'est-ce que tu étais parti faire dehors?
     - Peut-être que j'étais sorti chercher ma peau de phoque.
     - Peut-être..
     - Non en réalité j'espérais voir ton bateau revenir de la pêche, je ne savais pas que tu étais déjà en ville à ce moment là.
     - Tu me cherchais?
     - Oui. J'avais envie de te voir.
     - Oh.. Et moi je te suis tombé dessus comme ça.. Je m'excuse encore d'avoir fais ça. J'ai juste vu ce phoque et.. j'ai cru que tu étais parti. Alors quand je t'ai vu je me suis senti bête, et je t'ai agressé.
     - C'est bon c'est pas grave. Je peux comprendre que tout ça te rende confus. Moi-même je suis un peu perdu. 

     Les amis s'échangèrent un sourire, semblant avoir enfin résolu le problème de la dispute. Chacun d'entre eux se sentait soulagé qu'il n'y ait plus d'animosité dans l'air. Stiles regarda tout autour de lui, observant la maison qui l'accueillait maintenant. Derek se posa alors une question.

     - Combien de temps tu comptes rester Stiles?
     - Ça dépend.
     - De quoi est-ce que ça dépend?
     - De toi.

     Derek eut un rire, faisant tiquer Stiles. Le jeune homme regarda le marin pendant un moment, attendant une explication à cette réaction étrange.

     - Si ça dépend de moi, alors tu peux rester pour toujours.
     - C'est vrai?
     - Oui. C'est difficile d'être seul parfois. Tu m'apportes un peu de lumière quand je te vois. Et toi au moins tu n'as pas l'air de me prendre pour un fou quand je te raconte mes histoires.
     - Ah bon je n'en ai pas l'air?
     - Parce que c'est ce que tu fais?
     - Un petit peu.
     - Sympa.

     Les amis rirent ensemble, laissant sous-entendre que rien de tout ça n'était grave. Derek pouvait raconter ses légendes farfelues à Stiles sans que jamais il ne le prenne pur un idiot ou un demeuré. C'était agréable de pouvoir discuter comme ça sans se sentir jugé ou moqué.

     - Derek?
     - Oui?
     - Je pourrai faire un peu de ménage ici puisque je suis amené à rester?
     - Oui bien sûr. Fais comme chez toi.
     - Derek?
     - Oui?
     - Pourquoi est-ce que tu as raconté mon histoire en ville?

     Derek tourna la tête vers Stiles qui s'était prélassé contre le coussin du canapé, posant sa tête sur le bras de son sauveur en le regardant dans les yeux. Le garçon se montrait curieux autant qu'il était inquiet. Le marin soupira, regrettant d'avoir parlé du garçon des filets à son ami le poissonnier.

     - Parce que c'est ce que fait ma famille depuis longtemps.
     - Comment ça?
     - On raconte des histoires, des légendes, des choses que l'on rêve ou que l'on pense voir.
     - Que tu rêves?
     - Comme ce phoque que j'ai cru être toi tout à l'heure.
     - Est-ce que tes rêves ne sont pas simplement des désirs que tu projettes sur les choses? Tu aurais aimé que ce phoque soit moi pour te prouver que les selkies existent, et tu y aurais cru si je n'étais pas rentré pour te voir. Et tu essayes aussi de trouver des preuves que je suis une sirène parce que tu m'as repêché noyé dans tes filets et que j'aime chanter. C'est sans doute ça qui t'arrive.. Tu ne crois pas?
     - Tu penses que tout ça c'est le fruit de mon imagination..?
     - Je n'en sais rien.. Je ne me rappelle pas du monde.. Je dis juste que c'est une possibilité..

     Le pêcheur hocha la tête, entendant parfaitement ce que le rescapé essayait de lui faire comprendre. C'était une réflexion tout à fait juste. Le Hale avait passé sa vie à courir après ses rêves, mais jamais rien n'avait prouvé la réelle existence de ces légendes auxquelles il croyait tant. Et pourtant, et pourtant il n'arrivait pas à se dire que sa mère lui avait menti  toute son enfance. Il croyait encore que tout était possible. Qu'il était le fils d'un dauphin et que le chagrin de sa mère était venu du fait que personne n'avait jamais cru ce qu'elle disait avoir vécu.

     - Mais j'ai encore envie d'y croire..
     - C'est beau la façon dont tu t'accroches à tes légendes. Mais il faudrait faire attention à ce qu'elles ne prennent pas l'avantage sur la réalité..
     - J'essaye Stiles.. J'essaye vraiment..
     - Je te crois Derek. Je te crois.

 

Chapter 4: A découvert

Chapter Text

     Les deux jours qui avaient suivi s'étaient eux aussi montrés très sévères pour Derek qui continuait à faire de pauvres pêches remboursant à peine la consommation du carburant qu'il brûlait en mer. Le pêcheur commençait à désespérer, se demandant si il ne s'était pas maudit d'une façon ou d'une autre pour avoir si peu de chance. Et ce matin encore, il était parti sur les flots avec très peu d'espoir concernant la récolte.
     De son côté, Stiles s'était attelé à rendre son nouvel habitat salubre, ayant passé les deux derniers jours à activement nettoyer l'endroit. De toutes façons, le jeune homme n'avait pas grand chose d'autre à faire de son temps, refusant chaque fois la proposition de son sauveur pour l'accompagner faire ses ventes au marché. Le rescapé préférait rester bien caché dans la petite parcelle de terrain qui s'avérait tout de même très agréable à vivre, lui donnant même un accès à la mer sans risquer de se faire voir. Le jeune homme avait jusqu'ici beaucoup hésité à se remettre à l'eau, inquiet pour l'effet que le sel pourrait avoir sur les points de suture que lui avait fait Derek le jour de son arrivée ici. Stiles avait passé de très longs moments à observer sa blessure dans le miroir, essayant sûrement de se rappeler comment il l'avait obtenue, mais évidemment rien n'avait l'air de lui revenir. Du moins, si c'était le cas, il n'en parlait pas. Plusieurs jours s'étaient cependant écoulés depuis et la plaie avait l'air d'être en très bonne voie de guérison, ce qui poussa le rescapé à enfin retenter un plongeon. Le jeune homme, s'étant débarrassé de ses vêtements sur le rebord, se laissait porter par les douces vagues du matin qui bien que fraîches étaient fortement agréables sur son corps. Plusieurs fois, il plongea sous l'eau dans l'espoir d'aller toucher le fond toujours plus loin dans la cuve. Il atteignit même la petite balustrade flottante un peu plus loin, grimpant dessus pour y sauter dans un magnifique plongeon. 
     Lorsqu'il remonta à la surface cette fois-ci, le miraculé entendit des pas sur les rochers lui indiquant que Derek était déjà probablement rentré. Il nagea rapidement pour revenir près du bord, sortant juste la tête pour pouvoir apercevoir son ami. Mais une fois ses yeux posés sur la personne face à lui, il se rendit compte qu'il avait fait une grosse erreur en se rapprochant d'ici. Là, l'observant calmement et les mains dans les poches, un garçon d'à peu près son âge et à la peau mate se tenait. Les deux hommes se regardèrent un moment, Stiles ne sachant quoi faire de lui. Quelqu'un l'avait vu, et il ne s'agissait pas de Derek. Est-ce qu'il devait tenter de fuir? Ça n'aurait servi à rien, c'était trop tard. On l'avait aperçu.

     - Je savais bien que tu étais réel.

     Stiles se sentit immédiatement intrigué par la première phrase de ce garçon. Il fronça les sourcils, s'avançant sur le rebord et sortant petit à petit de l'eau, dévoilant son corps à l'inconnu.

     - Qu'est-ce que tu as dis..?
     - Le garçon dans les filets dont me parlait Derek. C'est toi n'est-ce pas? Tu es sa sirène.
     - Est-ce que c'est comme ça qu'il m'appelle?
     - C'est comme ça que moi je t'appelle.

     Le rescapé sortit entièrement de l'eau, s'approchant de son nouvel interlocuteur sans se préoccuper de sa nudité. Le garçon lui tendit une serviette, permettant à Stiles de se sécher rapidement. Le jeune homme passa le tissus éponge contre son visage, ne quittant pas cet inconnu des yeux pour autant.

     - Je ne suis pas une sirène.
     - Je vois bien ça, tu as des jambes.
     - J'ai des jambes. Et je me noie quand je reste trop sous l'eau.
     - Tu as une lacération au niveau du flanc aussi.

     Stiles baissa les yeux sur sa blessure recousue, se rendant compte qu'elle était quand même bien visible maintenant qu'il était sorti de l'eau. Il continua de se sécher, nouant finalement la serviette autour de sa taille pour se couvrir un minimum. Scott comprit que le jeune homme n'allait pas en parler, c'est pourquoi il prit le soin de reprendre lui-même la conversation.

     - Tu t'es fais voler ton rein?
     - Quoi? Mon rein?
     - C'est ce qui t'es arrivé? Parce que Derek n'est pas d'être rationnel quand il parle de toi. Mais quand on essaye d'être réaliste, ta blessure ressemble à une cicatrice d'opération clandestine pour te prendre ton rein.
     - Non ce n'est pas ce qui m'est arrivé..
     - Alors qu'est-ce qui est arrivé?
     - Ce ne sont pas tes affaires.

     Le jeune homme passa devant l'inconnu, ne souhaitant pas particulièrement continuer de lui parler. Non, là tout ce qu'il souhaitait c'était de se cacher. Mais Scott lui saisit le poignet, l'empêchant de s'éloigner davantage.

     - Tu es quoi, un migrant? Un sujet de tests clandestins? Tu étais esclave dans un autre pays? Tu as fui la guerre? C'est quoi ton histoire?
     - Lâche-moi.
     - Est-ce que toi tu sais ce que tu es au moins?
     - Je t'ai dis que ce n'étaient pas tes affaires. Qui tu es d'abord? Qu'est-ce que tu me veux?

     Le poissonnier lâcha le jeune homme, s’approchant un peu plus de lui en le détaillant de haut en bas comme il le faisait avec ses pesées de poisson. Puis il croisa les bras, soupirant lascivement.

     - Je suis Scott. Derek a toujours eu un pet' au casque, mais je me disais que ce n'était pas trop grave tant que ça n'atteignait pas sa vie au point de brouiller sa vision de la réalité. Mais tu es arrivé, et maintenant il est devenu encore plus bizarre qu'avant. Je veux juste savoir ce que tu veux à mon ami.
     - Je ne lui veux rien du tout.. Il m'a repêché et maintenant je reste ici le temps que.. Le temps que ma mémoire me revienne.
     - Tu es amnésique? Comme c'est bizarre. 
     - Bizarre? Pourquoi est-ce que ce serait bizarre? Je me suis noyé je te rappelle.
     - C'est bien pratique de ne pas se rappeler d'où on vient n'est-ce pas? Comme ça on n'a pas à le raconter aux autres, on peut juste savourer le temps qui passe sans avoir à faire face à la réalité.
     - Je ne vois pas de quoi tu parles..
     - Je te met juste en garde. Je tiens beaucoup à Derek. Il est un peu bizarre, c'est vrai, mais c'est mon ami et je n'aimerais pas qu'il lui arrive quelque chose. Peu importe qui tu es ou ce que tu es, d'où tu viens ou ce qui t'a amené à te retrouver dans ses filets de pêche, tu n'as pas intérêt à le mettre en danger. Je me suis bien fais comprendre?

     Stiles sentait la peur monter dans sa poitrine jusqu'à lui nouer la gorge, le plongeant dans le mutisme. La seule réaction qu'il pu avoir fût de secouer lentement la tête, indiquant à son interlocuteur qu'il avait bien compris la menace. Scott sembla satisfait, donnant une tape sur l'épaule du jeune homme avant de le planter là et de repartir. Il grimpa en voiture, quittant la propriété en laissant le rescapé seul avec sa conscience.
     Plus tard dans la journée, Derek vint trouver Stiles qui s'était réfugié dans un coin de sa cabane, ayant souhaité être laissé seul après sa mésaventure du matin. Le pêcheur toqua, puis il passa la cascade de perles en cherchant son ami du regard au travers de la pièce.

     - Stiles, tu es là?

     Il l'aperçut assis tout seul dans un coin, restant volontairement muet à son appel. Le marin s'approcha, intrigué par l'attitude bizarre du garçon. Il s'accroupit derrière lui, posant une main sur son épaule pour l'inciter à le regarder, ce qui n'arriva pas.

     - Stiles qu'est-ce que tu as..?
     - Tu aurais préféré que je sois une sirène, pas vrai..?
     - Mais qu'est-ce que tu racontes..?
     - Derek.. Si je venais à me rappeler de ma vie et que la réalité s’avérait être sale.. Tu te débarrasserais de moi..? Si je ne suis pas une créature de légende, tu ne voudras plus que je reste avec toi..?
     - Quoi? Bien sûr que si enfin.. Pourquoi tu me demandes ça..? Est-ce que tu t'es souvenu de quelque chose..?

     Stiles ne répondit pas, laissant planer le doute sur la réponse qu'il aurait pu donner. Derek fronça les sourcils, n'arrivant définitivement pas à comprendre ce qu'il se passait avec son nouvel ami.

     - Stiles parle-moi..
     - Non, de rien..
     - Qu'est-ce que tu dis?
     - Je ne me suis souvenu de rien.. Rien du tout.. Je pensais juste à cette éventualité..

     Le marin hocha la tête, acceptant ce que venait de lui dire le rescapé en essayant de ne pas réfuter la vérité de ses propos. Si Stiles ne se sentait pas de lui parler, il n'allait pas le forcer à le faire. Il se dit tout de même que ce serait bien de lui changer les idées car le jeune homme semblait s'être plongé dans une terrible déprime.

     - Tu sais, ma pêche est très mauvaise en ce moment. Ça ne te dirait pas de remonter sur mon bateau pour chanter?
     - Tu veux que je chante? Tu sais que ça n'a aucun pouvoir sur le poisson n'est-ce pas?
     - Bien sûr. C'est surtout pour avoir un peu de compagnie. Et puis peut-être que tu me porteras chance.
     - D'accord.. Je vais venir avec toi.
     - Génial.

     Derek aida le garçon à se relever, lui souriant pour essayer de le rassurer sur ses intentions. Stiles lui rendit son sourire, se sentant un peu mieux du fait d'avoir pu partager ses craintes avec le pêcheur. A la suite de ça, ils se rendirent tout deux sur le navire, se lançant en mer pour la seconde pêche de la journée. Le jeune Hale avait peu d'espoir quand à la fortune qui planait au dessus de sa tête, mais le simple fait de ne pas être seul sur son rafiot lui faisait beaucoup de bien. Son rescapé s'était installé tranquillement dans la cabine du bateau, observant passer le paysage marin devant ses yeux sans un mot. Son regard était perdu parmi les vagues de l'océan, rendant illisible son expression.
     Derek, une fois bien encré au milieu de sa zone de pêche, commença à remonter les cagettes, priant pour qu'elles soient bien plus remplies que celles du matin. Bingo, il y avait du poisson à l'intérieur, du moins un seul poisson. Le pêcheur se tourna vers son ami, lui montrant la cage.

     - Tu vois, tu es là et le poisson débarque.
     - Il n'y en a qu'un seul là dedans.
     - Peut-être que si tu chantais, il y en aurait plus?
     - Encore avec ça?
     - S'il te plais..

     Stiles leva les yeux au ciel, puis doucement il commença à prononcer les mêmes paroles qu'à son habitude. Sa voix bien qu'assez timide laissait entendre une mélodie d'une grande douceur. Le garçon était vraiment très doué pour chanter, et il n'avait même pas besoin d'essayer pour ça. C'était naturel chez lui.
     Derek dû s'accrocher, sentant le navire basculer fortement vers l'arrière. Il perdit l'équilibre, essayant de se retenir au premier cordage venu. Stiles se retint contre le cadre de la porte, se coupant instantanément dans sa chanson. La secousse avait été telle que malheureusement, Hale passa par dessus bord et retomba dans l'eau, emporté par les vagues. Le rescapé se redressa, paniqué par ce qu'l venait de voir.

     - Derek !!
     - Au sec- .. Secours-! Je sais p- je sais pas nager !!

     Derek tentait de se débattre hors de l'eau, n'arrivant pas à revenir vers le bateau. Il se faisait lentement emporter, la surface de l'eau se déchaînant plus que d'habitude. Stiles essaya de rejoindre le rebord du ponton, se tenant au bois pour ne pas tomber.

     - Tiens bon Derek !!

     Il chercha d'abord du regard une bouée de secours, mais n'en trouvant pas il du se rendre à l'évidence. Il allait devoir plonger. La panique était grande, l'idée d'à nouveau se retrouver perdu dans cette immense étendue d'eau le terrifiait. Mais Derek était entrain de se noyer, et il ne pouvait pas laisser faire ça. Alors le jeune homme laissa sa peur de côté, grimpant sur le rebord en retirant sa chemise, se préparant à sauter.

     - J'arrive !

     Stiles inspira profondément, puis il se jeta à l'eau, plongeant dans une magnifique tête dans le remous des vagues. Il remonta à la surface, nageant aussi vite qu'il le pouvait jusqu'à son ami qui était sur le point de couler à pic. Sa tête disparut sous l'eau, forçant le rescapé à plonger pour aller le repêcher au fond. Il parvint tout de même à le rejoindre, le saisissant du mieux qu'il put pour le remonter à la surface. Les deux amis reprirent leur respiration, se débattant dans l'eau pour éviter de s’entraîner l'un l'autre vers le fond.

     - Derek ! Fais des moulins avec tes jambes ! Accroche-toi bien à moi !

     Derek obéit, tentant du mieux qu'il pouvait de faire des moulins avec ses jambes. Avec beaucoup d'efforts, les amis parvinrent finalement à se rapprocher du navire, Stiles saisissant l'amas d'algues s'étant accrochés sur la coque pour éviter de repartir à la dérive. Il reprit son souffle, tentant de saisir le cordage sur le côté du bateau pour donner une prise au marin qui luttait encore pour garder la tête hors de l'eau.

     - Attrapes ça Derek ! Hisse-toi !

     Le pêcheur se saisit des cordes, se tirant difficilement hors de l'eau en grimpant jusqu'à rejoindre le pont. Stiles le suivit, se tirant à l'intérieur du rafiot. Il s'assit sur le rebord, une jambe de chaque côté du muret, soupirant de soulagement en ébouriffant ses cheveux trempés. Derek était allongé sur le dos au milieu du pont, reprenant son souffle en fixant le ciel. A ce moment là, il remercia tout ce qu'il pu de bien avoir voulu le laisser en vie. Il s'assit finalement, fixant son sauveur.

     - Tu m'as sauvé la vie Stiles.. 

     Une nuée d'applaudissements se leva, les deux hommes se rendant compte que le petit chalutier avait dérivé jusqu'aux abords du port. Chaque membre présent dans leurs navires amarrés aux quais applaudissait et un bateau de Garde-Côte était en route vers leur position, n'étant pas arrivé à temps pour eux-même intervenir pour le sauvetage. Stiles regarda tout ce monde qui les observait, défait. Ils l'avaient tous vu. Absolument tout le port. Derek se releva, s'approchant de lui en constatant l'expression que faisait son ami.

     - Je crois bien qu'on t'a vu cette fois Stiles.
     - Ouais.. Ouais on m'a vu..
     - Est-ce que ça va?
     - Ouais... Non... J'en sais rien...
     - Ils vont monter à bord.

     Les Gardes-Côte s'accrochèrent au bateau de Derek, se hissant l'un après l'autre pour rejoindre les deux hommes. Celui qui semblait être le chef s'arrêta devant le pêcheur, venant lui serrer la main.

     - Belle chute mon ami.
     - Oui, heureusement que ce garçon était là pour venir me repêcher.

     Le marin désigna Stiles qui n'eut aucun autre réflexe que d'agiter timidement sa main, saluant ces nouvelles personnes qui avaient débarquées sur le bateau. 

     - Qu'est-ce qui s'est passé?
     - Je ne sais pas, le pont a commencé à trembler et le navire est parti vers l'arrière. Je suis passé par dessus bord à cause des secousses.
     - Vous aviez remonté votre filet?
     - Non il est toujours dans l'eau.
     - Vous avez sans doute accroché quelque chose. On va vous aider à le remonter.

     Stiles quitta le bord du ponton, allant se rhabiller dans la cabine pour maintenir la barre et éviter de dériver davantage. Quand à Derek, il accompagna les hommes à l'arrière du bateau pour actionner la poulie et faire remonter son butin. A la surprise générale, le filet était remplis jusqu'en haut de tonnes de poissons se débattant pour leur survie. Tout le monde ici présent fût choqué de la quantité amassée, le jeune Hale le premier. Il se tourna vers Stiles, lui indiquant du doigt le trésor qu'il venait de ramener des eaux, faisant halluciner le rescapé qui posa sa main sur sa bouche, se demandant sans doute si sa chanson n'avait pas été à l'origine de tout ça. Le bateau avait basculé à cause du poids de la pêche à l'instant même où il s'était mit à chanter. C'était miraculeux.
     Les Gardes-Côte ouvrirent le filet, faisant retomber les poissons dans le bac à prise, manquant de peu de le faire déborder. L'un d'entre eux attrapa une des bestioles par la queue, la soulevant du tas.

     - Un saumon? Mais ce n'est même pas le bon filet ! Comment est-ce que vous avez fait ça?
     - Je n'en sais rien.. Rien du tout.. C'est absolument incroyable..
     - Une pêche pareille, il va bien falloir penser à la déclarer.
     - Je connais un ami qui va halluciner.. Ne vous en faites pas, je compte bien amener tout ça à quelqu'un de compétent.

     Le navire amarra au port, les Gardes-Côte aidant Derek à corder son rafiot à une bitte du ponton. Ils durent aussi lui filer un coup de main pour tout stocker dans les caisses, Stiles participant évidemment au travail. Les deux hommes n'avaient même pas osé parler de ce qu'il venait de se passer, ne comprenant pas comment une telle chose avait été possible. Plusieurs des habitants de la vieille ville se proposèrent pour aider les pêcheurs à amener le poisson se faire déclarer, la plupart en profitant pour aller féliciter le nouveau venu pour son acte héroïque un peu plus tôt. Stiles n'était absolument pas à l'aise d'avoir tant d'attention sur lui, surtout qu'il avait entendu ci et là courir la rumeur qu'il était arrivé par la mer dans les filets du pêcheur Hale. Les gens parlaient. Et il détestait ça.
     Leur arrivée chez le poissonnier fît grand bruit, Scott et ses collègues n'en revenant pas du trésor qui venait de passer leur porte. Le marchand sauta dans les bras de son ami, riant aux éclats en voyant passer toutes les marchandises.

     - Et bien mon ami ! Toutes les pêches que tu as manqué ces dernières semaines sont compensées ! Je ne sais pas combien il y a de kilos de poissons là dedans, mais c'est un véritable trésor !

     C'est alors que Stiles se retrouva face à Scott, les deux hommes s'échangeant un long regard. Le rescapé était très gêné de cette rencontre, le poissonnier semblant y accorder beaucoup moins d'importance. Derek posa sa main sur l'épaule de son ami, désignant le jeune nouveau venu en ville d'un geste de la main.

     - Scott, voici Stiles. Le garçon dans mes filets.
     - On se connait déjà, je crois.
     - Ah oui?

     Derek lança un regard surpris à Stiles qui hocha la tête, confirmant les dires de son autre ami en frottant sa nuque. Il se racla la gorge, osant à peine soutenir le regard des deux autres hommes.

     - Oui, on se connait déjà.
     - Comment ça se fait?
     - On s'est croisé. Pendant que je.. Me baignais.
     - Je vois.

     Scott les salua d'un signe de tête, repartant derrière le comptoir pour commencer à évaluer la totalité des marchandises qui venaient de débarquer dans son établissement. Le pêcheur se retrouva avec son rescapé, l'emmenant un peu à l'écart de tout le raffut qui se tramait dans la boutique.

     - Stiles il faut qu'on en discute là.. Regardes.. Les preuves sont là !
     - De quelles preuves tu parles encore..
     - Ton chant attire le poisson. Il n'y a plus aucun doute là dessus. Je veux dire, tu as vu ça? C'est juste dingue !
     - Je t'en supplie Derek il faut que tu arrêtes d'essayer de prouver que je suis une créature marine.. Je t'en supplie..
     - Mais quoi.. C'est juste incroyable, tu ne trouves pas?
     - Un coup de chance. C'était juste.. Un coup de chance.
     - Je suis sûr que ton chant a un effet sur ma pêche.
     - C'est du délire.. Du pure délire.. Il faut que tu remettes les pieds sur terre Derek ! Je n'attire pas le poisson c'est ridicule.

     Derek comprit qu'encore une fois il avait poussé trop loin dans ses rêveries. Stiles en avait de la patience pour supporter toutes ces spéculations sur son identité à longueur de journée. Le pêcheur soupira, se mordant la lèvre.

     - Bon. Peu importe si c'est grâce à toi ou non, tu étais là et tu m'as sauvé. Est-ce que je peux t'offrir quelque chose pour te remercier? Avec tout le fric qu'on va empocher, laisse-moi au moins te faire un cadeau.
     - Bon d'accord alors hem.. Des chaussures !
     - Je croyais que tu n'en voulais pas.
     - Oui, mais là on est en ville et c'est beaucoup plus désagréable de marcher pieds nus.
     - Alors c'est d'accord, je vais t'offrir des chaussures Stiles.

Chapter 5: Tiré hors du rêve

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     Après avoir passé un certain temps dans les boutiques à la recherche de quoi chausser son ami, Derek avait proposé une petite balade dans la ville pour faire découvrir au nouveau venu l'allure du vieux port et de ses quartiers. Stiles s'était rendu à l'évidence, son existence n'était plus un secret. Alors à quoi bon se cloîtrer chez sois sans sortir, cela n'avait plus aucun sens désormais. Cependant, ça ne l'aidait pas à être à l'aise. Il se serrait beaucoup contre le pêcheur, évitant au maximum les collisions d'épaules et autres échanges de regards avec des inconnus. Le pauvre garçon avait l'air terrifié de se retrouver parmi du monde. C'est pourquoi Derek eut la gentillesse de le faire passer par des coins beaucoup moins fréquentés, lui faisant au passage découvrir les petites subtilités de la ville portuaire. Ils s'assirent sur le rebord de l'eau, les deux jambes pendantes au dessus de la surface, chacun un petit cornet de frites à la main. Après avoir goûté la première, Stiles s'était littéralement jeté dessus. A croire qu'il n'en avait jamais mangé de sa vie. Peut-être étais-ce d'ailleurs le cas.

     - Et bah, tu as l'air d'un enfant Stiles. Tu as du ketchup sur le coin de la bouche.
     - C'est incroyable comme c'est bon ce machin.. Comment tu as dis que ça s'appelait déjà?
     - Des frites. C'est connu dans le monde entier tu sais.
     - Je ne me souvenais même pas de ce qu'était la médecine quand je suis arrivé. Alors me rappeler de ce que c'est des frites.. Oh mon Dieu c'est délicieux !

     Derek hocha la tête, continuant tranquillement de manger sa portion avec le sourire. C'était amusant de voir Stiles agir comme ça, il faisait vraiment enfantin. L'emmener en ville avait été une bonne chose finalement, le marin pouvait le découvrir sous d'autres aspects. Il baissa les yeux vers son en-cas, prenant un air plus sérieux.

     - Je ne t'ai pas encore remercié Stiles.
     - A propos de quoi?
     - Tout à l'heure, tu m'as sauvé de la noyade. Et j'avoue avoir été très impressionné à vrai dire.. 
     - Oh.. Oui. C'est marrant, je ne sais pas pourquoi mais j'ai la sensation d'avoir toujours été très bon nageur. Quand j'ai sauté pour te sauver, c'était évident. Je savais exactement ce qu'il fallait que je fasse.. Ça m'a permit de rationaliser sur les choses à faire, et j'ai pu t'aider à remonter sur le bateau.
     - Et pourtant tu t'es noyé dans l'océan. 

     Stiles posa son cornet vide à côté de lui, hochant la tête simplement. Il commençait à encaisser cette histoire, ne se braquant plus dès qu'il s'agissait d'en parler.

     - Et pourtant je me suis noyé.
     - Stiles, désolé si ça te brusque.. Ne te sens pas obligé de me répondre.. Mais est-ce que ça te parle si je te dis "migrant"?
     - Oui. Scott m'a demandé si j'en étais un.
     - Scott? Quoi? Il t'a demandé ça? Quand ça?
     - Ce matin. Il est venu me trouver pour me dire de ne pas te faire de mal. Il m'a appelé "migrant" et il m'a demandé si on m'avait prit un rein ou si j'avais fui la guerre.

     Derek porta ses mains à ses cheveux, les ébouriffant avec exaspération. Le marin pinça ses lèvres, sentant une certaine colère lui monter.

     - Mais c'est pas vrai, quel crétin ! 
     - Ne lui en veut pas. Il a l'air de seulement vouloir te protéger.
     - Et de quoi il cherche à me protéger exactement, de toi? Cette histoire ne le regarde pas. 
     - Quelle histoire exactement?
     - La notre.
     - La.. Notre..?

     Stiles baissa les yeux vers ses mains, sentant étrangement le rouge lui monter aux joues. Cette façon dont son ami avait dit ça l'avait un peu retourné. Il eut un petit rire, ne comprenant pas ce qu'il venait de ressentir. En se rendant compte de ça, Derek s'empourpra à son tour, détournant le regard en se raclant la gorge.

     - Enfin je voulais dire.. Je voulais dire que ce qu'il se passait de notre côté ne le regardait pas quoi.
     - Oui j'avais compris.
     - Tant mieux.. Je ne voudrais pas que ce soit interprété autrement.
     - Je n'ai rien interprété du tout.
     - D'accord tant mieux. Ça aurait été un peu bizarre.
     - Ah oui ça l'aurait été?
     - Non.. Je ne crois pas..
     - Mais là ça devient bizarre par contre.
     - Oui. Oui et c'est pour ça qu'on va bouger et aller faire autre chose.

     Derek aida son ami à se relever, essayant de trouver un nouveau plan pour la suite. Les deux amis reprirent leur marche, se promenant un moment au bord du port le temps de trouver quoi faire maintenant. Mais sans prévenir, Stiles se stoppa dans sa marche. Le marin se tourna pour le regarder un peu plus loin derrière, haussant un sourcil. Il se rapprocha de son ami qui s'était littéralement figé sur place.

     - Ça va Stiles?
     - Derek.. Il y a un type là.. 
     - Oui il y en a pleins des types. On est en ville, tu te rappelles?
     - Il faut que tu me caches.. Tout de suite..
     - Quoi? Mais pourquoi?
     - Il regarde par ici ! Cache-moi je te dis !

     Le pêcheur ne prit par le temps de réfléchir, retirant son manteau pour le coller sur le dos de son rescapé et de lui mettre la capuche sur la tête. Il le saisit ensuite par le bras, taillant un sprint dans une petite rue pour essayer de ne pas se faire voir. Ils continuèrent d'avancer ensemble, ralentissant leur pas pour ne pas attirer l'attention. Derek prit la main de Stiles dans la sienne, essayant de le rassurer.

     - On peut savoir de quoi on se cache exactement Stiles? C'est quoi ce bordel?
     - Il n'y a pas une de tes légendes qui parle de personnes venant chercher tes créatures sur la terre ferme pour les ramener..?
     - Hein? Si, chez les selkies. On dit que si elles ont prit forme humaine et qu'elles restent sur terre sans le consentement de leur mari, ils peuvent revenir les chercher pour les forcer à rentrer avec eux. Mais pourquoi tu me demandes ça maintenant?
     - Ce gars dont je me cache.. C'est mon mari selkie en gros..
     - Quoi !? Tu plaisantes.
     - C'est pour l'image ! Tu dois l'empêcher de me voir d'accord..? A tout prix..
     - Qu'est-ce qu'il se passe si il te voit Stiles..?
     - Il. Ne faut pas. Qu'il me voit. Compris Derek?
     - Compris..

     Derek repéra un café, tirant le jeune homme par la main pour y entrer. Ils coururent s'installer à une table, essayant de se mettre assez au fond pour qu'ils ne soient pas visibles de l'extérieur. Le rescapé baissa sa capuche, regardant autour de lui.

     - Qu'est-ce qu'on fait ici? 
     - Le meilleur moyen de ne pas attirer l'attention est de se noyer dans la masse et d'agir normalement. Alors on va se prendre un café et garder un œil sur la porte d'entrée. 
     - D'accord..
     - Stiles, il faut vraiment me donner une explication maintenant. Qu'est-ce qu'il se passe là?

     Le jeune homme frotta ses cheveux nerveusement, retirant le manteau que le pêcheur lui avait prêté un peu plus tôt pour se mettre plus à l'aise. Il soupira, jetant son regard partout sans réussir à s'arrêter. Les mains de Stiles s'activaient frénétiquement sur ses cuisses, traduisant un stress palpable.

     - Cet homme.. Je te l'ai dis.. C'est mon mari selkie..
     - Tu sors avec ce type?
     - Non.. C'est juste un vieux  riche. Mais il en a après moi..
     - Qu'est-ce qu'il a fait  pour que tu sois à ce point terrifié qu'il te voit..?
     - Il a.. Il-il a..

     Mais Stiles ne pu terminer sa phrase, se levant en furie et partant en courant aux toilettes. Il s'était enfuit comme ça, sans prévenir. Derek voulut le suivre, mais il se dit que si son jeune ami avait agit de la sorte, c'était sûrement que ce fameux type était entré. Et en se tournant sur sa chaise, le marin aperçut un homme aux cheveux blanc suivi de près par deux autres bien plus jeunes et assez costauds passant entre les tables en brandissant une photo. Les clients désignèrent chacun leur tour l'emplacement où se trouvait le pêcheur, celui-ci sentant que ça n'augurait rien de bon. Il le regarda s'approcher, puis le vieil homme se stoppa net au niveau du marin.

     - Bonjour Monsieur. Vous êtes Derek Hale?
     - Ça dépend qui le demande.
     - Je suis Gérard Argent, un grand collectionneur assez réputé pour ses richesses et ses réceptions coûteuses. Ça m'étonne que vous ne connaissiez pas mon nom.
     - C'est une petite ville portuaire Monsieur. Ce genre de choses nous intéresse assez peu ici. Si c'est pour me parler de votre fortune, vous pouvez aller le faire ailleurs.
     - J'entends bien, j'entends bien. Cependant, je crois que vous avez quelque chose qui m'intéresse. Du moins c'est ce que les gens d'ici m'ont dit.
     - Je ne possède rien de valeur, je suis juste un simple marin qui vit de la pêche Monsieur.
     - Evidemment. Mais je vais tout de même recueillir votre témoignage, car j'ai entendu que vous aviez remonté un garçon noyé dans vos filets la semaine dernière. Serais-ce par hasard ce jeune homme-ci?

     Le fameux Gérard tendit une petite photo à Derek qu'il saisit délicatement entre ses doigts pour regarder ce qu'elle représentait. Il fût alors très surpris d'y découvrir un jeune Stiles, bien humain et probablement quelques années moins vieux qu'aujourd'hui, semblant courir avec inquiétude en tenant la main d'une magnifique femme à la longue chevelure brune. Il était évident que sur cette photo la mère et le fils fuyaient quelque chose. Leur regard, leur attitude, tout traduisait le fugitif. Le jeune Hale se sentit très mal à la vue de cette photo, des milliers de questions se précipitant dans sa tête. Il fît cependant signe qu'il ne savait pas, rendant le cliché à son interlocuteur.

     - Désolé, je ne peux pas vous aider. Je ne connais pas ce garçon.
     - C'est fort dommage. Je vous remercie tout de même du temps que vous m'avez accordé, et si vous souhaitez me contacter par rapport à cette affaire, voici ma carte.

     Le vieil homme tendit une petite carte au pêcheur avec indiqué dessus son numéro de téléphone ainsi que son adresse. Le riche semblait habiter en Pologne, comme Derek en avait supposé les origines pour Stiles. Il hocha la tête, le remerciant en rangeant la carte dans sa poche.

     - Merci. Si ça ne vous embête pas, maintenant j'aimerais pouvoir commander mon café et profiter tranquillement du peu de temps libre que j'ai. Ce sont des choses rares dans notre profession.
     - Mais naturellement. Je vous souhaite dans ce cas un bon café, Monsieur Hale. Au revoir.
     - Au revoir Monsieur Argent.

     Le vieux riche tourna les talons, quittant l'établissement. Derek n'attendit pas une seconde de plus, courant aux toilettes pour s'assurer que Stiles allait bien. Mais une fois à l'intérieur, toutes les portes étaient ouvertes.

     - Stiles !?

     Le jeune homme s'était tout simplement enfui par la fenêtre qui était encore grande ouverte. Il avait été tellement terrifié qu'il avait prit la fuite à toutes jambes sans même savoir où aller. Alors Derek abandonna l'idée de son café, partant immédiatement à la recherche de son ami. Il demanda à tout le monde si quelqu'un l'avait vu, et certaines personnes lui dirent qu'il avait foncé chez le poissonnier. Mais lorsqu'il se rendit dans la boutique de Scott, ses collègues répondirent qu'il avait dû partir pour une urgence. Le pêcheur, une fois dehors, attrapa son téléphone pour immédiatement passer un coup de fil à son ami, complètement paniqué par la situation.

     - Scott j'écoute.
     - Scott ! C'est Derek.. Tu sais où est Stiles?
     - Evidemment, il est avec moi.
     - Oh Dieu merci.. Et vous êtes où?
     - Dans ma voiture en direction de chez toi. Il est arrivé complètement paniqué à la boutique en me demandant de le ramener. 
     - Merci Scott.. Merci.. Je vous rejoins chez moi.
     - On t'y attend.

     L'appel se termina, Derek retournant au port pour récupérer son bateau qu'il y avait laissé amarré. Il sauta à bord après en avoir dénoué le cordage, traversant le plus vite possible pour retourner chez lui. En une petite demi heure, il arriva à son ponton où il attacha en vitesse son chalutier pour courir jusqu'à la porte en perle de la cabane de Stiles.

     - Stiles !

     Assis dans son canapé, Stiles attendait. Il était tout recroquevillé sur lui-même, n'osant pas lever les yeux vers son sauveur. Quand à Scott, il était debout un peu plus loin, le dos appuyé contre le cadre de la porte des toilettes et les bras croisés. Il soupira en apercevant son ami entrer, défaisant ses bras en s'avançant vers lui. Il lui déposa une main sur l'épaule, approchant de son oreille pour lui dire tout bas.

     - C'est une mise en garde mon ami. Méfie-toi de ce garçon. Pour ton propre bien.

     Puis il tapota l'épaule de sa paume, quittant la cabane pour retourner à son véhicule et abandonner les deux hommes. Le silence remplaça le bruit du moteur et des vagues qui avait vrombit de longues minutes dans les oreilles du marin avant d'arriver ici. Il s'approcha d'un pas, Stiles levant les yeux vers lui. Ils semblaient tous les deux terriblement soulagés de se voir, tellement que je jeune homme ne pu s'empêcher de se lever pour se jeter dans les bras du pêcheur. Derek referma son étreinte autour de lui, soupirant en le sentant pressé contre son torse.

     - Je suis là Stiles..
     - Si tu savais comme j'ai eu peur Derek..
     - Je sais c'est fini.. C'est bon on est en sécurité à la maison maintenant.. Je n'ai rien dis à ce gars mais il te cherchait..
     - Je sais.. Je sais..
     - Qu'est-ce qu'il te voulait ce type..?
     - Ne m'oblige pas à te raconter.. Je t'en supplie ne m'y oblige pas..
     - Je ne t'y oblige pas.. Prends ton temps si tu as besoin de-

     Derek fut coupé dans sa phrase, ses lèvres prises en otage par celles de Stiles qui venait tout simplement de lui donner un baiser. Tout se bouscula si vite dans leur tête qu'aucun des deux n'était plus en mesure de réfléchir. Le marin rendit son geste au plus jeune, saisissant son visage entre ses grandes mains rassurantes. Ils se serrèrent l'un contre l'autre, rompant leur baiser pour s'en donner de nouveaux juste ensuite. Stiles se sentit devenir nerveux avec les mains de Derek qui descendaient sur son corps. Il chuchota entre ses soupirs.

     - Je n'ai jamais fais l'amour avant Derek..
     - C'est vrai..?
     - Oui.. Et j'ai un peu peur à vrai dire..
     - Laisse-moi te montrer alors..

     Ils s'embrassèrent encore une fois, Derek attrapant Stiles par les cuisses pour le porter sur le plan de travail, prenant place entre ses jambes tout en le couvrant de baisers dans le cou.

     - Tu savais Stiles..? Quand les sirènes tombent amoureuses, elles aiment la personne jusqu'à  la fin de leurs jours..
     - Hah.. Je n'ai plus qu'à espérer être une sirène alors..

     Petit à petit, les vêtements retombèrent sur le sol, la peau des deux hommes se collant l'une à l'autre pour en apprécier le doux contact. Les amoureux se blottirent l'un contre l'autre, profitant de chaque seconde qui leur était donnée pour se découvrir. Derek était doux, ayant peur de faire mal à son rescapé si il pressait trop fort sur sa blessure. Bien vite, ils se retrouvèrent nus sous les yeux de l'autre, appréciant le corps qui s'offrait à eux. Le marin donna un tendre baiser au plus jeune, souriant contre ses lèvres.

     - Tu es bien humain, je n'en ai plus aucun doute..
     - Ou peut-être que je suis une créature ayant prit forme humaine pour t'ensorceler..
     - Et tu m'as terriblement ensorcelé Stiles.. Je ramperais à tes pieds si tu me le demandais..
     - Fais attention à toi je pourrais envisager de le faire..

     Derek sourit, se mettant à genoux devant Stiles comme pour lui prouver qu'il ne reculerait pas. Il attrapa doucement une des chevilles du jeune homme, remontant le long de sa jambe dans une caresse tendre avant d'y reposer sa seconde main, la faisant se relever pour déposer un baiser d'amour sur le dessus de son pied. Le pêcheur releva ensuite les yeux vers son amant qui le regardait faire sans s'opposer.

     - Tu es mon rêve éveillé Stiles..
     - J'ai aussi l'impression de rêver quand je suis avec toi.. Tout me semble si simple..

     Le marin se redressa, se saisissant de la taille du plus jeune pour l'embarquer dans un nouveau baiser, l'attirant un peu plus sur le rebord du meuble pour appuyer son bassin contre son derrière. 

     - Derek..
     - Stiles..

     Il ne fallut pas un instant de plus pour que les deux êtres n'en forment plus qu'un, dansant ensemble dans un rythme effréné, leurs corps s'entrechoquant comme les vagues sur les rochers. La peur et l'angoisse avaient laissé place à beaucoup d'amour et de passion que se partageaient maintenant les deux hommes. Ils ne restèrent pas encore longtemps sur le comptoir, le marin emmenant son nouvel amant sur le canapé pour continuer leur nuit d'amour de façon plus passionnée encore. Leurs caresses, leurs baisers, chacun des mouvements qu'ils effectuaient l'un pour l'autre, ce tout mélangé ensemble provoquait une symphonie délicieuse qui se jouait dans toute la pièce. Un magnifique orchestre de soupirs et de cris dont eux seuls étaient les témoins. Et enfin, tout s'arrêta lors d'un dernier cri d'extase qui clôtura ce concert merveilleux.
     Les deux hommes se lovèrent l'un contre l'autre, se couvrant de caresses et de baisers dont la douceur n'était comparable à aucune chose. Seul l'amour occupait leur esprit en cet instant, ayant chassé toutes les autres choses qui pourraient venir perturber leur monde. Ils laissèrent passer le temps, n'en ayant de toutes façons plus conscience pour le moment. Le soleil était couché depuis longtemps et le bruit des vagues berçait la pièce au gré de ses vas et viens, plongeant l'endroit dans une sorte de bulle hors du monde et des choses. Il n'y avait plus qu'eux et leur cœur.
     Derek prit la main de Stiles dans la sienne, la portant à ses lèvres pour y déposer un petit baiser, regardant ensuite son tendre pour lui offrir un sourire.

     - Tu sais Stiles.. Si c'est un rêve je ne voudrais jamais me réveiller..
     - Moi non plus..
     - Tu dis souvent que tu es mort..
     - Oui..
     - Et que ce sont mes filets qui t'ont ramenés à la vie..
     - Oui..
     - Combien de vies as-tu Stiles..?
     - Pour toi, à l'infini Derek..

     Le plus jeune redressa légèrement la tête, offrant un nouveau baiser au pêcheur qu'il pourrait désormais appeler son amour. Car c'était tout ce qu'il ressentait pour lui désormais. Il se remit tout contre lui, laissant jouer sa main baladeuse sur le torse du marin.

     - Il y a quelque chose..
     - Quelque chose..?
     - Oui.. Une chose que je voudrais te dire.. 
     - Je t'écoute Stiles..
     - Il se pourrait bien.. Que je sois une sirène..

     Derek lâcha la main de Stiles, lui lançant un regard surpris. Il hocha la tête, ne comprenant pas d'où ceci sortait. Il n'en croyait évidemment pas un mot, ayant été confronté à trop de choses qui prouvaient le contraire.

     - Tu dois te moquer de moi n'est-ce pas..?
     - Oui.. Evidemment que je me moque de toi..
     - Alors pourquoi est-ce que tu m'as dis ça..?
     - Parce que tu m'as dis que les sirènes n'aimaient qu'une seule fois dans leur vie.. Et que je suis sûr que je n'aimerai que toi jusqu'à la fin de mes jours Derek.. Mon précieux Derek.. L'homme qui m'a tiré des bras de la mort..
     - Tu es stupide mon Stiles..
     - Oui sans doute..

     Ils s'embrassèrent une toute dernière fois avant que le couple ne soit emporté par le sommeil, ne quittant plus les bras de l'autre jusqu'au petit matin.

Chapter 6: Mensonges et vérité

Chapter Text

     Derek ne se souvenait pas d'avoir rêvé cette nuit. Chacune de ses pensées le ramenait à cet intense moment qui lui avait été donné de partager avec son nouvel amour, Stiles, le garçon venu de la mer. En ouvrant les yeux, la première premier réflexe qu'il eut fut de sourire. Le marin ne réalisait pas encore qu'il avait pêché avec son amant la nuit dernière. Chacune des sensations étaient encore présentes dans son corps et dans son esprit et il ne savait pas si il saurait attendre longtemps avant de pouvoir revivre une telle chose. Le jeune Hale eut un rire, complètement happé par son bonheur. Puis il se rendit compte qu'au lieu de pouvoir serrer son amant dans ses bras, il s'était retrouvé seul comme un idiot sur son canapé, tout juste couvert d'un petit drap de plage pour lui maintenir les cuisses et le bassin au chaud. Sans doute Stiles avait-il eu la gentillesse de faire ça pour lui.
     Le pêcheur étira son dos en se redressant assis sur le canapé, craquant sa colonne vertébrale de bas en haut dans un soupire soulagé. L'homme avait connu plus confortable que ce sofa pourris pour dormir, mais il ne se plaignait pas. Il chercha le plus jeune du regard, se demandant si il s'était juste déplacé dans la maison ou si il était peut-être parti en promenade. Derek sentit son cœur palpiter d'extase en l’apercevant entre les cascades de perles marquant la porte d'entrée, assis nu sur le perron dans une petite couverture à observer la mer. Il était là. 
     Après avoir enfilé un pantalon, le jeune Hale sauta du canapé, courant à la cuisine pour préparer deux cafés avec ce qu'il pu trouver dans les placards. Il en renversa la moitié à côté et ne trouva pas de sucre à mettre dedans, mais il tenait réellement à avoir un petit geste pour son rescapé au réveil. Il se rendit à l'extérieur de la cabane, s’asseyant à côté de Stiles en lui tendant son café. Le jeune homme lui sourit, le prenant entre ses mains pour se réchauffer, appréciant au passage le petit baiser que Derek venait de lui offrir.

     - Merci Derek.
     - On dirait encore une fois que tu es bien réel.
     - Je ne peux pas t'en vouloir d'avoir cru le contraire.. J'ai dû me pincer plusieurs fois en me réveillant ce matin..
     - Tu es debout depuis longtemps?
     - Un peu moins d'une heure. J'appréciais le chant des vagues. Il est doux aujourd'hui..
     - C'est vrai..

     Stiles prit une gorgée du café, s'étouffant instantanément dedans en toussant le contenu de sa bouche. Il tira la langue dans un bruit désagréable, regardant le liquide noir d'un air suspicieux.

     - Il est dégueulasse ton café.
     - Sans doute oui. Désolé, j'ai fais avec ce que j'ai trouvé.
     - C'est pas grave, j'apprécie le geste.

     Le jeune homme posa la tasse à côté de lui, l'abandonnant au tragique destin de ne jamais être finie. Puis il soupira longuement, laissant reposer sa tête sur l'épaule de son nouvel amoureux, continuant de regarder la mer au loin. Derek sourit, passant son bras autour de lui pour le serrer tendrement.

     - Ce que je suis heureux de t'avoir repêché ce jour là..
     - Moi aussi.. Qui aurait pu penser que me noyer dans l'océan m'aurait porté jusqu'à toi..
     - Tu es mon petit miracle. La mer a dû penser que j'avais été bon envers elle toute ma vie et m'a remercié en t'envoyant dans mes filets.
     - C'est sans doute ce qu'il s'est passé..

     Le couple resta un petit moment sans ne plus échanger un mot, se laissait bercer par le chant des vagues qui s'écrasaient inlassablement sur les rochers en bas de la colline. C'était un magnifique moment, très romantique. Comme une bulle dans laquelle le temps n'existait pas. Mais Stiles reprit la parole, mettant fin à ce doux silence.

     - C'était un harpon.
     - Quoi donc était un harpon?
     - L'arme qui m'a éventré.

     Derek releva la tête, lançant un regard surpris à son jeune amoureux qui soutint ses yeux sans montrer trop difficulté. Son air était sérieux, cette fois-ci il ne plaisantait pas. Le marin hocha la tête, indiquant qu'il comprenait que Stiles s’apprêtait à lui parler.

     - Tu t'es souvenu de tout..?
     - Oui.. Mais je te préviens ça risque d'être dur à entendre.
     - D'accord.. Je suis prêt.
     - Alors hem.. Voila je me lance.. Ma mère et moi avons habité une grande partie de notre vie en Pologne, mais nous avons dû passer un certain temps en cavale sur les dernières années. En réalité, Stiles est un nom d'emprunt pour changer mon identité, même si techniquement je n'en avais pas vraiment besoin.. Je n'ai jamais été déclaré à ma naissance. Je n'existe pas officiellement aux yeux du monde, je suis sans papiers.
     - Ouah.. Et.. C'est quoi ton prénom alors..?
     - Mon vrai nom c'est Mieczyslaw Stilinski. 
     - Ok.. Ok, ok, ok. Ok.. Oh la vache..

     Le marin eut besoin d'un petit moment pour avaler ces premières informations. Ça faisait beaucoup de choses d'un coup, même si il savait que le reste arrivait juste derrière et que ce serait certainement tout aussi indigeste.

     - Comment tu te l'es pris ce coup de harpon? Et pourquoi tu étais en cavale? Et comment ça se fait que tu sois sans papiers? Oh mon Dieu j'ai tant de questions..
     - Disons que certains secrets tournent autour de ma famille. Des histoires, des rumeurs. Et les gens parlent. Et quand certaines informations arrivent aux oreilles de certaines personnes mal intentionnées..
     - Gérard Argent..?
     - Oui, Gérard Argent. C'est lui qui m'a harponné.
     - Et comment c'est arrivé..?
     - Après nous avoir pourchassé pendant ce qui m'a paru des siècles, il a fini par nous trouver moi et ma mère et il nous a coincés. Il nous transportait à bord d'un bateau de pêche pour nous ramener en Pologne sans se faire remarquer mais ma mère a attaqué la troupe sur le navire pour essayer de me sauver. Et quand elle en a eu l'occasion, elle m'a poussé à l'eau pour que je m'échappe à la nage. Sauf que Gérard m'a tiré au harpon et qu'il m'a accroché. J'ai dû arracher mon propre flanc pour m'échapper avant qu'il ne me remonte sur le bateau.. J'ai nagé aussi vite que j'ai pu aussi loin que j'ai pu. Mais j'étais blessé et à bout de forces.. J'ai fini par me noyer. Et c'est là que tu m'as repêché. Quand à ma mère, je pense qu'il l'a tué pour passer sa colère..
     - Stiles c'est.. Horrible.. Ton histoire elle est.. C'est affreux ce que t'as vécu..
     - C'est la vie que tu souhaitais tant savoir. Celle d'un sans papiers Polonais mit en fuite de son propre pays. 

     Derek se pencha légèrement, appuyant le bas de son visage contre ses mains liées. Il n'arrivait pas à réaliser que tout ce que venait de lui raconter Stiles était ce qu'il avait vécu avant leur rencontre. Et pourtant il en savait encore si peu, il n'osait pas poser davantage de questions de peur de ne pas pouvoir l'encaisser. Mais il avait tant envie de savoir..

     - Ce secret lié à ta famille c'est quoi..?
     - Tu vois Derek, toi et moi on a une chose en commun.
     - Quoi donc?
     - Nos mères aimaient raconter des histoires.. La mienne en avait une qu'elle me répétait souvent, soutenant de tout son être qu'elle était réellement arrivée.
     - Tu me racontes à moi?
     - Je ne sais pas.. Tu vas sûrement me prendre pour un dingue.. Si ce n'est pas déjà le cas..
     - Tu sais à qui tu t'adresses.
     - C'est vrai..

     Le rescapé rit, se remettant contre son amant en enlaçant son bras, essayant de se donner une touche de courage pour la suite de son récit qui jusqu'à lors s'avérait extrêmement compliqué à tenir pour lui.

     - Toute ma vie ma mère a soutenue qu'elle s'était faite enlever en mer lorsqu'elle a eu seize ans.. Elle disait avoir été retirée à la terre par un dauphin et que dès l'instant où ses pieds avaient à nouveau foulés la lande elle s'était retrouvée enceinte de moi. D'après elle, je suis le fils d'un dauphin, c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas été déclaré. Je n'ai techniquement pas de père, et pas de nom. Je porte celui de ma mère. Et ça, c'est une légende qui a vraiment existé à une certaine époque, alors quand ce fou de Argent en a entendu parler il s'est absolument mit en tête de nous capturer pour nous exposer au monde.. C'est à partir de là qu'on s'est mit à cavaler.. 

     Quand Stiles releva les yeux vers Derek, il tomba face à une mine déconfite et une bouche grande ouverte. Le malaise s'installa sur le visage du garçon qui détourna les yeux pour les poser sur ses mains, remuant nerveusement les épaules.

     - Tu vois.. Je t'avais dis que tu me prendrais pour un dingue..
     - Pas du tout.
     - Tu devrais voir ta tête. On dirait que tu as vu un fantôme.
     - Non je t'assure que je ne te trouve pas fou Stiles. En fait, ma mère m'a raconté la même histoire pour elle. Elle aussi a été enlevée par un dauphin et est revenue enceinte de moi.
     - Quoi !? Tu plaisantes j'espère.
     - Pas du tout. C'est cette histoire qui l'a poussée à se suicider en mer.. Elle avait tellement de chagrin que personne ne la croit sur l'origine de ma naissance qu'elle s'est jetée dans la baie pour se noyer une fois que j'étais devenu adulte..

     Stiles sembla tout à coup très bouleversé. Il était évident que de nombreuses choses se passaient dans son esprit à cet instant et qu'il luttait contre ses propres pensées pour tenter de les éclaircir un peu pour continuer à parler. Il se leva subitement, nouant la couverture autour de sa taille nue, faisant signe à Derek d'en faire de même.

     - Viens avec moi.
     - On va où comme ça?
     - Dans la cuve juste en bas. Il est grand temps que je te montre quelque chose..

     Le jeune homme tira son amant par la main, courant d'un pas pressé jusqu'au bas de la colline, s'approchant du bord. Il lâcha sa prise, s'arrêtant à quelques mètres de l'eau. Il soupira, semblant hésiter dans son choix, même si il était persuadé de faire le bon. Stiles fit face au pêcheur, reculant lentement pour que ses pieds pénètrent les vagues.

     - J'ai peur de ce que je m'apprête à te dire Derek..
     - De quoi est-ce que tu as peur? Je ne comprends pas.
     - De toi.. De ce que tu feras quand tu sauras..
     - Stiles, toi et moi on a déjà tellement parlé de choses.. Je ne te ferai rien tu le sais.
     - J'ai tellement envie de te le dire.
     - Alors dis-moi Stiles.
     - D'accord.. Alors voila.. Je suis-

     - On dirait que nous arrivons juste à temps pour le spectacle Messieurs.

     Stiles eut une expression de terreur en entendant ces mots, fixant derrière l'épaule de Derek ce qui en était leur source. Le pêcheur se retourna, apercevant Gérard et ses hommes se rapprochant dangereusement d'eux. Le pêcheur tenta de sauter sur le vieil homme pour le violenter maintenant qu'il savait tout ce qu'il avait fait subir à Stiles, mais ses deux hommes de main l'immobilisèrent à genoux dans l'instant, permettant au Argent de faire son chemin tranquillement jusqu'à Stiles qui restait figé dans sa peur. Les deux hommes se firent face, Gérard définitivement plus à l'aise que son interlocuteur.

     - Ça n'a pas été facile de te retrouver Mieczyslaw. Tu es plutôt doué pour te cacher. Heureusement et comme toujours, les gens parlent.
     - Je ne serais pas si bon dans cette discipline si vous ne m'aviez pas pourchassé toute mon adolescence..
     - Il est vrai que j'ai pu me montrer un tantinet obsédé par l'idée de te capturer. Mais aujourd'hui, c'est chose faite. J'en suis presque déçu d'ailleurs. C'est un investissement de longues années qui prend fin.

     Derek se débattait derrière eux, essayant de se défaire de sa cage de chair que formaient les deux hommes qui l'immobilisaient sans le moindre mal, menaçant de disloquer ses épaules au moindre mouvement trop brusque.

     - Éloignez-vous de lui sale monstre !
     - Moi un monstre?

     Gérard lâcha un rire, souriant à son petit cavaleur d'un air ravi. Stiles hocha la tête, semblant essayer de dissuader le riche homme d'une idée qu'il venait d'avoir.

     - Non.. Argent non..
     - Et si on lui montrait qui est le vrai monstre ici?
     - Je vous en prie ne faites pas ça..
     - Je crois bien que je ne vais pas avoir le choix mon jeune ami. Tu n'avais qu'à rester noyé si tu ne voulais pas que ceci arrive. Tu aurais gentiment rejoint ta mère dans l'Au-Delà et tout ça n'aurait été plus qu'un mauvais souvenir.
     - Non ne faites pas ça Gérard !

     Gérard saisit violemment Stiles, le faisant tomber dans l'eau, dos contre le fond sableux. Le vieil homme maintint le garçon sous la surface, essayant visiblement de le noyer. Alors que le jeune homme se débattait pour tenter de se tirer de l'eau, Argent arborait une expression sans la moindre compassion, attendant simplement que le temps fasse son effet. Derek s'agita, manquant de rompre son bras sous l'effort.

     - Stiles !! Lâchez-le vous allez le noyer !! Stiles !!
     - C'est ce que tu crois? Mon Dieu cher pêcheur, vous ne savez donc rien de ce monde.

     Gérard tira Stiles de sa torture, le pauvre garçon inspirant profondément pour retrouver sa respiration. Il toussa l'eau de mer qu'il avait avalé, ses mains crispées sur celles de son agresseur alors qu'il le regardait avec terreur.

     - Si tu ne veux pas mourir mon garçon, tu sais ce que tu as à faire.

     Il le replongea sous la surface, privant à nouveau le jeune homme de son air. Derek hurlait derrière eux, contemplant ce spectacle horrible sans pouvoir intervenir. Il regardait son amant se noyer sous ses yeux, et il était impuissant. Le temps se faisait long, Stiles n'allant probablement plus tenir bien longtemps sans remonter.

     - Stiles !! Non arrêtez !! Ne le tuez pas !!
     - Vas-y Mieczyslaw, montre-nous ce que tu es vraiment !

     Derek cessa de hurler, sa voix coupée par le choc. Un choc terrible auquel il ne s'attendait pas du tout. Il se stoppa dans ses mouvements, sa respiration s'étant elle aussi arrêtée. Le pêcheur n'en croyait pas ses yeux. Là, hors des vagues, venait de jaillir une magnifique queue de poisson aux couleurs de l’émeraude et du saphir et terminée gracieusement par une paire d’ailerons nacrés. Cette divine vision se rattachait au corps de Stiles au niveau de la ceinture, ayant happée ses jambes pour laisser place à ce corps de chimère qui n'était autre que celui d'une sirène. Là, devant ses yeux éveillés, une vraie sirène. Stiles. Le jeune homme s'assit dans l'eau, sa divine nageoire s'enroulant autour de lui-même comme pour se cacher dans la honte. Le garçon fixait Derek avec crainte, les deux hommes s'échangeant un long regard. Argent rit, croisant les bras devant ce spectacle.

     - Voila.. Tu es bien mieux sous ta vraie forme, monstre.

     Le poisson baissa les yeux, n'osant plus prononcer un mot. Le jeune Hale fût d'abord émerveillé bien sûr, mais petit à petit ses sentiments changèrent pour laisser place à une certaine rancœur, voir de la colère. Son expression se durcit, accusant Stiles des yeux.

     - Tu es une sirène.. Une vraie..
     - Je suis désolé Derek.. J'ai essayé de t'en parler depuis le début mais.. J'étais tellement terrifié à l'idée que tu le découvres..
     - Attends.. Depuis le début..? Tu veux dire que.. Tu t'en souvenais dès le premier jour..?
     - Je..
     - Tu n'as jamais été amnésique.. Depuis le début tu savais ce que tu étais.. Depuis le début tu le savais !
     - Derek je-
     - Tais-toi !

     Stiles ferma la bouche, sentant son cœur se briser devant toute la colère que son amour arborait sur son visage. Les deux hommes de main comprirent qu'ils pouvaient lâcher leur prisonnier sans aucun risque désormais. Leur étreinte se défît et Derek resta à sa place, se redressant simplement sur ses jambes. Comme ce qu'ils avaient prévu.

     - Tu aurais pu.. Tu aurais pu me le dire et tu le sais.. 
     - C'était trop dur je pouvais pas..
     - Tu aurais pu depuis tout ce temps me dire que je n'étais pas fou ! Que ma mère n'était pas folle ! Que les gens s'étaient moqués d'elle alors qu'elle avait raison et qu'ils l'avaient poussé à la mort pour rien ! Mais non, non.. Toi.. Toi tu as passé ton temps à nier mes histoires, mes légendes, et à essayer de me faire reposer les pieds sur terre alors que tu étais une putain de sirène bordel ! Est-ce que cette histoire de fugitif Polonais était réelle au moins !? T'es un poisson putain !
     - Oui c'était vrai ! Tout était vrai ! J'ai juste enlevé la magie de mon récit.. J'ai été pêché avec ma mère et pas capturé, c'est pour ça que je me suis échappé d'un bateau.. Et on se cachait des gens parce qu'on était des sirènes, pas juste pour cette histoire de dauphin.. C'est ça qui a plu à Gérard.. Et quand je me suis enfui par la mer, j'étais si blessé que j'en ai été incapable de tenir la forme que tu vois aujourd'hui et je me suis noyé.. J'avais peur que tu saches ! J'espérais juste.. Pouvoir avoir une vie normale auprès de toi si je niais ce que j'étais vraiment.. Je voulais juste être un humain normal.. Avec toi.. Mais j'ai quand même voulu te le dire au final Derek, pour ne plus avoir le moindre secret pour toi. J'étais enfin prêt à le faire avant que ce.. Mec ne débarque..

     Gérard s'interposa, ayant plus que savouré cet échange tumultueux qui s'était fait entre les deux amants. Cet homme aimait se nourrir du malheur des autres, à en croire son attitude. Il alla attraper le bras de Stiles, le faisant se relever de force sur ses jambes humaines redevenues bien réelles.

     - J'aurais bien aimé profiter de vos querelles d'amoureux plus longtemps, mais nous avons un bateau qui nous attend. Je suis un peu pressé voyez-vous? J'ai couru après ce garçon pendant beaucoup d'années et je dois admettre être un peu impatient maintenant de l'ajouter à ma collection de créatures marines.

     Derek reprit conscience de la réelle situation, se rappelant subitement que Gérard était le véritable méchant ici et qu'il voulait du mal à Stiles. Certes son amour l'avait déçu, mais ce n'était pas une raison pour laisser de nouvelles horreurs lui arriver. Il s'approcha des deux autres hommes, se faisant immédiatement rattraper par les sbires qui l'empêchèrent d'approcher davantage.

     - Stiles n'est pas un trophée. Et vous n'êtes pas son propriétaire. Relâchez-le.
     - A vrai dire, rien ne m'empêche de l'être. Ce garçon n'a aucune certification d'existence, et il va de ma grande bonté d'accueillir cet individu sans toit ni papiers pour lui offrir un endroit où vivre et être admiré. C'est un peu comme un animal de compagnie, finalement. 
     - Vous êtes gerbant..
     - Je suis déçu par la piètre qualité de vos répliques, Monsieur Hale.

     Gérard claqua des doigts et l'un de ses hommes se rendit auprès de Stiles, le frappant violemment derrière la tête pour le plonger dans la totale inconscience et le faire s'effondrer dans l'eau.

     - STILES !!

     Il hissa le garçon sur son épaule comme un sac de patates, prenant pas vers le haut de la colline en se dirigeant vers une camionnette qui avait trouvé place dans l'allée près de la maison. Derek se rua sur eux, l'autre sbire le rattrapant pour lui asséner un grand coup de poing dans l'estomac, lui coupant la respiration alors qu'il se retrouva sur les genoux à suffoquer. Le marin tenait son ventre, tirant au cœur en manquant de vomir son café, trop affaiblis par ce coup pour espérer se relever. Gérard avança jusqu'à lui, fouillant dans ses poches pour tirer une liasse de billets et quelques pièces qu'il lança au sol devant le pêcheur.

     - Vous me voyez désolé mon ami mais je ne voudrais pas être en retard pour mon bateau. De plus, je transporte quelques effets personnels de valeur, je ne voudrais pas prendre le risque que l'on me vole. J'ose espérer que ce petit dédommagement vous aidera à garder le silence sur ce qu'il vient de se passer, au moins jusqu'à ce que nous quittions le pays. Mes respects, Monsieur Hale.

     Alors que le Argent s'éloigna de l'agonisant, celui-ci sentit la douleur l’assommer et il ne pu se montrer en mesure de lui courir après. Il s'étala sur le sol, regardant avec impuissance son Stiles se faire emporter dans cette camionnette qui l'emmenait loin de lui, dans un endroit où il serait destiné à être seul et malheureux jusqu'à la fin de ses jours. Une larme coula sur sa joue, seule témoin de la peine qui avait envahi le cœur de l'homme dévasté.

Chapter 7: Apprendre à rêver

Chapter Text

     Ce soir, Derek n'eut pas le courage de rentrer chez lui. Le bar dans lequel il avait trouvé place était bien trop séduisant pour oser envisager de décamper. De plus, la pinte vide dans sa main l'appelait sans cesse, ne demandant qu'à être remplie d'un nouvel hydromel. Il tapota donc son doigt deux fois contre le bois du comptoir, appelant le barman qui lui resservit un verre montant jusqu'à ras bord, la mousse glissant le long du cristal pour en rejoindre son pied. La musique vrombissait fort dans les oreilles du marin et il sentait presque les basses taper directement à l'intérieur de ses tempes. Les gens hurlaient pour se parler, essayant de couvrir les mélodies de leurs voix pour essayer de s'entendre. C'était un concert des plus désagréables, mais au moins tout ce raffut participait à couvrir le bruit de sa conscience qui était bien plus forte que tout le reste.
     Stiles avait été emmené par Gérard Argent devant les yeux de l'homme, et comme face au suicide de sa mère, tout ce qu'il avait réussi à faire était de pleurer sur cette tragédie qui l'avait accablé. Le pêcheur se sentait minable, impuissant. Son cœur laissé en miettes ne battait plus que pour lui permettre de le noyer dans l'alcool. Le destin lui avait envoyé le bonheur pour lui reprendre juste ensuite, et ça il ne le supportait pas. Alors l'homme buvait. Il buvait jusqu'à ne plus être capable d'avaler une seule goutte de plus. Il buvait jusqu'à ce qu'enfin la douceur d'un coma éthylique n'accepte de l'emporter. Il buvait en espérant que chacune de ses pensées soient enfin forcées au silence tant elles seraient brouillées par l'ivresse. Alors l'homme buvait et buvait encore.
     Le jeune Hale fut effrayé par une main s'abattant soudainement à côté de son visage, claquant sa paume contre le bois pour tenter de le faire réagir. Bien sûr, il releva la tête pour voir qui osait le tirer de sa tentative d'auto-destruction, et il haussa les sourcils dans une certaine surprise en apercevant le visage de son ami Scott qui ne le quittait plus du regard. Le jeune homme hocha simplement la tête, prenant assise près de son ami qui était déjà bien ivre. Naturellement, le poissonnier commanda une bière comme si il était uniquement venu pour ça. Puis il se tourna vers son ami, appuyant son coude sur le comptoir pour venir soutenir sa tête, soupirant fortement.

     - Tu n'es pas venu m'apporter de poisson aujourd'hui. J'étais inquiet.
     - Je n'ai pas été pêcher aujourd'hui.. Il y a des fois où il vaudrait mieux rester couché..

     Scott jeta un œil sur le verre déjà presque vide de l'ivrogne, soupirant à nouveau d'un air contrarié. Il reçut lui-même sa bière, buvant quelques gorgées avant d'en essuyer la mousse sur sa moustache d'un coup de langue.

     - Il est parti c'est ça?
     - Ouais.. Il est parti..
     - Comment ça se fait? Est-ce qu'il t'a au moins dit pourquoi?
     - Je me suis juste réveillé c'est tout.. Quand j'ai rouvert les yeux ce matin il n'était plus là.. Et j'ai eu beau l'appeler, il n'est jamais revenu..

     Derek prit une nouvelle gorgée du liquide doré reposant dans son verre, la gorge serrée par les mots qu'il venait de prononcer. Scott en fît de même, posant ensuite une main rassurante sur l'épaule du plus vieux.

     - Si ça peut te rassurer, je l'ai vu moi ce gars. Et il était bien réel cette fois-ci. 
     - Il ne l'était pas Scott c'est pas la peine d'insister. Cette réalité est beaucoup plus douce à croire.. Je préfère me dire qu'il n'existe pas c'est moins difficile..
     - Pourquoi? Qu'est-ce qu'il s'est passé?
     - Ils me l'ont prit Scott.. Ces fumiers de pêcheurs..
     - Comment ça..?
     - Ils l'ont poursuivi jusqu'ici et maintenant ils l'ont emmené.. Et je ne pourrai plus jamais le revoir.. Tout ça à cause de ce type.. Gérard Argent..

     Scott encaissa l'information, son moteur de réflexion se mettant en marche à toute vitesse comme une turbine de bateau. Il se rappela cette fois où le gamin était apparu complètement paniqué dans sa boutique en le suppliant de le ramener chez lui sans en parler à personne, et il fît le lien. 

     - Il était poursuivi? Pourquoi par des pêcheurs? Qu'est-ce qu'ils avaient après lui?
     - C'étaient des pêcheurs parce que c'était un poisson Scott.. Stiles était un putain de poisson..
     - Tu débloques encore mon ami, c'est l'alcool.
     - Tu l'aurais vu.. Il avait une queue magnifique.. Il arborait des écailles d'un bleu éclatant qui brillaient d'un vert émeraude magnifique au soleil.. Elle était si longue et effilée qu'il pouvait enrouler tout son corps avec.. Et ses nageoires étaient si claires qu'on pouvait presque voir au travers..

     Derek désigna sa gorge, tapotant juste en dessous de son oreille avec le regard dans le vide comme si il essayait de se rappeler.

     - Il avait trois fentes ici. C'étaient des branchies je crois. Et ses oreilles sont devenues pointues.. C'était là, devant mes yeux, je l'ai vu.. Il était réel.. Et il était beau, si tu l'avais vu Scott..

     Le marin baissa ses yeux vers son verre, lorgnant dessus avec tristesse. Il sentait le chagrin lui revenir plus fort que jamais, lui faisant monter les larmes aux yeux.

     - Si seulement tu l'avais vu..
     - Derek.. Je crois que tu as assez bu pour ce soir..
     - Non.. Je suis loin d'avoir assez bu.. Il me faut encore de l'alcool..
     - Tu crois que te bourrer la gueule c'est la solution? 
     - Il n'y a pas d'autre solution que d'essayer d'oublier Scott ! Regarde-moi, je ne suis qu'un petit pêcheur qui est juste bon à ramasser quelques pauvres poissons pour me faire assez de fric pour survivre la journée. Qu'est-ce que tu veux que je fasse? Je ne suis pas dans un film, c'est pas comme si je pouvais partir à sa poursuite et le sauver en grand héro.. Je ne suis rien dans son histoire, juste le mec qui n'a pas pu empêcher sa capture.. 
     - Tu avais vraiment l'air d'y tenir à ton poisson mon ami..
     - Oui.. Oui j'y tenais même beaucoup..

     Derek termina son verre, laissant ensuite reposer sa tête contre l'épaule de son ami qui l'y accueillit sans broncher. Le poissonnier ne toucha plus à sa pinte, passant simplement son bras autour du jeune Hale pour le consoler comme il le pouvait.

     - Je vais te ramener chez toi maintenant Derek. Ok?
     - Ouais d'accord..
     - Tu vas rentrer et décuver un peu. Et peut-être qu'un de ces jours tu pourras m'en dire plus sur ce qu'il s'est passé?
     - Merci.. Mais je doute que tu crois à cette histoire..
     - Je pourrai toujours essayer de l'entendre. 
     - Tu vas te moquer comme tu le fais toujours.
     - Peut-être.. On verra bien.

     Et ainsi, les deux amis rentrèrent chez Derek pour que celui-ci puisse se coucher et passer la nuit pour retrouver les idées claires. Ce fût un moment long et fort désagréable, et le lendemain s'était avéré encore pire. A partir d'ici, le marin ne raconta plus aucune histoire à personne et reprit la pêche comme il en avait eu l'habitude toute sa vie. Chaque matin, il rejoignait les flots en priant pour qu'un garçon tombe dans ses filets pour pouvoir le remonter à la surface et lui donner une nouvelle vie, mais le poisson demeurait seule proie de sa pêche. Les jours passèrent, puis les semaines. Derek restait silencieux sur ses rêves, ceux-ci pourtant plus déchaînés que jamais dans sa tête. Il avait fallut attendre qu'il ait la preuve de la réelle existence de ceux-ci pour ne plus jamais vouloir en parler.
     Alors qu'il venait de rentrer bredouille chez lui après une journée de pêche lamentable, Derek s'affala dans le canapé en se demandant ce qu'il avait bien pu rater dans sa vie pour mériter un tel niveau d'incompétence dans son travail. Mais il n'eut pas l'occasion de ruminer trop longtemps, quelqu'un venant frapper à la porte de chez lui. Il alla ouvrir, tombant nez à nez avec Scott qui avait déjà l'air très inquiet.

     - Tu tires une drôle de tête aujourd'hui Scott.
     - Oui, j'ai quelque chose dont il faudrait que je te parle si tu ne le sais pas déjà.
     - Si c'est quelque chose de grave au point que tu me dises ça, non je ne dois pas être au courant. Qu'est-ce qui t'arrive?
     - Est-ce que je peux rentrer?
     - Bien sûr fais comme chez toi.

     Scott passa devant son ami, rejoignant la table du salon sur laquelle il déposa un journal du jour qu'il avait roulé sous son bras. Derek le rejoignit après avoir fermé la porte, jetant un œil sur le poissonnier qui avait l'air étrangement nerveux. Lui qui était du genre calme, c'était surprenant. Le marin se racla la gorge, venant s'asseoir en face de son ami.

     - Tu as l'air vraiment tendu tu sais Scott.
     - Oui et j'ai une raison. Je viens te voir pour te parler de Stiles.

     Le marin sentit ses tripes se tordre rien qu'à l'appel de ce nom qu'il n'avait lui-même pas osé prononcer depuis son départ. Il serra les poings, sentant lui aussi la tension lui monter à toute vitesse.

     - Mais merde Soctt, j'essaye de l'oublier je te rappelle ! C'est déjà assez difficile comme ça sans que tu n'aies besoin de m'en rajouter une couche.
     - Non non attends, j'ai une vraie raison de t'en parler. Je t'assure.
     - T'as intérêt à au moins me dire que tu crois aux sirènes avec l'attitude que tu me sors..
     - C'est possible.
     - Tu déconnes.
     - Bon écoutes. Je lisais le journal ce matin, et je suis tombé sur un article qui m'a fait tiquer. Tiens regardes.

     Scott attrapa le journal qu'il avait déposé plus tôt sur la table, tournant les pages jusqu'à arriver à celle qui l'intéressait. Il pointa du doigt un gros article qui se trouvait dans la section "nouveautés du monde".

     - Lis ça tu vas voir.
     - "Nouveautés du monde. Après être resté dans le silence pendant quatre ans, le riche propriétaire de réseaux portuaires polonais.. Gérard Argent.. A décidé exceptionnellement d'ouvrir les portes de sa collection de créatures marines pour une grande réception où il prévoit d'inviter la presse de plusieurs pays et d'y dévoiler sa nouvelle "grande rareté" qui a rejoint ses aquariums dans les dernières semaines". Tu déconnes j'espère.
     - L'autre soir quand tu étais bourré, tu as parlé d'un certain Gérard Argent, comme quoi c'était lui qui avait enlevé ton précieux petit poisson. Je n'y ai pas cru jusqu'ici, mais son nom ainsi que sa "nouvelle rareté marine" m'ont tout les deux sautés aux yeux quand j'ai lu ça. Je crois que ton pêcheur polonais a décidé de dévoiler au monde que les sirènes existent.
     - Alors ça y est c'est arrivé, tu crois aux sirènes.. Je rêve pas..
     - Je ne sais pas trop, mais une chose est sûre c'est que ce mec là y croit assez pour inviter la presse à venir la voir. C'est Stiles qu'il va leur montrer. C'est évident que c'est ça.
     - D'accord mais.. Ça ne nous avance pas de le savoir. Je te rappelle qu'on n'est ni riches, ni de la presse, et qu'on n'habite pas non plus en Pologne. Je ne vois pas ce que tu veux qu'on fasse de ça.

     Scott eut un sourire, semblant avoir une idée. Il se mit à agiter son doigt devant le nez de Derek, signifiant qu'il s'apprêtait à annoncer un truc de génie.

     - Non, mais il y a une réception de prévue. Et qui dit réception dit personnel de réception. Tu piges?
     - Non pas du tout.
     - Mais tu le fais exprès ou quoi? Derek, on va se faire engager comme serveurs ou cuistots ou je ne sais pas quoi encore à cette réunion de presse, réfléchis.
     - Attends attends. J'ai plusieurs questions. Comment tu comptes rejoindre la Pologne sachant qu'on n'a pas un sou? Comment tu comptes récupérer Stiles une fois rendus là bas? Et surtout, "on"?
     - Tu es mon ami Derek. Et je ne t'ai jamais vu aussi dévasté que depuis que ce mec a disparu de ta vie, et pourtant j'étais là après le suicide de ta mère. Je ne connais pas grand chose à l'amour mais ce que je sais c'est que toi mon ami tu es fou amoureux de ce poisson. Alors on va se rendre en Pologne et aller le récupérer, d'accord?
     - Tu es conscient que ça risque d'être dangereux? Ces types là ne rigolent pas tu sais.
     - Evidemment. Mais on s'ennuie à ne rien foutre dans cette ville de toutes façons. 

     Le marin n'en revenait pas. Scott, son ami sceptique depuis toujours était là devant lui à lui sortir qu'ils allaient tous les deux s'embarquer dans une affaire de sauvetage impossible pour aller délivrer une sirène. Il dû se pincer pour vérifier qu'il ne dormait pas, et effectivement il ne dormait pas. 

     - Tu oublies le problème de l'argent Scott. Je n'ai pas un rond, comment tu crois que je vais payer l'avion? J'arrive déjà à peine à me payer à manger.
     - C'est moi le sceptique ou c'est toi?
     - Ça ne répond pas à ma question. 
     - J'ai bien une idée de la réponse, mais ça ne va sûrement pas te plaire.
     - Vas-y étonne-moi, au point où j'en suis..
     - Vends ton bateau.
     - Quoi !? T'es fou ! Avec quoi je vais vivre moi après !? C'est mon bijou, je ne peux rien faire sans lui !
     - Bon merde Derek ! Ça suffit ton comportement de lâche, j'en peux plus ! Fais un effort, on parle de sauver l'amour de ta vie là ! Tu l'aimes Stiles oui ou non !?

     Derek se tut un moment, se rendant compte de la couardise dont il faisait preuve depuis le début. Il avait passé tellement de temps à se persuader que les belles histoires n’existaient pas depuis le départ de son amant qu'il avait fini par lui-même y croire. Mais aussi, il se sentait minuscule face au vaste monde que lui avait fait découvrir Stiles et il était mort de trouille à l'idée d'y mettre les pieds. Seulement voila, il fallait le faire si il voulait pouvoir le revoir un jour. Il hocha la tête, essayant de se doter de courage.

     - Oui je l'aime.
     - Alors tu vas me faire le plaisir de vendre ce bateau et on va prendre un vol pour la Pologne pour aller le récupérer.
     - Je croyais que tu haïssais Stiles. Pourquoi est-ce que tu fais tout ça Scott?
     - Je n'ai jamais détesté ton poisson Derek. Mais j'étais sûr qu'il était lié à de sales histoires et je m'en suis méfié. J'avais peur qu'il t'embarque avec lui dans d'horribles choses.
     - Et maintenant c'est toi qui m'incite à m'y embarquer.
     - Oui.. Parce que j'ai réalisé que c'était ça dont tu avais besoin. Te voir lamentable comme tu l'as été au bar l'autre fois ça m'a fait beaucoup réfléchir.. Tu mérites une autre vie que celle que tu as toujours eu ici, tu as trop de rêves pour te contenter de ça. Et si il faut que je fasse libérer un mec poisson pour te donner l'occasion d'avoir l’existence que tu mérites, alors allons-y.
     - Je t'ai raconté trop d'histoires, c'est toi qui rêve trop maintenant..
     - Oui, et ça fait du bien je dois l'admettre.
     - Merci Scott. J'ai beaucoup de chance de t'avoir comme ami.

     Les deux amis se prirent dans les bras, Derek se sentant à présent beaucoup moins peureux à l'idée d'aller récupérer l'homme qu'il aimait. Ils se lançaient dans quelque chose d'incroyablement stupide et dangereux, mais le marin en avait assez de la fuite. Chaque fois qu'il s'était retrouvé face à une difficulté, l'homme avait tourné le dos pour ne pas avoir à l'affronter. Ça avait été le cas après la mort de sa mère lorsqu'il s'était complètement donné à la pêche pour éviter de ressentir le deuil, c'était aussi le cas lorsque les gens s'étaient mit à se moquer de lui car ses histoires étaient trop farfelues pour être crues, et ça avait définitivement été le cas lorsque Stiles s'était fait arracher à lui devant ses yeux et qu'il n'avait rien pu y faire. Désormais, il était prêt à affronter des tempêtes pour le ramener, et c'était grâce à Scott. Son ami de toujours. Celui-ci lui colla soudainement une violente tape sur l'épaule, faisant gémir le pêcheur d'une façon plutôt douloureuse, courant jusqu'à la porte avec précipitation.

     - Allez, on a un bateau à vendre mon ami ! En route !
     - T'étais pas obligé de me décalquer l'épaule..

     Ainsi, le duo prit route vers le port à bord du vieux navire que possédait Derek, celui-ci jetant un dernier regard sur cet océan qu'il avait longtemps parcouru sur son dos. Pendant le trajet, il avait eu l'étrange impression qu'il ne reverrait plus jamais cet endroit. Sensation certainement erronée, mais qui l'avait teinté d'une grande nostalgie. Scott le laissa apprécier le voyage, ayant lui-même proposé de tenir la barre jusqu'au port. Derek s'était assis sur le cordage où Stiles prenait toujours place lorsqu'il l'accompagnait en mer, regardant défiler les vagues tout en observant ce magnifique coucher de soleil qui donnait un aspect rosé à la surface de l'eau. Il inspira profondément, appréciant l'air qui avait tant de fois fouetté son visage. C'était une belle façon de dire au revoir à son précieux navire.
     Lorsqu'ils arrivèrent dans la baie du vieux port, les deux amis firent leur dernier au revoir à l'épave en buvant un coup à son bord. Et une fois la petite bière de plaisance terminée, ils me mirent en route pour la dépose, revendant l'engin à un prix ridicule mais tout de même assez élevé pour permettre au deux hommes de se payer les billets pour la Pologne. Scott prit le volant jusqu'à l'aéroport, ne prenant même pas le temps de passer par chez Derek avant. Il n'y avait plus un instant à perdre, d'après l'article ils avaient deux jours avant la date de la grande réception. Il fallait se presser et élaborer au moins une petite base de plan avant d'arriver. C'était officiel, les deux amis allaient courir au secours de Stiles, laissant derrière eux toute la réalité à laquelle ils avaient toujours tenté de se raccrocher. Il était l'heure de se remettre à rêver.

Chapter 8: Beauté des eaux

Chapter Text

     La Pologne. Derek n'en revenait pas d'avoir posé les pieds dans ce pays aujourd'hui. Partout où il allait accompagné de son ami Scott, il s'arrêtait pour observer chaque bâtiment ou commander de la nourriture locale à des trucks en pleine rue. A le regarder, on aurait presque dit qu'il était venu faire du tourisme. Mais rapidement, le poissonnier le rappela à l'ordre, l'incitant à prendre un taxi. Les deux hommes savaient où se rendre, l'adresse de la réception ayant été donnée au marin via la carte de visite que lui avait fournit Gérard Argent lors de sa petite visite dans la ville pêcheuse. De plus, l'homme était très connu dans son pays en tant que riche propriétaire de réseaux portuaires ainsi que pour sa légendaire collection de créatures marines. Le vieux riche adorait organiser de petites réceptions à certaines occasions pour permettre au publique de venir observer ses possessions dont il était très fier, mais d'après le journal qu'avait ramené Scott il n'avait plus donné de nouvelles depuis quatre ans. A en déduire par l'histoire qu'ils connaissaient désormais, cette absence avait sans doute été provoquée par la chasse acharnée de Derek et sa mère à travers les terres et les océans. Mais désormais, cette poursuite sans fin s'était terminée et Gérard avait probablement hâte de dévoiler au monde sa nouvelle rareté. Une véritable sirène. Scott avait encore beaucoup de mal à avaler cette histoire, se sentant toujours d'humeur sceptique, mais il répétait sans cesse que si ses yeux voyaient d'eux-même la queue de poisson du garçon il se mettrait à croire aux légendes.
     Les deux amis furent déposés légèrement hors de la ville, à l'entrée du manoir Hale qui était tout simplement immense, même vu de loin. L'endroit était éclairé d'un milliers de lumières et chacun des ornements décorant la coure valait au moins le prix de la maison entière de Derek avait tout ce qu'elle contenait à l'intérieur. C'était indécent tant la richesse était apparente dans cet endroit, mais pourtant c'était magnifique. En n'y regardant pas à deux fois, on aurait pu confondre la demeure avec Poudlard l'école des sorciers dans Harry Potter.

     Du beau monde était déjà là et s'attroupait devant l'immense portail, chacun espérant pouvoir passer avant un autre pour être le premier à franchir le seuil du manoir        

     Du beau monde était déjà là et s'attroupait devant l'immense portail, chacun espérant pouvoir passer avant un autre pour être le premier à franchir le seuil du manoir. Les gens étaient tous très bien habillés, leurs vêtements scintillant, les parures de diamants autour du cou et les canes en bois rare aux paumes. Derek eut envie de vomir tant l'endroit sentait la bourgeoisie. Lui qui avait dû vendre son précieux bateau pour pouvoir venir ici regarder ces gens se pavaner comme des paons pour s'impressionner le plus possible les uns les autres. 
     Derek attrapa le poignet de Scott, le stoppant dans leur route vers la gigantesque demeure. Il n'était pas sûr que passer par la voie principale soit la meilleure des idées, ils s'écartèrent de la route en rejoignant un passage moins fréquenté qui semblait donner plus loin sur un local à poubelles.

     - Scott, c'est du délire. On n'a pas posé de candidature et on ne nous laissera jamais passer les portes. Tu as vu les gens qu'il y a là bas? Regarde-nous, on a l'air de ploucs !
     - Je sais bien, mais il faut bien qu'on trouve le moyen de rentrer à l'intérieur. Par une fenêtre ou quelque chose.
     - Quand bien même on réaliserait le miracle d'arriver à rentrer, nos tenues font toujours louche. On devait s'engager pour la réception, qu'est-ce que t'as foutu?
     - Il n'y avait pas de coordonnées à indiquer pour poser sa candidature Derek, je pense que le personnel était déjà choisi.
     - C'est malin, comment on rentre maintenant?

     Scott soupira, regardant tout autour de lui avec frustration. Ça commençait mal si déjà ils n'arrivaient même pas à entrer à l'intérieur du bâtiment. Mais le poissonnier se mit à sourire, semblant comme chaque fois qu'il tenait cette expression gagné d'une idée. D'un signe du menton, il indiqua le local à poubelles non loin d'eux. Derek tourna la tête, apercevant alors deux types en tenue de service très chics avec chacun deux gros sacs poubelle à la main. Le pêcheur fronça les sourcils, faisant non de la tête à Scott pour essayer de le dissuader. Mais celui-ci agita son cou dans un oui frénétique, attrapant son ami par le poignet pour courir jusqu'à la battisse. Ils se cachèrent le temps que les hommes ne rentrent, voulant éviter de se faire voir. Ils en profitèrent pour capter un morceau de conversation qui se jouait entre les serveurs.

     - Et tu l'as vu toi?
     - Oui, j'ai été jeter un œil sous le drap. Je te jure, c'est hallucinant. Tu ne vas pas en revenir.
     - Il était comment?
     - Indescriptible. Tu verras tout ça tout à l'heure.
     - Si il ne meurt pas avant, j'ai entendu dire qu'il ne mangeait presque plus ses repas. 
     - Comprends-le aussi, il passe d'un océan sans fin à un petit aquarium de collection chez un vieux riche, il doit s'ennuyer le pauvre.
     - Petit !? Il va falloir revoir ta notion de petit. J'ai jamais vu autant de flotte de toute ma vie.
     - Allez magne-toi, l'accueil des invités va commencer et je n'ai pas l'intention de la rater pour un tas d'ordures.

     Alors qu'ils s'apprêtaient à sortir, chacun d'entre eux reçut un grand coup de pelle derrière la tête, les propulsant dans un coma qu'il fallait espérer ne pas être si profond que ça. Derek regardait les deux semi-cadavres étalés au sol, ses mains bien serrées sur les manches de son outil. Scott lui donna une tape sur l'épaule après avoir lâché le siens, se précipitant sur l'un des serveurs.

     - Magne-toi, on pique leurs fringues avant qu'ils ne se réveillent.
     - Je le sens pas ce plan Scott..
     - Il est très bien ce plan. 

     Derek et Scott s'habillèrent de leur nouvelle tenue, s'aidant mutuellement à serrer le nœud papillon autour de leur col. Quel chic, quelle classe. Ils sourirent en se regardant, ne s'étant jamais trouvés aussi beaux auparavant. Les deux amis se donnèrent ensuite une tape sur l'épaule, s'armant de courage pour la suite. Ils allaient entrer dans le manoir, c'était le moment. Le grand sauvetage de Stiles, il commençait maintenant.
     Après s'être assurés de bien fermer la porte avec les clés des victimes, Derek et Scott prirent marche vers l'entrée arrière du manoir d'où semblaient provenir les serveurs. Ils se retrouvèrent cependant bloqués à la porte par un gardien, les empêchant d'entrer. Scott prit la décision d'essayer de discuter pour avoir le droit de passage.

     - Pardon, nous sommes en retard pour l'accueil des invités.
     - On peut savoir ce que vous foutiez dehors?
     - Nous étions sortis jeter les poubelles de la cuisine avant le début de la réception.
     - C'est quoi vos noms déjà à vous deux?

     Derek lança un regard inquiet à Scott, n'ayant absolument pas prévu de se trouver un nom d'emprunt là tout de suite. Il se racla la gorge, prononçant bêtement le premier qui lui vint à l'esprit.

     - C'est Miguel. Juajez, Cincua... Diago.
     - Ohla euh.. Et comment ça s'épelle?
     - Euuh.. Comme ça se prononce..

     Scott dut se retenir d'éclater de rire. Ce nom, mais ce nom. Il ne pu cependant s'empêcher de sourire, faisant tiquer le gardien à la porte. Il haussa un sourcil, se tournant face au poissonnier.

     - Et toi, t'as quoi à te marrer? Vous êtes proches?
     - Oui, c'est mon cousin en fait. Et mon nom c'est-
     - Non pitié par un autre truc imprononçable. Je m'en fout, allez entrez. Ne vous mettez pas en retard ou le boss va gueuler.
     - Merci.

     Ils se faufilèrent à l'intérieur, le gars fermant derrière eux pour retourner à ses occupations. Scott marcha à travers la cuisine auprès de Derek, lui donnant un coup d'épaule en riant.

     - Cousin Miguel.
     - La ferme.. C'est le premier truc qui m'est venu.
     - Les premiers trucs qui viennent aux gens normalement ce sont des prénoms basiques, comme Paul, ou David, ou encore Franc. Mais Miguel.. T'as vraiment un esprit tordu jusqu'au bout toi.
     - Arrêtes de te moquer, on s'en fout on est passés c'est le principal.

     - Eh vous là ! Vous faites quoi encore dans les cuisines ! Bande de fainéants ! Dehors et plus vite que ça !

     Sans qu'ils aient le temps de dire quoi que ce soit, un homme à l'air en colère débarqua pour leur coller un plat de hors d'oeuvre chacun dans les mains et les pousser hors de la cuisine, les faisant rejoindre un couloir qui d'après le bruit qui se produisait au fond devait donner sur la salle de réception. 

     Les deux amis se stoppèrent, l'angoisse leur montant

     Les deux amis se stoppèrent, l'angoisse leur montant. A partir d'ici, ils se jetaient dans la gueule du loup et de leur pleins gré en plus. Derek inspira profondément, serrant son plateau.

     - Quand je pense qu'on était juste deux ploucs dans une petite ville portuaire et que maintenant on se la joue James Bond dans un immense manoir de riche..
     - C'est vrai c'est dingue.. J'en reviens pas qu'on soit aussi stupides.
     - Oui c'est stupide.. Mais c'est cool non..?
     - Super cool mon ami. Même super méga cool.

     Derek rit, se sentant un peu plus soulagé. Scott était derrière lui et il savait qu'ils pourraient se soutenir l'un l'autre dans ce qu'ils s'apprêtaient à faire, même si c'était complètement dingue. Le plus jeune donna une tape dans le dos de son ami, l'incitant à reprendre la route vers leur point d'arrivée. Et lorsqu'ils ouvrirent la porte, ils entrèrent alors dans une immense salle illuminée par de nombreux lustres et où un immense escalier de toute beauté tombait en cascade au milieu de la pièce.  

     Les invités, dont beaucoup semblaient être des noms très renommés de la presse à travers le monde, affluaient dans cette salle; C'était là où les festivités commençaient et sans doute que la suite se déroulerait ailleurs car pour l'instant le...

     Les invités, dont beaucoup semblaient être des noms très renommés de la presse à travers le monde, affluaient dans cette salle. C'était là où les festivités commençaient et sans doute que la suite se déroulerait ailleurs car pour l'instant les deux amis n'aperçurent pas le moindre aquarium. Ils s'engagèrent chacun de leur côté pour roder au travers de la foule, s'arrêtant parfois pour proposer un petit canapé aux gens dans un geste très solennel. Pour le moment, leur infiltration semblait se passer à merveilles. Après avoir tourné une dizaine de minutes parmi les invités, Scott et Derek se retrouvèrent pour essayer de faire un rapide point sur ce qu'ils avaient vu, le marin parlant le premier.

     - Je ne pense pas que la fête soit sensée se passer ici, t'en dis quoi?
     - J'en dis que c'est sûrement le temps que les gens arrivent, ou que Gérard arrive. C'est un riche homme qui fait venir des reporters chez lui, il doit aimer l'attention. Il prépare sans doute une entrée théâtrale.
     - J'espère qu'elle est pour bientôt son entrée théâtrale parce qu'on va se faire griller avant d'avoir vu un seul poisson.
     - On devrait arrêter de parler, les gens nous regardent. Il ne vaut mieux pas trop attirer l'attention sur nous si tu veux mon avis, on en rediscutera d'ici quelques minutes.

     Les amis se séparèrent encore une fois, Derek se faufilant entre les gens pour essayer de se fondre dans la masse. Son cœur palpitait d'impatience à l'idée de revoir Stiles, mais il se sentait tout aussi nerveux. Son amant était là quelque pars dans cet endroit et lui était bloqué là à faire des tours pour proposer des canapés à des gens qu'il méprisait. Il priait pour ne pas rater l'occasion de rejoindre la collection d'aquariums, jetant son regard dans tout les recoins de la pièce dont il haïssait maintenant chaque mur.
     Soudainement, interrompant la musique de salon qui se jouait en fond depuis leur arrivée, Gérard apparut en haut des escaliers comme si il était le Roi du monde. Il descendit lentement les marches, faisant se languir les gens d'un discours qui n'arrivait pas. Il se stoppa au milieu de l'escalier, joignant les mains devant son ventre dans un geste noble, balayant la salle du regard avec un sourire faux et fier. Il était ravi que les yeux soient tous posés sur lui. Il ouvrit les bras, adoptant maintenant une pose d'accueil faussement modeste.

     - Bonsoir à tous, bienvenue dans le Manoir des Argent. Vous tous, chacun d'entre vous est le bienvenue dans ma demeure, et je vous remercie de vous être déplacés d'aussi loin pour venir apprécier mes merveilles aujourd'hui. Je pense qu'à présent vous êtes tous là, il est donc temps de vous offrir le repas dans un endroit bien plus agréable que celui-ci.

     Derek serra les dents, sentant son estomac lui remonter dans la gorge. Cet endroit était un véritable palace et pourtant il se permettait de le décrire comme le pauvre petit couloir de l'entrée où l'on ne souhaitait pas rester pour s'empresser de rejoindre le salon. C'était écœurant.

     - Je vous invite donc à me suivre dans ma salle aux trésors pour pouvoir vous faire assister à l'immense révélation pour laquelle je vous ai fais venir ce soir. Je vous en prie à tous, suivez mon chemin.

     Argent se fît applaudir par toute la salle, descendant le reste des marches pour aller s'engouffrer dans un immense couloir qui donnait sur pleins de portes en bois massif sombre, toutes évidemment verrouillées. Il n'y eut pas de porte cependant pour entrer dans la salle des aquariums, l'endroit pouvant être accédé par une grande arche de pierre taillée. Derek n'en revint pas, admirant la hauteur des murs ainsi que les gigantesques vitres qui par leur simple présence plongeaient l'endroit entier dans un bleu profond, presque magique. Des bancs de poissons de pleins de sortes se baladaient dans chaque bac, ceux-ci ne semblant même pas avoir conscience du réel endroit où ils se trouvaient. Les aquariums étaient tous si grands qu'ils se croyaient probablement au pleins cœur de l'océan.

     Il ne fallut pas bien longtemps avant que la salle ne se remplisse de gens, ceux-ci se précipitant aux vitres pour photographier le moindre petit élément qui leur attirait l'œil au cœur de l'eau

     Il ne fallut pas bien longtemps avant que la salle ne se remplisse de gens, ceux-ci se précipitant aux vitres pour photographier le moindre petit élément qui leur attirait l'œil au cœur de l'eau. Et il fallait admettre que c'était particulièrement impressionnant tout ça, surtout lorsqu'on comparait la taille des vitres avec celles des minuscules tables de réception disposées un peu partout dans la salle. Derek s'approcha de l'une d'elles, scrutant chaque recoin de l'aquarium en espérant y voir passer un visage connu, mais bien évidemment il n'y vit rien d'autre que des poissons. Scott vint le trouver, lui donnant une tape sur le dos pour attirer son attention. Le marin sursauta, manquant de faire tomber son plateau.

     - Tu m'as fais peur Scott.
     - C'est dingue cet endroit Derek.. On se croirait dans un film..
     - Ouais c'est dingue..
     - Viens t'as pas encore vu l'aquarium du fond, tu vas halluciner..

     Il le tira par le poignet, lui faisant traverser la salle en courant presque, bousculant au passage quelques invités qui râlèrent quasiment autant que le faisait le poissonnier lorsqu'il était à son travail. Le duo d'amis se stoppa devant une nouvelle vitre, contemplant la magnificence des habitants s'y trouvant.

     - Dis-moi si t'as déjà vu une bestiole aussi belle que celle là un jour Derek..?

     Dans l'eau, nageant lentement entre ses petits camarades, un magnifique requin de taille gigantesque se laissait porter tranquillement sans ne rien demander à personne. Derek ne sentit pas sa mâchoire tomber, subjugué par le spectacle qui se déroulait devant ses yeux.

     - Scott c'est.. Divin..

     Pendant que les deux amis profitaient de la beauté de l'instant, Derek ne pu tout de même s'empêcher de penser à ce pourquoi il était venu ici

     Pendant que les deux amis profitaient de la beauté de l'instant, Derek ne pu tout de même s'empêcher de penser à ce pourquoi il était venu ici. Stiles l'attendait, là, quelque pars, mais il n'était évidemment présent dans aucun de ces aquariums. Certes il s'était laissé subjuguer, mais pas assez pour oublier son amant qui avait désespérément besoin d'être sauvé. Derek se rendit compte de l'angoisse du marin, le secouant légèrement.

     - Ne perds pas espoir Derek. Je te promets qu'on va le retrouver.
     - Il n'est dans aucun de ces aquariums Scott.. Peut-être qu'il l'a tué comme sa mère..
     - A quoi bon mettre en scène une telle réception dans ce cas? Non moi je te dis d'attendre. Je suis sûr qu'il va apparaître d'un moment à l'autre.
     - Oui..

     Justement, Gérard attira l'attention de tout le monde en frappant des mains au fond de la grande salle, grimpant sur une petite estrade installée devant un immense rideau et s'assit sur une chaise qui y était disposée. Il attendit que chacune des personnes présentes vienne s'attrouper avec les autres autour de lui, Derek et Scott se fondant dans la masse en espérant que Gérard ne le repérerait pas parmi le monde qui filmait et photographiait de toute part. Le vieux riche rit en voyant ces gens se presser en dessous de lui, jubilant probablement de l'intérêt qui lui était porté à cet instant.

     - Mes chers journalistes, chers collègues, chers amis. Cette réception n'a été mise en place que pour cet instant, celui que je vous avais promis en vous invitant ici ce soir. Ce que je m'apprête à vous montrer risque de vous perturber ainsi que de perturber le monde, mais il est essentiel que le lourd secret que j'ai trouvé dans les eaux ne soit enfin dévoilé au grand jour. Moi, Gérard Argent, vais devenir l'homme qui vous aura prouvé l'existence des légendes Mesdames et Messieurs. Laissez-moi vous présenter ma nouvelle pièce de collection, la plus belle que j'ai acquis durant toute ma belle et longue vie. La dernière merveille du monde, la voici.

     Il tira le rideau, le faisant tomber dans une immense cascade de tissus derrière lui. Les gens ne cachèrent pas leur stupeur, les réactions s'entendant sur toutes les bouches et se voyant sur tout les visages. Là, derrière Argent, se trouvait une sublime sirène dont la queue divine était enroulée autour de son rocher, le visage caché dans le creux de ses bras. Ce spectacle était tout simplement fantastique.

     Derek ouvrit de grands yeux, observant la profonde tristesse qui se dégageait de son amour prisonnier de cette cage aquatique, étant visiblement le seul à se rendre compte de l'extrême cruauté de la scène qui se déroulait devant leurs yeux. Il tourna son regard vers son ami Scott, celui-ci étant sous le choc de ce qu'il était entrain de regarder. Devant lui se tenait la preuve de tout ce qu'il avait toujours cru faux, de tout ce qu'il avait toujours rabaissé au rang de légendes. Et pourtant, il était là. Stiles la sirène, bel et bien réel devant ses yeux. Les flash se mirent à exploser en se reflétant dans l'eau du bassin, ce qui effraya la sirène qui se redressa en essayant de décamper pour se cacher, ne trouvant malheureusement aucun recoin où disparaître. A pars quelques algues et quelques rochers, son aquarium ne contenait rien. Seulement le vide froid et sombre des abysses. Le garçon avait l'air terrifié d'être ainsi exposé et tentait de cacher son visage dans ses bras, mais il était trop tard. Le monde l'avait vu. Gérard Argent semblait être l'homme le plus heureux du monde à ce moment précis, endossant pour toujours le grand nom de "l'homme qui prouva l'existence des sirènes".
     Le marin fût tiré de ses songes par une main sur son épaule qui n'appartenait pas à Scott. Il suivit le bras jusqu'à apercevoir le visage d'un inconnu pointé vers lui, le type étant vêtu du même vêtement que lui. Un autre serveur de la soirée apparemment. L'homme le tira à part, essayant de couvrir de sa voix les nombreux cris et questions des journalistes qui remuaient derrière eux comme des poules dans une basse coure.

     - J'ai le chef qui m'a demandé de t'appeler aux cuisines. Apparemment c'est important.
     - Moi?
     - Oui, t'es bien Miguel? 
     - Ouais.
     - Alors c'est toi qu'il veut voir.

     Le marin hocha la tête, jetant un dernier regard vers son ami qui ne quittait plus la créature des yeux. Scott était si subjugué qu'il ne pouvait se détourner de Stiles. Au moins, il resterait pour garder un œil sur la soirée. Derek partit donc en compagnie de l'autre type, abandonnant la pièce des aquariums. Il se demandait ce qu'on pouvait bien lui vouloir, mais il prenait ça comme une chance de pouvoir se promener librement dans les autres parties du manoir sans avoir qui que ce soit pour lui poser des questions trop indiscrètes sur ce qu'il faisait dehors. Mais avant ça il devait se débarrasser du serveur. Le pêcheur regardait partout autour de lui, cherchant de quoi l'assommer. 
     Derek se stoppa dans sa marche, entendant un cliquetis métallique dirigé vers lui. Lorsqu'il se retourna vers l'autre serveur, celui-ci avait un canon de revolver braqué directement vers le marin. Le jeune Hale soupira, levant les mains en l'air en se maudissant de ne pas s'être méfié de ce gars là particulièrement. Il s'était attendu à ce que le coup vienne du chef, voir directement de Argent, mais pas du pauvre petit sbire.

     - Miguel c'était pourris comme nom d'emprunt.
     - Comment tu as su qui j'étais?
     - Gérard. Il t'a vu te balader parmi les invités, qu'est-ce que tu croyais? Que tu pourrais te pointer ici et agir sans qu'il te voit? On n'est pas dans un film.
     - Il y a une sirène là bas dans l'autre salle. A partir de là, je peux croire à tout. 
     - Ça c'est sûr.
     - Pourquoi tu fais ça pour lui? C'est un homme cruel avec des valeurs dégueulasses.
     - Peut-être, mais il a de gros billets. C'est comme ça la vie, c'est régit par l'argent. Désolé. Maintenant, avances. Faut que je t'emmène ailleurs.
     - Tu vas me descendre dans un endroit plus tranquille?
     - C'est pas drôle, tu gâches la surprise.

     L'assassin fît un signe du revolver, indiquant à Derek d'avancer. Celui-ci ne broncha pas, craignant le canon qui était toujours dirigé vers lui. Il prit donc les directions que le serveur indiquait, finissant par monter un immense escalier et arrivant dans les combles du manoir. Ils passèrent une porte, s'infiltrant dans une grande salle des machines dont le sol était troué de nombreuses cuves scellées par des grilles correspondant sûrement au dessus des aquariums qu'il avait admiré plus tôt. C'était probablement par là que l'on nourrissait les bêtes. Ils s'avancèrent le long des pontons de fer, le garçon activant une sorte de code dans une borne pour ouvrir la grille de l'une des cuves. Et lorsque celle-ci fût ouverte, il pointa son arme contre le front de sa victime.

     - Tu vas sauter maintenant.
     - Tout le monde va me voir si je saute dans cet aquarium. Pourquoi tu ne tires pas plutôt? Ce serait allé plus vite.
     - Une balle dans la tête serait vite déclarée comme provenant d'un meurtre. En revanche, si tu sautes, on pourra t'accuser d'avoir tenté de voler un poisson rare de la collection de Argent et d'avoir raté ta manœuvre, glissant fatalement dans le bassin du requin et t'y noyant. Ou t'y faisant dévorer, selon ce qui te tue en premier.
     - Le bassin du requin..?

     Derek jeta un œil vers le bas, se rendant compte qu'effectivement le gigantesque requin qu'il avait admiré plus tôt avec Scott faisait des ronds derrière lui. La créature n'avait probablement aucune idée de leur présence, et pourtant le marin voyait son existence comme un danger bien plus important que celle de son assassin. Il déglutit, reposant son regard sur le revolver.

     - Finalement, vous allez bien avec Argent. Vous aussi vous êtes une ordure.
     - Je vais faire un décompte, et si tu n'as pas sauté au bout je vais te pousser moi-même. Un, deux..

     Le jeune Hale chercha un moyen de s'en sortir, paniqué rien qu'à entendre les secondes défiler aussi vite dans la bouche du type. Il ferma les yeux, essayant de réfléchir sur comment s'en sortir. Il n'y avait pas de solution, il était fini. Il allait se faire tuer par un requin au fond d'un aquarium et Stiles allait rester toute sa vie prisonnier de la collection des Argent.

     - Trois.

     Un bruit fort raisonna dans toute la pièce, provoquant un frisson de terreur au pêcheur qui cru se sentir tomber en arrière. Il attendit la sensation de l'eau qui recouvrirait son corps et le laisserait couler au fond du bassin, mais il n'en fût rien. Hale rouvrit les yeux, faisant face à Scott qui tenait entre ses mains un pied de chaise en métal. Il venait tout simplement de fracasser le crâne de l'assassin, l'empêchant ainsi de mettre fin à la vie de son ami.

     - Scott !! 

     Les deux hommes se sautèrent dans les bras, Derek se sentant terriblement soulagé. Scott lui avait épargné une mort horrible, et ça il ne pourrait jamais assez l'en remercier. Le poissonnier lâcha son ami, s'agenouillant près du serveur et lui enlevant son revolver des mains pour le glisser dans sa ceinture. En cas de besoin. Le pêcheur se dirigea immédiatement vers la commande qui permettait d'ouvrir le bassin de Stiles, mais lorsqu'il tira dessus une demande de code s'afficha. Il y avait beaucoup trop de caractères pour que les hommes trouvent de quoi il s'agissait. Scott essaya de tirer dans le mécanisme avec le revolver, mais Derek l'en empêcha.

     - Arrêtes ! Tu vas peut-être déclencher une alarme.
     - Ça craint si on veut pouvoir se sauver ça.. Ok on redescend on va essayer autre chose.

     Il fallait trouver une autre solution pour sortir la sirène de sa prison. Ils partirent donc défaits en direction de l'escalier, ne voulant plus perdre une seule seconde ici.

     - Comment tu as su où j'étais Scott?
     - J'ai remarqué que tu n'étais plus autour de moi, et quand je t'ai couru après j'ai entendu vos pas. J'ai juste eu à suivre vos voix et je t'ai trouvé.
     - C'est toi le héro de l'histoire en fait.
     - Attends avant de dire ça, on n'a pas encore sauvé ta sirène. Putain j'en reviens pas qu'il existe vraiment.. C'est quoi cette vie sérieux.
     - Ça c'est sûr..

     Les deux hommes rejoignirent la salle de réception, les gens s'étant écartés des vitres pour tous discuter entre eux. Il y avait un sacré raffut dans la pièce et il fût facile de s'y glisser sans que personne n'y prête attention. Derek ne joua pas la carte de la discrétion cette fois-ci, sachant que de toutes façons Argent savait qu'il était présent. Il se dirigea vers l'aquarium de Stiles d'un pas décidé et vint frapper contre la vitre pour attirer l'attention de son amour sur lui.

     - Stiles !! Stiles !!

     Le poisson leva la tête, ouvrant de grands yeux en apercevant Derek de l'autre côté de la vitre. D'un coup de nageoire, il se propulsa à travers le bassin pour venir se tenir en face de lui, posant ses mains contre celles du pêcheur en le fixant avec tristesse. Il ne pouvait pas lui parler sous l'eau, mais il avait pourtant tant de choses à lui dire.

     - Je vais trouver un moyen de te sortir de là tu m'entends? Je te le jure..

     Stiles hocha la tête, lui faisant signe qu'il comprenait. Mais évidemment, son geste n'était pas passé inaperçu. Les gens le fixaient avec terreur, tous ne comprenant pas ce qu'il était entrain d'arriver entre les deux êtres. Derek courut à une table, s'emparant d'une chaise qu'il précipita contre la vitre, tentant de la briser. Les invités se mirent à paniquer, s'éloignant de l'immense aquarium. Argent, qui apparut pivoine de colère d'entre la foule, se précipita sur eux en empoignant son revolver caché sous sa veste de costume, le pointant vers Derek.

     - J'en ai assez que tu sois dans mes pattes toi !!

     Scott le vit charger, sautant instinctivement sur Derek pour lui éviter la balle qui venait de partir en leur direction, sauvant encore une fois son ami d'une mort certaine. Mais le poissonnier se mit à hurler de douleur, serrant sa jambe qui avait reçu la munition à la place du pêcheur. Les gens se mirent à hurler de plus belle, une ruée débutant dans la salle pour sortir du manoir.

     - Scott !
     - Ça va ! Ça va ! Je vais bien !

     Mais pas le temps de s'attarder dessus, Gérard chargea une autre balle. Derek attrapa un pied de table et la tira vers eux, la faisant tomber juste à temps pour les cacher de la balle qui passa tout de même au travers du bois, faisant se rendre compte au jeune Hale que cette matière n'arrêtait les coups de feu que dans les films. En revanche, elle avait aidé à ricocher légèrement la munition, la faisant se ficher dans la vitre derrière lui. L'eau se mit à couler par un léger trou pas plus gros qu'une pièce, de grandes fissures apparaissant autour d'elle. Derek vit en cette faille une occasion de rompre le verre, se saisissant de la chaise.

     - Scott agrippe-toi du plus fort que tu peux à moi !!

     Scott se redressa comme il pu, attrapant la taille de son ami pour ne plus le lâcher. Derek leva la chaise à bout de bras, s'apprêtant à l'abattre contre la vitre qui menaçait déjà de céder. Argent tendit la main vers eux, hurlant de désespoir.

     - Noooon !!

     Mais Derek le fît. Il abattit la chaise contre le verre, le brisant définitivement dans un immense grondement, le tout cédant sous la pression de l'eau qui emporta le duo dans son tsunami qui remplit la salle en un rien de temps. Les vagues frappèrent les murs, grimpant jusqu'au plafond tant le liquide était volumineuse dans le bassin. Heureusement, la plupart des gens avaient déjà prit la fuite plus tôt après avoir entendu le coup de feu et seuls les trois hommes encore présents dans la pièce avaient subit le courroux dévastateur des eaux. Petit à petit, la pièce se vida, les fenêtres extérieures ayant rompu sous la pression et permettant au liquide de s'échapper dehors. La salle des aquariums était dans un état lamentable, mais fort heureusement les autres bassins étaient toujours bien à leur place, n'ayant pas rejoint le premier dans la tempête que le marin avait créé. Le calme envahit l'endroit, paisible.
     Allongés contre le sol, Derek et Scott se tenant toujours bien l'un à l'autre, revenant d'un coup à leurs esprits. Le poissonnier se redressa en toussant tandis que le pêcheur reprit son souffle, ne comprenant pas comment il pouvait encore être en vie après ça. Mais la réponse se dessina devant ses yeux, la silhouette de Stiles apparaissant au dessus de lui. Sa sirène les avait attrapés avant qu'ils ne se fassent emporter, leur évitant le sort terrible de se faire fracasser contre les murs et broyer par le torrent qui s'était déversé dans la salle.
     Le jeune homme avait retrouvé ses jambes, assis à côté de son sauveur en lui caressant les cheveux, ne le quittant plus des yeux. Les gouttes tombaient de ses cheveux, s'écrasant l'une après l'autre contre le visage du marin. Ils se regardèrent un moment ainsi avant que Stiles ne cède, lâchant un premier sanglot.

     - Derek..
     - Stiles.. Oh mon Dieu Stiles..

     Derek se redressa, attrapant le jeune homme dans ses bras pour lui offrir un baiser emplis de passion et d'amour, le serrant aussi fort qu'il le put. Les larmes des deux hommes se mêlèrent entre leurs lèvres, ceux-ci accablés par le bonheur de se retrouver. Stiles s'écarta, caressant le visage de Derek d'une main tremblante.

     - J'suis désolé.. J'suis tellement désolé de t'avoir menti Derek..

     Ils se jetèrent encore une fois à la bouche l'un de l'autre, ne pouvant s'empêcher de revenir se lier des lèvres sans s'arrêter. Derek rompit cette fois-ci, prenant à son tour la parole.

     - Tu es bête de t'excuser.. T'as rien fais de mal.. T'as rien fais...

     Une fois encore, ils se firent taire dans un autre baiser, enlaçant leur nuque pour ne plus jamais se laisser partir. Stiles eut enfin le courage de s'écarter, se serrant contre Derek en enfouissant son visage dans son cou.

     - T'es venu me sauver.. Pour de vrai t'es vraiment là..
     - Oui je suis là..

     La sirène releva les yeux vers son sauveur, lui souriant tendrement malgré l'expression douloureusement nostalgique qu'il arborait encore.

     - Tu m'as encore sauvé la vie..
     - On dirait bien..
     - Si tu savais comme je t'aime..
     - Moi aussi je t'aime..

     Ils allaient encore se jeter l'un à la bouche de l'autre, mais ils furent interrompus par une voix qui se racla la gorge de manière non dissimulée derrière eux. Ils tournèrent le regard vers la source du son, apercevant le poissonnier assis près d'eux avec un drap blanc entre les mains. Scott avait rampé à une table pour récupérer l'une des nappes ayant échappé au ras de marrée pour pouvoir permettre à Stiles de se recouvrir. Celui-ci lui sourit, se jetant dans ses bras pour lui aussi lui donner un câlin et le remercier. Scott rougit, réalisant que le garçon était toujours nu.

     - Merci de m'avoir sauvé Scott..
     - C-c'est rien. C'est Derek le héro.
     - Toi aussi.. Merci d'être là.. Ça me touche beaucoup..
     - O-on devrait s'en aller. On doit te ramener à l'océan.
     - Quoi !?

     Stiles se redressa, lançant un regard troublé à Derek qui détourna les yeux pour ne pas avoir à le soutenir. Il se frotta la nuque, nerveux.

     - Oui.. On n'avait pas tellement de plan, mais on était sûrs d'une chose. Si on arrivait à te sauver, on te rendrait à la mer pour que tu n'aies plus jamais à fuir.
     - Mais je ne veux pas.. Je veux rester avec toi..
     - C'est trop dangereux.
     - Plus dangereux que ce qui vient d'arriver là? Derek, ne me force pas à y retourner je t'en supplie. Je suis seul cette fois.. Je n'ai pas ma mère pour rester à côté de moi..

     Ils s'échangèrent un long regard, Derek se mordant la lèvre avec peine. Il hocha la tête, n'arrivant pas à résister à ce visage couvert de chagrin.

     - C'est bon.. Tu peux rester avec moi.. Mais on part vivre très loin d'accord? Près de la mer.. Un endroit où on ne t'embêtera plus jamais..
     - Je rêve de ce que tu viens de me décrire..
     - Alors d'accord..

     Ils se relevèrent ensemble, Stiles se nouant le drap autour du bassin, puis ensemble ils soulevèrent Scott du sol pour le porter jusqu'à l'extérieur. Ils essayèrent de passer par une fenêtre qui avait rompu à l'arrière du bâtiment, ne souhaitant pas se faire repérer par la foule qui paniquait au dehors alors que la police était entrain d'arriver. Les deux amants déposèrent Scott assis contre une voiture sur le parking un peu à l'écart, Stiles regardant autour de lui pour vérifier qu'il n'y avait bien personne. Il enroula sa main dans son drap, donnant un violent coup à travers la fenêtre qui se brisa et permettant au garçon de passer la main à l'intérieur pour déverrouiller le véhicule. Derek et Scott le regardèrent abasourdis. La sirène haussa les sourcils, se raclant la gorge.

     - Quand j'étais en cavale, on piquait souvent des voitures avec ma mère. Et vu qu'il faut qu'on se barre et que je suppose qu'aucun de vous n'a de véhicule..

     Les deux amis hochèrent la tête, encore sous le choc de ce geste qu'il avait eu. Stiles n'avait certainement pas fini de les surprendre. Derek se racla à son tour la gorge, aidant Scott à se relever pour le mettre sur la banquette arrière.

     - T'effondres vraiment le mythe de la belle sirène douce et fragile toi.
     -  Je suis un humain, pas un cliché.
     - Ne me dis plus jamais que tu es un humain Stiles. Plus à moi.
     - Plus jamais à toi.

     Ils prirent la voiture, Derek s'occupant de conduire la voiture puisque Stiles ne savait pas comment faire et que Scott avait la jambe perforée. Ils roulèrent longuement, la sirène ne pouvant pas s'empêcher de garder sa main sur celle de Derek alors qu'il restait sur le levier de vitesse spécialement pour pouvoir faire ça. L'amour avait envahi le véhicule, mettant Scott particulièrement mal à l'aise. Stiles regarda vers son amant, soupirant tendrement.

     - Tu sais où on va aller?
     - Pas la moindre idée..
     - Tu ne vas pas regretter ton départ?
     - Non.. J'ai vendu mon bateau de toutes façons. Qu'est-ce que je pourrais bien encore faire là bas?
     - T'as vendu ton bateau..? Mais pourquoi? C'était ton bijou..
     - J'avais besoin d'argent pour prendre un vol jusqu'ici.
     - Pour moi alors.. Encore pour moi..
     - Tout pour toi Stiles. Absolument tout.

     Les deux hommes se regardèrent longuement, le sourire leur montant aux lèvres. Ils étaient fous amoureux, et ils le savaient. Plus personne ne pourrait jamais leur enlever ça. Plus personne, sauf peut-être la balle qui venait de traverser le pare-brise arrière en l'explosant, faisant hurler Scott qui s'était presque endormi à l'arrière. Il jeta un œil dans la nouvelle ouverture, voyant une voiture qui les suivait.

     - On a de la visite Derek !
     - Merci Scott j'avais remarqué !

     Une autre balle fusa, dans la roue cette fois. Le pneu explosa, faisant dériver la voiture de son axe et provoquant une collision contre une barrière en métal marquant l'entrée du port. Derek et Stiles furent projetés au travers du pare-brise avant, le premier s'ouvrant tout le bras et le deuxième s'étant ouvert la tête, recouvrant la moitié de son visage de sang. Quand à Scott, il était tombé inconscient toujours bien accroché sur la banquette par sa ceinture.
     La voiture se gara, en sortant Gérarg Argent qui visiblement était toujours en vie. Il s'approcha du duo qui rampait au sol en essayant de se rapprocher du bord de l'eau, pointant son rame vers eux en s'approchant d'un pas rapide. Il avait la ferme intention d'en finir avec tout ça.

     - Je vais te tuer pour ce que tu as fais Hale ! Et toi aussi le poisson, vous allez mourir tous les deux !

     Il ne prit pas le temps de faire de grands discours cette fois-ci, son doigt appuyant sur la gâchette et une balle allant se ficher dans la poitrine de Derek, lui provoquant un cri étouffé des plus atroces. Il retomba allongé au sol, crachant une gerbe de sang dont une partie lui retomba dans l’œil. Stiles se jeta sur lui, paniqué.

     - Non !! Derek !!

     Derek respirait encore, mais probablement plus pour longtemps. La balle s'était fichée au milieu du thorax, recouvrant petit à petit le sol de sang. La sirène leva ses yeux pleins de larmes vers Argent, se mordant la lèvre pour étouffer un cri de terreur. L'homme allait les tuer tous les deux, et il ne pourrait rien y faire.

     - Posez cette arme !

     Surgissant une nouvelle fois en héro, Scott s'était tiré hors de la voiture pour boiter jusqu'à eux, son revolver pointé vers Argent. Il avait l'air particulièrement sérieux dans sa menace, mit en rage par la blessure probablement mortelle que son ami venait de subir. Gérard se tourna vers lui, levant les mains en l'air sans lâcher son arme.

     - Gamin, gamin, gamin. T'es-tu au moins déjà servi d'une arme?
     - Croyez-moi que contre un type comme vous je n'aurai pas de mal à m'en servir..
     - Tu trembles. Tu n'oserais jamais tuer un vieillard.
     - C'est vrai..
     - Bien sûr c'est évident.
     - Mais je peux laisser les éléments le faire à ma place.
     - Qu'est-ce que tu as dis?

     Scott n'hésita pas et tira dans la jambe du vieux riche, celui-ci reculant en hurlant jusqu'à en perdre l'équilibre et se tomber dans l'eau. Il se débattit comme il pu pour essayer de retrouver le bord, mais Stiles ayant retrouvé son corps marin se jeta sur lui et plongea dans l'eau salée, emportant le vieillard le plus loin possible dans les fonds. Celui-ci lui donna de grands coups, essaya de le mordre ou de le griffer, et finalement il arriva à se servir de son arme qui malgré immergée tira une dernière balle avant de rendre l'âme. Elle se ficha dans le bras de la sirène, celui-ci hurlant sous la douleur alors que le vieux essaya de s'échapper. Mais Stiles ne comptait pas le laisser s'en tirer comme ça, le saisissant par la cheville grâce à son bras encore valide pour l'empêcher de remonter. Le vieil Argent commençait à cruellement manquer d'air, se débattant plus que jamais. Mais la sirène ne lâchait pas, enragé par tout ce que cet homme lui avait fait subir à lui ainsi qu'à ceux qu'il aimait. Sa mère. Son enfance. Sa vie. Son amant. Sa liberté. Tout ce qu'il lui avait prit sous couvert d'une gloire tristement cruelle.
     Gérard n'était plus en vie. Il s'était noyé. Et c'est souffrant que Stiles abandonna son corps au fond de la baie pour rejoindre le bord du port, terrifié à l'idée que Derek ait pu y passer. Il sortit de l'eau, n'arrivant pas à remonter à cause de son bras. Scott avait rampé près du bassin, l'aidant à grimper avec son corps de poisson juste sur les pavés. La sirène rampa jusqu'à son amour, venant immédiatement lui parler.

     - Derek ! Je suis là !

     Mais Derek n'était plus vivant lui non plus. Scott était en larmes, et le corps immobile de son meilleur ami gisait devant ses yeux. Plus un battement de cœur, plus une respiration, pas même un papillonnement de cil. Rien que la froide vérité d'une mort violente et sans au revoir. Stiles sentit une immense peine lui monter, ses yeux bientôt incapables d'y voir au travers des larmes.

     - Derek..

     Il se pencha et donna un tendre baiser au corps, se laissant ensuite glisser jusqu'à son torse pour y céder sa peine, hurlant de désespoir. Comme pour l'accompagner dans sa tristesse, le ciel aussi s'était mit à pleurer à grosses larmes. Cet homme avait tout donné pour sa sirène. Absolument tout, jusqu'à même abandonner sa vie pour lui. Le sauvetage avait été réussi, mais à quel prix? Cette victoire avait le goût métallique de la défaite. Stiles était libre, mais il ne pourrait plus jamais être heureux. Les sirènes ne tombaient amoureuses qu'une fois, et ce jusqu'à la fin de leurs jours.

     - Il était comme moi..
     - Quoi..?
     - Il est né d'un dauphin comme moi.. Il aurait pu.. Il aurait pu venir avec moi.. Si seulement nous avions été assez rapides j'aurais pu l'emmener avec moi et le sauver..
     - Ne dis pas ça.. Ça ne peut pas.. Non..

     La voix cassée et la gorge nouée, Stiles commença à chanter la douce mélodie de sa mère, caressant inlassablement le visage de Derek. Il chantait pour lui et chanterait jusqu'à la fin des temps, priant pour que ces doux mots l'accompagnent jusqu'à l'Au-Delà. Plus rien n'avait d'importance pour lui hormis veiller sur le défunt corps de son amour perdu. 
     Stiles se redressa, lançant un regard dévoré de chagrin à son ami, mordant ses lèvres pour étouffer ses sanglots. Il frotta ses joues, essuyant ses larmes qui se remplaçaient instantanément par d'autres.

     - Scott.. Ne m'en veux pas pour ce que je m’apprête à faire s'il te plais..
     - Pourquoi..? Qu'est-ce qu'il pourrait y avoir de pire que ça..
     - Je suis désolé.. Je te promets que je prendrai bien soin de lui..
     - Qu'est-ce que tu veux dire..?
     - Adieu Scott.. Merci pour tout..
     - Attends ! Stiles !!

     Mais trop tard, la sirène se jeta à l'eau en emportant avec lui le corps de son aimé, nageant avec lui jusqu'au fond des eaux tout en continuant de hurler son chagrin sous la surface. Il serra Derek contre lui, l'embrassant une toute dernière fois. Puis son chant se mit à retentir en écho dans l'océan, chaque créature marine pouvant entendre la voix lugubre d'un deuil douloureux. Il chanta, chanta encore, tant et si fort que ses paroles arrivèrent même aux oreilles de Scott qui pleurait encore sur le rebord de la baie. Ce chant le tira de ses sanglots, celui-ci se penchant au dessus de l'eau pour s'y regarder. Le chant continuait, et continuait encore. Stiles suppliait de sa belle chanson que son chagrin soit apaisé. Il priait les mers et les océans de reprendre sa vie pour la donner à Derek. Il implorait les eaux d'être aussi clémentes avec son amour qu'elles l'avaient été en l'amenant auprès de lui. Et à force de supplier, à force de prier, à force d'implorer, le petit poisson fut entendu. Les jambes de Derek se joignirent ensemble pour former une harmonieuse queue de poisson aux écailles d'ébène, ses poumons se remplissant d'eau dans un premier souffle filtré dans ses branchies s'étant fendues juste sous ses oreilles. Stiles le regarda ainsi se transformer, son cœur s'emballant. Et quand l'ancien marin posa ses yeux sur lui, la sirène se jeta dans ses bras pour l'embrasser de tout son être, le chagrin ayant laissé place au bonheur. Poussés par leurs sentiments, les deux créatures foncèrent vers la surface pour bondir hors de l'eau, riant aux éclats avant de disparaître sous la surface, offrant ce dernier spectacle d'adieu à leur ami Scott qui comprit que Derek ne reviendrait plus jamais mais qu'il était bel et bien vivant. Il rit à son tour, faisant de grands signes sur le bord dans un dernier au revoir.

     - Adieu mes amis !! Je ne cesserai jamais de rêver je vous le promets !! 

     Derek ne serait plus jamais là pour raconter ses histoires à la ville portuaire, et probablement que ce serait pour le mieux. Après tout, qui pourrait réellement croire que de telles choses s'étaient réellement passées? Les événements de ce soir seraient probablement déclarés comme canulars, et le monde des sirènes serait à nouveau tût à jamais, replongeant le monde dans l'ignorance de leur existence. Enfin pour tous, sauf pour Scott qui ne cesserait plus jamais de rêver.



FIN

 

 

 

 

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Mot de l'auteure:

Si quelqu'un sait de quel artiste provient le dessin de la sirène pleurant autour de son rocher, merci de m'en informer pour que je puisse le citer :)
J'ai parcouru internet et je n'ai pas réussi à le trouver.

Merci d'avoir lu !!