Chapter 1: Les chrysanthèmes
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De manière générale dans le langage des fleurs, le chrysanthème est considéré comme le symbole d’un amour achevé .
Mais si l’on met de côté les liens de cette plante avec la mort, on découvre un chrysanthème empreint de positivité, de lumière, de bonheur et de tendresse. On dit de lui qu’il symbolise la joie, la sincérité, la loyauté et la dévotion.
Lorsque la porte de l'appartement se referme, Lola se retrouve seule, dans le noir. Elle ferme les yeux, par automatisme sûrement. Elle déglutit, difficilement, comme pour essayer de faire passer une pilule. Son cœur est serré, son esprit embué et sa vie détruite.
Elle ne réalise pas, en réalité, ce qu'il vient de se passer. C'est trop vertigineux, trop compliqué à gérer, trop douloureux.
Elle rouvre les yeux, et fixe le plafond sans bouger. Elle sent ses poumons respirer et son cœur battre. Elle est vivante, mais à quel prix ?
Lola croit entendre un bruit et se redresse en fixant la porte; mais il n'y a que le silence assourdissant d'un appartement désespérément vide.
Les minutes passent, les heures passent et Lola reste couchée sur son lit défait sans bouger. Elle n'a même pas la force de pleurer, ni de crier.
Le téléphone posé à côté d'elle sonne et Lola ne perd aucune seconde pour le prendre dans sa main, dans l'espoir de voir le prénom d'Alessandro apparaître sur son écran, mais ce n'est pas lui, donc ça n'a aucune importance. Elle balance le téléphone à côté d'elle dans un mouvement lâche et se recouche.
Lorsqu'elle entend cette sonnerie à nouveau, elle reprend le téléphone, regarde une nouvelle fois le nom sur son écran et décide d'éteindre complètement son téléphone jusqu'à nouvel ordre.
Alessandro n'appellera pas. Elle le sait, au fond d'elle. Elle le connaît par cœur.
Il est parti.
Il n'est pas très loin, pourtant. Si elle avait l'énergie et le cran de se rendre à la fac, elle pourrait le retrouver, buvant un café au foyer étudiant ou devant l'un des nombreux distributeurs. Il n'est pas si loin, et pourtant il n'est plus là.
Lola souffle profondément plusieurs fois, comme si cela allait faire disparaître la boule dans son ventre. C'est peine perdue, mais l'angoisse est tellement présente dans son corps, dans son esprit, qu'elle agit par pure automatisme.
Le réveil indique 21:03. Cela fait maintenant plus de 12 heures qu'Aless a quitté l'appartement, la laissant dans un désarroi incommensurable et surtout inacceptable.
Ça faisait des années qu'elle n'avait pas ressenti un tel vide.
Lola ouvre les yeux, tâtonne avec sa main pour trouver son téléphone. Elle prend le temps de respirer, profondément, en espérant se calmer et avoir l'esprit plus clair. Et le rallume.
Ce sentiment de vide abyssal est dangereux pour elle et elle le sait.
Il faudrait qu'elle se reprenne, qu'elle se calme et que ce vide qui lui fait autant peur qu'il lui fait mal disparaisse.
Elle regarde son téléphone, un peu perdue, et son regard est accroché par le fond d'écran; une photo d'Alessandro et elle, bien sûr. Il l'enlace, tendrement, comme il avait l'habitude de le faire pour les photos.
Ils étaient partis en vacances, rien que tous les deux. Une semaine ensemble, le bonheur absolu.
Elle se focalise encore une fois sur sa respiration, puisqu'elle a cette impression bizarre que ses poumons n'inspirent et n'expirent plus de manière instinctive.
Les notifications commencent à arriver, les unes après les autres et ne s'arrêtent presque pas.
"PUTAIN" lâche la jeune femme. 28 janvier. L'anniversaire de Bilal. Elle s'est fait larguée le jour des 23 ans de Bilal. Qu'est ce que la vie peut être marrante, parfois.
Elle a loupé la soirée d'anniversaire de Bilal. Jo avait bien demandé à tout le monde d'être présent à 18h30.
53 messages non lus
16 appels en absence
La mif a sûrement déjà prévenu police secours, donc.
Dans un élan de courage, elle saisit son téléphone pour leur répondre qu'elle est malade, mais quelqu'un sonne à sa porte. Merde.
C'est forcément un de ses amis, il n'y a personne d'autre qui a le code d'entrée et qui se présenterait à sa porte après 21h comme ceci. Lola sait qu'elle ne peut pas faire comme si elle n'avait pas entendu alors elle se lève, tout doucement, et se dirige vers la pièce principale. La sonnerie se fait entendre à nouveau.
Lorsqu'elle ouvre la porte, elle se retrouve nez à nez avec Maya. La vie a parfois des envies de se marrer un peu, clairement .
Elle a brisé le cœur de Maya et 5 ans plus tard, lorsque c'est son cœur qui est réduit en miettes, en poudre, en farine même, c'est Maya la première personne qu'elle croise.
Maya reste dans l'embrasure de la porte, elle la fixe un instant sans rien dire. Lola n'a aucune force pour parler, pour expliquer donc elle attend, en regardant Maya dans les yeux. Maya porte une perruque avec de très longs cheveux violet, un violet plus foncé que lorsqu'elle l'a rencontré, un maquillage assez discret avec tout de même du rouge à lèvres assez flashy. Elle porte une combinaison blanche, avec des bottes à talons, signe qu'elle a quitté l'appartement de Bilal et Jo pour venir jusqu'ici. Lola connaît Maya par cœur, elle sait qu'elle est inquiète, c'est inscrit dans ses yeux.
"Lola? Qu'est ce qui ne va pas?" Maya lance doucement.
"Je suis malade" Lola répond, sans grande conviction.
Mentir à Maya ne sert à rien, c'est une certitude, mais prononcer les mots " Alessandro m'a quitté pour une autre " est impossible, même si c'est la stricte vérité.
Maya, qui ne la croit pas, fait un pas vers elle pour rentrer dans l'appartement et Lola ne lutte pas.
"T'as les médicaments qu'il te faut?" la jeune femme enchérit, avec un petit sourire à son amie. Elle reste à distance de Lola, comme toujours depuis leur rupture, pour lui laisser l'espace dont elle a besoin. Elle penche sa tête sur le côté et se mord la lèvre, comme pour s'empêcher de dire quelque chose qui pourrait blesser Lola.
Lola se laisse tomber contre le dossier du canapé, à bout de force.
"Il y a des médicaments pour les cœurs brisés ?" Lola finit par lâcher, en mordant sa lèvre inférieure pour ne pas craquer. Maya comprend de suite et jette un regard dans le salon. La disparition de la guitare d'Alessandro lui confirme ce qu'elle a compris.
"Lola, je …"
Maya s'avance timidement et lorsque Lola craque complètement et se met à pleurer à chaudes larmes, elle se précipite vers elle pour la prendre dans ses bras.
"Il est parti" Lola murmure.
Maya resserre son étreinte et caresse son dos en signe de réconfort.
C'est peut-être la première fois en cinq ans que Lola et Maya sont si proches, physiquement. Après leur rupture, elles sont restées amies et confidentes mais Maya a toujours tenu à garder ses distances physiquement avec elle.
Lola s'en veut de craquer dans les bras de Maya. Même si la jeune femme a conclu à l'époque que leur séparation était la meilleure solution pour toutes les deux, Maya a beaucoup souffert de ce constat et voir Lola pleurer un autre ne doit pas être facile.
Mais si Lola est honnête avec elle-même, il n'y a que Maya qui peut l'aider réellement ce soir. Il n'y a qu'à Maya qu'elle peut révéler ses doutes.
"J'ai peur, Maya. J'ai si peur"
"Je suis là. Je reste là."
Lola hoche la tête, se défaisant des bras de Maya. Elle essuie les larmes sur ses joues d'une main.
"J'ai peur de faire une énorme connerie Maya"
Pendant un court instant, elles sont transportées toutes les deux dans leurs souvenirs communs.
Maya pose un regard tendre sur elle. "On est là. On te laissera pas tomber, on te laissera pas faire de conneries, Lola, tu le sais bien". Le ton de sa voix est doux, et ça fait énormément de bien à Lola, après les cris de ce matin.
Lola sait pertinemment que la mif sera là, nuit et jour s'il le faut. Ce qui n'empêche pas que son combat soit une lutte contre elle-même. Il n'y a qu'elle qui puisse ne plus se faire de mal.
Maya se dirige vers l'armoire en bois du salon et ouvre la troisième porte du bas.
"Tu veux que je prenne les bouteilles ?"
Lola hoche la tête, sans trop regarder Maya.
Maya vide l'étagère en silence, et fait disparaître les bouteilles.
"Il y en a ailleurs?"
"Non."
Maya se dirige vers un autre meuble du salon, s'accroupit devant et tâtonne au fond du meuble avec sa main.
"Je prend ça, aussi? lui demande Maya en sortant la boîte à joints d'Alessandro, qu'il a visiblement oublié.
"J'y toucherai pas" répond Lola.
"Si t'es sûre" Maya repose la boîte.
"Non mais prend la, je suis plus sûre de rien"
Maya acquiesce. Lola se lève et se dirige vers la salle de bain, Maya la suivant de près. Elle s'assoit sur le rebord de la baignoire, et respire profondément. Elle jette un regard à l'armoire à pharmacie. Les larmes coulent sur son visage.
"Vide-la aussi s'il te plait" La voix de Lola trahit son émotion et Maya s'exécute sans trop réfléchir.
Une fois que Maya a rempli sa tâche, elle conduit Lola dans sa chambre. Elle ne sait pas trop comment faire, quoi faire et ça se voit.
Lola se laisse tomber sur son lit défait et touche la couverture du côté d'Alessandro du bout des doigts.
"Il est parti avec Léna. Pour Léna, je sais pas trop"
Maya s'assoit à côté d'elle. Lola pose sa tête sur son épaule.
"Je suis tombée du 15ème étage et ça fait trop mal. J'ai envie de mourir, Maya. Je peux pas! Je ne peux pas vivre sans lui, plus rien n'a de sens." Lola sanglote. Elle se laisse tomber contre le matelas et ferme les yeux. Maya ne répond rien. Elle pose délicatement sa main sur le genou de Lola.
"T'as mangé aujourd'hui ?" La réponse est non, comme Maya le craignait. Elle se relève d'un bon et regarde Lola. "Je vais te préparer quelque chose à manger" la jeune femme lance.
"Non, ça ne sert à rien, je n'ai pas faim." répond Lola mais Maya a déjà disparu dans la cuisine.
Elle revient quelques minutes après avec des tranches de brioche toastées avec du Nutella. Lola arrive à peine à esquisser un sourire.
Dans un autre contexte, elle aurait été un peu gênée que Maya ait trouvé son pêché mignon, absolument pas écologique, dans son placard. Maya aurait sûrement dit quelque chose, en rigolant à moitié, mais la jeune femme reste silencieuse et lui tend son assiette avec un petit sourire. "Je suppose que c'est toujours ton truc préféré"
La remarque de Maya rappelle à Lola que son ex-copine a l'impression de ne plus savoir tout sur elle et même si cela agit comme un coup de poignard dans son cœur déjà meurtri, Lola n'a pas la force de réfléchir pour savoir si elle a raison ou tort. Elle hoche la tête pour la remercier.
Elle n'arrive pas à s'intéresser à son assiette. Elle tente de se forcer un peu, mais manger est physiquement impossible.
Maya est toujours debout, devant le lit. Elle s'est adossée au mur.
"Attends, j'ai une idée" dit Maya, qui retourne dans la cuisine.
Lola ferme les yeux. Elle sent les larmes couler le long de ses joues.
Maya revient dans la chambre avec un verre et une paille.
"Tiens un milkshake chocolat, boire ça passera mieux, ça demande moins d'effort"
Effectivement, Maya a vu juste; le milkshake lui paraît fade et sans saveur mais elle arrive à le boire, doucement.
"Est-ce que tu veux rester ici?" lui demande Maya, d'un ton un peu inquiet.
"J'ai pas la force de bouger ce soir" Lola murmure. "Demain j'irai peut-être chez Thierry, je sais pas"
Maya acquiesce. "Bonne idée. Je vais te laisser te reposer. Je reste sur le canapé. Si t'as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas"
"Merci" répond Lola, esquissant un petit sourire.
"C'est normal". Maya ouvre la porte et se retourne. "Bonne nuit, Lola. Essaye de dormir"
"Maya?"
Maya se retourne encore une fois vers son amie. "Oui?"
"Tu sais que j'ai autant pleuré quand on s'est séparées, n'est ce pas?"
Maya déglutit avant de hocher la tête. "Oui, je sais".
Maya ferme la porte de la chambre doucement derrière elle.
Lola se tourne dans le lit, plusieurs fois, ne trouvant pas de position confortable. Les larmes coulent le long de ses joues, jusqu'à l'oreiller. Elle n'arrive presque plus à respirer. Elle se relève pour reprendre son souffle mais son cœur s'emballe encore plus.
Son cœur se brise.
Chapter 2: Le Myosotis bleu
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Chapitre 2: Myosotis bleu
Le myosotis bleu est rattaché au souvenir sous toutes ses formes. Il peut être offert en mémoire d'un événement marquant ou simplement pour montrer son attachement envers un proche, qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou d'un ami.
Maya se dirige vers la porte d'entrée sur la pointe des pieds et ouvre la porte doucement. Le sourire étincelant de Redouane apparaît très vite. Maya lui demande de rester silencieux et le fait rentrer dans l'appartement.
"Elle dort, je crois" elle lui murmure.
Redouane la prend brièvement dans ses bras pour lui dire bonjour et lui tend un sac dans lequel se trouve de quoi petit déjeuner.
"J'ai pris vos trucs préférés et des jus de fruits bio" le jeune homme lui dit, doucement.
Redouane s'assoit sur le canapé, à côté de Maya. Le jeune homme pose un regard tendre sur elle et lui sourit.
"Ça va?" Il demande. Maya acquiesce.
"Elle s'est endormie vers 7h du matin, elle a fait beaucoup de cauchemars, de crises d'anxiété, de crises de pleurs, c'était ultra compliqué"
"Non, Maya, toi, ça va?" Il réitère avec un petit sourire en coin.
"Ouais, ça va, Redouane. C'est très compliqué de la voir comme ça, mais ça va, je gère."
"Ok. Tu veux que je prenne le relais? J'ai tout mon matos pour travailler ici."
"Non, je vais rester, mais j'ai rien contre un peu de compagnie." Maya lui répond, tout en regardant dans le sac de la boulangerie pour choisir sa viennoiserie.
"Tu veux pas rejoindre Juliette?" Lui lance Redouane, en évitant son regard.
Maya lève les yeux au ciel. "Non, Redouane. On a couché quelques fois ensemble, certes, mais on n'est pas mariées."
Redouane lui sourit. Il regarde dans son sac à dos et en sort un sac en papier. "Tiens je t'ai ramené ce que tu m'as demandé".
Redouane et Maya vivent ensemble depuis plusieurs années maintenant. Max étant partis en tournée avec des amis, Redouane a pris sa chambre à la coloc, et lorsque Max est revenu sur Paris, il s'est installé avec Tiff, laissant officiellement la coloc à Redouane et Maya.
Ensemble, ils ont créé une routine, noué une relation particulière et n'ont jamais ressenti le besoin de quitter la coloc.
La mère de Redouane adore tellement Maya qu'elle l'invite même le dimanche pour le dîner habituel.
Les deux amis restent silencieux un moment, petit déjeunant l'un à côté de l'autre.
Redouane attire l'attention de Maya et murmure "mais il est parti comme ça ? Il est sérieux lui?"
Maya hausse les épaules. "Je sais pas. Il est parti pour une autre, mais je n'ai pas posé de question. Vu comment je l'ai trouvée, je pense qu'elle n'a rien vu venir."
Redouane fait une grimace. "J'ai pris assez de chouquettes j'espère"
Maya sourit.
"Il a tout déménagé ses affaires en fait" Redouane réalise en scannant la pièce. "Il y a plus sa guitare, plus sa play, même ses disques ont disparus"
"Ouais, je sais. Ça craint" lui répond Maya. "Trop bons les croissants vegans. Merci Redou."
Redouane prend son ordinateur portable pour commencer son montage. Maya prend sa tasse de café et s'installe confortablement dans le canapé et regarde Redouane travailler.
"Ah ouais, tu vas me mater comme ça ? T'as pas du taff toi?" Redouane lui lance, un peu trop fort. Maya lui fait signe de se taire avant de répondre "j'ai grave du taff, mais je suis explosée, t'as pas idée."
Redouane hoche la tête. "Tu peux dormir un peu si tu veux"
Maya prend un des coussins jaunes poussés sur le côté et pose sa tête dessus. Elle ferme les yeux.
Redouane prend son téléphone et répond à quelques mails pour le travail avant d'ouvrir Whatsapp pour répondre à Bilal et toute la troupe, qui forcément est inquiète.
Tiff a créé, à 4h07 du matin, un nouveau groupe nommé " DONNEZ NEWS LOLA ICI " au lieu d'écrire à Maya. Son taux d'alcoolémie devait être assez important. Tiff n'a pas énormément d'occasions de faire la fête, entre sa vie de maman et sa vie d'étudiante en architecture. Les 23 ans de Bilal, c'était une opportunité en or, qu'elle a saisi puisqu'elle n'a pas cours le vendredi et que Moïra est chez son père.
Un groupe sans Lola semble adapté à la situation, mais ce que Redouane a besoin, là à l'instant, c'est de parler de ses angoisses à propos de Maya. Il hésite un instant et puis décide d'envoyer un message à Bilal et Max.
Redouane est soulagé de savoir que Bilal, son pilier, sera là dans quelques heures. Il souffle et retourne à son montage.
Maya est endormie à ses côtés.
La porte de la chambre s'ouvre doucement et les yeux du jeune homme se posent sur une Lola qu'il ne reconnaît presque pas.
"Je t'ai ramené des chouquettes" est la seule chose qu'il réussit à dire. Lola ne répond rien, son regard se posant sur Maya un instant. Elle murmure un "merci'' avant de se faire une petite place entre Redouane et Maya.
"Maya avait besoin de quelques affaires donc je suis venu mais si tu veux, je peux vous laisser seules, il y a pas de problème"
Lola pose sa tête sur son épaule en guise de réponse et se met à pleurer. Redouane l'enlace, sous le regard attendri de Maya qu'ils ont réveillé.
Lola sanglote un long moment dans les bras de Redouane. Maya en profite pour aller préparer du café dans la cuisine.
Elle revient avec trois mugs qu'elle pose sur la petite table en bois.
Lola se détache de Redouane pour ouvrir le sac de viennoiserie. Elle prend ses chouquettes et sourit au jeune homme.
"Tu sais me parler, toi" elle lui lance en esquissant un sourire.
Redouane se mord la lèvre et lui sourit en retour. "Je t'en apporterai tous les jours si tu veux"
Maya rigole derrière lui.
"Écoute-le pas, ça fait presque 5 ans qu'on vit ensemble et j'ai pas le petit déjeuner tous les jours"
Redouane ne répond rien car son regard se pose sur le portable de Lola, posé à côté de lui. Alessandro appelle. Redouane panique.
Lola prend son téléphone et répond.
Redouane et Maya ne quittent pas Lola des yeux.
"Qu'est ce qu'il y a ?"
Redouane, surpris par le ton de la voix de son amie, lance un regard à Maya, qui hausse les épaules en guise de réponse. Vu la proximité avec Lola, ils entendent clairement les réponses d'Alessandro.
"Je voulais juste te dire que je serai à la soirée psyKO ce soir"
"Et? Tu veux que je vienne?"
"Tu fais comme tu veux, Lola. Je voulais juste te le dire pour que tu ne sois pas surprise de me voir avec Léna."
Maya pose sa main dans le dos de Lola et Redouane l'imite.
"Va te faire foutre avec ta fausse bienveillance, Alessandro." Lola raccroche avant de s'effondrer dans les bras de Redouane.
Redouane n'est pas tellement habitué à ce genre de scène; les crises de larmes c'est Tiff ou Bilal qui gèrent. Jamais lui. Voir ses amis pleurer, c'est quelque chose qu'il a du mal à appréhender.
II caresse doucement les cheveux de Lola. Il jette un regard à sa colocataire, qui retient ses larmes également.
Redouane souffle profondément en priant pour que Bilal arrive avec son bagel préféré le plus vite possible. Bilal sait toujours quoi faire.
Il ne bouge plus, quitte à ne plus respirer, lorsqu'il se rend compte que Lola s'est endormie sur ses genoux.
Maya rigole. "Détends toi Redouane, ça va aller" elle lui murmure.
"Je veux pas la réveiller" lui répond-il, ce qui fait sourire Maya.
"C'est génial qu'elle puisse évacuer ses émotions avec nous. Elle a fait du chemin notre Lola"
Redouane a envie de dire à Maya qu'elle aussi a fait du chemin, mais il se ravise lorsque Lola bouge sur ses genoux.
La jeune femme se relève, en soupirant.
"T'es comfort + toi" la jeune femme lance, en esquissant un sourire.
"T'as vu ça?" Redouane répond.
"Merci vous deux" la jeune femme laisse les larmes couler le long de ses joues.
"Bilal va arriver avec des bagels de chez Maria, si tu veux bien"
Lola hoche la tête. "Vous êtes géniaux. J'ai presque envie de pleurer"
"C'est normal Lola, c'est la famille!"

Maya ouvre la porte à Bilal et le décharge de deux sacs de chez Maria. Il n'a pas fait les choses à moitié.
"J'ai pris pour tout le monde. Je ramènerai sa commande à Jo et Redouane passera chez Max et Tiff leur apporter." Dit-il à Maya pendant que la jeune femme trouve une place pour la dizaine de bagel dans le petit frigo de Lola.
"Elle est où?" Demande Bilal.
"Sous la douche"
"Ça fait vide sans les affaires d'Alessandro" Bilal note à son tour. Ses deux amis acquiescent silencieusement.
"C'est quoi le plan?" Demande Redouane, tout doucement.
"Quel plan?" Bilal le fixe du regard et ricane.
"T'as toujours un plan!"
"Redouane on est pas en mission commando" intervient Maya qui sert une tasse de café au nouvel arrivé. "Ça va aller"
"Mais faut un plan les gars…."
"Le plan c'est de rester à ses côtés."
"Ouais ! Tu vois ! T'as toujours un plan!"
La porte de la salle de bain s'ouvre. Lola avec sa robe pull oversize noire et ses cheveux mouillés, salue Bilal chaleureusement.
Il se rapproche de la jeune femme et l'enlace un court instant avant de sécher ses larmes avec sa main.
"Je t'ai ramené ton bagel préféré" dit-il, avec un large sourire.
"Merci Bilal"
Lola s'assoit sur le canapé.
"Thierry vient me chercher à 14h. Je vais me reposer un peu chez lui" dit-elle, en mettant en charge son téléphone.
"C'est bien" répond Maya, alors que les deux garçons sourient.
"Redou, tu pourras récupérer mes cours à la salle? Samia est d'accord."
"Oui bien sûr, pas de problème, aucun souci, je ferai ça" Redouane se mord la lèvre.
Maya et Bilal échangent un regard complice.
"On t'aide à faire ta valise avant de manger?" demande Maya. Lola accepte.
A quatre, la petite valise de Lola est vite bouclée.
Les quatre amis s'assoient sur le canapé, avec chacun leur bagel. Chez Maria est devenu leur QG ces derniers mois, lorsqu'ils se sont découvert une passion pour leurs bagels. Chacun a son préféré, bien entendu.
Maya regarde Lola, entourée des deux garçons. Elle sourit.
Maya se rend compte chaque jour à quel point elle est chanceuse d'avoir une famille comme la sienne. Pour elle qui n'a malheureusement plus de famille biologique, avoir des amis en or comme eux est un cadeau de la vie. Avec le temps, elle a appris à prendre le temps d'apprécier chaque moment avec eux, chaque instant privilégié avec chacun d'eux.
Voir les garçons être là pour accueillir la douleur de Lola, ça lui rappelle forcément des souvenirs mais elle sait à quel point Redouane et Bilal ont pu l'aider il y a 5 ans.
Ils sont plus matures, plus réfléchis maintenant mais ils ont toujours eu un cœur énorme et une capacité à accepter et à accueillir la souffrance pour aider leurs amis de la plus pure des façons.
En regardant ses amis, elle se rend compte soudainement qu'il y a quelque chose de spécial qui les lient tous les quatre, en plus de La mif.
Ils ont chacun perdu un parent au moins .
Maya a perdu ses deux parents, Lola a perdu sa mère il y a 7 ans, Bilal a enterré son père lorsqu'il n'était qu'un enfant et Redouane n'a jamais connu son père, qui est décédé avant sa naissance.
Est-ce pour cela qu'ils se retrouvent tous les trois autour de Lola aujourd'hui ? Maya n'en est pas sûre mais elle est certaine qu'une connexion s'est créée entre les quatre parce qu'ils ont la même blessure profonde et indélébile.
Lola pose son bagel sur la table et pose sa tête sur l'épaule de Bilal. "Merci Bilal, ça a fait du bien à mon petit cœur."
Elle se met à pleurer, en silence.
"Et la si je pleure, c'est même pas parce que je me suis fait larguée comme une merde, c'est juste parce que vous êtes géniaux. Vraiment."
Chapter 3: Bonus 1 : les roses
Summary:
.
Notes:
Ceci est un chapitre bonus, qui n'est pas nécessaire à la compréhension du récit mais qui donne du contexte. ❤️
(See the end of the chapter for more notes.)
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Amour, toujours : Jo - Premier amour, VIH et évidence
Anaïs: bonjour, je m'appelle Anaïs Rocha et je vous présente aujourd'hui le 3ème épisode d' Amour, toujours, votre podcast qui vous parle d'amour. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir une jeune femme que je connais depuis le lycée et dont le parcours est très inspirant. Jo, veux-tu bien te présenter?
Jo : Bonjour, je m'appelle Jo, j'ai 24 ans. Je suis éducatrice spécialisée dans un foyer ici, à Paris. Je suis en couple depuis 6 ans avec Bilal mais je le laisserai se présenter dans son podcast. Jo rigole .
Anaïs : oui, Bilal sera un de nos prochains invités, effectivement. Ma première question pour toi: quel a été ton rapport à l'amour et comment a-t-il évolué ?
Jo : wahou. Deep. Je dirai que j'ai toujours grave kiffé les comédies romantiques, les histoires de princesse. Du coup, en grandissant j'avais cette envie d'être une princesse et de rencontrer mon prince charmant. Sauf que ça n'est pas arrivé tout de suite et ça me complexait de ouf.
Les mecs ne me calculaient pas. Mes amis étaient en couple et moi même en soirée je ne rencontrais personne, jamais. Je n'avais jamais embrassé personne. Je me suis un peu remise en question et je devais avoir 18 ans, je me suis mise dans l'idée de pécho à une soirée organisée par mon groupe de potes. Et ça a marché, j'ai rencontré un mec à cette soirée, mon premier mec.
Anaïs : t'étais amoureuse ?
Jo : non, je pense pas. J'étais clairement séduite et c'était cool, on s'entendait bien, c'était sympa. J'étais à l'aise pour faire mes premières fois avec lui. J'aurais voulu que ça dure, à l'époque, mais il m'a quitté au bout de quelques semaines. Et même si sur le moment, j'ai eu le cœur brisé, 6 ans après, je sais que mon vrai amour m'attendait. Ultra cliché mais c'est réel.
Anaïs : pour remettre un peu de contexte, tu étais déjà amie avec Bilal à ce moment.
Jo : oui, on était amis. On s'est rencontré au lycée, quelques mois avant que je rencontre le garçon dont je t'ai parlé. On s'est tout de suite bien entendu, on est devenu grave potes, on faisait partie de la même bande.
Anaïs : et du coup c'est intéressant, comment s'est passée la transition entre "juste potes" et "amoureux fous" pour vous?
Jo : avec le recul, je pense que j'avais un gros gros crush sur lui et que je me voilais grave la face parce qu'il avait beaucoup de succès et qu'il enchaînait un peu les coups d'un soir, et inconsciemment je pense que je voulais pas être un nom de plus sur sa liste.
Quelques mois après avoir couché avec ce premier garçon, j'ai voulu donner mon sang, et je n'ai pas pu, puisqu'ils m'ont appris que j'étais séropositive. On avait grave merdé, j'étais sous pilule donc je pensais qu'on était safe alors que pas du tout. Ça a été une période ultra difficile pour moi, et ça a grave impacté ma vision de l'amour. Mais Bilal était là. Il a été mon premier soutien, mon premier pilier et on s'est ouvert l'un à l'autre et puis c'était une évidence, quelque part. J'ai jamais vraiment mis des mots dessus, en vrai, il le fera mieux que moi!
Anaïs : tu as dit que ta vision de l'amour avait été impactée par ce diagnostic, tu peux me dire comment?
Jo : Je pensais que ma vie amoureuse était finie, clairement. Je me voyais plus avoir un amoureux comme je pouvais le penser avant, je me disais que j'allais finir avec quelqu'un qui est aussi séropositif pour que ce soit plus simple. Mais clairement, Bilal n'était pas de cet avis.
Anaïs : c'est lui qui t'a fait changer d'avis ?
Jo : je sais pas s'il m'a fait changer d'avis, mais c'est lui qui m'a montré que cette vision des choses n'était pas juste. Pas pour moi, d'abord mais pas pour lui non plus quelque part, tu vois? Il assumait tellement qu'il me kiffait. Il me le disait, il le disait à nos potes, il l'a même dit à ma sœur, et la elle, elle m'a dit que je faisais de la grosse merde. Il fallait que je passe au-dessus de cette barrière que je me créais pour donner une chance à cette histoire. Et finalement, je l'ai écouté et on s'en sort pas trop mal.
Anaïs : et du coup tu as changé d'avis?
Jo : oui, la vie m'a fait changer d'avis, je pense. Bilal me prouve tous les jours qu'il s'en fout de ma séropositivité, et techniquement je sais qu'il y a d'autres Bilal dans le monde, tu vois ? Donc oui j'ai plus peur de finir seule à cause de ça, aujourd'hui.
Anaïs : est-ce que ta séropositivité a impacté ton couple à l'époque ?
Jo : Au début ? Oui forcément. Déjà comme je l'ai dit, j'ai essayé de résister à Bilal quelque temps. Je faisais un peu un pas en avant et un pas en arrière dans ma tête. J'avais peur de le contaminer, plus que tout. J'étais prête à sacrifier mon bonheur si ça voulait dire être sûre que jamais il ne pourrait être contaminé. Ensuite, il a fallu du temps, beaucoup de patience, de discussions aussi, de confiance je dirais, pour que j'arrive à passer au dessus de cette peur un peu irrationnelle puisqu'en se protégeant, il n'y aucun risque de transmission, faut le préciser. Je crois qu'il y a qu'avec Bilal que je pouvais y arriver, de toute façon.
Anaïs : je peux te demander pourquoi ?
Jo : parce qu'il sait y faire, avec les filles ! Non sérieusement, parce qu'au - delà des choses qui devraient être très banales - comme le fait qu'il ne me mettait pas la pression - ce que je devrais même pas devoir souligner, c'est parce qu'on était autant potes, qu'amoureux et amants. C'est le combo gagnant, pour moi. On a créé une sorte de bulle entre nous. Et on a pris le temps.
Anaïs : et du coup maintenant, est-ce que ça a toujours un impact ?
Jo : impact c'est un peu fort comme mot je dirais plus que c'est un paramètre qu'on prend en compte, toujours. Ça fait partie de ma vie, donc forcément de la sienne. Bilal va chercher mes médicaments sans problème, il vient aux rendez-vous médicaux si j'en ai envie et on accompagne parfois ensemble des couples sérodiscordants à l'association. Forcément ça fait partie de notre vie, mais maintenant on a une routine.
Anaïs : les gens ne le savent pas mais tu as grimacé lorsque tu as prononcé le mot "routine", pourquoi ?
Jo : parce que ça me fout la trouille. La routine ça me fout les jetons! Avoir rencontré Bilal à 17 ans c'est une chance, clairement, mais avec toutes les histoires qu'on entend autour de nous, c'est aussi ultra flippant. Je flippe ma race de perdre ce qu'on a, qu'on se perde de vue.
C'est ma hantise.
Anaïs : vous vous êtes déjà séparés ?
Jo : Non. On est un couple comme tout le monde, parfois c'est plus compliqué d'être sur la même longueur d'ondes que d'autres mais globalement, on s'engueule presque jamais.
Anaïs : alors d'où vient cette peur d'après toi ?
Jo : tu me fais réfléchir à de ses trucs toi… sérieusement je pense que la société nous matraque un peu avec le "premier amour" qu'on oublie pas mais qui ne dure pas. Et nous, dès qu'on s'est mis ensemble c'était une évidence. On fait le choix d'être ensemble chaque matin, presque, tu vois? Et quand pour toi il y a une évidence, mais que la société ou ton entourage te rappelle que statistiquement, ton évidence n'en est pas une, c'est compliqué.
Anaïs : vous avez déjà eu des remarques?
Jo : oh oui, attention anecdote! Un jour, je rejoins Bilal à un des événements de son école. Il est en école de mode et moi je cale pas un truc la dessus donc même si je le soutiens à fond, on ne me voit pas trop dans le milieu et ses collègues de promo ne me connaissent pas forcément. Et donc ça doit faire 2 ans qu'on est ensemble, c'est plutôt le début de l'année et je vais à ce truc organisé à l'école. Quand j'arrive, Bilal me dit de rester devant l'école et qu'il vient me chercher. Je m'assois sur un muret, pas loin de deux filles qui discutent. Elle parle d'un mec qu'elles veulent pécho. C'est assez clair. Et très vite, je réalise qu'elles parlent de Bilal. Et l'une d'elles dit quand même qu'il est en couple mais la deuxième se met à juger notre relation en disant que sa meuf c'est sa première relation, que maintenant il a le choix avec le nombre de filles qui lui tournent autour, que de toute façon ça finira bien par casser parce qu'on a que 20 ans et que selon les rumeurs, je suis de toute façon pas à la hauteur. Et franchement, ça me fait mal d'entendre ça, vraiment.
Et ça dure quelques minutes jusqu'à ce que Bilal arrive, se dirige vers nous, et je vois qu'elles pensent qu'il vient les voir, mais moi je sais qu'il ne regarde que moi et je suis comme dans un film, je te promets. C'est mon heure de gloire. Et Bilal arrive et la première chose qu'il me dit c'est que je suis trop belle et il m'embrasse et bon j'avoue, il a pas trop compris ce qui lui arrivait mais j'ai bien fait le show.
Anaïs : Je vois bien! L'amour peut rimer avec jalousie, d'ailleurs…. C'est ton cas?
Jo : Je crois pas. J’ai confiance en Bilal, en notre couple. Je suis un peu possessive; faut pas non plus abuser, tu vois? Mais non, je ne suis pas jalouse en soi. Mais j’ai surtout aucune raison de l'être. Bilal ne voit même plus quand il se fait ouvertement draguer!
Anaïs : J’ai quelques questions qu’on a pas abordé encore. De ce que tu nous as dit, vous comptez faire votre vie ensemble. Est-ce que n’avoir eu que peu d'expérience avant de le connaître est quelque chose que tu regrettes?
Jo : Absolument pas. On a déjà dit que si un jour on s’ennuie tous les deux, on fera un plan à trois, mais en réalité, je crois qu’on est bien comme ça. Faut juste être un peu créatif, se réinventer également, se surprendre et surtout être amoureux. Et peut-être avoir autant de chance que moi et avoir pécho le mec le plus génial de cet univers.
Anaïs : Être en couple avec son mec depuis 6 ans alors qu’on en a que 24, c’est compliqué?
Jo : C’est super facile pour nous. J’ai pas l’impression que ça fait 6 ans qu’on est ensemble ou que c’est beaucoup, en vrai. C’est surement parce qu’on est amis avant tout le reste. Après, c’est aussi un truc qu’on entretient tous les deux. Par exemple, là il m’attend parce que ce soir on se fait un restaurant et un escape game en amoureux. Et pour nous, c’est assez pour entretenir la petite flamme mais on fait très souvent des trucs comme ça.
Anaïs : J’ai encore deux petites questions. Quelle est ta vision de l’amour et comment ta relation l’a influencé?
Jo : Premier degré, je pense que maintenant et grâce à Bilal, j’ai une vision de l’amour plus douce: On peut s’aimer simplement, sans se déchirer, sans extrêmes, sans que le mec vienne sauver la meuf. Il me permet de m’épanouir tout en étant à mes côtés en toute circonstance. Je peux être moi-même avec lui et je crois que c’est ça ma vision de l’amour, quand tu peux être toi-même avec la personne.
Anaïs: un dernier truc à dire?
Jo : Aimez-vous mais surtout protégez-vous et faites vous dépister!
Anaïs : t’as raison c’est important. Avant de terminer je tiens à te remercier pour cette discussion, c'était super intéressant d’avoir ta vision des choses et de parler de thème actuels. Avant de se quitter, est-ce que tu pourrais me donner une chanson d’amour que tu aimes ou qui te correspond?
Jo : Merci à toi, c’était vraiment cool. Bilal va me tuer mais je vais dire ‘Still the One’ de Shania Twain parce que j’adore faire la star en lui chantant.
Notes:
Le podcast d'Anaïs, Amour toujours, est inspiré du podcast de Léa Bordier, Amours.
Chapter 4: L' hortensia
Chapter Text
Chapitre 3 : l'hortensia
L'hortensia, dans le langage des fleurs, est la fleur appropriée pour accompagner une déclaration d'amour. Cette fleur désigne parfaitement la naissance d'un amour durable.
Mais, l'hortensia peut avoir une signification fort peu sympathique, il peut délivrer un message symbolisant la froideur adressé le plus souvent à une personne de nature capricieuse.
Lola pose sa valise dans sa chambre d'ado, qui n'a pas énormément changé depuis son départ de la maison. Elle regarde autour d'elle et esquisse un petit sourire. Elle imagine Thierry essayant de ne rien toucher tout en faisant la poussière une fois par semaine. Elle fait un pas vers le mur ou elle avait accroché des photos lorsqu'ils ont emménagé ici. Elles n'ont pas bougé.
La mif au complet, Moïra, Daphné et Basile, Caramel, le chat de son enfance. Toutes les photos sont là.
Elle prend la seule photo où apparaît Alessandro, la décroche et la regarde tendrement. Tous les souvenirs avec lui reviennent à sa mémoire. Leur relation n'était pas idyllique mais elle était belle. Ils ont partagé beaucoup de choses, autant de bonnes que de mauvaises, traversé des tempêtes, toujours ensemble depuis 3 ans. C’est impossible de balayer tout ça en un claquement de doigts. Alessandro va s’en rendre compte.
Il est certainement perdu, happé par la nouveauté, l'interdit, la séduction. Peut-être que c'est son moyen de casser une certaine routine qui s’est installé. Leur amour est plus fort que tout ça, de toute manière.
Comme chaque fois qu'elle revient dans cette chambre, son regard accroche celui de sa maman sur une photo, collée au centre du mur. Elle s'approche et touche la photo du doigt.
La réalité la rattrape soudainement. Elle aurait besoin de pleurer dans les bras de sa maman. Cette maman qui n'en était pas vraiment une parfois, trop prise par sa vie de femme pour être mère, mais qui arrivait toujours à consoler ses chagrins.
Avec le recul, les années et la maturité, elle voit différemment les erreurs de sa maman, comme les erreurs de Thierry. Elle ne peut tout excuser, mais aujourd'hui elle arrive à comprendre. Et ça lui suffit.
Elle s’assoit sur son lit d’adolescente et prend le temps de souffler un peu. Elle s’allonge directement sur la couette et ferme les yeux. L’impression de déjà-vu n’est pas la plus agréable, mais rester dans l’appartement qu’elle partage avec Alessandro est bien trop étouffant pour elle, même avec la présence de ses amis. Cet appartement est rempli de souvenirs, de moments partagés à deux, de leur intimité, de son parfum, de ses habitudes, de tout ce qu’elle aime chez lui. Et même si l’appartement familial est empreint d’autres souvenirs et d’une autre nostalgie, elle y trouve du réconfort. Si elle n’avait pas de cours, elle serait descendue voir Daphné et Basile dans le sud mais ce n’est pas possible pour le moment. Au fond d’elle, elle est heureuse de passer un peu de temps avec Thierry, même si les circonstances ne sont pas les plus joyeuses.
Django, le chien que Daphné a offert à Thierry lorsque Lola a quitté le nid, pousse la porte de sa chambre avec sa truffe et la rejoint sur le lit. Django se colle contre elle, le museau contre sa poitrine. Elle sert la petite boule de poils blanche contre elle et laisse les larmes couler le long de ses joues jusqu'à son oreiller.
Elle est réveillée par le son d'une notification Instagram. Elle ouvre la conversation sans trop réfléchir et sans remarquer qu'elle ne connaît pas le destinataire. Très vite, elle se rend compte qu'elle a dormi plusieurs heures et que Django n'a pas bougé. Le petit westie la regarde l'air interloqué, comme si pour lui, la sieste n'était pas finie.
L'attention de Lola est happée par le message qui s'affiche sur son écran.
Lola répond un peu machinalement. Elle n'a pas vraiment la force d'élaborer la discussion sur ses origines. Ces dernières années, Lola s'est focalisée sur sa relation avec Thierry. Il l'a reconnue comme sa fille et même si elle a mis du temps à comprendre réellement la signification de ce geste, elle sait aujourd'hui que cela fait de lui son papa. Un papa imparfait, mais un papa quand même.
Elle ne clique pas sur la photo de la lettre de Julie. Elle n'est pas prête, ce n'est pas vraiment le moment de rouvrir ce chapitre.
Dans sa table de chevet, elle retrouve une vieille clé USB. Elle retrouve de quoi l’écouter rapidement et est très vite plongée dans ses années d’adolescence.
Dans ma veste de soie rose
Je déambule morose
Le crépuscule est grandiose
Heartless
How could you be so heartless?
Le premier couplet de Paradis perdus suffit à la replonger dans le vide dans lequel elle nage depuis hier matin. Lola éteint la musique d’un seul geste. Elle tente de reprendre son souffle correctement et cherche Django avec sa main, qui lui donne la patte.
Quelques minutes après, Thierry appelle Django depuis le salon mais Django ne bouge pas, ce qui fait sourire la jeune femme.
Elle entend Thierry chercher le petit westie dans l’appartement.
“Django est ici papa" lance-t- elle. Thierry apparaît très vite dans le cadre de la porte entrouverte et sourit, comme il sourit toujours lorsque Lola l’appelle papa.
“Je vais promener Django, tu veux venir avec nous?” demande-t- il, s’attendant probablement à un refus. Lola hoche la tête et sourit. “oui, j’arrive”.
Le père et la fille marchent jusqu’au parc à côté de chez eux en silence, essayant de suivre Django qui est visiblement pressé d'arriver au parc qu'il connaît pourtant par cœur.
Une fois passé la grille, Thierry détache Django et le surveille du regard. Lola ralentit la cadence.
Elle hésite à parler du message Instagram qu'elle a reçu. Elle ne sait pas si Thierry devrait être au courant de cet échange, si lui dire aurait un sens.
"J'ai reçu un message de la fille de mon père biologique tout à l'heure" finit-elle par annoncer. Thierry la regarde brièvement sans dire un mot.
"Vraisemblablement, je suis toujours un gros secret de famille bien lourd mais bien caché" dit-elle avec un sourire.
"C'est lui le perdant dans l'histoire" répond Thierry.
"J'ai de la peine pour sa fille, un peu, mais bon… je n'avais pas trop le cœur à m'étendre sur le sujet.”
Thierry l’enlace tendrement. “Je suis désolé, ma chérie” dit-il, en deposant un baiser sur son front. “Tu sais que tu restes autant que tu veux à la maison, ta chambre est à toi, si tu veux revenir définitivement ici, c'est aussi possible.”
“Tu sais c’est je pense que c’est un caprice. Il va passer quelques temps avec cette fille et puis il va se rendre compte qu’il peut pas me laisser tomber comme ça”
Thierry détourne le regard et dirige Lola vers un banc. Django les suit et se pose à leurs pieds.
“Tu penses vraiment que c'est une passade?” Demande Thierry, l’air peu sur de lui.
“On peut pas se quitter comme ça quand même”
“Je suis toujours trop maladroit avec toi donc je m'excuse d’avance si mes mots ne sont pas les bons” Thierry commence et Lola esquisse un sourire. “S’il revient, assure-toi qu'il le fait pour les bonnes raisons, Lola. J’ai vécu 17 ans avec ta mère après notre séparation et je crois qu’on a eu des bons moments, et qu’on a plus ou moins réussi à élever nos filles du mieux qu'on pouvait, et je n’ai pas réfléchi une seule seconde lorsque Julie est revenue, mais peut-être que les choses auraient été différentes si je n'avais pas accepté qu’elle revienne”
“La situation est différente, tu sais” répond Lola, d’un ton un peu sec. Thierry détourne le regard.
“Bien sur, forcément. Pardon”
“Mais je comprends, papa” lance-t-elle, en posant sa tête sur son épaule. “Tu sais, c'était sa vie. Même si je sais qu'elle était amoureuse de l’autre, c'était sa décision de revenir vers toi. Je crois qu’au fond elle savait que tu serais un meilleur père qu’il ne le serait jamais. Je suis toujours en colère qu’elle me l'ait caché, mais je ne suis plus en colère qu'on ne partage pas d'ADN.”
Thierry sourit et hoche la tête timidement.
Django pose sa tête sur les genoux de Lola, comme pour demander à continuer sa balade. Lola et son père se lèvent et marchent en silence.
Le lendemain, lorsqu’elle se réveille, Lola rejoint Thierry dans la petite cuisine de l'appartement, où l’attend un vrai petit déjeuner, digne d’un hôtel. Elle sourit à l'idée que Thierry se soit levé pour aller à la boulangerie lui chercher de la brioche et des croissants. Elle s’assoit en face de lui et le remercie.
“Peut-être que je vais me réinstaller ici, finalement”
“Je ne m’y opposerais pas” dit Thierry en servant une tasse de café à sa fille.
“Pour l'instant, c’est encore flou, mais je vais rester ici ce week-end. Et lundi faut que j’aille à la fac, j’ai déjà loupé deux jours. Peut-être que j’irai chez Maya et Redouane comme c’est plus près. Je sais pas trop”
“Tu feras comme tu veux”
Lola hésite quelques secondes.
“Tu sais si tu … Vois quelqu’un… tu peux me le dire” finit-elle par dire. Sa mère étant décédée il y a quelques années, elle trouverait ça logique que son père ait quelqu'un dans sa vie. Thierry tousse par surprise.
“Oh, hm, non. Non”
Lola sourit et croque dans son croissant. Thierry se lève et se dirige vers le couloir pour nourrir Django.
Elle prend son téléphone. Un peu par reflexe elle va sur Instagram. Sans trop réfléchir, elle cherche le profil de Léna. Son regard se pose directement sur la dernière photo postée.
Sa gorge se noue, son cœur se serre et un gémissement s'échappe. Les larmes coulent le long de ses joues. La photo d'Alessandro et Lena agit comme un coup de poignard en plein cœur.
Elle essaye difficilement de reprendre son souffle et retourne son téléphone sur la table.
Elle aperçoit Thierry qui est au niveau de la porte et qui s'approche d’elle et elle réalise à ce moment là que son père a raison. Si Alessandro a pu la quitter pour cette fille, peu importe qu’il regrette cette décision, il l’a prise un jour et elle ne pourra jamais effacer cette douleur. Le mal qu’il lui a fait est gravé à jamais. Peu importe l'amour qu’elle lui porte, ce mal est indélébile. Elle se met à sanglotter puis à pleurer à chaudes larmes. Non pas parce qu'Alessandro est avec Léna, mais parce que leur histoire se conjugue au passé maintenant. Il n’y aura plus jamais de futur.

Liv2 (Guest) on Chapter 4 Sat 30 Jul 2022 06:04PM UTC
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Liv2 (Guest) on Chapter 4 Wed 03 Aug 2022 11:47AM UTC
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Evie_leen (Guest) on Chapter 4 Tue 09 Aug 2022 07:11PM UTC
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banshee (Guest) on Chapter 4 Fri 02 Sep 2022 03:35PM UTC
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Whippedkoalas on Chapter 4 Fri 02 Sep 2022 04:20PM UTC
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