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Victor Frankenstein était nerveux. Plus que nerveux, même. Il déglutit, essayant d'enfouir son anxiété dans son estomac. Les papillons qui s'y agitaient refusaient de le supporter et se logèrent dans sa gorge. Il serra et desserra les poings en marchant dans les couloirs, se dirigeant vers une certaine section de casiers. Le moment qu'il attendait et redoutait à la fois approchait.
Le bal de fin d'année du Lycée Steel London approche à grands pas. Victor n'aurait pas forcément souhaité y aller en temps normal, mais il savait que la fille pour laquelle il avait eu le béguin pendant la moitié du lycée mourrait d'envie d'y aller, même si elle tentait de l'ignorer. Cardia Beckford était d'une gentillesse incroyable et préférait aider les autres plutôt qu'elle-même. C'est cette qualité, parmi d'autres, qui donnait à Victor l'envie de lui offrir le monde, et qui était l'une des raisons pour lesquelles il l'aimait.
Cependant, il y a deux choses qui inquiètent Victor. D'une part, Cardia n'était pas consciente de sa popularité, et il était donc possible qu'elle ait déjà reçu une invitation. Ou dix. Victor faillit reculer et faire demi-tour en y pensant. Il se ressaisit en se disant qu'elle n'était peut-être pas encore d'accord. Et l'autre, c'est qu'elle n'a peut-être pas envie d'y aller avec lui, même s'il est le premier à le lui demander. Ils faisaient partie d'un groupe d'amis proches et il savait pertinemment qu'au moins deux des autres garçons craquaient aussi pour elle. Parfois, il avait l'impression que Cardia aimait l'un des autres.
Victor inspira profondément et expira lentement en essayant de se calmer. Il ne le découvrirait jamais s'il ne le demandait pas. Cette pensée l'aida à reprendre courage. Et, comme il le pensait, devant elle, à son casier, se trouvait la fille qui avait attiré son attention. Comme si elle l'avait senti venir, elle tourna la tête vers lui et ses grands yeux bleu-vert s'illuminèrent à sa vue.
« Victor. » Elle le salua, ses lèvres s'étirant en un sourire. Rien qu'à ce sourire, Victor eut du mal à garder son calme. « Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as besoin de quelque chose ? »
« Cardia. » Victor commença, puis s'éclaircit la gorge, qui était soudainement devenue sèche. « Je me demandais si tu... »
« Ah, Victor, te voilà ! Le professeur te cherchait. » Cette voix familière, cordiale et confiante résonnait pratiquement aux oreilles de Victor.
Arsène Lupin.
Victor se retourne à moitié et répond : « Ah, d'accord. J'arrive tout de suite ! »
« Tu pourras me le dire la prochaine fois. » Lui dit Cardia avec douceur. Sa déception semblait évidente.
Victor sourit ironiquement et la quitte en lui disant : « Merci, Cardia. »
Il se précipita à la rencontre du professeur, non sans avoir jeté un coup d'œil par-dessus son épaule pour voir qu'elle lui tournait déjà le dos. Il soupira à nouveau pour lui-même et partit voir ce que voulait le professeur.
La prochaine fois qu'il a surpris Cardia, c'était après l'école. Heureusement, elle commençait tout juste à quitter le bâtiment, son sac à dos accroché à une épaule. Victor se dirigea vers elle, sachant que c'était lui demander maintenant ou essayer de retrouver son courage le lendemain. Ce dernier choix semblait être une tâche herculéenne, c'est pourquoi Victor l'appela dès qu'il fut assez proche.
Heureusement, Cardia se retourne et le salue chaleureusement.
« Victor ! » Elle fait une pause. Remarquant probablement sa nervosité, elle demanda : « Tout va bien ? »
« Oh ! Oui ! Tout va bien. Je suis désolé si je t'ai fait penser le contraire. C'est juste que... »
Le regard inquiet de Cardia à la pause de Victor suffit à le pousser à dire la chose importante : « J'espérais que tu... »
« Qu'est-ce que tu fais, ma sœur ? Père attend. »
Soudain, la main de Cardia fut tirée assez brutalement par son jeune frère, Finis. Lequel, comme par hasard, prit également le temps de jeter un regard noir à Victor par-dessus son épaule. Oh là là ! Cardia fit tout de même un au revoir précipité avant de se retourner pour suivre Finis.
Eh bien, cette occasion s'est envolée. Mais demain, il y aura de quoi faire ! se dit Victor avant de rentrer chez lui. Cependant, Victor découvrit bientôt que l'univers ne coopérait pas aussi facilement. Ses amis non plus, d'ailleurs.
Tout d'abord, Victor a eu la chance, ou la malchance, d'attraper Cardia à l'école avant le début des cours, mais elle a à peine eu le temps de le saluer que Saint-Germain, l'un de leurs amis très proches, s'est approché d'elle. Il commença à lui poser des questions sur un devoir qu'ils partageaient. C'était déjà suspect en soi, car Victor savait qu'il était plus intelligent que la moitié des professeurs de l'école et qu'il avait des notes parfaites.
Alors que Victor commençait à s'éloigner lentement, il se rendit compte qu'ils parlaient de sa partie du devoir, car il semblait s'agir d'un projet de groupe. Victor se sent un peu mieux, et un peu coupable d'avoir soupçonné Saint-Germain en premier lieu.
Plus tard, alors qu'ils attendent le début de leur unique cours de sciences, Victor essaie de lui parler de l'autre côté de l'allée. Impey Barbicane, soit qu'il n'ait pas compris ce qui se passait, soit qu'il l'ait volontairement ignoré, s'est interposé entre eux pour flirter avec Carida, puis lui demander quelque chose. Il s'est également penché et a posé une main sur son bureau, ce qui a permis à Victor de voir le derrière d'Impey. Il soupira et abandonna pour le moment.
Au déjeuner, Victor avait demandé à rejoindre Cardia à sa table, ce qu'elle accepta volontiers. Avant que Victor ne puisse prononcer le moindre mot, elle aperçut Abraham Van Helsing et lui fit signe de s'approcher. À partir de là, la conversation porte essentiellement sur leur intérêt commun : les arts martiaux. Victor fut pratiquement ignoré, mais Cardia le remarqua et s'excusa une minute avant la fin du déjeuner.
Juste avant le dernier cours de la journée, Victor est passé dans la classe de Cardia, bien décidé à l'inviter au bal de fin d'année quoi qu'il en coûte. Cependant, lorsqu'il la trouva, il trouva Lupin en train de flirter avec elle, et elle gloussait. Elle prenait probablement cela pour une blague, mais Victor ne pouvait pas le supporter. Il trouverait un meilleur moment quand elle ne serait pas en train de plaisanter avec Lupin.
Après l'école, Victor s'assoit chez lui, dans sa chambre, à son bureau, la tête entre les mains. Il avait envie de crier de frustration. Pourquoi ne pouvait-il pas lui demander ? Pourquoi tant de choses se mettent-elles en travers de son chemin ? Demain. Quitte à mourir, il lui demandera demain.
La matinée se passe sans encombre, hormis quelques tentatives infructueuses pour inviter Cardia au bal de fin d'année. Les frustrations s'accumulent, jusqu'à ce que Victor craque à l'heure du déjeuner.
Tous - Lupin, Van Helsing, Impey, Saint Germain, Cardia et Victor - faisaient la queue pour obtenir de la nourriture. Animé comme toujours lorsqu'ils étaient ensemble, Victor avait du mal à se faire entendre.
Lorsqu'il a atteint son point de rupture, Victor a crié : « Cardia, veux-tu aller au bal de fin d'année avec moi ?! »
Ignorant à quel point il avait crié parce que la cafétéria était bruyante, il se rendit compte que la salle entière était devenue silencieuse comme une tombe. Pendant une minute, personne ne dit rien et tous fixèrent Victor, dont le visage était maintenant du rouge le plus vif que l'on ait jamais vu, et Cardia, qui rougissait elle aussi très fort. Lupin et Saint-Germain grimaçaient, Van Helsing souriait et Impey restait bouche bée. Les autres regardaient fixement, attendant la réponse de Cardia.
« J'avais pensé que tu ne le demanderais jamais. » La voix de Cardia résonna clairement dans la pièce silencieuse. « Oui, je viens avec toi ! »
Victor sentit toute la tension de son corps se dissiper et commença à dire : « C'est... »
Un tonnerre d'applaudissements et de sifflets éclata devant une scène aussi mignonne. Van Helsing et Lupin donnèrent une tape dans le dos de Victor, le faisant avancer d'un coup sec et manquant de faire tomber ses lunettes de son visage. Saint-Germain loua les efforts de Victor, et Victor se demanda brièvement si Saint-Germain n'avait pas comploté quelque chose, mais cette pensée fut rapidement interrompue par les hurlements d'Impey qui enviait Victor et se lamentait sur son amour non partagé.
Victor et Cardia se sont regardés, les visages rougissant un peu avant d'afficher un grand sourire. Tout compte fait, même s'ils seront gênés une fois le chaos retombé et après tout le mal que Victor s'est donné, Victor doit dire que cela en valait la peine.