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Goblet Of Shadows

Summary:

 

Voldemort a gagné. L'Ordre est tombé. Harry Potter est mort.

Cinq ans après la bataille de Poudlard, Hermione Granger est délivrée d'Azkaban et forcée de participer au Tournoi des Ténèbres contre d'autres membres de l'Ordre déchus.

La Coupe des Ombres désigne un Champion pour chaque Mangemort de haut rang. Le Champion qui remportera les jeux sera libéré et son maître, l'un des Disciples de Voldemort, assurera sa position de Successeur.

Hermione étant assignée à Draco Malefoy, le Disciple le plus haut placé, pourrait avoir une chance.

Il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur, un seul survivant et une seule chance de liberté.

Que les jeux commencent.

 

Notes:

**Inspirée par Hunger Games**

 

**Note de l'auteur**

Il s'agit d'un univers alternatif (UA) sur la victoire de Voldemort, qui commence immédiatement après la bataille de Poudlard pour les trois premiers chapitres, avant de revenir au présent. C'est une fiction extrêmement sombre, alors lisez les avertissements car je ne les afficherai pas avant chaque chapitre. Les premiers chapitres justifient la plupart de ces tags, mais je promets que les choses s'améliorent par la suite. 

 

-Note de la traductrice-

Ce travail est sombre. Les relations sexuelles non consensuelles sont un aspect important de l’intrigue. Il y a aussi des morts de personnages, des traumatismes psychologiques, des descriptions de violences et des références à la torture. La discrétion du lecteur est conseillée. 

Je tiens à vous informer que les premiers chapitres de cette fiction sont sombres, violents et mentalement complexes. Je ne souhaite pas le rappeler à chaque chapitre, car cela peut interrompre l'immersion. Soyez donc averti(e)s, soyez prudents et veillez à votre santé mentale. Si vous traversez une période difficile, je vous déconseille de vous plonger dans ce texte, car il pourrait avoir un impact plus important que vous ne le pensez ou ne le souhaitez, même si cet impact se manifeste plusieurs jours plus tard. Prenez soin de vous. 

xoxo.

 

ATTENTION. J'AI COMMIS UNE ERREUR. JE NE SAIS PAS SI VOUS ÊTES FAMILIER(E) AVEC CE SITE, MAIS J'AI RENDU MON ANCIENNE TRADUCTION ORPHELINE ! 

C'est-à-dire, j'ai retiré mon nom de l'histoire et... je n'y ai plus accès... Donc je refuse que quelqu'un d'autre réclame mon travail, alors je la remets ici.

Je me déteste 

Chapter Text


ACTE I



Procès Silencieux


 

Cela avait commencé par du rouge.

 

Hermione se réveilla avec une douleur sourde et familière dans le bas-ventre. Elle ne comprenait pas comment son corps pouvait encore saigner. Son corps autrefois lisse et souple était devenu une réalité lointaine, une réalité qui lui semblait remonter à une éternité.

Elle imaginait que c'était le cas.

La Hermione Granger qui avait quitté Poudlard à la fin de la sixième année, bouleversée par la mort de Dumbledore, n'était pas la même que celle qui était revenue le 2 mai. Pour assister à la dernière bataille de Poudlard.

Le jour où l'Ordre était tombé.

Le jour où Voldemort avait gagné.

Le jour où Harry Potter était mort seul et effrayé dans la forêt interdite.

 

Celle qui avait été Hermione Granger était maigre, sa petite taille n'étant composée que de muscles et d'os. Ses mains étaient calleuses et ses cuisses solides après près d'un an de cavale.

La guerre avait gommé le peu de douceur que son corps possédait autrefois. Le rationnement de la nourriture et les mois passés à camper dans les bois avaient transformé son corps en muscles puissants. Son visage, autrefois rond, s'était creusé en angles vifs, son regard était sombre et sa peau gorgée par le soleil.

Une Hermione pleine d’espoir. Mais l'espoir était une chose dangereuse.

Il avait été la cause de sa perte.

 

C'était l'espoir qui avait maintenu la jeune fille figée, debout dans la cour de Poudlard.

Elle aurait dû faire quelque chose.

N'importe quoi.

Elle aurait pu lancer le sort mortel sur Voldemort pendant qu'il prononçait son discours solennel. Elle aurait pu attraper Ron et s'enfuir, pour se battre un jour de plus.

 

Au lieu de cela, elle était restée figée sur place. Le regard fixé sur les yeux verts de Harry qui avait disparu, tandis que Hagrid berçait et pleurait sur son corps meurtri.

Elle s’était demander, s'il avait tenu Harry de la même façon lorsqu'il l'avait amené au 4 Privet Drive, il y a de cela plusieurs années.

Le Garçon Qui Avait Survécu, celui qui était censé être le sauveur du monde des sorciers, avait paru si petit et si frêle dans les grands bras de Hagrid. Ses bras enveloppaient le garçon de manière protectrice, comme pour le protéger du carnage qui se déroulait autour d'eux.

Comme si lui aussi avait souhaité que ces yeux verts se remplissent soudain de vie.

Lorsque Neville Londubat avait tranché la tête de Nagini, il en avait profité pour brandir l'épée de Gryffondor dans un cri de triomphe. Son rugissement avait été un cri de guerre qui avait poussé les derniers membres de l'Ordre à passer à l'action. Et tandis qu'ils étaient passés à toute vitesse devant elle, baguettes sorties et l'espoir brillant encore sur leurs visages, Hermione était restée immobile. Des éclats rouges et des flashs verts avaient jailli dans toutes les directions, mais elle n'avait pas bronché.

Du sang. Il y avait eu tellement de sang.

 

Comment un corps pouvait-il en produire autant ?

Il avait recouvert sa poitrine, dégoulinant sur les pavés en contrebas. La gorge de Harry avait été tranchée si profondément que si Hagrid ne l'avait pas maintenu, elle avait cru que sa tête se serait décrochée.

 

Elle n'avait pas vraiment réfléchi à la façon dont Harry allait mourir. Seulement qu'il allait mourir. Mais d'un point de vue technique, elle supposait que Voldemort avait appris sa leçon. Harry avait déjà survécu une fois à la malédiction mortelle. Peu importe ce qu'elle avait espéré, il ne survivrait pas à cette malédiction.

Une espérance aveugle, une vision naïve du bien triomphant du mal, de l'amour triomphant au détriment de la haine, n'avait pas suffit. Elle avait été la plus brillante des sorcières de son âge et elle avait compris qu'ils avaient déjà perdu.

 

Leur guerre avait été perdue au moment où Lord Voldemort avait tué Harry Potter. Et son espoir s'était éteint lentement tandis que ses yeux s'étaient fixés sur les siens.

 

Tirée de ses souvenirs, Hermione se retourna sur le lit de camp sale et taché qui lui servait de lit. Une toile usée tendue sur un cadre rouillé, sans oreiller et avec seulement une fine couverture effilochée pour la protéger du froid de sa cellule. Elle passa une main sous la ceinture de ses vêtements d'Azkaban et sentit l'humidité s'y accumuler. En remontant sa main, elle regarda le sang rouge vif qui scintillait au bout de ses doigts. Le seul éclat de couleur dans sa cellule humide et moisie.

Elle se redressa avec précaution, ses os poussant des cris de protestation alors qu'elle laissait de côté le peu de chaleur que lui procurait sa couverture et traversa la pièce pour aller se soulager.

La faible lumière qui passait entre les barreaux de la petite fenêtre était la seule indication que c'était le matin. La position de la fenêtre, en hauteur sur le mur en face de son lit, faisait que le peu de chaleur que la lumière pouvait lui apporter était toujours hors de portée. Et comme le ciel de la prison avait été charmé pour rester constamment nuageux, Hermione savait que la lumière tamisée ne lui apporterait que peu de réconfort.

Azkaban n'était pas un endroit conçu pour le confort.

 

Elle retourna à son lit de camp, s'allongeant pour recommencer à fixer le mur de roche ébréché qui se trouvait en face d’elle. Elle n'avait pas l'énergie nécessaire pour faire quoi que ce soit d’autre. Elle se contenta donc de réfléchir, de dormir et de se lever de temps en temps pour ingurgiter la bouillie qui apparaissait comme par magie dans sa cellule trois fois par jour.

Hermione vivait dans un état catatonique, sans besoin ni désir de faire autre chose que rien. Son énergie s'était éteinte, son corps avait baissé les bras et son cœur était en miettes. Heureusement, pour la première fois de sa vie, son esprit était calme.

Les seules images qu'elle parvenait à invoquer étaient deux yeux verts sans vie et une flaque de couleur rouge Gryffondor.

 

   ***

Il était difficile de garder la notion du temps, mais Hermione pensait avoir réussi à développer un semblant de routine. Elle se réveillait et se soulageait sur la cuvette crasseuse de ce que les gardiens de la prison considéraient comme des toilettes, avant d'essayer de se nettoyer à l'aide de l'évier maculé.

Avec un seul robinet en état de marche qui laissait couler une eau glacée et jaunâtre, elle commençait à rincer ses trois chiffons de fortune. Deux, arrachés à l'ourlet de son pantalon d'Azkaban, et un autre, arraché à sa maigre couverture. Elle n'osait pas essayer d'en fabriquer d'autres. Elle ne pouvait pas se permettre de prendre plus de tissu qui lui offrait son seul bouclier contre le froid.

D'ailleurs, trois suffisaient.

Un pour se nettoyer le visage et le corps, un autre pour faire office de substitut au papier hygiénique et un dernier pour ses règles. Ce rappel récurrent et inutile, pensa-t-elle, comme si le temps qui passait avait une quelconque importance pour elle ici. Mais elle supposait que son corps n'avait pas encore compris ce que son esprit avait décidé de faire. Le temps lui était déjà compté.

Pour la première fois de sa vie, Hermione Granger n'arrivait pas à trouver un moyen de s'en sortir.

Du moins, pas sans sa baguette ou sans une armée de membres de l'Ordre aujourd'hui disparus. La communauté internationale des sorciers avait fermé les yeux sur Lord Voldemort avant même la chute de l'Ordre, elle doutait donc qu'ils soient d’une grande aide.

Et même si c'était le cas, ce n'est pas comme s'ils allaient consacrer des hommes et des ressources au sauvetage d'une sorcière d'origine moldue.

Ron tenterait sa chance et échouerait probablement, mais elle avait abandonné cet espoir dès le début. Ron n'était plus là. Soit mort, soit capturé, soit caché dans une planque quelque part. Elle espérait que ce soit la dernière solution. Mais cela faisait longtemps maintenant, du moins c'est ce qu'elle pensait, qu'il serait venu la chercher s'il avait pu.

S'il savait où elle se trouvait. S'il pensait qu'elle était encore en vie.

La jeune femme avait calculé ses chances de s'échapper de cette cellule. En tenant compte de tous les scénarios et facteurs possibles, elles étaient faibles. Incroyablement faibles. Et c'était sans compter le fait de quitter l'île.

En réalité, personne ne viendrait la chercher.

 

Sa seule chance de s'échapper reposait sur ses épaules. Mais elle avait déjà examiné chaque centimètre carré de sa cellule, elle avait tenté d'ébrécher les murs de pierre sans grand succès, elle avait même essayé d'enfoncer sa porte en se servant du cadre de son lit de camp.

Dans une tentative désespérée, elle essaya de sortir par la petite fenêtre grillagée. Elle se hissa en utilisant les pierres accidentées du mur comme points d'appui. Elle parvint à peine à se rapprocher des barreaux, ne parvenant même pas à passer la tête dans les interstices avant qu'un Détraqueur ne lui fasse perdre pied.

Aucune de ses tentatives n'avait été couronnée de succès, et plus le temps passait, plus elle se sentait faible, jusqu'à ce qu'elle n'ait même plus la force d'essayer. Le manque de nourriture, de chaleur et de lumière érodait le peu de détermination qu'elle avait.

Même si elle parvenait à s'échapper d'Azkaban, elle devrait quitter le Royaume-Uni sans être repérée, sans magie et sans aide.

C'était tout simplement impossible.

 

Il était plus facile de ne pas y penser alors qu'elle effectuait sa toilette quotidienne. Elle posa ses chiffons sur le bord de l'évier pour tenter de les sécher. Le meilleur résultat qu'elle avait pu obtenir jusqu'à présent avait été de les faire passer de trempés à lourdement humides.

Satisfaite de la position des chiffons, elle se mit à peigner ses cheveux avec ses doigts, ce qui était une lutte de tous les jours. Même avant son emprisonnement, ses cheveux étaient un enchevêtrement de boucles sauvages, mais maintenant, ils ne formaient plus qu'un amas de nœuds sur sa tête. Elle avait le privilège de pouvoir observer cette transformation grâce au miroir taché qui avait été scellé par la magie au-dessus de son petit lavabo.

Un miroir à Azkaban semblait être une blague au début, comme si quelqu'un se souciait de ce à quoi il ressemblait dans cet endroit. Mais lorsqu'elle commença à voir sa peau de couleur olive pâlir, sa mâchoire s'affiner et ses yeux se teinter de violet, elle comprit qu'il s'agissait là d'une torture d'un type très spécial.

Hermione pensa à utiliser l'une des pierres acérées qu'elle avait arrachées au mur pour couper ses cheveux sales et emmêlés. Mais c'était la seule chose qui empêchait son cou et sa tête de résister au froid.

Elle avait déjà connu le froid auparavant, lors de la fuite avec Harry et Ron, ils avaient passé de nombreuses nuits blottis dans leur tente. Mais le froid de cette prison n'était pas normal.

Il s'infiltrait dans ses os.

 

Le sol était si glacé qu'il brûlait la plante de ses pieds par son intensité.

La rigidité de ses doigts violets et la raideur de ses mains étaient devenues un état naturel pour Hermione. De la vapeur flottait dans l'air à chaque expiration. Rien ne pouvait pénétrer à travers ce froid qui semblait envahir son sang. Un tel froid aurait dû être mortel, aucun corps humain ne pouvait y survivre. Pas même un corps magique.

Pourtant, il ne la tuait pas.

 

Même les nuits où le cadre de son lit tremblait sous la violence de ses secousses. Elle en conclut alors qu'il s'agissait de la deuxième forme de torture mise au point pour les pauvres âmes d'Azkaban.

Elle acheva son introspection morbide avant de retourner à son lit, épuisée après seulement quelques minutes passées debout. Elle y grimpa et enroula la fine couverture fermement pour la ramener jusqu'à son menton, tout en frottant ses pieds l'un contre l'autre pour essayer de faire circuler le sang dans ses orteils.

Puis elle se remit à fixer son mur.

 

***

Les Détraqueurs continuaient leur tournée devant sa petite fenêtre, recouvrant les barreaux de glace. Le givre se répandait sur le mur du fond comme des lianes, avant de s'estomper lorsqu'ils constatèrent qu'elle était recroquevillée dans sa cellule. Elle les observait aller et venir, passant devant elle d'une manière presque gracieuse. Hermione n'arrivait pas à décider si elle était reconnaissante ou non qu'ils ne soient pas encore entrés.

La perspective du baiser du Détraqueur n'était au départ qu'une pensée furtive. Ces derniers temps, elle la ressassait plus souvent que de raison. La folie ou la mort étaient les seuls remèdes qu'elle pouvait espérer recevoir. Peut-être que ceux qui se trouvaient dans les cellules autour d'elle avaient plus de chance. S'ils n'avaient plus de souvenirs heureux, les mauvais ne leur paraîtraient peut-être pas si terribles. La douleur était supportable si elle était la seule chose que l'on connaissait.

La première fois qu'elle s'aperçut de la présence de Mangemorts à l'intérieur de la prison, ce fut grâce à un bol. Son plateau de nourriture n'apparaissait plus dans sa cellule trois fois par jour. Au lieu de cela, des pas s'approchaient de sa porte d'acier, puis ouvraient le battant métallique et laissaient tomber un bol de nourriture sur le sol avant de le refermer. Son contenu devenu rance éclaboussait le sol en pierre sale.

Rapidement, elle apprit qu'un bol était tout ce qu'elle recevrait pour la journée. Certains jours, elle n'en recevait jamais. Elle récupérait donc chaque goutte qu'elle pouvait dans son récipient avant de lécher ce qui restait sur le sol en pierre.

Il n'y avait aucune dignité dans la faim.

 

La prison commença à se remplir de vie à mesure que d'autres prisonniers étaient amenés à l'intérieur. Un contraste saisissant avec le murmure sinistre du vent. Dans les corridors éloignés, des voix ricanaient et juraient. Les Mangemorts patrouillaient dans la prison et leurs pas étaient longs et réguliers. Lorsque ces pas se faisaient entendre, des cauchemars les suivaient.

Le grincement des portes en acier était devenu le pire de tous les bruits. Car les cris suivaient systématiquement. Elle plaquait violemment ses mains sur ses oreilles dans une tentative désespérée de bloquer les autres bruits qui envahissaient son esprit. Les supplications, les craquements d'os, les rires, les coups de peau contre la peau…. Les horreurs qu'elle entendait lui faisaient rejeter le contenu de son estomac. Elle vomissait jusqu'à ce que la bile lui brûle la gorge.

    

Lorsqu'ils partaient, les portes battaient et les chaînes cliquetaient. La plupart du temps, le silence suivait. D'autres fois, des sanglots et des gémissements effrénés s'élevaient comme une chorale hantée. Les sanglots étaient pires que le silence. Parce qu'elle savait que ce n'était pas fini.

Ils finissaient par revenir. C'était toujours comme ça.

Encore et encore et encore.

 

Et quand le silence se faisait enfin, elle pleurait de soulagement sur leur sort et se demandait quand ce serait son tour. Hermione finit par s'habituer à l'obscurité et à l'humidité. Elle commença même à développer une tolérance au froid. Mais elle ne pouvait pas s'habituer aux cris. Lorsqu'elle ne put plus supporter ces bruits, elle se mit à chanter.

Petite fille, elle suppliait sa mère de lui chanter des chansons tous les soirs. Elle aimait se sentir blottie contre le bras de sa mère, la tête reposant sur sa poitrine. Il n'y avait pas de plus grand réconfort au monde que d'être bercée dans le lit de son enfance. Peut-être était-ce l'amour qu'Hermione portait à sa mère, mais elle jurait que la voix de Jane Granger était plus envoûtante que la sienne. Désormais, alors que la baguette d'Hermione lui avait été enlevée et que sa magie avait été piétinée par le froid et la faim, elle s'accrochait à la voix de sa mère qui la berçait pour l'endormir.

We all live in a yellow submarine,

A yellow submarine,

A yellow submarine

 

Enfant, elle avait compris le concept de l'enfer. Ses parents la traînaient jusqu'aux portes de l'église chaque année à Noël pour la messe de minuit, même si elle ne croyait pas en Dieu. L'enfer était une histoire destinée à effrayer les Hommes pour qu'ils se conforment à la volonté de l'Eglise. Elle avait toujours pensé qu'elle était trop intelligente pour être effrayée par des récits.

Mais alors qu'elle chantait à tue-tête, les paumes plaquées sur les oreilles, les fesses et le dos couverts d'ampoules à force de se balancer contre la pierre, elle réalisa que l'enfer n'était pas un lieu imaginaire situé sous la terre.

C'était une île de la mer du Nord.

   

***

Elle avait dangereusement perdu du poids. Le seul repas qu'on lui avait accordé ne suffisait pas à maintenir la totalité de l'énergie que son corps produisait pour essayer de la garder au chaud. Les frissons avaient cessé depuis des semaines. Ou était-ce quelques jours ? Elle n'en est pas sûre. Son bas d'uniforme en lambeaux pendait sans effort sur ses hanches saillantes. En l'enlevant, elle remarqua que ses genoux et ses chevilles saillaient fortement sur les muscles atrophiés de ses jambes.

Ses doigts engourdis cherchèrent à tâtons les boutons de sa chemise et elle ne fit que la moitié du chemin avant de la passer par-dessus sa tête et de la jeter sur le sol.

Atteignant l'évier, elle saisit son chiffon mouillé et commença sa toilette. Elle avait l'impression que peu importe la force avec laquelle elle se frottait, une fine couche de crasse s'accrochait toujours à son corps. Mais elle trouvait de la sérénité dans ses mouvements. Elle traçait méticuleusement des lignes le long de son corps avec le coton effiloché.

En avant et en arrière. Un mouvement continu.

Avant et arrière. Avant et arrière.

Rincer. Essorer.

Avant et arrière. Avant et arrière.

 

C'était la seule chose qu'elle pouvait faire pour elle-même. La seule chose qui pouvait améliorer sa situation. Elle se sentait humaine. Moins comme une sale Sang-de-Bourbe qu'ils pensaient qu'elle était.

C'était la seule chose qu'elle pouvait contrôler.

 

Elle se contrôla dans le miroir, s'assurant qu'elle n'avait rien oublié. Elle ne reconnaissait pas le visage qui lui faisait face, elle ne pensait pas que c'était possible, mais son reflet devenait de plus en plus horrible chaque fois qu'elle prenait le courage de le regarder. Des pommettes creuses et des yeux enfoncés. Sa cage thoracique et son sternum dépassaient de sa poitrine. Elle pouvait désormais compter toutes les vertèbres de sa colonne vertébrale.

Ses yeux dérivent vers son avant-bras. Elle essaya d'éviter de le regarder, mais ses yeux s'y fixèrent d'eux-mêmes. Les mots "SANG DE BOURBE" se distinguait avec force. Les lignes rougeoyantes étaient encore plus visibles sur sa peau d'une blancheur maladive, ses tons olivâtres naturels ayant disparu depuis longtemps. Un rappel maladif du séjour qu'elle avait passé dans le salon du manoir Malefoy.

L'haleine de Bellatrix. Un gloussement hystérique. Une dague tachée de sang.

 

Elle détourna les yeux et examina le reste de son corps. Sur son genou gauche, une cicatrice décolorée due à un accident de vélo lorsqu'elle était enfant. Une petite brûlure à l'intérieur de son poignet due à un fer à lisser qu'elle avait essayé pendant les vacances scolaires.

Ce fut sa première et unique tentative pour dompter ses cheveux avant qu'elle ne découvre les merveilles de la potion Lissenplis. Trois cicatrices blafardes apparaissent sur son épaule à cause du Saule Pleureur, elles étaient pratiquement invisibles tant elles étaient estompées à l'heure actuelle. Dolohov avait laissé sa marque sous son sein gauche, le relief rouge de son épiderme se répandait le long de ses côtes.

Un rappel de la mort qu'elle avait frôlée en cinquième année au Département des Mystères.

Toutes les marques qu'elle pouvait identifier, chacune d'entre elles accompagnait un souvenir qu'elle pouvait retrouver. Sauf une. Cinq chiffres tatoués sur le côté de son cou. Deux runes, représentant "femme" et "prisonnière", suivies du nombre "331". Ces chiffres dénués de sens et pourtant gravés à jamais dans sa peau. Un nouveau nom lui avait été imposé, un nom qui correspondait à sa cicatrice de sang de bourbe.

Un instant, elle avait été Hermione Granger engagée dans une guerre. L'instant d'après, elle était sans défense, sans espoir. Réduite à rien d'autre qu'à son statut de sang et à un numéro.

Il y avait eu une bataille.

Un sortilège stupéfiant.

La sensation de tomber.

 

Puis le réveil dans cette cellule. Habillée avec les vêtements d'Azkaban. Sans la moindre trace de ce qu'elle avait eu en sa possession. Pas même son nom.

Femme. Prisonnier. 331.

 

Elle attrapa à nouveau son chiffon et commença à nettoyer les marques avec une frénésie retrouvée. Elle avait beau frotter, les deux restaient.

Dans toutes les lectures qu'elle avait faites au cours de sa troisième année, elle n'avait jamais trouvé d'informations sur la structure d’Azkaban. Elle savait que la prison était située sur une île inconnue de la mer du Nord. Une forteresse infranchissable dirigée par des Détraqueurs, conçue pour dépouiller ses prisonniers de leurs souvenirs heureux, de leur esprit, puis de leur vie.

Sirius Black fut le seul prisonnier de l'histoire à s'échapper sans assistance. Et comme elle n'était pas un Animagus, elle ne pouvait pas se déplacer et se faufiler à travers la fente de sa porte comme l'avait fait Sirius. Grâce à ses recherches, elle savait que les cellules d'Azkaban étaient presque toujours constituées de murs recouverts d'acier et que les Détraqueurs pouvaient s'en servir pour se nourrir de leurs habitants.

Les murs de -sa- prison étaient composés de roches saillantes et ne comportaient qu'une petite fenêtre inaccessible. Hermione en conclut donc qu'elle devait être incarcérée dans une cellule à l'abri des regards indiscrets. Taillée dans la paroi rocheuse d'un côté de la prison pour offrir une certaine protection contre les Détraqueurs.

En dehors de leurs formes sombres flottant devant sa fenêtre, ils n'avaient jamais essayé de réclamer leur repas. En tant que gardiens de la prison depuis deux siècles, ils pouvaient facilement venir flotter devant sa porte. Pourtant, celle-ci était restée fermée tout le temps qu'elle avait passé ici. Et jusqu'à l'arrivée des Mangemorts, même son emplacement pour le repas n'avait pas bougé. Il était clair que Lord Voldemort avait ordonné à ses familiers de l'ombre de la laisser tranquille. Hermione ne savait pas pourquoi. A part elle-même et les pas qui accompagnaient son prochain repas, il n'y avait aucun autre mouvement autour d'elle.

Ils allaient bien finir par venir la chercher, pensa-t-elle. Quand ils le feraient, elle se battrait. Si elle parvenait à s'emparer d'une baguette, elle éliminerait autant de Mangemorts qu'elle le pourrait. Peu importait qu'elle n'ait aucun moyen de se replier. Elle pourrait les regarder dans les yeux pendant qu'elle tomberait. C'était la meilleure mort que cet endroit pouvait lui offrir.

Avec un plan d'action bien précis, Hermione passa son séjour à se préparer. Le temps passait plus vite maintenant qu'elle avait un but. Elle dégourdissait ses membres gelés avant d'effectuer un cycle de pompes, de sauts, de fentes et d'abdominaux. Son corps affaibli transformait ce qui aurait dû être une séance d'entraînement de vingt minutes en une séance de deux heures. Elle dévorait chaque goutte de bouillie qui se répandait sur le sol et se remplissait le reste du ventre avec de l'eau provenant du lavabo. Cela ne suffisait pas à lui redonner des forces, mais elle avait besoin de tous les avantages qu'elle pouvait se procurer.

La magie sans baguette s'avérait impossible, elle ne parvenait même pas à conjurer un brin de magie. Elle s'entraîna donc à manier sa baguette avec une main vide. Contrôler ses membres frissonnants et ses mains tremblantes lui posait d'immenses difficultés à cause du froid. Mais elle n'était rien si ce n'est une personne qui apprenait vite. Le soir, elle s'allongeait dans son lit et murmurait ses adieux à ses parents, Ron, Neville, Luna, Ginny et le reste de la famille Weasley, ainsi qu'à ses camarades de classe. Même si elle savait qu'ils ne pouvaient pas l'entendre, qu'ils n'étaient peut-être même pas en vie, cela la berçait vers le sommeil.

Quand Hermione put terminer son cycle en moins d'une heure, elle décida qu'elle était prête. Elle se dit qu'elle s'était préparée autant que possible. Ses forces s'affaiblissaient de jour en jour, elle ne pouvait pas se permettre de perdre plus de temps. Il fallait que ce soit maintenant.

Hermione se mit à l'abri en s'accroupissant contre la porte en acier de la cellule. Son épaule et son oreille embrassaient le métal, et elle écoutait les bruits de pas qui s'approchaient.

Elle attendit. Et elle attendit. Et elle attendit.

 

Ses genoux étaient immobilisés, ses articulations soudées et ses pieds engourdis par le froid à cause de la position inconfortable dans laquelle elle se trouvait, elle ne savait pas.

Quand Hermione entendit enfin les bruits de pas puissants, son estomac se serra. Le cœur battant, elle se leva et se plaça juste à côté de l'ardoise. Les pas s'arrêtèrent soudainement à sa porte, le sang lui monta aux oreilles tandis qu'elle retenait son souffle.

La plaque s'ouvrit et une main gantée de noir se tendit timidement, son poignet frôlant presque son nez. Hermione resta pétrifiée, les yeux écarquillés, tandis que la main déposait le récipient sur le sol de la cellule, sans en renverser une seule goutte.

Face à un changement de routine, aussi minime soit-il, Hermione se sentit vaciller. La coupe était toujours jetée par terre. Toujours. Pourquoi cela avait-il changé ? Pourquoi maintenant ? Son hésitation persistait. Une partie d'elle savait qu'elle s'accrochait à cette anomalie comme à une raison d'attendre. Attendre un jour de plus signifiait un jour de plus à vivre. Un jour de plus à ressasser les souvenirs de ceux qu'elle aimait.

Mais cela signifiait aussi un autre jour de froid, d'obscurité et de souffrance. Elle était fatiguée de se sentir épuisée. C'est pourquoi, dans la fraction de seconde qui précéda le retour de la main à travers la plaque , elle s'élança.

De toutes ses forces, elle attira la main vers elle, la poussant violemment vers l'avant avant de mordre le bras exposé. L'homme de l'autre côté de la porte hurla. Elle mordit plus fort, à travers la peau et la chair. Sa bouche s'emplit de cuivre tandis qu'elle lui arrachait un morceau de bras qu'elle recracha sur le côté. Ce n'est que lorsqu'elle voulut mordre à nouveau qu'elle se rendit compte qu'elle avait transpercé sa marque sombre, arrachant le milieu.

Elle planta ses dents au même endroit avec une frénésie renouvelée, heurtant l'os. Les cris se transformèrent en rugissements bestiaux et le bras s'agita désespérément sous l'effet de l'attaque. Poussant son corps vers l'avant, elle ramena le bras vers la porte, le tordant dans un angle anormal. Un craquement écœurant retentit et l'homme qui y était attaché poussa un cri.

"STOP !" supplia-t-il tandis qu'elle tordait ses doigts vers l’arrière.

 

Puis, comme elle l'avait espéré, sa baguette apparut à travers la plaque, lançant des sorts de façon erratique. Elle laissa tomber son assaut sur son bras et s'élança sur son autre main. Enfonçant ses ongles dans ses articulations, elle tenta d'arracher la baguette de sa poigne d'étau.

" Stop ! Lâche-la !" Il suppliait alors qu'ils se battaient pour sa baguette.

 

Elle tenait bon entre ses deux bras tendus, l'un battu et brisé, l'autre inébranlable. Hermione était sauvage, comme un rat qui se ronge la patte pour échapper à son piège. Mais lui aussi.

La main qu'elle tirait devint soudainement molle, lui faisant perdre l'équilibre. C'était tout ce dont il avait besoin. Alors qu'elle perdait sa prise, il repoussa ses bras à travers la plaque jusqu'à ce qu'il soit hors d'atteinte.

"NON !" Elle hurla, poussant sa main tendue pour suivre la sienne, "Non, non, non, non ! ».

 

Elle poussa son bras à travers la plaque de métal, griffant l'air. Elle sentit sa main effleurer ses vêtements et les serra fermement, les tirant vers elle.

 

"Ouvre la porte, connard !" Elle pleura, les larmes coulant sur son visage, "Ouvre cette putain de porte !"

Elle tira plus fort, déchirant le tissu. Elle était si proche.

Si proche, si proche, si proche.

 

" OUVRE LA PORTE ! " Elle hurla, sanglotant de façon incontrôlable.

 

Hermione s'effondra contre la porte, toute colère disparaissant au fur et à mesure que ses sanglots déchiraient son corps. Toujours agrippé à sa robe à travers la plaque, la personne qui se trouvait de l'autre côté restait figée. Il resta immobile tandis que ses cris résonnaient dans sa cellule. Elle ne pouvait se résoudre à lâcher prise. C'était censé être ses derniers instants, son dernier combat. Elle ne pouvait supporter l'idée de continuer.

"S'il vous plaît", murmura-t-elle, "s'il vous plaît, tuez-moi ».

 

Le corps attaché à sa poigne se raidit.

"Granger ? Chuchota-t-il.

 

Hermione s'arrêta, relâchant sa prise. Elle entendit sa respiration saccadée et une main chaude frôla la sienne.

"Hermione Granger, c'est toi ? demanda-t-il.

 

Le son de son nom l'arracha à son chagrin.

Oh, mon Dieu. Il savait. Non. Oh non. Qu'est-ce que j'ai fait ?

 

"Non", répondit-elle en lâchant sa robe et en ramenant son bras dans sa cellule, " Penalope Clearwater", répondit-elle instinctivement.

 

Elle s'accroupit avec raideur et retint sa respiration.

Stupide. Stupide. Stupide.

 

Il n'y avait pas de mouvement derrière la porte, mais elle savait qu'il restait debout, réfléchissant à son mensonge mal ficelé.

C'était une erreur.

 

Maintenant, il savait qui était là, il savait qu'elle était là. Ce qu'elle entendait à travers les murs n'était rien comparé à ce qu'ils allaient lui faire. Elle était la meilleure amie de Harry Potter. Elle serait un exemple.

Ses espoirs d'une mort rapide furent anéantis lorsqu'elle s'assit dans un procès silencieux avec le Mangemort derrière la porte. Elle n'avait pas envisagé de survivre à l'attaque, elle en aurait eu le droit. Ce serait bien pire maintenant.

Imprudente. Imprudente. Stupide.

 

Elle l'entendit déglutir, traîner les pieds et grogner de douleur. "Je reviendrai" promit-il, sa voix ne trahissant rien.

Elle resta assise pendant que ses pas s'éloignaient. Elle attendait les horreurs qu'elle savait devoir venir. Elle attendait sa mort au ralenti.

Elle attendait.

Mais il ne revenait pas.

 

Hermione Granger n'était pas une adepte de la religion. Elle était née de la chair et de la logique. Des choses stupides comme le destin, et Dieu n'étaient que des choses que les humains utilisaient pour donner un sens à leur vie ordinaire, pour justifier leurs pires qualités, et pour exercer leur pouvoir sur les autres. Ses parents croyaient que ses accès de magie relevaient d'un miracle divin. C'étaient des gens pragmatiques, mais ils étaient le produit de leur éducation. La Bible leur avait été transmise par leurs parents et les parents qui les avaient précédés. Mais malgré les efforts de sa famille, Dieu était mort avec elle.

La seule fois où elle avait remis en question son manque de foi, c'était lorsqu'elle avait posé le pied sur les pavés du Chemin de Traverse en pénétrant pour la première fois dans le monde des sorciers. Elle avait l'impression que tous les moments de sa vie avaient abouti à celui-ci.

Mais comme elle le comprit rapidement, la magie avait des règles, des lois et un raisonnement à respecter. Quelque chose de réel qu'elle pouvait saisir et utiliser pour prouver son existence. La magie, en grande partie, s'expliquait toujours d'elle-même à Hermione.

Dieu ne l'avait pas encore fait.

 

Alors qu'elle attendait la fin dans sa cellule obscure, en proie à la faim, au froid et au désespoir, Hermione Jean Granger se mit à prier.

Elle pria la magie.

 


 

Chapter Text


Pommes


 

Une pomme à la robe rouge rubis.

 

Hermione contempla son aspect étranger. Ce matin-là, elle avait écouté le bruit familier de sa bouillie quotidienne frappé le sol, la tête baissée, les genoux serrés sur son lit de camp, grimaçant et espérant qu'elle n'aurait pas de visiteurs lorsqu'un léger bruit sourd retentit. La grille métallique résonna dans le silence et Hermione laissa échapper le souffle qu'elle retenait. Prudemment, elle se dirigea vers son repas.

Elle était là, intacte. Immaculé. Sans défaut.

 

Ses mains l'entourèrent avant même que son cerveau n'ait eu le temps de comprendre. Elle approcha sa peau rouge pour y déposer ses lèvres, tandis que la logique s'imposait à elle. En proie à l'horreur, elle s'empressa de le laisser tomber au sol et de s'éloigner.

Les belles choses ne devraient pas se trouver dans cet endroit, pensa-t-elle. Elles étaient apportées ici pour être corrompues. Souillées.

Dans son enfance, sa mère lui avait raconté l'histoire de Blanche-Neige. Elle savait comment cela finirait. Elle serait empoisonnée. Il fallait que ce soit le cas.

De la magie noire pour faire bouillir son sang, la retourner ou la paralyser.

Cela pouvait être tout.

Cela pouvait être rien.

 

Elle demeura assise dans une bataille silencieuse avec la pomme, évaluant les options qui s'offraient à elle. Si ce n'était rien, elle pourrait manger, reprendre des forces.

Si elle était empoisonnée, elle pourrait obtenir la mort rapide à laquelle elle aspirait. Si elle était imprégnée de quelque chose d'autre, eh bien, elle n'aimait pas y penser.

Trois options, deux en sa faveur, une au prix fort.

Elle prononça une prière rapide et mordit avant de pouvoir changer d’avis. Elle était croquante, acidulée avec un soupçon de sucre. Son jus dégoulinait sur son menton tandis qu'elle le dévorait, le noyau et tout le reste. Elle attendit en retenant son souffle, s'attendant au pire. Mais à mesure que les minutes passaient, la seule chose qu'elle enregistrait était une sensation désagréable de plénitude dans son estomac.

Le pire ne vint jamais.

 

Le lendemain, lorsqu'une pomme réapparut, elle la mangea lentement. Savourant chaque bouchée. Une autre pomme, verte cette fois, apparut le troisième jour. Et toujours rien ne se produisait.

Rouge, rouge, verte, rouge, rouge, rouge, rouge, rouge, verte.

 

Elle essaya de trouver un schéma parmi les couleurs, mais cela semblait totalement dénué de sens et elle renonça à suivre le schéma.

Le temps passait.

 

Elle se lavait, elle priait et elle attendait. Et elle apprécia le bref moment de paix que lui apporta la pomme.

 

***

 

Elle entendit des voix derrière sa porte.

Hermione se demanda s'ils allaient la tuer ici même, dans sa cellule. Ou peut-être l'emmèneraient-ils directement à Voldemort lui-même. Quoi qu'il en soit, elle savait que cela ne se terminerait pas rapidement.

Elle restait assise sur son lit de camp, observant la porte d'un air détaché. Résignée à son sort. Elle ne craignait pas la mort. Elle craignait ce que sa mort signifierait.

 

L'Ordre n'était pas au courant de l'existence des Horcruxes. Si Voldemort en avait créé un autre depuis la bataille, ils n'avaient aucun espoir.

Si tant est que l'Ordre soit encore capable de reprendre la guerre. S'il y avait même un Ordre à l'heure actuelle.

Elle était inquiète pour Ron. Comment ferait-il face à sa mort en plus de celle de Harry ? Ce qu'il ferait une fois que le trio ne serait plus au complet. Pour ce qu'elle en savait, Ron était déjà parti et il ne restait plus qu'elle. Mais une partie d'elle, au plus profond de ses entrailles, savait qu'il était là, à respirer. Elle le découvrirait. Elle le saurait, c'est certain, si Ron était mort. Elle le sentirait, elle en est sûre.

   

Mais surtout, elle craignait pour ses parents. Elle était persuadée que les Mangemorts ne les trouveraient jamais. Mais penser qu'elle mourrait et qu'ils ne pourraient jamais savoir qu'ils avaient perdu une fille la terrifiait plus que tout. Elle ne voulait pas être oubliée.

 

Une partie d'elle espérait qu'un jour, elle leur rendrait la mémoire. Qu'ils se souviennent de chaque Noël, de chaque anniversaire. De ses premiers pas, de la perte de sa première dent et de son excitation à l'idée de recevoir sa première lettre de Poudlard. Que son père se souviendrait des soirées cinéma, blotti dans son fauteuil avec un chocolat chaud. Et que sa mère se souviendrait de toutes les fois où elle chantait pour endormir sa fille. Hermione savait que lorsqu'elle mourrait, tous ces souvenirs disparaîtraient avec elle.

Cela la terrifiait plus que tout.

 

Elle était tellement perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas la clé tourner dans la serrure.

Ils firent irruption par sa porte. Un, trois, six hommes masqués se précipitent sur elle. Leurs robes noires flamboyaient devant elle comme leurs capes.

Elle commença à se lever, reprenant son souffle pour se préparer à...

Un craquement.

 

Le premier homme à l'atteindre frappa avec le dos de sa main, l'envoyant valdinguer contre le mur. Son souffle fut coupé par la force de l'impact. Des étoiles explosèrent derrière ses yeux. Un autre lui saisit la tête, en la poussant contre la pierre rugueuse du mur avant de l'entraîner dans son sillage, lui lacérant le visage. Elle poussa un cri d'agonie tandis que le sang jaillissait, recouvrant sa joue.

Avant même qu'elle ne puisse reprendre son souffle, ses cheveux furent tirés en arrière et elle se retrouva à nouveau immobilisée. Sa tête se renversa brusquement en arrière tandis que ses dents se refermaient sur sa langue. Le cuivre remplit sa bouche alors qu'elle atterrit sur le sol.

Hermione ne put empêcher le gémissement qui s'échappa de ses lèvres. Du sang jaillit sur son menton. Des chaussures aux bouts métalliques s'enfoncèrent sauvagement dans ses flancs. Elle tenta de se recroqueviller le plus possible, se couvrant la tête alors qu'on la battait sans ménagement.

Elle les entendit la railler entre deux coups de pied.

 

"Tu n'es plus aussi courageuse, Gryffondor !"

"Putain de Sang de Bourbe"

"Tu aurais dû être pendue comme les autres"

 

Elle entendit des craquements retentir au-dessus de leurs mots. Avec peu de chair pour la protéger, ses os se brisèrent sous le choc. La douleur fut atroce. Elle rayonna à travers elle comme du métal en fusion.

Leurs rires s'estompèrent dans les profondeurs tandis que sa conscience vacilla. Ce n'est pas ainsi qu'elle pensait finir, réduite en bouillie sanglante.

Ils n’avaient même pas sorti leurs baguettes.

 

Le corps d'Hermione s'engourdit. Les coups de pied sauvages étaient devenus de simples bruits parasites. Son corps fut agité de soubresauts et de contractions à chaque coup. Un léger bourdonnement retentit dans sa tête, un air que sa mère avait l'habitude de lui chanter. Comment la chanson commençait-t-elle déjà ? Elle essaya de formuler des mots, mais sa gorge était à vif et sanguinolente. Tout ce qu'elle parvient à faire, ce fut un petit croassement.

Au moment où l'obscurité commençait à l'envahir, une main l'a saisie par le cou et l'a jeta sur son lit de camp. Elle entendit le cliquetis d'une ceinture et le bruissement de robes avant qu'on ne la tire par les hanches.

Elle lutta pour ouvrir les yeux. Le monde tournait. Son pantalon fut tiré jusqu'à ses chevilles, puis arraché.

« Qu'est-ce que vous faites ? » Elle essayait de parler, mais sa langue n'était plus qu'un morceau de viande dans sa bouche.

 

Elle sentit un poids lourd et pesant s'abattre sur elle, faisant craquer encore plus ses côtes cassées. Elle essaya de crier à nouveau, mais elle ne pouvait presque plus respirer.

Alors que le brouillard commençait à se dissiper de sa tête, elle se rendit compte qu'elle était nue de la taille jusqu'aux pieds. Ses jambes furent écartées tandis qu'un des hommes masqués alignait leurs hanches. Dans un souffle très fort, il murmura à son oreille :

" Ne t'inquiète pas Sang de Bourbe, tu vas aimer cette partie ".

"Non", s’écria-t-elle

 

Non, non, non, non, non, non

Tout sauf ça. S'il vous plaît. Pas ça. Tout sauf ça.

 

Mais tout ce qu'elle réussit à faire, c'est un gémissement rauque et pitoyable.

Plus animal qu’humain.

 

Elle utilisa le peu de force qu'elle avait pour se débattre sous lui. Elle essayait de se libérer, de lui faire cesser ses agissements.

S'il vous plaît, ne le faites pas.

Arrêtez.

S'il vous plaît, arrêtez !

 

Elle tenta de lever les bras pour le repousser, mais l'un d'eux pendait mollement, tandis que l'autre était maintenu par un autre homme masqué qui se dressait au-dessus d'eux.

Elle implorait du regard, cherchant désespérément le sien. Mais son regard restait cruel. Croisant le sien, il se réjouit de ce qui allait se passer.

"On dirait que tu vas avoir un peu de sang pur en toi finalement", railla-t-il.

 

L'homme sur elle se posta au-dessus d'elle et elle poussa un rugissement de désespoir.

"NON !" gémit-elle.

 

Mais d'une seule poussée, il la pénétra.

non.

Hermione quitta son corps.

Elle entendait le bruit de cette peau qui claquait contre la sienne. Son halètement dans son oreille. Le mouvement de bascule de son lit.

Mais elle n'était pas là. Pas vraiment. Ce genre de choses ne lui arrivait pas.

De mauvaises choses se produisaient, se produisaient déjà. La torture, l'emprisonnement et la perte de ses amis. Mais pas ça.

Elle était censée être tuée. Elle devait être frappée par la formule meurtrière.

Ils n’avaient même pas sorti leurs baguettes..

 

L'homme au-dessus d'elle termina avec un gémissement.

Un autre prit sa place.

Elle fixa un point sur le mur.

Elle essayait de dessiner chaque pierre de la plus grande à la plus petite, mais elle était interrompue par les coups qu'elle recevait au visage.

Leurs railleries et leurs moqueries fusaient autour d'elle, sans jamais parvenir à s'inscrire dans son cerveau. Un autre homme passa son tour.

Elle pensa à Harry. Ses cheveux en désordre, dressés sous tous les angles comme s'il venait de sortir du lit. La façon dont ses yeux s'illuminaient derrière ses lunettes lorsqu'il riait. Ses mains douces lorsqu'ils dansaient près de la radio dans leur tente.

Un autre homme. Puis un autre.

 

Elle se souvint du garçon dans le train quand elle avait onze ans. Un garçon qui semblait si ordinaire, mais qui était tout sauf cela. Comme il avait l'air libre sur le terrain de Quidditch. Il passait à toute allure dans une traînée rouge. Comment il lui passait toujours le miel au petit déjeuner, chaque matin, parce qu'il savait qu'elle aimait le mélanger à son thé.

Un autre. Encore un.

 

Elle pensa aux nuits passées au coin du feu dans la salle commune de Gryffondor. Le nez dans un livre, levant parfois les yeux pour regarder Harry perdre de façon spectaculaire contre Ron. Il se frottait les yeux sous ses lunettes et fixait intensément l'échiquier. Comme si le coup gagnant allait soudainement apparaître.

Un autre.

 

Il perdait à chaque fois. Parfois, il en riait et félicitait Ron. D'autres fois, il partait en claquant la porte. Il s'installa sur le canapé à côté d'Hermione et lui éperonnait la jambe avec la sienne pour attirer son attention.

Une main commença à se resserrer autour de sa gorge. Lui coupant la respiration.

 

Elle essayait toujours de l'ignorer, préférant se concentrer sur sa lecture ou sur un bon livre. Mais il la dérangeait jusqu'à ce qu'elle finisse par céder. Ron essayait de convaincre une nouvelle proie pendant qu'ils discutaient tranquillement. En général, il était question de leurs devoirs ou de Voldemort. Mais parfois aussi d'autres choses. Comme le voyage de Harry au zoo avant son onzième anniversaire. Ou lorsque les parents d'Hermione la réprimandaient à propos de la facture de la bibliothèque pour ses retards de cotisation. Parfois, ils restaient assis en silence près du feu. Parfaitement satisfaits d'être en présence l'un de l'autre.

Elle jura avoir senti la chaleur de son bras frôler le sien alors qu'elle s'enfonçait dans l’obscurité.

 

***

 

Elle se réveilla au son de la porte qui se refermait. Des rires et des pas s'éloignèrent dans le couloir. Elle aspira des bouffées d'air, les poumons brûlants et la gorge irritée. Un flot de salive fut le seul avertissement qu'elle reçut avant de vomir violemment sur le côté de son lit de camp. Les restes de la pomme verte du matin se mêlaient maintenant au cuivre pour peindre un désordre sanglant sur les pierres en contrebas. Elle cracha et régurgita, du sang s'échappant de sa bouche. Elle s'étouffait avec l'air dont elle avait désespérément besoin, tandis que ses côtes se brisaient à chaque secousse.

Elle pendit mollement sur le côté de son lit de camp, ignorant la sensation de viscosité entre ses jambes alors qu'elle essayait, en vain, de reprendre son souffle. Repérant sa couverture souillée de sang sur le sol, elle tendit la main en tremblant pour en attraper les lambeaux. Elle réussit à la rapprocher de quelques centimètres de son lit.

Elle ne voulait pas mourir étendue et exposée comme ça. Avec toute la force qui lui restait, elle décolla la couverture du sol. En tâtonnant, elle se redressa et couvrit la moitié inférieure de son corps. Elle ressentit un craquement dans sa poitrine et un liquide chaud s'engouffra dans ses poumons. Elle s'effondra sur le dos, la gorge serrée, cherchant de l'air qui ne venait pas.

La noirceur s'insinua dans les limites de sa vision tandis qu'elle se noyait dans son sang. Son corps était embrasé par la douleur et le besoin désespéré de respirer.

Alors qu'elle dérivait, elle entendit des pas isolés s'approcher. Le grincement de sa porte.

Elle ne lutta pas pour rester éveillée afin de voir qui était venu l'achever. Remerciant Merlin pour cette petite miséricorde, elle se laissa emporter par les ténèbres.

 

***

 

Des éclairs et des incantations scintillaient autour d'elle, se mêlant harmonieusement dans un kaléidoscope de sons et de couleurs.

"Anapneo." "Episkey."

"Brackium Emendo."

"Vulnera Sanentur." "Vulnera Sanentur."

"Vulnera Sanentur."

"VulneraSanentur, VulneraSanentur, VulneraSanentur."

 

***

 

Des mains douces se posaient sur ses membres, un parfum d'herbes flottait dans l'air. Des caresses apaisantes la berçaient et la ramenaient à l’obscurité.

Des doigts délicats lui remontèrent le menton tandis qu'un liquide acide lui irritait la gorge. Elle tenta de se dégager, ses dents s'entrechoquant contre le verre.

" Tu dois boire ça ", supplia une voix.

 

Alors que l'infâme mélange était porté à ses lèvres, Hermione obéit.

 

***

 

Un corps chaud tremblait en tenant le sien, des gouttes d'eau salée frappant son visage et tombant goutte à goutte sur ses lèvres.

Elle voulait dire à Harry de ne pas pleurer, mais n'en trouva pas la force.

Elle se contenta donc de lui prendre doucement la main, sa paume étant chaude contre la sienne.

Elle se laissa bercer par les caresses légères du bout de ses doigts sur ses articulations.

Hermione se réveilla en frissonnant. Elle grogna en se retournant sur sa civière, cherchant à tâtons son duvet. Ce foutu Ron avait encore oublié de fermer le tablier de la tente, pensa-t-elle. Soufflant avec irritation, elle se redressa et se frotta les yeux, s'apprêtant à réprimander ce satané petit...

Ses yeux s'adaptèrent à l'obscurité de la cellule. Confuse, Hermione regarda autour d'elle pour trouver la forme endormie de Harry. Scrutant les murs de pierre, il lui fallut un moment pour réaliser que Harry n'était pas là. Il ne serait jamais là. Les souvenirs la traversèrent comme un raz-de-marée et l'horreur de sa situation lui revint en mémoire.

"Ne t'inquiète pas Sang de Bourbe, tu vas apprécier cette partie."

 

Elle vomit violemment sur ses genoux. Elle se mit à vomir et à tituber tandis qu'elle s'éloignait désespérément de son lit de camp taché de sang.

Et lorsque la dernière goutte de bile sortit de sa gorge, elle poussa un gémissement cru et bestial. Des larmes chaudes inondèrent ses joues tandis qu'elle se mettait à hurler. Elle s'agrippait fermement à ses flancs comme si elle pouvait maintenir les morceaux d'elle-même ensemble.

Ils n'avaient même pas utilisé leurs putains de baguettes.

   

Elle hurlait et rugissait d'agonie. Elle criait pour Harry. Elle criait pour Ron. Pour ses parents. Hurlant encore et encore jusqu'à ce que ses cordes vocales se déchirent. Se déchirant et griffant sa peau, comme pour les retirer de son corps.

Ils ne l'avaient pas tuée. Ils l'avaient même guérie.

 

Ils l'avaient ramenée au seuil de sa vie pour qu'elle puisse tout endurer à nouveau.

Un gouffre de désespoir s'ouvrit en elle. Ses cris étaient à peine un murmure alors que son corps tremblait, se convulsant sous l'effet d'un chagrin si dévastateur qu'elle avait l'impression qu'elle allait mourir.

Merlin, elle espérait mourir.

 

Hermione resta là, sur le sol sale, jusqu'à ce que ses sanglots s'éteignent.

Elle ne se releva pas.

 

***

 

Des bruits de pas. Des craquements. Des rires. Douleur.

Bruits de pas. Grincement. Rires. Douleur.

Bruits de pas. Grincement. Rires. Douleur.

Ils revinrent encore et encore.

 

Elle avait beau donner des coups de pied et mordre, se débattre et crier, cela se terminait toujours de la même façon.

Si elle avait de la chance, ils la battaient d'abord. Ils lui éclataient la peau avec leurs bottes ou leurs poings, lui accordant le luxe d'être inconsciente pendant qu'ils s'emparaient de son corps. Ils ne la battaient jamais aussi violemment que la première fois. Ils la blessaient juste assez pour qu'elle ne puisse pas se défendre, mais pas assez pour qu'elle succombe à ses blessures. Elle ne fut plus jamais soignée par la suite, mais s'habitua à la morsure de ses blessures et à la douleur de ses ecchymoses. Le froid l'engourdissait, atténuant les effets de la douleur.

Ils venaient le plus souvent par paires ou par groupes de trois. L'un d'eux se précipitait sur elle tandis que les autres la maintenaient au sol. Elle les suppliait d'arrêter, ses cris et ses hurlements de détresse tombant dans l'oreille d'un sourd. Elle commença à implorer la mort, les suppliant de dégainer leur baguette.

Ils ne le firent jamais.

 

***

 

Hermione laissa ses haillons en friche. Elle avait choisi de rester dans son sang séché et dans les restes de leur saleté. Ses doigts brûlaient. Elle désirait ardemment décaper sa peau jusqu'à ce qu'elle soit à vif. Elle s'accorda le luxe de se laver les mains. Seulement ses mains. Le reste, elle le laisserait sale, pensa-t-elle. Ils ne la toucheraient pas si elle était sale. Enhardie par son plan, Hermione commença à étaler la crasse du sol de sa cellule sur son corps, transformant sa peau pâle et maladive en un désordre boueux.

Au fil des jours, l'odeur qu'elle dégageait se dégradait.

     

Le plus grand des hommes masqués la saisit à la gorge dès leur arrivée. Il la tira vers lui, tandis que son autre main s'enroulait autour d'elle pour toucher le bas de son dos. Son masque froid lui entailla l'épaule avant qu'il ne se mette soudainement à hoqueter, reculant si vite qu'elle s'effondra à ses pieds. Alors qu'elle respirait de grandes bouffées d'air, il agita ses mains autour de son visage, comme pour chasser la puanteur.

"Espèce de sale garce ! Il s'étouffa.

 

Son compagnon, le plus trapu au ventre proéminent, lui asséna un coup de poing punitif au niveau du dos. La force de ce coup lui plaqua le torse au sol avant qu'il ne recommence à lui donner des coups de pied sans pitié.

Alors que les bords de sa vision commençaient à vaciller, elle vit le premier homme retrouver son calme, enfouissant la moitié inférieure de son visage dans le creux de son coude tout en sortant sa baguette.

Enfin, pensa-t-elle.

 

La paix l'envahit tandis qu'elle le regardait entre deux coups de pied. Ses yeux étaient rivés sur la baguette qui allait être son salut. Elle allait enfin être libre. Il pointa le bout de sa baguette vers elle tandis que l'autre Mangemort se tenait à l'écart. Elle ferma les yeux, un petit sourire se dessinant sur son visage, en attendant ces mots et un jet de vert.

" Récurvite ! " cria-t-il.

 

Instantanément, la couche de crasse qui recouvrait sa peau se dissipa. Elle le regarda avec confusion.

L'homme plus trapu fit un pas vers elle avant de reculer.

"Merlin, elle pue encore, putain ! Il cracha, ses yeux de fouine balayant la sorcière d'un regard dégoûté.

 

Le grand homme brandit sa baguette davantage .

" Récurvite ! " 

 

Une autre couche disparut, mais la puanteur demeura.

" Putain, c'est moi qui vais le faire ! ", s'emporta l'homme aux yeux de fouine en sortant sa baguette, " Récurvite !".

 

Elle sentait le sang, la saleté et la sueur se détacher d'elle par petites touches. Mais la boue était dans ses cheveux, collée à sa peau. Elle était tout autour d'elle, en elle. La boue coulait dans ses veines, après tout. Elle se mit à ricaner, d'abord en inspirant un peu d'air, puis en progressant vers un crescendo d'hystérie. Elle riait comme une folle, gloussant entre chaque frappe de magie.

"Ça ne va pas s'enlever", s'emporta l'homme bedonnant, "et elle n'en vaut pas la peine".

" Putain, elle est complètement folle ",dit l'autre avant de lever à nouveau sa baguette, " Je crois qu'on va passer au plan B ".

 

Le plus grand des deux grogna d'accord.

"C'était amusant tant que ça a duré ».

 

Elle ne vit jamais lequel d'entre eux l'avait fait, son corps se repliant dans un état délirant, mais en fin de compte, elle supposa que cela n'avait pas vraiment d'importance.

"Endoloris..."

 

Les rires se transformèrent en cris. Les cris se transformèrent en chuchotements.

Le feu brûlait la boue.

 

***

 

Les masques allaient et venaient.

Endoloris

Des pommes apparaissaient.

Endoloris

Rouge, rouge, rouge, rouge, rouge, rouge, rouge, rouge…

 

***

 

Elle cessa de manger. Elle laissait les restes s'accumuler sur le sol et les pommes restaient intactes jusqu'à ce qu'elles disparaissent quelques heures plus tard. Elle n'avait pas encore reçu une seule verte depuis le matin où les hommes avaient pénétré dans sa chambre et dans son corps pour la première fois.

Peut-être le vert était-il un avertissement. Peut-être n'était-ce rien du tout.

 

***

 

Son sang était en feu.

Ils lançaient des sorts tous les jours, s'alignant et se relayant comme ils l'avaient fait avec elle sur son lit de camp.

Mais plus personne ne la touchait.

 

Sale, dégoûtant Sang de Bourbe.

 

Elle hurla lorsqu'une nouvelle vague d'Endoloris la submergea.

Ses muscles se contractèrent, ses nerfs s'effilochèrent tandis qu'elle s'agrippait et griffait sa peau.

Le temps qu'elle avait passé avec Bellatrix lui paraissait désormais insignifiant. Au moins, avec elle, il y avait eu des pauses pour l'interroger. Il y avait une méthode à la folie, une raison à la cruauté.

Ici, il n'y avait aucune logique. Il s'agissait simplement de savoir qui la briserait en premier. Quel lanceur de sorts porterait le coup final qui anéantirait l'esprit de la plus brillante des sorcières de son époque ?

       

Cela restait à déterminer. Car elle tenait bon.

Elle utilisa chaque parcelle de force qu'elle avait et la comprima à l'intérieur, construisant une forteresse autour de son esprit. Elle ne céderait pas. C'était tout ce qui lui restait.

Elle pria donc entre chaque séance ; elle grommelait les mots entre deux gouttes de sang. Elle pria la magie de la protéger et de lui donner de la force. Elle pria pour sa santé mentale. Elle pria pour son âme.

Et lorsqu'ils partaient pour la journée, elle redessinait la rune de protection au-dessus du mur de son lit. Elle trempait ses doigts avec le sang de sa bouche, de ses larmes et de ses yeux, et l'étalait sur la pierre.

"Hécate" murmura-t-elle avec révérence, " Do ut des ».

 

Hermione s'agenouilla, posa ses coudes sur le bord de son lit et tourna ses paumes vers le plafond en une offrande silencieuse.

vers le plafond en une offrande silencieuse.

" Donne-moi la force, donne-moi la lumière, s'il te plaît... " elle étouffa un sanglot, " s'il te plaît, ne les laisse pas prendre mon esprit ".

"Animam protege" supplia-t-elle.

 

Hermione laissa les larmes couler librement pendant qu'elle priait, gardant ses paumes ouvertes longtemps après que le sang se soit écoulé de ses doigts.

"S'il te plaît, ne me laisse pas disparaître."

 


 

Chapter Text


Évasion


 

"Fais-le !" siffla le Mangemort masqué au jeune garçon.

Il se trémoussa brusquement, regardant entre sa baguette et Hermione comme pour trouver un moyen de se sortir de la situation dans laquelle il se trouvait.

"Je ne peux pas" balbutia-t-il, les yeux bleus brillants d'horreur sous son masque trop grand. Mais Hermione savait qu'il y arriverait. Ils finissaient toujours par y arriver.

Ce n'était pas chose courante, mais il arrivait que les Mangemorts amènent de nouvelles recrues dans sa cellule. Elle devinait que c'était une façon pour eux de prouver leur valeur, d'éliminer les faibles.

Le Seigneur des Ténèbres ne tolérait pas la faiblesse.

Le premier garçon, à peine âgé de treize ans, était venu sept fois avant d'être enfin capable de lancer un Endoloris convenable. Le suivant, vingt-trois fois, et encore, sa malédiction était si faible qu'elle ressemblait à des crampes musculaires bénignes.

Elle ne croyait pas qu'il survivrait.

Certains le maîtrisaient dès la première visite, d'autres mettaient plusieurs fois à le faire. Mais tous finissaient par y arriver. C'était elle ou eux et ils choisissaient toujours leur propre survie. Entre les séances hebdomadaires et les visites régulières des gardiens de prison, Hermione avait complètement perdu le compte du nombre de fois où elle avait subi le Doloris. Cela ne devenait pas plus agréable et ne faisait pas moins mal, mais étrangement, c'était devenu un peu plus... supportable.

Comme elle avait pu le constater par elle-même, le corps humain était capable de s'adapter. C'est ainsi que la race humaine avait survécu. Malgré l'absence de griffes, de dents acérées et de force brute, les humains avaient survécu pendant des centaines de milliers d'années, s'installant finalement au sommet de la chaîne alimentaire. Ils devinrent l'espèce la plus mortelle et la plus brutale qui ait jamais habité la Terre. Un accouchement pouvait durer des jours, entraînant la dislocation des hanches et une ouverture brutale, pour finalement se relever et marcher. Ceux qui perdaient la vue acquéraient une ouïe presque surhumaine, capable d'entendre des sons que d'autres ne pouvaient pas détecter et d'identifier des objets par le seul toucher. Lorsque des créatures magiques commencèrent à apparaître et à s'attaquer aux civilisations, d'une manière ou d'une autre et inexplicablement, les humains s'adaptèrent également à cette évolution. Ils donnèrent naissance à des êtres magiques qui, plus tard, réussirent à apprivoiser les créatures, à maîtriser leur magie et à fonder le monde des sorciers.

Hermione n'était pas différente. Elle s'était adaptée au froid, à la faim et à la saleté. Elle pouvait désormais supporter la douleur.

" Endoloris " sonna l'homme alors que son sort frappait la poitrine de la jeune femme.

Elle s'effondra sur le sol tandis que le feu traversait sa poitrine. Les muscles crispés, elle serra les dents face à l'assaut de la souffrance.

Hécate, donne-moi la force.

Hermione fixa ses yeux sur le mur, luttant contre les larmes tout en priant intérieurement. Lorsque le sort prit fin, elle relâcha le souffle qu'elle avait retenu.

"Maintenant, essaie", lui dit l'homme.

Hermione se crispa en entendant la voix brisée du garçon retentir.

" Endoloris ".

La malédiction frappa, déchirant ses terminaisons nerveuses.

Un autre Mangemort était né.

 

***

 

Encore du rouge.

Elle avait oublié la signification de cette couleur.

Les pommes avaient tendance à être rouges, n'est-ce pas ?

Elle mordit dans sa chair, en consomma jusqu'à la dernière miette, puis se remit à prier.

 

***

 

Hermione était inquiète. Ils n'étaient pas revenus. Pourquoi n'étaient-ils pas revenus ? Elle marchait frénétiquement dans sa cellule, tirant sur son uniforme en lambeaux. Combien de jours s'étaient écoulés ? Trois jours ? Quatre ? Ils venaient tous les jours. Au moins une fois. Toujours. Ses pensées se mélangeaient. La panique se nichait dans sa gorge. Il y avait une trame, une routine à laquelle elle s'était habituée. Elle n'aimait pas les changements brusques. L'attente était angoissante, de plus en plus douloureuse au fur et à mesure que ses forces revenaient. Maintenant, elle avait l'énergie nécessaire pour réfléchir. Elle ne voulait pas réfléchir. Elle ne voulait pas penser à autre chose qu'à la douleur qui lui servait de bouclier.

La douleur l'empêchait de se souvenir. Elle ne voulait pas se souvenir de la vie qu'elle avait eue. La vie qu'elle pensait avoir. La vie qu'il aurait pu avoir. Elle n'avait pas dormi, elle ne pouvait pas dormir sans l'épuisement que lui conférait la malédiction. Elle était restée allongée, se souvenant d'une tablée de cheveux roux, d'une bibliothèque remplie de livres et d'un fauteuil incliné dans le cabinet d'un dentiste. Elle se souvenait surtout de la nuance exacte de vert que portaient le regard de son ami.

C'était insupportable, suffocant, atroce. Elle ne pouvait pas continuer ainsi.

Sa chambre devint lentement trop chaude, trop lumineuse, trop. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur ses prières, ne pouvait s'empêcher de remarquer que son esprit n'arrêtait pas de faire tic-tac. Elle avait besoin de silence. Elle avait besoin de l'obscurité, du froid et de la douleur. Elle avait besoin de familiarité. Elle tituba jusqu'au mur de sa cellule, passant ses mains sur la pierre rugueuse en cherchant frénétiquement tout ce qui pouvait s'en détacher. S'agrippant à la roche ébréchée, elle creusa le mur. Ses ongles étaient cassés et saignaient tandis qu'elle creusait et tirait, avant de finalement saisir un fragment détaché et tranchant.

Sans hésiter, elle se taillada la poitrine, à l'endroit même où la malédiction l'aurait frappée. L'effet fut instantané. Son esprit s'éteignit immédiatement lorsqu'elle reçut la vive piqûre sur son sternum. Une autre entaille et sa vision se brouilla et s'assombrit. Une autre encore, et elle sentit à peine le sang couler le long de sa poitrine alors que le froid revenait. Hermione sombra dans le soulagement, respirant difficilement en regardant les dégâts qu'elle avait infligés. Profondes mais pas assez pour être fatales, trois lignes se croisaient entre sa clavicule gauche et son sein droit. Elle devrait être horrifiée par ce qu'elle avait fait. Elle aurait dû se sentir dégoûtée d'elle-même. Avoir honte. Mais la seule chose qu'elle ressentait était l'épuisement. Un doux oubli. Elle se traîna jusqu'à son lit de camp et s'endormit profondément. Son esprit était complètement vide.

C'est ainsi qu'Hermione prit l'habitude de se scarifier. Elle ne se remémorait pas son passé et ne pensait pas à son avenir.

Elle se contentait d'exister.

Et lorsqu'ils revinrent enfin et reprirent leurs tortures, elle s'en réjouit.

Ils se relayaient pour essayer de la briser, aucun d'entre eux ne se rendant compte qu'elle était déjà brisée.

 

***

 

Elle pouvait sentir l'alcool dans leur haleine depuis l'autre bout de la pièce.

"Non, non, tu ne t'y prends pas bien !" L'un des hommes derrière un masque bafouilla :

" Tu vois comme ça... " Il frappa le bras tendu du Mangemort qui lançait la malédiction avant de prendre sa place.

"Endo-loriiiis" hoqueta-t-il, une lumière rouge jaillissant de sa baguette et frappant Hermione. Son corps se crispa, ses muscles se convulsant sous l'effet de la malédiction.

Mais elle resta debout.

Il maintint le sort pendant plusieurs minutes avant de lâcher sa baguette, épuisé.

" C'est quoi ce bordel ? " s'exclama l'un d'eux.

" Essaye de t'approcher ! " Un autre renchérit.

L'homme épuisé se retourna avec colère :

" Elle pue, putain ! Rapprochez-vous si vous pensez pouvoir le faire !"

Le plus petit des cinq regroupés autour de la porte de sa cellule s'approcha d'elle, sa manche pressée contre son masque pour repousser la puanteur. Hermione pensa qu'un charme de tête en bulle aurait fait l'affaire, mais il semblait qu'ils n'étaient pas très doués pour résoudre les problèmes les plus élémentaires. Les Mangemorts qui dirigeaient la prison étaient au mieux malhabiles. Au fil du temps, Hermione continua à s'adapter, devenant consciente de ses geôliers pendant qu'ils la torturaient. Elle n'étouffait plus leurs voix par ses cris. Sa vision ne se brouillait plus, son corps ne s'effondrait plus. Et maintenant, semblait-il, ses jambes ne se dérobaient plus.

Elle observa leur comportement, leur lancer, leurs robes. Ils étaient impatients, leur lancer était puissant mais leur endurance insuffisante. Leurs masques reposaient sur leur visage, au lieu de s'y mouler. Surtout, elle remarqua que les hommes qui se trouvaient devant elle n'étaient pas les mêmes que ceux qui occupaient cette place quelque temps auparavant. Il semblait que l'armée de Voldemort avait une hiérarchie, et que ceux qui se trouvaient au bas de l'échelle commençaient leur service ici avant de monter en grade. Cela expliquait pourquoi les hommes masqués au début de sa capture étaient plus impitoyables dans leurs tortures. Leurs malédictions ne brûlaient pas, elles dévoraient. Ou peut-être était-ce simplement parce qu'elle y était maintenant habituée ? Elle n'en était pas sûre.

L'homme devant elle pressa la pointe de sa baguette au centre de sa poitrine, "Vois si tu peux gérer cette Sang de Bourbe" se moqua-t-il.

"Endoloris !"

La douleur était atroce. Elle l'avait toujours été, cela n'avait jamais changé. Mais elle était maintenant devenue familière. Son corps était secoué de spasmes, ses mains tremblaient. Mais lui aussi. Ses yeux injectés de sang se plissèrent lorsqu'ils rencontrèrent les siens, son regard d'ivrogne se renforça à force se concentrer. Il intensifia sa magie, sa main se crispant alors qu'il enfonçait la pointe de sa baguette dans les cicatrices de son torse. Elle resta debout et attendit que l'épuisement prenne le dessus. Elle attendait qu'il perde sa vigilance. Elle attendait que ses compagnons s'ennuient et retournent à leurs bouteilles.

Attendit.

Attendit.

Là.

 

Comme une balle, elle se déplaça, arrachant la baguette de sa main tremblante.

Ses yeux s'écarquillèrent de stupeur pendant une fraction de seconde, alors qu'il peinait à comprendre ce qu'elle avait fait. Elle aurait aimé le laisser là, en suspension dans ce moment où il découvrait avec effroi la situation. Mais elle n'avait qu'une brève opportunité et elle n'hésiterait pas. Elle n'hésiterait plus.

"Avada Kadava" siffla-t-elle, la lumière verte jaillissant de sa baguette. La poussée de magie était enivrante.

Elle avait oublié ce que cela faisait. L'afflux de magie dans ses veines, l'énergie bourdonnante qui bouillonnait dans sa poitrine. Alors que son corps s'écrasait sur le sol, les quatre ravisseurs restants tournoyèrent sur eux-mêmes, tâtonnant pour lever leurs baguettes. Leurs mouvements étaient lents, maladroits, faibles. Ils n'avaient pas appris à contrôler le tremblement de leurs mains raidies par le froid. Ils ne pouvaient pas voir les mouvements subtils dans sa cellule obscure. Ils n'avaient pas appris à maîtriser la peur.

Mais Hermione l'avait maîtrisée.

Elle les abattit tous d'un seul coup. Elle coupa leurs corps en deux et projeta leurs entrailles sur le sol de pierre. Leur sang peignit le mur, une magnifique fresque qu'elle détruisit quelques instants plus tard d'un puissant Bombarda. La prison trembla sous la pluie de pierres, et le fracas du métal résonna lorsque la porte de la prison se brisa. Hermione traversa le sang et la poussière et pénétra dans un couloir sombre. Elle se sentait grisée par le pouvoir. Plus que cela, elle était le pouvoir. La magie coulait en elle par torrents, la consumant tellement qu'elle ne pouvait distinguer si elle coulait depuis la baguette en elle ou d'elle dans la baguette.

Alors que le nuage se dissipait, elle vit une flopée de robes noires se précipiter au coin de la salle, leurs pas s'arrêtant pour admirer la vue qui s'offrait à eux.

"C'est une prisonnière !" Elle entendit l'un d'eux crier : " La prisonnière s'est échappée... " Elle le fit taire d'un Avada silencieux.

La lumière verte déclencha une avalanche de sorts, de malédictions et de maléfices qui illuminèrent le hall sombre dans des éclats de bleu, de rouge et de vert. Leurs baguettes étaient maladroites et elle détourna facilement la plupart de leurs sorts. Toute la magie qui avait été réprimée au tréfonds d'elle-même chantait à chaque fois qu'elle lançait un sort. Un Confringo projeta un homme contre le mur, lui fracassant le crâne. Un Sectumsempra en déchiqueta un autre en lambeaux.

"Avada Kadava ! "Endoloris ! "Expelliamus ! "Bombarada !

Hermione abattit chaque homme sans pitié, canalisant toute sa rage et sa douleur dans chaque malédiction. Elle ne faiblit pas, même lorsque les renforts arrivèrent et encombrèrent le couloir maculé de sang, enjambant les corps de leurs camarades à mesure qu'ils avançaient vers elle. Elle ne recula pas lorsqu'ils se rapprochèrent, ne vacilla pas lorsqu'un Endoloris la frappa à l'épaule. Elle continua à maudire, à jeter des sorts et à bloquer, concentrée uniquement sur l'envie de tuer.

Tuer. Tuer.

Elle ne broncha pas lorsqu'un sort meurtrier manqua de peu son cou, ne réagit pas lorsqu'une pluie de pierres s'abattit autour d'elle. C'était ce à quoi elle s'était accrochée. Ce qu'elle avait attendu, ce pour quoi elle avait survécu, ce pour quoi elle s'était adaptée. Une chance de se venger, même si elle savait qu'elle serait de courte durée, même si cela lui coûterait la vie. Elle leur ferait payer.

Elle abattit un autre homme, dont les lèvres laissèrent échapper un cri d'agonie. Un autre homme gargouilla lorsque son sort lui trancha la gorge.

Un autre homme tomba.

Un autre. Un autre.

Un autre.

"Ne cherchez pas à tuer !", dit une voix, "le Seigneur des Ténèbres la veut vivante !".

L'air quitta la poitrine d'Hermione.

Voldemort la voulait vivante ?

Ces mots coupèrent court à sa soif de sang, ne s'imposant qu'un bref instant.

Mais un instant, c'était tout ce dont il avait besoin.

L'homme qui avait donné l'ordre frappa, la désarmant d'un Expelliamis et l'enfermant dans un sortilège de verrouillage avant même que sa baguette n'ait fini de s'envoler de sa main. Hermione s'effondra sur le côté, se fracassant la tête sur le sol. Le rugissement de la magie et du sang s'estompa pour laisser place à un tintement aigu. Les corps déchiquetés sur le sol se multiplièrent et se chevauchèrent dans sa vision, pour finalement se fixer sur une paire de bottes solitaire qui se dirigeait vers elle à travers le carnage

"Dégagez de mon chemin !" ordonna-t-il, en passant à travers la masse de chair et d'os.

Le monde de la jeune femme bascula lorsqu'il saisit brutalement les cordes qui la liaient, arrachant son corps mou du sol par la poitrine et la jetant à genoux.

Il rengaina sa baguette et lui saisit brutalement les joues, lui tirant la tête d'un côté à l'autre et embrouillant ce qu'il restait de son cerveau.

"Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?" Siffla-t-il, ses doigts s'enfonçant dans les vieilles cicatrices de son visage, "Qui a fait ça ?"

Elle essaya de croiser son regard, mais des points rouges brouillèrent sa vision. Elle avait des mots sur le bout de la langue, mais ils s'évanouirent lorsqu'une vague de nausée s'empara d'elle. Elle ne parvint qu'à pousser un faible gémissement.

Hermione se balança sur ses genoux tandis que l'homme relâchait sa poigne de fer, la magie noire s'échappant de lui par vagues.

"Elle était censée rester intacte. En bonne santé !", lança-t-il, les mots chargés de venin ne laissant aucune place au doute quant au fait qu'il s'agissait d'un homme aux commandes, "Elle est pour le Seigneur des Ténèbres ! Elle est pour le Seigneur des Ténèbres ! Pas un jouet avec lequel vous pouvez vous amuser !

" Seigneur " répondit faiblement une voix, " nous nous excusons, nous ne savions pas qu'elle était importante pour le Seigneur des Ténèbres "

L'homme laissa échapper un rire moqueur, "Quoi ? Vous pensiez que son placement dans une cellule à l'écart des Détraqueurs était une simple formalité ? Il l'a sauvée, sauvée pour quelque chose qui se passera dans quelques jours et c'est dans cet état que je suis censé la ramener ?!"

Il fut accueilli par un silence, la peur recouvrait l'air si épais qu'Hermione aurait juré qu'elle pouvait la sentir. Il dégaina sa baguette et projeta l'homme le plus proche contre un mur dans un craquement écœurant. Hermione laissa retomber son regard sur la mare de sang qui ne cessait de croître sous elle, sa tête étant trop lourde pour qu'elle puisse rester debout.

"Toi !" aboya-t-il, "Réponds-moi !"

"Je suis désolé Commandant, nous ne savions pas !" répondit une voix tremblante, "Le directeur n'a jamais mentionné..."

" Nous avons ordonné au directeur de laisser cette fille tranquille il y a plus d'un an ! Qu'elle était trop importante et trop dangereuse pour qu'on entre en contact avec elle, ce qui est clairement démontré par le fait qu'elle a failli s'échapper aujourd'hui !" rugit le commandant.

"Le directeur ne nous l'a jamais dit, il nous a dit que nous pouvions avoir la fille tant que nous ne...

"Depuis combien de temps cela dure-t-il ? Le commandant l'interrompit froidement, faisant monter la tension dans la pièce.

"Je... ah, mon commandant ?", répondit l'homme, confus.

"Les instructions étaient claires, alors quand est-ce que ça a commencé ?" demanda-t-il avec un calme absolu.

"Monsieur, il..." la voix de l'homme se brisa, "à ma connaissance, cela ne s'est jamais arrêté".

Silence.

La prison était suspendue dans le silence, il n'y avait pas de bruissement de robes ou de mouvements de jambes alors que les gardes attendaient. Personne ne se risquait à bouger.

"Avada Kadava

Hermione entendit un bruit sourd. Les bottes en peau de dragon se tournèrent vers elle.

 

Le commandant la surplombait, pointant sa baguette sur la chair exposée au-dessus de la ceinture de son pantalon. Une douleur fulgurante éclata sur sa peau, l'odeur de la chair brûlée pénétrant ses narines. Hermione réprima un gémissement et se détourna de la baguette pour échapper à la brûlure.

Aussi vite qu'elle avait commencé, la brûlure s'arrêta. Le Commandant déplaça sa baguette, marmonnant un sort de guérison rapide à la tête de la jeune femme. Alors que la douleur s'estompait et que sa vision commençait à se rétablir, elle jeta un rapide coup d'œil à l'homme qui l'avait à la fois sauvée et condamnée, mais elle ne vit que la capuche noire familière et un masque d'argent.

"Augmentez ses repas, je veux qu'elle soit capable de se tenir debout lorsque je l'amènerai au Seigneur des Ténèbres" ordonna-t-il, "Enlevez les corps, nettoyez cette merde et ramenez-la dans sa cellule. Je reviendrai la chercher dans quelques jours.

Il désigna d'un geste la marque sur sa peau exposée, "Elle est pour le Seigneur des Ténèbres, lui faire du mal est une insulte directe et vous finirez comme vos camarades ici", illustra-t-il d'un coup de pied sec sur l'un des cadavres qui gisaient sur le sol.

"Maintenant", dit-il en essuyant le sang de ses gants sur la robe d'un garde muet, "conduisez-moi au directeur".

 

***

 

Hermione baissa avec précaution la ceinture de son pantalon pour examiner la marque, une boule se formant dans sa gorge alors qu'elle posait les yeux sur la chose laide et ignoble gravée dans sa chair. C'était plus qu'une marque, c'était une revendication. Voldemort l'avait revendiquée et dans quelques jours, il la réclamerait.

Cela ne faisait qu'un jour qu'elle était retournée dans sa cellule, que la porte et le mur avaient été réparés, que le sang et les corps avaient disparu. Il n'y avait qu'un jour depuis qu'elle avait senti la magie bourdonner dans ses veines, qu'elle avait senti le pouvoir qui lui avait offert un bref moment de liberté. Un jour seulement avec trois repas intacts, pas de visiteurs et pas de douleur. La douleur la démangeait. La douleur effaçait tout. Elle n'aurait plus à penser à ce que Voldemort pouvait lui vouloir, ni à la façon dont elle avait été proche de la liberté, pour qu'elle lui soit enlevée. Ils lui avaient déjà pris tant de choses. Ses amis, ses parents, sa maison. Quand elle était arrivée ici, ils lui avaient pris sa liberté, sa santé mentale, son putain de nom. Ils avaient transformé son corps en os, qu'ils lui avaient ravi à leur tour.

Ses larmes coulèrent à flots alors que le chagrin se transformait en rage. Elle se leva et sortit de son lit. Elle tendit la main vers son mur, tâtonnant le long de la pierre jusqu'à ce qu'elle trouve le fragment de roche tranchant qui lui était familier. Elle l'arracha avant de retourner à l'évier en trébuchant. Sa respiration laborieuse embrumait le miroir tandis qu'elle s'agrippait aux bords de l'évier. Elle s'appuya lourdement pour se maintenir debout, ses ongles écorchés s'enfonçant dans la porcelaine. Sa respiration était saccadée, d'épuisement ou de fureur, elle ne pouvait le dire. Fixant son reflet, elle traça les contours nets de son corps meurtri. S'attardant sur les marques. Leurs marques. Le Sang de Bourbe gravé sur son avant-bras. la malédiction de Dolohov sur ses côtes, le tatouage de la prison sur son cou, les bleus et cicatrices. Les seules marques de réconfort présentes étaient celles qui s'entrecroisaient sur sa poitrine. Celles qu'elle avait gravées elle-même dans un acte de désespoir. Mais ses marques n'éclipsaient pas les leurs.

De toutes, c'était la Marque des Ténèbres qui ressortait le plus. Son large crâne était gravé près de sa taille, la tête du serpent se faufilant jusqu'à sa hanche droite. Gravée dans l'os de la hanche. Impossible à effacer.

"Elle est pour le Seigneur des Ténèbres"

Elle serra la pierre plus fort, sentant la chaleur du sang qui se répandait dans sa paume. Elle était Hermione Granger. La sorcière la plus brillante de son époque. Elle était bien plus qu'une Sang de Bourbe. Une prisonnière. Une propriété. Elle se retourna pour se regarder par-dessus son épaule. Son dos était meurtri et écorché, mais sans cicatrice. Ils ne l'avaient pas marquée ici. Passant la main par-dessus son épaule, elle enfonça sans hésiter la pointe acérée de la pierre entre ses omoplates. La position était inconfortable, mais elle transperça sa peau. Une douce souffrance s'empara d'elle, apaisant son esprit. Elle se mit à prier, comme si elle chantait une berceuse oubliée depuis longtemps.

"Hoc est corpus meum, hic est sangria meus".

Elle commença à sculpter le haut de la courbe avant de changer de position pour tracer le long de son dos. Son bras passant sous son aisselle, elle s'efforçait de raccorder les entailles dans sa peau.

" Do it des ".

Elle respirait bruyamment.

"Animam meam

Le sang dégoulinait le long de son dos, recouvrant ses mains et l'obligeant à réajuster sa prise.

"Luce absente, obscuritas obtinet Ego te provoco

"Dele malum

"Caedite eos

 

Elle accueillit la douleur, la chaleur des blessures et celle de son sang. Alors que ses jambes tremblaient et que son corps s'agitait, sa main restait stable.

"Omria mea mecum porto"

"Sine nomine

"Sine metu

"Serviam

 

Sa prière devint fébrile, les mots se déversant sans retenue à mesure que sa rage grandissait. "Semper fortis

"Semper maior

"Semper ardens !

"Faciam quodilbet quod necesse est !"

 

Elle creusa son empreinte profondément, raclant l'os et parcourant sa colonne vertébrale, sans même émettre un gémissement alors qu'elle poursuivait son chant.

"Protege dilectos meos

"Requiem qeternam dona eris

 

Les larmes ruisselaient sur ses joues sales, s'écoulant jusqu'au sang.

"In manus tuas commendo spiritua meum

"Nec spe, nec metu

"Mors mihi lucrum

 

Ses forces commençaient à faiblir alors qu'elle taillait la dernière partie de sa chair, mais elle ne s'arrêta pas. "Post tenebras lux

C'est ce qu'elle revendiquait.

"Non omnis morriar"

C'était son rappel.

"Cedere nescio

Sa promesse.

"Ab aeterno ! Ab intra ! Resurgam !"

La sienne.

"Ex luce ad tenebras ! Resurgam !"

 

Elle laissa tomber la pierre dans l'évier. Elle respira profondément en s'efforçant de rester debout. Elle attrapa ses chiffons depuis longtemps inutilisés et commença à essuyer délicatement ses plaies rouges sur son dos. Elle pressa le tissu humide sur les lésions pour enrayer l'hémorragie. Elle laissa des rivières de sang couler le long de ses fesses et de ses jambes, nettoyant simplement ce qu'elle pouvait pour faire apparaître sa blessure. Appréciant son travail avec une satisfaction morbide, Hermione éprouva un sentiment de paix. Elle avait repris le contrôle de la situation. Son corps lui appartenait toujours. Il obéissait à ses ordres, se pliait à sa volonté. Il était plus faible, plus mince et plus abîmé. Mais il lui appartenait toujours. Ils pouvaient le violer, le briser même, mais ils ne pouvaient pas le posséder.

Elle ne laisserait pas Voldemort s'en emparer.

Elle s'effondra sur la pierre froide, épuisée, ou peut-être était-ce la perte de sang, pensa-t-elle. Quoi qu'il en soit, elle ne pouvait se résoudre à y accorder de l'importance. Elle resta nue dans une étendue de sang, s'abandonnant au sommeil.

Les cauchemars ne l'atteignirent pas cette nuit-là.

 

***

 

Hermione sentit une énergie électrique vibrer dans la prison. L'activité s'était intensifiée depuis la visite du commandant. Elle entendait des bruits de pas incessants, des cris de prisonniers et des cliquetis de chaînes. On aurait dit que toute la prison bougeait, se préparant à quelque chose qu'elle ne pouvait pas voir au-delà de ses quatre murs.

Il lui restait un jour. Elle s'était dit qu'elle la passerait peut-être en paix, dans le calme avant la tempête. Mais cette pensée fut anéantie lorsque quatre gardes entrèrent brusquement dans sa cellule.

L'anticipation et l'excitation émanaient des hommes qui s'élançaient vers elle

"Tu as tué nos amis Sang de Bourbe", siffla l'un d'eux, "il est temps de payer".

L'effroi se noua en une masse enroulée et s'enfonça dans son estomac tandis qu'ils la hissaient sur ses pieds.

Ils ne la frappèrent pas. Ils ne lui donnèrent pas de coups de poing dans la chair. Cette fois, ils la firent sortir de sa cellule.

Pas vers Voldemort, mais vers le Gardien

 

***

 

Quelques minutes ou quelques heures plus tard, Hermione fut renvoyée dans sa cellule pour attendre le commandant. À attendre qu'on vienne la chercher et qu'on la remette à Voldemort. Attendre quelque chose qu'elle savait être pire que la mort.

     

Il y avait beaucoup de choses pires que la mort.

Elle pensait les avoir toutes vécues. Elle pensait s'y être adaptée. Elle pensait pouvoir y survivre.

Elle se trompait.

C'est ce que le directeur lui avait appris.

Lorsque les gardes quittèrent sa cellule, refermant la porte, Hermione s'effondra sur son lit de camp.

Le chagrin l'envahit et les vannes qui retenaient les derniers morceaux de son âme s'ouvrirent.

Elle hurla contre l'univers. À la magie. Contre Dieu.

 

Incapable de supporter la douleur dans son esprit, Hermione sauta dans l'obscurité, basculant dans le Néant. Elle rassembla les derniers morceaux d'Hermione Jean Granger et les laissa partir. Elle sentit quelque chose au plus profond d'elle-même basculer tandis que son âme mourait. Puis elle ne ressentit plus rien du tout. Une vague de calme l'envahit, faisant taire ses sanglots. Sa respiration irrégulière et ses mains tremblantes s'arrêtèrent. Une enveloppe silencieuse l'enveloppa chaleureusement, ne laissant rien d'autre que le léger son aigu du silence. Son cerveau se mit à vrombir d'un courant électrique. L'électricité statique rayonnait de sa poitrine jusqu'au bout de ses doigts. Du sommet de sa tête à la pointe de ses orteils, elle bourdonnait tandis qu'elle se levait lentement de sa position accroupie.

Hermione fit des pas lents et élégants vers le mur du fond. Son mur. Celui qu'elle avait examiné presque chaque nuit d'insomnie et chaque journée interminable. Un endroit qui la réconfortait sans autre raison que sa familiarité. Le motif dentelé de la roche contre la roche qu'elle avait tracé si minutieusement qu'elle pouvait encore le voir en fermant les yeux. Les taches de moisissure qu'elle voyait croître et se multiplier. Les gouttes d'eau qui s'accumulaient et tombaient sporadiquement. Elles rencontraient le sol dans un léger plop. Mais aucun son ne lui parvenait à travers les parasites de ses oreilles. Le bruit sourd et retentissant de chaque battement de son cœur. Elle regarda sa main se tendre vers le mur, cherchant quelque chose qu'elle ne connaissait pas, comme si elle n'était qu'une simple spectatrice. Son corps était une marionnette tirée par des ficelles auxquelles elle n'était pas reliée. Lorsque sa paume se referma sur le fragment de roche familier, elle ne le sentit même pas épouser sa peau.

Hermione Granger n'était pas une personne. Elle était morte et enterrée dans une petite boîte, quelque part sur un autre plan d'existence. Elle n'était plus qu'un corps creux, rempli d'un besoin puissant, terriblement dévorant. Réduite à un besoin si primaire qu'il dépassait la programmation de base du corps humain. Tout ce qu'elle avait été, tout ce qu'elle était et tout ce qu'elle pourrait être était écrasé sous ce poids. Elle regarda ses doigts s'agripper à la pierre déchiquetée. La pointe la plus acérée contre sa chair délicate. Elle ne réfléchit même pas lorsqu'elle trancha l'intérieur de son poignet. Déchirant sa chair de la paume jusqu'au coude. Les veines se fendaient et éclataient comme des sangsues gonflées. Ses artères déversèrent des flots de sang rouge. Elle observait tout cela avec un détachement clinique. Lorsqu'elle commença à tailler son autre poignet, ses nerfs crachèrent du feu. Mais cela ne suffit pas à la sortir de sa torpeur. Il n'y avait rien de plus. Rien d'autre. Pas une seule pensée ou émotion dans sa tête tandis qu'elle faisait glisser la pierre sur sa peau. La lame dévia sur le côté, sans pouvoir suivre une trajectoire linéaire, tandis que la main qui maniait l'outil fléchissait à cause de la rupture de ses tendons.

La pierre heurta le sol en contrebas. Un léger bruit sourd et humide se fit entendre lorsqu'elle éclaboussa la piscine qui s'élargissait rapidement à ses pieds. Elle regarda de loin ses bras qui retombaient mollement le long de son corps. Elle contempla le liquide rouge qui imprégnait son pantalon et éclaboussait ses orteils. Une question surgit faiblement dans son esprit.

Et maintenant ?

Un tunnel sans rien de part et d'autre la conduisait à cet acte final, elle n'avait pas pensé à autre chose. Se balançant sur ses pieds, Hermione trébucha jusqu'à son lit, traçant une rune de protection avec son sang sur le mur de pierre au-dessus de son lit.

Une dernière prière pour les êtres chers qu'elle allait laisser derrière elle.

Elle se blottit sous sa couverture tandis que sa tête tournoyait sans fin. Ramenant ses bras de chaque côté, elle tourna ses poignets mutilés, paume vers le haut, en guise d'offrande finale. Expirant un profond soupir de soulagement, elle se mit à sombrer dans le vide. Ce n'était pas la mort qu'elle avait prévue, une mort pleine de magie, de rage et de vengeance, mais peut-être que celle-ci ferait l'affaire. Disparaître discrètement dans l'obscurité. Non pas dans un flamboiement de gloire, mais dans le dernier scintillement d'une chandelle consumée trop lentement. Une évasion silencieuse.

La tranquillité fut rompue lorsque la porte de la prison s'ouvrit avec fracas. Un seul Mangemort se dirigea vers son chevet. Elle vit les yeux derrière le masque scruter ses traits paisibles, peinant dans l'obscurité tandis qu'il l'examinait. Elle jura avoir vu un éclair de quelque chose d'indéchiffrable tandis que ses yeux dérivaient mollement vers les siens. Mais ce qui s'y trouvait se transforma rapidement en glace au fur et à mesure qu'ils se rencontraient. L'obscurité de la pièce peignait ses yeux en noir, scintillant dangereusement tandis qu'il se redressait, l'évaluant d'un air ennuyé.

" Je suis venu te chercher, Sang de Bourbe " annonça le commandant.

Hermione ne bougea pas. Le corps qui se profilait au-dessus de son lit de camp ne la dérangeait pas cette fois-ci. Il ne pouvait plus rien lui faire. Rien qu'ils n'aient déjà fait.

"Réveille-toi, réveille-toi" chanta-t-il d'un ton menaçant, "Lève-toi et brille !"

 

Ses yeux se portèrent sur le mur derrière elle. Elle ne réagit même pas lorsqu'il se pencha sur elle pour inspecter la rune de protection bâclée encrée dans le sang.

"La magie du sang ne fonctionnera pas ici Sang de Bourbe" gloussa-t-il. "Surtout pas avec cette boue immonde qui coule dans tes veines".

Il donna un coup de pied sur le côté du lit de la jeune fille en tournant sur lui-même. Le cliquetis du cadre métallique s'estompa. Elle était si fatiguée.

Le commandant commença à faire les cent pas dans la pièce, marmonnant des sorts de détection et examinant l'espace exigu.

"Je suppose que tu seras contente de sortir d'ici" ricana-t-il en fouillant les murs de sa cellule, "Allez ! Allez, bouge-toi !"

Hermione resta immobile, sa voix semblait lointaine. L'odeur métallique du sang n'était plus présente dans l'air.

Une chaleur agréable semblait se répandre dans sa poitrine.

Elle pouvait sentir le printemps.

 

We all live in a yellow submarine,

 

Des points lumineux dansaient dans le coin de sa vision. Et elle se rendit compte que la dureté de son lit de camp ne s'enfonçait plus douloureusement dans son dos.

A yellow submarine..

 

Elle remarqua de loin qu'il avait cessé de faire les cent pas. Le bruit de faibles gouttes humides tombant perça le silence. Sonnant dans la pièce sombre.

Ses pas lourds se dirigeaient vers son lit.

A yellow submarine..

 

Il resta immobile, humant l'air.

Elle entendit un bruissement de robes et le cliquetis d'un objet tombant sur le sol. Le bruit du métal roulant sur la pierre s'estompant, elle se mit à flotter.

We all live in a yellow submarine,

 

Ou peut-être qu'elle nageait. Enfant, elle adorait nager. Ses parents l'emmenaient tous les samedis à la piscine municipale.

Il y a eu un nouveau reniflement. Plus longtemps cette fois. Est-ce qu'ils perçoivent l'odeur du chlore ?

A yellow submarine..

 

Une voix se fit entendre au loin et une lueur plana au-dessus d'elle.

Elle fixa la lumière à travers des paupières lourdes, percevant vaguement qu'une silhouette se tenait derrière, baguette tendue. Son masque avait disparu, mais son visage était obscurci par la lumière de sa baguette.

A yellow submarine..

 

"Qu'est-ce que tu as fait, putain ?" sifflèrent-ils en arrachant la couverture détrempée de la jeune fille pour révéler le lit de camp trempé de sang.

"Non", souffla-t-il. Le son était étranglé.

La natation. Elle adorait nager.

We all live…

 

Quelqu'un commença à déchirer ses vêtements. Ils juraient en se hâtant de lui arracher le tissu déchiré de ses bras. La magie recouvrait l'air tandis que les sorts étaient lancés les uns après les autres.

"Non, non, non, non", suppliait-il

Peut-être que si elle atteignait le fond cette fois-ci, ses parents l'emmèneraient manger une glace. "Gra- Herm-

Fraise ou cookies et crème ?

"Je ne peux pas... PUTAIN"

… In a yellow submarine..

 

"Reste avec moi, d'accord ?"

Quelle belle journée. L'eau était parfaite.

"Aller chercher de l'aide..."

Des mains chaudes lui enserrent les poignets.

A yellow submarine…

 

"Il arrive. Les secours arrivent, d'accord ? Tiens bon..."

Elle adorait nager.

A yellow submarine.

 

"FAITES QUELQUE CHOSE !"

…Submarine…

Il y eut un mouvement au-dessus de la rivière. Une autre voix s'adressa à la première.

We all live…

Les sons graves étaient familiers.

Apaisante.

"Laissez-la partir"

.... in a…

 

Les ondulations de la lumière du soleil dansaient à la surface, s'estompant de plus en plus. Les sons des sanglots se réduisirent à un bourdonnement sourd.

Elle regarda les dernières bulles d'air s'échapper de sa bouche alors qu'elle commençait à couler.

….yellow...

Couler.

Couler.

Couler.

Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'elle et l'obscurité.

…..

 

Son dos rencontra une poitrine chaude et solide. Des bras l'enveloppèrent dans une étreinte. Et puis le monde se divisa en deux.

 


 

Chapter Text


Ami


 

Trois ans plus tard.

 

"Échec et mat ", déclara Hermione à demi-mot en attrapant la cuillère à café représentant la Tour. Elle renversa la canette de Coca vide et défraîchie et adressa un faible sourire à Darryl.

Il resta aussi silencieux que d'habitude, haussant les épaules comme pour dire "oui, d'accord, je te la concède".

Elle rassembla toutes les pièces rustiques de leur échiquier de fortune, un simple carré à damier gravé sur le sol en pierre de sa cellule. Elle n'était éclairée que par la petite fenêtre de sa cellule et par la lanterne rouillée posée à ses pieds. Tout en disposant l'échiquier pour jouer de nouveau, elle fit soigneusement l'inventaire de ses pièces d'échecs. Deux cuillères à café, une canette de coca, une tasse ébréchée, deux dents, quatre emballages de bonbons, huit vis, une bague de fiançailles, un petit Hercule en plastique, un paquet de frite de McDonald's et tout un tas de coquillages et de pièces de monnaie. Elle commença à déposer les objets avec soin, en veillant à placer Hercule dans la section Chevalier de son carré sombre. Hermione était une créature d'habitude, car qu'elle gagne ou qu'elle perde, elle commençait toujours la partie par le Chevalier.

Darryl n'avait jamais semblé s'inquiéter qu'elle prenne le premier tour, il était simplement heureux de jouer. Enfin, heureux n'est pas exactement le bon mot, car il n'a jamais manifesté la moindre émotion. Hermione n'était même pas sûre qu'il puisse exprimer son bonheur, étant donné que Darryl était un Détraqueur.

"Tu es prêt ?" lui demanda-t-elle en faisant un geste vers le jeu en contrebas.

 

Ses orbites vides fixaient les siennes tandis qu'il s'asseyait en tailleur sur le plateau de jeu, sa robe se gonflant tandis qu'il planait juste au-dessus du sol. Il tendit son index vers elle, dévoilant son doigt griffu, semblable à un cadavre. Darryl posa son doigt sur son genou exposé, sa chair molle cristallisant instantanément de la glace à l'endroit où leurs peaux se rencontraient. Il la regarda, les yeux fixés sur son visage, et fit signe à Hermione de commencer la partie. Elle commença par le chevalier en H3, comme à son habitude, et ils commencèrent à jouer à un rythme lent et régulier. Chacun à leur tour, ils réfléchissaient et élaboraient des stratégies pour leurs prochains mouvements tandis que le plateau commençait à se vider.

Darryl était une créature étonnamment intelligente.

Sa première rencontre avec son espèce en troisième année avait été terrifiante. Il lui semblait que toutes les descriptions qu'elle avait lues à leur sujet n'étaient rien en comparaison de la réalité. En leur présence, l'impression de malheur et de désespoir était écrasante. Le froid qu'ils dégageaient la transperçait jusqu'à l'os. Darryl, quant à lui, ne faisait que baisser la température de quelques degrés lorsqu'il lui rendait visite. Mais le désespoir et le froid étaient depuis longtemps devenus ses amis, et avec le temps, Darryl aussi. Il n'y avait pas beaucoup de possibilités d'amitié à Azkaban, puisqu'ils en étaient les seuls occupants. Les Mangemorts étaient partis depuis longtemps, et comme il n'y avait plus de prisonniers en vie, les Détraqueurs avaient disparu l'un après l'autre. En tant qu'êtres immortels, ils ne pouvaient pas être tués. Au lieu de naître, ils se développaient comme un champignon dans les endroits les plus sombres, mais personne ne savait s'ils pouvaient mourir naturellement ou non. La raison pour laquelle ils ne le savaient pas était peut-être que personne ne s'était jamais approché suffisamment près pour observer le genre de Darryl dans son environnement naturel. S'en approcher, ce serait s'engager sur la voie de la mort ou de la folie. Certains jours, elle se demandait si Darryl existait vraiment, ou s'il n'était qu'une invention de son esprit brisé.

On supposait généralement qu'ils ne pouvaient pas voir non plus, étant donné qu'ils n'avaient pas d'yeux. Pourtant, Darryl voyait tout, elle ne pouvait rien lui cacher, surtout pas aux échecs. Il avait d'innombrables occasions de se nourrir de ses bons souvenirs. Et pourtant, il ne le faisait jamais. Peut-être était-ce parce qu'elle n'avait plus rien à donner ou peut-être qu'il la considérait vraiment comme une amie. Peut-être était-ce les deux. Mais Hermione préférait penser que c'était la seconde hypothèse.

Azkaban avait été un puits de souffrance, de torture et de pâturage. Criblé de Détraqueurs, de prisonniers et de Mangemorts. Aujourd'hui, Azkaban était un bâtiment vide et silencieux sur une île de la mer du Nord. Avec son unique prisonnier et son gardien originel qui passait le temps en jouant aux échecs.

"Merde" dit Hermione quand Darryl prit la bague de fiançailles, la tenant entre ses doigts osseux et la lui jetant au visage.

"Je suppose que tu as gagné cette manche" marmonna-t-elle tandis qu'il plaçait sa reine sur ses genoux. Elle sourit faiblement à ce geste, se souvenant de leur première rencontre.

 

Lors d'une des nombreuses nuits qu'elle avait passées seule et dans le froid, elle s'était réveillée avec une figurine d'Hercule en plastique posée à côté d'elle. Comme il n'y avait pas d'autres occupants dans la prison et qu'il n'y avait pas d'autre explication rationnelle à la présence de cette figurine dans sa chambre, Hermione était déconcertée. Elle se dit qu'elle avait dû perdre la tête jusqu'à ce que des objets aléatoires commencent à apparaître dans tous les coins de sa cellule pendant qu'elle dormait. Des capsules de bouteilles, des hameçons, une autre couverture sale et déchirée, et même une baguette cassée qu'elle avait essayé de réparer sans succès.

C'est un tintement qui la réveilla en cette nuit fatidique. Elle ouvrit les yeux sur une lanterne au-dessus de sa tête et sur une bague de fiançailles qu'on lui présentait. L'opale noire incrustée au centre de l'anneau faisait scintiller un kaléidoscope de couleurs lorsqu'elle reflétait la lumière. Figée par le choc, elle prit timidement l'anneau. Il resta un instant au-dessus d'elle, semblant s'assurer qu'elle avait accepté son cadeau, avant de se faufiler entre les barreaux de sa fenêtre.

Par la suite, il commença à lui apporter toutes sortes de babioles à tout moment de la journée. Il s'arrêtait pour évaluer sa réaction avant de s'éclipser. Avec le temps, elle commença à s'attendre à ses visites et à les attendre avec impatience.

Elle essayait de faire des demandes.

"J'ai besoin d'un oreiller", lui dit-elle. Il resta immobile. Elle ajouta : "S'il te plaît".

Le lendemain, il le fit. Il était vieux et moisi, mais c'était tout de même un oreiller.

" Pourrais-je avoir une brosse à dents, s'il te plaît ? " demanda-t-elle plus tard.

 

Il lui en apporta quatre, ainsi qu'un peigne cassé. Note, pensa-t-elle. Le peigne n'était cependant pas à la hauteur des cheveux en pagaille sur sa tête et se brisa en morceaux dès le premier essai.

Elle demanda toute une série d'objets. Elle en obtint certains. D'autres fois, il revenait avec quelque chose d'entièrement différent. Une fois, il revint avec un ticket de réduction jauni pour un endroit appelé "Darryl's Donuts". Hermione décida donc de l'appeler Darryl, en choisissant de l'appeler "il", même si elle était presque sûre que les Détraqueurs n'avaient pas de genre ou de sexe. Darryl n'ayant pas manifesté d'aversion pour son nouveau nom ou son identité sexuelle, le nom resta.

Au bout d'un certain temps, elle trouva enfin le courage de demander une autre baguette. Il revint avec plusieurs baguettes cassées, à sa grande frustration. Elle demanda un Portoloin, il lui donna une boucle d'oreille en perle qui n'en était pas une. Elle demanda des objets pour se réchauffer, comme une couverture plus épaisse, un pull ou un chauffage au gaz, mais il revint avec une vieille serviette et une simple lanterne, la tête baissée en signe d'excuse. Lorsque Hermione eut fini de lire tous les livres que Darryl avait rassemblés pour elle, dont aucun n'était particulièrement utile, elle fit quelque chose qu'elle n'aurait jamais pensé faire.

Hermione Granger brûla ses livres.

Elle arrachait une page à la fois et la brûlait à la flamme de sa lanterne. Elle appréciait le bref moment de chaleur et de lumière avant que la flamme ne s'éteigne. Et lorsque toutes les pages avaient disparu, elle brûlait également les couvertures. Tout ce qui pouvait servir à brûler, elle le brûlait. Mais, à défaut de papier, la plupart des choses étaient trop humides à cause des années de pourriture pour s'enflammer, si bien que sa phase pyromane fut brève.

Hermione finit par comprendre qu'il récupérait ses livres et ses cadeaux à l'intérieur de la prison. Il récupérait des objets sur les corps de ceux qui avaient été capturés ou sur les prisonniers de longue date d'avant la guerre. Il lui apportait tout ce dont il pensait qu'elle aurait besoin ou qu'elle voudrait. Malheureusement, ces objets ne contribuaient guère à améliorer sa qualité de vie ou à l'aider à recouvrer la liberté. Azkaban ne fut jamais un endroit où l'on pouvait s'offrir ce genre de petits luxes.

Avant la guerre, les prisonniers arrivaient des cellules du ministère avec le strict nécessaire. Ils venaient ici pour mourir, et n'avaient généralement pas l'intention d'y rester longtemps. Il y avait bien sûr des exceptions notables. Bellatrix Lestrange avait survécu parce qu'elle n'avait pas vraiment d'âme au départ, et Sirius Black en grande partie grâce à son statut d'Animagus non enregistré.

Hermione supposait qu'elle était le nouveau membre de ce triste petit groupe, bien qu'elle ne survivait pas pour une raison particulière. Il n'y avait pas de cause qu'elle défendait, pas de personne qu'elle attendait de sauver, et pas de liberté qui l'attendait. Tout cela était perdu maintenant. Non, elle continuait à vivre par pure habitude. Sa dernière tentative avait échoué, elle s'était réveillée guérie, seule et oubliée.

 

Elle était reconnaissante d'avoir été oubliée. Son existence se situait à la limite entre la vie et la mort, sans menace de torture, de viol ou de devoir assister au monde que Voldemort avait instauré depuis la mort de Harry. Ici, elle pouvait prétendre que le monde extérieur allait bien. Ici, elle était en sécurité. Ici, elle n'avait qu'à se concentrer sur sa survie.

Mais une partie malade et tordue d'elle-même luttait pour s'adapter à une vie sans douleur et sans but. Les jours où les prières fiévreuses et les cadeaux ne suffisaient pas, la brûlure commençait. D'abord dans sa poitrine, puis au bout de ses doigts. Lorsque la prise de conscience se faisait sentir et que l'obscurité et le froid s'estompaient, elle prenait cette même pierre déchiquetée qui avait failli l'achever et commençait à graver toutes les parties de peau non marquées qu'elle pouvait trouver. Et lorsque la couleur disparut du monde avec le sang de son corps, ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle eut l'impression de pouvoir respirer à nouveau.

Mais la brûlure revenait toujours.

Une fois, la scarification ne suffisait plus. Peu importe la quantité de sang qu'elle avait versé, elle distinguait toujours le vert. Alors elle devint désespérée. Merlin, elle était désespérée. Et la brûlure grandissait, grandissait, jusqu'à ce que survivre par habitude ne semblait plus être une raison suffisante. Elle demanda donc de la corde à Darryl.

Et le jour où il revint de l'endroit où il était allé, il trouva son corps inerte. La corde s'enroulait autour de son cou, la structure métallique de son lit de camp retenant la partie supérieure de son corps tandis que son propre poids écrasait sa trachée. Elle pouvait imaginer ce qu'il aurait vu. Les lèvres bleues, les bras pendants mollement à ses côtés, les jambes étalées sur le sol froid. Des jambes qui auraient pu simplement se lever si elle l'avait voulu. Des bras qui auraient pu facilement défaire le nœud coulant qui la vidait de sa vie. Elle avait juste attaché son cou au lit et s'était assise.

Il coupa la corde.

Elle finit par se réveiller, fondant en larmes en réalisant qu'elle respirait encore. Darryl était furieux. Elle n'avait jamais vu Darryl se comporter comme un Détraqueur. Il tenait la corde d'un air accusateur, le souffle si fort qu'on aurait dit qu'il rugissait, avant de la secouer violemment pendant qu'elle pleurait.

C'est le jour où elle a appris que les Détraqueurs avaient des émotions. Darryl était blessé par sa trahison. Si elle avait su, elle ne l'aurait pas fait. Parce qu'elle avait compris qu'il était son ami et que c'est une chose insensible que d'inciter un ami à vous aider à vous suicider. Il avait emporté la corde en quittant les lieux, ainsi que tous les objets tranchants qu'il lui avait donnés.

Darryl ne revint pas avant longtemps. Avec le recul, elle supposait qu'il avait besoin de temps pour digérer tout cela et le rôle qu'il avait joué malgré lui, mais à l'époque, elle craignait qu'il ne soit parti pour de bon. Elle serrait la bague qu'il lui avait donnée et pleurait. Pleurer pour son ami et la culpabilité qu'il devait ressentir, la culpabilité qu'elle ressentait. Pleurer pour sa douleur. Pleurer pour la sienne.

Lorsqu'il revint enfin, Hermione avait un cadeau prêt à lui offrir. Elle avait construit leur échiquier en se souvenant de toutes ces nuits passées à regarder Harry et Ron jouer. Regarder mais ne jamais jouer parce qu'elle n'avait pas le temps de s'adonner à des jeux stupides. Mais elle avait beaucoup de temps maintenant et elle voulait s'asseoir et enfin profiter de l'occasion pour jouer avec un ami. Il étudiait rapidement et était un excellent partenaire d'échecs. Même après tout ce temps, ils étaient toujours à égalité. Darryl aimait la toucher lorsqu'ils jouaient, juste un petit point de contact. Comme pour se rassurer qu'elle était toujours là.

Alors qu'Hermione commençait à ranger leur jeu, il retira son doigt et le replaça dans sa manche.

"On s'entraîne ?" lui demanda-t-elle.

 

Il acquiesça, rangeant délicatement les pièces d'échecs et les placèrent contre le mur. Il se dressa de toute sa hauteur, culminant à trois mètres. Il semblait englober sa minuscule cellule. Parfois, Hermione oubliait à quel point il était une créature terrifiante, avec un trou béant à la place de la bouche et une odeur de cadavre qui se dégageait de son corps voûté. Darryl était la mort personnifiée. La plus sombre et la plus immonde de toutes les créatures.

Hermione réfléchit à ce qu'elle se rappelait de leurs origines. Les historiens avancent la théorie selon laquelle le premier pensionnaire d'Azkaban, Ekrizidis, un mage noir isolé du XVe siècle, aurait créé les créatures. Maître des Forces du Mal, il avait construit Azkaban pour attirer les marins moldus vers la mort. Il menait sur eux d'odieuses expériences pour perfectionner son art. La question de savoir s'il avait ou non l'intention de créer les Détraqueurs reste un sujet de discorde parmi les universitaires. Après sa mort, ses charmes de dissimulation s'estompèrent et le ministère fit la malheureuse découverte des créatures ressemblant à des spectres.

A juste titre, l'île fut laissée à l'abandon pendant quelques centaines d'années. Mais au début du XVIIIe siècle, Damocles Rowle, élu ministre de la Magie, les mit au travail. Il leur garantit le droit de se nourrir des prisonniers en échange de la garde de la prison. Un arrangement barbare selon elle. Les prisonniers succombaient à la folie et à la mort à cause de la destruction de leurs souvenirs heureux. Ils mouraient dans le désespoir et la terreur.

Le rôle du Détraqueur était simple. Maintenir les prisonniers sous contrôle, décharger les stocks de nourriture du ministère pour les distribuer aux prisonniers et enterrer les morts sur l'île si personne ne se présentait pour réclamer leur corps. Ce système demeura en place pendant plus de deux cent cinquante ans. Hermione frémit en pensant au nombre de corps que l'île contenait.

Le système fonctionnait cependant, il tenait les Détraqueurs à l'écart du reste du monde. Jusqu'à ce que Vous-Savez-Qui les fasse entrer dans son giron. Il leur offrit de régner librement sur la population en échange de leur service. Ils s'y rallièrent volontiers. À mesure qu'Azkaban se remplissait de prisonniers de guerre, leur nombre augmentait de façon exponentielle. Ils se nourrissaient et se multipliaient des souffrances infligées à l'intérieur de ces murs. N'ayant plus de prisonniers à nourrir, le troupeau sembla disparaître de l'île. Parti quelque part qu'elle ne connaissait pas, sans jamais revenir à la maison.

Sauf pour Darryl. Il fallait bien que quelqu'un reste pour la garder.

 

Si les récits des historiens étaient exacts, Darryl aurait dû s'affaiblir à présent. Il ne s'était pas nourri d'elle une seule fois. Pourtant, plus ils passaient de temps ensemble, plus il grossissait. Peut-être que les échos des siècles d'horreur que contenait la prison étaient plus que suffisants pour le maintenir en vie. Ou peut-être son désespoir était-il si grand qu'il n'avait même pas besoin de se nourrir de ses souvenirs. On pourrait même imaginer que les Détraqueurs pourraient ne pas avoir besoin de se nourrir de souvenirs heureux pour rester en vie. Le monde des sorciers se trompait manifestement sur leur intelligence et leur capacité à s'attacher. Il se trompait également sur l'absence de vision des Détraqueurs, étant donné qu'elle était en train de regarder l'un d'eux examiner une baguette cassée.

La portant à son visage, Darryl caressa avec amour les détails complexes du bois avant de la reposer. Passant la main au-dessus de la pile de baguettes, il en sortit celle qui serait utilisée pour la leçon d'aujourd'hui. Il s'agissait d'une baguette de 7,5 cm en bois d'if avec un cœur de dragon, la baguette qu'il préférait pour elle. Il l'avait même attachée avec un piège à doigts chinois jaune fluo et un vieux lacet pour s'assurer que les deux moitiés restent ensemble.

Sa décision prise, Darryl s'approcha d'elle et plaça la baguette dans sa paume tendue. Hermione commença à parcourir les mouvements des sorts familiers, s'exerçant à la précision de chaque mouvement. Elle n'osait pas se limiter dans son exercice, prenant soin de passer en revue tous les sorts offensifs qu'elle connaissait, y compris les Impardonnables.

Son ami était un partenaire d'entraînement très efficace. Darryl ne pouvait pas lancer de sorts lui-même, mais il avait un œil étonnamment vif pour les lancer. Il la corrigeait régulièrement en cas de maladresses sur des sorts complexes, lui indiquant par des gestes le mouvement à effectuer jusqu'à ce qu'elle y parvienne. Sans aucune magie, Hermione avait parfois du mal à faire la différence lorsqu'elle commettait une petite erreur. Son corps affaibli se fatiguait facilement. Ses mouvements lents étaient intensifiés par le léger tremblement qu'elle portait. Un effet secondaire causé par des années de froid et d'exposition prolongée au Doloris.

Certains jours, elle pouvait à peine se tenir debout, et encore moins avoir l'énergie nécessaire pour leurs séances d'entraînement. Les Mangemorts ayant disparu et les réserves de nourriture de la prison d'avant-guerre étant épuisées, Hermione était constamment au bord de la famine. Lorsque les réserves étaient épuisées et que la nourriture n'apparaissait plus dans sa cellule, c'était Darryl qui lui apportait le peu de nourriture qu'il pouvait trouver. Surtout des rats morts et des champignons. Elle mangeait ce qu'il lui donnait et ne se plaignait jamais. Il la regardait stoïquement, s'assurant qu'elle mangeait chaque bouchée, comme s'il craignait qu'elle ne tente de se suicider en faisant la grève de la faim.

Elle avait envie de lui dire de ne pas s'inquiéter. La faim et la fatigue avaient fait disparaître la sensation de brûlure. De plus, elle n'avait plus envie de trancher, maintenant qu'elle pouvait s'entraîner jusqu'à l'épuisement.

Darryl insista pour qu'elle fasse une courte pause dans ses exercices après qu'un violent vertige l'eut mise à genoux. Il plaça un gobelet d'eau du robinet jaunie et glacée sur ses lèvres gercées, l'incitant à boire. Après quelques gorgées, Hermione repoussa le gobelet.

"Je vais bien" insista-t-elle en se balançant sur ses pieds.

Darryl s'accrocha à son épaule pour la soutenir, la tête baissée en signe de désapprobation qui disait "tu ne vas absolument pas bien".

Elle le savait. Il le savait. Elle savait qu'il savait qu'elle le savait. Mais il n'y avait rien à faire, alors pourquoi le reconnaître ?

"Je n'ai pas encore réussi le mouvement du poignet, j'ai encore besoin de travailler".

Darryl resta immobile à ses côtés, sa main posée sur son épaule, la tasse toujours tendue vers ses lèvres.

Hermione la repoussa à nouveau en soufflant, "Je vais bien Darryl," dit-elle.

"C'était juste un vertige".

 

Le Détraqueur repoussa sa baguette tendue, d'un geste ferme qui disait clairement "Non". Hermione tourna sur elle-même pour faire face à son amie, la chaleur montant dans sa poitrine tandis qu'elle fixait l'imposant personnage masqué.

"Tu as dit qu'on pouvait s'entraîner aujourd'hui !" Siffla-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds pour toucher sa poitrine. "Tu as promis !

Darryl se contenta de secouer la tête.

"Non ! Elle vociféra, serrant les poings pour cacher les tremblements croissants et la brûlure qui commençait à se propager. "Nous ne nous sommes pas entraînés correctement depuis des semaines !

Il jeta la tasse, la fumée s'enroulant autour de son corps à mesure que son agitation grandissait. D'un geste ferme, il désigna Hermione puis son lit de camp, la pressant de se reposer.

"Je le ferai" insista-t-elle, "je le ferai, je le promets - mais s'il te plaît, peux-tu d'abord m'apprendre quelque chose ? Tu seras parti pendant un certain temps et je n'aurai rien à faire et j'ai juste... j'ai juste besoin de ça, d'accord ? J'ai besoin de faire quelque chose. S'il te plaît Darryl."

Hermione détestait se battre avec Darryl. Elle détestait le culpabiliser davantage. Mais bientôt il partirait, disparaîtrait quelque part qu'elle ne connaissait pas, pour faire quelque chose qu'il ne dirait pas. Elle ne supportait pas son absence. Elle ne supportait pas l'isolement, ni l'attente, car à chaque fois qu'il partait, elle se demandait s'il reviendrait. Au moins, s'entraîner lui donnerait quelque chose à faire, quelque chose sur quoi se concentrer en dehors de son absence.

Darryl se frotta les orbites dans un geste très humain, presque comme s'il maudissait intérieurement son entêtement, avant de se pencher pour lui faire face.

Il leva ses dix doigts osseux et tapota son poignet avant de pointer son lit. La signification était claire, "encore dix minutes et tu te reposes"

Hermione expira de soulagement.

"D'accord", sourit-elle, "d'accord, merci, c'est tout ce dont j'ai besoin".

 

Elle prépara sa position et commença le sort, prenant bien soin d'annoncer " Invertous "lorsqu'elle agita son poignet dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Darryl l'observa pendant qu'elle répétait le sort encore et encore, s'interposant pour ajuster sa prise et incliner son poignet plus bas.

Au bout de quelques minutes, Hermione sentit une nouvelle vague de vertige l'envahir et elle dut fermer les yeux pour ne pas avoir le tournis. Darryl s'avança timidement derrière elle, la laissant reposer sa tête contre son corps en attendant que ça passe.

Lorsque la nausée s'estompa, Hermione ouvrit les yeux et regarda Darryl. " Peux-tu me montrer à nouveau, s'il te plaît ? " demanda-t-elle d'une voix rauque, incapable de comprendre ce qui se passait. Elle demanda à voix basse, incapable de cacher son épuisement plus longtemps, "J'ai failli y arriver".

La créature soupira et caressa distraitement sa mâchoire avant de se pencher lentement en avant, s'arrêtant lorsque sa bouche fut à quelques centimètres de la sienne.

Cependant, au lieu de presser sa bouche ombragée sur ses lèvres pâles dans un baiser affectueux, ou d'inhaler ses souvenirs heureux et les restes de son âme, il expira, transférant un minuscule orbe de lumière de sa bouche dans la sienne.

Hermione respira la lumière froide et regarda le monde s'écrouler autour d'elle et de Darryl, les laissant debout dans un petit cottage confortable.

 

***

 

L'odeur du sang et du pain cuit pénétra ses narines tandis qu'elle parcourait du regard la salle de séjour pittoresque. La petite table à manger accueillait un repas intact, ses chaises renversées à la hâte par les occupants qui tentaient d'échapper à leur bourreau.

"Non, s'il vous plaît !" supplia un homme en se débattant contre ses liens, son corps contorsionné étant éclairé par la lueur de la cheminée. "S'il vous plaît, pas mes filles ! Je ferais n'importe quoi ! Pas mes filles !"

Les deux jeunes filles en question s'agrippaient l'une à l'autre au centre du salon, sanglotant hystériquement tandis que l'intrus levait sa baguette dans leur direction. Le corps ensanglanté d'une femme, vraisemblablement leur mère, gisait sur le sol devant elles.

"S'il vous plaît ! hurla leur père.

" Invertous " lança l'intrus, et Hermione remarqua qu'il sifflait le mot vers la fin.

Les cris des filles devinrent sauvages tandis que leur peau se détachait, que les muscles et les tendons se libéraient et que les os remontaient à la surface. Leurs cris s'éteignirent tandis que leurs petits corps se transformaient, ne laissant que les gémissements angoissés de leur père.

L'intrus, un géant graisseux, gloussa et baissa les yeux sur sa baguette, ravi. Encore euphorique de son succès, il avança en sautillant vers le père ligoté qui n'arrivait toujours pas à détacher ses yeux des corps de sa famille.

"Veux-tu te joindre à eux, Moldu ? demanda l'intrus en souriant à l'homme qu'il avait déjà détruit.

Le Moldu leva faiblement la tête et fixa les yeux de l'assassin de sa famille. "S'il vous plaît", murmura-t-il.

Hermione n'arrivait toujours pas à déterminer s'il l'avait supplié de lui laisser la vie sauve ou de le tuer.

Quoi qu'il en soit, la fin arriva de toute façon.

Elle observa attentivement le mouvement de la baguette de l'intrus cette fois-ci lorsqu'il lança le sort de l'Invertous, remarquant qu'il levait légèrement sa baguette avant de la pointer vers le bas en tournant son poignet dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Ah, c'est donc ce que Darryl avait essayé de lui montrer.

Le rire de l'intrus se mêla aux cris du père tandis que le souvenir s'estompait, laissant Hermione affalée contre Darryl, regardant la lumière voyager de sa bouche à la sienne.

 

***

 

Elle avait vu ce souvenir suffisamment de fois pour savoir comment il se terminait, mais cela n'empêchait pas une petite partie d'elle d'espérer que cette fois-ci, le père et sa famille auraient pu être sauvés.

Le seul réconfort qu'elle pouvait en retirer était que, d'une manière ou d'une autre, quelque part, cet intrus avait fini par croiser le chemin de son ami ombrageux.

Il était intéressant pour elle d'apprendre ce qu'il advenait des souvenirs dévorés par les Détraqueurs. Elle avait supposé, comme la plupart des gens, qu'ils étaient consumés et qu'on ne les reverrait jamais. Mais Darryl les gardait, les étudiait, pouvait en sélectionner certains et les ramener à la surface pour les lui montrer. Lui enseigner. La former.

Elle avait appris une multitude de sorts, de potions et de techniques grâce aux souvenirs que Darryl lui avait montrés. Beaucoup d'entre eux étaient aussi maléfiques que les personnes à qui il les avait volés. Ses souvenirs étaient une bibliothèque qui s'étendait sur plusieurs millénaires, contenant des connaissances perdues qui étaient mortes en même temps que leurs créateurs, disparaissant du monde des sorciers pour être enseignées à un prisonnier incapable de pratiquer la moindre magie.

Elle aurait pensé que c'était du gâchis si elle n'avait pas été aussi égoïste. Hermione n'avait pas grand-chose d'autre pour garder la raison, et elle avait toujours été avide de connaissances. C'est pourquoi elle continuait à pousser Darryl à poursuivre leur entraînement, même si elle s'affaiblissait de plus en plus.

Les rats étaient rares, les champignons ne poussaient pas aussi vite qu'elle les consommait et chaque jour, le sommeil la maintenait sous l'eau un peu plus longtemps.

Cela rendait Darryl anxieux. Il quittait rarement sa cellule à présent, ne s'absentant que pour les sept jours où il était appelé chaque mois. Elle savait que s'il pouvait la faire sortir d'ici, il le ferait. Mais il semblait qu'il était autant prisonnier qu'elle. Lié à l'île et à son prisonnier, incapable de partir pour se ravitailler, ne pouvant partir que sur convocation. Il pouvait aller et venir à sa guise. Impossible de l'emmener avec lui. Elle se demanda à nouveau où il allait, et vers qui. Elle avait du mal à concevoir qu'une créature comme Darryl puisse être asservie à qui que ce soit, même à quelqu'un d'aussi puissant que Voldemort.

Elle avait essayé en vain d'obtenir des réponses de lui à chaque fois qu'il revenait. Elle insistait et insistait, mais il se contentait de secouer la tête et de lever les paumes en signe de reddition, comme pour dire : " Je suis désolé. J'aimerais pouvoir te le dire"

Elle le savait. Mais cela ne rendait pas les choses plus faciles quand il était parti.

Hermione leva les yeux vers le visage familier et caverneux toujours fixé sur le sien, s'assurant qu'elle allait bien après avoir vu l'intrus massacrer la famille moldue.

"Tu l'as tué ? Chuchota-t-elle. Il acquiesça.

"Bien" murmura-t-elle en tendant le bras et en imitant le sort exactement comme elle l'avait vu dans ses souvenirs.

Elle se retourna vers Darryl pour attendre sa critique, mais il se contenta d'incliner la tête en signe d'approbation.

Elle s'exerça encore quelques fois avant que ses tremblements ne prennent le dessus et que ses genoux ne se dérobent. Darryl était là pour la rattraper, comme toujours.

Il la porta jusqu'à son lit et la borda doucement. Hermione grogna en signe de protestation mais était finalement trop épuisée pour lutter.

Elle s'assoupit pendant qu'il arrangeait ses couvertures, remerciant la magie pour la bienveillance que l'obscurité lui avait accordée.

 

***

 

Hermione se tenait dans l'obscurité, les oreilles en alerte, tandis que la chair de poule lui piquait le corps.

Quelqu'un l'observait.

Elle avança prudemment parmi les rangées interminables d'orbes, la lumière de sa baguette tendue se reflétant sur le verre incurvé.

Des chuchotements se firent entendre sur son passage, trop faibles pour être perçus, mais qui firent couler des gouttes de sueur froide le long de sa colonne vertébrale. Elle ignora la peur qui lui montait à l'estomac, elle devait continuer à chercher. Elle devait le trouver.

Elle erra dans le labyrinthe de verre, s'affolant de plus en plus à chaque minute qui passait.

Elle avait besoin de plus de temps. Les chuchotements s'amplifièrent, attisés par son désespoir.

Hermione se mit à courir, contournant les coins et laissant des éclats de verre dans son sillage. Les murmures étaient maintenant assourdissants, ils pénétraient l'air autour d'elle, à l'intérieur d'elle - obstruant les respirations paniquées qu'elle aspirait en pressant ses jambes d'avancer plus vite.

Hermione recula de terreur, lâchant maladroitement sa baguette et plongeant les piles dans l'obscurité. Les chuchotements s'éteignirent instantanément, ne laissant qu'un écho qui se répercuta dans l'obscurité. Hermione jura qu'il ressemblait à s'y méprendre à l'une de ses prières.

Respirant bruyamment, Hermione tâta timidement le sol à la recherche de sa baguette. Le bout des doigts entrant en contact avec le bois familier, Hermione serra fermement sa baguette. La panique s'estompa lorsque les chuchotements cessèrent.

"Lumos" murmura-t-elle.

Hermione s'accroupit pour se mettre en position de défense et la lumière révéla les yeux jaunes désormais familiers, enfoncés dans le visage d'un grand chien noir. Le chien la fixait, le museau haut perché, la reniflant comme s'il l'évaluait.

"Sirius ? demanda Hermione avec hésitation, "Sirius, c'est toi ?"

Le chien se retourna et s'éloigna en trottinant, tout en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Sentant qu'il la menait vers ce qu'elle cherchait, Hermione commença à suivre Sirius à travers les rayons.

Sa forme d'animagus naviguait silencieusement, ses pas lourds étant le seul son alors qu'ils sortaient des rayonnages et entraient dans une grande pièce faiblement éclairée. Au centre de celle-ci, une arche en ruine se dressait sur une plate-forme. Elle s'arrêta net en découvrant le Voile et regarda Sirius se diriger vers l'endroit où il était mort.

Il s'assit et la regarda avec insistance, ce qui la poussa à monter prudemment sur l'estrade. A l'intérieur de la voûte tourbillonnait un rideau d'un noir d'encre, un contraste saisissant avec la brume d'un blanc laiteux qu'elle avait vue lors de la bataille au Département des Mystères. Contrairement à la dernière fois, Hermione se sentit fortement attirée vers le Voile, ses pieds la rapprochant instinctivement.

Sirius la regarda calmement passer devant lui, s'approchant du rideau noir. Une voix singulière l'appela de l'autre côté du Voile.

"Hermione !

"Harry" souffla-t-elle, et avant même qu'elle n'ait pu réaliser ce qu'elle faisait, Hermione courut et se jeta à travers le rideau.

Les ombres tourbillonnaient autour d'elle tandis qu'Hermione se faufilait dans les ténèbres. Repérant un semblant de peau, elle se précipita vers l'avant, "Harry !". cria-t-elle.

S'élançant à travers la noirceur, Hermione tendit la main vers la silhouette qui se trouvait devant elle, saisissant sa main dans la sienne. Mais au lieu de la main chaude et calleuse qu'elle connaissait, une paume froide et douce la saisit fermement, ses ongles s'enfonçant dans sa chair. Alors que les ombres se dissipaient, Hermione découvrit une paire d'yeux rouges qui la fixaient.

Luttant contre son emprise, Hermione s'efforça de s'arracher à Voldemort. Il gloussa et la rapprocha, l'attirant vers l'avant pour lui chuchoter à l'oreille d'un air moqueur.

"Je t'ai trouvée

 


 

Chapter Text


Souvenirs


 

C'étaient ses cris qui avaient attiré Darryl à ses côtés, caressant doucement sa joue tout en la serrant contre sa poitrine.

"Chut, je te tiens, tout va bien", semblaient dire ses caresses apaisantes.

Quand Hermione put enfin parler à travers ses sanglots, elle raconta à Darryl ce qu'elle avait vu.

Hermione n'était pas étrangère aux visages qui hantaient ses rêves, elle avait appris à accepter leurs visites importunes. Les cauchemars étaient fréquents et après qu'ils l'aient mise en pièces, Darryl était toujours là pour recoller les morceaux. Ses tremblements s'estompaient lentement et elle s'effondrait, épuisée, dans son étreinte. La glace qui recouvrait sa peau à son contact agissait comme un bouclier protecteur. Rien ne pouvait la blesser ici, pas quand Darryl était avec elle.

Mais cette fois-ci, elle ne pouvait pas se débarrasser du sentiment d'effroi qui persistait.

"Je cherchais quelque chose, hoqueta-t-elle, quelque chose d'important.

Il lui tendit une tasse de soupe froide et sirupeuse aux champignons, la regarda manger timidement tandis qu'il lui traçait des cercles apaisants dans son dos.

Hermione vida son repas et continua.

"C'était si réel cette fois-ci. Quand il m'a attrapée, je pouvais le sentir. Je pouvais, oh mon dieu, je pouvais le sentir et... et ses yeux, Merlin, ils étaient exactement comme dans mon souvenir. Comme s'il ne me regardait pas, mais qu'il lisait en moi."

Si Darryl était inquiet, il ne le montra pas, il ramassa simplement son bol vide et commença à le rincer dans l'évier.

"Tu sais ce qui était le plus déconcertant ? Elle chuchota, ce qui fit lever la tête de Darryl. "J'ai senti que quelqu'un m'observait, dès le début. Et je... je ne pense pas que c'était lui. Je ne pense pas que ce soit Voldemort. Il y avait quelqu'un d'autre. Quelque chose d'autre"

Darryl laissa tomber le bol dans l'évier et la fixa sans bouger.

"- et même maintenant, même ici, je peux encore le sentir me regarder."

Darryl se jeta sur elle avec une telle férocité qu'Hermione recula de peur.

La glace traversa la pièce comme un éclair lorsqu'il lui saisit violemment les bras. L'effroi qui n'avait cessé de battre dans les veines d'Hermione se transforma en panique.

"Darryl, qu'est-ce que..." haleta-t-elle, "Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

Il ouvrit et ferma la bouche rapidement, de petits rugissements et gémissements jaillissant. Hermione s'efforça de donner un sens à ces sons incompréhensibles, chaque fibre de son corps vibrant de danger.

"Je ne comprends pas !" Elle cria, les larmes coulant sur ses joues, "Darryl arrête, s'il te plaît !"

Mais ses cris ne firent qu'accentuer son désespoir, la glace sous ses mains recouvrant ses bras d'éclats douloureux.

" Arrêtez ! S'il te plaît, arrête !" Hermione essaya de s'éloigner, "Je ne comprends pas ! Tu me fais mal ! Arrête, arrête, arrête !"

Darryl rugit de frustration, la lâchant immédiatement, la glace se brisant lorsqu'il arracha ses mains et se laissa tomber au sol.

Avec son index, il commença à tracer des traits sur le sol sale. Hermione, toujours tremblante de terreur, regarda la créature d'ombre qui essayait désespérément de communiquer avec elle. Darryl ne réussit qu'à dessiner ce qui ressemblait à un croissant de lune avant qu'une force invisible ne l'empêche d'en dessiner d'autres. Comme un démon possédé, Darryl poussa en avant, sa main tremblant alors qu'il dessinait encore quelques millimètres. Il continua à pousser, essayant férocement de dessiner comme si sa vie en dépendait, jusqu'à ce que son corps tout entier vibre sous l'effet de l'effort.

"Darryl", sanglota Hermione. "Tu dois t'arrêter. C'est bon. S'il te plaît, arrête."

Il l'ignora, tentant de tracer une autre ligne courbe sous la première avant que son index ne craque sous l'effet de l'effort. Un rugissement à couper le souffle retentit dans sa cellule, et Hermione jura qu'elle sentait les murs de la prison trembler sous l'effet de la force. Elle essaya de l'attraper, pour le réconforter ou pour le retenir d'une manière ou d'une autre, mais Darryl se releva en un instant, fonçant vers sa porte.

Il se jeta sur la porte verrouillée avec frénésie, rugissant et hurlant en essayant de la démolir.

"Arrêtez ! Je t'en prie !" supplia Hermione. supplia Hermione, "Tu sais que ça ne marchera pas, tu ne fais que te faire du mal !"

Mais il continuait à attaquer la porte, la percutant et la griffant comme s'il pouvait briser le sceau par sa seule force brute.

Cela ne marchera pas, ils ont essayé il y a des années. Le gardien de la prison ne pouvait pas libérer les détenus, la magie entourant Azkaban ne le permettait pas. Darryl était lié à la prison et donc esclave de sa magie. Il était autant prisonnier qu'elle.

Changeant de tactique, Darryl commença à s'attaquer à la fenêtre pour tenter de faire plier les barreaux. Alors qu'il tirait violemment, Hermione cessa de supplier, choisissant plutôt de se replier sur elle-même. Serrant ses genoux contre sa poitrine, elle pleura doucement. Darryl avait essayé de l'aider à s'échapper à plusieurs reprises au cours des années, mais leurs échecs leur avaient appris que c'était impossible. Ils l'avaient accepté, choisissant plutôt de trouver un semblant de bonheur l'un avec l'autre dans leur petit monde froid et calme.

Mais au fond d'elle, une partie savait qu'un jour ce monde prendrait fin, et maintenant il semblait que Darryl le savait aussi. Tandis qu'elle continuait à sangloter, Darryl livrait bataille dans sa cellule, griffant les murs comme s'il pouvait trouver un moyen de sortir.

Incapable de le supporter plus longtemps, Hermione courut vers lui, jetant ses bras autour de sa taille par derrière. "C'est bon" murmura-t-elle. "C'est bon, tout ira bien."

Peu à peu, ses coups s'affaiblirent tandis qu'elle continuait à l'apaiser, lui offrant des mots de réconfort et des promesses qu'elle savait que ni l'un ni l'autre ne pourrait tenir.

"Tu m'as gardé en sécurité, en vie, tu as fait tout ce que tu pouvais. Je ne sais pas ce que tu essaies de me dire. Mais si je suis en danger, tu ne peux plus rien faire", murmura-t-elle, la voix brisée.

La bataille qui faisait rage à l'intérieur de Darryl s'épuisa et il s'effondra sur le sol. Hermione le prit dans ses bras, essayant de tenir la grande créature dans sa totalité mais ne réussissant qu'à bercer son cou et sa tête.

"C'est bon, ça va aller" mentit-elle, repoussant sa terreur pour apaiser son ami.

 

Elle avait toujours été celle qui prenait soin de Harry et de Ron, celle qui se coupait en deux pour donner aux autres. Lorsque Darryl était entré dans sa vie, elle n'avait plus rien à donner, alors elle avait profité de ses actes de gentillesse, de son contact réconfortant, de ses leçons. Elle prenait et prenait jusqu'à ce qu'elle n'ait plus l'impression d'être une coquille vide. Mais elle continua à prendre parce qu'elle avait oublié ce que c'était que de donner. Elle aimait qu'on s'occupe d'elle. Elle aimait qu'il prenne soin d'elle. Mais maintenant, c'était son tour.

Hermione commença à chanter doucement, en lui caressant la tête. Elle essayait de faire passer tout son amour dans sa voix, sa reconnaissance dans son toucher. Ils restèrent là un long moment, serrés l'un contre l'autre dans l'obscurité. Elle ignorait la brûlure glaciale de la glace qui se cristallisait sur sa peau, se contentant de rester dans leur monde calme un peu plus longtemps.

Des cristaux de neige flottaient dans l'air autour d'eux, ce qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Ils se déplaçaient gracieusement dans une danse funèbre. La manifestation du chagrin d'un Détraqueur, observée par des yeux humains pour la première fois peut-être.

Elle réalisa alors, alors qu'ils étaient assis dans leur boule à neige improvisée, que Darryl devrait partir dans quelques jours. Elle se demanda si elle pourrait tenir le coup malgré la détérioration de son état, sans nourriture ni réconfort pendant une semaine.

Ou s'il reviendrait dans un globe brisé.

Des restes éparpillés sur le sol froid.

Et un occupant depuis longtemps disparu.

 

***

 

Hermione fixait son mur.

Quatre champignons. Elle avait quatre champignons pour passer la semaine.

Darryl avait passé sa dernière nuit à rassembler la nourriture qu'il pouvait avant son départ pendant qu'elle dormait. Il avait trouvé quatre petits champignons.

Quatre.

Il les avait présentés, la tête baissée, en signe d'excuse. Mais c'était le mieux qu'il pouvait faire. C'était tout ce qu'il pouvait faire.

Hermione retraça la pierre familière avec ses yeux, chaque fissure et chaque crevasse. Elle l'avait mémorisé il y a des années. Il semblait que peu importe les changements de ses circonstances, ce mur restait le même. C'était son point d'ancrage.

Elle avait dormi les deux jours précédant le départ de Darryl, essayant de préserver les ressources que son corps n'avait pas. Elle avait l'impression d'avoir perdu un temps précieux.

Darryl l'avait réveillée avant son départ, lui présentant les quatre champignons, la bague de fiançailles passée dans une ficelle qu'elle portait maintenant autour du cou, ainsi qu'un souvenir.

C'est ce souvenir qu'elle repassait dans sa tête alors qu'elle était allongée sur son lit de camp, sans force pour se lever et sans rien pouvoir faire d'autre que de regarder le mur.

Darryl avait noué la corde autour de son cou, lui avait relevé le visage et puis...

 

"Lucy ! Attends-moi !"

Hermione se tenait à la périphérie d'un petit village de la campagne irlandaise et regardait une jeune fille aux cheveux bouclés monter une colline.

"Lucy ! Un garçon cria après elle, ses traits ressemblant étrangement à ceux de la jeune fille.

Sa sœur peut-être ?

Hermione regarda le garçon la rattraper, leurs cheveux auburn assortis sautillant tandis qu'ils couraient vers un petit ruisseau.

Une fois installée, la jeune fille, Lucy, enleva ses bottes, soulevant son jupon et ses jupes pour se jeter à l'eau.

"Dépêche-toi Des ! cria-t-elle, "Maman veut que nous soyons de retour avant le dîner".

Des suivit l'exemple de sa sœur, tripotant ses lacets avant de s'engager dans le ruisseau. En s'approchant, Hermione remarqua que les deux frères et sœurs portaient tous deux un baluchon de bâtons. La sœur Lucy, qui semblait avoir à peu près le même âge que Des, le dépassait d'une bonne tête. Elle jeta un coup d'œil furtif par-dessus la tête de son frère avant de s'accroupir, laissant ses jupes se gonfler dans l'eau. Posant délicatement ses bâtons à la surface de l'eau, elle tendit les deux mains et ferma les yeux. Hermione regarda les bâtons se transformer en une petite barque en bois.

"Ok, maintenant tu essaies", dit Lucy à son frère, en vérifiant à nouveau son environnement.

Le garçon s'accroupit avec appréhension, plaçant ses bâtons dans l'eau comme l'avait fait sa sœur. Il tendit les deux mains et ferma les yeux, mais les bâtons continuèrent à flotter dans l'eau.

Lucy posa une main douce sur le dos de son frère, "Continue d'essayer, imagine le bateau dans ton esprit Desmond, laisse-le voyager à travers tes doigts et n'oublie pas de respirer, d'accord ?

Le garçon fait un signe de tête et essaie à nouveau.  Cette fois, les bâtons commencèrent à vibrer à la surface de l'eau.

"C'est bien, Des ! Continue", cria Lucy.

Desmond poussa plus fort, son jeune visage devenant rouge sous l'effet de l'effort. Cela rappela à Hermione son jeune âge, perchée sur son lit dans la maison de son enfance, essayant de faire flotter son livre dans les airs. À l'époque où elle essayait désespérément de contrôler ses accès de magie accidentelle. Avant qu'elle ne reçoive sa lettre de Poudlard et qu'elle n'entre dans le monde des sorciers.

Hermione se tourna vers Darryl pour lui faire part de ses pensées, mais il n'y avait qu'un espace vide à l'endroit où il se tenait habituellement.  Confuse, Hermione jeta un coup d'œil autour d'elle, mais elle ne vit nulle part son ami de l'ombre.

Darryl n'était pas dans le souvenir avec elle.

"Un peu plus Des", encouragea la sœur, ramenant Hermione vers la scène qui se déroulait devant elle. "Pousse un peu plus fort !"

"Je ne le ferais pas à ta place", dit une voix, ce qui fit lâcher immédiatement les mains à Desmond. Lucy fit un pas protecteur devant son frère, son visage se déformant sous l'effet de la terreur.

Un garçon aux cheveux de jais sortit de sous un arbre voisin. Il se dirigea paresseusement vers eux, les mains dans ses vêtements impeccablement taillés.

"Tu ne peux pas forcer la magie à sortir", dit-il, "Tu dois la laisser couler à travers toi naturellement".

Les deux frères échangèrent un regard, un regard qu'Hermione reconnut pour l'avoir croisé avec Harry et Ron alors qu'ils étaient allongés dans le salon du manoir Malefoy.

"Nous ne savons pas de quoi tu parles" siffla Lucy, "Nous étions juste en train de jouer. La magie n'existe pas !"

Le jeune intrus fit un geste amusé en direction de son bateau en bois. Alors qu'est-ce que c'est ?" demanda-t-il.

Lucy blêmit en regardant sa création avant d'attraper le bateau et de saisir son frère.

"Allons-y, Desmond !" Elle s'écria, tirant le garçon terrifié hors de l'eau, "Ce garçon est cinglé !"

Attrapant leurs chaussures, ils commencèrent à se dépêcher de partir. "Attendez ! Le garçon aux cheveux noirs hurla, son attitude aristocratique et froide s'effondrant en un instant.

"Attendez, je n'essayais pas de vous faire peur. Vous n'avez pas besoin de... Je... Je peux aussi faire de la magie !" balbutia-t-il en sortant sa baguette pour la montrer à la paire.

Les frères et sœurs se retournèrent timidement, regardant la baguette avec méfiance.

"Qu'est-ce que c'est ? demanda Des, son visage apparaissant derrière la posture protectrice de sa sœur.

Le garçon s'avança, faisant reculer précipitamment la paire. Il s'arrêta, implorant les frères et sœurs du regard pendant qu'il expliquait. "Une baguette. La baguette de mon père. Il ne sait pas que je l'ai. Il est sorcier, vous voyez, et moi aussi. Mais je ne suis pas encore assez grand pour avoir ma baguette. J'aurai onze ans cet été".

Lucy regarda le garçon avec confusion, "Un sorcier ?".

"Oui !" dit le garçon en bafouillant, "Une personne qui peut faire de la magie. Je crois que tu en es un aussi", dit-il en faisant un geste vers Des. "Et toi, tu es une sorcière, et une sorcière puissante, je crois", expliqua-t-il. "J'ai vu ce que tu pouvais faire, c'est impressionnant pour un né-moldu.

"- Un né-moldu ?"

"- Tu nous as observés ?"

L'accusation de Lucy fit vaciller l'expression pleine d'espoir du garçon.

"Non, je veux dire oui, mais..." balbutia le garçon. "Je vous ai vu vous entraîner il y a quelques semaines, mais je n'étais pas sûr. Pas jusqu'à maintenant en tout cas".

Il se tourna vers Des, "Et pour répondre à ta question, les Moldus sont des gens sans magie, et un né-moldus est quelqu'un qui n'a pas de parents magiques. Ils sont assez rares. C'est pourquoi j'ai été surpris que vous puissiez tous les deux faire de la magie. Je pensais qu'il n'y avait que toi" expliqua-t-il en jetant un regard nerveux à Lucy.

Les deux s'échangent un regard.

"Nous sommes jumeaux", répondit Des avec précaution. "Est-ce que ça pourrait être pour ça ?"

Un sourire de soulagement se dessina sur le visage du garçon bavard, sa nervosité retombant quand l'un des deux sembla accepter son explication. "C'est peut-être...

"Des, tais-toi", dit Lucy, "ne lui dis rien".

Des se tourna vers sa sœur, se sentant fautif : "Mais Lucy, c'est peut-être ça ! C'est peut-être pour ça que..."

"Ça suffit !" Elle grogna. "Nous rentrons à la maison.

Lucy attrapa son frère et se remit en marche, laissant leurs chaussures derrière eux.

Le garçon aux cheveux bruns les suivit désespérément. "Attendez ! Il s'écria : "Je peux le prouver !"

La sœur se retourna, ses boucles volèrent et elle se rua sur l'étranger, fonçant sur lui alors que sa robe traînait de la boue.

"Très bien !" cracha-t-elle. Elle cracha, "Vas-y alors !"

Le garçon déglutit, jetant un coup d'œil à son frère qui se tenait derrière lui, anxieux.

Prenant son courage à deux mains, le garçon leva timidement sa baguette vers l'ourlet abîmé de la robe de Lucy.

"Récurvite" chuchota-t-il.

Hermione grimaça intérieurement car rien ne se produisit.

Lucy fixa le garçon, ses yeux bruns le transperçant, tandis qu'il cherchait à lancer à nouveau sa baguette.

"Wingardium Leviosa !" dit-il, plus clairement cette fois.

Les épaisses mottes de boue au bout de la robe de Lucy se mirent à léviter vers le haut et son visage passa de l'irritation à l'incrédulité.

Hermione se tourna vers Desmond qui avançait en trébuchant, émerveillé.

Le garçon aux cheveux noirs continuait à tenir le sort, sa main tremblant d'effort. Hermione félicita le garçon d'avoir réussi à lancer un sort malgré son âge. En utilisant la baguette de son père, qui plus est.

 

Alors que le garçon semblait ne plus pouvoir tenir, Lucy s'avança. D'un mouvement de bousculade, elle lança la boue flottante au visage du garçon.

"Lucy ! s'écria Desmond, effaré, en se précipitant vers le garçon qui s'était étalé sur le sol.

Une perle de rire retentit tandis que Lucy s'agrippait à son flanc, souriant aux deux garçons en contrebas.

Le garçon essuya la boue sur son visage, révélant un sourire identique à celui de Lucy, et laissa échapper un petit rire de soulagement.

Hermione observa les trois enfants avec une vive nostalgie. Ils s'effondrèrent, hystériques, lui rappelant un autre trio.

"Je suis Lucy" annonça la fillette en tirant le garçon couvert de boue à ses pieds. "Lucy Zirik. Et voici mon frère Desmond.

"Grand frère !" répondit Desmond en essuyant la boue sur ses genoux avant de se placer à côté de sa sœur.

Lucy roula des yeux, "Oui, parce que quelques minutes font la différence"

Le visage du garçon brun se mit à s'illuminer, sans se soucier du fait que ses vêtements de luxe étaient maintenant couverts de boue. "

Ciaran O'Broin", dit-il en tendant la main.

Lucy saisit fermement sa paume, ses yeux bruns rencontrant les bleus.

" Un plaisir "

 

Lucy saisit fermement la paume, ses yeux bruns rencontrant les bleus.

Alors que le souvenir s'effondrait, Hermione réalisa qu'elle était seule.

Darryl était parti.

Hermione se traîna en larmes jusqu'à son lit, furieuse qu'il ne lui ait pas dit au revoir.

Elle ne savait pas ce qu'elle devait faire de ce souvenir. Il était doux et innocent, bien loin des actes violents qu'il lui montrait habituellement. Qu'était-elle censée en tirer ? Que voulait-il qu'elle sache ? Ou avait-il simplement voulu lui laisser un souvenir heureux, un vrai souvenir heureux pour qu'elle se sente mieux en son absence ?

Parce que ce n'était pas le cas.

Elle détestait imaginer lequel des trois enfants avait croisé la route de Darryl.

Elle détestait penser qu'il avait pris le souvenir, et comment il l'avait pris.

Elle détestait qu'il lui ait laissé un rappel de sa vraie nature. Elle s'était laissée aller à l'oubli, se disant qu'il n'était pas comme les autres, qu'il ne blessait que ceux qui le méritaient.

Il était difficile de penser que l'un de ces enfants le méritait. Mais encore une fois, tous les mages noirs ne furent-ils pas des enfants à un moment ou à un autre ?

Quand leur innocence s'arrêtait-elle et quand les ténèbres commençaient-elles ?

C'était des questions qu'elle ne pouvait pas poser.

Au lieu de cela, elle les retourna dans son esprit en fixant le mur, comptant les jours jusqu'à ce qu'il revienne.

 


 

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Visiteur


 

"Hermione ? Hermione !"

Hermione se redressa, fixant avec confusion les yeux de son interlocuteur.

"Hermione, c'est ton tour" déclara Harry avec impatience, en tambourinant sur la table devant eux.

"Hein ?" demanda-t-elle en observant son environnement. demanda-t-elle en observant son environnement.

"C'est ton tour" lui rappela Harry en faisant un geste en direction de l'échiquier moldu posé devant eux.

"Oh" répondit-elle faiblement, "D'accord, oui".

Elle prit le chevalier noir, s'arrêtant sur sa lourdeur dans sa paume, avant de le placer sur l'une des cases noires disponibles.

Harry haussa un sourcil en la questionnant avant d'évaluer l'échiquier, donnant à Hermione l'occasion de regarder autour d'elle.

 

La campagne écossaise défilait par la fenêtre, son siège rembourré vibrait doucement tandis qu'elle faisait le point sur leur cabine fermée. Elle réalisa qu'ils se trouvaient dans un train, à la fois étrangement familier et déconcertant par sa différence. Le côté où Harry était assis était d'un blanc immaculé. Depuis les coussins sur lesquels il était assis jusqu'aux vêtements qu'il portait, tout était d'un blanc immaculé. Le blanc s'étendait et se séparait proprement le long de la table, rejoignant le noir qui couvrait la moitié de la cabine d'Hermione.

Harry, inconscient ou indifférent à leur étrange environnement, posa l'un de ses pions et leva les yeux vers elle, dans l'expectative.

Elle fut momentanément surprise par le contraste de ses yeux bleus, et sa peau se couvrit de chair de poule alors qu'elle cherchait l'étendue de peau lisse autour de sa gorge.

Elle n'était pas sûre de ce qu'elle cherchait, mais elle s'étonna de l'absence d'une autre couleur. De l'or peut-être ?

"Hermione" soupira Harry.

Hermione saisit maladroitement le pion le plus proche, "D'accord. Désolée" marmonna-t-elle en le posant au hasard sur l'échiquier.

Harry reprit son évaluation de l'échiquier tout en plongeant distraitement sa main dans un sac en papier proche, en tirant quelques frites détrempées qu'il fourra dans sa bouche.

Son regard s'arrêta sur l'emballage rouge vif, un logo familier estampillé sur le devant. Les mots "Happy Meal" ressortaient, lui rappelant un souvenir qu'elle n'arrivait pas à saisir.

Un souvenir ?

Elle essaya de reporter son attention sur le tableau, mais l'emballage en papier rouge continuait de l'attirer. Pourquoi était-il si rouge ? Pourquoi y en avait-il autant ?

 

"Ah oui" s'exclama Harry en plongeant la main dans son sac et en lui tendant une boîte rouge. "J'avais oublié, c'est pour toi.

Hermione attrapa timidement la boîte en papier, sentant son malaise grandir. Harry se tourna à nouveau vers le plateau, ses doigts tambourinant contre le bois blanc tandis qu'il se mordillait la lèvre en réfléchissant.

 

Toc-toc.

Toc-toc.

Toc-toc.

 

"Harry" croassa Hermione, avalant la boule dans sa gorge, "Harry, où allons-nous ?"

Il leva les yeux vers elle, surpris, avant d'esquisser un sourire carnassier. "Tu sais quoi, ma chère ? En fait, je ne sais pas."

Hermione sentit son estomac se retourner à ces mots, son sang se glaça.

"Où aimerais-tu aller ? demanda-t-il.

La panique commença à monter sous sa peau.

"Chez moi" murmura-t-elle à travers des lèvres tremblantes. Elle ne savait même pas où se trouvait sa maison.

Il hocha la tête en connaissance de cause, poussant sa Tour en avant pour prendre son pion. Harry appuya ses coudes en avant sur la table, posant son menton sur ses mains tandis qu'il évaluait silencieusement la position rigide de la jeune femme.

"C'est ton tour", chanta-t-il avant d'avaler sa boisson à l'aide d'une paille en plastique.

Croisant ses jambes pour cacher leurs tremblements, Hermione reprit son chevalier. "Harry, je ne veux plus jouer.

Il fronça les sourcils en la regardant avec confusion, bien qu'il se sentait mal à l'aise - comme un enfant qui joue les idiots après s'être fait attraper.

"Hermione, tu n'as pas le droit d'arrêter de jouer, répliqua-t-il, tu dois finir le jeu.

Hermione sentit les larmes couler. Tout lui semblait faux. Elle chercha dans son expression quelque chose de familier, même si elle n'était pas sûre de ce qu'était la familiarité. Ses yeux s'arrêtèrent sur la peau non marquée de son front et son visage pâlit.

Elle posa en tremblant le chevalier sur l'échiquier, avant d'ouvrir la boîte rouge devant elle pour échapper à son regard. En déchirant l'emballage, elle sursauta d'horreur et porta la main à sa bouche.

 

"Tu n'aimes pas ? demanda Harry avec désinvolture, en se penchant en avant pour sortir l'objet de la boîte, "Je pensais que tu y étais très attachée".

Hermione trembla violemment lorsqu'il retourna délicatement la figurine en plastique, caressant ses cheveux roux entre ses mains. "Hercule" murmura-t-il, "Tueur du Lion de Némée".

La terreur parcourut son corps à la vue de la figurine, qui n'avait pas sa place dans le train. Elle n'avait rien à faire ici. Pas dans cet endroit. Pas dans ses mains.

"Rendez-la-moi", murmura-t-elle.

Harry s'arrêta de faire tourner la figurine, souriant en la faisant pendre devant elle. " Et si je veux la garder ? " répondit-il d'un ton taquin. répondit-il d'un ton taquin.

Hermione ne savait pas trop pourquoi, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas la lui laisser. La fureur éclata dans son sang, chaude et puissante.

Elle ne pouvait pas le supporter.

"Rends-le moi !" Lança-t-elle en plongeant sur la figurine et en l'arrachant à son emprise.

Sa peau brûlait, un feu froid se propageant le long de son bras à partir de l'endroit où sa main rencontrait la sienne. Elle tenta de se dégager, mais son autre main saisit fermement son poignet, l'arrêtant net.

"Hermione ! Harry haleta, le désespoir dans sa voix fit plonger son regard dans le sien.

Harry la dévisagea sauvagement, ses yeux verts flamboyants.

"Hermione, tu dois fuir. Il arrive. Il arrive !"

Les flammes froides dansaient plus haut sous sa peau, s'enfonçant dans sa poitrine.

" Qui vient Harry ?"

 

Mais Harry se contenta de la serrer plus fort, s'accrochant à elle de toutes ses forces alors que son corps était secoué de spasmes et de tremblements.

" Il gargouilla, son cou se contorsionnant dans un angle anormal.

Hermione poussa un cri de terreur tandis que les yeux de Harry se révulsaient en arrière de sa tête.

" Pourquoi Harry ?", sanglota-t-elle. Elle sanglota, "Qu'est-ce qu'il veut !"

Les yeux noirs se braquèrent sur elle et le corps de Harry resta immobile.

Un chœur de murmures s'échappa de ses lèvres exsangues.

" Pour les récupérer. "

 

***

 

Hermione se redressa, un gémissement animal déchirant sa gorge.

Elle se débattit contre des murs étrangers, laissant des traces de boue et de crasse dans son sillage.

Plissant les yeux contre l'insoutenable luminosité de la pièce, elle regarda frénétiquement autour d'elle, et ses yeux se posèrent sur un tuyau d'évacuation en acier contre le carrelage au sol.

"Merlin ! Une voix masculine s'exclama, ce qui la fit reculer.

 

Elle se jeta contre le mur le plus proche, se recroquevillant contre lui pour se protéger de la lumière. Un léger gémissement résonna dans la pièce stérile, et Hermione reconnut faiblement qu'il venait d'elle.

Des pas s'approchèrent d'elle.

"Tu vas te taire ?" La voix claqua. "Pour l'amour de Salazar, si j'avais su que tu serais aussi folle, je t'aurais maintenue inconsciente".

Hermione retint son souffle, jetant un coup d'œil aux bottes noires en peau de dragon qui lui étaient familières. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu un autre humain et la présence d'un homme, de surcroît, seul avec elle dans une pièce lui retourna l'estomac. Elle tourna la tête pour ramper sur le sol, son corps se préparant déjà à ce qui allait suivre.

"Oh pour l'amour du ciel" grogna-t-il, "Calme-toi, d'accord ? Je ne suis pas là pour te faire du mal"

Alors qu'elle se recroquevillait pour empêcher son estomac de se contracter, elle leva les yeux de sa position pour voir un homme, non, un garçon, vêtu d'une robe de Mangemort à l'allure sinistre.

Il la dévisagea sans masque, les sourcils froncés et sa baguette fermement serrée dans ses mains blanches, tandis qu'il la regardait essayer de se ressaisir. Le garçon avait l'air presque comique, ses robes enveloppant sa petite taille. L'air de dégoût qu'il s'efforçait d'afficher donnait l'impression d'un enfant se déguisant.

Ce garçon n'avait pas l'air d'être une menace. Pourtant, elle savait mieux que quiconque que les apparences pouvaient être trompeuses.

"Quel est ton nom ? demanda-t-il durement et elle se raidit à cette question. Elle n'avait pas de nom. Ils le lui avaient arraché il y a bien longtemps.

Le garçon repoussa ses longs cheveux bruns avec impatience, tapant du pied en attendant une réponse qu'elle ne donnerait pas.

Il laissa échapper une longue expiration.

"Ok, quel que soit ton nom, tu dois venir avec moi. Le Seigneur des Ténèbres m'a chargé d'aller chercher un prisonnier sur cette île et de le ramener. Je suppose que c'est toi ?"

 

Hermione resta à nouveau silencieuse. Elle n'était pas sûre de pouvoir parler, ayant été submergée par la présence d'une autre voix. L'absence de silence lui paraissait assourdissante, la lumière lui brûlait les rétines.

Le jeune Mangemort semblait penser le contraire. Il se traîna mal à l'aise devant son manque de réponses, son masque de bravoure tombant alors qu'elle le fixait avec terreur et choc, cédant la place à un enfant incertain et dépassé par les événements.

"J'ai eu du mal à te trouver" expliqua-t-il en la regardant d'un air interrogateur, "Je ne pensais pas que les protections de la prison me permettraient d'entrer. Personne d'autre n'a pu le faire. Mon frère m'a dit qu'il avait été amené à s'entraîner sur un prisonnier il y a quelques années. Quelque part au septième étage. Je ne pensais pas qu'il y aurait quelqu'un, mais bien sûr, tu étais là". Il fit une pause, les sourcils froncés, " J'ai d'abord cru que tu étais morte, tu dormais profondément et je n'arrivais pas à te réveiller. Alors je t'ai amené ici. Maintenant que tu es réveillée, ça devrait être plus facile".

Hermione recula devant ses paroles, se pressant davantage contre le mur. Elle n'aimait pas penser à ce que "plus facile" signifiait.

Instinctivement, Hermione scruta à nouveau la pièce, à la recherche de quelque chose qu'elle pourrait utiliser comme arme ou moyen de s'échapper. Elle reconnut la porte à verrou de fer au bout du mur le plus éloigné, la même que celle de sa cellule. Réalisant qu'elle était toujours dans la prison, dans une sorte de salle de bain commune, elle se demanda si elle pouvait s'enfuir. Peut-être pourrait-elle trouver une autre cellule où se barricader en attendant le retour de Darryl.

Depuis combien de temps dormait-elle ? Quelques heures ? Quelques jours ?

Une autre idée horrible lui vint à l'esprit : et si Darryl ne revenait jamais ?

Le Mangemort la regarda avec méfiance alors qu'elle se tenait sur des jambes tremblantes, ses genoux se dérobant tandis que sa silhouette chétive s'apprêtait à s'enfuir. Hermione fit quelques pas en trébuchant avant de s'effondrer sur le sol, un poids autour de son cou la déséquilibrant.

Elle toucha timidement le métal froid autour de sa gorge, le bout de ses doigts traçant un collier en écailles qui s'enroulait autour de son cou. Elle regarda, les yeux écarquillés, le garçon qui se tenait au-dessus d'elle et dont le regard était empreint de pitié.

 

"C'est une précaution" murmura-t-il, déglutissant difficilement, "Cela stoppe ta magie, tu ne peux donc pas la récupérer."

Hermione réprima l'envie de vomir à nouveau. Il l'avait touchée pendant qu'elle dormait. Il avait mis ses mains autour de son cou et elle ne s'en était même pas rendu compte. Elle griffa désespérément son col, essayant d'arracher l'objet étranger de sa peau.

"Hé ! Stop !", cria-t-il.

Elle répondit par un grognement, crachant et donnant des coups de pied tout en se déchaînant sur le sol, étalant de la crasse et du sang sur le carrelage blanc tandis que ses ongles en lambeaux déchiraient la peau de sa gorge. Un animal enragé acculé au pied du mur.

Le Mangemort leva sa baguette en signe d'avertissement.

" Hé ! " aboya-t-il, " Arrête ça ! ".

 

Hermione se mit à hurler d'angoisse. Ce n'était pas juste, putain. Ils lui avaient laissé croire qu'ils ne reviendraient pas, qu'elle pourrait vivre et mourir dans l'isolement, sans être touchée par leurs mains sanglantes. Qu'elle mourrait tranquillement, emportée par la famine. Cela aurait été paisible. Elle se serait sentie en sécurité.

Elle pouvait entendre le garçon hurler, sa voix se brisant alors qu'il la menaçait de malédictions et de souffrance.

Mais le sort ne vint jamais.

Sa baguette dormait entre ses doigts tremblants. Il était dépassé par les événements, et c'est ainsi qu'elle hurla jusqu'à l'oubli.

Sous le collier autour de son cou, Hermione sentit que l'anneau était toujours solidement enroulé autour de sa gorge. Elle s'y accrocha fermement, l'opale s'enfonçant dans sa paume.

Sa voix s'enroua tandis qu'elle imaginait le mur de sa cellule. Elle laissa l'image l'imprégner, la construisant pierre par pierre dans son esprit. Elle imagina les couches de mousse et de moisissure, les gouttelettes d'humidité qui tombaient doucement sur le sol, les fissures qu'elle pouvait encore sentir sous le bout de ses doigts.

Elle construisit son mur. Le laissant bloquer la lumière, les sons et l'horreur. Jusqu'à ce que l'obscurité et le froid l'enveloppent de leur manteau protecteur. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien d'autre.

 

Hermione ouvrit les yeux, son regard n'était pas focalisé sur le garçon qui tournait toujours autour d'elle. Il avait l'air perdu. Ses épaules s'affaissaient en signe de défaite tandis qu'il fixait sa forme froissée, la tristesse dans son regard vieillissant son visage pourtant si jeune. Elle se demanda comment un garçon d'à peine quatorze ans avait pu se retrouver dans cette situation. Pourquoi avait-il été, parmi tous les autres, envoyé la chercher pour la tuer ?

"Il a dit que tu devais être présentable."

Hermione déglutit, comprenant.

Elle se leva en tremblant. Se pliant à sa demande. Elle savait quand elle était vaincue.

Qu'importait la façon dont sa vie se terminait ? Tout ce qui comptait, c'était qu'elle se termine. Elle avait survécu si longtemps, s'était battue si longtemps, et pour quoi ? Où cela l'avait-elle menée ? Ce serait agréable que tout cela se termine enfin.

Il lui lança un long regard, un regard qui reflétait le sien. Il semblait tellement plus petit maintenant qu'elle était debout.

"Episky" murmura-t-il en pointant sa baguette sur son cou.

Il baissa les yeux sur sa baguette, se mordillant l'intérieur de la joue en réfléchissant.

"Mon nom est Forsyth" chuchota-t-il précipitamment, comme s'il avait peur que quelqu'un l'écoute.

Hermione cligna des yeux, surprise. Les Mangemorts ne se contentaient pas de donner leur nom à leurs prisonniers. Ils ne s'embarrassaient pas des règles de courtoisie. Ils étaient au-dessus de tout ça.

Donner son nom signifiait qu'il la considérait comme humaine.

En traînant les pieds, le garçon, Forsyth, se retourna et se dirigea vers le tuyau rouillé fixé au mur. Tapotant sa baguette contre le bec, l'eau commença à s'écouler, s'accumulant autour du drain sur le sol.

"Tu vas devoir te déshabiller" dit-il, évitant le regard interrogateur de la jeune fille, "tu pourras te laver et ensuite... nous partirons".

 

Il laissa le sous-entendu en suspens.

S'armant de courage, Hermione commença à se déshabiller.

Tandis qu'elle retirait de son corps ses derniers vêtements en lambeaux, elle regarda son visage se vider de ses couleurs.

Forsyth ouvrit la bouche comme pour parler mais aucun son ne sortit. Ses yeux s'écarquillèrent de choc et d'horreur. Hermione jura qu'elle avait même vu la peur passer sur son visage.

"Qu'est-ce que..." commença-t-il avant que les mots ne lui manquent.

Il resta immobile, la bouche s'ouvrant et se fermant comme un poisson hors de l'eau. "Je... tu... quoi, qu'est-ce que c'est ?" Il balbutia, faisant un geste vers le corps de la jeune fille.

Hermione ne savait pas quoi répondre. Elle n'avait jamais imaginé que quelqu'un puisse poser les yeux sur elle. En y repensant, Hermione réalisa que la possibilité de voir quelqu'un de nouveau n'avait jamais été envisageable pour elle. L'avenir était une chose inconnue qu'elle ne pouvait pas atteindre. S'y attarder ne pouvait que lui faire redouter des choses qu'elle ne pouvait contrôler, ou pire, lui faire espérer quelque chose de meilleur. Les deux scénarios n'apportant rien d'autre que de l'angoisse, elle se concentra sur sa vie actuelle. Trouver de petits morceaux de paix dans le froid et l'obscurité.

 

Hermione baissa les yeux sur son frêle corps nu, pouvant enfin voir sa peau cireuse après des années de faible luminosité.

Le résultat était saisissant.

Ses côtes dépassaient comme des ailes, s'étirant si loin de sa taille creusée qu'elle aurait pu mettre son poing sous sa cage thoracique. Ses hanches, non, son bassin, réalisa-t-elle, tout son bassin était visible, les os de ses jambes ressortant comme de vulgaires roseaux.

Hermione réalisa qu'elle aurait dû être troublée. Au lieu de cela, elle regardait son corps avec une curiosité détachée. Incapable de comprendre que le corps qu'elle examinait était le sien.

"Pourquoi ? Qui voudrait..." commença Forsyth avant de se taire. Hermione pouvait voir les différentes questions défiler dans ses yeux.

"Qu'est-ce que c'est ? Il s'étrangla. Sa voix tremblait alors qu'il revenait à sa question initiale.

Hermione jeta un coup d'œil sur le spectacle de ses cicatrices. Elles étaient si nombreuses qu'elles se chevauchaient les unes les autres, se superposant en amas luisants de rouge, de rose et de blanc. Preuve de la cruauté de ses geôliers.

Mais Forsyth ne fixait pas les cicatrices de sa souffrance, il se concentrait sur les autres. Les plus complexes, taillées avec une précision chirurgicale.

Celles qu'elle avait créées.

" Des prières ", murmura-t-elle à voix basse. Elle ne voulait pas et ne savait même pas comment expliquer les raisons qui la poussaient à se mutiler.

 

La réponse sembla ramener le jeune Mangemort à la réalité. Comme s'il ne s'était pas attendu à ce que le cadavre ambulant devant lui réponde.

Il se racla la gorge.

"Douche" ordonna-t-il, baissant le regard en faisant un geste vers le tuyau.

Il recula tandis qu'Hermione se dirigeait en traînant les pieds vers l'eau glacée.

Forsyth lui tendit un savon alors qu'elle restait immobile sous le jet glacial, son corps s'étant depuis longtemps habitué à la sensation d'engourdissement.

"Lave-toi", lui demanda-t-il. Mais Hermione resta immobile, refusant de porter le savon à son corps.

" Par la Barbe de Merlin, tu dois te laver, putain ! " grogna-t-il.

Il semblait, comme elle, vouloir en finir au plus vite. Soupirant de frustration, il lui saisit le poignet en la tirant vers lui.

Hermione poussa instinctivement un cri de panique. Le garçon réagit immédiatement, lâchant son poignet et reculant d'un pas.

"Je ne suis pas... non, ce n'est pas pour..." balbutia-t-il, le sang brûlant sur ses joues.

"Ce n'est pas pour... ça" se précipita-t-il. "Je n'ai pas- je ne ferais pas....mais tu dois être propre."

Hermione grimaça devant la portée de ses mots.

Il baissa le regard solennellement.

"Non, non, ils n'ont pas l'intention de... ce n'est pas... tu n'es pas là pour... ça". Il termina tranquillement, les yeux rivés sur le sol.

"Est-ce qu'ils vont me tuer ?" demanda-t-elle doucement, la voix rauque et cassante.

Le jeune Mangemort hésita. "Je ne suis pas sûr" répondit-il doucement, "probablement".

"Ce sera rapide ?" murmura-t-elle.

Il la regarda alors, la réponse muette pesant lourd dans ses yeux.

Hermione connaissait déjà la réponse. Elle en avait fait l'expérience elle-même.

Forsyth se tenait là, vaincu, la savonnette pendant mollement à ses côtés.

"Je suis désolé, chuchota-t-il, il garde mon frère jusqu'à ce que je revienne.

La pitié lui transperça la poitrine tandis qu'elle observait l'expression brisée du garçon. Un enfant forcé de la déshabiller et de l'emmener à sa mort. Forcé d'accomplir des actes innommables au nom de son maître. Hermione était persuadée qu'il disait la vérité, son visage ne cachait rien. Le garçon était encore innocent. Il ne tiendrait pas longtemps, même s'il accomplissait cette tâche. Voldemort ne laissait aucune place à la faiblesse.

"Ok, murmura-t-elle. "Ok. Passe-moi le savon."

 

Timidement, il le lui passa. Ses doigts tremblants effleurèrent les siens. Le bout des doigts chauds rencontrant le froid.

Forsyth recula encore une fois pour permettre à Hermione de se laver. Il lui tourna le dos pour lui accorder un peu d'intimité. Un acte de folie ou de confiance, elle n'arrivait pas à se décider. De toute façon, elle n'avait nulle part où fuir et avec le collier et son état physique, elle ne pouvait pas se battre.

Ce sera bientôt fini. Le cauchemar était sur le point de se terminer.

Après s'être frottée du mieux qu'elle pouvait, elle trébucha sur le drap blanc plié que Forsyth avait posé.

En le ramassant, Hermione réalisa qu'il s'agissait d'un manteau blanc à capuche. La tirant sur ses boucles humides, elle en caressa l'étoffe. Elle était épaisse et soyeuse au toucher, et quoi que ce soit, elle semblait coûteuse. C'était un choix vestimentaire étrange pour une exécution, mais là encore, Voldemort avait toujours été un homme obsédé par le symbolisme.

Vêtue comme un agneau sacrificiel, elle annonça qu'elle était prête à partir.

Forsyth se retourna pour examiner son offrande au Seigneur des Ténèbres, ses yeux se posant sur le sommet de sa tête.

"Umm, tes cheveux" bégaya-t-il, "je ne connais aucun charme pour les cheveux". Il tripota nerveusement sa baguette comme si l'état de ses cheveux allait sceller sa mort.

Hermione n'eut pas le cœur de lui dire que même les charmes capillaires les plus avancés et une baignoire de Lissenplis ne pourraient pas arranger les choses.

" Coupe-les simplement " soupira-t-elle, se demandant pourquoi ils étaient assis ici à réfléchir à ses cheveux comme si elle n'était pas sur le point de devenir un cadavre sous peu. Cependant, elle pouvait comprendre qu'il veuille bien faire les choses si la vie de son frère était en jeu.

Il tâtonna avec sa baguette avant de la pointer sur sa tête. Incantant un sort de rasage, des touffes de cheveux durcis tombèrent à ses pieds. Au fur et à mesure que chaque motte tombait, la tête d'Hermione commençait à se sentir plus légère. L'air frais embrassait son épiderme nu.

Satisfait de son travail, Forsyth abaissa sa baguette et fouilla dans sa poche. Il en sortit un mouchoir plié dont il déroula délicatement les bords, dévoilant une pointe de flèche en argent.

Il s'arrêta, fronçant les sourcils.

Elle se demanda à quoi il pensait. S'il le pouvait, la sauverait-il plutôt ? S'enfuirait-il ? S'il avait eu le choix, sans la menace de son frère, aurait-il choisi la lumière ?

Au lieu de cela, elle demanda

"Où allons-nous ?" en montrant Le Portoloin dans sa paume tendue.

" A la sortie de Pré-au-Lard " répondit-il doucement.

 

Poudlard donc, pensa Hermione. Il était normal que sa vie se termine à l'endroit où tout avait commencé. Là où elle avait découvert les merveilles de la magie, là où elle s'était fait ses premiers amis et où elle les avait perdus.

Forsyth hésita avant de lui prendre la main. Ils entrecroisèrent leurs doigts et pressèrent légèrement sa paume. C'était à la fois un acte de réconfort et d'excuse. Elle lui adressa un faible sourire, comme pour lui dire "c'est bon", parce qu'elle comprenait. Si...

Un rugissement fendit l'air.

Les carreaux de la salle de bain tremblèrent autour d'eux, faisant vibrer le bâtiment.

Elle connaissait ce rugissement.

"Qu'est-ce que c'était ? cria Forsyth, lâchant le Portoloin avec effroi.

Le rugissement se rapprocha, la prison semblant s'animer sous l'effet du son. Le sol trembla tandis que Forsyth s'accroupissait, attrapant le Portoloin en serrant fermement sa main.

" Attends ! " cria Hermione en le tirant vers elle.

"Il faut y aller, putain !" hurla-t-il en la tirant vers lui. La terreur brillait dans ses yeux.

Hermione essaya d'arracher sa main à sa poigne semblable à celle d'un étau.

" Attends ! Laisse-moi lui dire au revoir ! " plaida-t-elle en griffant sa main. Elle supplia, griffant son bras pour essayer de s'éloigner.

De l'atteindre.

"Darryl ! cria-t-elle.

Le rugissement devint assourdissant, les carreaux se brisèrent tandis que les murs commençaient à se fendre.

"DARRYL ! cria Hermione.

Il était revenu à temps. Il était revenu pour elle.

Forsyth la tira au sol, la luttant désespérément tout en s'élançant vers la flèche d'argent, tout juste hors de sa portée. Il poussa un cri de terreur tandis que les débris commençaient à pleuvoir autour d'eux.

La porte de la salle de bain explosa dans une pluie de métal et de pierres. La glace se ramifia instantanément vers tous les coins de la pièce. Darryl se profila dans l'encadrement de la porte, ses robes s'envolant comme de la fumée noire.

La mort incarnée.

 

Forsyth hurla tandis que Darryl se précipitait vers eux. Se précipita sur elle.

Hermione tendit la main vers son amie. Des larmes coulèrent sur ses joues. Il était là. Elle pouvait lui dire au revoir.

Mais alors que sa main se tendait vers la sienne, la robe blanche se rapprochant de la noire, elle sentit le tiraillement familier de son nombril.

L'angoisse envahit Hermione tandis qu'elle commençait à sentir la salle de bain s'éloigner. Les cris se mêlèrent aux rugissements lorsque le Portoloin s'activa dans la main de Forsyth.

"DARRYL ! Elle hurla lorsque le bout de ses doigts osseux passa à une largeur de cheveu de la sienne. Sa silhouette noire se déforma rapidement tandis qu'elle s'éloignait de lui et de la maison qu'elle avait appris à connaître.

Le monde fut un tourbillon de couleurs alors qu'elle était traînée d'un endroit à l'autre. Elle criait à l'injustice de tout cela. La rage bouillonnait dans son sang. Elle siffla, frappa et poussa en essayant d'éloigner son corps de celui de Forsyth tandis qu'ils étaient projetés sauvagement dans l'Ether. Hermione se battait avec toute la force qu'il lui restait.

Elle devait retourner auprès de Darryl.

Hermione atterrit durement sur le dos. La force lui fit perdre l'air de ses poumons. Quelque chose de chaud l'envahit alors qu'elle tentait de respirer. Elle sentait le goût prononcé du cuivre alors que des bruits sourds et humides pleuvaient autour d'elle.

Elle se retourna et fut prise d'un violent malaise, vomissant la bile de son estomac vide. Elle réalise vaguement que Forsyth lui tenait toujours la main. Elle la repoussa avec force.

La main de Forsyth se déplaçait facilement avec elle, toujours aussi fermement serrée et étonnamment légère. S'essuyant pour enlever quelque chose de collant de ses yeux, Hermione jetta enfin un coup d'œil à la main qu'elle tenait toujours.

Elle n'était plus reliée à un corps.

Là où le reste de Forsyth devrait se trouver, il n'y avait qu'un morceau de viande qui se terminait par ce qui était son avant-bras.

Hermione saisit frénétiquement son autre main pour arracher les doigts rigides de Forsyth des siens. Elle jetta la main de Forsyth de côté et s'enfuit, horrifiée.

Alors qu'elle glissait et trébuchait sur ses mains et son dos, elle réalisa qu'elle n'était pas allongée sur un bord de route boueux à l'extérieur de Pré-au-Lard.

Elle gîsait littéralement sur Forsyth.

Partiellement immergée dans un gros tas de sang et de morceaux de viande.

Hermione fixait d'un air engourdi l'horrible scène qui l'entourait, complètement figée dans l'incrédulité de voir que le garçon qui lui tendait du savon il y a quelques minutes à peine n'était plus qu'un tas de bouillie.

Un sifflement grave retentit derrière elle.

Elle tourna la tête pour apercevoir trois hommes vêtus de noir et portant les masques argentés qui lui étaient familiers.

 

"Eh bien, regardez ce que nous avons là !" ricana l'un d'eux. "C'est un beau bordel que tu as fait."

 


 

Chapter 7

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text


Sélections


 

Le grondement de la foule s'amplifia à mesure que la calèche approchait.

 

Hermione était assise entre deux Mangemorts, leurs coudes bousculant ses épaules tandis que la calèche montait vers le terrain de quidditch de Poudlard.

Le sang collait à sa robe, la faisant passer du blanc immaculé au rouge. Elle fixa les fragments de matière cérébrale étalés sur ses manches, et les grumeaux sous ses ongles. Un rayon vert apparut brièvement dans sa vision. Elle le repoussa, imaginant son mur à la place.

Elle laissa la roche emporter le son jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un léger bourdonnement dans ses oreilles. Elle resta silencieuse pendant que la calèche passait devant le château, des lumières parsemaient les fenêtres et elle pouvait presque imaginer ses anciens camarades de classe dormant profondément à l'intérieur. Vivants. En sécurité.

Une nuit sans lune enveloppait d'ombres le parc du château, le terrain de Quidditch éclairé brillait comme un appel de phare. Elle fit semblant de se rendre à un autre match de Gryfindoor. Elle arrivait, un livre dans une main et un thermos de chocolat chaud dans l'autre, et prenait place à côté de Ginny et Neville. Deux balais passaient. Une tignasse rousse et une tête noire.

La calèche s'arrêta d'un coup à l'extérieur du terrain. Des mains rugueuses l'empoignèrent fermement et la soulevèrent hors de la voiture.

Un homme bedonnant à la grosse moustache se tenait à l'entrée, un presse-papier flottant et une Plume à Papote griffonnant derrière lui. Il sursauta en voyant la tenue de la jeune femme.

"Blimey ! Qu'est-ce que c'est que ça ?" s'exclama-t-il, le nez plissé de dégoût.

 

L'un des hommes masqués à sa gauche ricana et leva les mains en signe de reddition.

"Ne me regarde pas, le garçon est arrivé comme ça", dit-il en la désignant du pouce.

Le soulagement l'envahit comme une vague, si forte que sans les hommes qui la tenaient, elle se serait effondrée sur le sol. Ils la prenaient pour un garçon. Ils ne savaient pas qui elle était.

L'homme bedonnant renifla, jetant un regard entre les hommes comme si elle n'existait pas.

"Où est son gardien ?" demanda-t-il en fouillant dans ses poches pour en sortir une petite bourse. Le bruit révélateur des pièces de monnaie tintait dans sa main.

Des rires éclatèrent entre les deux hommes. Hermione essaya de ne pas grimacer lorsque celui de droite saisit une poignée de sa robe ensanglantée.

"Ici ! Hurla-t-il.

 

La moustache de l'homme tressaillit tandis qu'il fixait les deux Mangemorts, ne comprenant pas la plaisanterie de mauvais goût.

Une voix bourrue derrière elle répondit depuis la tête du wagon, interrompant l'hystérie de ses ravisseurs. " Il est mort, Atkinson. Réduits en bouillie. Tes Portoloins sont merdiques"

Le sorcier bedonnant, Atkinson jeta un regard par-dessus sa tête à l'homme derrière elle.

"Les Portoloin sont en bonne condition. Personne d'autre n'a eu de problème".

Il remit la bourse dans sa poche avant de tourner ses yeux de fouine vers elle.

"Mettez celui-ci à l'arrière, là où le Seigneur des Ténèbres ne peut pas le voir. C'est sur le point de commencer."

" À vos ordres Capitaine ", dit le Mangemort à sa droite en faisant un simulacre de salut. "On se voit en haut"

 

Les deux hommes la traînèrent vers l'entrée située au pied d'une des tours, passant devant le carrosse et la bête qui le remorquait. La créature noire et squelettique était bâtie comme un cheval avec des ailes de chauve-souris dépassant de son dos. Elle avait vu des dessins de Sombrals dans son manuel de Soins aux créatures magiques, mais c'était la première fois qu'elle pouvait les voir.

Voir ces créatures, c'était voir la mort.

Alors qu'Hermione était poussée au loin, elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule vers la créature et la regarda dans les yeux. Le Sombral recula comme si elle l'avait frappé, ses yeux blancs s'écarquillèrent de terreur. Un gémissement aigu sortit de sa bouche tandis qu'il s'élançait sur ses pattes arrière, ses ailes battant la chamade contre sa bride.

Elle se demanda s'il pouvait percevoir la mort, s'il connaissait le destin de la personne dont elle portait le sang comme une peinture, ou s'il savait qu'elle était destinée à mourir à quelques centaines de mètres de là.

"Doucement ! Doucement !" cria l'homme du carrosse, se jetant en avant pour saisir les rênes.

 

Des mains tirèrent brutalement sa capuche ensanglantée vers le bas jusqu'à son visage, lui enfonçant la tête en avant en lui cachant la vue du chaos qui se déroulait derrière elle.

Les jambes d'Hermione traînaient vainement sur le sol, incapables de suivre le rythme imposé par les hommes. Ils la traînèrent sous l'une des tours, le grondement d'un millier de pas martelant au-dessus de sa tête.

" Bonne chance, gamin ", gloussa l'un des hommes avant de la pousser en avant, la catapultant à travers les lambeaux de tissu sous la tour.

Le souffle familier de la magie la traversa tandis qu'elle franchissait les barrières entourant le terrain et tombait sur l'herbe mouillée en contrebas.

La foule au-dessus était assourdissante, un chœur de cris, de railleries et de rugissements. Hermione s'arrêta et enfonça ses doigts dans le sol frais, s'émerveillant de la sensation de l'herbe sous ses paumes. Ajoutant une nouvelle couche de pierre au mur dans son esprit, Hermione se leva lentement, appuyant son dos contre la tour derrière elle. Les protections lui frappèrent l'épaule, l'électricité dansant sur sa peau et la forçant à faire un pas en avant.

 

Il n'y avait nulle part où fuir.

 

Elle jeta un coup d'œil par l'interstice sous son capuchon, essuyant les gouttelettes de sang de Forsyth qui dégoulinaient sur ses joues.

Malgré le mur qu'elle avait soigneusement construit, le spectacle qui s'offrait à elle lui arracha l'air des poumons.

Une foule de manteaux noirs et de masques argentés se tenait sur les gradins, applaudissant le spectacle qui se déroulait en bas. Ils encerclaient tout le terrain comme s'ils assistaient à la finale de la Coupe du Monde de Quidditch. La quantité de personnes la faisait bouillir, chaque respiration lui brûlant la gorge.

Le mur de son esprit s'ébranla tandis qu'elle découvrait le terrain devant elle. Une grande estrade trônait au centre du terrain, entourée d'une masse de manteaux blancs immobiles. Elles s'étalaient devant elle comme des pions sur un échiquier, des robes identiques à la sienne. Leurs capuches relevées et leurs têtes baissées, ils lui tournaient le dos en sanglotant et en tremblant.

Un troupeau entier de moutons attendant d'être abattus.

 

La chaleur continuait de monter à l'intérieur d'Hermione tandis que son horreur grandissait. Une pierre se détacha du mur et se brisa sur le sol

"Hécate" murmura-t-elle en levant les mains en signe de prière, "Miserere nobis-".

Elle pria désespérément en tournant son regard vers le ciel nocturne, à la recherche de l'obscurité familière. Quelques étoiles lui répondirent par un clin d'œil. Leur lumière s'estompait derrière les lanternes qui surplombaient le terrain, illuminant le spectacle qui se déroulait en contrebas.

Hermione laissa les mots la traverser, calmant son cœur qui battait la chamade. Elle ferma les yeux contre la lumière et s'imagina agenouillée devant le mur de sa cellule, le solidifiant dans son esprit jusqu'à ce que l'odeur de moisi pénètre ses narines.

Lorsque la chaleur se dissipa, elle ouvrit les yeux sur un grand miroir qui planait au-dessus d'elle. Son regard le suivit tandis qu'il se déplaçait lentement dans l'air libre, rencontrant un autre miroir incroyablement grand avant de revenir paresseusement en arrière. Elle scruta le ciel nocturne et en compta treize autres. Avant qu'elle ne puisse réfléchir à leur raison d'être, elle se retrouva la tête tirée vers l'estrade par une force inconnue.

Toutes les personnes en blanc tournèrent la tête en même temps, étrangement synchronisées. Son collier se mit à bourdonner contre sa peau tandis que ses yeux s'arrêtaient sur la silhouette en vert Serpentard qui montait les marches. La seule tache de couleur dans un monde en noir et blanc.

Une projection translucide de l'estrade émergea au-dessus du terrain, donnant l'impression que la silhouette fixait la foule en contrebas. Ses yeux rouges traversaient les espaces entre les pierres et elle sentit des larmes chaudes commencer à se former, se déversant pour rejoindre le sang sur ses joues.

 

Une voix froide et familière, renforcée par un charme de Sonorus, résonna sur le terrain.

"Bienvenue à mes fidèles disciples.

Voldemort s'arrêta pour observer la scène qui se déroulait devant lui, un sourire sadique se dessinant sur ses traits de serpent.

"Aujourd'hui, nous célébrons !" S'écria-t-il, et la foule tonna lorsqu'il leva les bras en signe de bienvenue.

Lorsque les sifflets et les cris se turent, il commença à s'avancer, les mains jointes devant lui dans un faux geste d'humilité.

"Il y a cinq ans, en ce jour, j'ai tué Harry Potter, dit-il en ricanant, "L'élu".

Des rires éclatèrent dans les tribunes, noyés par le rugissement de son sang.

Cinq ans. Cinq ans. Cinq ans.

 

Petit à petit, Hermione colmatait les fissures et commençait à construire un autre mur à côté, avec un évier rouillé et un miroir terni.

Voldemort sourit, l'enthousiasme de la foule lui permettant de se délecter de son pouvoir.

"Depuis, nous avons remporté victoire sur victoire, purgeant de notre monde les traîtres au sang, les sympathisants moldus et les Sang de Bourbe".

Une fenêtre grillagée. Un robinet qui fuit.

"Et maintenant, devant vous se tiennent les derniers vestiges de l'Ordre. Ceux qui ont attaqué nos maisons, bombardé nos rues, assassiné nos enfants".

Des toilettes fétides.

" Les dernières souillures à être exterminées. "

Un lit de camp sale aux couvertures déchirées.

"Aujourd'hui, nous aurons la justice !"

Une porte en acier verrouillée.

Rien ne entre. Rien ne sort.

 

"Mais" fit-il une pause, "ne sommes-nous pas meilleurs que nos adversaires ? Nous comprenons mieux que quiconque le gaspillage de sang magique qui a été versé."

Une pièce d'échecs grossièrement dessinée. Une figurine en plastique. Une bague.

"Nous avons tué par nécessité, pour faire avancer notre cause, pour améliorer le monde ! Nous ne sommes pas des monstres. Nous ne sommes pas nos ennemis."

La froideur l'enveloppa, les ténèbres l'enveloppèrent dans leur étreinte.

"Alors aujourd'hui, j'offre la justice, oui, mais j'offre aussi la miséricorde."

 

Hermione reconstruisit sa cellule dans son esprit, centimètre par centimètre, pierre par pierre. Elle combla les trous, scella la pièce jusqu'à ce qu'elle devienne imperméable. Elle remplit la pièce de neige et de chansons sur les sous-marins avant d'y emprisonner ses émotions et de claquer la porte.

"Aujourd'hui, j'offre aussi quelque chose d'autre, quelque chose dont je sais qu'il a été question ces dernières années".

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

"Mon successeur."

Hermione regarda avec détachement un groupe de Mangemorts monter en uniforme sur l'estrade, se déployant en ligne derrière Voldemort pour faire face à la foule en délire.

"Devant vous se tiennent mes plus fervents dévoués. Ils ont prouvé leur force et leurs compétences. Chacun d'entre eux reçoit l'opportunité de se tenir un jour à ma place".

D'un geste de la main, un piédestal surgit de la scène. Son sommet était caché par un tissu noir.

"Ils devront rivaliser pour obtenir un tel honneur. La force et l'habileté sont une chose, mais peuvent-ils commander ? Possèdent-ils le pouvoir de transformer quelque chose de fragile en quelque chose de plus grand ? Peuvent-ils continuer à changer notre monde pour le meilleur ?" Voldemort marqua une pause, un homme de spectacle naturel attirant l'attention de la foule : " Nous allons en faire le test. "

Il arracha le tissu du piédestal, révélant une simple coupe en bois. Des ombres jaillirent de l'intérieur, se répandant sur les côtés du piédestal et sur l'estrade en contrebas. Même depuis sa place au fond, Hermione pouvait sentir la magie noire irradier de ces tentacules d'encre.

"La Coupe des Ombres ! Autrefois connue sous le nom de Coupe de Feu, elle promettait la gloire éternelle à ceux qui étaient sélectionnés pour participer au dernier Tournoi des Trois Sorciers. Son dernier champion n'est autre que Harry Potter." Les yeux de Voldemort scintillèrent avec hilarité, "Comme cela a bien fonctionné pour lui."

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

"Contrairement au dernier tournoi, celui-ci comportera sept épreuves."

Voldemort fit un geste vers la rangée de Mangemorts derrière lui.

"Cela permettra d'éliminer les faibles et de montrer lequel de mes Disciples a le pouvoir de diriger. Chacun d'entre eux se verra attribuer un champion. Ils les formeront, les instruiront et les transformeront en quelque chose de plus."

Hermione entendit des gémissements s'élever de la zone blanche. L'odeur de la peur flottait dans l'air, mais elle ne la toucha pas. Elle resta immobile, indifférente aux cris de ceux qui l'entouraient. Elle était dans une cellule d'Azkaban. Ici, rien ne pouvait la toucher.

Voldemort continua, sa voix s'amplifiant à mesure que la foule se gonflait d'énergie.

"Aujourd'hui, j'offre la justice. Aujourd'hui, j'offre la miséricorde. La coupe désignera quinze Champions, un pour chaque Disciples. Ils auront une chance de gagner leur liberté. Le Champion qui gagnera s'en ira, rédempteur. La sécurité d'un être cher à ses côtés. Ceux qui ne gagneront pas seront jugés indignes de la Magie elle-même et seront exécutés avec leurs Garants."

 

Il sourit aux masses frémissantes en bas.

"Bien sûr, s'ils survivent aussi longtemps."

Une ombre se dessina dans le coin de la vision d'Hermione, et bien que son collier l'empêchât de détourner son regard de l'estrade, elle sentit une présence apaisante la frôler. Sa grande forme se faufilait à travers les robes blanches sans être remarquée.

"Le Disciple dont le champion gagnera sera nommé mon successeur. Il aura prouvé qu'il est un véritable chef, assez puissant pour faire de l'ennemi un atout."

Il se tourna vers les Mangemorts derrière lui .

"Vous aurez chacun un laissez-passer pour participer à une tâche et assister votre Champion".

L'ordre suivant de Voldemort siffla en guise d'avertissement au groupe .

" Faites-en bon usage. "

Voldemort sortit sa baguette et lança un anneau de feu vert autour de lui et de la coupe, les flammes léchant ses genoux.

" Devons-nous rencontrer nos Champions ? " demanda-t-il à la foule qui répondit en rugissant.

 

Alors que Voldemort appelait son premier Disciple, Greyback, dans l'anneau de flammes, l'ombre qui n'avait cessé de se faufiler vers Hermione se planta devant elle.

Le chien noir s'immobilisa, la fixant directement à travers les interstices blancs. Hermione se prépara à entendre les cris d'alarme provenant des tribunes, mais personne ne sembla remarquer le grand Sinistros au centre du terrain.

Elle se demanda si Sirius était venu au royaume des vivants pour l'escorter de l'autre côté. Lentement, énergiquement, elle croisa le regard jaune de Sirius. Sirius lui jeta un long regard attristé, comme s'il s'excusait, avant de se glisser derrière l'une des silhouettes en robe et de disparaître.

Le collier autour de sa tête se mit à bourdonner en ramenant ses yeux vers l'estrade.

 

Greyback se tenait maintenant devant Voldemort, la tête baissée, tandis que ce dernier tirait de l'ombre un morceau de parchemin qui voltigeait. Voldemort ouvrit le papier, ses sourcils s'agitant de surprise avant de se retourner vers son Disciple le moins gradé.

"Il semble que la coupe te soit favorable, Greyback", dit-il en retroussant ses lèvres avec dégoût. "Ginevra Weasley !

Les yeux de Greyback s'écarquillèrent pendant une fraction de seconde avant qu'un sourire triomphant aux dents acérées n'éclate et qu'il ne se retourne pour rencontrer sa championne.

Une femme aux longs cheveux roux monta sur l'estrade, raide, en luttant contre la contrainte. Hermione aperçut le collier qu'elle portait autour du cou, une sorte de serpent dorée. Sa porteuse s'avança dans le cercle de feu, ses yeux flamboyants de haine et sa main tendue contre sa volonté.

Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de la véritable Ginny Weasley, crachant de dégoût alors que sa main se posait sur la griffe de Fenrir Greyback.

Hermione regardait les événements qui se déroulaient devant elle sans la moindre émotion. Il s'agissait de noms et de visages qu'elle reconnaissait, même si leurs souvenirs étaient profondément enfouis. La porte de sa cellule restait scellée dans les recoins de son esprit.

 

"Ginevra" siffla Voldemort avec une politesse moqueuse "Bienvenue ma fille, c'est un plaisir".

Voldemort fit un geste vers un groupe de silhouettes blanches regroupées sous l'estrade, leurs visages étant trop éloignés pour qu'Hermione puisse les distinguer.

" Je t'en prie ", dit-il. " Choisis ton Garant. "

La projection se focalisa sur le regard furieux de Ginny, dont le corps tremblait en luttant contre la magie qui la ligotait.

" Va te faire foutre ", cracha-t-elle.

 

Voldemort tinta, ses yeux rouges étincelant tandis que le collier autour du cou de Ginny commençait à se resserrer. Du sang commença à couler de la bouche de la sorcière qui se mordit la langue pour s'empêcher de répondre, mais la contrainte l'emporta.

"Edward Remus Lupin" gargouilla-t-elle.

 

A la seconde où elle prononça son nom, un éclair frappa la foule en contrebas et l'anneau de flammes vertes s'embrasa, signe que la magie avait fait son effet. Elle s'effondra sur le plancher en bois, son collier arborant désormais un serpent argenté étincelant, signe de son nouveau statut de championne.

"Ta vie est désormais liée à celle de Monsieur Greybacks, ma fille, et la vie du garçon est liée à la tienne. Si tu meurs pendant les jeux, le garçon mourra avec toi. Tue ton maître et toi et le garçon suivrez". Voldemort expliqua froidement à la sorcière brisée qui se convulsait silencieusement dans la douleur.

Il tourna ensuite son regard vers Greyback, ses paupières s'abaissant en signe d'avertissement.

"Le Python te répond maintenant, maîtrise son porteur et tu auras un champion redoutable. Rompez."

 

Greyback s'inclina devant son maître avant d'attraper la sorcière en détresse et de la ramener à l'extérieur du cercle, en attendant ses prochaines instructions.

"Alecto Carrow ! annonça Voldemort et la sœur des deux jumeaux Carrow s'avança fièrement dans le cercle.

Hermione regarda, hébétée, Parvati sortir de la coupe et choisir en pleurant Ernie Macmillan parmi la foule. Alors que les flammes s'élevaient en guise de confirmation, elle s'effondra sur le sol et poussa un cri d'agonie lorsque son collier devint argenté. Hermione se demanda pourquoi elle n'avait pas appelé sa sœur.

La réponse ne se fit pas attendre quand Amycus se leva à son tour et s'assura de la présence de la deuxième sœur Patil, Padma.

Elle supposa que Voldemort savait déjà qui la coupe choisirait, laissant à dessein un groupe de Garants à choisir pour qu'ils ne puissent pas choisir un autre Champion. Padma choisit son colocataire Anthony Goldstein et lorsque le cercle reprit sa combustion lente, elle fut elle aussi entraînée à l'extérieur des flammes pour regarder les Disciples restants recevoir leurs Champions.

 

"Astoria Greengrass", annonça Voldemort, la voix pleine d'affection. La blonde s'avança en sautillant, son visage angélique n'exprimant aucune peur et souriant gentiment à son Maître.

Voldemort sembla s'extasier devant son regard adorateur.

" Astoria ma chérie, comme c'est excitant ! Espérons que tu en auras un bon, hmm ?".

Il lui parlait comme le ferait un père aimant et Hermione se demandait ce que la sorcière avait bien pu faire pour s'assurer une faveur aussi évidente. Elle ne se souvenait pas de grand-chose sur la jeune Serpentard, seulement qu'elle était de sang-pur et avait des liens familiaux avec le Seigneur des Ténèbres.

La Coupe cracha un morceau de parchemin que Voldemort saisit au vol. Ses sourcils se haussèrent lorsqu'il lut le nom, arquant son sourcil en signe d'intrigue exagérée pour les spectateurs presque hystériques.

"Theodore Nott ! S'écria-t-il en écartant les bras tandis que la foule se levait d'un bond, "Le Grand Traître !".

Les lèvres roses d'Astoria s'entrouvrirent sous le choc et elle poussa un cri comme si elle venait de gagner un concours de beauté.

"Bien joué ma chère, bien joué". Voldemort félicita sincèrement la sorcière ravie.

Theodore Nott s'avança paresseusement sur la scène, comme s'il n'était pas du tout affecté par les colliers, les exigences du Python.

"Astoria. Seigneur des Ténèbres." Theodore acquiesça poliment, "J'adore le titre, d'ailleurs, tu sais vraiment comment faire pour qu'un homme se sente spécial."

Voldemort adressa à Théodore un sourire crispé.

"S'il n'y avait pas eu ta stupidité, tu aurais pu te tenir ici aujourd'hui dans une position très différente. C'est presque décevant, même si je pense que tu as trouvé la place qui te revient", ricana-t-il.

Théodore haussa les épaules, insensible à la colère du Seigneur des Ténèbres.

"Bonnet Blanc,Blanc Bonnet comme disent les Moldus", songea-t-il en se tournant vers l'expression déconcertée d'Astoria.

Il tendit la main à son nouveau maître esclave. La sorcière hésita, déconcertée, avant de placer sa main dans la sienne avec une grimace.

" Et qui est ton Garant ? " demanda Voldemort, tendu.

Theodore tourna la tête pour regarder sous l'estrade, fredonnant en cherchant les visages qu'Hermione ne pouvait pas voir.

"Hmmm..." murmura Theodore. marmonna Theodore, "Am, Stram, Graam... aha. Dudley Dursley !" cria-t-il avec assurance.

 

Le feu s'embrasa en guise de confirmation et un éclair jaillit, entrant en collision avec le Garant sélectionné en contrebas. Le sourire en coin de Théodore se transforma en grimace tandis qu'il sifflait de douleur. Par miracle, bien que chancelant, il resta debout.

"Un Moldu ? Voldemort rit. "Quel gâchis."

"Il est le cousin de Harry Potter... symbolisme et... et tout ça..." Il haleta, se repliant sur lui-même tandis qu'un autre spasme de douleur le submergeait.

Voldemort ignora le sorcier qui s'agitait et s'adressa à Astoria d'un ton paternel.

" Il y a du travail à faire avec lui, ma chère. Sa magie est puissante mais son cœur est faible. Brise-le et je suis sûr que tu me rendras fier."

 

Elle acquiesça avec sérieux, quittant le cercle au doux renvoi de son maître. En quelques formules, elle enveloppa Théodore d'un sort de liaison corporelle et le fit léviter vers elle avant de le laisser tomber brutalement sur le sol.

Les noms suivants défilèrent devant Hermione dans une brume engourdissante. Rowle s'assura les services de Cho Chang qui choisit Michael Corner comme Garant. Macnair obtint une Susan Bones en larmes qui choisit Hannah Abbott. Selwyn reçut Gregory Goyle qui monta sur scène en tâtonnant.

Goyle tenta de choisir Nott comme Garant, ce qui lui valut un coup de poing sur le nez de la part de Selwyn, qui aboya que d'autres Champions ne pouvaient pas être sélectionnés. Goyle sélectionna alors Oliver Wood, qui fut rapidement traîné vers les autres Disciples et leurs Champions, qui commençaient à former un demi-cercle à l'extérieur du plateau.

Hermione sentit les murs de son esprit se soulever lorsque George Weasley fut appelé à se soumettre à Avery. L'expression d'insouciance qu'il arborait autrefois était maintenant flétrie par l'épuisement. Après une délibération pleine de larmes, George choisit Angelina Johnson, la petite amie de son jumeau décédé, et prit place parmi les autres.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Herdrian Parkinson donna un coup de poing triomphal en recevant Neville Londubat. Le garçon, autrefois timide, avait la tête haute, les épaules larges et droites en prenant la main de Parkinson et en appelant sa grand-mère, Augusta Londubat.

À l'inverse, Dolohov poussa un grognement de frustration à l'annonce de Dennis Creevy, le jeune frère de Colin Creevy qu'Hermione avait vu pour la dernière fois à l'état de cadavre brisé lors de la Bataille. Dennis appela Cormac Mclaggen et, comme Theodore Nott, resta étonnamment debout tandis que le Python autour de son cou se transformait en argent.

Hermione commença à remarquer une tendance chez les Champions. Tous étaient jeunes, la plupart choisissant des Garants du même âge. Où étaient les membres plus âgés de l'Ordre comme Kingsley, Mcgonagall et Andromeda Tonks ?

Daphne Greengrass fut appelée, son attitude froide contrastant fortement avec la chaleur de sa sœur. Elle se tenait comme si elle était faite de fer, une forteresse impénétrable. Il semblait que Voldemort avait gardé ses meilleurs Disciples pour la fin. Hermione se demanda ce que l'aînée des Greengrass avait fait pour mériter sa place et pourquoi son père ne faisait pas partie des quelques Disciples restants.

"Ron Weasley" déclara Voldemort et une vague de chaleur nauséabonde envahit Hermione. Elle lutta pour se contrôler tandis que la porte de la cellule se déchirait, les boulons sortant de leurs gonds tandis qu'un torrent d'émotions s'abattait à l'intérieur de la cellule.

Rien ne rentre. Rien ne sort. Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Comme Neville, Ron se tenait debout. Même sous les ordres du Python, sa longue démarche était d'une familiarité déchirante.

Allait-il savoir qu'elle était là ?

L'appellerait-il par son nom ?

La porte métallique grinça en s'entrechoquant, de profondes bosses se creusèrent sur sa surface.

Son visage était différent, plus vieux. Ses yeux bleus, dieu ses yeux, étaient dépourvus de chaleur. Ils étaient froids. Calculateurs. Vides.

Que s'était-il passé pendant les années où ils avaient été séparés ?

Les larmes lui piquèrent les yeux alors qu'une brèche s'ouvrait dans la porte. La peur, le chagrin et l'horreur s'infiltrèrent, brûlant sa poitrine.

Hermione jeta ses mains contre la porte dans son esprit, pressant ses mains contre le métal qui chauffait sans cesse.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Elle se mit à prier, murmurant des mots contre l'acier qui se déformait tandis qu'elle luttait contre les émotions qui l'habitaient. Le givre commença à se répandre sur ses paumes, se cristallisant contre la porte jusqu'à la recouvrir d'une fine couche de glace. Hermione se concentra sur le froid apaisant sous ses mains, priant jusqu'à ce que la porte soit complètement obscurcie par un épais mur de glace.

Le martèlement derrière la porte s'arrêta.

 

"Molly Weasley" chuchota Ron, scellant son destin dans le cercle. La projection se porta sur George qui s'affaissa de soulagement au nom de sa mère.

Hermione n'était pas déçue de ne pas avoir été choisie. Elle ne ressentait rien du tout.

Les Champions et les Garants étaient regroupés près de l'estrade, signifiant leur importance. Sa place à l'arrière signifiait qu'elle était probablement ignorée. Les jeux et la gloire ne l'attendaient pas. Seule la mort l'attendait.

Justin Finch-Fletchler fut appelé à Yaxley. Il choisit Zacharias Smith. Un autre champion perçu comme faible pour l'un des plus grands Disciples de Voldemort.

Il ne restait plus que trois Disciples. Blaise Zabini, Draco Malefoy et Bellatrix Lestrange. La sélection était presque terminée. Son temps était pratiquement compté.

Zabini fut appelé à son tour, lorsque Voldemort annonça que la coupe avait choisi Luna Lovegood comme championne, Zabini pencha brusquement la tête vers celle de Malefoy.

Un échange silencieux sembla s'établir entre les deux sorciers, comme si Zabini était surpris que Luna lui ait été attribuée à lui et non à Malefoy.

Zabini remit son masque inexpressif et remercia le Seigneur des Ténèbres avant de prendre la main de Luna. La projection fit un zoom sur le visage de Luna, capturant ses yeux qui se portèrent brièvement sur sa gauche. Là où Hermione savait que Malefoy se tenait. S'était-elle aussi attendue à un autre maître ?

Avait-elle su pour le tournoi ?

 

La voix douce de Luna appela Terry Boot, l'un des garçons dont Hermione se souvenait qu'il avait harcelé Luna pendant leurs années à Poudlard. Un choix étrange pour une fille étrange.

Elle fut doucement tirée par le coude vers les autres, se pliant de bonne grâce à l'homme qui la contrôlait à présent. Si Blaise Zabini était à l'image de son infâme mère Veuve Noire, la douce Luna ne survivrait pas longtemps.

"Bellatrix Lestrange", fit Voldemort.

La femme qui avait mutilé Hermione entra dans le cercle et s'inclina formellement devant le Seigneur des Ténèbres, suffisamment en avant pour que son front touche presque ses chevilles.

Un classement surprenant.

 

Hermione avait pensé que Bellatrix, entre toutes, aurait été le principal successeur de Voldemort, mais c'était Drago Malefoy qui se tenait seul derrière Voldemort.

Les ombres dansèrent lorsque Voldemort saisit le morceau de parchemin flottant, ses yeux s'illuminèrent lorsqu'il appela le Champion.

"Seamus Finnegan.

Bellatrix gloussa de plaisir, se retournant pour faire face à son prix.

Les yeux de Seamus étaient aussi flamboyants que ceux de Ginny, tandis qu'il montait sur l'estrade, rigide. Le contentement ravagea ses traits autrefois juvéniles tandis qu'il prenait la main de Bellatrix.

" Annoncez votre Garant " ordonna Voldemort, sa voix portant une note d'hilarité.

"Dean Finnegan " cracha Seamus, tremblant de fureur ou de peur en attendant la douleur.

Le feu restait calme. Son python restait doré.

Seamus fronça les sourcils.

" Dean Finnegan ! "

 

Voldemort se mit à rire, Bellatrix et les autres Disciples se joignant immédiatement à lui.

Confus, Seamus regarda en bas de l'estrade.

"Dean ? demanda-t-il avec méfiance.

 

Finalement, la projection montra les personnes qui se trouvaient juste en dessous de l'estrade. Ceux qui avaient le plus de chances d'être sauvés. Les visages familiers fixaient l'estrade, leurs traits étaient un mélange d'angoisse, de peur et d'acceptation muette. Hermione reconnut Viktor Krum, Lee Jordan, Romilda Vane, Penelope Clearwater et bien d'autres anciens élèves de Poudlard.

Comme elle s'en doutait, la majorité d'entre eux ne devait pas avoir moins de trente ans et tous avaient l'air complètement brisés. Parmi eux, le Dean Thomas, aujourd'hui Dean Finnegan, se tenait la tête baissée. Poussant un profond soupir, il se tourna vers les escaliers et commença à marcher.

Seamus regarda Dean s'approcher, les sourcils froncés par la confusion et la peur, tandis que son mari marchait avec fluidité et facilité vers lui. Dean leva finalement la tête alors qu'il traversait les flammes et les spectateurs au-dessus sursautèrent de surprise.

Dean ne portait pas de Python.

Un mélange de surprise, de déni et de choc recouvrit les traits de Seamus.

"Dean ? chuchota-t-il, la voix brisée.

 

Mais Dean ne regarda pas son mari.

Au contraire, il passa silencieusement devant lui, prenant place aux côtés de Voldemort.

 

 

Notes:

-Note de l'auteur:

Voici une liste des Disciples, Champions et Collatéraux:

1. Ginny Weasley, Fenrir Greyback, Teddy Tonks.

2. Parvati Patil, Alecto Carrow, Ernie Macmillan.

3. Padma Patil, Amycus Carrow, Anthony Goldstein.

4. Theodore Nott, Astoria Greengrass, Dudley Dursley.

5. Cho Chang, Thorfinn Rowle, Michael Corner.

6. Susan Bones, Walden Macnair, Hannah Abbott.

7. Gregory Goyle, Selwyn, Oliver Wood.

8. George Weasley, Avery, Angelina Johnson.

9. Neville Londubat, Herdrian Parkinson, Augusta Londubat.

10. Dennis Creevey, Antonin Dolohov, Cormac McLaggen.

11. Ron Weasley, Daphne Greengrass, Molly Weasley.

12. Justin Finch-Fletchler, Yaxley, Zacharias Smith.

13. Luna Lovegood, Blaise Zabini, Terry Boot.

14. Seamus Finnegan, Bellatrix Lestrange, à confirmer.

15. Révélé dans le prochain chapitre

Chapter Text


Collatérales


 

"Dean, qu'est-ce que..." Seamus s'étrangla, déglutit difficilement en regardant entre les deux. "Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?"

"Ton mari et moi", commença Voldemort d'un air suffisant, en passant son bras autour du sorcier rigide à côté de lui, "avons un accord".

 

Bellatrix étouffa un rire, regardant entre les deux avec une joie à peine contenue.

"Dites-moi, M. Finnegan, comment pensiez-vous que nous avions trouvé toutes les planques de votre précieux Ordre ? Railla Voldemort.

 

Le visage de Seamus s'assombrit. Il secoua la tête, incrédule.

"Non. murmura-t-il. "Non ! Il ne l'aurait pas fait. Il ne l'aurait pas fait !"

 

Seamus tourna la tête vers Théodore Nott.

"C'est forcément toi ! Il fallait que ce soit toi ! Dis-leur !"

 

Théodore se contente de regarder Seamus avec tristesse.

"DIS-LEUR !" hurla Seamus, les yeux embués.

"Ton mari est venu me voir de son plein gré. Il a offert ses services en échange de votre vie et de votre liberté, M. Finnegan. Voldemort s'exprima avec légèreté. Il laissait les mots rouler sur sa langue comme s'ils n'avaient aucune conséquence. Comme s'ils ne venaient pas de briser l'homme en face de lui.

 

Seamus inspira brusquement tandis que des larmes glissaient sur ses joues.

" Non, il ne le ferait pas. Il ne le ferait pas", murmura-t-il faiblement.

"L'amour est un puissant moteur, M. Finnegan..." Voldemort jeta un coup d'œil à Dean, "-et une grande faiblesse."

 

Voldemort s'approcha de l'homme qui sanglotait et tapota l'épaule de Seamus en signe de sympathie.

" Croyais-tu vraiment que ma Bella déplacerait son prisonnier dans une pièce où il serait si facile de s'échapper ? À proximité de votre baguette ?" Voldemort rit doucement : " Vous croyez-vous vraiment aussi malin ? "

 

Voldemort s'approcha de Bellatrix et lui caressa le bras d'une manière réconfortante. La sorcière fondit à son contact.

"Et après toute la gentillesse et la pitié que Bella t'a témoignées, tu as réagi en assassinant son mari. Tu as réagi en assassinant son mari et son frère. Et pourtant, tu es là ! Indemne et intact après toutes les rixes que tu as eues avec mes hommes au fil des ans. Pas par chance, mais par le serment que ton mari et moi avons échangé."

 

Dean parla à voix basse.

"Seamus amour, s'il te plaît, je..."

" TU N'A PAS LE DROIT DE M'APPELER COMME ÇA ! " rugit Seamus, "Putain de traître !"

"C'était la seule solution," supplia Dean, "c'était eux ou toi. Je t'ai choisi. Je te choisirai toujours !"

" FERME-LA ! " cracha Seamus.

"Messieurs ! Voldemort s'exclama avec condescendance,"Il n'y a pas besoin de querelles d'amoureux. Vous aurez votre bonheur pour toujours."

 

Voldemort fit un signe de tête à Dean, le cœur brisé.

"Vous avez accompli votre serment, M. Finnegan. Et vous..." Voldemort continua, faisant de nouveau face à Seamus "-vous pourrez vivre et être libre comme promis. Enfin, si vous survivez au tournoi", dit-il en souriant.

 

Dean inspira brusquement.

"Ce n'est pas ce sur quoi nous nous étions mis d'accord !" siffla-t-il.

"Nous avons convenu, Monsieur Finnegan, que pendant que vous rassembliez les participants, ni moi ni mes partisans ne feraient de mal à votre mari. Et qu'une fois que vous auriez réussi et que le tournoi serait terminé, il serait libre. Je n'ai jamais dit qu'il ne participerait pas à la compétition".

"Vous-"Dean tremblait de rage.

"Mr Finnigan..." Voldemort interrompit Dean en s'adressant à Seamus, "-comme votre liberté est garantie par le simple fait de survivre au Tournoi, que vous gagniez ou non, il serait injuste de vous donner un Garant. Votre vie est le prix que vous méritez, un prix que votre mari s'est efforcé d'obtenir."

 

Voldemort joignit ses mains derrière son dos.

"Je vais vous faire une offre ", pensa-t-il. "Vous et votre mari pouvez partir maintenant avec vos vies et votre liberté. Ou bien..." Ou bien, dit-il, vous pouvez soutenir vos compagnons champions et gagner votre liberté vous-même, sans être entaché par la trahison de votre mari".

 

Seamus leva son regard baigné de larmes vers Voldemort tandis qu'il comprenait l'offre qui lui était faite.

Un bouclier jaillit dans le dos de Voldemort, frappant Dean qui se projeta sur le mage des ténèbres.

"Ne fais pas ça, Seamus ! cria-t-il en frappant désespérément contre la barrière qui le séparait de son mari.

 

Les Champions sélectionnés regardaient Dean avec un mélange de dégoût, de colère et de pitié. Aucun d'entre eux ne s'était élevé contre les événements qui se déroulaient entre le couple. C'était le choix de Seamus et lui seul.

Hermione se demanda si l'un d'entre eux avait reconnu le piège caché dans le serment de Voldemort.

Voldemort pencha la tête vers l'oreille de Seamus, le Sononus amplifiant son murmure de telle façon qu'elle eut l'impression que Voldemort parlait directement à ses côtés.

"Tout ce que tu as à faire, c'est de lui prendre la main et de lui dire que tu acceptes " siffla-t-il.

"Seamus ! hurla Dean. "Non !"

 

Seamus jeta un dernier regard brisé à son mari avant de se tourner vers Bellatrix.

"SEAMUS, S'IL TE PLAÎT ! rugit Dean.

 

Les yeux remplis de larmes se durcirent pour devenir de l'acier lorsque Seamus saisit brutalement la main de Bellatrix.

"J'accepte " déclara-t-il froidement.

 

Le feu éclipsa le quatuor. La foule rugit, étouffant les cris de Dean.

C'était fait.

"Félicitations mon garçon !" s'exclama Voldemort devant un Seamus tremblant. "Excellent choix. Tu peux aller prendre ta place avec les autres mais d'abord..."

 

Voldemort, tel un serpent, sortit sa baguette et fit disparaître le bouclier.

"Le serment que nous avons fait était pour la vie et la liberté de ton mari. Pas la tienne" dit-il calmement à Dean.

 

Seamus recula à cette vue.

" Attendez ", grommela-t-il, les yeux écarquillés dans sa position écroulée.

 

Dean regarda son mari au-delà de la baguette de Voldemort, sa voix se brisant alors qu'il murmurait "Je suis...".

La lumière verte jaillit de la pointe de la baguette de Voldemort, percutant Dean et lui volant ses derniers mots.

Le corps de Dean s'effondra en arrière. Les yeux vides.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Hermione se replia encore plus sur elle-même tandis que les gémissements de Seamus résonnaient sur le terrain. Ses pleurs étaient un gouffre de souffrance, qui emportait les derniers vestiges d'espoir de l'homme brisé.

Maintenant, il ne serait jamais libre.

Hermione resta assise, le dos appuyé contre le mur de glace qui recouvrait la porte dans son esprit. Elle se consolait du monde extérieur.

Elle n'entendit pas les cris de Seamus lorsqu'il fut traîné hors du feu où gisait encore le corps de son mari.

Elle ne percevait pas le tonnerre d'applaudissements de la foule qui l'entourait.

Elle ne voyait pas le parchemin jaillir de l'ombre dès que Drago Malefoy s'avançait dans les flammes.

Et elle ne perçut pas le silence stupéfait qui suivit lorsque Voldemort prononça son nom.

 

***

 

"Hermione Jean Granger

 

Ginny Weasley se figea de stupeur lorsque le nom retentit. La foule qui s'esclaffait devint silencieuse tandis que les yeux reptiliens de Vous-Savez-Qui scrutaient la masse recroquevillée des participants en robe blanche en contrebas.

Mangemorts et Champions tournèrent la tête pour voir la célèbre née moldue s'avancer, mais aucune des silhouettes en contrebas ne fit le moindre geste dans ce sens. Des murmures silencieux s'élevèrent parmi les partisans des Mangemorts dans les tribunes.

Un mélange de crainte et d'espoir agitait la poitrine de Ginny. Elle souhaitait à parts égales qu'elle s'avance, prouvant qu'elle avait miraculeusement survécu à toutes ces années, mais elle espérait aussi qu'elle ne le ferait pas, parce que la mort était une bien plus grande bonté que ce qui les attendait.

Ginny essaya d'établir un contact visuel avec Ron, mais ses yeux restaient fixés sur la foule. Chaque parcelle de son corps était tendue, le désespoir se lisait dans ses yeux et il attendait le moindre signe de mouvement. Ginny n'était même pas sûre qu'il respirait.

"Hermione Jean Granger" répéta Vous-Savez-Qui. Sa voix étouffa brusquement la foule, comme s'il lui avait jeté un charme de silence.

 

Il y eut une pause âcre pendant laquelle tous attendirent.

Theodore Nott fixait le sol d'un regard vide, semblant sur le point d'être malade. Bellatrix Lestrange ajustait anxieusement sa robe. Même Greyback se tenait en équilibre derrière elle, reniflant l'air comme pour sentir le fantôme de la princesse de Gryffondor.

Malefoy restait muet, les sourcils froncés par la confusion, fixant son maître, incapable de comprendre comment le Seigneur des Ténèbres avait pu commettre une erreur aussi grave.

Hermione Granger était morte.

 

Elle était morte il y a cinq ans, lors de la bataille de Poudlard.

C'était censé être Viktor. C'était l'un des meilleurs combattants qu'il leur restait.

C'était celui qui avait déjà participé au tournoi.

C'était celui qui était le concurrent le plus fort. Il était celui qui serait choisi pour devenir le Disciple le plus haut placé de Voldemort.

Pas Hermione. Ça ne pouvait pas être Hermione.

Et pourtant, l'air satisfait qui se lisait sur le visage de Vous-Savez-Qui faisait douter Ginny de sa santé mentale.

Bellatrix regarda autour d'elle d'un air incertain avant de se tourner vers son maître.

 

" Mon Seigneur, il doit y avoir une erreur " chuchota-t-elle, à peine audible pour ceux qui l'entouraient.

Son neveu lui jeta un regard acéré en guise d'avertissement.

" La Sang de Bourbe... " commença Bellatrix.

Vous-Savez-Qui la coupa d'un geste de la main.

"La Coupe ne ment pas" répondit-il calmement, énonçant chaque syllabe tout en retournant calmement le vieux parchemin face à l'auditoire.

Ginny sentit l'air quitter ses poumons lorsqu'elle lut le nom gravé sur le papier.

Hermione Jean Granger.

 

Un sanglot étouffé s'échappa de sa gorge, perçant le silence pesant.

C'était une erreur. C'était forcément une erreur. Il n'y avait pas moyen que...

Une lourde paume s'écrasa sur le côté de sa tête, l'envoyant au sol. La mâchoire de Ginny palpitait tandis que son menton s'ouvrait contre le plancher de bois brut.

"Silence", dit Greyback d'un ton sec.

 

La tête de Ginny s'agita tandis qu'elle serrait les dents contre la douleur piquante dans son oreille, le sang chaud jaillissant de son menton. Elle pouvait entendre une agitation se produire par-dessus le bourdonnement de ses oreilles. George criait, suivi de coups violents, Ron jurait et maudissait, des sanglots étouffés et par des rires étranglés.

Greyback tira brusquement Ginny par les épaules, assez fort pour lui provoquer un torticolis. Elle voyait double lorsqu'elle assistait à la lutte de Ron contre le sortilège de liaison émis par la baguette de la fille Greengrass. La bouche bâillonnée et les yeux enflammés de fureur, il fixait la bête derrière elle.

Elle essaya de croiser le regard de Ron pour lui rappeler de rester calme. Elle avait besoin qu'il garde le contrôle, surtout en ce moment. Mais elle sentit la main de Greyback sur son épaule se crisper.

Il renifla l'air. Une fois. Deux fois. Trois fois.

Le loup-garou se retourna pour fixer la foule dans le dos de Ginny.

Godric non.

La tête de Voldemort pencha dans la même direction.

Non, ce n'est pas possible.

 

Elle demeura tournée droit devant elle, incapable de détacher son regard des visages qui pivotaient les uns après les autres jusqu'à se retrouver derrière Ginny.

Son sang se glaça dans ses veines lorsque le terrain redevint silencieux et elle jura avoir senti son cœur s'arrêter de battre lorsque Ron leva les yeux.

Elle sut à quel moment le regard de Ron se fixa derrière elle.

Ses yeux s'écarquillèrent avant que son visage ne se contorsionne en sanglots silencieux. Des larmes coulèrent sur ses cils tandis qu'un mirage d'émotions traversait ses yeux.

La douleur. L'espoir. L'amour.

 

Toutes les émotions que Ron avait portées avec lui comme des chaînes au cours des cinq dernières années. Lié à jamais et hanté par une sorcière morte depuis longtemps.

Elle vit les yeux de Voldemort s'illuminer de joie, sa bouche se tordre en un sourire satisfait. Drago Malefoy le regardait avec confusion, clignant des yeux comme pour effacer une illusion. Bellatrix semblait stupéfaite. Les autres Mangemorts qu'elle pouvait voir arboraient tous le même visage d'incrédulité.

Ginny ne voulait pas regarder. Elle ne voulait pas espérer. Si elle ne regardait pas, alors ce n'était pas réel. Hermione Granger était morte. Elle devait l'être. Si elle ne l'était pas, cela signifiait...

Cela signifiait...

Cela signifiait qu'ils l'avaient abandonnée.

 

Au lieu de cela, Ginny resta à regarder droit devant elle, directement dans le beau visage de Theodore Nott, dont le teint olive se vidait lentement de ses couleurs. Contrairement à Ron, Théodore n'avait pas un kaléidoscope d'émotions écrites sur son visage.

Il n'en avait qu'une.

Celle qui la força enfin à se retourner.

Car depuis toutes ces années où elle connaissait Théo, des années pleines de batailles, de sang et d'horreur, elle ne l'avait jamais vu montrer ce qui était maintenant gravé dans chaque fibre de son être.

La peur.

 

Alors, très lentement, Ginny se tourna pour regarder.

Une foule blanche s'écarta pour laisser place à une silhouette solitaire vêtue de rouge. Les torches à proximité clignotaient, seul son présent, tandis que la silhouette se déplaçait silencieusement vers l'estrade. Les flammes illuminaient la robe rouge luisante, plongeant l'être sous le capuchon dans l'ombre. Ginny resta agenouillée, les yeux rivés sur l'obscurité, retenant son souffle dans l'espoir d'apercevoir des yeux couleur de miel.

Lentement, silencieusement, le dernier Champion monta les escaliers, ses pieds nus marchant silencieusement sur le bois lorsqu'il atteignit le sommet de la plate-forme. C'est alors que Ginny réalisa que la silhouette ne portait pas du tout de rouge.

C'était du sang.

 

Des litres de cette substance. Le sang avait imprégné ce qui devait être les mêmes robes que celles qu'elle portait à présent. Le rouge imprégnait presque chaque centimètre carré de la robe, et il n'en restait plus que quelques taches, le sang dégoulinant sur les planches de bois à leurs pieds. Le petit être se dirigea d'un pas ferme vers Voldemort, laissant derrière lui des traces de pas ensanglantées.

Un large sourire artificiel s'étira sur le visage de Voldemort. Il ouvrit grand les bras, faisant signe à la silhouette d'avancer.

"Bienvenue, ma chère, bienvenue ! chanta-t-il, "Je t'attendais."

 

Le dernier Champion passa devant Ginny, laissant entrevoir un petit menton pâle sous la capuche et laissant derrière lui une étendue de plomb et de pourriture.

Ginny pouvait entendre des murmures et des sanglots autour d'elle, malgré leur aspect étouffé. Son attention se concentrait uniquement sur le nouvel arrivant qui marchait calmement vers l'assassin de Harry Potter.

La nouvelle venue s'arrêta au seuil de l'anneau de feu, comme si elle considérait la possibilité de la supercherie, condamnée à s'enflammer si elle la franchissait. Tous les regards se focalisèrent sur la ligne qui séparait le rouge de l'obscurité.

Ginny jura que le Seigneur des Ténèbres lui-même retint son souffle lorsque ces pieds ensanglantés pénétrèrent dans l'anneau.

Les flammes restèrent vertes. Signifiant à tous les Mangemorts, prisonniers et spectateurs, qu'Hermione Jean Granger était entrée dans le tournoi.

Elle était réelle.

Elle était là.

Elle était vivante.

 

" Miss Granger ", dit chaleureusement Voldemort en inclinant la tête en signe de reconnaissance.

"Tom ", répondit une voix féminine.

Ginny inspira brusquement en entendant ce son. Même si la voix était rauque à cause d'un usage intensif, on ne pouvait pas la confondre.

Le Seigneur des Ténèbres se contenta de rire à l'insulte, comme si le fait d'être appelé par son nom moldu était une légère plaisanterie plutôt qu'un manque de respect.

"Avancez, ma chère", annonça Voldemort en la poussant vers l'avant d'un geste de la main, "Laissez-moi vous regarder".

 

La silhouette s'avança prudemment, sans broncher, tandis que Voldemort se déplaçait pour les rejoindre au milieu. De ses mains habiles, il rabattit lentement le capuchon, révélant un crâne rasé. Du point de vue de Ginny, on aurait presque dit qu'il avait révélé une réplique de lui-même.

Le visage du Seigneur des Ténèbres rayonnait tandis qu'il contemplait sa récompense. Ginny s'efforça d'apercevoir le visage au moment où Voldemort l'inspectait en lui caressant doucement les joues.

Ron, toujours agenouillé en face d'elle, sanglotait ouvertement. Son corps ligoté se tordait tandis qu'il se débattait contre ses liens. A côté de lui, Théo affichait un regard épouvanté. Ses yeux étaient fixés sur un visage qu'elle n'avait pas encore aperçu. Parvati baissa la tête, comme si elle ne pouvait plus supporter la vue.

Terminant son inspection, Voldemort recula pour s'adresser à son bras droit.

"Draco, annonça-t-il, viens réclamer ton champion !

 

Malefoy s'avança vers Hermione, la mine impassible, et tendit la main à sa championne. Le crâne rasé se tourna, offrant le profil d'un visage si familier et pourtant méconnaissable.

Hermione s'arrêta avant de placer sa petite main pâle dans la paume tendue de Malefoy, comme si elle acceptait une invitation à danser.

C'était son menton, ses sourcils, son nez, autant d'aspects familiers qui constituaient le visage d'Hermione Granger. Mais elle n'avait pas l'air d'aller bien. Ses joues étaient creusées, sa mâchoire tranchait avec son cou frêle. Sa peau autrefois bénie par le soleil était maintenant d'une blancheur cadavérique, des cicatrices jonchaient les lignes de son visage, racontant une histoire que Ginny ne connaissait pas encore.

Hermione Granger était un fantôme revenu à la vie, mais le plus surprenant n'était pas son apparence émaciée. C'était ses yeux. Le noir éclipsait le miel, érodant la chaleur qu'ils contenaient autrefois. Hermione fixa son nouveau maître d'un regard vide. Un regard aussi vide que le corps de Dean Finnegan qui gisait encore à ses pieds.

"Draco, commença Voldemort, je sais qu'elle est un peu mal en point..."

 

Malefoy resta sans expression tandis que les Mangemorts ricanaient autour d'eux.

"Mais je crois qu'elle te rendra de grands services" continua Voldemort.

"Oui, mon Seigneur" répondit Draco calmement, jetant un bref coup d'œil à Luna avant de revenir fermement à celui d'Hermione.

Voldemort tourna ses yeux rouges vers Hermione.

"Tu es bien rusée, ma chère, de te cacher à l'endroit même où nous te croyions morte et enterrée. Un stratagème astucieux. Et pourtant, je t'ai trouvée", siffla-t-il.

 

Hermione était à Poudlard ? Non, ce n'était pas possible. Ils avaient vérifié. Ils en avaient été sûrs.

La sorcière ne répondit pas à la raillerie de Vous-Savez-Qui, mais continua à fixer Malefoy. Fixant sans le voir, regardant à travers lui comme s'il n'était pas là.

Comprenait-elle le danger qu'elle courait ? Savait-elle combien de vies la main qu'elle tenait avait prises ? La douleur qu'il avait infligée pour mériter non seulement le titre de meilleur Disciple de Voldemort, mais aussi le nom que les gens murmuraient dans les rues ?

 

Mortifer.

Le Porteur de Mort.

Les gens n'osaient pas prononcer son nom, de peur qu'il n'apporte la mort à leur porte. Un nom aussi tabou que celui de Voldemort.

Et il l'avait mérité. Merlin, il l'avait mérité. Le Drago Malefoy qu'elle avait connu à Poudlard était mort dans la même bataille qu'Hermione Granger, pour renaître en porteur de mort.

Un porteur qui tenait à présent la main d'un fantôme.

 

"Miss Granger" chantonna Voldemort, "veuillez choisir votre Garant".

Le fantôme fixa les masses en contrebas, décidant de leur sort. Ginny se laissa aller à respirer un peu. Hermione avait été proche de Viktor Krum. Elle le choisirait. Si quelqu'un pouvait trouver un moyen de s'en sortir, ce serait ces deux-là.

Le silence étouffa les tribunes et elle fit son choix, entièrement concentrée sur le dernier Champion.

Hermione se retourna vers Malefoy, ses yeux brillaient de quelque chose qui rappelait presque, pratiquement, la fille que Ginny avait connue autrefois.

Un léger retroussement des lèvres fut le seul signe avant-coureur de l'appel de son Garant.

"Draco Malefoy", prononça-t-elle.

 

Les flammes qui les enveloppaient s'élevèrent, le vert s'élançant vers le ciel tandis que le groupe en noir se levait d'un bond.

Le feu se consuma, signalant la fin du processus de sélection.

La coupe avait accepté son choix.

Drago Malefoy était à la fois Disciple et Garant.

S'il mourait, elle suivrait. Si elle mourait, il mourrait aussi.

Un paradoxe parfait, une destruction mutuelle assurée.

Hermione venait de dominer le jeu avant même qu'il ne commence.

Voldemort émit un rire incrédule, évaluant la sorcière devant lui avec quelque chose qui ressemblait à de la fierté.

Elle se tenait droite, la légère tension dans sa posture et l'argent brillant autour de son cou étant les seules indications qu'elle subissait les contrecoups douloureux du lien.

Draco Malefoy resta lui aussi debout, mais son corps fut secoué de spasmes lorsqu'il se tourna, les yeux écarquillés, vers sa championne.

 

"Tu..." siffla-t-il en grognant alors qu'une nouvelle vague de douleur le traversait.

"Mesdames et Messieurs ! Voldemort s'écria, levant les bras au ciel en faisant le tour de l'estrade. "Quel spectacle !

La foule applaudit avec frénésie, les flashs des appareils photo scintillant comme des étoiles dans les tribunes. Le tonnerre d'applaudissements gronda en même temps que le sang dans les oreilles de Ginny.

Voldemort serra le poing en continuant son grand discours : "Gardez vos yeux et vos oreilles à l'affût pendant que nous choisissons nos juges. Et pour ceux qui nous regardent à la maison..." Voldemort poursuivit en se plaçant face à l'un des grands miroirs.

Un miroir sans tain, réalisa Ginny. Il s'agissait de montrer la Sélection à un nombre incalculable de sorciers et de sorcières dans le monde.

 

"N'oubliez pas de faire vos jeux avant le début du Tournoi", fit-il remarquer.

Ginny détourna son attention du mage noir au cri horrifié de Parvati. Elle se tourna vers la sorcière hurlante et suivit des yeux le spectacle qui s'offrait à elle.

Une à une, les robes blanches tombaient.

Leurs doigts s'agrippaient à leur gorge, leurs visages s'empourpraient tandis que leurs pythons d'or leur comprimaient le cou.

Viktor Krum fixa Ginny, les yeux injectés de sang et exorbités, avant de s'effondrer sur le sol.

Un cri s'échappa de la gorge de Ginny, rejoignant le chœur des gémissements et des sanglots de ses collègues champions.

Lee Jordan, Penelope Clearwater, Romilda Vane, Alicia Spinnet, Roger Davis, Arrabella Fig et d'innombrables autres partisans de l'Ordre, sympathisants et innocents nés-moldus tombèrent.

Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les Garants.

Ginny croisa le regard de l'enfant terrifié au milieu du carnage. Elle tenta désespérément de calmer Teddy, lui adressant des mots de réconfort alors que sa petite silhouette était secouée de sanglots déchirants.

Des groupes de Mangemorts envahirent le terrain, attrapant brutalement les derniers Garants et les traînant par leurs colliers de mordorée. Un cri perçant fit bondir Ginny vers le garçon qui était emporté, ses cheveux broussailleux blanchissant sous l'effet de la terreur.

 

"Teddy ! cria Ginny, bien que ses cris ne fussent pas entendus parmi les hurlements dans l'herbe en contrebas.

Des ongles acérés saisirent brutalement ses cheveux, tirant sa tête vers l'arrière, vers un corps imposant.

" Ferme-la ! ", siffla Greyback. Greyback cracha, son haleine rauque lui caressant l'oreille.

 

Son Python bourdonna en réponse, la forçant à obéir.

Les autres Champions se turent tandis que leurs Maîtres prenaient le contrôle de leurs Pythons, emprisonnant leurs cris.

Voldemort continuait à faire les cent pas, saluant et se réjouissant des applaudissements et des effusions de sang.

Malefoy attrapa brutalement Hermione, la tirant à lui tout en lui murmurant furieusement à l'oreille. Le fantôme ne réagit pas, les yeux rivés sur le sorcier noir au centre de la scène.

 

Voldemort saisit la coupe ténébreuse et la leva en l'air.

"Le Tournoi des Ténèbres ! beugla-t-il. "Que les jeux commencent !"

 


 

Chapter Text


Réunis


 

"Femme. Un mètre soixante-cinq", chantonna le Guérisseur en consultant ses constantes grâce au charme de diagnostic projeté au-dessus de son lit d'hôpital.

 

Hermione avait déjà vu Madame Pomfresh l'utiliser après l'une des nombreuses blessures de Harry au Quidditch. L'infirmerie de Poudlard ressemblait à ce dont elle se souvenait, sauf qu'au lieu du bruissement des draps ainsi que des gémissements des élèves malchanceux, la rangée de lits bien rangés restait vide et silencieuse. Madame Pomfresh était également absente.  Hermione supposa qu'elle était probablement morte à l'heure actuelle.

Hermione resta immobile pendant que l'homme à l'air morose ajustait ses lunettes. Elle ne pensait pas avoir la force de bouger, même sans les exigences du Python qui la forçaient à rester immobile. Le rythme effréné auquel Malefoy l'avait traînée de l'estrade à l'infirmerie avait failli lui faire perdre connaissance. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas marché aussi loin.

 

Cinq ans.

Quelle étrange pensée !

Azkaban lui paraissait à la fois une éternité, un instant, une vie et une seconde. Le temps n'était pas un concept qui existait dans cet endroit. Elle y avait été amenée. Elle y était née. Elle existait entre ses murs bien avant sa construction.

"Fin de l'adolescence..."

"Elle a vingt-deux ans " interrompit froidement Malefoy.

 

Il se tenait, imposant, au-dessus de son lit d'hôpital, observant ses constantes avec une expression stoïque. C'était les premiers mots qu'il prononçait depuis qu'il avait franchi les portes de l'infirmerie.

"Bien sûr, bégaya le Guérisseur, qui tressaillit à cette remarque.

 

Si cela ne faisait que cinq ans, si le temps avait vraiment continué à s'écouler à l'extérieur des quatre murs de sa cellule, alors Hermione en déduisit qu'elle avait vingt-trois ans. Mais elle n'eut pas l'énergie de les corriger. Au lieu de cela, elle se concentra sur l'oasis froide de son esprit.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Le Guérisseur hésita.

"Et son statut sanguin ?"

Il était intéressant de constater que le charme de diagnostic ne pouvait pas détecter sa lignée. Mais elle supposait qu'il pouvait seulement détecter si une personne était magique ou non. Physiologiquement, elle n'était pas différente du Mangemort à côté d'elle.

Malefoy se tourna vers elle, la bouche courbée de dégoût.

"Sang de Bourbe ", lâcha-t-il dans un rictus.

 

Le guérisseur ajusta ses lunettes une fois de plus, une habitude nerveuse peut-être, avant d'écrire des notes avec diligence et de cesser le sortilège.

"Eh bien, commença-t-il, elle est gravement sous-alimentée. Dangereusement. Sa tension artérielle est basse. Son rythme cardiaque est bien inférieur à la normale. Elle est en hypothermie, anémique et carencée pour presque toutes les vitamines et tous les minéraux. Sa masse musculaire a pratiquement disparu, tout comme le bon fonctionnement de ses organes. Son cœur, ses poumons et ses ovaires ont rétréci de façon exponentielle et son rein droit a pratiquement cessé de fonctionner."

"Et sa magie ?" demanda Malefoy, le visage vide.

" Étonnamment stable ", répondit le guérisseur. "Et ses fonctions cérébrales semblent normales.

 

Hermione fixa son regard vide sur les rideaux blancs, réfléchissant à l'évaluation du guérisseur. Elle n'arrivait pas à savoir ce qui était le plus inattendu. La stabilité de son esprit ou son noyau magique.

Elle sentit les yeux de Malfoy se tourner à nouveau vers elle, évaluant la situation.

"Je veux qu'elle soit prête dans deux semaines."

 

La guérisseuse blêmit.

"Monsieur Malf- Seigneur, veuillez me pardonner mais je- ce n'est tout simplement pas possible. Dans son état actuel, il lui faudrait au moins..."

"Vous avez deux semaines. Si vous ne pouvez pas le faire, je trouverai quelqu'un qui pourra le faire" dit Malfoy calmement, l'avertissement faisant pâlir l'homme tremblant.

"Oui, Mortifer" balbutia le guérisseur, baissant la tête en signe de soumission. "Je ferai de mon mieux pour qu'elle soit prête."

 

Mortifer ?

 

" Parfait. Les elfes iront chercher ses potions et je vous l'amènerai moi-même chaque jour pour qu'elle soit soignée."

 

L'homme trembla légèrement, la sueur perlant sur son front alors qu'il déglutissait difficilement.

"Monsieur, je... recommande qu'elle reste ici. Je dois surveiller ses repas, lui administrer moi-même les potions, vérifier ses signes vitaux toutes les heures et..."

"Elle doit être placée avec les autres. Je ne veux pas qu'elle reste ici, où n'importe qui peut entrer. Ou préférez-vous que je mette sa vie en danger et donc la mienne ?" Sa voix semblait nonchalante, comme s'il discutait de l'emplacement d'un vieux meuble.

"Non, monsieur. Bien sûr, monsieur."

 

Malefoy s'avança vers le guérisseur, l'air détendu et le regard visiblement vide malgré sa menace.

"Je vérifierai personnellement chaque potion que vous lui préparerez. La moindre incohérence, le moindre défaut, et je vous mettrai en pièces sans même lever ma baguette. Est-ce que j'ai bien compris ? "

 

L'homme tremblant respira difficilement, les yeux écarquillés de terreur en fixant le sol. Il n'avait pas croisé une seule fois le regard vide de Malefoy.

"Oui, Seigneur", murmura-t-il.

"Excellent " répondit Malefoy en redressant les lunettes de l'homme recroquevillé.

 

Hermione fixa le haut plafond tandis que le guérisseur s'affairait à rassembler diverses potions. Malefoy s'assit à côté du lit de la jeune fille et étendit tranquillement ses jambes.

Il semblait terriblement insouciant pour un homme dont elle avait presque scellé la mort. Il ne pensait certainement pas qu'elle avait une chance de survivre, et encore moins de gagner le tournoi ?

"Écoute-moi bien, Sang de Bourbe. Lorsque tu gagneras ce tournoi, tu ne voudras même plus être libre. Je vais - putain- te briser".

 

Les mots résonnaient dans son crâne. Elle les avait laissés l'envahir alors que Voldemort clôturait son discours de grande envergure, les rejetant entièrement. Après tout, comment pouvait-il briser quelque chose qui s'était déjà réduit en poussière ?

Maintenant, elle y réfléchissait. Il semblait si sûr de sa victoire, malgré son état actuel. Alors, qu'est-ce que Drago Malefoy avait dans sa manche pour faire pencher la balance en sa faveur ?

Mortifer, comme l'avait appelé le guérisseur. Porteur de mort ou Faiseur de mort en latin. Un titre plutôt arrogant accordé à un homme arrogant. Elle pouvait presque imaginer Malefoy assis là, à la lumière des bougies, en train de réfléchir à une liste de noms à se donner. N'importe qui pouvait choisir un nom inquiétant. Voldemort lui-même l'avait fait. Mais être le Disciple le plus haut placé, le second de Voldemort ? C'était quelque chose qui se méritait.

 

Alors comment Drago Malefoy, le garçon privilégié et lâche dont elle se souvenait, avait-il obtenu sa position ?

"Nous y voilà", s'exclama nerveusement le guérisseur en apportant un bol de porridge fumant. "Il faut qu'elle ait l'estomac plein avant qu'on lui administre les potions.

 

Malefoy lui fit signe d'avancer, posant son menton sur sa main en signe d'ennui.

Hermione resta assise sans rien faire tandis que le Guérisseur la soutenait et commençait à la nourrir à la cuillère comme un enfant. Incapable de bouger, Hermione commença à se tortiller désagréablement.

 

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Le porridge chaud brûlait en descendant dans sa gorge, son estomac se tordait douloureusement en s'étirant pour accueillir ce repas étranger. Les charmes chauffants jetés sur ses couvertures commençaient à brûler. Sa peau la démangeait alors qu'elle essayait de s'adapter au changement radical de température.

 

La porte glacée de son esprit commençait à suinter.

 

Elle avait envie de Darryl et de sa présence apaisante. Pouvait-il quitter Azkaban maintenant qu'il n'y avait plus de prisonniers ? Viendrait-il la chercher ? Ou était-il condamné à vivre son immortalité, seul et isolé sur l'île déserte ?

Son estomac se révolta lorsqu'une autre cuillère pleine de porridge fut poussée avec force entre ses lèvres. Sa bouche salivait, seul avertissement avant qu'elle ne vomisse le contenu de son estomac sur la main tendue du guérisseur.

L'homme trébucha tandis que la jeune femme vomissait et bavait, les restrictions du Python la forçant à rester immobile tandis qu'elle vomissait sur son ventre, recouvrant ses robes imbibées de sang des restes de son repas.

Malefoy la regarda se débattre et s'étouffer, un sourire subtil ornant ses traits froids.

"Oh là là", s'exclama le guérisseur en rabattant ses couvertures désormais sales, "un peu trop, j'en ai peur".

 

Alors que ses haut-le-cœur s'estompaient, l'homme craintif s'empara de ses robes.

" Enlevons-les, d'accord ? " demanda-t-il en s'adressant à elle pour la première fois.

 

Lorsque sa main poisseuse toucha le devant de sa robe, la porte de la cellule dans son esprit se mit à trembler, brisant la glace qui s'amincissait.

"Ne t'inquiète pas Sang de Bourbe, tu vas apprécier cette partie."

 

Un lit de prison. Des mains rugueuses qui la maintenaient au sol. Le bruit de la peau qui claque et des respirations haletantes.

Elle se redressa brusquement, attrapant le poignet du Guérisseur qui glapit de surprise.

Lentement, ses yeux se concentrèrent sur son expression effrayée et s'écarquillèrent lorsqu'il la fixa à son tour.

"On dirait que tu vas avoir un peu de sang-pur en toi finalement."

 

Hermione serra son poignet plus fort, ses ongles s'enfonçant dans sa chair tandis que sa main était prise de spasmes douloureux.

" Lâche-le ", dit calmement Malefoy, immobile à son chevet.

 

Le python bourdonna à sa demande, faisant vibrer son corps sous l'effet de la volonté qui la poussait à s'arrêter.

Le Guérisseur gémit, ses yeux passant frénétiquement d'elle à son maître.

Elle refusait de lâcher prise. Son corps se contracta lorsque le python lui serra la gorge, lui coupant l'air. Du sang commença à couler dans ses narines, tachant ses dents de rouge tandis qu'elle rugissait d'effort.

Des points noirs dansaient dans son champ de vision, et le monde tournait.

 

Le Python se relâcha soudain, lui permettant ainsi de pousser un soupir rauque avant qu'une autre force ne lui saisisse la gorge et ne la fasse tomber sur le lit.

De l'acier en fusion la fixait.

"Donnez-moi la potion ", grogna Malefoy.

 

Le Guérisseur obéit frénétiquement, faisant passer potion après potion tandis que Malefoy les versait dans sa gorge. Sa main ferme restait accrochée à son cou, l'autre couvrant son nez et sa bouche, la forçant à avaler avant qu'il ne la laisse respirer.

 

L'arrière-goût de menthe poivrée de la boisson calmante apaisa sa gorge irritée et elle s'affaissa contre son oreiller. Son corps était lourd, même après que Malefoy ait relâché son emprise. Sa voix était assourdie par l'épuisement qui s'infiltrait dans ses os.

"Trois fois par jour."

"Oui, Mortifer."

 

***

 

Malefoy était silencieux à côté d'elle tandis qu'il l'entraînait dans le château vide. Ses pieds trébuchaient tandis qu'il la traînait à moitié devant les portraits vides, les effets des potions rendant son corps léthargique.

Elle jeta un coup d'œil à sa silhouette, se demandant où il l'emmenait. Les traits fins dont elle se souvenait depuis l'enfance s'étaient étoffés. Ses pommettes hautes et sa mâchoire tranchante définissaient son visage rasé de près. Il la dominait de toute sa hauteur, les épaules larges et détendues malgré la poigne ferme qu'il exerçait sur le haut de son bras.

 

Il n'était pas le garçon dont elle se souvenait.

 

Le seul aspect familier de l'enfant qu'elle avait connu autrefois était ses cheveux blonds et blancs, coupés court et impossibles à défaire.

Le soleil commençait à se coucher, projetant des ombres dans les longs couloirs. Elle avait passé la journée entière à se réveiller et à s'évanouir. Une multitude de potions lui avaient été administrées.

Elle ne se sentait pas mieux pour autant. L'air du printemps lui paraissait suffocant comparé aux températures glaciales auxquelles elle s'était habituée.

Il la conduisit vers les cachots, s'arrêtant brusquement devant un pan de mur de pierre dénudé. Elle attendit avec appréhension, reprenant son souffle.

Il se tourna vers elle, ses yeux argentés scintillant dans le couloir faiblement éclairé.

" Ceci était à l'origine la salle commune des Serpentards. Elle a été déclarée quartier réservé aux Champions. Vous y resterez jusqu'à la première tâche. Les elfes t'apporteront tes potions et tes repas ", expliqua Malfoy en jouant avec le python autour de son cou. "Cela te permettra d'obéir à mes instructions. Résister ne fera que te blesser, ce qui, dans des circonstances normales, m'amuserait beaucoup, mais... " il resserra son poing autour de sa gorge, " j'ai besoin que tu obéisses. Je ne peux peut-être pas te blesser dans ton état actuel, mais je te jure que je te promets de te faire souffrir."

 

Hermione fixa son maître sans sourciller, l'envie de ricaner remontant dans sa gorge. Elle désirait ardemment la douleur. C'était tout ce qu'elle avait appris à connaître. Elle n'était rien sans elle.

"Je reviendrai te chercher demain", dit-il en lui lâchant le cou tandis qu'une grande porte en chêne apparaissait dans le mur.

 

L'appréhension montait en elle, dégelant la glace dans son esprit.

"Profite de tes retrouvailles Sang de Bourbe" ricana Malefoy tandis que la porte s'ouvrait, saisissant le revers de sa robe pour la pousser à l'intérieur.

 

Alors que la porte se refermait derrière elle, la cellule de son esprit éclata. De l'eau tomba en cascade de la porte de sa cellule, ses émotions se déversant avec le torrent.

Elle s'effondra sur le sol, les couleurs explosant dans sa vision tandis que sa tête grondait.

 

Les images de la sélection défilèrent. Les cris. Les sanglots. L'horreur.

Ron. Ginny. Seamus. Luna. Neville. George. Dean. Oh mon Dieu, Dean.

Hermione resta là, immobile, forcée d'assimiler toutes les émotions qu'elle avait emprisonnées en elle. C'en était trop.

 

Elle voulait retourner en arrière.

Elle voulait sa vraie cellule, pas une fabrication dans son esprit.

Elle voulait Darryl.

 

Des voix dansaient dans la lumière au bout du couloir, traversant ses pensées. Elle se concentra sur elles, rangeant lentement les débris et les morceaux brisés d'elle-même. Petit à petit, misérablement.

Sa respiration se stabilisa, mais elle se sentait à vif, comme si ses terminaisons nerveuses sortaient de sa peau. La sueur dégoulinait dans son dos, la chaleur l'enveloppant sans sa forteresse de glace.

Hermione se redressa avec précaution, clignant des yeux alors qu'elle trébuchait dans la lumière.

Le brouhaha des voix s'éteignit à la seconde où Hermione entra dans la salle commune de Serpentard. Les regards se tournèrent vers elle, leurs visages illuminés par la lueur de la cheminée. Leurs regards étaient un mélange d'ahurissement, de choc, de confusion et de peur.

Le groupe, qui avait désormais quitté ses robes blanches, se tenait autour d'une grande table de salle à manger qui avait été traînée au centre de la salle commune. Des fauteuils en cuir élégant étaient vides, des livres et des notes griffonnées étaient éparpillés sur la table, et tous les membres étaient rassemblés autour d'une silhouette aux épaules larges et à la chevelure rousse familière.

"Hermione ! Ron s'étouffa, le bruit libérant les personnes qui l'entouraient et qui reculèrent pour lui permettre de faire le tour de la table.

"Hermione !" sa voix se brisa tandis qu'il se précipitait vers elle. Ses mouvements étaient maladroits, car il voulait désespérément l'atteindre. Elle resta figée, les yeux écarquillés lorsque sa silhouette imposante la percuta. Il se mit à genoux et entoura sa taille frêle de ses bras puissants.

"Hermione, Hermione, Hermione" sanglota-t-il, sa voix étouffée contre ses robes imbibées de sang et de vomi, ignorant ou ne se souciant pas du fait que le sang s'étalait sur ses joues tachées de larmes.

 

Ses épaules tremblèrent tandis qu'il la serrait fort. Il murmura son nom encore et encore, comme une prière, semblant ignorer que ses bras restaient figés à ses côtés et que son corps se crispait de terreur.

"Je croyais que tu étais partie. J'ai cru que tu étais partie. Je suis tellement désolé Hermione, je pensais que tu étais partie. J'ai cru que je t'avais perdue. Je suis tellement désolée. Je suis désolé", sanglota-t-il.

 

Ses bras l'enserrèrent comme un étau et Hermione sentit la panique monter dans sa poitrine. C'était trop serré. Elle ne pouvait pas bouger, elle ne pouvait pas respirer.

Un gémissement s'échappa de sa bouche tandis que son corps se mettait à trembler. En tremblant, elle leva les mains et commença à pousser contre ses épaules. C'était trop, pensa-t-elle. Trop fort. Trop lumineux. Trop proche. Elle le poussa plus fort, se tortillant sous son emprise et frappant son dos.

"Je sais que tu es en colère. Je sais que tu es en colère. Je n'aurais pas dû te laisser. Je suis tellement désolé" cria-t-il.

 

Hermione se débattit plus fort, la panique se propageant dans ses veines. Un cri étranglé s'échappa de sa gorge tandis qu'elle se débattait et donnait des coups de pied.

"Non !" croassa-t-elle, la voix rauque.

"Ron", cria une autre voix.

"Non !" hurla Hermione.

"RON !" Lança une autre voix.

 

Cela sembla sortir Ron de sa transe et il relâcha soudainement sa prise, ses bras devenant mous à ses côtés. Ne poussant plus vers une force immobile, son relâchement fit tomber Hermione sur le sol. Elle s'éloigna frénétiquement, jusqu'à ce que son dos heurte le mur de pierre près de la porte. Le froid de la pierre embrassa son dos. Elle lui semblait familière. Elle se sentait en sécurité.

Ron la fixa à travers des cils humides. Ses bras étaient toujours tendus dans une étreinte vide. Ses yeux bleus suppliaient les siens, la douleur était gravée sur son visage. Les traits de jeunesse qu'elle avait associés à son ami d'enfance avaient disparu depuis longtemps, au profit d'un homme endurci par la guerre. Sa mâchoire s'était affinée et la moitié inférieure de son visage était couverte de barbe. Ses yeux bleus familiers étaient enchâssés dans de forts sourcils et des ombres sous les yeux. La lumière du feu derrière lui faisait briller ses cheveux. Avec ses bras tendus dans la confusion et la nostalgie, elle pensa qu'il avait presque l'air d'un ange déchu.

"Hermione" chuchota-t-il, des larmes coulant sur ses joues.

 

Il commença à tendre lentement la main vers elle, le mouvement la fit sursauter. Poussant son dos plus fort contre le mur, elle essaya de se coller aussi près que possible, espérant que si elle poussait assez fort, la pierre l'avalerait tout entière.

"Non ! s'écria-t-elle. "Ne me touchez pas ! NE ME TOUCHE PAS !"

 

Il laissa tomber ses bras le long de son corps, vaincu. Il baissa la tête en sanglotant sur sa poitrine.

Hermione essaya de se faire aussi petite que possible. Les genoux contre sa poitrine, elle respirait par à-coups et s'agrippait au mur de pierre pour se mettre à l'abri. Fermant les yeux, elle s'efforça de se concentrer sur sa respiration.

 

La pierre est là. Le froid est là.

La pierre est sûre. Le froid est sûr.

Inspire. Expire.

 

Encore tremblante, elle ouvrit les yeux sur une autre silhouette, maintenant accroupie à côté de Ron. Elle lui frottait le dos et lui parlait d'une voix apaisante. Son rideau de cheveux roux encadrait son visage tandis qu'elle le tenait dans ses bras.

"C'est bon Ron. Laisse-lui un moment, d'accord ? Elle a traversé beaucoup d'épreuves" dit Ginny. Sa voix était douce et tendre tandis qu'elle consolait son frère.

"Putain de merde" marmonna Seamus, la silhouette appuyée contre la cheminée. Ses mains se tenaient derrière sa tête et il regardait entre Hermione et les plus jeunes des frères Weasley.

 

Un sanglot silencieux retentit de l'autre côté de la pièce. Hermione vit les yeux chocolatés familiers de Parvati Patil se poser sur son visage. Sa sœur, Padma, la serra contre elle tandis qu'elle sanglotait silencieusement.

Luna et Neville la regardèrent sans bouger, le choc se dessinant sur le visage de Neville, tandis que Luna regardait Hermione avec une douce tristesse.

 

D'autres visages familiers regardent fixement la scène qui se déroulait devant eux. George et Cho étaient les seuls membres encore debout près de la table. Les autres s'étaient éloignés, Susan Bones et Dennis Creevy se tenaient sombres derrière les canapés en cuir qui avaient été repoussés de côté. Goyle buvait tranquillement une bouteille de Whisky Pur Feu près d'une étagère.

Ce fut Justin Finch-Fletchler qui s'avança et interrompit le silence pesant.

"Ok les gars," dit-il. "Prenons un peu de recul et laissons-lui un peu d'espace, d'accord ?

 

Ginny remit debout Ron, qui sanglotait encore doucement, avant de le faire tomber sur un fauteuil. Elle s'accroupit pour éponger les larmes de ses joues et lui murmura des paroles apaisantes.

"C'est vraiment la merde. On est vraiment dans la merde !" Seamus hurla, faisant les cent pas devant la cheminée.

"Ça suffit Seamus". Neville grogna.

"Personne n'est dans la merde, il faut juste qu'on comprenne ce qui se passe" ajouta Ginny calmement.

"Quoi ?", dit Seamus en faisant volte-face, "Comprendre quoi exactement ? Est-ce que je suis le seul qui ait été lié pour tuer tout le monde, putain ? Qui a tué son mari !"

"Nous étions tous là, Seamus", ajouta doucement Padma.

 

Seamus rit, mais il n'y avait pas d'humour dans ce rire.

"Oooh, bien ! Il chanta, "Alors tu as compris la partie où Sans-Nez lui-même nous a liés, avec de la magie noire, à des putains de Mangemorts !"

"Laisse tomber Seamus, nous comprenons parfaitement la situation !" s'exclama Ginny.

 

Seamus se retourna pour faire face au groupe, les yeux injectés de sang et gonflés.

"Alors vous comprenez que nous sommes foutus ! Ils ont... ils ont..." sa voix se brisa. " Ils ont eu Dean ", sanglota-t-il, " s'ils l'ont eu, combien de temps avant qu'ils ne nous aient nous aussi ? Même si l'un de nous gagne, il n'y a nulle part où aller. Tous ceux que nous connaissons sont morts. Nous allons tous mourir.

"Alors nous devons nous concentrer sur notre survie pour l'instant, Seamus", rassura Neville. "Nous travaillons ensemble, nous accomplissons les tâches et nous survivons assez longtemps pour trouver un plan.

 

Seamus s'affaissa, vaincu, contre le mur au coin de la pièce.

"Et comment sommes-nous censés nous faire confiance pour cela ? Ils avaient Dean pendant tout ce temps, comment savoir s'il n'y a pas une autre taupe ?"

"Nous ne le savons pas" répondit fermement Ginny qui se tenait derrière Ron, "mais nous pouvons trouver une solution. Nous l'avons déjà fait et nous pouvons le refaire. Nous avons Hermione maintenant et elle est la Brillante..."

"Hermione ? Seamus gloussa. "Cette chose là-bas ? Putain, regarde-la !" s'écria-t-il en pointant Hermione du doigt. "Elle a survécu cinq putains d'années avec ces enfoirés et il est clair qu'elle n'a pas su trouver une issue ! Hermione Granger est morte ! Ce n'est qu'un putain de truc vide..."

"TAIS-TOI !" Ron rugit, se levant d'un bond.

" Assez ! " lança une voix, tandis que Theodore Nott apparaissait au bas de l'escalier. "Certains d'entre nous essaient de dormir."

 

La pièce devint silencieuse et il passa une main sur son visage, épuisé.

"Il est tard. Allez tous vous coucher, vous n'êtes utiles à personne si vous êtes épuisés."

Neville acquiesça.

"Je prendrai la première garde."

 

Des murmures et des bruissements suivirent tandis que la salle commune commençait à se remplir. Ginny poussa Ron dans l'escalier, Hermione se sentit légèrement détendue lorsque son regard brisé disparut de son champ de vision.

 

Goyle passa le Whisky Pur Feu à Seamus, lui donnant une tape rassurante sur l'épaule alors qu'il avalait une grande gorgée.

"Cho", commença Justin, "Pourrais-tu, s'il te plaît, emmener Hermione dans sa chambre ?"

 

Hermione se recula lorsque Cho s'approcha timidement, s'accroupissant pour lui tendre la main.

"Tu es en sécurité Hermione" chuchota-t-elle, "Personne ne te fera de mal ici".

 

Hermione se détestait à cet instant. Se recroqueviller contre un mur pour se protéger de ses anciens amis. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas interagi avec autant de gens, et encore plus longtemps qu'elle n'avait pas rencontré de gentillesse de leur part.

L'isolement lui manquait. La présence sombre et silencieuse de Darryl. Il était alors plus facile de vivre chaque jour en sachant qu'il serait identique au précédent.

 

Ici, il y avait l’inconnu.

 

Hermione n'attrapa pas la main tendue de Cho, préférant se ressaisir en boitillant pour se lever. Gardant la tête baissée, Hermione passa devant les regards de pitié et les chuchotements, suivant Cho dans les escaliers menant aux chambres.

Elle serra ses mains contre sa poitrine en marchant, comme si elle pouvait physiquement retenir les émotions qui menaçaient de se déverser. Son esprit était en ruine, les pierres se répandant dans tous les coins. Une chaleur suffocante courait dans ses veines alors qu'elle essayait en vain de fermer une porte qui n'était plus attachée à ses gonds.

"Nous y voilà", annonça doucement Cho en ouvrant l'une des nombreuses portes d'un long couloir, " Celle là est pour toi. Nous avons chacun la nôtre, donc personne ne te dérangera si tu ne le souhaites pas".

 

Hermione entra dans la chambre à la lumière tamisée, un lit à baldaquin trônait en son centre, des draps vert émeraude drapant somptueusement le grand cadre. Un simple bureau et une table de chevet se trouvaient de part et d'autre, avec une porte menant à une salle de bain bien équipée.

Hermione fixa son regard sur le mur du fond, y trouvant un certain réconfort. Il était sec, exempt de moisissures et de saletés, mais c'était de la pierre. La pierre était sûre.

 

Cho traversa timidement la pièce, ouvrant une armoire remplie de robes noires.

"Tu pourras te changer ici et il y a une baignoire pour te laver" expliqua-t-elle, les yeux rivés sur ses robes ternies.

"Il fait un peu froid la nuit mais les elfes peuvent t'apporter des couvertures supplémentaires", hésita Cho en se tordant les mains nerveusement, "c'est...agréable ici. C'est privé. Les elfes ont dit que cette salle commune était réservée aux Champions, que nous serions en sécurité ici."

 

Le "pour l'instant" tacite resta entre les deux femmes. Hermione garda son regard fixé sur le mur derrière Cho, encore peu habituée à ce que des yeux vivants la fixent au lieu d'être dans des orbites ombragées. Elle avait oublié à quel point un regard humain pouvait être intrusif.

Elle avait oublié à quel point un simple regard pouvait révéler tant de choses.

Cho se racla la gorge, mal à l'aise, et retourna à sa porte.

" Oui, c'est vrai. Bon. Je crois que je vais te laisser dormir un peu" balbutia-t-elle, tournant la poignée de la porte avant de s'arrêter.

"Hermione ? Elle chuchota, le regard brûlant dans le dos d'Hermione.

Hermione se crispa.

"Pourquoi ? commença Cho, déglutissant difficilement. "Pourquoi choisir Malefoy ? Pourquoi pas Viktor ? demanda-t-elle doucement.

 

Hermione garda son attention fixée devant elle, incapable de se résoudre à répondre alors qu'elle ravalait les sanglots qui menaçaient de l'étouffer.

Le silence pesait lourd dans l'air, écrasant les restes de la détermination d'Hermione jusqu'à ce que Cho le brise enfin.

"Je suis désolée" se précipita-t-elle, "tu n'as pas à répondre à cette question - je le ferai - je vais te laisser dormir. Bonne nuit Hermione."

 

La porte se referma derrière Hermione avec un claquement audible et ce n'est qu'à ce moment-là, lorsque les bruits de pas s'estompèrent et qu'il ne resta plus que le son de sa respiration rauque, qu'Hermione s'effondra une seconde fois.

Elle s'agenouilla sur le sol froid en contrebas, passant ses ongles dessus pour s'immobiliser. Sa langue se couvrit de cuivre tandis que des sanglots secouaient son corps, étouffant des cris qu'elle voulait désespérément lancer à l'univers.

Elle se mit en position fœtale, se balançant d'avant en arrière tout en chantant, priant et pleurant. Elle essayait désespérément d'expulser la chaleur qui la brûlait de l'intérieur.

 

Hermione resta là jusqu'à ce que le feu soit réduit à l'état de braise, se réconfortant sur le sol dur et laissant le lit intact.

Ce n'est que lorsque sa bougie s'éteignit, plongeant sa chambre dans l'obscurité, et que le froid lui ôta la vitalité de son corps, qu'elle eut enfin la force de rebâtir.

Elle se plongea dans son esprit et saisit un fragment de roche ébréchée et lentement, petit à petit, elle commença à reconstruire son mur.

 


 

Chapter Text


Reconnu


 

Les murs d'une prison ne pouvaient pas empêcher les cauchemars. Hermione l'avait appris à ses dépens.

Depuis les quelques jours passés à Poudlard, ses rêves étaient truffés de violence, ce qui rendait difficile son retour à la réalité lorsqu'elle se réveillait.

 

La réalité n'était pas pire que les cauchemars, et elle ne pouvait pas supporter l'idée de devoir l'affronter plus qu'il ne le fallait. Elle avait donc choisi de rester dans sa chambre la plupart du temps, ne quittant la sécurité de ses quatre murs que lorsque Malefoy lui faisait signe de se rendre à l'entrée de la salle commune.

Son python bourdonnait, entraînant ses pieds vers lui malgré ses protestations. Le manque de sommeil et les changements brusques dans son environnement l'empêchaient de se contrôler. Hermione devait se démener à chaque fois qu'on l'appelait, faisant trembler ses murs de pierre, verrouillant la porte de sa cellule et l'enfermant dans la glace avant d'atteindre la longue bande de terre entre les escaliers et la sortie. Elle protégeait ses émotions des regards méfiants de ses camarades et de l'expression fermée de Malefoy.

 

Ils marchaient en silence, sa main toujours accrochée à son bras pour l'empêcher de courir. Ce n'est pas comme si elle avait la force d'essayer, la plupart du temps sa poigne était la seule chose qui la maintenait debout.

À l'infirmerie, des bruits parasites résonnaient au-dessus d'elle, des aliments trop chauds et des potions lui étaient imposés. Sa forme immobile gisait attachée à un brancard dans une interminable rangée de lits vides, tandis que le guérisseur tergiversait et balbutiait sur la lenteur de ses progrès.

Puis Malefoy la ramenait, la faisait parader dans le château drapé de vert, effaçant toute trace des trois autres maisons, avant de la laisser à la porte sans un mot. Elle n'avait pas encore ressenti la soi-disant douleur qu'il lui avait promise, il semblait que le seul mal qu'il lui avait fait jusqu'à présent était de la forcer à être en sa présence chaque jour.

La partie la plus atroce de sa routine était de libérer les parties d'elle-même qui s'étaient accumulées dans sa cellule tout au long de la journée. Elle ne pouvait pas se retenir longtemps, et elle ne voulait pas risquer de s'effondrer devant qui que ce soit.

 

Comme un chat qui s'éloigne de sa maison, Hermione attendait de mourir en secret.

 

L'assaut des émotions la meurtrissait, la laissant brûlée et écorchée, ses organes grillant sous le soleil brûlant. Cette douleur ne la calmait pas comme le faisait la douleur physique, elle ne calmait pas le monde, elle le rendait plus bruyant. La honte et la culpabilité bourdonnaient dans ses oreilles comme une mouche tenace, la colère incendiait dans ses rétines, le chagrin grésillait dans son sang. Il lui fallait une bonne partie de la nuit pour en venir à bout, et encore, cela débordait sur ses rêves, empoisonnant ses pensées et la laissant tremblante et épuisée.

Et elle devait tout recommencer le lendemain. Essayer de s'en sortir sans que Malefoy, Ron ou qui que ce soit ne voie une once de son humanité.

 

Elle ne voulait plus être humaine.

Elle ne voulait plus exister.

 

Winky était apparu dans sa chambre le premier soir, lui apportant un plateau de poulet fade, de riz et de brocoli. Son python la força à avaler, vomissant entre les bouchées sous le regard nerveux de l'elfe, qui tressaillait à chaque fois qu'elle crachait et toussait.

L'elfe ne dit pas un mot, se contentant de faire disparaître le vomi et de disparaître avec un bruit sec. Hermione était presque terriblement jalouse de l'elfe, de pouvoir venir et repartir à l'abri de la magie du château qui empêchait Hermione de disparaître au loin. Mais elle supposait que si on lui donnait le choix, Winky ne partirait pas de toute façon. Elle n'était plus libre, ses haillons en lambeaux en témoignaient. Elle resterait avec son maître, quel qu'il soit.

Dans sa hâte de partir, Winky avait oublié de ramasser la fourchette laissée dans les doigts flétris d'Hermione. Hermione se mit immédiatement au travail, visant à enfoncer l'instrument dans sa cuisse gauche.

 

Bon sang, elle avait besoin de ce putain de calme.

 

Frustrée, sa main s'immobilisa juste avant qu'elle ne parvienne à l'enfoncer. Le serpent autour de son cou bourdonnait d'un air moqueur. Elle poignarda encore et encore, échouant à chaque fois jusqu'à ce que le sang coule de ses oreilles et de son nez, s'écoulant sur ses genoux. Elle poussa un rugissement de frustration et projeta son arme à l'autre bout de la pièce avant de se recroqueviller sur le sol, espérant absorber le froid des pierres dans son corps brûlant.

 

Lorsqu'elle avait rencontré Malefoy pour sa deuxième visite le lendemain, il l'avait dévisagée de haut en bas avec un air suffisant.

 

Putain d'enfoiré.

À quoi bon l'empêcher de se faire du mal si elle n'allait pas vivre longtemps de toute façon ?

 

C'était la seule chose qui lui permettait de rester relativement saine d'esprit, sachant que tout cela serait bientôt terminé. Elle devait juste tenir bon un peu plus longtemps. S'en tenir à son plan. Se tenir à l'écart des autres.

La dernière partie était étonnamment facile, aucun Champion n'avait tenté de l'approcher depuis sa spectaculaire crise à son arrivée.

Elle sentait leurs regards lorsqu'elle allait et venait, elle entendait les pas qui s'agitaient devant sa porte. Parfois, elle pouvait même entendre leurs chuchotements dans les couloirs.

" Un problème chez elle ? "

" -imposture "

"Hermione est morte"

"- abîmée"

 

Cela faisait mal. Bien sûr, c'est vrai. Mais cela rendait les choses plus faciles pour elle. Elle ne pouvait pas supporter leur présence en plus de tout le reste.

Interagir avec les gens était profondément déstabilisant, elle s'était habituée aux ombres et elle refusait de s'en séparer en entrant dans la lumière.

Jusqu'à ce qu'elle commette la malencontreuse erreur de quitter sa chambre tard dans la nuit.

 

Elle avait rêvé de Forsyth, de la terreur sur son jeune visage alors que Darryl fonçait sur eux. Pourtant, lorsqu'Hermione se retourna, au lieu de la créature familière semblable au courroux, elle se vit debout dans l'embrasure de la porte de la salle de bains. Des veines noires s'étalaient sur son visage comme des toiles d'araignée, ses yeux étaient si sombres qu'ils semblaient avoir été arrachés. Elle se vit lever les mains, un sourire ravi s'étirant sur sa peau cireuse tandis qu'elle déchirait Forsyth sans vergogne. Le garçon hurlait tandis qu'il se dilatait et se brisait lentement en morceaux.

 

Hermione se réveilla couverte de sueur, complètement secouée par la vivacité de ses souvenirs. Le sol froid n'avait pas fait grand-chose pour chasser la chaleur, même si la douleur de ses articulations contre la surface dure la réconfortait.

 

Son lit était resté intact.

 

Elle se leva pour aller à sa garde-robe, dans l'intention de se changer enfin. Le sang du garçon de ses rêves avait séché et s'était incrusté sur son corps. Mais alors qu'elle attrapait les rangées de tissus noirs et soyeux, elle ne pouvait se résoudre à les enlever.

Le "et si" résonnait dans son cerveau embourbé, la poussant à reculer le bout de ses doigts.

 

Ils ne la toucheraient pas si elle était sale.

Elle resterait donc dans la crasse.

 

Elle se faufila alors hors de sa chambre, rampant dans le couloir jusqu'à l'escalier. Elle se sentait déjà plus légère, le léger courant d'air frais contre la sueur sur sa peau.

Hermione dériva jusqu'à la salle commune vide, sombre et froide face aux braises mourantes de la cheminée abandonnée. Elle s'arrêta devant les grandes fenêtres, éclairées par la faible lueur verte de l'eau du Lac Noir.

Elle appuya son front contre la vitre, imaginant le calme de l'eau s'imprégner dans son esprit. Elle s'y perdit, se laissant bercer par les mouvements paresseux des poissons occasionnels et respirant tranquillement pour la première fois depuis des jours.

Comme ce serait merveilleux de s'enfoncer dans l'eau. De disparaître dans l'obscurité, immergée dans le silence comme un sous-marin.

 

Un léger tintement la ramena à la réalité, le son semblant assourdissant dans le calme de la nuit. Hermione sursauta, bondissant instinctivement pour faire face à la source et pressant son dos contre la fenêtre.

Elle aperçut alors une silhouette, affalée sur la table, un verre de whisky tourbillonnant dans sa main molle. Hermione avait dû passer à côté dans sa descente, trop captivée par l'eau.

 

Stupide.

 

" Granger ", salua une voix rauque. Sa voix de baryton à la fois douce et rauque attirait l'attention d'Hermione sur sa bouche tandis qu'il avalait une grande gorgée.

Il reposa brusquement le verre, ce qui la fit sursauter.

Hermione ne faisait pas confiance aux hommes et au whisky.

"Bienvenue," dit-il, "Je dois admettre que tu as fait une entrée fracassante."

 

Tous les muscles du corps d'Hermione lui criaient de courir, mais ses pieds restaient ancrés au sol. Elle ne s'était pas préparée à cela. Elle n'avait même pas pensé à élever ses murs.

Et maintenant, il était trop tard.

 

Elle était paralysée sous son regard, le blanc de ses yeux éclairé par le lac. Il la regardait, la traversait, réduisant son esprit à un tourbillon de poussière.

Mais Theodore Nott cligna des yeux et, soudain, son regard passa d'invasif à évaluateur, l'observant avec curiosité tandis qu'elle se moulait contre la fenêtre.

Il remplit à nouveau son verre.

"Allons Granger, je sais que tu me connais. Tu te souviens de la quatrième année de potion ? Ou de l'Étude des runes en cinquième année ? Tu te souviens sûrement de m'avoir mis une raclée en Défense contre les Forces du Mal ?"

 

Hermione pressa ses mains derrière son dos pour cacher ses tremblements. Bien sûr qu'elle s'en souvient. Comment oublier Theodore Nott ?

Il était le seul Serpentard à s'être associé volontairement avec elle, insistant sur le fait qu'il avait besoin de ses notes. Pourtant, malgré les railleries de ses camarades Serpentard, il n'avait jamais été que respectueux.

Oui, il lui collait à la peau, bavardant sans cesse de ragots insignifiants ou flirtant sans vergogne pour éviter de contribuer à leur travail en classe. Mais il était sérieux, divertissant et même parfois serviable. Elle pensait qu'ils auraient même pu être amis, si leurs groupes d'amis n'avaient pas été rivaux. Sa proximité avec Malefoy et le reste des Serpentards était logique - il était l'un d'entre eux après tout. Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser que le choix de ses amis lui donnait l'impression de ne pas être à la hauteur, comme si elle était un animal de compagnie ou un objectif. Comme s'il faisait semblant de la tolérer seulement pour se moquer d'elle, et que la supercherie ne tarderait pas à être révélée.

Une Sang-Pur comme lui n'avait aucune raison innocente de se lier d'amitié avec une Sang de Bourbe comme elle.

 

Ainsi, tandis qu'elle le côtoyait avec réticence en classe, Theodore Nott était tenu à l'écart. Au mieux, une connaissance. Elle faisait de son mieux pour l'ignorer complètement en dehors de tout ce qui concernait le travail scolaire. On ne pouvait pas lui faire confiance. Aucun des Vingt-huit Sacrés ne l'était.

Mais il était là.

Un champion, un prisonnier, tout comme elle.

 

Elle se demandait ce qu'il avait bien pu faire pour se voir infliger une telle punition. S'il avait changé de camp ou s'il s'était même rangé du côté de Voldemort au départ. Elle ne se souvenait pas de l'avoir vu lors de la bataille, mais ce n'était pas comme si elle l'avait cherché.

Elle le voyait maintenant, s'attardant sur chaque flexion de ses articulations, sur le léger frémissement de sa gorge.

"Je dois admettre que j'ai été surpris de trouver ma réserve cachée de Whisky Pur Feu encore là. C'est impressionnant de voir la quantité qu'on a réussi à écouler". Il tira la chaise à côté de lui. " Tu ne voudrais pas manquer ça, Granger, viens t'asseoir. "

Il remplit un verre vide, le déplaçant sur l'espace vacant.

"C'est le dernier", expliqua-t-il en fixant la sorcière figée dans l'expectative.

Hermione resta silencieuse.

"Non ? Comme tu veux" haussa-t-il les épaules, avalant le verre avant de se mordiller la lèvre pensivement.

 

Elle reconnut cette habitude. Elle avait été témoin de cette habitude un nombre incalculable de fois dans diverses salles de classe. Il avait tendance à le faire surtout lorsqu'il étudiait quelque chose de particulièrement difficile, les yeux rivés sur sa table de travail, la plume griffonnant sur le parchemin. Les semaines précédant leur B.U.S.E. avaient laissé ses lèvres en bouton de rose craquelées et saignantes, au point qu'elle le grondait si elle le surprenait en train de le faire en classe. Mais il refusait d'arrêter. Il ne pouvait pas vraiment, il ne s'était jamais rendu compte qu'il le faisait jusqu'à ce qu'elle le lui fasse remarquer.

Hermione connaissait toutes les manières uniques de chacun de ses camarades de classe. Leur année ne comptait que peu d'élèves. Peu de gens voulaient avoir des enfants au milieu de la Première Guerre des Sorciers.

 

C'était une intimité née de la proximité, du temps, d'une classe à moitié remplie.

Elle savait comment chacun d'entre eux préférait son thé, le tracé de leur écriture, le son de leur toux et de leurs éternuements, sans jamais avoir besoin de savoir qui elle devait faire taire.

Mais elle ne les connaissait pas. Elle ne les connaissait pas vraiment.

 

Elle ne connaissait pas les particularités du groupe d'amis des garçons de Serdaigle, bien qu'elle ait observé qu'ils avaient toujours tendance à se disputer juste avant les vacances de Noël.

Elle ne comprenait pas pourquoi Susan insistait pour se laver les mains avant chaque repas, tout en sachant qu'elle ne passait pas moins de trois minutes à le faire.

Elle ne savait pas pourquoi Théo jouait le rôle d'un idiot, faisant semblant de ne pas connaître des concepts dans lesquels elle savait qu'il excellait.

À l'exception de Ron et Harry, elle n'était pas sûre de connaître vraiment quelqu'un. Elle connaissait Ginny, Neville et parfois Luna. Mais les fréquenter n'était pas la même chose que les connaître.

 

L'amitié du trio était intrinsèque, comme autant de membres attachés à un seul corps. Elle les connaissait plus intimement qu'elle ne se connaissait elle-même.

C'est peut-être pour cela qu'elle avait l'impression d'être morte en même temps que Harry.

Ron la connaissait, mais Harry la comprenait. Une différence singulière et cruciale. Il était le premier et le seul à l'avoir jamais fait.

 

Mais alors qu'elle se tenait là, à fixer Theodore Nott, elle réalisa que personne ne la connaissait plus. Pas même un peu.

Le temps les avait tous changés.

 

Malgré les manières familières qu'elle avait mémorisées depuis l'âge de onze ans, elle ne savait rien de leur vie des cinq dernières années, ni de la façon dont la guerre avait façonné les adultes qu'ils étaient devenus.

 

Et ce fossé ne se comblerait jamais. Elle mourrait sans les avoir connus.

Elle mourrait dans l’ignorance.

 

"Granger ? Theodore l'interrogea, la tirant de ses pensées.

Il se leva prudemment, gardant ses mouvements lents pour ne pas l'effrayer.

" Tu es là ? "

 

Hermione commença à avoir des démangeaisons. Il n'y avait pas assez d'espace pour la contenir entièrement sous sa peau.

"Est-ce que..." commença-t-il timidement, "est-ce qu'ils t'ont torturée ? Quand tu as été capturée ?"

Il fit un geste vers sa robe ensanglantée.

"Est-ce le tien ? De quelqu'un d'autre ? As-tu des robes avec lesquelles tu peux te changer ?"

 

Il chuchotait. Il lui parlait sur un ton apaisant. Mais les questions ressemblaient à des cris.

Sa voix lui tenaillait la peau, comprimait ses poumons.

 

Arrête. Arrête de parler.

 

" Tout le monde s'est interrogé en arrivant. Si tu es blessé, les elfes peuvent t'apporter des potions pour..."

Elle le voyait se rapprocher, les yeux rivés sur elle. Pourquoi continuait-il à la fixer ? Pourquoi tout le monde la fixait-il ?

"- je peux t'aider. Je peux..."

Elle aurait dû rester dans sa chambre.

" - besoin d'espace, mais... "

 

Il parlait.

Il regardait fixement.

Il se mordillait à nouveau la lèvre. Mâchant sa lèvre en la regardant.

Arrête. Arrête. Arrête.

 

Il s'approcha d'elle. Il lui tendit la main, même s'il était encore loin d'elle. Comme s'il pouvait combler le fossé qui les séparait. Comme s'il pouvait essayer de la comprendre.

Alors elle fuît.

 

***

 

"Tu vas finir ça ?", demanda Harry en montrant son beignet glacé à moitié mangé.

 

Elle le regarda fixement, se demandant à quel moment elle avait commencé à être rassasiée.

"Euh non", elle secoua la tête pour s'éclaircir les idées, "non, tu peux le prendre".

"Merci", sourit-il, en l'enfournant dans sa bouche et en s'adossant contre la couverture à carreaux.

 

La lumière du soleil qui traversait les feuilles dessinait un motif sur son visage satisfait. Des ombres dansaient sur ses joues tandis qu'il dévorait la friandise.

Hermione s'allongea avec lui, fixant la voûte au-dessus d'elle tout en écoutant le doux clapotis du Lac Noir.

Ils restèrent assis en silence, satisfaits de la compagnie de l'autre. L'air printanier soufflait les boucles de ses cheveux sur son visage, lui chatouillant le nez. Elle leva les doigts pour les déplacer lorsqu'une autre main fraîche les écarta, les glissant derrière son oreille.

Elle ouvrit un œil sur le sourire gêné de Harry, l'hilarité dansant dans ses iris bleus.

"Tu as besoin d'une coupe de cheveux", dit-il en riant.

 

Hermione regarda la tignasse de cheveux noirs qui lui tombait sur le visage.

"Toi aussi", plaisanta-t-elle, même si elle préférait secrètement la coupe qu'il arborait à présent.

 

Elle repoussa sa main et se redressa, admirant l'étendue du lac, les collines vertigineuses et le château qui était sa maison.

Harry soupira de contentement à ses côtés, s'étirant paresseusement sur le terrain de leur pique-nique improvisé.

Une jambe égarée renversa le panier, répandant plusieurs pommes. Elles roulèrent vers Hermione et s'arrêtèrent au niveau de son coude.

Hermione se figea.

"C'est parfait", murmura Harry en fermant les yeux face à la lumière du soleil.

 

Elle grommela en réponse. Les yeux fixés sur la peau verte de la pomme.

Quelque chose clochait ici.

"Harry ? demanda-t-elle, quand sommes-nous arrivés ici ?

"Hmm ?" Il grogna, "Je ne sais pas Hermione. A la mi-journée peut-être ?"

 

Elle passa une main sur la pomme, caressant sa peau lisse.

Si verte. Mais les pommes avaient tendance à être rouges, n'est-ce pas ?

Quelque chose s'insinua dans les recoins de son esprit.

"Harry", dit-elle, un soupçon de panique s'emparant d'elle. "Harry, comment sommes-nous arrivés ici ?"

 

Il ouvrit les yeux, la fixant à travers sa frange noire. Il plissa les yeux et évalua sa posture tendue.

"Hermione, soupira-t-il. "Ne te pose pas de questions, d'accord ? Viens t'allonger. Profite du soleil."

Elle secoua la tête.

"Mais je..."

"Hermione," dit-il en la tirant vers lui. "Détends-toi, d'accord ? Tout va bien."

 

Harry la ramena près de lui, passant son bras autour d'elle pour qu'elle se blottisse contre sa poitrine.

"Tout ira bien", murmura-t-il en plaçant son menton au-dessus de sa tête.

 

Sa respiration ralentit tandis qu'il faisait glisser ses doigts le long de son dos, traçant un motif qu'elle ne connaissait pas.

La peur et les pommes s'estompèrent.

Il n'y avait plus qu'eux deux, se prélassant dans le silence.

 

***

 

Elle pouvait encore sentir son contact lorsqu'elle se réveilla et son absence lui fit mal.

 

Le bourdonnement dans son cou devint brûlant. Malefoy attendait.

Elle se décolla du sol, s'apprêtant à dresser ses murs lorsqu'elle aperçut Darryl du coin de l'œil.

 

Aussi grand, aussi sombre et aussi réconfortant que dans ses souvenirs.

Elle tourna son regard vers lui, son cœur se mettant à battre la chamade.

Mais elle ne vit qu'une armoire ouverte entourée d'espace vide.

 

L'une des robes noires en sortait, se moquant d'elle.

La douleur s'intensifia.

Son python devint plus chaud, la pressant de se remettre à la tâche.

 

Elle conjura la glace et la pierre, construisant sa prison.

Mais juste avant de refermer la porte, une pensée lui vint à l'esprit.

Une pensée débridée, aimante et pleine d'espoir.

 

Elle ne pouvait pas croire qu'elle l'avait oubliée.

Darryl la connaissait. Darryl la comprenait.

Il était la seule personne, la seule chose encore vivante qui la comprenait.

 

Elle ferma la porte à clé. Elle la scella derrière la glace. Elle descendit sous les regards, les chuchotements et le Mangemort qui l'attendait à l'extérieur.

Mais malgré tout, ses murs ne tremblèrent jamais.

Parce qu'Hermione avait de nouveau quelqu'un qui la connaissait mieux qu'elle ne se connaissait elle-même.

 

Et quand elle mourrait, elle mourrait en se sachant reconnu.

 


 

Chapter Text


Bord du Monde


 

Ginny, Ron, Neville et Theo se réunirent dans la chambre assignée à Ginny, à l'abri des regards indiscrets des autres membres de l'Ordre qui se trouvaient dans la salle commune en contrebas.

Pendant la guerre, les trois Gryffondor étaient devenus sans le vouloir le nouveau Trio d'Or, essayant d'assumer les rôles que les deux autres avaient laissés derrière eux. Après la mort de Kingsley, quelques mois seulement après la bataille, ils avaient pris la relève pour être le genre de leaders qu'auraient été leurs amis décédés.

 

Mais il n'y avait qu'une Hermione et un Harry, et malgré tous les efforts de Ginny, elle n'avait jamais pu combler le vide laissé par leur mort.

Ginny et Ron s'étaient rapprochés à cause de leur chagrin commun, devenant rapidement des amis proches pendant les années de famine et de peur. Mais la perte avait creusé un fossé entre les deux frères et sœurs, et malgré tous les efforts de Ginny pour le combler, Ron ne lui avait jamais permis d'être aussi proche qu'ils l'étaient autrefois.

Ginny avait pensé qu'il était impossible de souffrir plus qu'elle ne l'avait déjà fait. La perte de son premier amour, de son ami et de son frère était insupportable. Si le chagrin avait un seuil, elle l'avait dépassé depuis longtemps.

Mais il semblait que la Mort ne se souciait pas de sa douleur. Elle viendrait la chercher de toute façon.

 

Percy mourut peu de temps après. Puis ce fut le tour du père.

Bill avait disparu, suivant le conseil de leur mère de prendre sa femme et son enfant et de se cacher. Charlie se trouvait en Roumanie lors de la chute de l'Ordre et les frontières de l'Angleterre avaient été fermées, l'empêchant de retrouver sa famille. Ils n'avaient pas pu sortir à temps. Ron refusait de partir, pas sans Hermione. Ses parents étaient donc restés, et Ginny avec eux.

Elle avait tout essayé pour lui faire entendre raison. Mais Ron était aveuglé par son chagrin. Il faisait chaque raid, chaque mission, dans l'espoir de trouver un écho de la jeune fille qu'il avait aimée.

 

Mais il n'y avait rien.

C'est alors que Ginny apprit que l'espoir était plus dangereux que la peur. Plus puissant que l'amour et la haine. C'était l'espoir qui poussait les gens à la folie, au bout du monde et au bord du gouffre. L'espoir de Ron avait été meurtrier. Soit par ses propres mains, soit par les êtres chers qui l'avaient suivi jusqu'au bout du monde.

Ils avaient perdu Percy lors d'un ratissage raté du terrain de Poudlard au cours de la première année après la guerre. Ron avait insisté sur le fait que Voldemort avait caché Hermione à cet endroit. Qu'elle était une priorité pour l'Ordre. Que son cerveau les sauverait tous, et qu'il valait donc la peine d'en risquer quelques-uns.

 

Leurs parents étaient effondrés par la perte d'un autre fils, mais ils cherchaient tout de même une explication à la folie de Ron. Admettre que Ron avait tort, c'était admettre que leur fils était mort pour rien.

Ils demandèrent donc à Ron de s'accrocher à l'espoir. Ils pensaient qu'il serait détruit sans cet espoir. Seule Ginny pouvait voir qu'il était déjà perdu, entraîné dans un fantasme qui n'avait aucune chance de se réaliser.

Son père avait succombé des suites de ses blessures, deux ans après la malédiction inaugurale, survenue pendant la bataille. Ils n'avaient ni les ressources ni les compétences nécessaires pour le guérir. Au lieu de cela, ils avaient essayé d'arrêter la magie noire qui ravageait son corps. Lorsque son père était mort, il avait supplié qu'on le soulage. Sa mère, Ron et George avaient essayé de le garder là, en proie à l'agonie, sans vouloir le laisser partir.

 

Ils pensaient que tant qu'il y avait de la vie, il y avait de l'espoir.

Mais Ginny savait que l'espoir était mort depuis longtemps et que la mort était plus indulgente que la vie.

Un soir, alors que Ginny ne pouvait plus supporter les cris d'agonie de son père, elle se glissa dans sa chambre et plaça un oreiller sur sa tête.

Même ravagé, Arthur Weasley avait les yeux ouverts.

 

Il savait ce qui l'attendait.

Mais il ne se débattit pas. Il ne fit pas un bruit.

Et lorsque son corps devint mou et que sa poitrine s'immobilisa, elle replaça l'oreiller sous sa tête. Elle ne l'avait pas vu aussi apaisé depuis des années. Un doux sourire recouvrait ses traits immobiles.

 

Elle ne raconta jamais à personne ce qu'elle avait fait.

Plus tard dans la nuit, elle s'éloigna du cadavre de son père et entra pour la première fois dans la chambre de Neville. Elle réveilla le sorcier ahuri avant de le déshabiller et de se perdre au contact de sa peau.

Cela devint une habitude. Parfois, elle fermait les yeux et s'imaginait qu'il était Harry.

Elle ne le raconta jamais à personne, bien qu'une partie d'elle pensa que Neville savait qu'elle n'était pas la seule Weasley à courir après un fantôme.

 

Ginny aimait son frère - férocement. Mais parfois, elle avait l'impression de mener deux batailles. Une contre le Seigneur des Ténèbres et une contre sa famille. Ils ne comprenaient pas son insistance à vouloir abandonner. Ils voulaient se battre aveuglément, quel qu'en soit le prix. La cause primait sur tout.

Mais Ginny était égoïste. Elle voulait vivre. Elle voulait qu'ils vivent.

Ils devinrent des rats acculés au pied du mur, vivant de miettes, se battant pour rien. Les combattants les plus âgés furent rapidement abattus, emportant les Impardonnables qui semblaient être lancés dans leur direction. Ginny ne comprenait pas pourquoi les plus jeunes étaient épargnés.

 

Luna fut la première à être prise. Puis Seamus. Puis Viktor. L'un après l'autre, les meilleurs de leurs combattants furent emmenés. Chaque fois qu'ils quittaient la planque, ils étaient de moins en moins nombreux à revenir.

Mais Ron insistait pour qu'ils continuent à se battre. Il peignait sa quête insensée pour retrouver Hermione comme une série de missions irréfléchies.

Les autres le suivaient tous dans la mêlée. Ils faisaient confiance au dernier membre du trio originel pour diriger, pensant qu'il savait ce qui était le mieux pour la cause.

 

Ginny avait commencé à détester son frère.

Au fur et à mesure que leurs refuges se vidaient, ils devenaient de plus en plus désespérés. Au cours de ces quelques mois éprouvants, ils s'étaient battus avec acharnement. Chaque malédiction visait à tuer, chaque explosion était destinée à emporter le plus grand nombre d'entre eux, sans se soucier des vies innocentes perdues dans les tirs croisés. Ils étaient devenus des animaux enragés, tuant et mutilant, laissant un sillage de destruction et de cadavres. L'humanité était une notion qu'ils ne pouvaient pas se payer.

Ils se disaient qu'ils n'avaient pas le choix, comme si Ron n'avait pas fait le choix pour eux.

 

Lors d'une bataille, Ron s'était approché de Bellatrix. Il avait perdu sa baguette et s'était mis à plaquer la sorcière au sol pour la distraire. Mais Ron était trop près. Ginny avait tout de même levé sa baguette et pendant une fraction de seconde, un instant, elle avait envisagé de le tuer.

La folie prendrait fin s'il disparaissait lui aussi.

Neville l'avait devancée, parvenant à les séparer avant que Bellatrix ne disparaisse dans un éclair de Transplanage.

 

A leur retour à la planque, Ginny s'était jetée sur George, sanglotant dans sa chemise. Il n'avait pas demandé ce qui s'était passé. Au lieu de cela, il avait abandonné son travail, laissant ses croquis et ses dessins moldues éparpillés sur son bureau, et avait passé la nuit avec elle sous une vieille couverture étendue entre deux canapés. C'est là qu'il lui raconta des histoires, projetant des étoiles, des océans et la vie dans leur fort improvisé, comme Fred et lui avaient l'habitude de le faire lorsqu'elle était petite. Et pour la première fois en deux ans, Ginny s'était sentie en sécurité. Comme si la guerre ne faisait pas rage à l'extérieur de leur petit cocon protecteur ou à l'intérieur de son cœur.

Cela avait rendu les semaines suivantes supportables, sachant que bientôt tous ceux qu'elle avait aimé seraient capturés ou tués. Que l'Ordre était sur le point de mourir aux côtés de Harry Potter et d'Hermione Granger.

 

C'était presque un soulagement de penser que c'était fini.

 

Et pourtant, invraisemblablement, Luna était revenue. Elle était tombée sur le pas de leur porte, un soir, dans les bras de Theodore Nott. Il avait disparu dans la nuit pour réapparaître avec Susan Bones et Terry Boot.

Telle une cigogne, il ramenait ceux qu'ils croyaient perdus. Viktor Krum, Cho Chang, Justin Finch-Fletcher. Encore et encore et encore. Trente-deux prisonniers, tous dans divers états de malnutrition et de blessure, arrivèrent cette nuit-là. La nuit des miracles, comme ils la nommèrent plus tard.

 

Au petit matin, il revint, couvert de sang et de terre, bras dessus bras dessous avec Gregory Goyle.

Ils l'avaient interrogé avec leur petite réserve de Veritaserum, le soumettant à des jours d'interrogatoire. Chaque prisonnier s'était porté garant de lui, racontant des histoires similaires sur le fait qu'il les avait libérés de leurs ravisseurs, les faisant apparaître loin des entrepôts, des manoirs et des donjons où ils avaient été gardés.

Avec Theodore Nott, ils avaient de quoi continuer et Ginny ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir pour cela.

Dean était revenu de lui-même quelques jours après la nuit des miracles, au grand soulagement de Seamus. Ils n'avaient pas posé de questions à l'époque. Ils auraient dû. Peut-être que s'ils l'avaient fait, ils n'en seraient pas là aujourd'hui.

Theo avait ramené plus que des prisonniers cette nuit-là. Il avait ramené le savoir-faire. Grâce à lui, ils ont pu apprendre les contres-sorts pour empêcher la magie noire d'opérer, dessiner des cartes détaillées des manoirs de Mangemorts de haut rang, et apprendre les stratégies et les routines régulièrement utilisées par l'autre camp.

 

Il apporta également la nouvelle de la mort d'Hermione, confirmant qu'elle avait été tuée pendant la bataille de Poudlard et réduisant l'espoir de Ron en miettes. Les années qu'il avait passées à chercher ont été gaspillées. Il ne fut plus jamais le même après cela, mais au moins il s'arrêta enfin. Il planifiait ses stratégies avec plus de soin, au lieu de se jeter dans la mêlée, lui et les autres, sans réfléchir.

Ginny en était reconnaissante envers Théo. Mais elle avait eu du mal à pardonner à Ron les dégâts que son espérance avait causés.

 

Le nombre de victimes diminua considérablement et le moral des troupes s'améliora. Ils mirent au point un système qui donnait un semblant de vie plutôt que de survie.

Ils ne furent pas en mesure de faire face aux membres les plus hauts placés, car ils avaient cessé de participer aux escarmouches. Sous le règne de Voldemort, ils avaient désormais de la chair fraîche pour faire le sale boulot à leur place.

 

Malefoy était le seul représentant notable qu'ils rencontraient et qu'ils avaient rapidement appris à craindre. Contrairement aux autres, il ne portait jamais de masque. Il aimait que les gens sachent qui allait les tuer.

Mais ce n'était pas la férocité avec laquelle il se battait en duel ou la façon dont il abattait les gens les uns après les autres d'une rafale de lumière verte. C'était ses yeux qu'ils apprenaient à craindre.

 

Le professeur McGonagall, bien qu'elle soit la plus ancienne combattante qu'il y avait, fut la seule à s'en sortir vivante. Ils avaient pensé qu'il pouvait être battu, qu'un esprit puissant de la directrice de la maison Gryffondor pouvait rivaliser avec le jeune Serpentard.

Mais plus tard dans la nuit, Minerva McGonagall avait voyagé de planque en planque, massacrant Andromeda et d'autres personnes pendant leur sommeil, avant de se suicider.

 

Un agent dormant, créé à partir d'un regard.

À partir de ce moment, dès que Malefoy apparaissait sur le champ de bataille, ils s'enfuyaient.

 

Ginny s'occupa de Teddy, même si elle n'était pas du tout équipée pour élever un enfant. Elle n'avait pas pu rester à l'écart, inexplicablement attirée par le bambin qui était le dernier lien qui l'unissait à Harry. L'amour grandit rapidement. Elle oubliait souvent qu'il n'était pas né de sa chair et de son sang.

 

Ginny était prête à mourir avant qu'il ne lui arrive quoi que ce soit.

 

Théo transforma leur trio en un groupe de quatre, et pour l'essentiel, les choses se passèrent bien. Cho et Parvati commencèrent à sortir ensemble, leur mère sembla revenir à elle, Ron se maîtrisa et George utilisa ses recherches sur les armes moldues pour leur donner une longueur d'avance.

Justin devint leur guérisseur en chef, se concentrant sur l'esprit autant que sur le corps. Dean et Seamus se marièrent. Luna était, eh bien, Luna

Neville et Ginny continuèrent à coucher ensemble, sans jamais exprimer leurs sentiments.

Ginny savait qu'il l'aimait. Et elle l'aimait. Mais il n'était pas comparable au garçon aux cheveux de jais qu'elle avait perdu, et ils n'en parlaient jamais.

 

Tous les quatre, Ron, Neville, Theo et elle, se mirent à la recherche des Horcruxes que Voldemort avait sans doute fabriqués depuis la mort de Harry. Il était trop puissant pour ne pas l'avoir fait, Theo en témoignait.

Ils ne partagèrent jamais leur secret avec le reste de l'Ordre. C'était trop risqué, trop important. Ils avaient donc travaillé discrètement dans de petites salles fermées à clé et lors de réunions secrètes.

Même dans leur nouveau statut de Champions et de captifs, cela n'avait pas changé.

"Il doit bien y avoir quelque chose", expliqua Neville.

 

Theo s'appuya sur le montant du lit, se rongeant les ongles d'ennui.

"J'en doute" se moqua-t-il, " Tu Sais Qui ne serait pas assez stupide pour laisser un Horcruxe dans le château alors que nous sommes tous coincés ici."

"Je continue de penser qu'un de ses Disciples doit en être le détenteur. Bellatrix avait la coupe. Lucius Malefoy avait le journal. C'est ce qu'il y a de plus logique" renchérit Ron.

"Oui, et ils sont tous les deux détruits. Il ne va pas refaire la même erreur" rétorque Théo.

"Pour l'amour de Godric, Théo, as-tu quelque chose d'utile à ajouter ?" glapit Ginny.

 

Théo se serra la poitrine en simulant une agonie.

"Ginerva !" haleta-t-il.

 

Ginny roula des yeux, n'étant pas d'humeur à supporter les pitreries du Serpentard.

"Theo, sois sérieux", réprimanda Neville, "nous devons profiter de l'occasion pour découvrir où il le cache".

"Une occasion ?" Theo ricana, "Je ne pense pas que la chasse aux Horcruxes soit le problème le plus urgent ces derniers temps".

 

Un silence pesant s'installa dans le groupe.

"Et si c'était Hermione ?" murmura Ron à voix basse.

Ginny cligna des yeux vers son frère.

"Que veux-tu dire ?"

Ron expira et se pencha en avant.

"Et si Hermione était l'Horcruxe ?"

 

Neville et Ginny échangèrent un regard, cherchant l'un et l'autre à savoir si les paroles de son frère étaient fondées.

"Les gens ne peuvent pas être des Horcruxes, Ron", expliqua doucement Théo.

"Comment peux-tu le savoir ? Tu n'en sais rien". répondit Ron.

" Ça n'a jamais été fait ". Il rétorqua : "Le corps n'aurait pas pu vivre avec autant de magie noire, cela l'aurait détruite". Ça l'aurait tuée."

"Putain" souffla Ron en se passant la main sur la tête. "Hermione en savait tellement plus sur ce genre de choses, si on pouvait juste lui demander..."

"Tu ne peux pas faire ça Ron" grinça Ginny. "Cela ne fait qu'une semaine. Justin a dit que nous devions rester à l'écart, nous ne savons pas ce qu'elle a traversé. Nous ne voulons pas risquer de la perturber à nouveau. On ne sait même pas si elle est encore là-dedans."

"Elle est là-dedans !" aboya Ron en se levant, les poings serrés.

 

Ginny réfréna sa réplique, ravalant sa colère. Elle avait perdu son frère et son père à cause de la disparition d'Hermione Granger, et le massacre ne s'était arrêté que lorsqu'il avait accepté sa mort. Et maintenant qu'elle était de retour, le cycle avait repris de plus belle. Cette fois, il s'agissait de poursuivre l'idée qu'Hermione était toujours la personne qu'elle avait été.

Ginny voulait croire que son frère aurait de nouveau raison, mais elle savait aussi que la vérité n'avait pas d'importance. Qu'Hermione soit là ou non n'avait aucune importance, il poursuivrait son fantasme malgré toutes les preuves du contraire.

 

Elle ne voulait pas être à nouveau entraînée au bord du monde.

Ginny aurait préféré qu'Hermione Granger reste morte.

"J'espère que tu as raison Ron", dit Neville en tapotant le dos de Ron d'une manière rassurante, "J'espère que c'est vraiment elle".

"C'est elle", murmura Theo en fixant le sol. "La Sélection l'aurait tuée si elle était un imposteur."

 

Ginny pensait la même chose, même s'il était difficile de l'entendre de la bouche du seul expert en magie noire de l'Ordre. Theo avait une longue expérience, ayant grandi avec un père Mangemort et ayant servi comme l'un des principaux généraux de Voldemort avant de déserter.

"Quoi qu'il en soit, si elle est à l'intérieur, nous ne pouvons pas la faire sortir. Justin a dit de lui laisser de l'espace, alors on lui laisse de l'espace". dit Ginny en regardant Ron avec insistance.

 

Il souffla de dépit, tout ce qu'il avait toujours voulu était à portée de main et pourtant il ne pouvait pas le toucher.

"Très bien", grogna-t-il.

"Et ça veut dire qu'il faut arrêter de traîner devant sa porte tous les soirs" insista-t-elle.

 

Ron ouvrit la bouche pour répliquer lorsque Neville l’interrompit.

"En fait, je pense que c'est une bonne idée", dit-il en jetant un regard d'excuse à Ginny. "Nous devons garder un œil sur elle. Nous ne savons pas ce que Malefoy lui fait, ni où il l'emmène chaque jour. On ne peut pas risquer que le cas du professeur McGonagall se répète.

 

Théo secoua la tête.

"Non, il ne lui ferait pas de mal. Et de toute façon, les Champions ne peuvent pas tuer d'autres Champions en dehors de leurs tâches."

"Et comment peux-tu le savoir ?" demanda Ginny.

 

Theo leva les mains en l'air en signe de contrariété.

"Je ne sais pas Ginny, c'est logique, non ? Voldemorts est un homme de spectacle et veut un spectacle. Nous tuer les uns les autres avant même d'avoir atteint la tâche finale ne serait pas un bon divertissement. Il veut que le monde entier nous regarde mourir, horriblement. C'est la preuve de son pouvoir."

"Mais qu'en est-il d'Hermione ? Comment savoir si Malefoy n'est pas dans sa tête ?" demanda Ron à personne en particulier. Ginny se hérissa à cette question.

 

Hermione. Toujours Hermione. Peu importe que tous ceux qu'il aimait soient également en danger.

"Nous ne pouvons pas le savoir. Pour ce que nous en savons, il pourrait déjà être là-dedans. Il aurait pu le faire il y a des années. Nous n'avons aucune idée de ce que Voldemorts a fait d'elle. On a même dit à Théo qu'elle avait été tuée". expliqua Neville.

 

Ron fixa Théo d'un air accusateur. Sans doute furieux d'avoir gaspillé d'autres vies en essayant de récupérer la sorcière.

Théo leva les mains en signe de reddition.

"Hé, ne maudis pas le messager. Je n'avais aucune idée qu'elle était en vie."

"Voldemort a dit quelque chose à propos des morts et enterrés. Je pense qu'elle était peut-être à Poudlard". dit Ginny en s'allongeant sur le lit. Dix minutes après le début de la conversation, elle était déjà épuisée. Il y avait trop de choses qu'ils ne savaient pas.

 

Elle écouta les garçons qui se chamaillaient de part et d'autre. Ils posaient inutilement des questions au groupe dont aucun d'entre eux ne connaissait la réponse. Hermione ne parlait pas, ne se lavait pas, ne donnait aucune indication sur l'endroit où elle se rendait lorsqu'elle était appelée hors de la salle commune ou si elle travaillait avec les Mangemorts. Elle apparaissait simplement dans ces mêmes robes couvertes de sang, montait silencieusement les marches avec ces yeux vides et morts et s'enfermait dans sa chambre. Elle ne réapparaissait que pour partir, sans jamais parler à personne, sans jamais lever les yeux du sol. Ginny ne savait même pas si la sorcière mangeait ou dormait. Elle était comme un cadavre dont les mouvements ne faisaient que rappeler à Ginny le temps qui passe.

 

"Pourquoi n'a-t-elle pas choisi Voldemort ? Pourquoi choisir Malefoy ?"

"- Elle sait probablement qu'il détient un autre Horcruxe, quel serait l'intérêt ?"

"La coupe ne lui aurait pas permis de choisir le créateur du tournoi..."

"Plan secret avec le Seigneur des Ténèbres..."

"- C'est vraiment stupide..."

"- Tu es stupide !"

"Viktor..."

 

Encore et encore. Cela faisait trois ans que Ginny n'avait plus à se préoccuper de l'endroit où se trouvait Hermione Granger et de son bien-être. Le fait d'être à nouveau confrontée à l'obsession de Ron et aux encouragements de leurs pairs lui donnait la nausée.

 

Pourquoi ne pouvait-il pas la laisser partir ? Se concentrer sur le tournoi. Pour sauver sa mère, Teddy ou George.

Elle connaissait déjà la réponse. C'était la même raison pour laquelle elle trébuchait devant chaque chevelure noire en désordre, ou se surprenait à fixer les yeux verts perçants de Théo un peu trop longtemps.

 

Que ferait-elle si Harry Potter revenait d'entre les morts ?

 

Elle ne le ferait pas passer avant Teddy. Elle en était certaine. Être séparée du garçonnet était douloureux, comme si un crochet palpable se détachait de sa poitrine. Elle se demandait où il était maintenant, s'il allait bien. S'il avait vu Viktor mourir.

Il avait adoré Viktor. Il l'avait cherché malgré les nombreuses tentatives de Neville pour s'attirer les faveurs du jeune métamorphe. Teddy s'était mis en tête que Viktor était son père. Il ne se souvenait pas de Remus et avait été élevé par des femmes toute sa vie. Il n'avait jamais eu de figure paternelle et lorsqu'il avait vu Viktor se lancer dans une course sur son balai, il l'avait choisi. Il le choisit.

Et Viktor avait été si bon avec lui. Il était plutôt distant et silencieux, mais avec Teddy, il était doux, aimant et bavard. Il était devenu l'un des amis les plus proches de Ginny. Quelqu'un avec qui elle pouvait rire, faire des bêtises, sans parler de guerre, d'Horcruxes et d'Hermione Granger.

 

Et maintenant, il était parti. Comme ça.

Pour des raisons que Ginny ne comprenait pas, Hermione ne l'avait pas choisi.

 

Ginny ramena de force son attention sur la conversation. Elle n'avait pas le temps de se lamenter pour le moment. Elle devait trouver un moyen de sauver Teddy.

"Et le Pigeon ?" Elle l'interrompit.

 

Les trois hommes échangent un regard.

"Je n'ai rien entendu depuis que nous avons été capturés, et vous ? demanda Neville.

 

Les trois hommes secouèrent la tête.

 

Le Pigeon fournissait des informations à l'Ordre depuis des années. Personne ne savait qui ils étaient. Leurs renseignements leur avaient sauvé la vie plus de fois qu'elle ne pouvait le compter. Le petit patronus sans prétention apparaissait avec des avertissements sur les raids à venir ou les prisonniers transférés.

Ils ne savaient même pas s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, la voix changeant à chaque fois qu'elle apparaissait. Lancer un Patronus était déjà difficile, mais y incorporer un charme de modification de la voix était d'un tout autre niveau. Du vivant de McGonagall, même elle n'avait pas réussi à le reproduire.

Ils avaient cru que c'était Théo quand il était arrivé, mais l'oiseau était quand même revenu. Il ne savait pas non plus de qui il pouvait s'agir, mais ils pensaient, d'après les informations dont ils disposaient, qu'il s'agissait d'un membre du cercle rapproché de Voldemort.

"Ce doit être l'un des Disciples " annonça Théo.

"Je doute qu'un seul d'entre eux soit capable de lancer un Patronus". Ricana Neville.

"Rogue, lui, le pourrait, répliqua Ron, Harry nous l'a dit juste avant qu'il ne meure. Son Patronus était une biche, la même que la mère de Harry. Il l'aimait."

"Il était obsédé par elle", s'emporta Ginny. "Ce n'est pas la même chose."

"Si l'un d'entre vous a un Mangemort obsédé par lui, j'aimerais bien le savoir. Cela permettrait de réduire la liste." Theo glissa un mot.

"C'est répugnant", dit Ron en grimaçant.

"Oh, je suis désolé, nous ne sommes pas tous mauvais, tu sais. Greg et moi avons été très utiles, si tu te souviens bien", grommela Théo.

 

Ron eut au moins la décence de prendre un air contrarié.

" Tu as quelqu'un à l'esprit ? " demanda Neville à Théo.

"Peut-être. Astoria est une possibilité, elle a toujours été un peu plus douce que les autres. Daphné, absolument pas. Blaise est un sadique, il n'est pas dans le coup. Herdrian Parkinson est un peu con, même s'il est rusé. Si son ralliement au Seigneur des Ténèbres ne lui était plus bénéfique, il n'aurait aucun scrupule à changer de camp. Les autres sont des causes perdues."

"D'accord", dit Ginny en réfléchissant aux options qui s'offraient à eux. "Neville, tu es le champion de Parkinson, il ne devrait pas être difficile pour toi de t'approcher suffisamment de lui pour le découvrir. Théo, tu es avec Astoria, c'est facile. Ron, tu as Daphné, tu pourrais te renseigner sur ses parents et ceux de sa sœur. Voir si l'un d'entre eux semble suspect. J'ai..." Ginny hésite, "J'ai Greyback. Je peux écouter à qui il parle. Peut-être que je pourrai obtenir une autre piste, ou trouver où Tu sais qui cache ses Horcruxes."

 

Ron hocha solennellement la tête.

"Nous pouvons faire attention à ceux-là aussi."

 

Ginny déglutit, fixant à nouveau ses yeux sur le plafond. Elle sentait les yeux de Neville la brûler. Il avait essayé de lui en parler, de voir ce qu'elle pensait de son assignation à Greyback, mais elle l'avait repoussé. Elle ne voulait pas y penser.

 

Elle avait vu les cicatrices de ses victimes. Les corps nus et mutilés des femmes. Elle savait ce qui l'attendait.

S'y attarder ne servirait à rien.

 

"Ginny, commença Theo timidement, ça va aller. Il..."

 

Les fausses assurances que Théo s'apprêtait à donner furent interrompues par Padma qui fit irruption par la porte.

"Ils les ont pris ! Seamus, Susan et Cho. Leurs colliers les ont forcés à passer la porte. Nous avons essayé de les attraper, nous avons essayé..." Padma se mit à sangloter : "Nous n'avons pas pu les aider. Ils sont partis."

 

Ginny se leva en un instant et dévala les marches. Les pensées de loups-garous, de pigeons et de fantômes disparurent, remplacées par une peur grandissante.

Parvati, Greg et Justin se jetèrent sur l'entrée, essayant de rejoindre leurs camarades Champions.

Dennis regardait, impuissant, la pièce comme s'il pouvait trouver la réponse cachée dans les murs ou les coussins du canapé.

George étreignit Ginny en la serrant dans ses bras, comme si elle allait disparaître s'il la lâchait.

 

Ils pouvaient être convoqués à tout moment, emmenés dans un endroit qu'ils ne connaissaient pas, pour des raisons auxquelles ils ne voulaient pas penser. Et ils n'auraient d'autre choix que d'obéir. La question n'était pas de savoir si, mais quand.

 

Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était attendre.

 


 

Chapter Text


Accusations


 

"Tu l'as eu !" s'exclama Lucy en serrant Ciaran dans ses bras.

Le garçon tituba et se mit à rire ouvertement dans les bois denses dont Hermione se souvenait de leur première rencontre.

Les cheveux de Lucy tombaient jusqu'à sa taille, les deux garçons dépassant désormais la sorcière d'une bonne tête.

"Faites-moi voir !" s'écria Desmond en grimpant sur la table. s'écria Desmond en se jetant sur la main tendue de Ciaran.

Desmond prit la baguette de Ciaran et l'approcha de son visage pour l'examiner.

"19,5 cm, Coeur de dragon et Bois d'orme ", s'exclame fièrement Ciaran. " Mon père m'a emmené hier à Ravenstone Place ".

Lucy souffla, arrachant la baguette à son frère pour la voir de ses propres yeux.

"Je suis impatient d'avoir la mienne", souffla Desmond.

Ciaran acquiesça, l'excitation s'estompant au fur et à mesure qu'il observait ses deux amis.

"Eh bien, commença-t-il, dans dix mois, je pourrai vous emmener chercher le vôtre.

Lucy arqua un sourcil en direction du jeune homme aux cheveux de jais.

"Comment vas-tu t'y prendre ?" demanda-t-elle en remettant sa baguette dans sa main. "De plus, si tu parviens à nous emmener à Ravenstone, comment pourrons-nous nous offrir une telle chose ?

Ciaran resserra sa main autour de celle de Lucy lorsqu'elle relâcha sa baguette, un air sérieux couvrant son visage.

"Nous irons voir mon père" répondit-il avec assurance.

Desmond s'assit, s'appuyant sur ses paumes avec appréhension.

"Cela veut-il dire que tu vas enfin nous présenter ?" demanda-t-il.

"Je croyais que tu avais dit qu'il n'approuverait pas ?" répondit Lucy d'un air sceptique.

Cirian traîna les pieds, mal à l'aise.

"Il est compréhensible qu'il hésite en présence de Moldus" murmura-t-il, fuyant le regard de Lucy qui s'illuminait de pitié, "Mais vous êtes magiques. Vous appartenez au monde des sorciers. Il ne peut pas vous le refuser. De plus, ce n'est pas comme s'il y avait d'autres enfants de mon âge avec qui je pourrais m'entraîner. Je pense qu'il aimerait que j'aie..."

"-Des amis", termina Desmond.

"Oui, des amis". Ciaran rougit.

 

***

 

Le souvenir se glissa dans la conscience d'Hermione lors d'un de ses nombreux allers-retours à l'infirmerie.

Une semaine ne suffisait pas pour réparer des années de dommages. Même le prestige de Malefoy ne lui permettait pas d'en arriver là.

Malefoy ouvrit les portes de l'infirmerie d'un coup de baguette alors que Hermione commençait à s'agiter. Le souvenir remonta à la surface comme s'il avait toujours été là et qu'elle l'avait juste oublié.

Instinctivement, elle s'arrêta, scrutant le couloir solitaire à la recherche de son ami. Ses yeux parcoururent les ombres projetées par la fenêtre éclairée par le soleil, comme si Darryl s'y terrait entre les tapisseries et les portraits abandonnés.

Il n'y avait rien.

Malefoy la fit avancer avec irritation jusqu'à l'infirmerie, la poussant dans des draps immaculés pour un nouvel examen approfondi.

Ils furent souillés instantanément. Ses robes étaient rêches et putrides à cause des jours passés sans être lavées. Elle avait refusé de les enlever. Elle avait refusé de se baigner. Malgré les protestations des elfes et les regards déconcertants de ses compagnons champions.

La crasse était son armure. C'était sa seule protection. La seule chose dont elle disposait et qu'elle pouvait contrôler.

Hermione avait besoin de contrôle.

"- Les niveaux de fer se sont améliorés."

 

Depuis sa rencontre avec Theodore Nott, elle prenait davantage soin d'éviter les autres Champions. Hermione ne pouvait pas faire face aux questions, ne pouvait pas se fier à elle-même pour rester debout si elle les laissait approcher. Elle ne pouvait pas se permettre que leurs regards de pitié pénètrent à travers le mur qu'elle avait soigneusement construit.

Il lui fallait tout ce qu'elle avait pour maintenir ses murs en place lors de ses allers-retours quotidiens à l'infirmerie.

Elle ne voulait pas donner à Malefoy la satisfaction de voir à quel point elle était brisée.

"- température encore basse."

 

Hermione réussissait toujours à garder ses émotions enfermées, ne les libérant que dans l'intimité de sa chambre. Malgré les potions, elle n'avait pas encore la force de les garder pendant une longue période, et elle ne voulait pas que Ron la voie s'effondrer.

Il s'en voulait. Elle le savait. Elle entendait ses pas lourds et familiers s'approcher de sa porte chaque soir, la respiration haletante alors qu'il prenait des forces pour frapper à la porte.

Il ne le fit jamais.

Elle savait qu'il était pris entre le désir de l'aider et celui de ne pas l'abîmer davantage par sa présence. Mais elle ne réussit pas à s'expliquer, à sortir et à lui dire que ce n'est pas de sa faute.

Parce que si elle le faisait, si elle permettait à Ron de s'approcher d'elle, elle ne serait pas capable de garder la tête hors de l'eau.

Elle ne pourra pas aller jusqu'au bout de ce qu'elle devra faire.

Il ne pourra pas la retrouver pour la perdre à nouveau. Il n'y survivrait pas.

Elle choisit donc pour lui. Elle resterait un fantôme. Hors d'atteinte, détachée, froide.

Et lorsqu'elle abandonnera la première tâche, emportant sa vie et celle de Malfoy avec elle, Ron aura du chagrin.

Mais le chagrin que cela lui causera ne l'étouffera pas. Il ne le consumera pas comme la mort de Harry avait paralysé la jeune femme.

Il serait capable d'aller de l'avant. Il gagnerait.

Il serait libre.

"Je vais demander aux elfes d'augmenter la chaleur dans sa chambre ", déclara Malfoy.

Le guérisseur ajusta ses lunettes, jetant un rapide regard compatissant à sa patiente.

"Cela aiderait... si on lui permettait de changer de vêtements."

Malfoy se moqua.

" Elle en a suffisamment. Si elle veut rester dans sa propre crasse, c'est son choix."

 

Le guérisseur fronça les sourcils, perplexe quant à sa décision.

Bien sûr que le guérisseur était perplexe. Il n'était pas né dans un corps de femme. Il ne pouvait pas comprendre le danger qui pesait sur elle pour le seul crime d'être née fille.

Mais une once de colère se glissa tout de même à travers les fissures de sa porte, pour ne pas avoir été capable de le voir. Les femmes payaient toujours le plus lourd tribut à la guerre. Conquises par leurs adversaires. C'était comme s'il choisissait intentionnellement d'être aveugle à tout cela. L'idée était tellement hors de sa portée qu'elle n'était même pas envisagée. Comme si la réponse n'était pas là, devant lui. Comme si un conquérant ne se tenait pas à ses côtés.

Un salut chaleureux résonna dans l'infirmerie, attirant l'attention des deux hommes vers le son.

"Draco ", roucoula la femme élégante, se hissant sur la pointe des pieds pour embrasser Malefoy sur la joue. Ses cheveux dorés étaient coiffés en un élégant chignon, complétant ses robes immaculées.

"Mère ", répondit Malefoy, son ton formel contenant une pointe de surprise, " Que faites-vous ici ? ".

"Votre père a besoin de votre aide ", lui dit-elle en le regardant fixement. "On a besoin de vous au manoir.

Draco soupira.

"Ça peut attendre ?"

Son regard s'adoucit.

"Pas cette fois, je le crains".

Hermione étouffa le sourire satisfait qui menaçait de se libérer. Le grand Mortifer - toujours le chien de compagnie de son père.

Le regard de Malfoy se posa sur Hermione.

"Je ne peux pas la laisser sans surveillance, elle a besoin d'être..."

"Je m'en charge" répondit sa mère, Narcissa, avec douceur. "Je la ramènerai aux autres dès que le guérisseur Lewis aura terminé son travail.

Malefoy se mordit l'intérieur de la joue en réfléchissant.

"Très bien", ajouta-t-il, "pas de détours".

"Bien sûr, approuva Narcissa.

 

D'un mouvement de ses robes noires, Malefoy assouplit les restrictions imposées par le Python, permettant à Hermione de bouger et de faire plier la corde autour de son cou.

Il lui lança un regard d'avertissement, un regard qui criait "ne t'avise pas d'essayer quoi que ce soit", avant de sortir en trombe de l'infirmerie, laissant la Matriache Malefoy debout, hautaine, à son chevet.

" Miss Granger ", salua-t-elle, les lèvres serrées en une fine ligne tandis qu'elle prenait place.

Narcissa s'assit tranquillement à côté d'Hermione tandis que le guérisseur Lewis lui faisait avaler de nouvelles potions, vérifiant les charmes de diagnostic au fur et à mesure.

"Vous avez pris les potions et les repas que l'on vous a envoyés dans votre chambre, n'est-ce pas ? lui demanda-t-il, un léger froncement de sourcils se dessinant tandis qu'il notait ses découvertes.

Hermione resta silencieuse. Elle l'avait fait bien sûr, mais pas par choix. Le Python brûlerait plus longtemps si elle se retenait d'avaler les misérables bouteilles. La peau de son cou se couvrait de cloques lorsqu'elle se détournait des repas que les elfes livraient silencieusement.

Ce n'était pas la douleur qui la faisait céder. Elle pouvait supporter la douleur, elle s'en réjouissait même. C'était la chaleur qu'elle ne supportait pas. Le métal brûlant l'empêchait de reconstruire ses murs et faisait fondre la glace de sa porte. Il brûlait les boucliers protecteurs, lui faisant ressentir, perdre le contrôle.

Elle devait garder le contrôle.

 

Elle prit donc tout ce que les elfes lui donnèrent. Mais il n'avait pas besoin d'entendre cela de sa bouche.

Le guérisseur soupira de frustration devant son silence et se remit au travail.

Hermione pouvait sentir les yeux de Madame Malefoy se planter sur le côté de sa tête alors qu'elle restait assise sans bouger, malgré l'absence de restrictions de la part de son Python.

Lorsque le guérisseur Lewis annonça qu'ils en avaient fini pour la journée, Hermione se leva avec rigidité, faisant sursauter l'homme à l'allure de souris.

Narcissa sortit sa baguette et la pointa sur la poitrine d'Hermione.

"Allons-y", dit-elle froidement, faisant signe à Hermione de partir la première.

Le chemin du retour fut tendu, Hermione pouvait sentir la baguette s'enfoncer dans sa colonne vertébrale. La sorcière était manifestement sur les nerfs tandis qu'Hermione traversait le château avec désinvolture.

À son grand dam, Hermione s'aperçut qu'elle pouvait marcher de plus en plus loin chaque jour avant de s'arrêter pour reprendre son souffle. Aujourd'hui, elle s'arrêta devant ce qui était la salle de classe de l'Étude des moldus, s'appuyant lourdement contre le mur opposé.

Elle se demandait quel genre d'enseignement était dispensé dans cette salle aujourd'hui, et si les élèves fréquentaient encore Poudlard.

Comme si elle lisait dans ses pensées, Mme Malefoy rompit leur silence pesant.

"Les élèves ont été renvoyés chez eux pendant les préparatifs du tournoi. Ils seront de retour après la première épreuve". déclara-t-elle sans ambages, en rangeant sa baguette dans sa robe.

Hermione regarda la sorcière, incertaine de la raison pour laquelle elle donnait des informations aussi librement. Malefoy n'avait pas dit un seul mot à chaque fois qu'elle s'était arrêtée pour reprendre son souffle. Il s'était contenté de souffler avec impatience, ricanant de dégoût lorsqu'elle sifflait et se dédoublait.

Sa mère, elle, se contentait de la regarder avec ennui.

"Il va falloir que tu te remettes en forme si tu veux être bien classée", dit-elle en reniflant.

Hermione faillit ricaner à cette remarque. Comme si elle se souciait de la place qu'elle obtiendrait à la Première Tâche. Comme si elle allait y survivre.

La Matriarche regardait résolument au-dessus de la tête d'Hermione, calme et raffinée. Une sorcière parfaite, de sang-Pur, non souillée par la saleté qui se trouvait en face d'elle.

"Je doute que tu aies le temps de te préparer dans ton état," dit-elle, "bien que Draco m'ait dit que tu étais une élève convenable pendant ton séjour à Poudlard." Sa lèvre se retroussa avec dégoût : " Surtout pour une Sang de Bourbe. "

Hermione ignora la sorcière, se concentrant sur ses jambes douloureuses et sa respiration difficile.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

"- J'attends de toi que tu essaies au moins ce dimanche si tu as le moindre espoir d'accomplir la Première Tâche"

Les yeux d'Hermione se fixèrent sur la sorcière, confuse par sa déclaration.

"Ce dimanche ?" croassa Hermione.

J'ai besoin qu'elle soit prête dans deux semaines avait dit Malefoy. Deux semaines. Ce dimanche.

"Oui, répondit la sorcière la plus âgée, les épreuves ont lieu ce dimanche. Elles détermineront lequel des Champions est le mieux classé. Les trois premiers recevront un indice pour la première épreuve."

Hermione se creusa la tête pour essayer de se rappeler si Harry avait parlé des épreuves et des classements en quatrième année.

"Pourquoi ? demanda Hermione, la voix fêlée à force d'être utilisée.

Mme Malefoy jeta un regard à la sorcière, comme si elle était insultée par une question aussi stupide.

"Le monde entier va regarder, spéculer, parier. Il s'agit de justice, du prochain successeur. Le public a un intérêt direct dans les jeux, mon fils et donc toi. Si vous voulez survivre, vous ne pouvez donc pas vous contenter de gagner les tâches que vous aurez à accomplir. Mon fils montrera au monde qu'avec son aptitude au commandement, même quelqu'un comme vous peut atteindre la gloire. Il est le meilleur choix pour prendre la place du Seigneur des Ténèbres et je ne laisserai pas une chose brisée et atrophiée ruiner ses chances."

Hermione rangea cette information dans les recoins sombres de son esprit. Ses souvenirs de Narcissa Malefoy étaient brouillés par le temps, mais elle se souvenait que la sorcière l'avait laissée petite et intimidée lors de sa brève rencontre au Chemin de Traverse, au début de sa deuxième année. Un contraste saisissant avec la sorcière agitée et nerveuse qu'elle avait vue à la Bataille, les yeux cherchant désespérément son fils unique dans la foule.

Il semblait que Mme Malefoy avait reconstruit son armure pendant le règne de Voldemort.

"Et si je ne le fais pas ?" répondit Hermione, une étincelle de satisfaction s'allumant en voyant l'expression hautaine de la matriarche faiblir.

"Ne pas faire quoi ?" Mme Malfoy s'emporta, son expression se durcissant une fois de plus.

Hermione posa un sourire doux sur son visage en croisant son regard.

"Ne pas vouloir survivre ?"

Mrs Malfoy réduisit l'espace entre elles en un instant, la giflant brutalement.

"Espèce d'idiote !" siffla-t-elle. Elle siffla, "Tu penses peut-être avoir gagné en choisissant mon fils comme Garant, mais je ne te laisserai pas me l'enlever."

La sorcière l'empoigna fermement, la poussant contre la porte de la salle de classe.

" Renoncez aux jeux et je vous jure que je détruirai tout ce qui vous est cher. Je traquerai et tuerai moi-même tous ceux que vous aimez !" Elle crépita.

 

Une menace inutile. Tous ceux qui lui restaient allaient se mesurer à elle lors du tournoi. Pourquoi se battrait-elle pour la liberté alors qu'elle ne voulait pas être libre ? Pourquoi essayerait-elle, alors que son échec serait la seule chose qui pourrait aider Ron à gagner ?

Pourquoi voudrait-elle vivre, alors que sa mort emporterait avec elle le meilleur Disciple de Voldemort ?

Le sort en est jeté. Il ne lui restait plus qu'à s'emparer du roi.

Se hissant sur la pointe des pieds, Hermione effleura de ses lèvres froides la surface de l'oreille de Mme Malefoy.

"Ils sont déjà morts", chuchota-t-elle.

 

S'éloignant de la sorcière, Hermione glissa dans le couloir, se sentant légère pour la première fois depuis des années alors que la matriarche la fixait longuement dans le dos.

 

 

***

 

Elle avait senti que quelque chose n'allait pas dès qu'elle avait mis le pied dans la salle commune. Narcissa l'avait talonnée, lançant des sorts cinglants à chaque fois qu'Hermione s'arrêtait, la forçant à descendre jusqu'aux cachots, épuisée. La sorcière la plus âgée n'avait pas dit un mot, regardant le Champion de son fils franchir la porte magiquement révélée avant de faire demi-tour et de s'en aller en trombe.

La douceur de voir le Matriach si profondément ébranlé tourna à l'aigre lorsque la porte se referma derrière Hermione.

L'air était lourd. Chargé.

Hermione s'arma de courage, vérifia que chaque pierre était bien en place avant de s'immiscer dans le tumulte de la salle commune, interrompant la dispute qui avait éclaté entre Parvati et Ron.

Son ancienne camarade de dortoir tourna son regard strié de larmes vers Hermione, les yeux emplis de colère.

"Parvati ! aboya Ron, saisissant son bras et tirant la sorcière en arrière. "Ne fais pas ça."

 

Elle l'ignora, arrachant son bras avant de se précipiter sur Hermione.

"Où est-elle ? Siffla Parvati, le venin de ses mots tranchant la glace.

Hermione resta silencieuse, jetant un regard sur les autres Champions dispersés dans la salle commune.

"Où est-elle ? cria Parvati, suffisamment près pour que des éclaboussures de salive jaillissent sur son visage. Hermione ne put s'empêcher de tressaillir sous son regard perçant.

Parvati et Hermione ne s'étaient jamais bien entendues à Poudlard, mais jamais Hermione n'avait vu la sorcière aussi meurtrière.

Parvati s'avança plus près, le rose colorant ses joues, "Où est-elle, putain !". Elle cria

"Parvati ! commença Ron.

"Où est Cho ! Parvati s'époumona, la voix craquelée.

Hermione cligna des yeux.

"Je... Je ne sais pas" dit-elle, les premiers mots qu'elle prononçait à ses camarades Champions depuis la nuit de son arrivée.

Ron inspira brusquement en entendant ces trois simples mots et jeta rapidement un coup d'œil à Justin.

"Tu dois le savoir !" insista Parvati. "Tu es la seule à quitter cet endroit."

"Parvati..." commença Justin en s'avançant.

"Non !" s'écria Parvati. "Elle peut s'en occuper ! Je sais que tu as dit qu'elle avait besoin de temps, mais nous n'en avons pas ! Cho ne l'a pas ! J'ai besoin de..." La voix de Parvati s'affaiblit, une nouvelle série de larmes s'échappant de ses yeux injectés de sang. "J'ai besoin de savoir" croassa-t-elle.

L'emprise d'Hermione sur ses émotions faiblissait à chaque seconde qui passait sous le regard de ses camarades.

"Je ne sais pas", s'étouffa Hermione en se frayant un chemin à travers la sorcière jusqu'à la sécurité de sa chambre. "Je ne l'ai pas vue.

"Tu mens !" cria Parvati en s'agrippant à l'arrière de sa robe.

 

Rien ne rentre. Rien ne sort.

La chaleur bouillonnait sous sa peau, ses poumons commençaient à brûler.

"Où l'ont-ils emmenée ? Dis-moi !"

Rien, rien, rien, rien, rien...

 

Une silhouette se dressa devant Hermione, l'éloignant d'elle. Des yeux verts se fixèrent sur les siens, fendant les murs de sa cellule.

Ils ressemblaient tellement à ceux de Harry.

" Pars " chuchota Theodore Nott en faisant un signe de tête vers les marches.

Ron lui emboîta le pas, bloquant le chemin de la sorcière en sanglots qui poursuivait Hermione.

"S'il te plaît, Parvati, elle ne sait pas. Laisse-la." Il la supplia.

Hermione courut vers les escaliers, loin du bruit, des lumières et de la chaleur.

"Lavande", les sanglots de Parvati résonnèrent. "Je ne peux pas la perdre aussi."

"Elle reviendra. Il ne lui fera pas de mal. Il a besoin d'elle. Elle reviendra, je te le promets", s'apaisa la voix douce de Padma, se convainquant elle-même autant que sa sœur.

Les marches vacillèrent, ses mains s'accrochant aux parois du mur tandis qu'Hermione fuyait la désolation derrière elle.

Elle trébucha dans le hall, des halètements paniqués s'échappant de ses lèvres.

"Hermione ? demanda timidement une voix.

Hermione leva les yeux, apercevant une longue chevelure rousse avant de se jeter contre la porte. Elle fit irruption dans sa chambre, claqua la porte derrière elle et s'effondra contre elle.

Elle ne pouvait pas faire ça.

Non, non, non, non, non.

Sa prison s'évapora, inondant Hermione de feu.

Elle ouvrit la bouche en désespoir de cause, appelant dans un ultime effort avant de se perdre.

"Winky ! Elle poussa un soupir.

L'elfe apparut en un instant, se tordant les mains de confusion d'avoir été convoquée.

"Charme de silence", souffla-t-elle en suppliant l'elfe aux yeux écarquillés.

Winky agita les mains docilement, confirmant d'un signe de tête que le charme avait bien été appliqué. Hermione essaya de la remercier, de se retenir une seconde de plus, mais un cri s'échappa de sa gorge.

Winky se mit à trembler au centre de la pièce, frémissant en entendant le son.

Elle brûlait. Elle brûlait.

 

Hermione hurla, hurla et hurla encore sous l'assaut des émotions qui la secouaient.

Elle griffa sa peau, les murs, le sol. Elle griffait comme si elle pouvait creuser un trou assez profond pour s'y enfouir.

 

Des carreaux. Des robes blanches. Des yeux verts. Des yeux verts. Des yeux verts.

Verts. Vert. Rouge. Vert. Rouge. Rouge. Rouge.

Rouge rouge rouge rouge rouge.

 


 

Chapter Text


Occlumencie


 

Malefoy attendait avec une expression orageuse.

"Peux-tu faire ce qu'on te dit pour une fois dans ta putain de vie ?" Il grimaça, lui attrapa le poignet et la poussa à avancer.

 

Il marchait à un rythme effréné tandis qu'ils empruntaient le chemin familier qui les menait à l'infirmerie. Le soleil de fin d'après-midi agressait sa vision tandis qu'il la traînait vers une nouvelle séance de torture médicale. Si Malefoy remarqua les horribles brûlures sur son cou, il ne dit rien. Hermione avait réussi à résister à la contrainte du python pendant une bonne heure, ignorant ses convocations. Faire attendre Malefoy valait presque chaque seconde d'agonie qu'elle avait endurée. Il avait été beaucoup plus difficile de fabriquer la glace aujourd'hui, la confrontation houleuse avec Parvati la nuit dernière repassant en boucle dans son esprit. Les trois champions n'étaient pas encore revenus, et tout ce qu'Hermione pouvait faire, c'était espérer que lorsqu'ils reviendraient, ils seraient sains et saufs.

Mais les Mangemorts étaient connus pour casser leurs jouets.

 

Malefoy répéta sa routine, la jetant sur le lit avant de lui ordonner de rester immobile, immobilisant ses membres. Hermione reprit son inspection du plafond, comptant les poutres et les toiles d'araignée tandis que Malfoy se prélassait à côté d'elle. Elle se demanda si le plafond de l'infirmerie lui était aussi familier maintenant qu'il l'était pour Harry. Dieu sait que ce dernier y avait passé beaucoup de temps, que ce soit à cause de ses rencontres avec Voldemort, des parties acharnées de quidditch ou des bagarres qui éclataient dans les couloirs chaque fois que le " blondinet " le provoquait. Peut-être gisait-il dans ce même lit, se vidant de son sang sur le matelas sous elle. Hermione se sentait mal d'être ici, seule, dans un endroit qu'elle avait si fortement associé à son meilleur ami. C'était dans ces moments-là qu'il se sentait si proche et pourtant hors de portée. Une mélodie dont elle n'arrivait pas à se souvenir des paroles.

Poudlard et Harry Potter étaient synonymes. Comment le château pouvait-il rester alors qu'il ne s'y trouvait plus ?

Il avait été presque facile de faire comme si Harry vivait toujours pendant qu'elle était à Azkaban. Mais maintenant qu'elle était ici, hantée par ses souvenirs, l'absence de Harry était tangible. Tout lui rappelait qu'il était mort, qu'il n'existait plus que dans ses rêves. Son chagrin était aussi brutal que les jours qui ont suivi sa mort, comme si aucun temps ne s'était écoulé.

Harry Potter était mort et elle était toujours là. Quel concept d'une cruauté insondable.

Une question la frappa comme un coup de massue, tombant comme du plomb dans son estomac. Où était le corps de Harry ? Était-il encore là, sur le terrain, ou réduit en cendres ?

Qu'avait fait Voldemort de ses restes ?

 

C'était trop écoeurant d'y penser. Alors Hermione rassembla ses souvenirs, son chagrin et son amour pour Harry Potter et les poussa sous la glace. S'il n'existait que dans son esprit, alors elle le protégerait. Elle le sauverait cette fois.

Elle s'enfonça plus profondément pendant que le guérisseur Lewis travaillait au-dessus d'elle. Elle était complètement déconnectée. Il ne cherchait pas à la toucher, pas depuis sa première visite. Tout au plus lui mettait-il le doigt sur le menton en la regardant déglutir, les sourcils froncés par la concentration.

Hermione oscillait entre le monde de la conscience et celui des rêves, vaguement consciente du bruissement des papiers et du tintement des bouteilles. Si elle y mettait du sien, elle pourrait presque faire semblant d'être de retour dans le cabinet dentaire de ses parents. Faisant la sieste sur le fauteuil pendant que ses parents fermaient pour la journée.

Malefoy se tint brusquement à son chevet, brisant son illusion de fortune.

"Mon Seigneur", salua-t-il, ses robes s'inclinant devant son maître.

Hermione ouvrit les yeux à contrecœur, observant la silhouette qui se tenait au bord du lit.

Le regard de Voldemort se posa sur elle, ses yeux rouges luisant de fascination. Il semblait plus petit que sur l'estrade, comme s'il avait besoin de la fumée et de la mort pour se donner de l'ampleur.

La magie noire rayonnait de lui, la puanteur de son pouvoir éveillant la chair de poule sur sa peau. Mais alors qu'il ressemblait au monstre dont elle se souvenait, il paraissait encore... humain. Peut-être que les monstres devenaient moins effrayants lorsque vous ne vous souciez plus de ce qui vous arrivait. C'était juste un homme qui fuyait la mort.

Hermione se précipita directement sur lui.

" Draco ", répondit Voldemort en hochant la tête, bien que ses yeux restent fixés sur les siens. "Je suis venu examiner ton Champion."

Malefoy resta immobile.

" J'apprécie votre inquiétude mon Seigneur, mais je crains qu'elle ne soit encore trop faible pour des mesures plus... invasives. "

Voldemort se retroussa les lèvres.

"Vous !" Il aboya, incitant le guérisseur Lewis à se précipiter en avant et à tomber à genoux. "La fille, quel est son état ?"

Le guérisseur Lewis pâlit considérablement, ses épaules tremblant lamentablement aux pieds de Voldemort.

"Elle s'est beaucoup améliorée, mon Seigneur. Sa tension artérielle est plus stable, tout comme son taux de globules blancs. Ses organes sont toujours en mauvais état, bien que son rein commence à reprendre sa taille d'origine. Elle présente encore des signes d'hypothermie, mais elle mange bien et il semble..."

"-Son esprit", s'emporte Voldemort, "Comment va son esprit ?"

"Ses fonctions cérébrales semblent normales. En bonne santé." Le guérisseur Lewis gémit.

Voldemort la dévisagea à nouveau.

"Excellent", songea-t-il avant de donner un coup de pied à l'homme qui grelottait sous lui. "Laisse-nous."

Les rideaux blancs entourant son lit se refermèrent d'un coup sec, lui cachant la vue du guérisseur qui battait en retraite.

"Alors ?" Siffla Voldemort, "je pense qu'il est grand temps que nous découvrions les circonstances de la survie miraculeuse de Miss Granger, n'est-ce pas ?"

Malefoy inclina la tête d'un air soumis

"Oui, mon Seigneur."

 

Hermione essaya de fortifier ses murs, d'ajouter une autre couche de glace avant que Voldemort ne dégaine sa baguette. Mais avant qu'elle ne puisse reprendre son souffle, elle sentit ses yeux rouge sang la transpercer.

Une légère pression sur ses tempes fut le seul avertissement avant qu'elle ne sente les filaments de sa magie franchir ses défenses. Une épaisse fumée s'enroula dans sa tête, se faufilant dans les ténèbres de son esprit jusqu'à ce qu'elle le voie se matérialiser devant la porte de sa cellule.

La pression s'intensifia jusqu'à devenir douloureuse lorsqu'il examina sa forme couchée, assise les jambes croisées devant la glace.

"Intéressant", siffla-t-il dans son esprit.

 

Tel un serpent, il frappa la glace au-dessus de sa tête. Des fragments se détachèrent sur ses genoux tandis qu'il ébréchait le mur.

Mince. Mince. Mince.

Sa respiration devient difficile.

Mince.Mince.

La douleur se réduisit à la pression.

Mince.

Il se figea.

Les fragments de glace qui l'entouraient commencèrent à fondre en eau, se transformant en ruisseaux qui remontaient jusqu'à la brèche au-dessus de sa tête.

Voldemort regarda, transi, l'eau colmater la brèche, geler à nouveau et conserver intact son bouclier protecteur.

Voldemort s'accroupit vers elle, son souffle effleurant ses joues.

"Remarquable."

Comme si elle était possédée par une entité étrangère, Hermione plaça courageusement sa main contre sa poitrine. Surprise par la chaleur sous sa paume.

"Sors de ma tête Tom", grogna-t-elle en poussant contre ses côtes.

Voldemort s'élança dans les ténèbres comme s'il était maudit. Une sensation de tiraillement la lança en avant alors que la fumée s'échappait de son esprit.

Hermione inspira une bouffée d'air, clignant des yeux face à la luminosité de l'infirmerie.

"Mon Seigneur ?" S'exclama Malefoy en se précipitant vers son maître agenouillé par terre .

 

Hermione se concentra sur les rideaux blancs, réalisant qu'elle n'était plus sur le dos mais bien assise sur son lit.

Voldemort repoussa la main tendue de Malefoy, ricanant en se redressant avec précaution.

" Une naturelle. " Il rit, "L'ironie !"

Malefoy se crispe, son air incroyablement imperturbable se plissant sous l'effet de la confusion.

" Seigneur, je ne comprends pas. "

Le Seigneur des Ténèbres, toujours hystérique, frappa dans ses mains avec jubilation.

" Le Sang de Bourbe est un Occlumen naturel. Comme c'est inhabituel ! Comme c'est exceptionnel !"

Le blond papillonna du regard vers elle, comme s'il la voyait enfin pour la première fois.

"Ce n'est pas possible" affirma-t-il calmement, malgré la pâleur de son teint, "il n'y a pas eu de naturel consigné depuis des siècles."

" Consigné non, mais ils existent ", chanta Voldemort, " La plupart ont tendance à rester inconscients de leurs dons et lorsqu'ils le découvrent, il est généralement trop tard. "

 

Hermione avait du mal à se faire une raison sur ce que disait Voldemort lorsqu'il changea brusquement de sujet.

"Savais-tu que Severus avait une tante ?"

Malefoy fixa impassiblement son maître, le visage soigneusement impassible.

Le Seigneur des Ténèbres sourit.

" Je suppose qu'il ne t'a rien dit ", entonna-t-il.

"Georgina Prince, la sœur aînée de sa mère. Brillante sorcière. Exceptionnellement douée. La lignée des Prince a toujours été douée pour l'occlumencie, mais Georgina était une naturelle. Au-delà de tout ce qu'aucun d'entre nous n'aurait pu imaginer."

Son regard reptilien se porta sur elle, se délectant de l'attention soutenue d'Hermione.

"On l'a retrouvée pendue dans la cave de ses parents alors qu'elle n'avait que quinze ans. Ses parents ont étouffé l'affaire, bien sûr, ils ont prétendu qu'il s'agissait d'un accident et ont pratiquement effacé son existence. Ils ne pouvaient pas se permettre un tel scandale. Mais le jeune Severus a grandi en entendant des histoires de sa tante folle Georgina. Un récit édifiant."

Malefoy se raidit.

 

"Un naturel a le pouvoir de réécrire son propre esprit, même s'il finit par causer plus de mal que de bien. Ils finissent tous par succomber à la folie. Pendant toutes ces années, je n'ai jamais entendu parler d'un seul qui ait survécu jusqu'à l'âge adulte. Et encore moins d'un Sang de Bourbe."

 

Hermione resta assise, incrédule. Repousser Voldemort hors de sa tête ne signifiait pas qu'elle était naturelle. Elle était mauvaise en occlumencie. Harry avait essayé de lui apprendre depuis la cinquième année et elle avait échoué de façon spectaculaire. Elle ne contrôlait pas son esprit. Il était trop chaotique, trop occupé. Bien loin de l'organisation intense nécessaire pour bloquer les souvenirs.

Elle avait une bonne mémoire, certes, mais cela ne voulait rien dire. Si elle était une Occluemens, elle le saurait.

Elle le saurait.

N'est-ce pas ?

"Quand la folie s'installera-t-elle ?" demanda Malfoy d'une voix engourdie.

"C'est déjà le cas. Elle a complètement vidé son esprit. Tous les souvenirs qu'elle a sont altérés. Elle-même sera incapable de faire la différence entre la réalité et la fiction."

 

Non. Non.

Elle n'était pas en colère. Il essayait de lui faire peur, de se glisser sous sa peau. Elle pouvait admettre qu'elle était brisée oui, mais elle savait qui elle était. Elle connaissait ses souvenirs. Elle connaissait son esprit.

Mais elle savait aussi que les fous ne savaient pas qu'ils étaient fous.

"- Veritaserum ne fonctionnera pas sur un Occlumens."

Ses oreilles se mirent à bourdonner tandis qu'elle s'éclipsait dans son esprit. Elle parcourut ses souvenirs, essayant de distinguer lesquels, s'il y en avait, étaient faux.

"Je peux le faire, mon seigneur."

Ses souvenirs étaient clairs jusqu'à son emprisonnement. Mais c'était normal, n'est-ce pas ? Elle avait été en souffrance.

"- n'étant pas en état pour la torture, nous devrons attendre. Je ne voudrais pas que tu sois tué par le lien avant même que le jeu ne commence mon garçon."

 

Azkaban. Réel.

Gardes. Réels.

Le commandant. Réel.

Le gardien. Réel ?

Darryl ?

Darryl.

 

"- Laissez-moi chercher dans son esprit, mon Seigneur. Je peux le trouver."

Darryl était certainement réel. Il lui avait donné l'anneau qu'elle portait maintenant autour du cou. Il lui avait enseigné des sorts.

Forsyth l'avait vu.

Il l'avait vu, n'est-ce pas ?

Hermione était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne réalisa pas que Malefoy s'était glissé dans son esprit jusqu'à ce qu'il se manifeste devant elle, prenant la place du Seigneur des Ténèbres.

Il la regarda, ses sourcils s'agitant de surprise alors qu'elle se moulait contre la glace.

"Naturelle ou pas, Sang de Bourbe, je vais trouver tes secrets" menaça-t-il. Je trouverai tes secrets", menaça-t-il, avant de taillader la glace. Le mur vola en éclats, se brisant en quelques secondes et fondant comme une pluie sur Hermione.

Elle se leva, dans l'intention de l'arrêter, mais il l'écarta facilement. Ses mouvements étaient fluides et précis. Il déconstruisit sa forteresse comme si elle était faite de papier.

Il n'y avait aucune indication physique de la destruction de son esprit. Pas de douleur, pas de pression, pas même un murmure. Si elle ne gardait pas sa cellule, elle n'aurait eu aucune idée de sa présence dans son esprit.

Elle n'avait jamais eu peur de Malefoy, mais à cet instant, elle comprit comment il avait mérité le titre que Lewis, le guérisseur, murmurait de peur.

D'une manière ou d'une autre, Malefoy avait acquis une puissance effrayante.

Elle assista, impuissante, à la destruction des portes et à l'entrée en trombe dans sa cellule. Elle le suivit à l'intérieur, avec l'intention de le pousser dehors, de récupérer sa sécurité, de faire quelque chose, mais au lieu de murs de pierre et de vestiges de son humanité, elle se retrouva debout sur une colline recouverte d'herbe.

 

"Lucy ! Attends-moi !" Criait Desmond, ses petites jambes bondissant vers le haut de la colline, loin de leur village.

"Lucy !" Répéta-t-il.

"Dépêche-toi Des !" Lucy hurla en pataugeant dans le ruisseau, "Maman veut qu'on soit de retour avant le dîner !"

 

Malefoy se tenait en face d'elle, observant attentivement les enfants pendant que Lucy entraînait Desmond à métamorphoser ses bâtons en bateau.

C'était le même souvenir que celui que Darryl lui avait laissé la première fois, Hermione ne comprenait pas pourquoi Malfoy avait choisi de regarder celui-ci plutôt que tous les autres.

Il ne dit rien lorsque Cirian se présenta au duo sous le choc et à la bagarre de boue qui s'ensuivit.

"Qu'est-ce que tu crois que tu vas trouver ?" Hermione cracha, frustrée d'avoir été incapable de le pousser dehors.

 

Il la fixa d'un air perplexe, mais ne fit aucun geste pour répliquer.

La scène changea rapidement, montrant à nouveau les trois enfants en train de bavarder au bord du ruisseau.

Elle vit Lucy serrer Cirian dans ses bras. Elles examinèrent la baguette du garçon brun tandis qu'il décrivait son voyage à Ravenstone Place avec son père, et la promesse de ce dernier de les y emmener.

"Ça veut dire que tu vas enfin nous présenter ?" demande Desmond.

Malefoy fit le tour des trois, analysant quelque chose qu'elle ne comprenait pas.

 

La scène changea à nouveau, cette fois il n'y avait plus qu'elle et Malefoy seuls à l'intérieur de sa cellule. Hermione se prépara, se demandant quel souvenir horrible allait se dérouler, mais rien ne vint.

Ce n'était qu'une pièce vide aux murs de pierre et au robinet qui fuyait, avec toutes les preuves de sa présence effacées. Aucun des effets personnels que Darryl lui avait donnés n'occupait l'espace. La seule preuve que la pièce était la sienne était le lit de camp maculé de sang.

Ils étaient dans son esprit, dans son sanctuaire.

Alors pourquoi n'y avait-il rien à l'intérieur ?

Toutes les choses qu'elle pensait protéger avaient disparu. Elle avait gardé une pièce vide.

Malefoy déchira sa cellule, ne s'arrêtant que brièvement devant la tache de sang sur ses draps crasseux avant de lever les mains et de décimer tout le côté gauche de la pièce.

Les décombres s'effondrèrent autour d'elle tandis que le reste de son bouclier s'écroulait avec la pierre, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'eux deux debout dans l'obscurité infinie.

Il y eut une fraction de seconde de calme, une immobilité qui résonna en Hermione. Le vide noir était comme un retour à la maison.

Mais, comme Hermione l'avait appris, les choses auxquelles elle tenait avaient l'habitude de se briser. Elle ne lutta donc pas lorsque Malefoy fractura la paix, se retirant de son esprit et l'entraînant avec lui.

Elle entra dans le monde de la lumière et de la chaleur, baptisée dans le feu. Ses émotions brûlaient librement en elle, désormais libérées de sa prison décimée. Heureusement, elle était plus terne que la nuit précédente. L'affrontement avec Parvati avait ravivé son feu. Il brûlait mais n'engloutissait pas, permettant à Hermione de garder son emprise sur la réalité alors qu'elle était propulsée à nouveau dans l'infirmerie.

"- Cellule de prison, aucun souvenir de celui qui a établi les barrières", expliqua Malfoy.

"Bien joué Draco", répondit Voldemort, "C'est une chance que tu aies hérité de ton père ta Legilimency. Elle est bien plus utile entre tes mains qu'elle ne l'était dans les siennes. Trouve ses souvenirs, cherche tout ce qui semble la protéger."

 

Malefoy hésita.

"En fait mon Seigneur, j'ai découvert deux souvenirs dès que j'ai percé la glace."

Les yeux de Voldemort se rétrécirent, son visage s'aigrissant au rappel qu'un de ses Disciples était capable de faire ce qu'il ne pouvait pas.

"Et ?" Siffla-t-il.

"C'était... des enfants, mon seigneur. Deux paysans sang-de-bourbe et ce qui semble être un sang-pur. Je crois qu'il essayait de leur apprendre la magie dans les deux souvenirs. Mais leurs vêtements étaient... étranges. Comme s'ils venaient d'une autre époque. Une fausse fantaisie, je crois. Granger n'y figurait même pas."

Hermione fixa le plafond, faisant semblant de ne pas entendre les deux sorciers noirs discuter avec elle comme si elle n'était pas là. Ils la croyaient folle. Elle pouvait utiliser cela à son avantage.

"Fascinant", songea le Seigneur des Ténèbres, rappelant à Hermione qu'avant son ascension au pouvoir, il était un érudit. Il triait le pouvoir, oui, mais dans sa quête, il poursuivait le savoir. Il avait créé son premier Horcruxe à seulement seize ans. Un acte ignoble, mais un exploit académique. Si Voldemort la trouvait intrigante et pensait qu'elle valait la peine d'être étudiée, alors Hermione se trouvait dans une position très dangereuse.

 

Il ne la laisserait pas mourir s'il la jugeait précieuse.

" Il y a plus, mon seigneur ", poursuivit Malfoy, " les enfants de la mémoire parlaient gaélique. J'en connais un peu, mais il faudra que j'étudie à nouveau les souvenirs pour traduire avec précision."

Hermione se crispa à cette révélation, se retenant de force de tressaillir. Les enfants parlaient un anglais parfait. Elle pouvait en comprendre chaque foutu mot.

"- Elle était là avec moi, en train de regarder les souvenirs. Elle se tournait vers moi, elle savait que j'étais là. Elle m'a parlé, mon Seigneur."

Le silence planait dans l'air, Hermione retint son souffle.

"Et qu'a-t-elle dit ?" Voldemort demanda doucement, sa voix portant une pointe d'excitation.

Malefoy déglutit.

" Je n'ai pas compris. Elle parlait en gaélique."

 

Non.

Non, non, non, non.

Il mentait. Il mentait. Hermione ne parlait même pas gaélique. C'était une farce. Un stratagème astucieux pour la faire douter de sa santé mentale. Pour la briser. Elle n'était pas folle, elle ne l'était pas.

La panique bouillonna dans sa poitrine malgré tout. Elle la ravala, se forçant à rester immobile.

"- Azkaban place une stase sur la magie, elle n'aurait pas été capable de faire de l'Occlumencie pendant son séjour là-bas. Elle va continuer à se détraquer maintenant qu'elle est retournée dans le monde magique. J'ai besoin de toi pour déchiffrer sa folie avant qu'elle n'aille trop loin. Continue à chercher. Quelqu'un a dû la garder en vie et la cacher sous les protections. Trouve-le." Siffle Voldemort.

" Oui, mon Seigneur, bien entendu. "

"Bien. J'espère que tu la garderas en vie assez longtemps dans les jeux pour le découvrir. C'est un coup du sort défavorable qui t'a été donné. Ce serait dommage de perdre un Occluemens et un Legillimes nés naturellement avant d'avoir atteint tout votre potentiel."

"Mon Seigneur, s'il y a un moyen..."

"-Il n'y en a pas. Aussi précieux que tu puisses être Draco, il n'y a pas d'exception. Un champion ne peut pas se retirer du tournoi lorsque la coupe a choisi. Et comme elle t'a reconnu comme Garant, je ne peux pas faire grand-chose et franchement, j'ai des choses plus urgentes à régler. Le meilleur gagnera. Alors gagne."

"Oui, mon Seigneur."

"Bien. Les épreuves sont imminentes, veillez à ce qu'elle se lave. Je ne veux pas que sa puanteur souille à nouveau ma présence."

"Mes excuses, mon Seigneur, je vais..."

 

Le bruit des rideaux que l'on tire interrompit les excuses de Malefoy. L'odeur métallique de la magie noire s'estompa au fur et à mesure que les pas de Voldemort s'éloignaient.

Hermione et Malefoy se retrouvèrent à nouveau seuls dans le silence.

Elle attendit qu'il lui fasse signe de se lever. De partir maintenant que son entretien avec le Seigneur des Ténèbres était terminé. Mais il se contenta de se rasseoir, comme le prince Sang-Pur dont elle se souvenait.

Elle croisa brièvement son regard - ce qui était supposé être un simple coup d'œil pour évaluer ses intentions - mais ces yeux argentés l'attirèrent et elle se retrouva une fois de plus au milieu des décombres de sa cellule.

Il se tenait en face d'elle, au sommet de la montagne de pierre, sans être surpris de la voir avec lui.

"Qui a mis en place les barrières ?" dit-il, les mains dans les poches, la posture détendue.

 

Elle se sentait exposée sans ses murs, à découvert et en sang.

"Je ne sais pas", répondit-elle sincèrement.

"Alors tu parles anglais maintenant ?"Il se moqua.

"Apparemment", répondit-elle engourdie, ne sachant comment procéder.

"Tu aurais pu te payer ma tête", songea-t-il.

 

Elle regarda Malefoy passer au crible la misère de son esprit, convoquant la pierre, le métal et la saleté pour les inspecter avant de les jeter au loin.

Il essayait de trouver une ouverture dans ses souvenirs.

Elle ne comprenait pas ce que Voldemort voulait dire lorsqu'il parlait de Malefoy comme d'un Legillimens Naturel. Autant qu'elle s'en souvienne, Malefoy n'avait jamais été capable de lire dans les pensées, cela aurait rendu ses années d'école bien plus difficiles s'il l'avait fait.

Il était doué pour casser les choses, et en assistant à sa destruction continue, elle pouvait presque dire qu'elle était impressionnée par la fluidité de ses mouvements.

Mais il ne pouvait pas trouver ses souvenirs.

Ils étaient là, quelque part, elle savait qu'elle les avait. Elle pouvait se rappeler et rendre compte de chacun d'entre eux, qu'ils soient faux ou non. C'est juste qu'elle ne savait pas où elle les avait mis.

Ils étaient censés être dans sa cellule.

Maintenant qu'elle savait que ce n'était pas le cas, peut-être les avait-elle plutôt rangées dans les ténèbres qui les entouraient.

"Où sont-ils ?" Il gronda, les prémices de la frustration précipitant ses mouvements.

 

Cela la fit presque sourire.

"Où est quoi ?" Répondit-elle bêtement.

Il plissa les yeux.

"Tes souvenirs"

Une bonne question. Elle n'en avait aucune idée.

"Ils sont juste là", répondit-elle en mentant.

Il la regarda. Une fois. Deux fois. Avant de retourner à sa recherche.

"Merlin, tu es folle."

Hermione commençait à penser qu'il avait raison.

"Peut-être", murmura-t-elle.

 

Le temps défilait tandis qu'il poursuivait son inspection méthodique, passant chaque pierre au peigne fin avant de revenir en arrière et de tout passer au crible à nouveau.

Elle pensait que ça aurait commencé à faire mal maintenant, qu'elle se sentirait fatiguée. Mais tout ce qu'elle ressentait, c'était du vide.

Les différentes couleurs qui peignaient ses émotions s'étaient mélangées, s'entrechoquant et se mélangeant jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un marron uniforme.

Malefoy fit une pause, ramassant une pierre détachée dans ses mains et la retournant. Elle reconnut la rune de protection tracée à la hâte au dos de la pierre, le sang cramoisi s'estompant jusqu'au marron. Aussi terne et sans vie qu'elle se sentait.

Il fixa la rune. Traçant du bout du doigt les inscriptions, sans se soucier d'avoir touché son sang souillé.

"Tu aurais pu sauver Krum. Je pensais que vous étiez proches tous les deux."

 

Il reposa la pierre doucement, ce qui la surprit car cela faisait plus d'une heure qu'elle la regardait jeter des pierres dans tous les sens.

Hermione avait l'intention de ne pas répondre, mais la vérité se déversa malgré elle.

"Je veux que tu meures plus que je ne voulais qu'il vive" murmura-t-elle, attendant la morsure de la colère.

 

Au lieu de cela, il se contenta de sourire froidement, imperturbable comme toujours.

"Je suis surpris que tu puisses même te souvenir de moi avec cette tête qui est la tienne. Honnêtement, je suis touchée."

Elle ne lui accorda pas la dignité d'une réponse et il n'en attendit pas une.

Malefoy parcourait l'espace noir de son esprit, la forçant à le suivre de peur qu'il ne trouve ce qu'il cherchait.

Ils ne dirent rien tandis qu'elle traînait derrière dans l'obscurité, incapable de le voir et sachant pourtant qu'il était là.

Il sonda les bords de son esprit, cherchant à voir s'il y avait des alcôves ou des portes cachées.

Il n'y avait rien.

Ils marchaient depuis si longtemps en silence que sa voix soudaine la fit tressaillir.

"Tu réalises que si je meurs, tu mourras aussi ?" Il se contenta de parler d'un ton froid.

Bien sûr qu'elle le savait. C'était le but recherché.

"Oui.

Il gloussa doucement.

"Un sacrifice héroïque alors ?"

 

Elle pouvait comprendre qu'il pense ainsi. Sa mort serait un coup dur pour l'armée de Voldemort. Mais la vérité, c'est qu'elle ne connaissait ni sa position ni son pouvoir lorsqu'elle avait été appelée à faire son choix. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne voulait pas avoir à continuer à se battre pour une survie qu'elle ne voulait pas.

Elle voulait que ce soit fini, mais elle ne voulait pas porter la culpabilité d'avoir emporté quelqu'un avec elle. Quelqu'un qui ne le mérite pas, quelqu'un de bien, comme Viktor l'avait été.

Viktor était condamné dès l'instant où la coupe avait craché son nom au lieu du sien.

Hermione n'avait même pas prévu que la coupe accepterait son choix, elle avait simplement prononcé le nom du Mangemort le plus proche d'elle, qui se trouvait être Malefoy.

En toute honnêteté, elle aurait dû choisir Voldemort, mais elle n'avait pas eu le temps de formuler un plan et elle doutait que la coupe l'aurait accepté si elle avait choisi son maître de jeu.

Avec le recul, même si elle l'avait fait, cela aurait été du gâchis. Voldemort s'était sûrement fabriqué un autre Horcruxe à l'heure qu'il est.

Non, elle avait fait le bon choix. Viktor était mort rapidement, lui épargnant les horreurs d'une capture prolongée. Elle pouvait se laisser mourir sans mauvaise conscience, en parlant de Malefoy avec elle.

Un suicide déguisé en acte d'héroïsme.

"Non", répondit-elle simplement. Et ce mot disait tout à Malefoy.

 

Elle ne pouvait pas le voir, mais elle sentait son souffle se couper. La réalisation de ce qu'elle avait fait et de ce qu'elle comptait faire le frappa comme un Cognard dans l'estomac.

"Tu as laissé Krum mourir pour rien. Tu vas gagner." Il craqua sombrement, sa voix tremblant de rage contenue.

Comme si elle allait essayer. Comme s'il pouvait l'en empêcher.

"Les chances ne sont pas en ta faveur", murmura-t-elle.

Elle se heurta une fois de plus au silence, qui s'étira longuement et se fit railleur.

"On verra bien."

 

Il avait dit cela comme s'il s'agissait d'une promesse.

 


 

Chapter Text


Astoria


 

Pansy était de nouveau dans une de ses diatribes d'ivrogne.

"- Il n'y a aucune chance que je puisse envoyer deux cents miroirs en Amérique en moins d'une semaine. Est-ce que tu as la moindre idée de la difficulté à fabriquer cette merde ? Les gobelins sont des connards cupides tu sais, ils ne vont pas les sortir de leur cul pour pas cher. Et de toute façon, pourquoi est-ce que c'est mon travail d'organiser cette merde ? Je m'occupe de l'organisation de l'événement et de la conception des costumes, pas de la fabrication et de l'exportation. Alors pourquoi ce putain de..."

 

Pansy fit une pause pour reprendre son verre, une gouttelette de rouge dégoulinant le long de son menton et tachant sa robe beige impeccablement repassée.

"Est-ce que je..." Pansy expira, "-fais le travail de Skeeters à sa place ! C'est elle qui s'occupe des médias et la dernière fois que j'ai vérifié, les miroirs sans tain faisaient partie des médias !"

 

La sorcière irascible commença à se servir un autre verre, avalant le vin de cinquante ans fabriqué par les elfes chez les Malefoy comme si c'était de l'eau.

"C'est épouvantable, je ne peux pas croire qu'elle ait pu faire une chose pareille", dit Blaise d'un ton sarcastique en buvant son verre de Whisky Pur Feu.

La plaisanterie lui passa au-dessus de la tête.

"Merci !" Pansy se réjouit. "C'est typique de ces putains d'Américains. Ils ont menacé de nous faire la guerre il y a quelques mois, pour ensuite faire volte-face et acheter deux cents miroirs à la seconde où le tournoi a été annoncé !"

 

Blaise acquiesça à demi-mot. Astoria avait passé suffisamment de temps avec le sorcier pour reconnaître le regard glacé qu'il avait lorsqu'il n'était plus attentif. Si les activités n'impliquaient pas de baiser, de tuer ou de torturer, Blaise avait tendance à se désintéresser rapidement.

"- Alors j'ai dit à Skeeter..."

 

Astoria commença à décrocher, arrachant distraitement les pointes fourchues de ses cheveux.

La décoloration hebdomadaire avait aspiré toute l'humidité de ses boucles de miel, mais le Seigneur des Ténèbres préférait le blond clair. C'est pourquoi elle resta blonde pâle.

N'importe qui pouvait gagner les faveurs du Seigneur des Ténèbres. La conserver était la partie la plus difficile. Astoria prenait toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de rester sur ce piédestal.

Même si cela signifiait ruiner ses cheveux.

"Pansy, tu veux bien fermer ta gueule ?" claqua Daphné. "Certaines d'entre nous ont un travail plus difficile que de travailler avec cette putain de Rita Skeeter."

"C'est discutable". ricana Astoria.

 

Daphné lança un regard noir à sa jeune sœur. Astoria répondit par un haussement d'épaules. C'était une demi-vérité. Rita Skeeter était une putain de connasse.

Pansy se contenta de rouler des yeux devant l'insulte.

"Oh s'il te plaît. Ton champion est Ron Weasley, le Roi de l'Ordre. Tu n'as même pas besoin de faire quoi que ce soit pour qu'il gagne."

"Weasley est un putain d'idiot, sans l'aide de ses amis, il va flancher à la Première Tâche" répliqua Daphné en sirotant délicatement son gin tonic.

 

C'était agaçant de voir à quel point sa sœur était parfaite. Quand Astoria était plus jeune, elle observait sa sœur pour voir comment elle agissait quand elle pensait que personne ne la regardait. Il lui semblait injuste que l'aînée des Sang-Pur puisse rester aussi posée et élégante, tout à fait la sorcière de sang-pur que leurs parents avaient fait d'elles - même derrière des portes closes. Astoria avait été convaincue que c'était une comédie et que, comme elle, elle se laisserait aller comme les autres en privé.

Ce n'était pas le cas.

Daphné était l'incarnation de la perfection. Belle. Froide. Chacun de ses mouvements était réfléchi. C'est ce qui la rendait si redoutable sur le terrain.

Lorsque leurs parents sont morts et que les sœurs furent obligées de prendre la place de leur père, elles avaient juré de se protéger les unes les autres. De se rendre précieuses pour pouvoir garder ce qui restait de leur famille unie.

Daphne utilisait ses actions. Astoria utilisait ses mots.

Contrairement à sa sœur, Astoria était nulle à l'école. Non pas parce qu'elle n'était pas intelligente, mais plutôt parce qu'elle n'avait pas la volonté de faire quelque chose. Elle détestait étudier et ne se souciait même pas d'essayer. Elle était encore pire en duel, la vue du sang la rendait malade.

Elle était la sœur de rechange, celle que ses parents n'avaient jamais voulu faire. C'est peut-être pour cela qu'elle était apparue comme étant du genre raté monumental.

Parce que pendant que Daphné gravissait les échelons, Astoria n'y parvenait pas. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne partage le sort de ses parents.

Alors, pour la première fois de sa vie, elle étudia. Elle étudia l'homme. Il apparaissait que les gens étaient bien plus faciles à déchiffrer que les vieux livres malodorants. Les duels étaient prévisibles quand on se battait avec des mots plutôt qu'avec des sorts.

Et Astoria avait toujours une chose que sa sœur ne possédait pas.

 

Le charme.

Astoria était une jolie fille. Elle était chaleureuse. Charismatique. Amusante. Tout ce qu'un Mangemort ne pourrait jamais être.

Elle ne cherchait donc pas à se comporter comme tel.

Au lieu de cela, elle devint une admiratrice.

Car si elle avait appris quelque chose en étudiant le Seigneur des Ténèbres, il n'y avait qu'une seule chose qu'il aimait plus que d'être craint.

C'était d'être vénéré.

 

Alors elle le vénérait. Elle se prosternait devant lui. Elle roucoulait sur les bons passages de son discours, remplissait ses yeux bleus d'adoration à chaque fois qu'elle établissait un contact visuel. Elle le traitait comme un dieu et se refaisait à son image.

Et lorsqu'il se laissa aller à son amour, qu'il attendait ses applaudissements, qu'il était accro aux regards qu'elle lui lançait, elle s'éloigna.

Même s'il ne savait pas pourquoi, ni qui détenait le pouvoir, le Seigneur des Ténèbres la recherchait. C'était instinctif. Il avait besoin de se défoncer et elle était sa dose.

Alors quand il se comportait bien, comme lui envoyer Daphné pour Noël, elle le récompensait en le vénérant.

Et lorsqu'il lui manquait de respect ou la désapprouvait, elle s'agenouillait pour s'excuser, tout en atténuant l'éclat de ses yeux.

Elle le forma au fil du temps. Elle le formait à rechercher son approbation, son admiration, ses mots, sans même s'en rendre compte.

Son amour était conditionné, il fallait le mériter. Alors il lui achetait des vêtements et des bijoux coûteux, remettait à neuf leur manoir, protégeait sa sœur.

Une décision qu'il se disait être purement la sienne, une décision qu'il rationalisait comme un cadeau pour sa loyauté. Il ne fallait pas croire que le plus grand mage noir de l'époque se laissait conditionner par une écolière idiote et sans cervelle.

 

Les gens appréciaient plus ce qu'ils gagnaient que ce qu'ils donnaient. C'est ainsi qu'elle devint le joyau de sa couronne.

Elle savait que le Seigneur des Ténèbres n'était pas capable d'aimer, il ne le comprenait pas. Mais cela ne voulait pas dire qu'il n'appréciait pas la façon dont l'amour des autres caressait son ego.

Et Astoria était ce qui se rapprochait le plus de l'amour pour lui.

Elle devint intouchable. Estimée. Tellement ouvertement sa préférée qu'il la proposa comme l'une de ses Disciples, même si elle n'avait jamais participé à un vrai combat ou contribué à l'effort de guerre.

Elle était sa jolie et stupide petite admiratrice.

Et elle le tenait enroulé autour de son putain de doigt.

"Hé Blaise, tu veux échanger ?" Daphné était taquine.

 

Blaise réprima un grognement.

"Absolument pas. Je vais m'en tenir à Loufoca, merci."

C'est vrai. Loufoca était un putain de meurtrier.

"Est-ce que tu peux au moins faire ça ?" Pansy renchérit, "comme faire un échange ? Je ne veux pas que Londubat empeste ma maison."

 

Contrairement aux autres, Pansy avait l'avantage d'avoir un héritier mâle vivant pour prendre la marque. Son père avait cet honneur, mais il lui reviendrait à sa mort. Tous les hommes devaient participer à l'effort de guerre, en particulier les Sang-Pur. Les femmes pouvaient se porter volontaires, mais les hommes étaient obligés de le faire. Ils étaient la priorité, mais si une famille n'avait rien à offrir, cette responsabilité incombait aux filles.

Astoria se demandait si Pansy se rendait compte de la chance qu'elle avait.

"Bien sûr que non", répondit Astoria d'un ton posé. "La coupe choisit le meilleur champion pour toi. C'est le destin."

 

Elle n'en était pas certaine. Mais cela lui paraissait tout à fait juste. Le destin était cruel. Sinon, pourquoi aurait-elle été associée à Théo ?

Pansy se passa les mains dans ses cheveux noirs et lisses.

"Ça ressemble à de la chance pour moi. Vous avez tous réussi à vous faire de bons combattants, vous savez ce que c'est ?" demande la sorcière en regardant Astoria avec insistance.

 

Astoria haussa les épaules.

"Vord et moi n'avons pas conclu d'accord si c'est ce que tu insinues. Il aime que les choses soient impartiales."

"Oh, c'est Vord maintenant", dit Blaise en souriant.

"Oui", dit-elle d'un ton guindé, "Lord Voldemort, c'est un peu long à prononcer. Combiner les deux, c'est beaucoup plus facile."

 

Daphné haussa un sourcil désapprobateur.

"Et le Seigneur des Ténèbres est-il au courant de son nouveau surnom ?"

Bien sûr que non, Astoria n'était pas stupide. Il la laissait s'en tirer pour bien des choses, c'était vrai, mais il ne tolérerait pas qu'on lui manque de respect.

"Vord c'est stupide" bredouilla Pansy en vidant encore un autre verre. "Vold est bien plus logique.

"Et c'est une combinaison de quoi ?" Blaise s'esclaffa, "Vagin en Solde ?" (1)

"Non, branleur, c'est le diminutif de Voldemort", réplique Pansy.

Daphne souffla, toujours aussi sérieuse.

"Tu dois l'appeler le Seigneur des Ténèbres, en privé ou non, tout autre terme pourrait t'attirer des ennuis."

"Mais ça fait trois syllabes entières", se plaignit Astoria, "Vord n'en fait qu'une".

"Vold aussi", ajouta Pansy.

 

Daphne rétrécit son regard.

" Mort aussi ", dit-elle.

 

Les quatre se turent à ce moment-là, sirotant timidement leurs boissons. Honnêtement, Daphné pouvait parfois être une vraie rabat-joie.

Astoria balaya du regard leur petit club de rencontre. Le salon de la chambre de Draco au manoir Malefoy était devenu leur refuge habituel pour boire des verres en fin de soirée. Le groupe préférait de loin l'intimité de la chambre de Drago à la grande étendue du salon principal en contrebas.

N'importe qui pouvait sortir du Réseau de Cheminette et entendre les Serpentards, le Réseau de Cheminette privé de Draco au moins était bien gardé, ne se connectant que sur chacun des quatre Réseaux de Cheminette privés de leurs chambres dans leurs manoirs respectifs.

Il y en avait cinq autrefois, mais le manoir des Nott avait été abandonné depuis longtemps.

Parfois, Théo manquait à Astoria lorsqu'elle oubliait la douleur de sa trahison. Lui au moins pouvait combler le silence pesant qui planait sur le groupe.

Ce fut Pansy qui céda la première, elle n'avait jamais été du genre à se taire.

"Tori, où est ton fiancé ?" Demanda-t-elle, sans qu'aucun venin ne s'échappe de ses paroles. Elle avait depuis longtemps dépassé son béguin d'écolière.

"Promis", corrigea Astoria.

 

Blaise haussa un sourcil, mais ne dit rien.

"Ce n'est pas ce que j'ai dit ?" répondit Pansy.

"Fiancé implique que leur mariage est tout sauf une alliance politique", dessina Daphné.

 

Les sœurs avaient eu cette même conversation à de nombreuses reprises. Daphné avait beau les pousser dans leurs retranchements, aucune d'entre elles n'avait fait progresser leurs sentiments au-delà de l'amitié.

"D'accord", dit Pansy en souriant, "où va ton alliance politique alors ?".

 

Astoria soupira.

" Auprès de putains d'araignées ou quelque chose comme ça, je ne sais pas Pansy, pourquoi est-ce qu'il me l'aurait dit ? "

"Vous n'êtes pas censés vous marier cette année ?"

"On devait oui, mais Vord, Vold, putain de mort, l'a repoussé à l'année prochaine".

 

Blaise tourna son regard vers le blond à ce moment-là.

"Encore ?" S'exclama-t-il.

 

Astoria détourna le regard accusateur de sa sœur, elle n'avait pas encore pris le temps de l'informer.

"Oui, en effet," marmonna Astoria, "je suis un peu occupée avec le Tournoi et tout le reste. Il voulait attendre la fin, pour que le mariage ait toute l'attention du monde."

"On dirait qu'il ne veut pas du tout que tu te maries" marmonna Pansy.

 

Astoria se hérissa en entendant cela. Elle était beaucoup de choses, mais la pute du Seigneur des Ténèbres n'en faisait pas partie. Ce poste était déjà occupé. Il se voyait comme une figure paternelle, pas comme un amant.

Le regard de Daphné était brûlant, alors Astoria prit une rapide gorgée de son Pinot Gris et changea de sujet.

"Je crois que Draco est à Poudlard, en train d'entraîner Granger ou quelque chose comme ça."

"Entraîner n'est pas tout à fait le mot que j'emploierais" se moqua Blaise, "cette garce peut à peine se tenir debout".

"Vous ne devriez pas tous être en train d'entraîner vos champions ?" insista Pansy.

 

Daphne se fendit les lèvres de dégoût.

"Je préférerais passer le moins de temps possible avec les Weasley, merci. Et puis, ça ne sert à rien. Draco va gagner."

 

Blaise et Astoria hochèrent la tête en signe d'assentiment. C'était une règle tacite entre eux. Draco devait gagner. C'était lui dont la vie était en jeu. Ils en feraient juste assez pour éviter les soupçons, mais en fin de compte, ils laisseraient leurs Champions complètement dépourvus pour le tournoi.

Tous les Champions devaient mourir pour que Granger puisse gagner. Même Theo.

Pansy se tut après cela. À l'exception de son père, Draco était ce qui se rapprochait le plus de sa famille. Elle ferait tout pour le protéger, même si cela signifiait saboter les chances de succession de son père.

Draco était le fil qui les reliait tous. Ils étaient prêts à tout sacrifier. Même s'il était une personne totalement différente de celle qu'ils avaient connue autrefois.

Même s'il était un monstre.

"Vous pensez vraiment que Granger peut gagner ?" Astoria demanda au groupe, ne serait-ce que pour se rassurer.

Blaise soupira doucement.

" Elle a survécu à cinq ans à Azkaban, n'est-ce pas ? Elle a dû faire quelque chose correctement."

"Nous ne savons même pas si elle était à Azkaban pendant tout ce temps. La personne qui l'a protégée aurait pu la relâcher avant que ce gamin ne vienne la chercher", rétorque Daphné.

"Oui, mais pourquoi ? Pourquoi faire tous ces efforts pour la laisser se faire capturer à nouveau ?" argumenta Blaise.

"Le timing. Tu ne trouves pas que c'est une coïncidence si un garçon de quatorze ans a réussi à franchir les barrières quelques instants avant la Sélection ?" répondit Daphné. "Même le Seigneur des Ténèbres lui-même n'a pas pu entrer. Trois ans que cette barrière est impénétrable et tout d'un coup, ce gamin entre et les barrières s'effondrent quelques instants après qu'il a fait sortir Granger. Ils voulaient que nous la retrouvions."

 

Blaise étira son cou.

"Eh bien, ce n'est que ton évaluation basée sur les informations qu'on nous a communiquées. Tu sais que le Seigneur des Ténèbres adore ses petits jeux. Pour ce qu'on en sait, il aurait pu mettre en place lui-même ces protections pour empêcher Granger d'arriver au bon moment."

"Peut-être que Granger l'a fait ?" demanda Pansy d'un ton peu amène, en hoquetant dans son verre."

"Ne sois pas ridicule, Pansy. Tu ne l'as pas vue à la sélection. Je doute qu'elle puisse même lancer un Lumos." marmonna Daphné.

"Tori, le Seigneur des Ténèbres t'a dit quelque chose ?" demanda Blaise.

 

Astoria réfléchit. Ce n'était un secret pour personne que le Seigneur des Ténèbres pensait que Granger était morte, comme le reste d'entre eux. Sa frénésie renouvelée pour briser les gardes avant la sélection l'avait amenée à penser qu'il n'avait découvert sa survie que récemment. Mais comment il l'avait su était une toute autre question, qu'Astoria était bien décidée à découvrir.

"Je n'en suis pas sûre", répondit-elle sincèrement. "Je sais qu'après la Sélection, il est parti fouiller la prison pour savoir ce qu'il était advenu des anciens surveillants. Ceux qui étaient encore coincés à Azkaban quand les barrières se sont levées."

"Et ?" demande Blaise.

 

Astoria prit une grande inspiration, elle n'avait encore rien dit à personne. "Morts."

"Comment ?" haleta Pansy. "Mort de faim ?"

 

Astoria réfléchit à la quantité d'informations à donner. Blaise en savait un peu, Daphné et Draco en savaient plus. Pansy n'avait qu'une idée de ce qui se passait. La sorcière était une commère notoire, mais elle savait quand se taire.

Daphné fit un signe de tête une fois à Astoria, lui signifiant qu'elle pouvait parler devant Pansy.

"Non. On dirait qu'ils ont été tués", expliqua Astoria. "Leurs ossements étaient éparpillés un peu partout, je crois qu'ils essaient encore d'identifier qui était qui, mais on dirait qu'ils sont morts il y a longtemps. Probablement à peu près au moment où les protections ont été mises en place."

Blaise hocha solennellement la tête.

" Ils ont trouvé les treize ? "

 

Astoria secoua le frisson qui lui parcourut l'échine. Ce n'était pas la pensée des treize gardes assassinés qui l'empêchait de dormir. À vrai dire, ils l'avaient probablement bien cherché.

Ce qui l'empêchait de dormir, c'était de savoir qui avait pu faire ça.

D'après ce que le Seigneur des Ténèbres lui avait dit, Azkaban était strictement surveillé. Seuls des gardes triés sur le volet pouvaient y entrer et en sortir. Les jours précédant la mise en place des barrières, la prison était pratiquement vide. La plupart des prisonniers avaient déjà succombé à un enchaînement de blessures et d'infections.

Les autres avaient été tués peu de temps après. Elle ne connaissait pas les détails, seulement que Voldemort en avait été furieux lorsqu'il avait découvert plus tard qu'il avait prévu de les utiliser pour quelque chose.

Azkaban était en train de se préparer à être vidé. Les gardes surveillaient simplement les Détraqueurs et s'assuraient qu'ils enterraient tous les corps avant de partir. Probablement pour brouiller les pistes, comme si le Seigneur des Ténèbres n'allait pas découvrir qu'ils avaient massacré ses prisonniers. Il n'était pas rare que quelques prisonniers meurent de maladie, mais quelques centaines, c'était une véritable mascarade. Ils auraient été pendus dès qu'ils auraient quitté la prison.

Mais ils ne le furent jamais. Les barrières avaient été levées et personne n'avait pu les atteindre. Pas pendant trois ans.

Au départ, ils pensaient que c'était pour échapper à la colère du Seigneur des Ténèbres. Mais la signature magique entourant les barrières était singulière. Aucun des hommes n'était censé être assez doué pour la lancer.

Et maintenant, découvrir qu'ils avaient été démembrés, brutalement mis en pièces sans que l'on sache qui avait pu le faire était effrayant. La puissance qu'ils devaient exercer pour s'introduire dans Azkaban et tuer tous les gardes de cette façon. Pour ériger des protections aussi puissantes, sans avoir besoin de les entretenir. La magie nécessaire était considérable. Assez pour rivaliser avec celle des Seigneurs des Ténèbres.

Mais personne ne savait ce qui s'était réellement passé sur l'île. Les gardes étaient renouvelés tous les six mois et ceux qui avaient péri approchaient de la fin de leur service.

Le Seigneur des Ténèbres et les Mangemorts de haut rang ne s'étaient jamais préoccupés d'un travail aussi novateur. La seule raison pour laquelle le Seigneur des Ténèbres était au courant de la mort des prisonniers était que l'un des gardes avait été assez stupide pour le dire à sa femme alors qu'il partait au travail le matin où les protections avaient été levées.

Mais ce qui s'est passé sur l'île dans les mois qui ont précédé les mystérieuses protections constituait un insidieux point d'interrogation.

 

Tous ceux qui auraient pu connaître la réponse étaient morts.

Tout le monde sauf Hermione Granger, il semblerait.

Astoria avait entendu les murmures. Bien que le corps de Granger n'ait jamais été retrouvé, il était généralement convenu qu'elle était morte au cours de la bataille finale.

Son existence à Azkaban était un secret bien gardé, un secret que le Seigneur des Ténèbres avait confié à Astoria un an après l'apparition des barrières. Elle n'en avait jamais parlé aux autres à l'époque, les circonstances de sa mort étant sans importance

La Gryffondor serait donc morte quelques années plus tôt que prévu ? Et alors ?

Sauf que ce ne fut pas le cas.

 

D'une manière ou d'une autre, Granger avait échappé deux fois à la mort.

Il y avait encore trop de choses qu'Astoria ne savait pas. Trop de choses qui ne s'additionnaient pas. Cela lui faisait mal au cerveau, putain.

Elle étudiait le Seigneur des Ténèbres, c'est ce qu'elle savait faire. Aborder un autre sujet d'intérêt ne faisait que lui donner mal à la tête.

"Non", répondit finalement Astoria. "Il manquait un corps.

Daphné termina son verre, le posa sur la table et se pencha en avant.

"Qui ?"

 

Astoria déglutit.

"Le Gardien."

 

Les yeux de Blaise clignotèrent d'intérêt, son verre fit une pause dans son ascension vers ses lèvres. Il inspira comme pour dire quelque chose quand le jaillissement des flammes rugit de la cheminée.

Draco sortit en trombe, la démarche raide et les yeux en ébullition, se dirigeant vers le meuble à alcool et se versant un généreux verre de Whisky Pur Feu.

Astoria ne put s'empêcher de se crisper face à la colère qui émanait du sorcier. Il était son fiancé, son ami. Mais putain s'il ne lui faisait pas peur parfois. Elle savait ce qu'il pouvait faire, elle avait vu les gens qu'il avait détruits. C'était une arme bien rodée, comme Blaise et sa sœur.

Mais contrairement à eux, il pouvait la blesser sans qu'elle le sache.

Elle se força tout de même à le regarder dans les yeux, il avait promis qu'il ne regarderait pas dans sa tête sans sa permission. Il avait même été jusqu'à placer des blocages à l'intérieur de leurs esprits, pour que les discussions qu'ils tenaient tard dans la nuit restent entre eux. Cela l'avait toujours dérangée de ne jamais pouvoir retrouver l'endroit où il l'avait placé.

Draco avait l'air épuisé, tendu et furieux. Elle n'avait pas vu autant d'émotions sur son visage depuis des années.

Il but ses verres les uns après les autres, faisant silencieusement les cent pas tandis qu'ils restaient tous les quatre figés sur les canapés, attendant que la corde se brise.

Le verre s'échappa de sa main et alla se ficher dans un mur voisin, se brisant sous l'impact, ce qui fit tressaillir Pansy.

"C'est une putain d'Occlumens !" rugit Draco en se débarrassant de sa cape avec frustration.

"Qui ?" Pansy a murmuré.

"Granger, je crois", répond Astoria.

 

Daphné et Blaise échangèrent un regard, se disputant silencieusement pour savoir lequel des deux dirait quelque chose et prendrait le coup. Blaise l'emporta.

"Et ? Daphné répondit : "Quand est-ce que ça t'a déjà arrêté ?"

Bien sûr, Draco se retourna pour se défouler sur celui qui avait parlé. C'était dans ce genre de moments qu'Astoria était reconnaissante d'être une lâche.

"Alors," cracha Draco, "c'est une Occlumens de naissance."

 

Le cœur d'Astoria s'enfonça dans son estomac.

Daphné pâlit.

Blaise serra son verre si fort qu'elle était sûre qu'il allait se briser.

"Qu'est-ce que ça veut dire ?" demanda frénétiquement Pansy en regardant leurs visages blêmes dans la pièce.

 

Si Granger était un Occlumens de naissance, alors ils ne sauraient jamais ce qui s'est passé à Azkaban. Ils ne trouveraient jamais la menace. Le système de sécurité qu'ils s'étaient soigneusement construit était sur le point de s'effondrer. Parce que sans Draco pour protéger leur esprit, ils étaient exposés.

Parce que Draco dépendait de l'utilisation de sa Legillimency pour transformer Granger en arme.

Parce que sans ses manipulations, Granger ne gagnerait jamais.

Parce que sa vie était liée à la sienne et que la leur dépendait de la sienne.

"Cela signifie que je suis mort", siffla Draco.

 

Et avec ces mots, Astoria souhaita, pour la première fois depuis des années, être née comme sa sœur. Qu'elle ait été créée pour se servir de l'action plutôt que des mots.

Parce que les mots ne pouvaient certainement pas la sauver maintenant.

 


 

**Note de Traductrice**

(1)"Et c'est une combinaison de quoi ?" Blaise s'esclaffa, "Vagin en Solde ?"
- La phrase originale est une boutade que je ne pouvais pas traduire autrement. Si vous avez une idée je vous mets celle en Anglais si cela vous inspire..
“And what’s that a combination of?” Blaise chuckled, “Vaginal fold?”(Pli vaginal)

Chapter Text


Divisions


 

Les retrouvailles n’étaient pas aussi apaisantes qu’elle l’avait espéré. Le retour de ses amis ne fit qu’accentuer le nœud de tension qui étreignait son cœur.

Cho fut la première à réapparaître, s’effondrant dans les bras de Parvati en sanglots. Les deux sorcières trouvèrent refuge à l’étage pour retrouver un peu d’intimité, laissant derrière elles une atmosphère pesante d’incertitude et de crainte.

Susan suivit peu après, arborant des robes déchirées et un regard vide. Elle s’assit près de la cheminée, indifférente à la chaleur qui rougissait sa peau. Se blottissant près des flammes, elle semblait chercher un réconfort insaisissable. Dennis et Justin accoururent à ses côtés pour lui offrir leur soutien. Ginny se demandait si Susan était consciente de leur présence.

Enfin, Seamus fit son entrée, peinant à franchir la porte. Il s’effondra, secoué de frissons et de soubresauts. Le sang coulait de ses narines et de ses oreilles, et l’urine tachait l’avant de ses robes. Justin prenait soin de lui, donnant des instructions aux elfes pour préparer des potions visant à stabiliser ses muscles tremblants. Chacun d’eux avait déjà fait l’expérience du sortilège Doloris lors de leur capture, mais la violence avec laquelle Seamus luttait encore contre des secousses persistantes était difficile à supporter.

Ginny se sentait totalement impuissante.

 

Son rôle avait toujours été celui d’une combattante, un soldat dont la raison d’être se trouvait entre le commencement et la fin de chaque bataille. Ginny prenait des vies, elle ne les sauvait pas. Mais elle ne savait pas comment agir après coup. Elle était perdue lorsque les batailles ne faisaient pas rage.

"Seamus ", dit Justin d’un ton calme, " Seamus, tu m’entends ?"

Le sorcier en proie à des convulsions grogna en réponse, sa bouche s’ouvrant et se fermant dans une tentative de parler. Ils l’avaient étendu sur une table, éparpillant des parchemins de stratégies hâtivement préparées et une carte du château que George avait tracée de mémoire. Luna maintenait sa tête stable, imperturbable au milieu du chaos qui régnait autour d’elle. Greg, George et Neville murmuraient doucement, son frère hochant la tête tandis que le Serpentard expliquait quelque chose qu’elle ne pouvait entendre.

Ron gardait un œil sur la porte, attendant l’arrivée d’Hermione. Theo l’observait, attentif à son regard. Ginny, elle, observait tout le monde..

 

***

 

Quelques heures s’étaient écoulées avant que Seamus ne reprenne pleinement conscience, son corps frémissant sporadiquement alors qu’il savourait la tasse de thé que Luna lui avait concoctée.

 "Menthe poivrée, contre les frissons", glissa-t-elle.

Susan restait près du feu, silencieuse. Aucun mot n’avait encore franchi ses lèvres. C’est Cho qui se chargea d’éclaircir le déroulement des événements, encadrée par les deux sœurs Patil sur le canapé.

"Au commencement, nous étions ensemble ", murmura-t-elle, agrippant la main de Parvati avec vigueur. "Ils nous ont soumis à l’interrogatoire, à la torture. Ils voulaient connaître nos exploits pour l’Ordre, nos talents." Elle hésita, des larmes nouvelles sillonnant ses joues. "Ensuite, ils ont exigé des informations sur vous tous. Vos forces. Vos faiblesses."

"Je suis tellement désolée », sanglota-t-elle, "nous ne voulions pas leur dire. Nous avons tenu aussi longtemps que possible."

"Vous n’avez rien à vous reprocher ", assura Parvati, caressant le dos de sa petite amie.

 

Un léger acquiescement de la tête émanait de Ginny, signifiant sa compréhension. La torture, pensa-t-elle, avait des limites que même la personne la plus endurante ne pouvait franchir.

"Bellatrix a pris en charge la majeure partie de l’interrogatoire. Elle, Macnair et Rowle évoquaient constamment une sorte de procès. Ils prétendaient que nous devions nous montrer performants. Ils proférèrent des menaces à l’égard de Michael et Hannah si nous ne nous pliions pas à leurs exigences."

L’idée de Teddy aux prises avec Greyback noua l’estomac de Ginny. Son précieux garçon était prisonnier entre les griffes d’un monstre.

"Après cela, Rowle m’a isolée des autres. Il m’a soumise à des exercices tout en me lançant des sortilèges. J’ai l’impression qu’il tentait de me préparer, même si j’étais impuissante sans ma baguette." Cho renifla.

 

Le regard de Théo se fit perçant alors qu’il observait intensément la sorcière, se mordant la lèvre en profonde réflexion. George, quant à lui, laissa échapper un soupir, passant une main sur son visage.

"Comment diable s’attendent-ils à ce que nous rivalisions sans l’usage de la magie ?"

"Ils nous donneront quelque chose ", répliqua Théo. "Mais ça va être limité, faut pas qu’on s’éclate à trucider tout le monde, tu vois. "

"Bah, c’est pas ce qu’ils veulent au fond? " Greg rétorqua, "Qu’on se foute sur la tronche les uns les autres?"

Théo plissa le front.

"Quand j’dis -truc-, je pense à des autres Mangemorts, mec. Ces tarés nous voient même pas comme des êtres humains."

"Attends un peu", marmonna Dennis, "Ils vont pas nous forcer à se buter mutuellement, non? Dans le dernier Tournoi, on devait juste faire les épreuves, non?"

"C’est pas du tout comme le dernier Tournoi, mec", grogna Théo. "Les épreuves risquent bien de nous demander ça, ouais."

Justin se leva soudainement.

"Eh bien, je ne vais pas faire ça! Pas question! Je préférerais mourir."

Je m’excuse pour la confusion. Voici le dialogue corrigé en respectant les règles de mise en forme des dialogues :

"Et laisser Zacharias mourir avec toi ?" Théo railla. "Les Collatéraux ne sont pas là pour qu’on ait un ami avec qui s’enfuir si nous gagnons. Ils sont là pour s’assurer que nous fassions ce qui est exigé de nous."

 

Justin pâlit. Ginny avait l’impression qu’elle allait être malade. Pour sauver Teddy, pourrait-elle tuer Neville ? Ses frères ? Et par extension, la grand-mère de Neville, Angela et sa mère.

Six vies pour en sauver une.

Anéantirait-elle ce qu’il restait de sa famille pour sauver un enfant qui n’était pas de son sang ? Ron marchait de manière obsessionnelle près de l’entrée, à peine attentif à la conversation dévastatrice qui se déroulait devant lui. Hermione était en retard. Elle aurait dû être de retour maintenant.

"Je n’ai plus personne à perdre ", ricana sombrement Seamus, sa voix rauque de crier. "Donc, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter que je vous tue."

Padma observa sa jumelle, une conversation silencieuse se déroulant entre elles. Elles ne se tueraient pas l’une l’autre pour qui que ce soit, pas même pour se sauver.

Ginny ne pouvait pas en dire autant pour sa famille.

"Seamus, qu’est-ce qui s’est passé avec toi ?" demanda Greg avec appréhension, ignorant le regard d’avertissement que Justin lui lança.

Le sorcier cligna des yeux, son regard s’embuant.

"C’est un peu confus", murmura-t-il. "Principalement la torture. Macnair a conduit Susan à un moment donné. Je ne suis pas certain de l’endroit."

 

Le groupe se détourna pour observer la sorcière ; elle demeurait toujours assise silencieusement près du feu. Une nausée agita l’estomac de Ginny. Elle la repoussa, priant intérieurement que ses appréhensions ne se vérifient pas.

Cependant, une part d’elle-même était consciente. Consciente des actes commis. Les femmes le ressentaient toujours. Le silence les trahissait. Le silence était aussi éloquent et percutant que des cris.

Les hommes pouvaient détourner le regard, choisir de ne pas prêter attention à la puissance du silence. Mais Ginny, Cho, Luna, Susan et les sœurs Patil en étaient toutes témoins.

Ginny décelait ces indices dans la manière dont les autres regardaient le dos tourné de Susan. C’était comme une aura entourant la jeune fille, un écho palpable que toutes ressentaient. Elles l’avaient perçu dès la première nuit, lorsque Hermione s’était dérobée aux mains de Ron. Ginny ignorait quand, par qui, combien de fois, ou même si c’était récent. Cependant, elle savait qu’à un moment donné, quelqu’un avait fait du mal à Hermione d’une manière que seul un homme pouvait infliger.

Justin le percevait également. Il avait eu affaire à suffisamment de victimes de Greyback pour reconnaître les signes. C’est pourquoi il avait demandé à Cho de prendre le relais. Elle était la présence féminine nécessaire. Quelqu’un de fiable. Quelqu’un de serein.

Cho connaissait bien cette sensation, portant en elle cet écho depuis son enfance. Elle était la mieux placée pour offrir son soutien. Les autres n’étaient pas au courant, en particulier Ron, ignorant probablement tout. Personne n’aurait le courage de lui révéler la vérité. Ce n’était pas leur rôle. La seule personne qui aurait pu le faire refusait même de le regarder. Les sévices subis par Hermione étaient trop graves. Elle avait besoin de temps, d’espace. Viendra un moment où elle se tournera vers eux, une fois prête.

Mais Ginny ne pensait pas que ce moment viendrait.

 

"Elle ne cessait de me bombarder de questions sur vous ", continua Seamus. "Concernant une sorte de protection à Azkaban. Mais surtout, elle voulait des nouvelles d’Hermione."

Ron tourna la tête brusquement.

"Hermione?"

Seamus fronça les sourcils.

"Ouais, elle voulait savoir ce qu’elle manigançait. Pourquoi le Seigneur des Ténèbres lui avait rendu visite aujourd’hui."

"Voldemort est venu voir Hermione?" demanda Ron, son visage perdant lentement de sa couleur.

L’esprit de Ginny tournoyait. Elle agrippa le bras de son fauteuil, se préparant. Si quelque chose était arrivé à Hermione, Ron ne s’en remettrait pas. Pas encore.

"Ça aurait du sens, non ?" déclara Neville confidentiellement. "Il voulait sûrement l’interroger."

"Ouais ! Pour savoir où elle était," ajouta Padma avec bienveillance, faisant un signe de tête rassurant à Ron.

 

Ron avala difficilement, scrutant les visages empreints d’espoir autour de lui. Ginny savait qu’il désirait les croire, aspirant à l’optimisme. Elle ne comprenait pas comment ses amis pouvaient encore le soutenir. Comment aucun d’entre eux ne pouvait lui exposer la réalité qu’il désespérait d’entendre. Son espoir n’avait-il pas déjà causé assez de douleur ? N’avaient-ils rien appris de sa dernière croisade jusqu’au bout du monde ?

"Non," s’écria Seamus, son œil tressaillant sous l’effet d’une nouvelle secousse. "Non, je vous dis que c’est différent. Il y a quelque chose qui cloche chez elle. Vous l’avez vue. Elle n’est pas normale. Elle est dangereuse."

"Seamus," avertit Justin.

"Non ! Je vous le dis, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond !" cria-t-il. "Vous l’avez vue ! Vous l’avez tous vue ! Elle se barre tous les fichus jours et revient indemne ! Mieux même ! On se barre une fois et regardez ce qui arrive !"

 

Les joues de Ron commencèrent à rosir.

"Aucun de nous ne sait où elle va ni ce qu’ils lui ont fait"

"Je le sais !" rugit Seamus. "Bellatrix me l’a révélé ! Sais-tu où elle se rend chaque jour ? À l’infirmerie, bon sang. Ils la remettent sur pied avec une élégance déconcertante. Devant tous les autres, ils nous écrasent, mais elle, ils la cajolent. N’est-ce pas frappant ?"

"C’est parce qu’elle a choisi Malfoy !" s’exclama Ron.

"EXACTEMENT ! " hurla Seamus, se levant brusquement. "Elle a choisi Malfoy ! Elle a laissé Viktor mourir !"

Ron s’approcha de Seamus, le visage empreint de fureur. Justin se plaça entre les deux.

"Les gars.."

"On ne peut accorder aucun crédit à ce que dit Bellatrix !" cracha Ron. "Elle est maléfique ! Elle ne connaît rien d’Hermione !"

"Elle en sait plus que toi !" cria Seamus, ses bras tremblant violemment le long de son corps. Neville se positionna derrière lui, prêt à soutenir le sorcier vacillant.

Malgré sa position de plus en plus précaire, Seamus ne s’arrêta pas.

"Elle savait qu’Hermione était à Azkaban depuis tout ce temps. Le savais-tu ?"siffla-t-il. "Savais-tu que Voldemort était au courant de sa présence ? Ils l’ont eue pendant cinq foutues années, Ron ! Elle est partie ! Si Malfoy n’était pas déjà dans sa tête, il l’est sûrement maintenant ! Elle fait partie de leur monde !"

Ginny ne pouvait s’empêcher de déceler une lueur de vérité dans ses paroles. Elle se méprisait pour cela, détestait qu’une partie d’elle-même espère que ce soit vrai. Si Hermione s’était égarée, alors ce serait une délivrance. Elle pourrait s’évanouir dans le silence, le passé ne la tourmenterait plus. Ce serait plus simple pour Ron si tel était le cas. Plus simple pour tous. Mais Ron ne laisserait jamais partir Hermione. Pas lorsqu’il croyait l’avoir enfin retrouvée.

"C’est un foutu mensonge !" rugit Ron, se frayant un chemin à travers Justin.

"Juste parce que tu refuses de voir la vérité ne signifie pas qu’elle n’existe pas !" répliqua Seamus. "Elle porte la vérité chaque foutu jour ! Le sang !"

"Arrêtes," chuchota Theo, attrapant Ron pour le tirer en arrière.

 

Elle ne savait pas à quel sorcier il s’adressait.

"Un enfant ! Elle a tué un enfant ! C’est son sang qu’elle porte !"hurla Seamus. "Ils ont envoyé un gamin la chercher et elle l’a tué !"

Ron devint écarlate, se débattant contre les sorciers qui le retenaient.

"MENTEUR !"

"Elle le porte parce qu’elle en est fière ! Elle est malade !"

Neville et Greg saisirent Seamus, l’entraînant vers les escaliers. Il convulsa et spasmodia entre eux, laissant planner les paroles de Bellatrix dans l’air.

"Vous savez que c’est vrai !" cria-t-il. "Elle est partie !"

Seamus fut englouti par la meute de sorciers, leurs malédictions et hurlements résonnant dans l’obscurité.

Ron s’effondra contre Theo, émettant des gémissements similaires à ceux de la nuit où le Serpentard lui avait annoncé la mort d’Hermione. George se dirigea lentement vers Ron. Cho, Susan et Parvati se retirèrent en silence en haut des escaliers. Dennis et Justin revinrent vers Susan, qui, malgré tout, restait immobile non loin des flammes. Luna scruta intensément Theo.

Ginny observa les visages avec un détachement glacial.

 

Elle était une guerrière, une faucheuse de vies, dépourvue du savoir pour les préserver. Elle ignorait comment sauver quelqu’un qui, à tous égards sauf physiquement, était déjà englouti. Elle naviguait entre le commencement et la fin d’une bataille, se retrouvant perdue dans les ombres persistantes des séquelles.

 

***

 

Hermione ne revint que dans les premières heures du matin. Elle avait passé la plupart de la nuit sous les soins de l’infirmier Lewis, essayant d’arrêter le sang qui coulait de ses yeux, de son nez et de ses oreilles.

La sortie de l’esprit de Malfoy avait été brutale. Une punition. Elle aurait été laissée sans esprit si elle en avait eu un au départ. Le blond s’était précipité dehors, la laissant sans surveillance. Elle ne savait pas combien de temps il était parti, ses souvenirs étaient flous entre la douleur et les potions. L’infirmier Lewis semblait se détendre légèrement, ses mains perdant leur tremblement et il se tenait un peu plus droit.

Ils n’échangèrent pas de mots. Il n’y avait rien à dire.

Les défenses de Hermione restaient en ruines, elle n’avait pas la force de les reconstruire encore. Elle se sentait vide, ses émotions émoussées. C’était agréable de ne pas avoir à se forcer à les garder enfermées.

Sa soirée était aussi proche de l’agréable qu’elle pouvait l’espérer. Cela lui rappelait les nombreuses nuits où Darryl avait passé du temps à s’occuper d’elle. Elle regrettait cette créature stupide.

Hermione espérait pouvoir avoir le adieu qui leur avait été volé.

 

Elle dérivait dans le pays des rêves, flottant entre des aperçus de figurines en plastique, de pommes et de sous-marins. Il y avait des éclairs de vert. Des éclairs de rouge. Des éclairs de noir. Un chœur de voix chuchotant, chantant, priant. Son subconscient était un mélange de tout et de rien.

Malfoy la réveilla brusquement. Il la tira hors du lit. À travers les rangées de lits d’hôpital vides. À travers les longs couloirs et les escaliers incroyablement hauts. Il ne parla pas. Elle ne s’arrêta pas. Cela se termina rapidement. Un voyage sans incident, pourtant un exploit physique pour elle.

Elle entra dans la Salle Commune sombre, instantanément apaisée par le silence de la nuit. Les canapés étaient vides, des papiers éparpillés sur le sol. L’odeur de cuivre emplissait l’air. Vérifiant qu’elle était effectivement seule, Hermione s’approcha soigneusement des escaliers, prenant grand soin de ne pas réveiller les autres et d’éviter d’autres rencontres aujourd’hui.

Mais la chance n’avait jamais été de son côté, et alors qu’elle approchait du haut des escaliers, elle rencontra Susan Bones agrippant fermement la rampe. Hermione se figea. Susan était de retour. C’était bien. Alors pourquoi pleurait-elle ?

Comme si ses jambes bougeaient d’elles-mêmes, Susan fit un autre pas en bas et enlaça la rampe pour se maintenir en place.

"Aide-moi", chuchota Susan.

 

Un autre pas. Un gémissement.

L’odeur de la chair brûlée et un léger bourdonnement.

La sorcière était de nouveau appelée.

 

Susan perdit prise, le haut de son corps glissant le long de la rampe alors qu’elle griffait le bois.

"Hermione, aide-moi", sanglota-t-elle.

Hermione se figea. Elle ne savait pas quoi faire. Le bourdonnement devint plus persistant et Susan fut forcée de descendre plusieurs marches.

"Hermione, s’il te plaît", supplia-t-elle. "Je ne veux pas y aller. Je ne peux pas. Il va" . Sa petite silhouette trembla de sanglots.

"Il va "  Susan ne put finir sa phrase, ses pleurs déchaînés maintenant.

En s’approchant, Hermione remarqua les robes déchirées de la femme, le regard hanté dans ses yeux. Elle reconnut des yeux semblables à ceux qu’elle avait vus dans sa propre réflexion lorsque les hommes avaient commencé à visiter sa cellule. Elle sut ce qui était arrivé à Susan. Ce qui allait arriver. Susan poussa un autre cri étouffé, un cri qui lança Hermione à l’action.

Elle serra la sorcière fermement dans ses bras, passant ses manches sales sur les robes, le visage et les cheveux de la sorcière.

 

Susan essaya de la repousser.

"Que fais-tu"

"Nous n’avons pas beaucoup de temps", coupa Hermione.

Elle attrapa le visage de la sorcière plus fermement et le poussa contre sa poitrine, là où la saleté était la pire.

"Arrête ça !" s’étouffa Susan. "Que fais-tu, je-" 

Hermione rapprocha le visage de la femme du sien, sans se soucier de ressembler à une bête enragée.

"Tu dois être sale. Ils ne te toucheront pas si tu es sale ", insista Hermione.

Les yeux écarquillés de Susan passèrent de la terreur à la compréhension. Elle jeta un coup d’œil aux robes de Hermione.

"C’est pour ça, n’est-ce pas ? Toi" 

 

Un autre bourdonnement de son Python fit crier la sorcière et elle dévala jusqu’en bas des escaliers. La sorcière commença à trébucher vers la sortie, une marionnette tirée par des ficelles. Le haut de son corps se tordit pour attraper quelque chose, n’importe quoi. Hermione courut vers Susan, la renversant sur le sol.

"Est-ce que tu as confiance en moi ?" gémit Hermione.

"No, je… oui, je… s’il te plaît, aide-moi !" sanglota Susan, les ordres la forçant déjà à ramper vers la porte.

"Je suis désolée pour ça ", souffla Hermione avant de forcer ses doigts dans la gorge de Susan. La sorcière se débattit sous elle alors qu’elle commençait à suffoquer.

 

Au moment où elle commença à avoir des haut-le-cœur, Hermione retira ses doigts, tirant la sorcière par les épaules pour qu’elle puisse vomir sur elle.

"C’est bien, c’est bien Susan. Je suis tellement désolée. Tu te débrouilles tellement bien", la rassura-t-elle alors que la sorcière crachait et vomissait sur ses robes.

Susan prit une grande bouffée d’air.

"Hermione, qu’est-ce que tu fu-"

"Tu dois être sale", répéta Hermione, rassemblant frénétiquement le vomi de la poitrine de Susan et l’étalant sur le visage de la sorcière qui pleurait. Avec un désespoir résolu, Susan commença à aider, étalant le contenu aigre sur son cou et entre ses cuisses. Elle sanglotait d’humiliation et le cœur d’Hermione se brisait pour elle. Elle savait que Susan avait des fixations sur la propreté et l’hygiène. Être violée de la manière dont elle l’avait été, recourir à ces mesures pour sa sécurité, était dévastateur.

"Tu te débrouilles très bien, Susan", supplia Hermione. "Je te promets que tout ira bien."

 

La sorcière se releva, les jambes tremblantes alors qu’elle titubait de nouveau vers la porte. Susan agrippa la main d’Hermione tandis qu’elle luttait contre la contrainte du Python, du sang s’écoulant de ses narines.

"Hermione, s’il te plaît-", sanglota-t-elle, "s’il te plaît ne me laisse pas partir avec lui.-"

Ils étaient presque à la porte. Hermione tira la sorcière en arrière, mais sa force faiblissait.

"Susan, écoute-moi."

"Je ne peux pas. Je ne peux pas. S’il te plaît."

"Écoute !"

 

Hermione se plaqua contre la porte, la dernière barricade entre Susan et son destin. Elle saisit la tête de la sorcière implorante, fixant directement ses yeux. Même si c’était envahissant pour Hermione, douloureux, elle avait besoin que Susan comprenne.

"Réagis. Essaye de résister. Il pourrait se fatiguer ou le sang pourrait le dégoûter davantage. S’il continue à- à essayer de t’envahir, tu dois te mouiller, d’accord ? Ou te salir si tu le peux. Tu veux le dégoûter pour qu’il ne te touche pas, pour qu’il ne veuille jamais plus te toucher. Tu comprends ?"

"Je ne peut"

"Tu dois."

 

Susan hocha la tête, la détermination, la honte et la terreur brillant sur son visage. Avec un dernier serrement, Susan repoussa Hermione de côté et sortit par la porte. Le silence qui suivit n’apporta aucun réconfort. Hermione aurait tout donné pour entendre du bruit. Elle s’affaissa sur le sol, vaincue.

S’il te plaît, s’il te plaît, qu’elle aille bien. Hermione s’agenouilla, relevant les paumes face au plafond et commença ses prières.

"Hécate-" murmura-t-elle avec révérence, "do ut des."

Hermione tira de la force du sol froid en dessous, la canalisant dans ses paroles.

"Animam protege."

 

Ce n’était pas la même chose sans la piqûre de ses coupures, sans son offrande, mais elle resta là malgré tout. Laisser les mots couler à travers elle. Une mélodie à la magie, suspendue dans le temps.

Elle pria jusqu’à ce que sa voix devienne rauque.

Elle pria jusqu’à ce que ses bras tremblent.

 

Elle pria jusqu’à ce que l’entrée s’ouvrit, Susan trébuchant dans ses bras. Les sorcières se maintenaient étroitement l’une contre l’autre sur le sol, un mélange de soulagement, de souillure et de compréhension.

"Je suis profondément navrée", sanglota Hermione, étreignant la sorcière tandis que ses épaules tremblaient.

Toute notion de distance et de plans rationnels s’évapora lorsqu’elle prit Susan dans ses bras. Hermione rebâtirait ses remparts au lever du soleil, demeurerait distante, préservant les autres de la peine. Mais pour l’instant, l’espace d’un moment, elle ressentirait.

Susan frissonna et pleura contre sa poitrine. En se retirant, Hermione observa les nouvelles ecchymoses éparpillées sur le visage de la jeune fille, associées à un œil au beurre noir et à un nez meurtri. Mais bien que les yeux de Susan soient obscurcis par les larmes, une chaleur persistait.

"Cela a fonctionné ", sanglota Susan.

Un soulagement parcourut Hermione.

"ça a fonctionné ?"

Susan sourit, hochant la tête alors que de nouvelles larmes coulaient sur ses joues salies.

"Ça a fonctionné."

Hermione inspira de manière saccadée, ses propres larmes menaçant de tomber.

"Ça va, tu vas bien ?"

La sorcière frissonna,

"Non, non je ne le suis pas, mais - il ne m’a pas touchée cette fois-ci. Il était tellement en colère,"un léger sourire effleura son visage. "surtout quand je lui ai fait pipi dessus."

Hermione rit doucement. Un seul souffle. Mais c’était aussi proche de la joie qu’elle était arrivée depuis des années.

 

Susan tira Hermione dans un autre étreinte.

"Merci," murmura-t-elle, la voix brisée.

"Je suis désolée de ne pas avoir pu l’arrêter," chuchota Hermione.

"Tu en as fait assez. Je préférerais avoir des bleus. Cela montre que j’ai gagné."

Hermione hocha la tête en accord, savourant les derniers moments de chaleur de Susan, du contact humain, avant de se retirer.

"Je dois aller me coucher," mentit-elle. "Demande à Winky de te procurer quelque chose pour la douleur et essaie de te reposer."

Susan fronça les sourcils.

"Hermione, attends. Je-"  elle hésita, "j’ai tellement de questions. Qu’est-ce- qu’est-ce que- vas-tu bien ? Où-"

"Plus tard. » répondit Hermione, le mensonge amer sur sa langue. "Je te raconterai tout plus tard."

Une vague de regret commença à l’envahir. Elle n’aurait pas dû laisser Susan entrer, aurait dû partir quand la sorcière a disparu au lieu d’attendre. Mais elle devait savoir. Elle devait voir qu’elle allait bien.

 

Susan hocha la tête.

"D’accord," souffla-t-elle. "D’accord, ouais. Nous parlerons bientôt, d’accord ? Promis ?"

"Je- "

"Hermione?" Une voix légère retentit, gelant les deux femmes.

Hermione se tourna pour faire face à la nouvelle venue, clignant des yeux devant le visage féerique de Luna. La sorcière fixa les deux femmes, la tête penchée étrangement, comme un oiseau en train d’enregistrer un appel.

"Susan, tu te sens mieux?" murmura-t-elle doucement.

"Je… ça va. Ça ira ", renifla Susan.

 

Luna aida Susan à se lever.

"C’est probable, mais les choses ont l’habitude de changer rapidement."

Susan ouvrit la bouche puis la referma, ne sachant pas comment répondre à la sorcière étrange.

"Allons te coucher ", continua Luna, "avant que le soleil ne réveille les autres."

Hermione se releva, incapable de supporter l’idée d’être à découvert une minute de plus. Luna attrapa le coude d’Hermione en passant, arrêtant la sorcière de plus en plus anxieuse.

"Hermione,"souffla-t-elle, les yeux bleus cherchant les siens comme si elle regardait quelque chose au plus profond d’elle. "C’est agréable de t’avoir de retour."

Hermione retira délicatement son bras, s’éloignant lentement des deux femmes. Le battement régulier du sang résonnait dans ses oreilles. Susan inclina la tête en signe de remerciement envers Hermione, exprimant à la fois sa gratitude et l’acceptation de son départ. Ses yeux brillaient de questions, promettant une conversation ultérieure en privé.

 

Hermione baissa les yeux et se dirigea lentement vers l’escalier. Il n’y aurait plus de conversation. Elle avait déjà franchi la ligne qu’elle s’était tracée. Cela ne pouvait pas se reproduire.

Elle ne regrettait pas d’avoir aidé Susan, mais elle ne voulait pas que la sorcière pense qu’elles étaient amies. Elle laisserait suffisamment d’amis derrière elle bientôt, elle ne pouvait pas se permettre d’en avoir un de plus. Hermione sentit les yeux de Luna la suivre tandis qu’elle montait les marches. Leurs voix chuchotaient alors qu’elle disparaissait dans le couloir.

Elle avait tout gâché maintenant, révélé trop de choses.

Maintenant, non pas une, mais deux personnes savaient qu’une partie d’Hermione Granger vivait encore. Nourrissant l’idée dangereuse qu’elle pouvait encore être sauvée. Se blâmant quand elles ne pouvaient pas, même si elles ne pouvaient rien y faire.

Elle était déjà condamnée.

 


 

Chapter Text

 


Révélations


 

"Gin ? Ginny !"

 

Ginny sortit de son sommeil agité, clignant des yeux de confusion alors que Neville s'agitait à moitié nu au bout du lit.

Se retournant dans les draps trempés de sueur, elle enregistra l'urgence avec laquelle il avait prononcé son nom.

"Qu..."

"On me convoque", grogna Neville en tirant sur sa nuque.

 

Le voile du sommeil disparut instantanément, mettant Ginny à la verticale. Son estomac se retourna, envoyant de la chaleur dans sa colonne vertébrale.

"Nev-"

"C'est bon. Ça va aller", expira Neville en essayant de cacher le tremblement de ses mains alors qu'il enfilait ses robes à la hâte.

 

La sueur dégoulinait dans le dos de Ginny tandis que son cœur battait la chamade.

Non.

Ginny se leva, la panique s'emparant d'elle alors que sa gorge se resserrait.

"Neville...

"Gin, je te jure que ça va aller. Juste..."

"Neville", dit Ginny d'un ton sec, figeant le sorcier.

 

Elle inspira tremblante, essayant de ravaler la terreur qui menaçait de la dévorer.

"Je suis convoquée moi aussi."

 

***

 

Le groupe était silencieux alors qu'il se frayait un chemin dans le château, l'horreur contenue crépitant dans l'air.

Tous les champions étaient conduits par leurs maîtres vers l'inconnu, des Mangemorts masqués bordant les murs du château, de peur que l'un d'entre eux n'essaie de s'enfuir.

Ginny se demanda si c'était bien cela. S'ils étaient conduits vers la Première Tâche, comme des moutons à l'abattoir.

Elle essaya de se retourner, de croiser le regard de Neville qui la suivait dans la file d'attente, mais Greyback lui attrapa brutalement le menton.

"Regarde devant toi, petite rousse", gloussa-t-il, profitant de l'occasion pour se pencher sur elle. Il renifla ses cheveux, ses ongles pointus s'efonçant dans ses joues, "Nous avons une surprise pour toi."

Ginny savait que, quoi que les Disciples aient prévu pour eux, ce ne serait pas bon.

Les Champions avaient sombré dans la panique lorsqu'ils avaient réalisé qu'ils étaient tous convoqués. Les cris, les hurlements et les bousculades étouffaient la sécurité relative de leurs quartiers.

Seule Luna semblait relativement calme, se tenant tranquillement à côté de Susan.

Ginny ne savait pas ce qui était arrivé à Susan après qu'elles se soient toutes couchées la veille. La sorcière était battue et meurtrie, couverte de vomi et de pisse et pourtant, ses yeux contenaient un feu qui n'était pas présent plus tôt. Le regard à cent mètres qui avait résonné à travers la sorcière se transforma en quelque chose de plus proche, quelque chose qu'elle pouvait voir plus clairement.

Greyback se pressa derrière Ginny, la forçant à entrer dans la grande salle. La dernière fois qu'elle était venue dans cette pièce, elle avait pleuré sur le corps de son frère. Sans se soucier de l'endroit où se trouvait Harry Potter, sans savoir qu'elle ne le reverrait jamais vivant.

Elle se demandait ce qu'ils avaient fait du corps de Fred, ils n'avaient pas eu le temps d'aller le chercher. Les avaient-ils tous brûlés, enterrés ou laissés pourrir dehors ?

La réponse à sa question fut immédiate.

Un trône se dressait au bout de la pièce, à l'endroit même où ses professeurs préférés s'étaient assis, avaient mangé et avaient ri à leur table commune. La pièce était presque entièrement vide, à l'exception des bannières de la maison Serpentard et des drapés de tissu noir scellés de la Marque des Ténèbres.

Un homme flétri se tenait de façon instable à côté d'une femme en rose au centre de la salle. Mais Ginny ne leur accorda guère d'attention. C'est le trône qui marqua sa vision au fer rouge.

Il était entièrement fait d'os. Des centaines d'os. Des milliers. Empilés en une structure grandiose. Des crânes se dressaient sur des épines et des fémurs à l'arrière, se déployant en éventail dans un spectacle horrifiant. Un paon de pourriture.

Le corps de son frère était là quelque part. Ses os blanchis et mis en valeur dans une construction malsaine d'un homme diabolique. Lavande devait être là. Colin aussi.

Et le crâne au sommet, dont les orbites vides la fixaient, elle savait que c'était celui de Harry.

Quelqu'un se mit à hurler. Quelqu'un vomit les restes de son petit déjeuner sur le sol en contrebas. Quelqu'un tomba.

Elle ne sait pas qui. Elle s'en fichait.

Elle ne voyait que des os.

 

"Allons, allons", réprimanda Ombrage, "pas besoin de telles sottises. Ce sera bref, alors soyons tous sages pour pouvoir reprendre notre journée, n'est-ce pas ?"

 

L'ignoble femme était agaçante d'optimisme, les réprimandant comme s'ils étaient de vilains enfants, comme elle l'avait fait lors de sa quatrième année. Comme si les corps de leurs proches n'étaient pas derrière elle.

Comme s'ils n'avaient pas le droit de hurler.

"Demain, les épreuves auront lieu. Disciple, je suis sûre que vous avez fait de votre mieux pour qu'ils soient préparés."

Ginny jeta un coup d'œil à ses camarades champions, dont la confusion se reflétait.

 

Greyback se hérissa à côté d'elle, un faible grognement gronda dans sa poitrine. On dirait qu'il n'était pas non plus au courant des épreuves.

"Champions !" annonça jovialement Umbridge, "vous serez jugés et classés en fonction de vos performances et de vos capacités. Les trois meilleurs champions obtiendront un avantage pour la première tâche."

 

Elle marqua une pause, comme si elle attendait des applaudissements, en lançant un regard à la foule silencieuse.

"En tant que juge, j'aurai le plaisir de superviser ces épreuves", poursuit-elle. "Il y aura trois catégories d'épreuves sur lesquelles vous serez évalués. Compétence. Force mentale..." Umbridge joignit les mains en signe d'excitation : "Et la peur !"

 

L'estomac de Ginny se retourna.

"Disciple ! Vous devrez être présents pour l'épreuve de vos champions, mais vous pouvez tout à fait observer vos concurrents si vous le souhaitez. Ce sera une excellente occasion d'observer les faiblesses des adversaires de vos champions."

Greyback traîna les pieds d'un air irrité. Ombrage était connue pour sa haine des créatures magiques, il semblait même qu'un des Disciples de Voldemort ne fasse pas exception à la règle. Au vu de la poigne resserrée sur son bras, Ginny en déduisit que c'était réciproque.

"Eh bien, commençons, voulez-vous ?" Umbridge s'exclama avec éclat : "Champions, vous pouvez prendre votre baguette !"

 

Dennis, le Champion le plus éloigné sur la gauche, fut poussé en avant par son Disciple, Dolohov. Le sorcier s'arrêta, peu sûr de lui, avant de s'avancer prudemment vers Ombrage.

Le vieil homme hagard échangea des paroles calmes avec le jeune sorcier, faisant des gestes vers les baguettes exposées avant que Dennis n'en prenne timidement une. Une rafale de vent suivit, léchant les pointes des cheveux bruns du sorcier, avant qu'il ne se retourne et ne marche raide vers sa place.

Ginny regarda attentivement les Champions s'approcher l'un après l'autre de la petite table pour récupérer leur baguette, divers éclats de vent et crépitements de lumière les éclipsant alors qu'ils étaient réunis avec la magie pour la première fois depuis leur capture.

Combien de temps s'était écoulé pour Ginny ? Quelques semaines ? Un mois ? Les jours d'interrogatoire se confondaient, faussant sa perception du temps. Elle avait pensé que c'était Malefoy qui s'en chargerait, cela aurait rendu les choses bien plus faciles. Mais au lieu de cela, elle fut accueillie par la torture traditionnelle pour laquelle les Mangemorts étaient connus, bien moins créative qu'elle ne l'avait anticipé. Les hommes inconnus finirent par obtenir leurs réponses. Mais ils n'en avaient pas demandé beaucoup. Ils n'en avaient pas grand-chose à faire. Malefoy lui rendit visite le dernier jour, la veille de la sélection. Elle avait été soignée et laissée en attente. Ginny fit l'erreur de lever les yeux lorsqu'elle entendit le bruit de la porte du donjon, et ses yeux rencontrèrent ceux de l'argent.

Il était arrivé, l'avait regardée de haut en bas et était parti.

Ginny ne savait toujours pas s'il avait regardé dans sa tête. Cela la terrifiait de ne pas pouvoir le savoir.

À chaque instant, il pesait sur elle, comme un serpent prêt à frapper. Elle pouvait basculer à tout moment. Lancer les jeux. Tuer ses proches. Se tuer elle-même.

La seule chose qui lui permettait de rester saine d'esprit était la certitude que Malefoy ne savait pas qui deviendrait son champion. Qu'il ne les aurait pas poussés au suicide au cas où ils finiraient avec lui.

C'est ce qu'elle se disait. Encore et encore et encore. Mais la peur persistait. Le doute pesait encore lourd dans ses tripes.

Elle garda le regard droit malgré tout tandis qu'on la poussait vers l'avant, de peur d'établir accidentellement un contact visuel avec Malefoy.

Ginny s'approcha de la table à côté de la femme aux allures de crapaud, lui envoyant un regard haineux avant de se concentrer sur l'homme âgé en face d'elle.

 

Ses longs cheveux gras pendaient en vrilles sur son visage décharné, mais ses yeux bleu pâle étaient d'une clarté saisissante. Avec un sursaut de reconnaissance, elle réalisa qu'il s'agissait de M. Ollivander. Un sorcier que l'Ordre croyait mort depuis longtemps. Combien d'autres avaient-ils caché pendant toutes ces années ?

Son regard intelligent la transperça.

"Ginevra Weasley", râla-t-il. " Quinze centimètres. Bois d'if. Cœur de dragon."

La baguette qu'il lui avait offerte quand elle avait onze ans. Celle qu'ils lui avaient prise.

Ollivander fit un geste vers les rangées de baguettes sur la table en dessous. Elle n'en reconnut aucune.

"Choisis-en une", souffla-t-il.

 

Ginny réalisa alors que la baguette qu'elle choisissait n'avait pas d'importance. Si elle devait choisir la baguette au lieu de laisser la baguette la choisir, alors aucune d'entre elles ne lui conviendrait. Les rangées de bois palpitaient de magie noire, exigeant qu'elle les réclame.

Elle saisit celle qui était la plus proche d'elle, la magie familière s'engouffrant sous sa peau. Mais la sensation était différente. Aigre. Souillée. Malgré tout, elle ne pouvait nier l'euphorie qui la traversait alors qu'elle était enfin réunie avec la magie.

Ollivander hocha la tête comme si elle avait fait le bon choix. "Bois de peuplier. Quinze centimètres et demi..." Il marqua une pause. " Noyau de poils de loup-garou. "

La main de Ginny se crispa autour de la baguette, sentant les yeux de Greybacks brûler dans son dos, son ouïe développée captant sans aucun doute chaque mot de l'échange.

Ce n'était pas une baguette qui devait exister. Les loups-garous étaient connus pour être territoriaux. Ils ne se sépareraient jamais volontiers d'une partie d'eux-mêmes, aussi petite soit-elle, au profit d'un sorcier ou d'une sorcière inconnus. Et s'approcher suffisamment pour attraper assez de poils pour un noyau de baguette serait du suicide, un loup-garou vivant aurait déchiqueté le cueilleur.

Non, ces poils avaient été volés. Chassés. Celui qui avait les cheveux qu'elle tenait dans cette baguette avait été tué pour cela.

Cette baguette était faite de mort. Elle était malfaisante. Maléfique.

Et elle lui appartenait.

" Comme .... cela convient ", dit Umbridge en souriant. "Elle est restreinte, naturellement. Et il ne peut en aucun cas être utilisé contre quelqu'un qui porte la marque des ténèbres. Vous pourrez accéder aux sorts de base, votre maître pourra vous accorder l'accès à des sorts plus avancés au cours de votre formation. À condition que tu te comportes bien." La sorcière lui lança un regard désapprobateur. "Et vous aurez un accès total pendant les épreuves."

 

Ginny fronça les sourcils en regardant la baguette, essayant de donner un sens à tout cela.

" Reculez ! " Ombrage lui fit signe de s'en aller.

 

Ginny obéit, encore sous le choc alors qu'elle prenait place à côté de Greyback. Il fixait la baguette avec dégoût, pensant probablement à toutes les façons dont il pourrait la punir d'avoir choisi une baguette aussi offensante.

Elle regarda Luna choisir sa baguette. Puis Ron.

Seamus passa ensuite, essayant sans succès de lancer un sort à Ombrage dès qu'il saisit sa baguette. La baguette se déroba, plongeant le sorcier dans une crise de décharges électriques.

"Ah ah ah," tonna Ombrage, "qu'est-ce que je viens de te dire ?"

 

Bellatrix dut venir attraper son Champion encore spasmodique, gloussant en traînant le sorcier par les cheveux.

Ginny voulait juste que tout soit fini.

Hermione passa en dernier, obligée de choisir parmi les quelques baguettes restantes. Ombrage plissa le nez devant la sorcière et toussa odieusement, reculant de plusieurs pas de la table d'un air dégoûté.

Ginny regarda Hermione attraper la baguette la plus proche d'elle, sa main planant au-dessus d'elle avant de tourner légèrement la tête comme si elle écoutait.

Elle déplaça lentement sa main, atteignant la plus petite baguette au bord de la table.

Le chaos se déchaîna à la seconde où la baguette toucha sa peau.

Une explosion d'air et de bois éclaté jaillit en avant avec un craquement retentissant.

Ginny vit Malefoy se précipiter vers son champion, l'explosion l'envoya voguer dans les airs. Les ondes de choc entrèrent en collision avec Ginny, la projetant au sol ainsi que les autres Champions.

Des cris et des hurlements paniqués dansèrent entre les bourdonnements de ses yeux, tourbillonnant ensemble en un bruit blanc. Ginny cligna des yeux contre le nuage de poussière, ses mouvements étant lents alors qu'elle se mettait à quatre pattes.

Le carnage éclipsa la grande salle. Les Mangemorts qui attendaient dehors se précipitèrent à l'intérieur, piétinant les éclats de verre des fenêtres soufflées.

Ombrage gisait face contre terre, un gros éclat de bois dépassant de son dos.

Malefoy se tenait sur des jambes flageolantes, ses robes immaculées recouvertes d'une couche de poussière alors qu'il se dirigeait vers les décombres.

Les fissures dans le sol de pierre se ramifiaient comme des éclairs, traçant un motif vers la sorcière qui se tenait au centre de tout cela.

Hermione se tenait prête, fixant sa baguette avec stupeur.

La table et les baguettes restantes avaient disparu, réduites à néant, et pourtant la sorcière qui se tenait au-dessus il y a quelques secondes à peine était miraculeusement indemne.

Ginny scruta frénétiquement le nuage de poussière qui s'éloignait, à la recherche du célèbre fabricant de baguettes, avant que ses yeux ne se posent sur l'explosion de couleurs aux pieds d'Hermione.

Du sang, des entrailles et des fragments d'os peignaient le sol. Sa peau était peinte.

Un parallèle avec son entrée dans la Sélection.

Ginny regarda alors Seamus, le sorcier lança un regard noir à la sorcière tandis que Malefoy s'approchait, tapotant sa Championne engourdie alors qu'il évaluait ses blessures.

"Sortez-les de là !" aboya Malefoy, "Ramenez-les dans leurs quartiers !"

 

Les Mangemorts de rang inférieur s'acharnèrent sur Ombrage, lançant des sorts de diagnostic tandis qu'elle gémissait de douleur.

Greyback hissa Ginny sur ses pieds.

"Allons-y petite rousse" grogna-t-il.

 

Les Disciples éloignèrent les Champions de la destruction, les bousculant en direction des portes.

Ginny jeta un coup d'œil en arrière, ses yeux rencontrèrent ceux de Seamus tandis que Bellatrix l'entraînait avec elle.

Il ne dit rien, il n'en avait pas besoin. Ses yeux lui disaient tout ce qu'elle ne savait pas encore et ne voulait pas savoir.

Je te l'avais bien dit.

 

***

 

Le silence tomba dès qu'Hermione entra dans la salle commune.

 

Elle en avait assez de cette situation. Ces derniers temps, elle était plus à cran en entrant dans les quartiers des champions qu'en les quittant.

Ils la dévisageaient, chuchotaient et la jugeaient.

La peur. La pitié. C'était du pareil au même. Des émotions dirigées vers elle qu'elle ne pouvait pas gérer sur son tas de chagrin déjà tumultueux. Sa seule présence semblait éteindre la sécurité de la pièce.

Elle devait se rappeler que c'était son choix. Que c'était plus facile ainsi. Mais cela n'émoussait pas la piqûre qui persistait à chaque regard.

Seamus la regardait avec une franche haine. Parvati avec méfiance. Théo avec contemplation.

 

Ron avait l'air de souffrir. Comme si le fait de la voir lui retournait le couteau dans la plaie.

Plus vite elle partirait, mieux ce serait.

Elle se dirigea rapidement vers les escaliers, Ron la suivant rapidement.

"Hermione !"

 

Elle l'ignora, forçant ses jambes à avancer plus vite.

"Hermione, attends !"

Rien ne rentre. Rien ne sort.

"Hermione, s'il te plaît, parle-moi..."

 

Elle claqua la porte sur lui. Elle respirait bruyamment, la tête contre le cadre.

Hermione se maudit. Elle n'avait pas réussi à reconstruire sa prison depuis que Malfoy l'avait décimée. Tout ce qu'elle avait pu accomplir, c'était un amas de pierres désordonné.

Cela avait rendu la journée d'aujourd'hui particulièrement difficile, presque insupportable.

Elle avait tué quelqu'un aujourd'hui.

Elle avait du mal à s'en rendre compte. La baguette l'avait appelée. Elle avait répondu. La peau avait touché le bois et puis...

 

La magie. Le pouvoir.

C'était comme si on rentrait à la maison.

 

Il y avait eu une poussée vertigineuse. Un froid brûlant. Une gerbe de sang rouge...

Et puis il y avait Malefoy, qui la regardait avec quelque chose qui ressemblait à de l'inquiétude.

Il était retourné à l'infirmerie, insistant pour que le guérisseur Lewis vérifie qu'elle n'était pas blessée, malgré les cris d'agonie d'Umbridge quelques lits plus loin.

"- Parfaitement bien. Elle a passé cinq ans sans magie, l'accumulation doit être forte. Surtout chez les sorciers et sorcières puissants."

 

Malfoy ne contredit pas le compliment implicite, exigeant plutôt qu'il refasse les tests.

Les résultats furent les mêmes. Magie stable.

Elle ne se sentait pas stable.

Elle se sentait différente. Vivante. Il y avait un bourdonnement dans son sang qui n'existait pas auparavant. Sa magie n'était pas comme ça, elle n'avait jamais été comme ça. Cette magie était perceptible, impossible à ignorer.

 

Elle la sentait encore maintenant, comme une bête qui tournait autour d'elle.

Elle ne pouvait pas dire si elle était le prédateur ou la proie.

 

Le bruit d'une éclaboussure d'eau la tira de ses pensées. Elle suivit le bruit jusqu'à la porte de sa salle de bain, une lumière brillait en dessous.

Hermione la poussa pour trouver Susan agenouillée à côté de sa baignoire, la main immergée alors qu'elle vérifiait la température de l'eau.

"C'est bien que tu sois de retour" murmura Susan en se retournant. "Monte."

 

Hermione cligna des yeux devant la sorcière.

"Susan, pas maintenant. Va juste..."

"Je ne te le demandais pas", s'emporta-t-elle. "Tu ne te soucies peut-être pas de toi, mais moi si. Nous nous en soucions. Je comprends pourquoi tu le fais maintenant. Je comprends. Mais pas les autres. Bien sûr, des gens comme Cho et Justin peuvent en avoir une petite idée, mais pour les autres ? Ils pensent que tu es une meurtrière."

"Je le suis."

 

Susan renifle.

"Je n'y crois pas."

"Tu viens de le voir", murmura Hermione.

"Un accident, Hermione. C'est tout ce que c'était."

"J'ai déjà tué avant."

"Moi aussi. Nous l'avons tous fait. Mais tuer quelqu'un ne fait pas de toi un tueur."

"Alors qu'est-ce qui le fait ?"

 

Susan fit une pause. Un battement de cœur. Deux.

"L'intention. Prendre des vies innocentes."

 

Hermione pensa à tous les Mangemorts qu'elle avait abattus à Azkaban. Certains qu'elle savait méchants, d'autres qu'elle ne connaissait pas du tout. Elle les avait tués sans discernement, sans y réfléchir à deux fois.

"Et qui sommes-nous pour décider qui est innocent ou non ?" Siffla Hermione.

 

Quatre battements de cœur. Cinq.

 

Finalement, elle demanda.

"As-tu tué ce garçon Hermione ?"

"Quel garçon ?"

"Celui dont Seamus a dit qu'il t'avait récupérée à Azkaban."

 

Hermione vacilla, les yeux embués alors qu'elle déglutissait difficilement.

"Non. Il s'est fendu d'un coup de Portoloin quand nous sommes sortis, mais... j'ai lutté contre lui. C'était ma faute."

 

Susan acquiesça, son visage se vidant de sa colère, révélant une sorcière épuisée en dessous. Elle avait l'air si jeune.

"Prends un bain Hermione" chuchota-t-elle.

 

Hermione secoua la tête.

"Je ne peux pas. Malefoy..."

"-Ne te touchera pas. C'est un Sang-Pur et il se tient en haute estime. Il ne va pas se salir avec toi." Susan se radoucit, "Sans vouloir te vexer".

"Il n'y a pas que lui qui m'inquiète" croassa Hermione, une boule se formant dans sa gorge.

"Hermione, tu es liée à Mortifer", insista Susan. "Personne n'oserait te toucher. Pas quand sa vie dépend de la tienne. Il les tuerait ne serait-ce que pour t'avoir regardée."

 

Hermione redoubla d'ardeur.

"Tout de même. Je ne peux pas le faire. Je ne le ferai pas."

"Je comprends", soupira Susan en se levant. "Tu penses que tu t'accroches au contrôle. Mais tu ne peux pas contrôler ce qui t'arrive, Hermione. Pas ici. Si tu as tellement peur que les hommes profitent de toi que tu choisis de rester comme ça, est-ce que tu as vraiment le contrôle ? Ou est-ce que c'est ta peur qui te contrôle ?"

 

Huit battements de cœur. Hermione ne se sentait pas capable de parler.

Finalement, elle râla

"Tu portes toujours tes robes".

"En fait, je suis une menace là-bas. Tu..." Susan lui donna un coup de main sur la poitrine. "Tu es une menace ici. Ne fais pas semblant de ne pas voir ce qui se passe. Tu ne fais rien pour t'aider ! Tu ne les laisses pas voir qu'Hermione Granger est toujours là !"

 

Susan lui saisit les épaules, les yeux suppliants.

"Tu m'as aidée. Laisse-moi t'aider."

 

Douze battements de cœur.

 

Hermione se secoua, mais une larme solitaire coula quand même sur sa joue.

"Je ne veux pas d'aide" chuchota-t-elle, la voix étonnamment froide. "Je veux juste que tu partes."

 

Susan se dégagea avec frustration.

"Va dans le bain", lui dit-elle froidement.

"Ce n'est pas en m'aidant que tu te sentiras mieux Susan. Cela ne changera rien à ce qui t'est arrivé."

"Va dans le bain !" rugit-elle.

"Non."

 

Susan marcha vers elle, la voix basse.

"Entre ou je leur raconte ce que j'ai vu à la bataille".

"Je ne sais pas de quoi tu parles."

"Je t'ai vue Hermione"

 

Hermione eut l'impression que son cœur s'arrêtait complètement de battre.

"J'ai vu ce que tu as fait", souffla Susan.

 

Un sanglot étouffé éclata, ses épaules tremblèrent.

Susan saisit doucement son visage, ramenant ses yeux vers elle.

"Prends un bain Hermione" murmura-t-elle, ses propres larmes débordant. "Mets fin à tout cela. Et puis je te promets... je te promets que ce que j'ai vu mourra avec moi."

 

Hermione pleura, aspirant des bouffées d'air tandis que Susan l'attirait dans ses bras.

"Ok."

 

Susan commença à la déshabiller, manipulant les robes incrustées de sang tout en murmurant des mots d'encouragement. Cela ne ressemblait pas à du chantage ou à de la pression. Cela ressemblait à de la gentillesse. De la compréhension. De l'amour.

Le genre de connexion féminine divine qui n'existe qu'entre les femmes. Quelque chose de platonique, une amitié proche, et pourtant, c'était plus profond que cela. Plus profond qu'une relation romantique entre un homme et une femme. Parce qu'il y avait une expérience partagée. Une histoire commune, une vie partagée. Des moments qui se sont produits tout au long de leur existence variée, et qui étaient en quelque sorte - inexplicablement et de façon dévastatrice - les mêmes.

Deux femmes, qui avaient survécu dans un monde qui n'était pas fait pour elles, étaient liées par leur douleur d'une manière telle qu'il était difficile de distinguer où l'une finissait et où l'autre commençait.

Hermione avait été ruinée, mais ce n'est que lorsque Susan retira ses robes et s'effondra en sanglots qu'elle se rendit compte de l'ampleur de la catastrophe.

Elle l'avait pensé une fois, en écoutant les cris des prisonniers et le cliquetis des Détraqueurs qui passaient devant la fenêtre de sa cellule.

La douleur pouvait être supportable, si la douleur était tout ce que l'on connaissait.

 

Et c'était le cas.

Elle l'avait supportée. Elle se reposait sur elle. Elle l'avait utilisée pour s'envelopper dans son bouclier protecteur et disparaître dans son étreinte.

 

Mais la connexion humaine, le contact humain, avaient perturbé la sécurité qu'elle avait construite autour de tout cela. L'absence de contrôle défaisait les nœuds étroitement enroulés qui retenaient les morceaux d'elle ensemble

Hermione se répandit sur les carreaux de la salle de bains. Elle se laissait aller à des cris et des gémissements.

Susan était là à travers tout cela, serrant son corps nu contre sa poitrine, une mère et son enfant.

La sorcière fit de légers cercles sur son dos, sans se soucier de la chair cicatrisée sous le bout de ses doigts, de la froideur de sa peau, de la crasse et de l'immondice.

Leur douleur ne fit qu'un. Et ensemble, elles pleuraient la perte de leur innocence.

 

Plus tard, alors qu'Hermione était pratiquement tombée d'épuisement, Susan utilisa sa nouvelle baguette pour la faire léviter dans le bain désormais tiède.

L'odeur de la lavande emplissait l'air, un gant de toilette en coton, et non un drap de lit déchiré, frottait sa peau.

Susan vida et remplit la baignoire trois fois, chacune un peu plus froide que la précédente, à la demande chuchotée d'Hermione.

Le dernier bain fut glacial, apaisant ses muscles endoloris et faisant taire ses sanglots. Le froid lui apportait le calme. Un vrai calme. Non pas à cause des murs dans son esprit, mais par l'apaisement de l'âme.

 

Il n'y avait pas d'occlusion, juste de la paix.

Et lorsque la dernière goutte d'eau fut évacuée et qu'elle fut enveloppée dans une épaisse robe noire, Hermione se sentit renaître.

Une pécheresse baptisée.

 

Elle n'était pas entière, loin de là, mais les bords déchiquetés d'elle-même avaient été poncés en quelque chose qui pourrait peut-être un jour s'assembler.

Susan lui chanta une berceuse de sorcier qu'Hermione ne connaissait pas.

Mais juste à la frontière entre le monde réel et le pays des rêves, Hermione aurait juré avoir entendu sa mère chanter.

 


 

Chapter Text


Remords


 

Astoria a pris place derrière le bouclier protecteur dans la cour du Viaduc. Sirotant son champagne, elle contempla l’impressionnant dôme qui éclipsait l’espace extérieur, séparant les spectateurs des Champions.

Tout le monde était là. Les Disciples, les membres du Magenmagot, les familles de sang pur les plus estimées et la presse. Des plateaux flottants chargés d’huîtres importées flottaient au milieu de la masse de robes colorées et de vêtements coûteux, contrastant totalement avec les personnages en robe noire qui préparaient les épreuves en contrebas.

Le Seigneur des Ténèbres était là, se plaçant au centre de ses sujets adorateurs et craintifs. Astoria resta assise à côté de sa sœur.

Elle n’avait pas besoin de se lever pour le saluer. Il viendrait à elle.

 

" Combien de temps cela va-t-il durer ? " souffla Astoria, faisant mine de vérifier ses ongles pour cacher son anxiété.

" Aussi longtemps qu’il le faudra ", répliqua sa sœur, ravissante dans sa robe ivoire.

Astoria resta silencieuse, regardant attentivement Ombrage aboyer des ordres aux hommes en noir. Un grand coffre fut mis en lévitation dans l’arène, flottant de façon précaire au-dessus de la tête du crapaud.

Elle souhaitait qu’il lui tombe sur la tête. Elle aurait préféré que Granger la tue.

Pansy apparut soudain, talonnée par un Blaise amusé.

 

" C’est un putain de cauchemar ", siffle-t-elle en arrachant le champagne des mains d’Astoria et en l’avalant d’un trait.

" La fête n’a pas encore commencé et nous sommes déjà à court de focaccia. Personne n’a encore touché à la ciabatta et nous n’avons presque plus de gouda ! " Pansy se précipita, terminant sa phrase à la limite du cri.

" Je t’ai dit que c’était bon, Pansy, ricana Blaise. " Il y a des montagnes de pain et de fromage à disposition.

" Et si le Seigneur des Ténèbres aime le Gouda sur sa focaccia, Blaise ? Et ensuite ? " Pansy s’emporta, tirant sur les bretelles de son manteau émeraude.

" Il préfère le Gorgonzola, ajouta Astoria, et il préfère les crackers au pain.

Les yeux de Pansy s’écarquillèrent.

" Des crackers. Merde ! Il nous faut des crackers ! " Et sur ce, elle disparut à nouveau dans la foule.

" Ce n’était pas très gentil " réprimanda Daphné, sachant pertinemment que le Seigneur des Ténèbres s’en tenait à un régime strictement carnivore. Le léger retroussement de sa bouche trahissait son amusement.

Astoria haussa les épaules.

" Quoi ? Ce n’est pas comme s’il allait la tuer pour du fromage. "

" Je tuerais certainement pour du fromage ", ajouta Blaise.

" Tu tuerais pour n’importe quoi, Blaise " répliqua Daphne.

"  Et bien, "  Blaise sourit, croisant sa main sur sa poitrine pour faire semblant d’être sérieux. " Je mourrais pour du fromage ".

" Un noble sacrifice. Nous construirons des statues en ton honneur " plaisanta Astoria.

Leurs éclats de rire s’éteignirent à l’approche du Seigneur des Ténèbres. Le groupe se leva et s’inclina cérémonieusement.

 

" Astoria, ma chère, vous êtes sublime ", dit-il en lui baisant la main.

Astoria se força à rougir et battit des cils avec timidité.

" Vous êtes trop aimable, mon Seigneur.

Draco s’approcha par derrière, comme l’ombre du Seigneur des Ténèbres. Ils échangèrent des plaisanteries, comme on pouvait s’y attendre de la part de deux personnes qui allaient se marier. Elle ne manqua pas le léger rétrécissement du regard rouge du Seigneur des Ténèbres lorsque Draco déposa un baiser sur sa joue.

D’un geste de la main, leur maître les invita à s’asseoir. Draco à sa droite, Astoria à sa gauche, comme le voulait la coutume. Astoria sentait déjà les yeux de Bellatrix lui brûler le dos.

Ombrage et Ludo Bagman prirent place le long de la même rangée, bien qu’ils fussent poussés vers les extrémités. Ils n’étaient juges que pour les apparences et les annonces - le véritable juge était l’homme assis à côté d’elle. Et elle supposait, d’une certaine manière, que c’était le public.

Les autres membres prirent place dans les rangées suivantes, bavardant entre eux avec enthousiasme. Des plateaux de champagne flottaient entre les rangées, et Astoria s’empara d’une coupe avec avidité.

Merlin savait qu’elle en avait besoin.

Astoria s’efforça de se concentrer tandis qu’Ombrage se levait et accueillait l’élite des sorciers, décrivant les trois éléments qui constituaient les tests.

C’était relativement simple. Première évaluation, l’habileté. Les Champions seront jugés en fonction de leur capacité à vaincre leurs attaquants, de leur adresse et du temps qu’il leur faudra pour remporter la bataille. Elle remarqua un groupe d’une vingtaine de statues se tenant en ligne à l’extrémité gauche de la cour, un grand demi-cercle de sel noir s’étendant en éventail autour d’eux.

C’était un endroit très étroit pour se battre. Elle savait que ce sel, quel qu’il soit, obligerait le Champion à rester à l’intérieur du cercle jusqu’à ce que la tâche soit accomplie.

Ils n’auraient nulle part où fuir.

 

La deuxième épreuve était celle de la force mentale, et Astoria dut cacher sa grimace derrière sa vitre tandis qu’Ombrage soulignait avec plaisir les détails de l’épreuve. Le même sel noir bordait le centre de la cour, cette fois en forme de huit. Une pierre noire palpitante se trouvait sur un piédestal à l’endroit où les lignes se croisaient au centre.

En ricanant, la femme en rose s’exclama que les Champions avaient le choix entre placer leur main sur la pierre et subir une malédiction semblable à celle du Doloris, ou la lâcher et forcer leur Collatéral à subir la malédiction. Cette fois-ci, la limite de temps était de cinq minutes, donc Astoria ne pensait pas que quelqu’un serait tué.

Mais cinq minutes pouvaient sembler une éternité lorsque les terminaisons nerveuses d’une personne étaient brûlées vives.

Pourtant, elle ne pensait pas que la question était de savoir si les Champions allaient lâcher prise, mais plutôt quand. Car le corps n’obéit pas toujours à la volonté de l’esprit. Tôt ou tard, l’instinct leur coupera l’herbe sous le pied.

Ombrage ne précisa pas comment les points seraient calculés pour cette tâche, ni ce qui serait considéré comme une réussite ou un échec.

Peut-être que cela n’avait pas d’importance.

 

Daphne serra légèrement la main d’Astoria, sentant la nausée monter. Astoria n’était pas faite pour assister à des tortures.

Certains diraient que c’est dû à un traumatisme, elle préférait penser que c’était par pure décence.

Malgré sa proximité avec le Seigneur des Ténèbres, elle avait vu peu de gens se faire torturer au cours des trois dernières années. Une partie d’elle est convaincu que c’est parce que le Seigneur des Ténèbres souhaitait la garder à l’abri. Il la considérait comme trop délicate pour supporter de telles choses. L’autre partie, celle qu’elle garderait pour elle, pensait qu’il ne voulait pas qu’elle le voie comme le monstre qu’il était vraiment. Comme si elle ne le savait pas déjà.

Elle éprouvait une satisfaction tordue à l’idée qu’il puisse se soucier de ce qu’elle pensait de lui. Elle l’avait conditionné de cette façon, après tout.

Contrairement à sa sœur, Astoria avait réussi à garder les mains propres. Elle n’avait pas besoin de servir en faisant couler le sang, elle servait en suscitant l’admiration.

Il était difficile de forcer l’admiration face à la torture.

 

Son verre était vide quand Ombrage expliqua la dernière épreuve. Une épreuve de peur. Un autre demi-cercle de sel noir à l’extrême droite. Un coffre verrouillé en son centre. Un Épouventard.

Quel originalité étonnante !

Les Champions avaient deux minutes pour enfermer l’Épouventard dans la boîte, mais ils ne pouvaient pas lancer le charme Riddikulus, le seul sortilège connu pour se défendre contre la créature.

Il s’agissait d’une réussite ou d’un échec et, en fin de compte, d’un simulacre. C’était une excuse pour découvrir les peurs de leurs concurrents Champions afin de les utiliser contre eux.

Astoria ne se souciait guère de tout cela, mais elle se redressa tout de même, sachant que Draco avait besoin de toutes les informations possibles pour améliorer les chances de Granger.

 

" Qu’en dites-vous, ma chère ? " Le sifflement sirupeux du Seigneur des Ténèbres lui caressait l’oreille.

Elle se relâcha sur son épaule, forçant un sourire radieux.

" C’est palpitant, n’est-ce pas ? " murmura-t-elle avec enthousiasme.

Il lui effleura affectueusement la joue, ses ongles acérés traînant sur sa peau.

" Je suis satisfait que tu le penses ". Il médita, se penchant en arrière pour boire une gorgée de vin.

Astoria se rapprocha de lui pendant qu’il chuchotait à Draco, s’efforçant de saisir les mots.

Ses tentatives furent interrompues par l’annonce du premier Champion, Dennis Crivet.

Son cœur tressaillit.

 

Dennis était en même temps qu’elle à Poudlard. Ils suivaient ensemble les cours de soins aux créatures magiques. En troisième année, ils étudiaient l’un des Sombals de Hagrid - une jument enceinte qu’aucun d’entre eux ne pouvait voir.

Astoria pensait qu’il n’y avait peut-être pas de jument du tout, qu’il s’agissait d’une blague que le demi-géant jouait aux élèves. Mais un jour, les cours furent annulés et Hagrid disparut pendant une semaine entière. Lorsqu’il revint, il annonça en larmes que la jument avait accouché d’un mort-né et que, malheureusement, l’évaluation du poulain n’était plus nécessaire.

Tous les élèves de la classe étaient ravis que leur évaluation soit annulée. Tout le monde sauf Dennis, qui s’est effondré en larmes de façon inattendue.

À l’époque, Astoria avait du mal à comprendre pourquoi le garçon pleurait une créature qu’il ne pouvait pas voir et un bébé qui n’avait jamais vécu. Astoria n’avait jamais su que les gens pouvaient être aussi empathiques.

Elle ne vit rien de cette empathie lorsque Dennis entra pour la première fois dans la cour. C’était un homme maintenant, grand et hirsute. Il était nerveux, mais ses yeux avaient une profondeur qui paraissait étrangère sur ce visage juvénile.

Dolohov entra dans la cour, chuchotant agressivement au Champion tout en activant la baguette de Dennis.

Tout se passa très vite.

 

Dès que Dolohov sortit de la cour, les statues s’animèrent et commencèrent à attaquer Dennis.

Le sorcier se déplaça d’abord maladroitement, pris au dépourvu par leur nombre, avant de trouver son rythme. Il esquivait les coups, se faufilait entre les malédictions, lançait des sorts et des maléfices en rafale.

Il était bon, meilleur qu’elle en tout cas. Mais Astoria n’était pas la mieux placée pour en juger. Sa sœur l’observait avec ennui, Blaise se dégourdissait la nuque et Voldemort ne levait même pas les yeux de sa conversation avec Draco.

Lorsque la dernière statue tomba, Dennis chancela sur ses pieds. Ses robes étaient déchirées et une entaille coulait de son front, mais il se tenait toujours debout.

Un passage.

 

Astoria garda les yeux baissés pour la suite, la bile lui remontant dans la gorge. Elle essayait de regarder n’importe quoi, n’importe où. Tout sauf le garçon qu’elle connaîssait en face d’elle et qui avait hurlé lorsque sa main était entrée en contact avec la pierre. Il avait tenu le coup aussi longtemps qu’il l’avait pu, et cela se voyait dans la façon dont il s’agrippait de toutes ses forces à la surface sombre. Mais ses jambes cédèrent, arrachant sa main de la pierre. Un autre cri s’éleva, celui de son Collatéral, Cormac Mclaggen.

Bien qu’il ne soit plus sous la torture, Dennis continue de crier en regardant son partenaire souffrir à cause de son échec.

Pour Dennis, le pauvre Dennis compatissant, ce fut une véritable torture.

La foule applaudit lorsque les cris s’arrêtent, stimulée par la violence. Astoria applaudit par politesse, se demandant comment elle allait bien pouvoir assister à quatorze autres scènes de ce genre.

Un autre plateau passa en coup de vent. Un autre verre se bloqua dans sa main.

Dennis entra pour la dernière tâche, toujours en sanglotant, tandis que la forme décharnée de Cormac était traînée hors de la cour.

L’Épouventard se transforma rapidement, prenant la figure de personnes qu’elle ne reconnaissait pas. Un garçon blond avec un appareil photo cassé. Une femme à qui il manquait la moitié inférieure. Le cadavre mutilé d’une autre Championne, la fille aux cheveux auburn, sortant d’une tombe pour accuser le sorcier de ne pas l’avoir sauvée.

Le sorcier se contenta de sangloter jusqu’à la fin du temps imparti. Il ne leva même pas les yeux lorsqu’on lui prit sa baguette et qu’on l’emmena.

 

Le Seigneur des Ténèbres se leva, faisant signe à Ombrage et à Bagman de le rejoindre dans le coin le plus éloigné. Ils baissèrent la tête en signe de soumission tandis qu’il leur murmurait des mots à l’abri des oreilles.

Pansy s’approcha précipitamment.

" Ok, j’ai demandé aux elfes d’aller chercher des biscuits " dit-elle. " Comment est le vin ? Il nous en faut plus ? Lequel est… "

" Tais-toi Pansy ", l’interrompit froidement Daphné.

Pansy blanchit.

" Excusez-moi ? "

Le visage de la sorcière passa de l’indignation à la colère, puis au choc, tandis qu’elle fixait ses amies. En voyant leur expression sérieuse, elle recula, soudain peu sûre d’elle.

" C’est si grave que ça ? demanda Pansy en jetant un coup d’œil derrière elle vers la cour vide.

Astoria ferma les yeux, luttant contre les cris de Dennis qui résonnaient en boucle dans son esprit.

" Pansy ? murmura doucement Astoria. " Pourquoi ne vas-tu pas t’asseoir dans la cuisine avec les elfes ? Tu n’as pas besoin d’être ici. "

Pansy se déplaça sur ses pieds, les yeux brillants.

" Non ", répondit-elle en levant le menton en signe de défi. " Je reste ici avec toi.

" Pans ", avertit Blaise.

" Non ", répliqua Pansy. " J’en ai marre que vous me laissiez de côté tous les quatre. Ce n’est pas parce que je ne suis pas une Héritère que je n’ai pas le droit d’être ici. "

" Ce n’est pas ça. Ce n’est pas… "Astoria soupira.

" Pansy, va t’asseoir au fond " l’interrompit Draco, sa voix ne laissant aucune place à la discussion.

" Mais… "

" C’est un ordre ", dit-il.

Les yeux de Pansy se remplirent de larmes.

" Très bien " siffla-t-elle en partant en trombe.

 

Astoria se mordit la langue pour ne pas tenter de la rattraper. Elle n’avait qu’une envie : poursuivre la sorcière et la consoler. Quitter cet endroit et se disputer pour des choses aussi stupides que des biscuits et du fromage.

Mais elle avait le devoir d’être ici. Pas Pansy.

Pansy avait la liberté de partir.

Les épreuves reprirent de plus belle et tout ce qu’Astoria pouvait faire était de s’asseoir et de regarder. Un petit sourire bien rodé restait figé sur son visage, lui faisant mal aux joues.

Seamus Finnegan fut le suivant. Puis Padma, ou plutôt Parvati ? Puis George Weasley.

Tous s’affrontèrent férocement, utilisant un mélange de magie noire et de magie douce.

Leur deuxième épreuve se déroula dans un concert de cris et de hurlements - aucun d’entre eux ne parvint à dépasser les trois minutes.

Seamus fut tout de même contraint de toucher la pierre, bien qu’il n’ait aucune possibilité de l’utiliser contre lui. Ce dont Bellatrix l’avait menacé en lui rendant sa baguette avait dû être une motivation suffisante.

Astoria se concentra sur la dernière épreuve, celle qui offrait le plus d’informations. Elle remarqua que les autres Disciples, et le Seigneur des Ténèbres lui-même, cessaient de bavarder pour observer attentivement.

Personne ne voulait perdre l’occasion de découvrir les faiblesses du Champion.

Seamus était relativement prévisible - la vision récurrente de Dean Thomas illuminé de vert.

La jumelle, Padma apparemment, fixait un homme aux yeux semblables aux siens. Même s’ils étaient froids et vides alors qu’il balançait des verres et des flacons vides avec rage.

 

George Weasleys était le plus troublant jusqu’à présent. En face de lui se tenaient des enfants brûlés aux membres déchirés. Ils ne parlaient pas, ne bougeaient même pas. Ils se contentaient de les regarder brûler.

Tous ne réussirent pas à vaincre l’Épouventard.

Lorsque le Champion suivant fut appelé, Astoria fut prise de nausées. Le mélange de champagne et d’effroi décimait son estomac.

Elle ne comprenait pas comment Daphné faisait. Comment elle pouvait avoir l’air si ennuyée. Comment elle pouvait regarder sans en subir les conséquences. Sans état d’âme.

Était-elle vraiment devenue si insensible au fil des ans ? Comment avait-elle pu ne pas le voir ?

Elle pensait que sa sœur était forte. Elle pensait que Daphné lui cachait ses atrocités, qu’elle se réfugiait derrière des barrières comme les autres.

Mais peut-être que ce n’était pas le cas. Peut-être qu’Astoria avait tort.

Peut-être que Daphné était telle qu’elle avait toujours été perçue. Parfaite et sereine. Le dos droit, même quand personne ne la regardait, comme Astoria avait pu le voir quand elle était petite.

Les yeux secs alors qu’elle observait les gens se briser.

Astoria ne put détacher son regard de l’entrée du cinquième Champion. Celui de l’Épouventard de Dennis, une jeune femme nommée Susan.

 

Astoria n’avait jamais entendu parler de cette sorcière avant le tournoi, membre de l’Ordre à un échelon hiérarchique inférieur. Mais elle devait avoir quelque chose de particulier si la Coupe avait choisi son nom.

Alors que son épreuve commençait, Astoria se rendit compte que presque personne - à part elle-même et Macnair - n’y prêtait attention. Les discussions allaient bon train, les sorciers et sorcières se levaient de leur siège pour se mêler aux autres et manger.

C’était comme s’ils s’étaient déjà désintéressés de la situation.

Susan, et ce fut tout à son honneur, avait terminé ses épreuves avec excellence. La meilleure qu’Astoria ait vue jusqu’à présent. La sorcière avait utilisé une barrière pour dévier les sorts pendant son duel, les malédictions ricochant et frappant les statues sans avertissement.

Elle avait tenu trois minutes et vingt secondes sur la pierre. Presque une minute entière d’avance sur les autres.

Elle parvint même à vaincre son Épouventard, en utilisant un sort de ligotage pour lutter contre la copie du Seigneur des Ténèbres, avant de la faire léviter jusqu’à la malle.

Et pourtant, personne ne semblait s’en soucier.

La sorcière était insignifiante et sans importance. Et avec un Disciple de rang inférieur comme Macnair, elle n’était pas une concurrente importante pour le Tournoi.

Le Seigneur des Ténèbres se contenta de jeter un coup d’œil dans sa direction alors qu’elle battait son sosie.

" Tout va bien ? " Draco hésita tandis que Susan était escortée vers la sortie.

"  Bien "  marmonna Astoria, levant son verre pour constater qu’il était vide.

Il lui jeta un regard dubitatif mais resta patiemment silencieux.

" Champion, Theodore Nott. Disciple, Astoria Greengrass " annonça Ombrage.

Un creux se creusa dans sa poitrine et Astoria manqua de peu de tomber dedans.

Daphné se raidit à ses côtés lorsque leur ami d’enfance entra dans la cour. Blaise resta d’un mutisme frappant, les yeux rivés sur la silhouette qui s’approchait.

Le Seigneur des Ténèbres se retourna joyeusement, lui adressant un sourire d’encouragement alors que toutes les têtes se tournaient vers elle, impatientes d’en découdre.

Astoria était debout, les jambes flageolantes, la main de Draco la rassurant légèrement.

" Tu peux le faire " murmura-t-il doucement.

 

Submergée par la peur, Astoria franchit la barrière et se dirigea vers Theodore Nott.

Bien qu’extérieurement, elle savait qu’elle avait l’air calme, intérieurement, elle hurlait. Ses émotions brouillaient sa vision et Astoria ne pouvait même pas se résoudre à regarder son Champion dans les yeux alors qu’il lui présentait sa main.

Elle regarda sa paume tendue, les cicatrices recouvrant ses articulations. Elle se demanda quand cela s’était produit, comment il les avait eues. Si elles étaient apparues il y a quelques mois ou le jour où il était parti.

Elle n’avait vu aucun signe avant-coureur. Le matin même, ils avaient pris leur petit-déjeuner ensemble, discutant du bon rapport sucre-thé à la même table que ses parents. Il semblait aller bien. Heureux, même.

Elle se demanda s’il avait déjà prévu de partir ce soir-là, s’il savait que c’était la dernière fois qu’il la voyait.

Comment avait-elle pu ne pas le savoir ?

Elle lui arracha la baguette des mains, ses mouvements se précipitèrent tandis qu’elle marmonnait l’incantation pour débrider sa baguette. Le lien qui reliait son python et sa baguette à elle bourdonna, une bouffée de magie la traversant.

Voulant partir, Astoria lui remit la baguette dans le creux de la main, son pouce effleurant sa paume. Une petite secousse passa entre eux à l’endroit où leur peau entra en contact et Astoria dut retenir son souffle.

" Merci ", dit Theo poliment. Sa voix était douce, mais elle la transperçait comme un couteau. Cette familiarité.

 

Ravalant la boule dans sa gorge, Astoria retourna s’asseoir. Elle avait le cœur lourd et la tête qui tournait.

Il avait la même senteur. Comment pouvait-il encore avoir la même odeur ?

Le bois de chêne et le linge fraîchement lavé. Des notes sourdes de bois brûlé et de firewhisky. Une sensation de chaleur qui persistait longtemps après la fuite de la source.

Et Merlin, ça faisait mal.

 

Astoria ne réagit pas lorsque le Seigneur des Ténèbres la guida jusqu’à son siège, sa main froide griffant le tissu fin de sa robe.

Il s’assit à côté d’elle, le menton hautain. Elle m’appartient, disait-il. Sa petite poupée.

Un silence s’abattit sur la foule lorsque Théo entra dans le premier cercle. Il empoigna sa baguette paresseusement, un air d’indifférence parcourant son corps. Nombreux étaient ceux qui avaient vu le Champion à l’œuvre. Plus nombreux encore étaient ceux qui avaient entendu les échos de ses exploits.

Théo était tristement célèbre bien avant sa trahison. Il ne lui avait fallu qu’un an pour entrer dans le cercle intérieur du Seigneur des Ténèbres, et trois mois de plus pour être promu anneau d’argent. Un exploit stupéfiant pour un si jeune homme. L’encre sur son poignet avait à peine séché qu’il abattait sa première victime.

Les anneaux d’argent ne sont que cinq. Les combattants les plus impitoyables du Seigneur des Ténèbres. Bellatrix fut promue la première. Suivie par Nott Senior et Rodolphus Lestrange. Draco vint ensuite, surprenant tout le monde à l’époque.

Et enfin, Theo.

" Commencez ", annonça Ombrage.

 

Théo frappa avant même que les statues ne fassent un pas. Il était comme flou, se tournant et se retournant tandis que des étincelles jaillissaient de sa baguette.

" Bombarda ! " " Aguamenti " " Confringo ! "

 

Il était plus rapide que dans ses souvenirs. Plus fort. Il jetait des sorts qu’elle ne reconnaissait même pas, lançait des malédictions sans les prononcer à voix haute.

Les statues furent anéanties en moins d’une minute, ne laissant qu’un amas de pierres.

Le sorcier balaya une mèche de cheveux tombée devant son visage, respirant calmement tandis qu’il faisait tourbillonner sa baguette.

Il tapait impatiemment du pied tandis que la foule murmurait, ses yeux scrutant la foule avant de se poser sur elle.

Il sourit.

Il souriait comme si rien n’avait changé. Comme s’ils étaient toujours amis. Comme s’il ne venait pas de la détruire à nouveau.

" Connard " murmura Daphné.

 

Blaise leva son verre en signe de confirmation, renversant le reste du contenu dans sa gorge.

Astoria parvint à détourner les yeux de son Champion, une boule dans la gorge. Elle jeta un rapide coup d’œil au Seigneur des Ténèbres à côté d’elle et s’aperçut qu’il l’observait attentivement.

Elle lui adressa un bref soupir et un roulement de paupières. Elle ignora le sourire de Théo comme s’il n’était rien d’autre qu’une pauvre démonstration d’intimidation.

Le Seigneur des Ténèbres soutint plusieurs fois son contact visuel, avant de se retourner en direction de la place. Elle retint un souffle de soulagement. Peu importe la nature de l’épreuve, elle l’avait réussie.

Sur l’ordre d’Ombrage, Théo s’engagea dans le huit pour entamer la l’épreuve, et se tourna vers un moldu tremblant. De son point de vue, Astoria ne pouvait pas voir son visage, mais ses épaules et ses jambes tremblantes lui indiquaient qu’il était en train de pleurer.

 

Si on ne lui avait pas dit que cet homme était le cousin de Harry Potter, elle ne l’aurait jamais deviné. Il était à l’opposé de Potter sur tous les plans. Petit, rondouillard, c’était clairement un lâche. Alors qu’il tombait à genoux et suppliait Théo, elle réalisa qu’il n’y avait même pas de dignité dans son sang moldu.

Théo n’hésita pas lorsque le test commença. Il s’avança vers la pierre, les bras tendus, et Astoria jura que son cœur s’arrêtait.

Son index effleura la pierre, son bras tressaillit puis retomba sur le côté. Astoria pensa qu’il avait dû le déplacer à la dernière tâche, ayant besoin d’un moment pour se ressaisir. Mais les cris des Moldus percèrent l’air.

Théo avait touché la pierre, mais seulement une seconde.

Il se contenta d’attendre le reste du temps en assistant à la torture de l’homme qu’il avait condamné

Des rires éclatèrent dans les rangs derrière elle, se délectant de la torture pratiquée sur les Moldus. Astoria voyait des sourires partout, certains se précipitaient pour voir de plus près. Elle força un gloussement à sortir de sa gorge, mais il avait un goût de vomi.

 

La plupart des Disciples restaient silencieux, avoir été témoin de tortures presque tous les jours avait tendance à rendre les choses moins amusantes.

Seule une poignée de visages, ceux de la presse et des familles de sang-pur en visite pour la plupart, se colorèrent d’une légère teinte verte.

Ils n’étaient pas habitués à la torture.

Elle non plus, mais elle avait un rôle à jouer. Elle termina donc son verre et se força à regarder la scène de démence.

Le moldu perdit connaissance vers la deuxième minute, une tache humide s’étalant sur son pantalon.

Théo resta planté là. Les mains dans les poches. La tête penchée sur le côté.

Il observait.

 

Astoria ne savait pas pourquoi cela la dérangeait plus que tout. C’était si loin du Théo qu’elle avait connu. C’était un garçon plein de chaleur. Préférant les livres au quidditch, les mots aux poings, la gentillesse à la cruauté.

Il n’avait jamais été un monstre. Pas pour elle.

 

Elle avait entendu parler de son efficacité au combat. Elle avait vu le sang sur ses robes. Elle avait même assisté à son entrée dans les Anneaux d’Argent.

Pourtant, ces événements n’étaient pas en adéquation avec ce qu’elle pensait. Il y avait un fossé. Un gouffre.

Il y avait le Théo qu’elle connaissait et celui qu’elle ne connaissait pas.

Mais elle connaissait le vrai, l’autre n’était pas réel. Elle ne le voyait pas, donc il n’existait pas.

Théo était gentil.

 

Même après sa trahison, elle est restée persuadée qu’il reviendrait. Ce n’était qu’un grand malentendu.

Il était gentil.

Il ne les quitterait pas. Il ne l’aurait pas abandonnée.

Il était gentil.

 

C’était l’autre Théo qui était parti. Son Théo reviendrait. Il reviendrait. Il allait revenir. Mais il ne le fit pas. Et cela leur avait tout coûté. Il lui avait fallu beaucoup, beaucoup de temps pour se réconcilier avec ce fait. Pourtant, une partie d’elle s’accrochait encore à la croyance qu’il avait une bonne raison.

Parce que Théo était gentil.

 

Mais lorsque le procès se termina et qu’il marcha vers le cercle final, Théo ne se retourna pas. Pas même lorsque le corps inconscient du moldu fut traîné au loin, le sang jaillissant de son nez et de ses oreilles.

Il ne regardait pas derrière lui.

 

Astoria s’est alors repliée sur elle-même, laissant les sons et les images se fondre en couleurs sourdes et en bruits blancs.

Elle ne sentit rien lorsque le verrou se leva et que l’Épouventard jaillit. Elle n’entendit pas les cris de surprise lorsque son Champion lança un sort qui le plongea, lui et son Épouventard encore en mouvement, dans un nuage de ténèbres. Elle ne réagit pas lorsque le brouillard se dissipa, révélant le sorcier perché sur le coffre désormais scellé.

Des grognements de déception résonnèrent au loin lorsqu’elle entra dans la cour. Il lui passa sa baguette, elle marmonna le sort. Elle crut l’entendre dire quelque chose.

Avait-il dit quelque chose ?

 

Elle l’ignora et lui rendit sa baguette, qui était désormais bridée, en prenant soin de ne pas le toucher cette fois.

Elle se détourna et repartit au moment où les gardes venaient le chercher.

Elle ne se retourna pas.

 


 

Chapter Text


Toilettes des Filles


 

Londubat. Chang. Finch-Fletchler.

Première épreuve. Passer.

Deuxième épreuve. Échec.

Troisième épreuve. Échec.

Combat. Torture. Larmes.

Des cris de culpabilité et des visages d’êtres chers décédés ou mourants qui se transformaient.

Astoria ne pensait pas pouvoir en supporter davantage.

Lovegood allait et venait, transformant une à une les statues en bois pourri. Un sort inconnu qu’elle répétait jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. Ennuyeux, mais efficace.

 

La sorcière avait adopté la même approche que Théo, bien qu’elle n’ait vu aucun des Champions qui l’avaient précédée. Elle avait au moins la décence de poser toute sa paume sur la pierre avant de la retirer rapidement.

La troisième épreuve fut extraordinaire. Les forces qu’elle avait économisées en s’abstenant lors de la deuxième épreuve lui permirent de lancer un Incendio féroce. Si puissant qu’Astoria avait d’abord cru qu’il s’agissait de Feudemon L’Épouventard fut frappé par la vague de chaleur dès que le couvercle se souleva, ce qui incita la créature à le laisser retomber astucieusement, comme si elle ne pouvait pas se donner la peine d’essayer d’effrayer la sorcière.

Mais le couvercle s’était ouvert. La sorcière était passée.

Ginny Weasley vint ensuite. Astoria avait du mal à comprendre que la sorcière se trouvait à quelques mètres d’elle. Ginny Weasley était devenue une sorte de légende vivante. Amoureuse de Harry Potter. Tueuse d’hommes. Impitoyable sur le champ de bataille.

Astoria ne l’avait jamais vue se battre, bien sûr, mais elle avait entendu les rumeurs.

Ginny Weasley était sans pitié.

 

La sorcière confirma rapidement que c’était vrai. Elle maniait sa baguette comme s’il s’agissait d’une extension d’elle-même, maudissant et jetant des sorts aux statues avec des mouvements fluides. Ses sortilèges étaient moins spectaculaires que ceux de Théo, mais elle n’avait pas besoin d’être performante. En éliminant ses adversaires sans autre forme de procès que les techniques de base, Weasley se battait avec une concentration sans faille. Elle aurait même pu rivaliser avec Drago, s’il n’avait pas eu l’avantage d’être un Legilimens.

Le combat se termina rapidement.

Astoria jeta un regard à Greyback, qui l’observait d’un air suffisant. Il était presque évident que son Champion se classerait parmi les trois premiers.

Astoria pensa que le loup-garou devait se sentir un peu fier de lui. Il avait été choisi pour remplacer Theo dans les Anneaux d’Argent après sa trahison. Mais le Seigneur des Ténèbres avait laissé la place vacante, choisissant de laisser Greyback à la périphérie du cercle intérieur, malgré ses années de service.

Le loup était furieux, bien qu’elle ne sache pas pourquoi il était si étonné. C’était une créature. Les créatures ne s’élevaient pas au-dessus des sorciers. Le Seigneur des Ténèbres ne l’aurait jamais autorisé à diriger ses disciples.

 

Le Tournoi était la porte d’entrée de Greyback, et Ginny Weasley était son ticket d’or.

Un cri aigu attira l’attention d’Astoria vers la cour. Les gardes traînaient un petit corps aux cheveux changeants, ses petites jambes battant sauvagement la mesure alors qu’ils le jetaient dans le huit.

" Teddy ! cria Weasley en se précipitant vers lui.

Oh non. Oh non non non non.

" Maman ! " sanglota le petit garçon en frappant de son petit poing la barrière invisible qui les séparait.

 

La sorcière luttait désespérément pour l’atteindre, mais le bouclier était immunisé contre tous les sorts qu’elle lançait.

A son grand effroi, Ombrage annonça les règles de la première épreuve.

La sorcière s’effondra en sanglotant, enfonçant ses ongles dans le sol en essayant de se frayer un chemin sous la barrière.

Astoria n’avait jamais vu un acte aussi désespéré. Une sorcière, qui comprenait parfaitement les lois de la magie, avait recours à des moyens primitifs moldus.

Les barrières magiques ne pouvaient pas être creusées. Weasley le savait.

Pourtant, elle griffa le sol de pierre. Elle griffa jusqu’à ce que ses doigts saignent.

Elle griffa pour rien alors qu’Ombrage la faisait léviter jusqu’à l’autre extrémité du huit.

 

Astoria ne pouvait pas le faire. Pas ça. Pas un enfant.

" Maman !

 

Son corps bougea sans réfléchir, une force inconnue la poussant vers le haut.

" Qu’est-ce que tu fais ? "  siffla Daphné, agrippant sa robe pour la faire redescendre.

 

Mais Astoria resta debout, constatant qu’elle n’était pas la seule.

Plusieurs dignitaires étrangers se précipitèrent hors de la salle d’observation, le visage couvert de cendres et se serrant l’estomac. D’autres spectateurs poussèrent des cris de protestation, plaidant pour que le test n’ait pas lieu.

Leurs cris se chevauchaient, un flot continu de protestations se mêlant aux cris de l’enfant condamné.

" Vous ne pouvez pas faire ça ! "

" Ce n’est qu’un enfant… "

" Arrêtez ! Arrêtez ça… "

 

Une femme hurlant des obscénités fut attrapée par deux gardes qui la traînèrent avec force hors de la pièce. Une autre prit sa place, et ses cris furent interrompus lorsque son mari lui plaqua la paume de la main sur la bouche. Ses yeux se voilèrent de panique lorsque d’autres gardes s’approchèrent et qu’il traina maladroitement sa femme derrière lui.

" Elle ne l’a pas fait exprès ! balbutia-t-il dans un épais accent allemand.

 

Mais le mal était fait.

L’un après l’autre, tous les sorciers et toutes les sorcières qui émettaient un son furent écartés, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’Astoria debout.

Weasley et le garçon continuaient à se crier dessus, le test n’étant plus qu’à quelques secondes.

Astoria se retourna lentement, une larme égarée glissant sur sa joue. Elle regarda alors le monstre qu’elle avait apprivoisé et ne prononça qu’un seul mot.

" S’il vous plaît ".

Le regard du Seigneur des Ténèbres était vide et Astoria sentit les poumons de tous les occupants restants retenir leur souffle.

 

Ne disant rien, il tourna la tête vers la cour. Le message était clair.

Rompez.

La sorcière entendit l’expiration brutale de sa sœur et sa main lâcha le tissu de la robe d’Astoria.

Daphné ne la regarda pas tandis qu’elle s’éloignait. Se ranger du côté de sa sœur était une condamnation à mort. Elle ne bénéficiait pas du même privilège qu’Astoria.

Blaise tressaillit lorsqu’elle se retourna, comme s’il voulait l’attraper.

 

Draco resta immobile comme la pierre. Son regard était aussi vide que celui de son maître.

Le dos droit et les jambes flageolantes, Astoria se dirigea vers la sortie en tremblant. Elle toisa les gardes restants qui la regardaient passer impassiblement. Les épaules tendues, elle attendait qu’ils se jettent sur elle. Que le Seigneur des Ténèbres donne un signal. Un jet de lumière rouge.

N’importe quoi.

 

Mais elle s’enfuit intacte, esquivant au dernier moment Narcissa Malefoy qui la regardait silencieusement près de la porte. La sorcière était presque une ombre, se fondant dans la structure de l’arcade.

La matriarche vivait désormais dos aux murs, comme si elle craignait que quelqu’un ne surgisse derrière elle. Celle qui était autrefois le joyau de la haute société était désormais une femme déchue. Astoria ne se souvenait pas de la dernière fois où la sorcière avait attiré l’attention sur elle.

Leurs regards se croisèrent un instant, une image reflétant ce qui avait été et ce qui pourrait être, avant qu’Astoria ne disparaisse de son champ de vision.

Enfin, capable de respirer, Astoria trébucha dans le couloir. Les sanglots du garçon s’éloignaient de plus en plus. Les cris de ceux qui avaient été emmenés s’amplifiaient.

Une femme hurlait à l’agonie.

 

Astoria ne savait plus où aller.

Au détour d’un couloir, elle aperçut une porte familière, celle qui menait aux toilettes des filles. Elle y avait pleuré une fois, après avoir appris que son année n’avait pas atteint l’âge requis pour participer au bal de Noël.

Une chose si insignifiante pour laquelle elle avait pleuré.

Franchissant la porte, elle se précipita vers le lavabo et plongea ses mains dans l’eau froide. Elle s’aspergea le visage à plusieurs reprises comme si elle pouvait effacer les choses qu’elle avait vues. Les bruits qui la suivaient.

 

Le tintement d’un verre résonna derrière elle et elle se retourna, surprise.

" Je ne pensais pas que tu te joindrais à moi " bredouilla Pansy, une bouteille de rouge à la main, perchée à côté de la vasque.

La sorcière était manifestement ivre. Encore une fois.

La chevelure lisse de Pansy était ébouriffée comme si elle s’était passé les mains dans le cuir chevelu. C’était la seule indication que la sorcière n’était pas dans son assiette, son maquillage étant toujours aussi impeccable.

Elle tapota l’endroit à côté d’elle, bouteille tendue.

" Tu en as eu assez ? " Elle esquissa un sourire, même s’il n’était pas très franc.

 

Astoria prit la bouteille et la but avant de relever ses jupes et de se percher à côté de la femme ivre.

Elle crut entendre une toux provenant d’une des cabines de la salle de bain. Le bruit de la rencontre de morceaux souillés avec de l’eau résonnait dans la grande salle de bains.

Les deux femmes restèrent assises en silence pendant un moment, se passant la bouteille d’un côté à l’autre tandis que la mystérieuse occupante continuait à vomir le contenu de son estomac.

 

Pansy rompit le silence.

" Ils ont fait entrer le gamin, n’est-ce pas ? " demanda-t-elle, la voix sérieuse.

Astoria acquiesça, incapable d’exprimer ce qu’elle ressentait.

Les bruits de régurgitation s’amplifièrent, la source s’étouffant et bafouillant.

" Qui est-ce ? demanda-t-elle.

 

Pansy se contenta de hausser les épaules.

" Aucune idée. Ça fait un moment qu’elle est là-dedans. "

Astoria avala son grognement d’un trait, inclinant la bouteille vers le plafond. La chaleur se répandit dans son ventre, le frisson de l’alcool engourdissant la blessure émotionnelle laissée par les tests.

Elle maudissait son maître de l’avoir choisie comme Héritière. La sorcière pouvait avoir de l’influence, mais elle n’était pas un chef. Il le savait certainement.

Alors pourquoi était-elle ici ? Pourquoi, après toutes ces années, avait-il décidé que le moment était venu pour elle de rejoindre la mêlée ? Pour la tacher de sang rouge après avoir pris tant de soin à la garder immaculée ?

S’il s’agissait d’un nouveau test, elle savait qu’elle échouerait.

 

D’un geste de la main, Pansy convoqua un plateau de fromage et de crackers et le tendit.

Astoria souffla un rire.

" Tu sais que le Seigneur des Ténèbres n’aime pas le fromage, n’est-ce pas ?

La sorcière se pencha en arrière, faisant mine de s’indigner, tandis que ses yeux s’illuminaient d’un rire à peine contenu.

" Espèce de salope ", souffla-t-elle. " Il aurait pu me tuer pour ça, tu sais. "

" Quoi, pour avoir ajouté du fromage au buffet ? "

" Et des crackers " chuchota Pansy comme s’il s’agissait d’un vilain secret.

Les filles tombèrent dans une explosion d’hystérie alcoolisée, se mettant à plat ventre et se serrant le ventre. Les larmes ruisselaient sur le visage d’Astoria, dont le corps tremblait.

Il lui fallut plusieurs instants pour réaliser qu’entre deux rires, elle s’était mise à pleurer.

 

Pansy se taisait à côté d’elle, une main douce faisant des cercles dans son dos.

" Je ne crois pas que je puisse faire ça " s’étouffa Astoria, et elle se détesta pour cela. Pour ne pas avoir été capable de supporter pendant quelques heures ce que les autres avaient enduré pendant des années. Pour s’être laissée attendrir par ses faveurs.

" Tu peux " la rassura simplement Pansy, comme si elle y croyait vraiment.

Elles retombèrent dans le mutisme, la culpabilité s’accrochant à elles comme une fumée rance. Au bout du couloir, leurs camarades de classe, un enfant, se faisait torturer en public - alors qu’elles s’étaient cachées dans la salle de bain en se noyant dans le vin.

Une héritière protégée par son père, réconfortant ce qui est sans doute la femme la plus privilégiée de toute la Grande-Bretagne, pleurant sur les positions précaires pour lesquelles d’autres tueraient.

Ils détournent la tête pour ne pas voir la réalité du monde auquel ils contribuent.

Le bruit d’une serrure rouillée qui tourne attire l’attention des filles, et c’est là, au fond de la salle de bains, que se traina une Rita Skeeter pâle et ébouriffée.

L’infâme journaliste s’approcha tranquillement du lavabo à côté de Pansy et commença à se laver les mains. Elles tremblaient faiblement sous l’eau, la sorcière d’habitude pleine d’entrain gardant la tête baissée tandis que ses mains restaient molles, l’esprit de Rita étant manifestement ailleurs.

Astoria ne put s’empêcher de regarder la trace de vomi dans sa manche.

Il semblait que les filles n’étaient pas les seules à avoir été prises au dépourvu par les horreurs des épreuves.

 

Pansy soupira doucement avant de tendre un biscuit sec à la sorcière inoccupée. Une sorte d’offrande de paix.

" Cela t’aidera à calmer ton estomac " insista-t-elle, d’une bienveillance inhabituelle envers la sorcière qu’elle considérait comme sa némésis professionnelle.

Rita prit l’offrande et la grignota légèrement, son rouge à lèvres tachant la surface. Lorsqu’elle eut terminé, Pansy lui en donna une autre et fit apparaître un verre d’eau.

Les trois femmes se fixèrent entre les éviers au fur et à mesure que les heures passaient. Deux d’entre elles étaient perchées sur le meuble, l’autre s’y appuyait. Elles alternaient les propositions de vin, d’eau et de biscuits recouverts de fromage.

Elles passaient et avalaient, passaient et avalaient.

 

Peut-être que s’ils en consommaient suffisamment, cela leur permettrait de se sentir à nouveau en pleine possession de leurs moyens.

" Astoria ", appela une voix tranchante depuis l’entrée.

La sorcière sauta rapidement du comptoir, reconnaissant la voix mais pas le ton.

Narcissa Malefoy se tenait dans l’entrée, un pas sur le côté et le dos au mur. Les mains croisées et le menton relevé.

" C’est l’heure de rentrer ", lança-t-elle, plus forte et plus autoritaire qu’elle ne l’avait jamais entendu.

" Les épreuves sont-elles terminées ? " demanda Astoria avec espoir.

 

La sorcière secoua la tête.

Astoria cligna des yeux, confuse.

" A-t-il demandé à me voir, Mme Malefoy ? "

Narcissa, la chaleureuse Narcissa, fixa froidement la sorcière.

" Pas à ma connaissance, non. Mais vous allez revenir de toute façon et implorer son pardon. "

" Je ne peux pas ", répondit automatiquement Astoria, sur la défensive sans vraiment comprendre pourquoi.

Narcissa ne lui avait jamais parlé ainsi. A personne. Pas depuis des années.

" Tu le peux et tu le feras ", rétorqua la matriarche.

 

Astoria secoua la tête.

" Je ne peux pas le supporter. Je ne peux pas regarder… "

" Il y a beaucoup de gens dans cette pièce qui ne peuvent pas supporter les choses que nous avons vues. Nous n’avons pas tous le luxe de pouvoir partir pendant des scènes que nous jugeons offensantes ". Narcissa l’interrompit froidement.

" Le garçon… "

" Le garçon va bien. Lorsque la fille Weasley s’est effondrée, il n’a pas été blessé. La malédiction n’a pas été transmise. Je ne sais pas si cette exception a été accordée avant le début du test ou si elle l’a été à cause de votre demande. Mais au cas où ce serait le cas, tu y retourneras ", siffla-t-elle avec conviction. " Tu supplieras les Seigneurs des Ténèbres de te pardonner et tu t’assoiras et regarderas, avec tous les autres, l’appel de Mlle Granger.

 

Astoria rit d’incrédulité.

" Tu penses vraiment que je peux influencer le Seigneur des Ténèbres pour quoi ? Améliorer les chances de Granger ? "

" Pour demander les choses que vous seule pouvez demander. "

" Tu sais mieux que quiconque que le Seigneur des Ténèbres n’est pas clément ", s’emporta Astoria, regrettant ses mots à peine sortis de sa bouche.

Les yeux bleus de Narcissa se tournèrent vers l’hiver.

" Je sais que le garçon métamorphe a été épargné, un miracle qui n’a été possible que lorsque tu t’es levée. "

 

Astoria poussa un soupir, se sentant déjà vaciller sous le regard pénétrant de la sorcière.

" Mon influence ne s’étend que jusqu’à un certain degré. "

" Vous avez eu la chance de ne pas vous salir les mains tout au long de cette guerre, Mlle Greengrass ", réprimanda Narcissa. " Mais si Draco doit gagner, et je sais que vous voulez qu’il gagne, vous allez devoir faire plus que… "

" Tout va bien ici ? " appela Pansy. Astoria se retourna pour trouver son amie debout, les bras croisés. Rita prit place à ses côtés.

" Oui ", rassura Astoria. " Oui, j’allais partir.

Pansy plissa les yeux d’un air soupçonneux.

" Où vas-tu ?"

 

Astoria jeta un coup d’œil à Narcissa, une femme dont le feu était revenu du bord de l’extinction. Une sorcière qui n’avait plus qu’une chose à perdre.

Une mère qui protégeait son fils.

 

Astoria sortait déjà de la salle de bain lorsqu’elle prit la parole.

"  Au test de Granger " .

 


 

Chapter Text


Marionette


 

La nausée d’Hermione se décupla lorsque les gardes ouvrirent la porte de la cour. Elle écouta les bavardages intempestifs et les éclats de rire, observant la foule bariolée se mélanger et se confondre avec confusion.

Elle était tombée dans une réception, pas dans une épreuve.

Les gardes l’escortèrent jusqu’à une rangée de statues avant de sortir rapidement du dôme.

Hermione attendit.

Au bout de quelques instants, elle entendit l’annonce stridente d’Ombrage, étouffée de l’autre côté du dôme.

" Championne, Hermione Granger. Disciple, Draco Malefoy. "

 

La foule se sépara pour accueillir Malefoy, qui s’avança et traversa sans encombre la barrière translucide du dôme. Le sorcier s’avança vers elle dans sa robe de soirée noire, le visage neutre alors qu’il se concentrait sur son Champion.

Il avait l’air aussi bien habillé qu’à l’accoutumée, bien que le dessous de ses yeux ait une légère teinte violette. D’une certaine manière, cela le rendait plus humain. Comme s’il était aussi fatigué qu’elle. Déjà épuisé par un jeu qui n’avait même pas commencé.

" Baguette "  claqua-t-il, la main tendue.

 

Elle fixa sa paume d’un regard vide.

" Pour l’amour de Merlin " marmonna-t-il en sortant sa baguette de la poche de sa robe.

 

Elle le regarda, hébétée, murmurer une incantation dans son souffle, projetant sa baguette dans une faible lueur verte avant de la tendre vers elle.

Elle semblait si petite. Simple. Sans prétention dans ses grandes mains. Mais elle savait quel pouvoir cette baguette avait exercé entre ses mains. La vie qu’elle avait prise.

Elle ne voulait pas la toucher.

Cette baguette était inutile contre l’ennemi. Contre Malefoy et la barrière qui protégeait ses ravisseurs. Son danger n’était dirigé que contre ses camarades Champions. Ceux qui ne portaient pas la marque des ténèbres. Les innocents.

Elle représentait tout ce qu’elle détestait chez eux. A son sujet.

Non, elle n’y toucherait pas.

Malefoy la regarda avec une frustration à peine voilée.

" Granger "  claqua-t-il en lui poussant la baguette contre la poitrine.

 

Elle laissa ses mains le long de son corps et la baguette tomba à ses pieds.

Il expira par les narines et ferma les yeux. Lorsqu’il les ouvrit, son visage n’était plus qu’un masque immuable. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il aperçut son visage net et ses robes sombres.

Elle aurait juré qu’il l’avait regardée avec une certaine approbation.

"  Fais comme tu veux " , dit-il avant de sortir de l’arène.

 

Elle suivit ses mouvements, le regardant retourner à sa place à côté de Voldemort et des sœurs Greengrass.

Voldemort la regarda fixement tandis que la plus jeune des sœurs lui chuchotait à l’oreille. Il la regarda avec impatience, attendant qu’elle se mette en scène. Un singe dans un cirque.

La colère s’empara d’elle et elle étouffa le flot de magie qui menaçait de jaillir.

Si c’était un spectacle qu’il voulait, elle ne lui en donnerait pas.

" Mlle Granger, votre première épreuve est la compétence. Vos restrictions magiques ont été temporairement levées. Des points seront attribués en fonction de votre aptitude au duel et du temps qu’il vous faudra pour éradiquer vos assaillants " expliqua Ombridge.

" Commencez. "

 

Elle entendit le craquement de la pierre tandis que les statues s’animaient, mais elle ne se tourna pas pour leur faire face.

Le premier sort la prit au dépourvu, lui entaillant l’épaule et la faisant trébucher d’un demi-pas en avant. Elle se redressa et resta debout, fixant son regard sur les yeux rougeoyants de la foule.

Une rafale de sorts et de malédictions frappa son dos exposé, l’odeur de la chair brûlée et de métal lui emplit les narines. Elle sentit la chaleur descendre le long de ses épaules jusqu’à ses jambes, collant les robes à son dos.

Pourtant, elle ne se détourna pas de son regard.

C’était presque cathartique, la douleur physique atténuant la blessure émotionnelle béante que Susan avait ouverte la nuit dernière. Elle avait été forcée de reconnaître le vide dans son âme, son gouffre indéniable et suppurant. Elle ne savait pas encore ce qu’elle allait en faire, ni même comment elle allait s’y prendre pour la recoudre. Pendant si longtemps, elle s’était contentée de le rapiécer au hasard de la douleur, de la saleté et du froid. Elle ne savait pas quoi faire, qui elle était, sans cela.

Mais elle avait promis à Susan d’essayer. Cela garantirait, au moins, qu’elle mourrait en tant qu’elle-même et non en tant que coquille vide d’un être humain.

Les assauts répétés des statues lui firent remettre en question cette promesse. Elle était une droguée et les blessures qu’elles lui infligeaient étaient sa dose. Le calme que lui procurait la douleur frisait la félicité. Il n’y avait rien d’autre. Pas de peur, pas de chagrin, pas d’Hermione Granger.

Juste la douleur et une paire d’yeux rouges.

Le temps commença à s’écouler. Il y eut des moments où une malédiction particulièrement forte la jeta à terre. Mais à chaque fois, elle se relevait sans un bruit, reprenait sa position. Le regard fixe.

Elle pouvait facilement lancer un charme de bouclier si elle le voulait, ou se retourner et mettre fin à cet assaut. Mais justement, elle n’en avait pas envie. Elle ne voulait pas prendre sa baguette. Elle ne voulait pas arrêter l’attaque. Elle ne voulait pas jouer le jeu.

Le regard de Voldemort passa lentement de l’excitation à la curiosité, puis à la rage. Sans doute frustré par son défi.

D’un coup de main, les statues s’arrêtèrent, laissant Hermione dans l’immobilité, sa respiration rauque résonnant avec le sang qui grondait à ses oreilles.

Elle le regarda appeler Malefoy à ses côtés et lui parler à voix basse.

Le visage de Malefoy semblait fait de pierre alors qu’il hochait la tête d’un air soumis, s’inclinant très bas avant de se diriger à nouveau vers elle à grandes enjambées.

La fille de Greengrass - Astoria - s’agrippa désespérément au bras de son maître, ses grands yeux suppliants indiquant d’un geste la forme de Malefoy en train de reculer. Voldemort repoussa la jeune fille et retourna s’asseoir d’un air hautain. Un roi sur son trône.

Malefoy prit position à l’une des extrémités d’un huit entièrement composé de sel noir sur le sol en contrebas, le dos tourné à la foule.

Les épaules en arrière, résigné, il fit signe à Hermione de s’approcher de lui. Hermione trébucha, son python la poussant vers son maître jusqu’à ce qu’elle franchisse le seuil du sel.

Un profond sentiment d’inquiétude s’empara de sa poitrine et sa peau se mit à chauffer. De la magie noire semblait irradier du sol, augmentant son intensité à mesure qu’elle s’approchait du gros rocher cristallisé qui se trouvait en son centre.

La forme dodue d’Ombrage se blottit contre Voldemort, les yeux de fouine brillants d’excitation tandis qu’elle hochait la tête avec empressement aux paroles des Seigneurs des Ténèbres. Malefoy ne prit même pas la peine de se retourner, son regard d’acier étant fixé sur le rocher qui les séparait, comme s’il attendait qu’il frappe.

Il ne la regardait pas non plus.

Après ce qui semblait être une éternité, la voix claire d’Ombrage résonna à travers la barrière.

" Malgré la nature unique du statut de M. Malefoy, à la fois Disciple et Collatéral, nous avons décidé de procéder à ce test comme d’habitude. "

 

Malefoy déglutit.

" Mlle Granger, vous allez poser votre main sur le Endolotorc. Ce faisant, il simulera la malédiction du Doloris. Il s’agit d’un test de force mentale, plus vous garderez votre main sur la pierre, plus vous obtiendrez de points. Cette épreuve dure cinq minutes au total. Si vous retirez votre main avant la fin du temps imparti, le sortilège se reportera sur votre Collatéral pour le temps restant. "

 

Hermione cligna des yeux devant les instructions. Elle pouvait endurer la torture ou laisser Malefoy l’endurer pour elle. Pourquoi Voldemort lui donnait-il ce choix ? Sa décision était évidente.

" Le meilleur score actuel est de quatre minutes et trente-huit secondes. "

 

Hermione jeta un coup d’œil entre l’inquiétant rocher noir et Malefoy. Elle ne pouvait le toucher qu’une seconde et il devrait souffrir le reste du temps. C’était presque risible de voir à quel point c’était facile.

" Commencez.

 

Elle s’avança vers le rocher, la main tendue. Malefoy tressaillit - un minuscule mouvement. Un mouvement de la main, une légère inspiration, alors que les doigts de la jeune femme planaient au-dessus de la surface sombre.

Elle marqua une pause.

Levant lentement la tête, elle croisa le regard de Malefoy. Elle s’attendait à y voir de la colère, de la peur, une promesse de châtiment, mais il se contenta de la regarder avec une acceptation calme.

Cela suffit à la faire vaciller. Suffisamment pour qu’elle regarde la paire d’yeux par-dessus son épaule.

Voldemort l’observait d’un air suffisant, satisfait de l’affaire malgré les pleurs silencieux de sa protégée préférée à ses côtés. Son sourire s’élargit lorsque leurs yeux se rencontrèrent, comme un parent regardant son enfant déballer son cadeau le matin de Noël.

Lui, plus que quiconque, n’était pas clément. Et elle, la moins méritante à ses yeux.

Non, il ne s’agissait pas de la récompenser. C’était une punition pour Malefoy. Pour son refus. Pour son incapacité à contrôler son Champion.

Mais surtout, c’était un exercice de contrôle total. Une démonstration, un avertissement pour tous ceux qui regardaient. Son pouvoir était si absolu que même le grand Mortifer accepterait de se faire torturer, simplement parce que le Seigneur des Ténèbres l’avait ordonné.

C’était une démonstration de force et elle avait failli tirer les rideaux rouges.

Toujours une scène. Toujours l’homme de spectacle.

Et elle, la marionnette au bout des ficelles.

N’ayant pas le temps de réfléchir, Hermione abattit sa main sur la pierre.

La douleur.

Elle était partout. Partout.

Une seconde. Deux. Un an. Un millénaire.

Le temps ne signifiait plus rien.

Elle oublia où elle était, qui elle était, pourquoi cela arrivait. Il n’y avait que ça. Seulement la douleur.

Agonisante, engloutissante, glorieuse.

Hermione était pleine de flammes. Elle était vide. Elle était tout ce qu’il y avait entre les deux.

Ses membres se raidirent et tremblèrent, ses poumons se consumèrent. Le sang grondait.

La malédiction envahissait son corps. Un virus qui la détruisait cellule par cellule.

Mais elle avait déjà vaincu cette maladie.

Son corps s’en souvenait, son esprit en était intimement familier.

Après tout, les humains sont des créatures adaptables.

" Il reste quatre minutes. "

 

Les spasmes de ses membres se réduisirent à des tremblements.

Son dos se redressa.

Sa respiration se stabilisa.

Lentement, Hermione ouvrit les yeux.

Malefoy la fixait avec perplexité. Des mots résonnèrent rapidement dans son esprit. Frénésie.

Le bourdonnement dans ses oreilles s’estompa.

" Mais qu’est-ce que tu fais ! " s’exclama Malefoy, sans que sa bouche ne bouge. Son expression était vide.

 

Hermione cligna des yeux, son esprit embrouillé s’éclaircissant peu à peu.

"  Lâche-le "  siffla-t-il et elle réalisa alors qu’il parlait à l’intérieur de son esprit.

 

Elle jeta un coup d’œil à la pierre, qui éclipsait sa main rigide. Des veines noires se tissaient sous sa peau, remontant le long de ses bras avant de disparaître sous sa chair.

C’était presque dérangeant, si ce n’était la fascination qu’elle éprouvait à l’égard de cette magie unique.

Cette pierre avait-elle déjà existé ? Ou avait-elle été fabriquée pour cette épreuve ?

" - Granger ! "

 

Son bras tendu était parsemé de rouge.

" Il reste trois minutes.

 

Les points devinrent des éclaboussures qui se transformèrent en rivières.

Elle réalisa alors qu’elle saignait du nez. Jaillissant. Les plaies de son dos se déchiraient à chaque vague de magie qui la traversait. La couleur contrastait avec la pâleur de sa peau.

Rouge. Comment un corps pouvait-il en produire autant ?

" - laisse tomber ! "

 

Elle cligna des yeux en direction de Malefoy dont les joues habituellement pâles étaient teintées de rose. L’indignation, la confusion et une supplique passèrent rapidement sur son visage avant de s’estomper.

Elle comprit.

Quelle que soit la force que les potions lui avaient donnée, quelles que soient les améliorations apportées par le Guérisseur Lewis, elles s’effilochaient à chaque secondes où sa paume restait agrippée à ce rocher.

Elle serait trop faible pour concourir.

Elle perdrait.

Elle mourrait. Malefoy mourrait.

Soutenant son regard, elle lui sourit. Une chose misérable et tordue.

Une main qui ne tremble pas. Une jubilation pour l’équipe perdante. De l’urine sur une tombe.

" Granger ! Assez ! "

 

Était-elle en train de mourir ?

Elle se mit à rire. Un gloussement incontrôlable.

" Il reste deux minutes !

 

Du noir vint troubler sa vision, obscurcissant les couleurs derrière la barrière. Les silhouettes étaient debout. Silencieuses. Ensorcelées.

Les visages se confondaient. Des yeux rouges la fixaient d’un air meurtrier.

Rouge, rouge, rouge…

 

" - te tuent. Tu dois lâcher prise. "

Elle ne pouvait pas lâcher prise. Comment pouvait-elle les lâcher ?

" Une minute ! "

 

La douleur commença à s’estomper. Son corps flottait.

Des échiquiers, des anneaux, du dentifrice, des tentes, des balais, des baignoires…

Le rouge se transforma en vert.

Quelqu’un criait. Ou était-ce un chant ?

La noyade, les murs, la glace, les prières, le rouge, le vert, le rouge, le vert, le rouge, le rouge, le rouge, le rouge…

 

"  Le temps est écoulé ! " 

 

Noir.

.

.

Noir.

.

.

Noir.

.

.

Oreilles noires. Pattes noires. Un museau noir.

Une forme. Un animal.

Un chien noir.

 

Ses yeux jaunes la transperçaient, alors même que ses jambes s’affaissaient et que ses yeux se fermaient.

Elle pouvait encore les voir. Les sentir. Elle n’avait pas besoin de la vue pour sentir son regard vigilant.

" - stupide sorcière insupportable ! " Une voix siffla doucement à son oreille.

 

Des bras puissants la soulevèrent doucement, le contact contrastant avec les mots tranchants.

" Va chercher le guérisseur ! Tout de suite. "

 

Sirius ?

" Putain de masochiste "

Sirius, c’est toi ?

" Tu nous as maudits tous les deux. Espèce d’idiote, irrécupérable et têtue. "

 

Une secousse brutale la força à ouvrir les yeux. Clignant des yeux pour chasser l’obscurité, ses yeux jaunes virèrent à l’argent.

Malefoy la fixait d’un air tendu. Pendant un instant, il ressembla presque au Malefoy qu’elle avait connu. Un sorcier dépassé par les événements. Un garçon effrayé.

La pièce tourna et elle ferma les yeux contre la lumière crue.

Une autre paire de mains. La chaleur des charmes de guérison. Des mots qui défilent comme les pages d’un livre.

Un contact sur son épaule lui fit reprendre conscience, la main plongeant sous les robes de son dos déclenchant une terreur si forte qu’elle revint à la réalité, s’arrachant à des mains ignobles qui cherchaient à toucher les blessures fraîches de son dos.

Agissant par pur instinct, elle envoya un poing au visage de son agresseur, brisant ses lunettes.

Le guérisseur Lewis recula en poussant un cri de surprise, se serrant l’œil droit.

Malefoy pesa de tout son poids sur elle, lui écrasant le dos contre le sol.

" Assez ! "  siffla-t-il en lui coinçant le poignet au-dessus de la tête.

 

La position lui était trop familière et elle se perdit dans la brume rouge de la panique.

Elle devint une chose sauvage, frappant, se tordant et grognant. Une bête se débattant contre ceux qui cherchaient à la dompter.

Ils ne la prendraient pas. Pas cette fois. Jamais.

Jamais plus.

Il utilisa la force brute pour l’enfermer, sachant que l’utilisation de la contrainte du Python ne ferait que causer plus de dégâts. Elle résisterait. Elle se blesserait encore plus.

Elle ne s’arrêterait pas avant d’être morte.

Déjà, sa lutte avait déchiré la plaie de son épaule. Elle entendait la chair se déchirer. Les fibres musculaires devenaient des élastiques qu’elle brisait sans ménagement.

Elle ne le sentait pas. La douleur n’était rien comparée à la pierre.

D’une manière ou d’une autre, Malefoy s’empara de sa baguette et l’assomma. Elle resta piégée, capable d’entendre et de sentir. Incapable de crier.

C’était la pire chose qu’il pouvait lui faire.

La guérisseuse Lewis se tenait à nouveau debout, les lunettes absentes et un œil gonflé. Elle canalisa toute sa rage dans son regard tandis qu’il s’occupait de son épaule et de sa main noircie et tachée de magie noire.

Elle entendit Malefoy s’éloigner et une conversation murmurée qu’elle n’arrivait pas à saisir, la laissant seule avec le guérisseur Lewis qui la faisait rouler sur le ventre.

L’odeur d’antiseptique et d’herbes se dégageait de l’homme tandis qu’il s’accroupissait au-dessus d’elle, protégeant son dos abîmé de sa forme voûtée.

" Je vais travailler au travers des robes ", chuchota-t-il, si doucement que c’était presque une expiration. " Je ne te toucherai pas. Je te le promets. "

 

Fidèle à sa parole, elle sentit la piqûre chaude de ses blessures se refermer, mais sa baguette et ses mains ne firent que planer. Elle pouvait sentir les tremblements de ses mains faire vibrer l’espace vide qui les séparait et ses yeux se piquèrent de ce petit acte de clémence.

Le guérisseur Lewis soigna rapidement les blessures, loin d’être aussi expert qu’il aurait pu le faire sans le tissu et le contact humain, mais suffisamment pour recoudre sa peau. Il marmonna un charme de réparation sur sa robe brûlée et tailladée, cachant le peu de peau qu’elle avait avant de la faire rouler sur le dos.

Il lui jeta un coup d’œil avant de baisser légèrement son menton. Un mouvement minuscule, mais qui résonna fort pour Hermione.

C’était un signe de pouvoir, de dignité. Un petit acte de défi de la part d’un homme doux. Un secret désormais partagé.

Elle se demanda pourquoi il pensait qu’elle le méritait.

Il la laissa seule avec ses pensées, les yeux figés fixant le plafond du dôme et les nuages gris qui s’étendaient au-dessus.

Bien qu’atténuée, c’était la lumière du jour la plus proche qu’elle ait connue depuis des années. Les nuages semblaient bien plus hauts que dans ses souvenirs, plus éloignés que les étoiles ne l’avaient été la nuit de la Sélection. Ce n’était pas tout à fait la même chose que d’être dehors. Elle ne pouvait pas sentir le vent ou la pluie qui s’annonçait.

Mais si elle se concentrait suffisamment, elle pouvait presque se souvenir de la façon dont l’herbe semblait se déployer vers le ciel lorsque les premières pluies tombaient. L’odeur de la vie lorsque la pluie nourrissait, alimentait et lavait la saleté. Le cycle se réinitialisant.

Malefoy s’avança devant les nuages, aussi grand que le ciel lui-même. Elle voulait lui dire de partir. Il n’avait rien à faire là.

Levant sa baguette, il la libéra de l’emprise du sortilège d’étourdissement, mais elle resta immobile.

Résignée.

La couleur argent s’était érodée jusqu’à devenir grise, se fondant dans l’immensité derrière lui. Il était de marbre, sans expression.

Elle se demanda s’il était en train d’occulter. Il était obligé de le faire. La Legilimency et l’Occlumency étaient jumelles, la maîtrise de l’une garantissant au moins la maîtrise de l’autre.

Si elle était ce que Voldemort disait, alors elle pouvait peut-être essayer d’apprendre l’autre.

" Il ne reste plus qu’une épreuve, Granger ", déclara Malefoy en déposant sa baguette à côté d’elle. " Je te dirais bien de ne pas me décevoir, mais je suis sûr que tu trouveras un moyen. "

 

Elle tourna la tête paresseusement, un sourire se dessinant aux coins de sa bouche. Mon Dieu, elle était fatiguée. N’était-il pas fatigué ?

" Encore une et puis c’est fini. C’est fini. "

 

Encore une. Puis la première tâche. Puis la liberté.

Encore deux étapes avant de pouvoir se reposer.

Elle s’assit avec précaution. Elle se sentait étonnamment légère après la torture qu’elle avait endurée. Encore une fois, les choses avaient tendance à s’apaiser après avoir été incendiées.

Malefoy s’était déjà retiré dans la foule qui avait rapidement détourné son attention dans une piètre tentative de dissimuler ses regards.

Elle ne prit pas la peine de chercher Voldemort cette fois-ci. Elle l’avait déjà battu sur un total de trois.

Laissant sa baguette au sol, elle s’approcha du dernier cercle au fond de la cour qui ne contenait rien d’autre qu’un grand coffre en bois.

La voix grinçante d’Ombrage résonna dès qu’elle posa le pied à l’intérieur.

" Mlle Granger, pour votre dernière épreuve, vous serez confrontée à un Épouvantard.

 

Hermione grimaça. Un Épouvantard ? C’était ça ? Elle avait déjà fait ça en troisième année.

" Il s’agit d’une épreuve de peur. Pour cette épreuve, l’utilisation du charme Riddikulus a été retirée de votre baguette. Vous devez piéger l’Épouvantard par d’autres moyens avant la fin du temps imparti. Contrairement aux autres, cette épreuve sera notée comme réussie ou échouée. "

 

C’est donc un échec automatique. À moins que le Boggart ne prenne la forme d’une entité qu’elle pourrait combattre en duel, il n’y avait pas d’autre moyen de le vaincre. Les boggars ne pouvaient pas être tués, ils disparaissaient seulement dans les coins sombres d’où ils venaient. Et comme elle n’avait même pas apporté sa baguette, elle avait pratiquement concédé cette épreuve.

" Vous avez deux minutes. Si vous remettez la créature dans son coffre dans le délai imparti, vous gagnerez cinq points. Si vous ne le faites pas, vous obtiendrez zéro. "

 

Cette épreuve n’était qu’un leurre. En révoquant le charme de Riddikulus, les chances de gagner se jouaient à pile ou face. Les chances étaient grandement faussées en fonction de la peur qu’éprouvait le Champion. Ce n’était pas un concours équitable, mais elle ne s’y attendait pas. Cette épreuve n’existait que pour une seule et unique raison : identifier les faiblesses du Champion.

Identifier les faiblesses de la Championne.

Sans doute pour que d’autres Disciples puissent entraîner leurs Champions concurrents à s’en servir contre eux. Ou pire encore, truquer les épreuves pour que les Champions dont les Disciples ne sont pas les meilleurs perdent. Voldemort pourrait ainsi utiliser leurs peurs collectives pour choisir qui éliminer à chaque étape.

" Commencez. "

 

Hermione vit le loquet se soulever, et une secousse frappa le couvercle.

Elle n’avait pas eu le temps de réfléchir à la peur qui l’attendait. Il y en avait trop pour les compter. Perdre Ron, vivre ses derniers jours en captivité, des hommes masqués et des lits ensanglantés, un Détraqueur piégé dans une prison, deux yeux verts aveugles…

Un mouvement surgit de la poitrine. Une masse tourbillonnante de lumière et de couleurs. Elle attendit avec impatience qu’il change de forme, mais il se contenta de planer.

Un instant. Deux.

Il semblait presque réfléchir. Comme s’il réfléchissait à laquelle de ses peurs il allait donner naissance.

Elle s’avança, impatiente de son indécision.

Pourtant, il tournait.

Un pas de plus. Encore un autre.

L’attente était angoissante. Elle voulait savoir. Elle voulait que ce soit fini.

Enfin, alors qu’elle s’approchait suffisamment pour presque la toucher, la masse commença à rétrécir.

Rétrécir.

Réduire.

Jusqu’à ce qu’elle puisse tendre la main et la saisir.

Elle se mit en place, une pomme tombant dans sa paume tendue.

Elle attendit.

Rien ne se passa.

 

Des rires éclatèrent dans les tribunes. Cela ne la mettait même pas en colère, en partie - elle était presque d’accord.

Hermione Granger avait peur des pommes. Absurde.

Et pourtant, un frisson commença à remonter le long de sa colonne vertébrale. Une présence malveillante s’emparant de la rationalité pour ne laisser que l’effroi.

Les chuchotements furent d’abord silencieux. Suffisamment doux pour qu’elle les entende à peine plus que les battements de son cœur. Inexplicablement, elle se pencha vers lui. Vers la pomme.

Les rires et les moqueries commencèrent à s’estomper jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que le bruit sourd et régulier au fond de sa poitrine.

Les chuchotements répondaient à ce rythme régulier, scandant en rythme.

Mange. Mange. Mange.

 

Elle se rapprocha encore. Elle était fascinée par les couleurs changeantes du fruit. Un mélange tourbillonnant de rouge et de vert dansait sur sa peau. Indécis sur la façon dont il devait se présenter.

Hermione était ensorcelée lorsqu’elle effleura doucement ses lèvres. Juste une pression. Juste un goût.

Les chuchotements devenaient fébriles, chauds et lourds contre sa bouche.

Ce n’est que lorsqu’elle enfonça ses dents que les murmures cessèrent et qu’elle réalisa - trop tard - que c’était peut-être elle qui murmurait depuis le début.

 


 

Chapter Text


Dévoreur


 

Dès que la chair toucha sa langue, elle fut catapultée dans une clairière inconnue. Des silhouettes vêtues d’émeraude dansaient autour d’un grand feu en son centre, virevoltant sous le ciel nocturne.

Elle observa une femme qui se tenait au-dessus d’un homme agenouillé. Bien que ligoté, l’homme fixait l’amazone avec révérence. C’était un spectacle à voir - la peau de couleur nuit et les tresses sophistiquées, ornées de bijoux qui scintillaient à chacun de ses mouvements. La femme rayonnait de puissance, une beauté d’un autre monde.

Une déesse parmi les hommes.

" Mangez ", siffla-t-elle en tenant une pomme devant sa bouche comme un cochon rôti.

 

Il obéit frénétiquement, dévorant le fruit en étouffant des gémissements et des halètements.

Une fois le fruit consommé, il leva les yeux vers elle, dans l’expectative.

" Maître de la peur et toi maître de la mort ", annonça-t-elle, sans sourciller, alors que l’homme commençait à trembler.

 

Il s’effondra sur le côté, les pupilles écarquillées, fixant le vide avec horreur.

Hermione ne comprenait pas ce qu’elle voyait, mais elle savait que le rituel en cours était imprégné de magie noire.

L’homme commença à se tordre et à crier de terreur avant de se lever, paniqué, et de se jeter dans le feu, sans hésiter. Il plongea la tête la première dans le feu.

Hermione ne put retenir son cri de surprise et l’homme fut enveloppé par les flammes, son corps vacillant saignant en vert dans le feu tandis que sa chair bouillonnait.

Les silhouettes se mirent à danser plus vite, leur chant s’amplifiant, tandis que la femme levait les mains vers le ciel.

Elle s’avança lentement dans les flammes orangées, la tête haute, tandis que ses robes s’embrasaient. Contrairement à l’homme précédent, le feu resta orange autour d’elle, même si sa peau se carbonisait et s’écaillait.

Disparaissant de la vue, le chant s’arrêta brusquement. Chaque membre s’arrêta, le souffle court, face aux flammes rugissantes.

Invraisemblablement, la femme se retira. Hermione eut l’estomac retourné en voyant les dégâts infligés. Sa peau, autrefois si belle, avait fondu, les orbites étaient vides, les cheveux étaient réduits à néant.

Mais à chaque pas qu’elle effectuait pour s’éloigner des flammes, son corps semblait se réparer. La chair se reconstituait, la peau se recousait et les cheveux poussaient. Jusqu’à ce que la femme nue redevienne entière. Renaître de ses cendres.

La scène changea, et cette fois, ce fut Hermione qui s’agenouilla près du feu.

Tous les autres membres disparurent, ne laissant que la femme qui s’agenouillait en face d’elle.

Le contraste était saisissant.

" S’il vous plaît " chuchota la femme en serrant fermement les mains d’Hermione.

 

La force et la beauté que la femme avait autrefois possédées s’étaient érodées. Sa peau était d’un brun cendré, dépourvue de vie. Mais c’étaient ses yeux qui retenaient Hermione captive. Ils étaient injectés de sang et suppliants.

" S’il vous plaît, aidez-moi "  cria-t-elle.

 

Hermione essaya de s’éloigner.

" Je ne comprends pas ".

" Tu peux arranger ça ", supplia-t-elle à travers les sanglots. " Tu peux nous sauver.

" Je ne peux pas… je ne sais pas comment. "

 

La femme lui tendit quelque chose de solide dans la main.

" Mangez ", supplia-t-elle, " mangez tout. Vite. "

Hermione regarda à l’endroit où leurs mains se rejoignaient, trouvant la pomme avec son mélange dansant de peau rouge et verte.

Des mains s’emparèrent des côtés de son visage, l’attirant vers le regard désespéré de la femme.

" Libérez-moi de cet enfer " murmura-t-elle. " Libère-moi. "

" Je "

" Mange. "

 

Hermione évalua le coût de l’acte comme elle l’avait fait lorsque les pommes étaient apparues pour la première fois dans sa cellule à Azkaban.

Manger et mourir. Manger et vivre. Mangez-la et subissez un destin inconnu.

Ne pas manger et se demander ce qui se serait passé si elle l’avait fait.

La curiosité était une maladie qui avait toujours rongé Hermione, elle avait été le moteur de beaucoup de ses meilleures - et pires - décisions.

Elle ne voulait pas tenir compte de l’avertissement que lui avait donné l’exemplaire de Blanche-Neige que possédait sa mère. Il y avait pire que de dormir pour l’éternité.

Hermione céda donc à sa curiosité et prit la première bouchée. Elle eut un haut-le-cœur lorsque les saveurs frappèrent sa langue. La cendre, la pourriture et l’amertume explosèrent sur ses papilles.

" Non, s’il vous plaît ! " La femme supplia, portant la pomme à son visage tandis qu’elle toussait et crachait. " S’il vous plaît, continuez ! Dépêchez-vous ! "

Le désespoir de la femme augmenta le sentiment d’urgence d’Hermione, qui déglutit en grimaçant.

Le froid commença à s’infiltrer dans son estomac, irradiant vers ses membres. L’engourdissement réconfortant qu’elle avait fini par associer aux fenêtres à barreaux de fer et aux manteaux d’ombre.

Elle se sentit étourdie en regardant ses mains se lever pour prendre une autre bouchée. Encore et encore, alors qu’elle mordait dans la chair noircie du fruit.

" Merci ", murmura la femme, "  soyez bénis ".

 

Les questions qu’elle se posait sur l’identité de cette femme commencèrent à s’estomper, de même que le mystère de la personne qui avait laissé le fruit pendant les premières années de son emprisonnement.

Tout s’évanouit, même les notions de rouge et de vert.

L’euphorie faisait tourner Hermione en rond, le froid et les ténèbres se répandant autour d’elle, en elle. Elle se sentait en sécurité ici.

Hermione ouvrit les yeux et se retrouva agenouillée dans un brouillard noir. La femme en face d’elle pleurait ouvertement. Des parties de son corps avaient commencé à s’éroder, se réduisant en cendres par petits morceaux.

Pourtant, elle ne semblait pas effrayée. Comment aurait-elle pu ? Ils étaient dans l’obscurité, là où ils devaient être.

Alors qu’Hermione croquait le noyau pourri, la femme s’écroula entièrement, ne laissant que des cendres dans le silence d’encre.

En avalant sa dernière bouchée, Hermione sentit un tiraillement dans sa poitrine. Les ombres qui l’entouraient se mirent à danser, caressant sa peau. Un appel.

Le bourdonnement sourd qui avait résidé dans son sang s’amplifia. Des chuchotements dans des langues qu’elle ne parlait pas. Des prières oubliées depuis longtemps. Des chansons oubliées.

Leur caresse froide était enivrante, et elle se retrouva à les attirer plus près. Elles se séparèrent autour d’elle, lui laissant entrevoir le trésor qu’elles avaient caché.

Un mur de glace, dont l’eau se déversait régulièrement jusqu’à ce que la pierre en dessous soit révélée. Des runes se gravaient à sa surface, d’un rouge sanguinolent. Le sang coulait à flots, devenant noir lorsqu’il atteignait le sol.

Et de ces flaques noires, les ombres s’élevèrent. Se multipliant, grandissant, prospérant. Le cycle se réinitialisait.

Elle se gorgea de la nouveauté tout en s’enfouissant dans l’obscurité.

Jamais de sa vie elle ne s’était sentie aussi à l’aise.

Son foyer.

Comme si elles avaient entendu ses pensées, les ombres se transformèrent en un tourbillon de noir, l’attirant et la tirant à travers l’obscurité.

Elle se retrouva à regarder à travers une fenêtre grillagée, dans une pièce faiblement éclairée.

Une grande personne était assise là. La tête baissée, assise sur le bord d’un lit de camp aux teintes brunes, elle regardait le sol en contrebas.

Hermione eut un sursaut de lucidité, son souffle se bloqua dans sa gorge.

" Darryl ? Elle croassa.

 

La silhouette releva la tête, révélant des yeux vides qui avaient vu tout ce qu’elle était.

Hermione se mit à sangloter, tendant la main à travers les barreaux.

" Darryl !

Darryl se lança à travers la pièce, cherchant frénétiquement la source du son.

" Je suis là ! Elle cria : " Darryl, je suis là ! "

 

Mais la créature ne la voyait pas, et il détruisit la cellule en rugissant de désespoir.

Les ombres se resserrèrent autour d’elle, l’éloignant de sa maison.

Les poils de sa nuque se hérissèrent, un réflexe né de l’instinct.

Quelqu’un l’observait.

Elle s’agrippa fermement aux barreaux tandis que les ombres la tiraient plus fort, vers ou loin de la présence malveillante qu’elle ne connaissait pas.

Dans un dernier effort désespéré, elle cria aussi fort qu’elle le put, priant pour que Darryl l’entende.

" Je reviendrai te chercher ! Je te le promets ! Je te le promets ! "

 

Puis elle fut entraînée dans le vide. Ses cris s’éteignirent alors qu’elle était entraînée par le courant. Perdant tout sens de l’orientation, elle se débattit contre les vrilles d’encre qui, quelques instants auparavant, l’avaient caressée avec douceur.

Maintenant, elles la noyaient, leur poids la poussant contre sa poitrine alors que sa panique augmentait.

Elles ne lui faisaient pas de mal, et une partie d’elle se demandait si elles ne faisaient que réagir à ses émotions exacerbées. Si elle se détendait, peut-être qu’ils la laisseraient partir. Peut-être pourrait-elle rentrer chez elle.

La tâche s’avéra difficile, sachant que Darryl était à portée de main et qu’elle était incapable de l’atteindre. Mais elle se força à respirer régulièrement, aspirant les vagues de ténèbres qui continuaient à se précipiter sur elle.

A chaque respiration, elle se détendait de plus en plus, jusqu’à ce que l’obscurité ne la dérange plus du tout. C’était même apaisant, un orage à travers la fenêtre alors qu’elle était en sécurité à l’intérieur.

Elle ne se souvenait plus pourquoi elle avait voulu partir. Elle pouvait simplement rester ici, à flotter dans l’obscurité.

Hermione ne se souvenait pas de sa naissance, mais elle s’était toujours demandé ce que devaient être les premiers instants de sa vie. Tirée d’un monde humide, le crâne pressé et remodelé à travers l’os du bassin de sa mère. Cela a dû être douloureux de voir son corps écrasé dans un passage étroit, arraché à la sécurité qu’elle n’avait jamais connue pour entrer dans une pièce où régnaient la lumière et les bruits forts. Forcée d’aspirer de l’air dans des poumons minuscules qui n’avaient jamais connu que l’immobilité. Peut-être les bébés savaient-ils quelque chose qu’ils ne savaient pas, si leur premier geste dans la vie était de hurler.

 

Mais elle ne s’en souvenait pas et avait grandi en apprenant que sa naissance avait été un moment de beauté et de joie.

Et lorsqu’une main saisit son poignet, la chair brûlant contre sa peau froide, alors qu’elle était arrachée à la paix et ramenée à la lumière, Hermione réalisa à quel point c’était un mensonge.

La prise de conscience la frappa de plein fouet et elle découvrit l’infirmerie familière, se retrouvant hors des tests et une fois de plus dans un lit d’hôpital.

Malefoy s’affaissa dans son fauteuil, haletant, les cheveux trempés de sueur.

" Tu n’en vaux pas la peine, sang de boue. Si ce n’était pour le lien, je te tuerais moi-même - que le Tournoi soit maudit. "

 

Ses mots étaient froids et elle ne doutait pas qu’il les pensait, mais sa colère était sourde. L’épuisement l’emportait sur la rage.

Elle le fixa, cette force inébranlable qui avait été réduite à l’état d’homme en l’espace d’une journée.

" Trois tâches simples et tu as tenté de te tuer dans chacune d’entre elles. Es-tu vraiment si pitoyable ? " Il cracha.

 

Hermione ne répondit pas, préférant fermer les yeux. Peut-être que si elle se concentrait suffisamment, elle serait capable d’y retourner.

" Granger.

Si ce qu’elle voyait était réel, alors Darryl était toujours dans la prison. Il devait y avoir un moyen de le faire sortir. Peut-être qu’elle pourrait…

" Granger, ouvre les yeux et regarde-moi. "

 

La Python obéit à son ordre, forçant son corps à coopérer. Elle fixa l’espace entre ses sourcils, refusant de lui laisser une autre occasion d’entrer dans son esprit.

" Comprends-tu ce qui se passe ici ? Ce qui est en jeu ? " Il soupira : " Sais-tu au moins qui tu es en ce moment ? "

 

Elle le savait. Elle était Hermione Granger. Championne. Sang de Bourbe. Prisonnière 331. Rien de tout cela n’avait d’importance. Rien de tout cela n’aurait d’importance une fois que la première tâche aurait commencé.

Elle souffla un rire, un son rauque et cassant.

 

" On me dit que je suis la sorcière la plus brillante de son époque. "

Malefoy fronça les sourcils.

"Peut-être une fois, mais tu as failli te perdre dans ton propre esprit aujourd’hui. Si je ne t’en avais pas sorti à l’instant, tu serais comme morte. "

" Dommage, murmura-t-elle.

" Alors, c’est toujours le plan, n’est-ce pas ? Se rouler par terre et mourir ? "

" Tu serais mort avec moi ".

" Ça ferait une sacrée différence pour toi, n’est-ce pas ? "Il se moquait.

" Cela aiderait les autres. " Sa mort était le seul avantage qu’elle pouvait leur offrir.

" Qui, Weasley ? " Il rit. " Tu crois vraiment qu’il a une chance de réussir quoi que ce soit sans toi ? C’est une blague. Un piètre chef et un Champion encore pire. Qu’est-ce qu’il va faire quand une épreuve l’obligera à utiliser son cerveau inutile, hmm ? "

 

Malefoy se pencha en avant sur sa chaise, moqueur.

" C’est un homme mort. Et toi, tu ne fais que le tuer plus vite. "

Hermione s’éloigna d’un bond lorsque son haleine de menthe poivrée effleura son visage.

" Il a très bien survécu sans moi ", répondit-elle. " Ils l’ont tous fait. "

" Et pourtant… " fit Malefoy en se rapprochant d’elle. " Regardez où ils sont. "

Elle retint son souffle, le corps tendu lorsqu’il s’éloigna et s’appuya nonchalamment sur le dossier de sa chaise.

" Le fait est que tu es folle, dit-il d’un ton posé. " Mais tu es assez intelligente pour être encore utile. Si tu surmontes ton complexe de martyr, tu pourras faire en sorte que Weasley atteigne les épreuves finales. Tue-toi alors, peut-être que ta mort vaudra quelque chose. "

 

Hermione se hérissa, une réplique lui venant à l’esprit. Ses mots la piquaient. Pas par l’insulte, mais par la vérité. Elle pouvait aider Ron, elle le savait. Plus vivant que mort.

Mais elle n’en avait pas envie.

Le guérisseur Lewis apparut soudain, l’œil rouge et larmoyant. Une pâte jaune s’étalait abondamment sur sa peau tuméfiée.

" Mortifer " fit-il d’un signe de tête poli, avant de se tourner vers elle. Son expression s’adoucit. " Je suis ici pour récupérer l’Épouventard.

 

Malefoy grogna en signe de reconnaissance et fit signe au guérisseur de s’approcher de son patient.

Hermione se déplaça tandis qu’il marmonnait un charme sur son estomac, ses mains étaient précises tandis qu’il les agitait à la recherche de la créature qu’elle avait involontairement avalée.

Malefoy se tourna brusquement vers elle, le visage crispé par le dégoût.

" Qu’est-ce qui t’a pris de manger un Épouventard ? "

 

Une question à laquelle elle ne pouvait même pas répondre. Elle n’avait pas réalisé que manger la pomme pourrie dans sa vision signifiait qu’elle l’avait fait dans la vie réelle. Quel spectacle cela avait dû être.

L’idée de la confusion de Voldemort fit tressaillir le coin de sa bouche.

" Peut-être que j’avais faim. Répondit-elle bêtement.

 

Malefoy se moqua et s’installa dans le silence tandis que le guérisseur Lewis lançait charme sur charme.

Les minutes s’étirèrent.

"  Retire-le " , s’impatienta Malefoy.

 

Les mains du guérisseur tremblaient. " Monsieur, il n’est pas là ", haleta-t-il. Il lançait et relançait frénétiquement, son visage se vidait de ses couleurs.

" Bien sûr qu’il est là, tu l’as vue manger cette foutue chose. Ils ne peuvent pas mourir, alors s’il n’est pas là, où est-il ? "

 

Le guérisseur recula, l’horreur de son regard la plongeant dans ses tripes.

" Monsieur, il n’y a aucune trace d’entité étrangère dans le corps de Mlle Granger. Le Épouventard a… disparu "  souffla-t-il.

 

Malefoy fronça les sourcils. " Ce n’est pas possible "  s’emporta-t-il en tirant sa baguette et en lançant une flopée de ses propres charmes. " Ils aiment les endroits sombres et sales, n’est-ce pas ? Quel meilleur endroit pour se cacher que dans le sang boueux de Granger ? "  siffla-t-il en cherchant la signature magique de la créature.

Mais il n’y avait rien.

Après les tentatives infructueuses de Malefoy, le guérisseur Lewis prit timidement la parole. " Je peux provoquer des vomissements, mais vu son état, ce n’est pas…

"  Fais-le " , répliqua vivement Malefoy.

Le sorcier inclina la tête.

" Oui, Mortifer.

 

Malefoy fit les cent pas pendant que le guérisseur prenait un liquide vert foncé et le portait gentiment à la bouche d’Hermione.

Hermione suivit sa directive et avala, impatiente d’expulser la créature absente. Mais au fond d’elle-même, elle le savait déjà.

Son estomac se tordit violemment, et elle rejeta le contenu de sa gorge à l’état brut. Un amas coagulé de cendres et de pourriture s’échappa d’elle, laissant un amas de suie noire sur les draps blancs en travers de ses genoux.

Elle fixa le tas d’un air ahuri. Le cœur battant et les yeux brillants.

Le tas ne bougeait pas.

" Putain ". souffla Malefoy.

Le guérisseur Lewis fouilla le tas avec sa baguette, en s’éloignant le plus possible. " C’est… ça a été ingéré " inspira-t-il. " Il est mort. "

Malefoy s’effondra sur sa chaise, exhalant un rire déconcerté. " Je suppose que c’est la réponse à l’éternelle question, n’est-ce pas ? " Il souffla, secouant la tête d’un air perplexe. " Comment tuer un Épouventard: avoir peur des fruits et manger cette putain de chose. "

 

Les trois individus restèrent immobiles face à ce tas pendant quelques instants. À parts égales, ils étaient impressionnés et ébranlés par leur découverte.

" Signes vitaux " aboya soudain Malefoy en claquant des doigts vers le guérisseur.

Le sorcier sursauta en réponse, son corps luttant pour rattraper son cerveau en ébullition.

" Es-tu sourd ? Malfoy grogna. "  Vérifie ses signes vitaux. " 

 

C’est ce que fit le guérisseur Lewis, quoique maladroitement, les runes flottantes luisant faiblement au-dessus de son lit. Le diagnostic ne révéla aucun changement. Elle était toujours criblée d’orange et de jaune, signe de mauvaise santé. Mais son noyau magique brillait d’un vert éclatant.

"  La barbe de Merlin "  siffla Malefoy, la confusion pinçant son visage.

 

Hermione fronça les sourcils. Cela n’avait aucun sens. Elle venait d’être victime d’un sort, d’une torture - sa vie avait failli s’arrêter.

Elle devrait être plus mal en point.

" Remarquable " souffla le guérisseur Lewis, dont les yeux passaient frénétiquement d’elle au charme de diagnostic.

Hermione ne se sentait pas remarquable.

" Nous allons devoir faire d’autres tests " annonça rapidement le sorcier. " J’ai une collègue spécialisée dans les créatures obscures, nous pourrions lui demander d’examiner les restes. "

 

Le guérisseur se tourna vers Malefoy avec enthousiasme. " Je vais lancer des charmes de diagnostic toutes les heures pendant les prochains jours. Cette découverte est monumentale. Elle pourrait changer notre façon de comprendre… "

Le visage du guérisseur Lewis s’assombrit soudainement.

"  Cela suffit " , déclara Malefoy, ses yeux d’acier rencontrant l’expression vide du guérisseur.

 

Hermione regarda Malefoy avec horreur. Ses bras pendaient le long de son corps, sa baguette cachée. Rien ne laissait présager que Malefoy pratiquait la légilimencie.

C’était la première fois qu’elle le regardait avec une once de peur.

Ses yeux argentés se tournèrent vers elle, mais le guérisseur Lewis resta immobile.

"Comment savais-tu ?" demanda Malefoy calmement. Trop calmement.

Hermione eut du mal à trouver sa voix. " Je… quoi ? "

"L’Épouventard", précisa-t-il. "Comment as-tu su comment le détruire ?"

"Je ne savais pas" murmura-t-elle sincèrement.

"Alors pourquoi ?"

 

Elle marqua une pause. Pourquoi, en effet.

La contrainte. L’instinct.

La vérité était qu’elle ne savait pas comment tuer la créature. Aucun sorcier ne le savait.

Mais l’Épouventard le savait.

Elle se souvenait de la femme, désespérée, suppliante et décomposée. Une âme sœur - suppliant de trouver un moyen de sortir de son existence immortelle.

" Elle me l’a demandé "  souffla Hermione, la réponse la frappant comme un coup de Cognard. L’Épouventard était sensible. Intelligent.

 

Piégé.

Ce n’était pas la réponse qu’attendait Malefoy, la déception se lisant dans son regard.

" Cela complique les choses "  soupira-t-il en se passant la paume de la main sur le visage. " Je ne peux pas te faire examiner par une équipe de chercheurs si près du Tournoi. J’ai besoin de plus de temps. Nous devons ralentir la détérioration de ton esprit. "

Il ne la croyait pas. Pourquoi la croirait-il ?

" Bonne chance " , répondit-elle avec amertume.

 

Malefoy transforma la fiole vide en une boîte métallique, invoquant son vomi noir dans sa boîte avant de sceller le couvercle. Un rapide nettoyage rendit les draps souillés à nouveau impeccables.

" Vous n’avez rien vu d’anormal. Elle l’a vomi et nous l’avons piégé ici " , dit doucement Malfoy au sorcier, le visage du guérisseur se crispant tandis que Malfoy lui reconstituait son cerveau.

Un léger filet rouge s’échappa de la narine gauche de la Guérisseuse Lewis, que Malfoy fit rapidement disparaître.

Il se détourna d’elle en partant, la boîte bien rangée sous son bras.

D’un geste de la main, son python se mit à bourdonner, la redressant et la faisant trébucher vers lui.

" Je n’ai pas à m’inquiéter pour toi, n’est-ce pas ? dit-il en la regardant avec un sourire en coin. " Personne ne croira un mot de ce que tu dis. "

 

Et sur ce, il commença à sortir de l’aile de l’hôpital, les jambes tremblantes de la jeune fille la forçant à le suivre.

Lorsqu’ils atteignirent la porte, les bruits de pas résonnaient sur les sols cirés. Le guérisseur Lewis reprit son travail, sa plume griffonnant des pensées sur un parchemin qui n’était pas le sien.

 


 

Chapter Text


Parler


 

Le bavardage de la salle commune était exaspérant. Hermione ne comprenait pas comment ils pouvaient continuer à prétendre qu’il y avait un moyen de s’en sortir.

Rien n’avait changé dans la semaine qui avait suivi le test. Les elfes apparaissaient toujours avec des potions et des assiettes de nourriture, refusant de parler aux Champions malgré les tentatives répétées de Dennis. George restait immobile à la table dans le coin, la tête baissée, travaillant sur des croquis et des cartes qu’il gardait pour lui.

Les Mangemorts convoquaient leurs Champions pour les entraîner et les ramenaient quelques heures plus tard, presque intacts. Hermione ne savait pas ce qui était le plus grave : être arrachée à la sécurité de la salle commune ou être laissée en attente.

Hermione n’avait pas été convoquée depuis le procès, ce dont elle était reconnaissante. Mais elle avait du mal à s’habituer aux bruits de pas, aux conversations et aux signes de vie incessants. Au moins, sous les soins du guérisseur Lewis, elle était le plus souvent laissée au silence. Le silence lui était familier.

Susan restait près d’Hermione tandis qu’elle s’asseyait et observait de loin, à la périphérie de la salle commune. Elle était devenue une sorte d’ancre, encourageant Hermione à s’asseoir et à se faire voir quelques heures par jour. Hermione ne savait pas pourquoi elle acceptait sa présence, peut-être parce qu’elle craignait que Susan ne partage ce qu’elle avait vu à la Bataille, ou peut-être avait-elle simplement besoin de s’accrocher à quelque chose, à quelqu’un, en l’absence de Darryl.

Elles ne disaient rien, et personne ne leur parlait. Malgré l’apparence quelque peu plus agréable d’Hermione, les autres Champions la tenaient à l’écart. De temps en temps, Luna ou Justin lui adressaient de petits sourires. Theo l’observait comme s’il s’agissait d’une énigme à résoudre. Ron la fixait avec nostalgie et tristesse. Seamus détourna le regard comme si elle l’avait personnellement offensé. Et Ginny ? Ginny se contentait de regarder. Hermione n’arrivait pas à comprendre à quoi pensait la sorcière.

Au bout d’une semaine, une paix provisoire s’était installée entre elle et le groupe. Une compréhension silencieuse avec un courant d’anxiété de part et d’autre. Hermione imaginait que le poids de cette anxiété disparaîtrait dès qu’elle quitterait la pièce. Elle entendait les rires résonner dans les escaliers et se répercuter dans sa chambre. Bien qu’étouffé, le bruit dérangeait toujours Hermione.

Des moments partagés qu’elle avait manqués. Des amitiés qui s’étaient formées au fil du temps. Un fossé qui ne pourrait jamais être franchi parce qu’elle s’était engagée à ce qu’il en soit ainsi.

Cela intensifiait la douleur qu’elle ressentait pour Darryl et Harry, pour Ron - même s’il n’était qu’à quelques mètres d’elle. Elle se languissait de l’époque où l’amour était simple. Quand elle n’avait pas conscience de la destruction que cela pouvait causer. Quand elle n’avait pas besoin de mettre en place des règles pour atténuer ce choc. Là où elle devait protéger ceux qu’elle aimait en se rendant peu aimable.

Susan était l’exception. Pas par choix, mais par la seule force de volonté de cette femme. Elle l’avait mise au pied du mur et Hermione ne pouvait même pas se résoudre à en être fâchée. Susan connaissait ses secrets et les secrets avaient du pouvoir. C’était la raison pour laquelle elle ne lui avait pas encore parlé de l’Épouventard.

Hermione avait toujours pu faire confiance à son esprit. Mais les tentatives répétées de Malefoy pour l’ébranler l’avaient bouleversée. Les visions qu’elle avait eues ne pouvaient pas être expliquées et si elle était honnête avec elle-même, elle avait vu des choses dans ses rêves bien avant l’Épouventard.

La femme de sa vision était l’Épouventard Hermione sentait la vérité, aussi insondable soit-elle. Les sorciers se trompaient sur les Détraqueurs, peut-être se trompaient-ils sur d’autres. Peut-être se trompaient-ils tous.

Et Darryl… il était là. Elle le sentait. Son impatience s’était élancée vers elle dans l’obscurité, l’amenant à lui.

Mais l’autre partie d’Hermione était toujours ancrée dans la logique. C’était la raison pour laquelle elle ne s’était jamais résolue à croire en Dieu ou en des branches de la magie telles que la divination. Le fait qu’elle soit une Occlumens née, sa folie, était une explication bien plus raisonnable que la communication avec l’Épouventards et les chiens noirs.

Lequel des deux était le pire : être fou ou dans le vrai ?

Elle n’en savait rien.

C’est pourquoi Hermione avait gardé son jugement pour elle.

" Tu t’en sors bien ", murmura Susan en lui serrant la main. " Encore cinq minutes, d’accord ? Ensuite, tu pourras partir et… te détendre. "

 

Hermione répondit par un grognement. Se détendre était un terme élégant pour dire que l’on s’agenouillait devant un mur pendant des heures.

Susan fit un signe de tête vers Ron, qui était en pleine partie d’échecs avec Neville. " Sur qui parierais-tu ? " demanda-t-elle. demanda-t-elle.

" Ron ", répondit Hermione à voix basse.

 

Il n’était pas un universitaire et il n’était pas le plus doué pour les sortilèges, mais il était brillant dans son domaine. Un excellent stratège et parfois incroyablement téméraire, même si cela jouait généralement en sa faveur.

En matière de jeux, il n’avait pas d’égal. Les manœuvres de Quidditch et d’échecs lui étaient faciles. Elle croyait fermement que Ron avait de bonnes chances de remporter le tournoi. Et grâce à son sacrifice, elle pouvait y contribuer.

Cependant, les mots de Malefoy étaient encore présents dans son esprit. Peut-être qu’elle pourrait faire plus pour garantir la victoire de Ron si elle restait en vie.

Mais elle était fatiguée. Egoïste.

Elle ne pensait pas pouvoir le faire.

" Échec et mat ! hurla Ron, frappant l’air avec excitation.

Neville haussa les épaules en retour, riant de l’enthousiasme du rouquin. "  Une revanche ? "  demanda-t-il.

" Oui, je vais l’ajouter au score ", répond Ron. " Hé Gin ! Tu as mon carnet ? "

Ginny releva la tête de sa conversation avec George, " Quel carnet ? ".

" Celui dans lequel j’écris mes scores d’échecs ! " Il souffla d’un air irrité.

Ginny sourit, " Je ne savais pas que tu pouvais écrire. "

 

Neville gloussa, se leva de sa chaise pour embrasser la sorcière et sortit un petit livre bleu de sa poche arrière.

" Tu es une brute ", sourit-il en déposant un autre baiser sur la joue de la jeune fille avant de retourner s’asseoir.

Ron plissa les yeux en regardant sa sœur, " Voleuse " murmura-t-il.

" Branleur " répondit Ginny en roulant des yeux, bien que ses mots ne contiennent aucune malice.

 

Hermione sentit son rythme cardiaque s’accélérer à cet échange. Regarder ces trois personnes interagir avec une aisance qui lui rappelait celle qu’elle avait autrefois ne lui convenait pas.

Ce n’était pas comme ça que ça devait se passer.

C’était censé être Harry. C’était lui qui devait être assis en face de Ron. C’était lui qui devait recevoir l’affection de Ginny.

Pas Neville.

Elle savait qu’elle n’avait pas le droit de se sentir ainsi. Elle n’était pas présente pour assister au développement de ces nouvelles amitiés. Elle ne comprenait pas les circonstances qui les avaient réunis.

Mais l’amertume teintait ses raisonnements. L’injustice de tout cela. Les autres étaient allés de l’avant, tandis qu’elle était restée figée dans son chagrin. Le temps avait guéri leurs blessures, tandis que les siennes avaient été laissées à l’abandon.

" Le meilleur des trois ? " demanda Ron.

" Alors, allez-y.

 

Neville avança un pion tandis que Ron analysait l’échiquier. Après une brève hésitation, Ron plaça son cavalier sur la case noire vide.

Hermione tressaillit comme si elle avait été brûlée.

Elle ne pouvait pas faire ça. Elle ne pouvait pas faire ça, putain.

Hermione se leva d’un bond, faisant sursauter les occupants de la pièce.

" Hermione ? chuchota Susan en lui touchant doucement le bras.

 

C’en était trop.

Pourquoi ne pouvaient-ils pas la laisser mourir ?

Hermione fit quelques pas en arrière, respirant difficilement. Tous les regards étaient braqués sur elle. Toujours sur elle. Elle avait envie de se crever les yeux juste pour ne plus avoir à la regarder.

Seamus sortit prudemment sa baguette sur son genou, suivant ses mouvements.

" Hé Hermione, c’est bon " murmura Susan d’un ton apaisant, comme si elle était une sorte d’animal sauvage que l’on avait effrayé. " Rentrons. Je te ramène. "

 

Ron se leva, déglutissant difficilement. Il ouvrit la bouche pour parler lorsque Winky apparut au centre de l’impasse.

Elle serra un morceau de parchemin contre sa poitrine, se laissa tomber sur une table voisine avant de disparaître avec un bruit sec.

Tous les regards se tournèrent d’elle vers le papier, les mouvements s’immobilisant tandis qu’ils retenaient leur souffle dans l’attente. Au bout de quelques instants, Théo se leva et s’approcha nonchalamment du papier.

" Attention ! " siffla Justin.

 

Mais Théo ne montra aucune hésitation et saisit le parchemin, déployant son contenu.

La pièce resta silencieuse tandis que trois enveloppes noires se détachaient du parchemin et tombaient sur le sol. Le sorcier n’en tint pas compte, fixant intensément l’écriture griffonnée sur le papier.

" Qu’est-ce que c’est ? demanda Goyle, qui se tenait derrière l’un des canapés comme s’il s’agissait d’un bouclier.

Le sorcier ne répondit pas, parcourant et relisant le parchemin, les sourcils froncés, tandis que Luna jetait un coup d’œil par-dessus son épaule.

" Oh, souffla-t-elle. " C’est une liste.

Ginny traversa la pièce. " Les épreuves ? " demanda-t-elle.

La blonde se pencha pour ramasser les enveloppes éparpillées et en tendit une à Ginny. " Oui, et on dirait que c’est pour toi. Félicitations. "

 

Ginny prit timidement l’enveloppe, le visage pâle.

" Nous pouvons continuer alors ! " s’exclama Seamus. " Qu’est-ce que ça dit ?

Luna prit le parchemin des mains de Théo, l’agrandit et le fit léviter face au groupe. Hermione resta figée en lisant la liste des noms.

 

  1. Ginevra Weasley
  2. Luna Lovegood
  3. Théodore Nott
  4. Ron Weasley
  5. Neville Londubat
  6. George Weasley
  7. Parvati Patil
  8. Cho Chang
  9. Seamus Finnegan
  10. Padma Patil
  11. Justin Finch-Fletchler
  12. Gregory Goyle
  13. Susan Bones
  14. Dennis Creevy
  15. Hermione Granger

 

" Neuvième ! Seamus grogna. " Ils m’ont mis à la neuvième place ? "

" Mieux que moi. Je suis avant-dernier. Putain ! Dolohov va être furieux ! " s’écria Dennis.

 

Ron passa son regard entre la liste et Hermione, la mâchoire crispée alors que des voix s’élevaient autour des classements.

" Woah ! J’ai eu douze ! " Goyle sourit.

" Ça n’a pas d’importance. Seuls les trois premiers ont un indice, le reste c’est des conneries ". Ginny se crispa.

Seamus se renfrogna, " Facile à dire pour toi. Tu es à la première place. "

 

Susan saisit la main d’Hermione, la serrant pour la rassurer. Hermione n’était pas surprise par son score. Techniquement, elle avait échoué à deux des épreuves, et celle qu’elle avait réussie allait directement à l’encontre des souhaits des Seigneurs des Ténèbres. Cela, ajouté au fait qu’elle avait blessé Ombrage, signifiait qu’elle était vouée à échouer.

Hermione avait l’habitude de faire des cauchemars à propos de son échec. Il était presque risible de penser que la seule fois où elle avait échoué, elle avait obtenu exactement ce qu’elle voulait.

" Nous sommes tous du même côté. Ces résultats ne signifient rien. " Neville rassura le groupe tandis que les discussions s’apaisaient.

" Pourquoi ne pas partager l’indice avec tout le monde ? " répondit doucement Luna.

 

Theo prit son enveloppe avec dégoût et se plaça à côté de Ginny et de Luna.

Luna et Théo commencèrent à ouvrir leurs enveloppes. Ginny sembla hésiter avant de briser le sceau d’argent de la sienne, prenant son temps pour en extraire la carte qu’elle contenait.

Les indices n’avaient pas l’extravagance de l’œuf d’or que Harry avait reçu après sa première tâche. Il semblait presque négligé, étant donné le spectacle élaboré que le Seigneur des Ténèbres avait mis en place pour la Sélection. Mais pour Hermione, il s’agissait d’un symbole. Il avait été conçu dans le seul but d’énerver les Champions.

Ils se souvenaient tous de la joie et de l’émerveillement qui accompagnaient leur lettre de Poudlard. C’était le début d’une nouvelle aventure, d’un nouveau monde.

Là, c’était le début de la fin.

Un rappel brutal que ce monde était désormais le sien, et qu’ils n’avaient d’autre choix que d’y prendre part.

" Alors ? " demanda Padma d’une voix tremblante. demanda Padma en tremblant, " Qu’est-ce que ça dit ? "

Théo plissa les yeux, confus. " Ah… c’est le dessin d’une feuille ?

" J’ai une vigne " ajouta Luna.

Ginny secoua la tête, " Une sorte de fleur dentée. Ça me dit quelque chose. "

" Une feuille ? " Seamus ricana. " C’est ça l’indice ? "

" Un dessin de feuille " corrige Theo. " Et pas très bon d’ailleurs. Honnêtement, même moi, je pourrais faire mieux.

" Je trouve le mien très joli ", dit Luna en tournant sa feuille à l’envers.

 

Ginny relâcha ses épaules, les doigts agrippés au parchemin. Hermione pensa qu’elle allait crier. La sorcière tenait beaucoup à un indice aussi inutile et injuste.

Hermione ne comprenait pas pourquoi Ginny pensait que quoi que ce soit dans ce Tournoi serait juste.

" Oi Nev ! Viens jeter un coup d’œil " demanda Theo.

Le sorcier s’approcha et regarda le dessin. " On dirait des parties d’une Tentacule Venimeuse " commença-t-il en comparant l’image côte à côte avec celle de Luna.

" Et ça ? demanda Ginny en lui tendant son indice.

Neville arrangea les trois morceaux ensemble, " Oui, c’est bien une Tentacule Vénéneuse. Tu vois les pointes ? Le professeur Sprout nous demandait de faire attention à ces pointes en classe. "

 

Les autres se précipitèrent vers la table pour voir de plus près. Hermione regardait, essayant de comprendre ce que cela pouvait signifier.

" Ok, donc nous devons nous battre contre une…plante ? " demanda Padma.

" Ils n’ont pas combattu des dragons dans la Première Tâche ? Ça me semble un peu facile ", ajoute Justin.

" Trop facile ", acquiesce Cho. " C’est trop simple. Il doit nous manquer quelque chose. "

" Peut-être que c’est ce qu’ils veulent qu’on pense. Tu sais, ils veulent qu’on se mette dans notre tête ", dit Dennis nerveusement.

 

Ses camarades de classe continuèrent à se disputer à propos des indices. Hermione regarda George qui s’était tenu à l’écart de la conversation, restant à son bureau improvisé, la tête baissée. D’après ses souvenirs, il n’avait jamais été particulièrement studieux. Bien qu’elle n’ait jamais assisté à aucun de ses cours. Peut-être qu’avec le départ de Fred, il avait besoin de se concentrer sur autre chose. Peut-être essayait-il de trouver un moyen de s’en sortir, ou peut-être - comme elle - voulait-il simplement se retirer du Tournoi. Se perdre dans une routine pour garder un certain contrôle.

" Ils savaient que nous allions échanger ", déclara Luna avec fermeté.

 

Les bavardages s’éteignirent et ils se tournèrent vers la sorcière, les yeux écarquillés de compréhension.

Padma acquiesça solennellement : "  Ils ont divisé le tirage en trois. Ils s’y attendaient. Si nous ne l’avions pas mis ensemble, nous n’aurions peut-être jamais compris. "

" Putain ! " Seamus s’écria. " On aurait dû savoir qu’ils avaient une longueur d’avance sur nous. "

" Pas forcément ", rétorque Neville. " Ces dessins sont assez précis et facilement identifiables si on sait ce qu’il faut chercher. "

 

Ron s’assit, tapotant ses doigts contre le bord du canapé en se mordillant la lèvre, pensif. Au bout de quelques instants, son visage s’illumina de sa compréhension.

" C’est plus facile à trois ! s’exclama-t-il. " Tu pourrais y arriver tout seul, mais c’est plus facile à trois. C’est d’ailleurs l’objet de la prochaine tâche ! Nous devons travailler par groupes de trois ! "

" Je croyais qu’il s’agissait d’un tournoi ? Pourquoi voudraient-ils que nous travaillions ensemble ? " Seamus se moque.

" Parce que ça réduit le nombre de participants " chuchota Théo.

Théo regarda alors Hermione, déglutissant difficilement. " Ça crée un fossé. "

Ginny pâlit, " Il y aura donc une équipe gagnante de trois personnes. Ce qui veut dire… "

" Trois perdront ", souffla Theo. " Trois d’entre nous vont probablement mourir. "

 

Le silence se fit.

Hermione ferma brièvement les yeux pour échapper à la cruauté de leur situation, ne serait-ce qu’un instant. Elle avait déjà imaginé comment se déroulerait cette Première Tâche.

Comment elle allait mourir.

" Mais qu’en est-il de la Tentacule Venimeuse ? " Neville bégaya. " Ça veut sûrement dire quelque chose ? Soit nous en avons besoin, soit nous devons la tuer ou la récolter, soit quelque chose comme ça "

Hermione le sut à ce moment-là, regardant Neville inspirer alors qu’il arrivait à la même conclusion qu’elle.

" Pourquoi voudraient-ils que nous la récupérions ? " demanda Ron.

"  Le poison. " 

 

Toutes les têtes se tournèrent à nouveau vers Hermione, choquées par le son de sa voix. Le groupe avait presque oublié qu’elle était là. Qu’elle pouvait parler. Elle se demanda même s’ils savaient qu’elle suivait la conversation.

Les fantômes ne s’asseyaient pas à table.

" C’est ce qu’il y a dans la Première Tâche " murmura-t-elle, la voix étonnamment stable.

 

Elle fixa alors Ron, le menton relevé et les yeux clairs. Elle savait qu’elle ne devait pas le faire. Les règles qu’elle avait soigneusement établies s’aplatissaient à chaque mot qu’elle prononçait. Rien de bon ne sortirait de son aveu. Sa preuve de vie. Elle savait exactement comment cela allait se terminer.

Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Quand Hermione Granger connut la réponse, elle parla.

" Ils vont utiliser du poison. "

 


 

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Complexités


 

"Ils nous mettront face à quelque chose qui mérite d’être exhibé - quelque chose de plus cool que les dragons, tu sais ? Comme une Manticore ! Ou un dinosaure ! " s’exclame Goyle.

" Les dinosaures ont disparu, espèce de connard ", ricana Seamus, en jetant un regard noir depuis son coin de table.

 

Cela faisait des jours qu’ils réfléchissaient aux indices, à ce qu’ils pouvaient signifier. Ginny détestait l’admettre, mais elle pensait qu’Hermione avait raison de penser qu’il s’agissait d’un poison.

La question était de savoir comment. Devraient-ils utiliser le venin de la plante pour empoisonner une créature ? S’entretuer ? Ou devraient-ils créer un antidote ?

L’idée que Teddy puisse être empoisonné pour la première tâche empêchait Ginny de dormir. Elle détestait ne pas avoir été convoquée, ne pas avoir eu l’occasion de poser directement la question à Greyback. Elle avait juste besoin de savoir. Savoir s’il allait bien. Lui faire savoir qu’elle allait bien. Il pouvait penser qu’elle était morte, qu’elle n’avait pas survécu à l’épreuve.

La dernière chose dont elle se souvint avant de perdre connaissance fut son visage baigné de larmes et ses cheveux d’un blanc immaculé. Lorsqu’elle se réveilla, il avait déjà été emmené hors de la cour. Elle ne savait pas quand elle s’était effondrée, si elle avait réussi à s’accrocher jusqu’à la fin du temps imparti ou si elle avait glissé.

Si elle avait échoué, le fait qu’elle soit inconsciente aurait été une bénédiction. Au moins, elle n’aurait pas eu à regarder la malédiction envahir son petit corps.

Mais la dernière épreuve était celle de la peur. Elle dut donc la regarder quand même. Regarder ce qui se passerait si sa main glissait de la pierre.

Regarder son fils se tordre de douleur.

La simple reconstitution de cette épreuve la faisait vomir. Elle ne savait pas où elle avait trouvé la force de porter son corps convulsé, ses cris assourdissants alors qu’elle le déposait délicatement dans le coffre.

Elle avait du mal à voir à travers ses larmes lorsqu’elle referma le couvercle.

Ce n’était pas réel, se dit-elle.

Mais c’était possible.

Elle n’avait aucun moyen de le savoir. Elle n’a rien entendu. Le seul lien qu’elle avait avec lui était un monstre et c’est lui qui dictait les conditions.

Tout ce qu’elle avait à faire, c’était de survivre à cette première tâche. Rester en vie. Garder Teddy en vie. Rien d’autre ne comptait.

Elle ne savait pas pourquoi Greyback n’était pas encore venu. Peut-être pensait-il qu’en la classant première, il n’avait pas besoin de le faire.

Elle n’était pas la seule. Luna, Theo, Neville et Ron étaient tous restés dans l’expectative. Tout cela les avait mis sur les nerfs.

Neville était difficile à vivre, il la harcelait, elle et les autres, pour obtenir toutes les informations qu’ils avaient réussi à obtenir de leurs Disciples. Elle savait qu’il cherchait un moyen de s’en sortir. Une chance. L’espoir.

L’espoir était un mythe. Une idée impossible qui poussait de bonnes personnes à faire des choses terribles.

Ginny devait agir. Sa seule issue, celle de Teddy, était de gagner. Alors elle le ferait, par tous les moyens nécessaires.

C’était la raison pour laquelle elle avait hésité à partager son indice. Elle s’y était accrochée comme à une bouée de sauvetage et pendant un instant, seulement un instant, elle avait pensé refuser. De le garder pour elle. Prendre l’avantage.

Elle pensait qu’elle se sentirait coupable à présent. Horrifiée d’y avoir songé. Mais elle ne l’avait pas fait et elle ne l’avait pas fait. Si son humanité était le prix à payer pour la vie de Teddy, alors elle le paierait.

Ginny avait fait des choses terribles pendant la guerre pour survivre. Et elle donnerait sa vie sans hésiter si cela signifiait la liberté de sa famille. Mais Teddy ? Elle s’immolerait par le feu juste pour le garder au chaud. Elle brûlerait le monde et tous ses habitants en souriant.

 

Elle pense qu’elle pousserait même ses propres frères dans les flammes si cela pouvait le sauver.

" Ça va Seamus ? " demande Justin en tendant au sorcier un autre flacon de relaxant musculaire.

Seamus la renverse avec une grimace. " Oui, " toussa-t-il. " Cette salope n’arrête pas son ‘entraînement’. Je jure que si je prends encore une putain de malédiction, mon cerveau va me sortir du nez ".

Justin grimaça en signe de sympathie, " et comment vont les maux de tête ? ". demanda-t-il.

 

Ginny fit mine de prendre des notes tout en écoutant attentivement. Seamus était devenu de plus en plus erratique après chaque séance avec Bellatrix, la colère explosant à chaque désaccord mineur survenant au cours des recherches du groupe. Ils savaient tous ce que cela signifiait, mais personne n’était assez courageux pour l’appeler par son nom.

Des lésions cérébrales.

" C’est de la merde, voilà ce que c’est ! Comme je te l’ai dit hier ". Seamus craqua.

Justin a levé les mains en signe de reddition, " ok, je vérifiais juste ".

" Eh bien, je n’ai pas besoin de toi ! Je t’ai dit que j’allais bien, alors je vais bien, putain ! " Il grogne. " Ce n’est pas de moi que tu devrais t’inquiéter, c’est d’elle.

 

Ron se mordit la joue mais resta silencieux. Justin avait explicitement ordonné que personne n’argumente contre Seamus, car cela pourrait alimenter sa paranoïa.

Le problème, c’est que Ginny ne pensait pas qu’il délirait. Et elle n’était pas la seule. Parvati affichait le même regard de méfiance en présence d’Hermione. Ginny n’était pas allée jusqu’à accuser Hermione d’être une taupe, mais elle savait qu’il y avait quelque chose. Quelque chose de plus profond que le traumatisme et la folie. Il y avait en elle un malaise qui lui faisait dresser les cheveux sur la tête.

Elle avait éviscéré Ollivander et n’avait pas encore dit un mot à ce sujet. Elle parlait à peine, traînant Susan comme une ombre en marge. Mais la nuit où ils avaient reçu les indices, elle en avait parlé. Elle en a déterminé la signification en quelques minutes, sur un ton qui était juste. Comme. Elle.

Elle était une contradiction ambulante.

Ginny n’avait pas encore décidé si Hermione avait été placée en dernier parce qu’ils la considéraient comme faible ou comme une menace. Si c’était une ruse ou la vérité. Elle ne savait pas si la sorcière s’était alliée à la Lumière ou avait aidé les Ténèbres. Si elle était assez intelligente pour garder sa santé mentale cachée ou si elle l’avait perdue. Elle ne savait rien de la femme qui portait le visage d’Hermione Granger.

Il n’y avait qu’une chose dont Ginny était certaine. Cette sorcière était dangereuse.

" George, je peux revoir le livre ? Neville demanda, attrapant le manuel d’Herboristerie et le feuilletant jusqu’à ce qu’il atteigne la section sur les Tentacules Venimeuses.

Le livre était une bonne surprise. George l’avait apporté à la fin de sa séance d’entraînement avec Avery, déclarant qu’il l’avait " simplement demandé " et expliquant les indices que les Champions avaient reçus. Le groupe avait été furieux, surtout Ron, de voir que George avait donné des informations aux Disciples.

Mais son frère aîné avait simplement haussé les épaules et déclaré : " Il veut que je gagne. Pour l’instant, nous sommes du même côté. Si je pense que j’ai besoin d’un livre pour m’aider à gagner, alors pourquoi ne m’aiderait-il pas ? "

 

Cela avait ouvert un océan de possibilités qu’ils n’avaient pas encore envisagées. Les Mangemorts ont toujours été l’ennemi. Ils ne négociaient pas, ils torturaient et tuaient.

Pendant la guerre, leur donner des informations revenait à signer l’arrêt de mort de l’Ordre. Mais ici, les objectifs étaient alignés. Ils étaient, par essence, du même côté.

C’était un véritable casse-tête.

 

Ginny ne pouvait s’empêcher d’admirer les cruelles subtilités du jeu.

" Ok, les pousses sont vénéneuses mais pas aussi mortelles que les pointes " pensa Neville. " Son jus est donc le moins mortel, mais il peut quand même tuer en grande quantité. Ensuite, par ordre de toxicité, il y a les pousses, les pointes et enfin la morsure. "

" N’oublions pas ses spores " ajouta Luna.

Neville se frotta les yeux, épuisé par les nuits passées à éplucher le texte. " Oui, bien sûr. Le suc, puis les spores, puis les pointes… " Il soupira. " Pardon, les pousses. Puis les pointes et enfin la morsure. "

" Ok, " George acquiesça, " donc si nous rencontrons quelque chose de gros, il vaut mieux le garder en vie pour qu’il puisse mordre ? "

" Et garder le venin frais, oui - cela garantirait la mort de quelque chose de taille modérée " confirma Neville.

" Comme une personne " marmonna Seamus sous sa respiration. Assez silencieusement pour que Ginny pense être la seule à l’entendre.

" Si nous devons tuer quelque chose, ne pourrions-nous pas utiliser nos baguettes ? demanda Goyle.

Theo soupira : "  Nous ne savons pas quels sorts ils nous autoriseront à utiliser dans la Tâche. Ils pourraient lever les restrictions ou nous prendre nos baguettes. Il vaut mieux que nous nous préparions. "

 

Ginny acquiesça. Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre.

" Devrions-nous revoir les propriétés de ses ingrédients ? " demanda Neville au groupe fatigué.

" Je vais me coucher ", dit Dennis en baillant.

" Nous devrions tous aller nous coucher " approuva Justin, en montrant du doigt Padma qui ronflait sur le canapé.

La salle se vida lentement, George retournant à son poste de travail pour une autre nuit tardive. Seuls Ginny, Theo, Neville et Ron restaient dans le désordre des recherches autour des indices.

Le nouveau Trio d’Or et le Grand Traître. Quelle équipe ils formaient !

 

Ginny se sentait plus éloignée d’eux chaque jour qui passait.

" Ok, je crois qu’il faut qu’on ait une conversation sur cette histoire de trio " commença Ron. " Si nous devons former des équipes, je pense que tu devrais aller avec Hermione, Neville. C’est vous qui en savez le plus sur l’herbologie. Ginny, tu es classée numéro un, alors tu devrais peut-être te mettre avec l’un des membres les moins bien classés, peut-être Susan ou Dennis. Théo, tu… "

Ginny soupire : " Ron, on peut laisser tomber ? On s’y attaquera demain. "

" On ne peut pas laisser tomber Gin, ce n’est pas comme s’il allait disparaître ", a-t-il réprimandé.

" Oui, mais il se peut que ça n’arrive même pas ! Peut-être qu’il n’y avait que trois indices pour les trois premiers. C’est tout ! Il n’y a pas besoin d’un sens caché ou d’un but à tout ".

" Je suis d’accord avec Ron ", renchérit Neville en s’appuyant lourdement sur la table. " Nous devrions au moins commencer à réfléchir à la manière de répartir tout le monde pour assurer au mieux la sécurité des gens. Que se passera-t-il si nous devons nous séparer en équipes ? Comment décider qui va avec qui ? "

" Ce n’est pas à toi de décider ! " Ginny se fâcha. " Ce n’est pas notre responsabilité.

Neville serra les poings : " Pour l’amour de Merlin, Gin, si ! Qu’est-ce qui te prend ? Nous devons veiller sur le groupe, nous devons le mener… "

"  Nous menons seulement parce qu’ils le permettent ! Parce qu’ils ne veulent pas le faire ! Tu crois que je voulais être un chef ? Tu crois que j’ai demandé cette responsabilité ? Et toi ? "

" Aucun de nous ne l’a voulu ", aboya Ron. " Mais nous sommes là. Et nous avons encore un travail à faire. Nous devons réfléchir à un plan pour assurer la sécurité de l’Ordre. Pour garder le plus grand nombre d’entre nous en vie. "

 

Ginny vit rouge. Elle en avait vraiment marre de faire passer tout le monde avant elle.

" Et ma vie ? " Siffla-t-elle. " Et la vie de Teddy ? La vie de maman ? Ta vie, Ron ! Je ne peux pas assurer la sécurité des gens que j’aime si je suis occupée à aider les autres ! Je dois me concentrer sur Teddy et toi… " elle enfonça un doigt dans la poitrine de son frère, " TU dois t’assurer que maman survive à tout ça ".

Elle se tourna furieusement vers Neville : " Nous nous occupons des autres quand nous le pouvons. Mais pour l’instant, nous ne sommes pas une équipe, nous sommes des concurrents. Et si tu crois une seule secondes que les autres vont te faire passer en premier, tu es fou. Si nous devons choisir des équipes, alors je choisirai les personnes auxquelles je tiens le plus ou celles dont je pense qu’elles amélioreront mes chances. Des gens comme George. Comme Ron. Comme toi. "

" Elle a raison, ajouta Théo. " C’est chaque sorcier pour lui-même. " Le brun croisa ses doigts, étonnamment calme. " Si - et c’est un grand si - nous devons choisir nos équipes ou nos partenaires ou quoi que ce soit d’autre, j’irai avec Hermione. "

" Quoi ? Non ! " Ron bafouilla.

Théo leva la main, le coupant dans son élan. " Tu dois penser à ta mère, Ron. Et même si ça me fait mal de le dire, Hermione est un handicap. Elle est imprévisible et volatile. Ma garantie, c’est Dudley, je n’ai jamais eu de conversation avec lui et d’après ce que j’ai entendu, c’est un vrai connard. Je suis donc prêt à prendre le risque. Je n’ai personne que j’aime en jeu. "

Ron serra les dents, incapable de lâcher prise. " Et les autres ? On ne peut pas se mettre en binôme avec qui on veut, il faut penser à protéger… "

 

Ginny en avait assez.

" Ne fais pas comme s’il s’agissait de protéger les autres, Ronald Weasley ! " rugit-elle. " Tu ne t’es jamais soucié de ceux que tu as blessés ! De ceux que tu as sacrifiés dans ton obsession pour… "

" Ginny ! Neville siffla.

" Elle ! " Elle termina, les années de chagrin et de rage accumulées jaillissant de sa langue. " Je t’ai tout donné ! J’ai sacrifié tout le monde ! J’ai trop perdu… " Sa voix se brisa alors qu’elle inspirait difficilement, sa poitrine se soulevant alors qu’elle expulsait le poids qui s’y était accumulé. " Comment oses-tu m’en demander plus ? Comment oses-tu me demander de risquer mon Teddy !

" Gin, je t’en prie. Je ne voulais pas… " Ron déglutit. " J’avais prévu… J’ai fait de mon mieux. J’ai fait tout ce que je pouvais… "

" Tu n’en as pas fait assez ! "

" Arrête ! " Neville se mit à claquer des mains sur la table, réduisant le groupe au silence.

 

Ginny se retira avec une inspiration tremblante, la voix instable alors qu’elle défiait l’homme qu’elle aimait. " Soit tu es avec moi, soit tu es avec lui. Je ne participerai pas à cela. Je ne peux pas le faire. Je ne le ferai pas. "

Neville la regarda fixement, l’expression confuse, mais surtout silencieuse. A chaque secondes qui passait, elle sentait son cœur se fracturer.

Le silence était la réponse.

Alors qu’elle pensait que son cœur allait se briser complètement, une main douce lui caressa l’épaule, l’éloignant des vestiges de sa confession. George la guida doucement, son bras autour de sa taille étant la seule chose qui la maintenait stable.

Elle poussa un sanglot lorsqu’ils tombèrent de leur champ de vision, s’accrochant au seul membre de la famille qui lui restait et qui lui donnait l’impression qu’elle comptait. Qu’elle valait la peine d’être sauvée.

" Ne t’inquiète pas ", murmura-t-il calmement, comme si c’était simple. " Je ne laisserai rien arriver à toi ou à Teddy. Je vous garderai en sécurité. "

 

Et elle supposait que pour George, c’était aussi simple que cela. Quand il disait qu’il ferait quelque chose, il le pensait. Il allait jusqu’au bout.

Toujours.

George l’emmena dans sa chambre, sachant qu’elle ne supporterait pas de retourner dans le lit qu’elle avait partagé avec Neville. Elle n’a jamais eu besoin de dire à George ce dont elle avait besoin. Il le savait, c’est tout.

D’un coup de baguette, il tamisa les lumières, la bordant dans des draps qui dégageaient une odeur de sûreté, de forteresse et de projections d’océans et d’étoiles.

Pour l’instant, c’était suffisant.

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Origines


 

"Mon Dieu, tu n’as pas froid ? Il fait froid ici " Susan frissonna en se glissant dans la baignoire avec Hermione.

Hermione ramena ses genoux contre sa poitrine pour laisser plus de place à Susan, le mouvement faisant gicler l’eau du bain sur les côtés de la baignoire. Elle haussa les épaules, " J’ai ajouté de l’eau chaude cette fois-ci pour toi. "

Susan poussa un petit rire, ses bras s’accrochant aux bords de la baignoire alors qu’elle s’habituait au froid.

" Merci beaucoup. J’espère que mes orteils ne deviendront pas bleus. "

Hermione sourit faiblement en réponse, tandis qu’elles se passaient le savon de part et d’autre, tombant dans la routine matinale qu’elles avaient involontairement créée au cours des trois dernières semaines.

Les deux femmes avaient découvert que la présence de l’autre atténuait la vulnérabilité de leurs formes nues. Elles pouvaient se concentrer sur la conversation, sur la décontamination. La peur disparaissait lorsqu’elles étaient ensemble. Le fait de savoir que quelqu’un pouvait voir leur corps d’un point de vue non sexuel atténuait la douleur. Qu’elles pouvaient se débarrasser de leurs vêtements devant quelqu’un d’autre sans être violentées. Susan la conditionnait peu à peu - elle ne mentionnait jamais les cicatrices, les reluquait à peine. Elle ne faisait aucun commentaire sur ses hanches saillantes ou sa taille chétive. Elle ne faisait pratiquement rien d’autre que de l’aider à se laver.

Et c’est justement ce qu’elle a fait.

Avec un pain de savon et un linge épais, Susan apprit à Hermione que le toucher humain pouvait être doux. Platonique. Familial.

Leur compréhension commune apportait un sentiment de sécurité. Et cela donna à Hermione un sentiment d’autonomie, celui d’exposer son corps et d’en faire le choix.

On ne lui en avait pas donné beaucoup.

Hermione ne savait pas si elle pourrait se laver sans que Susan ne lui montre qu’elle pouvait le faire. Son corps affichait l’histoire de ce qu’elle avait commis et de ce qu’on lui avait fait endurer. Elle pense qu’elle se noierait dans ses souvenirs, sans les distractions de Susan.

" Ok- Cormac et Luna " dit Susan en souriant.

" Rumeur " répondit Hermione.

Susan éclata de rire. " Non ! La vérité. "

" Vraiment ? "

" Oui, plusieurs fois apparemment. Il l’a pas mal dragué, mais elle n’était pas très réceptive. Ça s’est vite calmé ".

" Intéressant " pensa Hermione, bien qu’elle ne soit pas particulièrement intéressée. Le jeu était superficiel, facile. Elle n’avait pas besoin de réfléchir beaucoup, mais cela lui permettait de rester ancrée dans le présent. Dans le havre de paix que créait le bain.

C’était exactement ce dont Hermione avait besoin, et c’est peut-être pour cela que Susan le faisait.

" En voilà une facile. Cho et Parvati. "

" C’est vrai. "

" Ouais. Je pensais que tu avais compris ça depuis le début. "

Hermione fredonna son accord, repoussant les souvenirs du regard frénétique et des accusations brûlantes de Parvati.

" Hmmm, laisse-moi réfléchir. Oh- Ron et Padma ! " s’exclama Susan avant d’écarquiller les yeux.

Hermione cligna des yeux. " La vérité. "

Susan se passa la main sur la bouche, le visage crispé par la prise de conscience. " Merde, je suis désolée, je n’ai pas réfléchi. " Elle secoua la tête, " Rumeur. C’était une rumeur. "

" Tu n’as pas besoin de mentir, Susan, c’est bon. Je suis contente qu’il ait trouvé quelqu’un. " Hermione le rassura sincèrement.

" Non, c’est vrai ! Je jure qu’il… il n’a jamais… avec quelqu’un que je connaisse. "

Hermione fronça les sourcils, " Pourquoi pas ? "

Susan prit une profonde inspiration, réfléchissant à une réponse acceptable. " Il… c’était difficile de trouver le temps, je suppose. Nous étions tellement occupés à essayer de rester en vie, à trouver des informations, à trouver de la nourriture. Ron travaillait plus dur que la plupart des autres. Entre les raids et la planification, il passait son temps à chercher… "

Elle marqua une pause. Elle expira.

" Toi. "

Hermione se pencha en arrière, surprise, la culpabilité lui retournant l’estomac. " Il n’aurait pas dû faire ça " murmura-t-elle.

Susan eut un petit rire noir. " On ne pouvait pas l’arrêter. "

Le silence s’installa. L’eau n’était plus aussi réconfortante.

" Nous devrions sortir " dit Hermione en montrant leurs serviettes jetées.

" Cinq minutes de plus.

Hermione soupira, accédant à sa demande de plus de temps. Comme elle le faisait toujours. Dieu sait pourquoi.

" Vous étiez ensemble, n’est-ce pas ? C’est pour ça qu’il a fait autant d’efforts ? " demanda Susan sans détour.

Hermione secoua la tête. " Non. Jamais. Je pense que nous aurions pu… une fois. Mais il n’était pas prêt et alors… "

" Et ensuite quoi ? "

" Puis il est parti. Quand Harry avait le plus besoin de lui. Quand j’en avais besoin. "

" Quand tu étais en fuite, n’est-ce pas ? Je croyais qu’il était revenu ? "

" Il est revenu mais je ne lui ai pas pardonné et nous, eh bien, il y a eu d’autres choses qui… " elle déglutit, des larmes piquant le coin de ses yeux.

" C’est bon. Je comprends. J’en sais assez, tu n’as pas besoin d’en dire plus ". Susan l’apaisa en lui prenant la main.

Hermione renifla. " Dis-lui juste que ce n’était pas sa faute et que je suis désolée. Que je lui ai pardonné il y a longtemps. "

Susan acquiesça. " Susan hocha la tête. Mais Hermione, tu dois lui dire toi-même. Il pense que ta capture est de sa faute. Il pense que tu l’évites parce que tu lui reproches de ne pas t’avoir retrouvée. Si tu pouvais juste lui expliquer pour qu’il comprenne, lui parler de la bataille… "

" Non " siffla Hermione. " Personne ne doit savoir.

" Hermione, ce n’était pas… "

" Si. "

" Très bien ", soupire Susan. " Mais dis-lui au moins que tu ne lui en veux pas, d’accord ? Rassure-le un peu pour l’amour de Merlin. Tu es en train de le tuer. "

" Je le ferai. "

" Quand ? "

" Après la Première Tâche. "

" Ok ", Susan acquiesça. " D’accord. "

Susan se retourna, sa voix s’éclaircissant alors qu’elle passait à un sujet plus léger. " Tu veux bien me laver les cheveux ? Je veux être belle aujourd’hui. "

" Tu es plutôt autoritaire, tu le sais ? " Hermione souffla.

" J’ai appris des plus grands ".

Hermione fit mousser les cheveux de Susan avec du shampoing, se perdant dans le rythme tandis qu’elle massait son cuir chevelu.

" Tes cheveux te manquent ? demanda Susan.

" Tu poses beaucoup de questions aujourd’hui. "

" Peut-être que je veux juste mieux te connaître. "

" Tu me connais mieux que n’importe qui d’autre ici ", répondit Hermione à voix basse.

"  La compréhension n’est pas la même chose que la connaissance. " 

Hermione marqua une pause, remontant la tasse pour rincer la mousse des cheveux de la sorcière. " Parfois, ça me manque ", songea-t-elle. " Je me sens nue sans elle. Mais c’était un cauchemar à gérer. "

" Ça va repousser, tu as déjà un peu de duvet qui pousse sur ta tête. Donne-toi quelques mois et tu retrouveras ta crinière ". Susan l’assura.

Hermione ne dit rien et attrapa le démêlant. Les cheveux ne repousseraient pas. Les cadavres n’ont pas de cheveux.

A la place, elle demanda : " Pourquoi veux-tu être belle aujourd’hui ? "

" Oh, Dennis a prévu une fête surprise au déjeuner. Je veux l’épater. "

" Dennis ? "

" Oui, on a un truc. "

" Un truc ? "

" Un truc ".

Hermione sourit faiblement. Agréablement surprise que Susan puisse encore se réjouir de telles choses. Qu’elle puisse connaître des moments de joie, même dans une position aussi précaire que la leur.

" C’est la fête de qui ? "

" A moi ".

Les mains d’Hermione s’immobilisèrent. " C’est ton anniversaire aujourd’hui ? "

" Le grand vingt-deux. "

" Joyeux anniversaire " chuchota Hermione.

Susan jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et sourit. " Merci. C’est bien de fêter ça avec tout le monde. "

Hermione acquiesça.

" Je m’attends à ce que tu viennes. "

Hermione grogna.

Susan se retourna complètement, essayant de placer ses mains sur ses hanches mais n’y parvenant pas à cause des contraintes de la baignoire.

" Tu viens " demanda-t-elle.

" Non. "

" C’est mon anniversaire ! "

"  Je t’ai dit joyeux anniversaire. " 

" Hermione, s’il te plaît " fit-elle la moue.

Hermione soupira. " D’accord. Cinq minutes. "

" Dix. "

" Cinq. "

" Très bien ! " Susan souffla, levant les mains et projetant de l’eau en l’air.

Hermione ne savait pas pourquoi elle se sentait si offensée. Elles savaient toutes les deux que Susan demanderait cinq minutes de plus quand Hermione arriverait.

Et elle s’exécuterait.

En réalité, Susan allait avoir ses dix minutes.

Hermione termina de laver les cheveux de Susan avant de sortir et de se sécher. Elle aperçut les angles aigus de son corps nu pendant qu’elle s’habillait, atténués par le flou qu’Hermione avait insisté pour que Susan charme le miroir. Se regarder n’était pas une expérience particulièrement agréable, aussi décida-t-elle de l’éviter complètement.

Après avoir enfilé ses vêtements propres et s’être brossé les dents, elle trouva Susan toujours ancrée dans la baignoire avec une expression lourde sur le visage.

Hermione se tourna vers la sorcière, une question sur le visage.

Susan déglutit. " J’étais en train de penser à la façon dont tu as passé toutes ces années seule " chuchota-t-elle. " Cinq anniversaires. Cinq ans. "

Hermione eut l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. Elle voulait réconforter la sorcière. Elle voulait partir. Elle voulait lui hurler dessus pour avoir choisi ce jour pour perturber leur règle tacite de laisser certaines choses en suspens.

Elle ne fit ni l’un ni l’autre.

" Je n’étais pas seule. souffla Hermione.

Susan releva la tête, la confusion et l’espoir s’affichant sur son visage. " Qui ? "

"  Un ami. " 

La sorcière resta immobile, les yeux scrutant son visage comme pour y déceler un mensonge. N’en trouvant pas, elle expira lentement. Ses épaules se relâchèrent. " Comment était-il ? "

Hermione remua sa robe en fixant le carrelage de la salle de bains. " Il était…. gentil. Intelligent " sourit-elle. " Plutôt calme. Il n’était pas ce à quoi je m’attendais mais il… il était gentil. "

Susan acquiesça, ses sourcils se plissaient car elle se souvenait sans doute qu’Hermione était venue seule. " Où est-il maintenant ? " demanda-t-elle timidement.

Hermione ferma les yeux, imaginant sa cellule sombre et son lit de camp taché. L’évier rouillé et le robinet qui fuyait. Les échiquiers et les bibelots.

"  Chez moi "  murmura-t-elle.

Susan ouvrit la bouche pour répondre mais sembla avaler ce qu’elle allait dire. Elle continua à se laver en silence, et Hermione la laissa s’agenouiller à sa place habituelle près du mur de sa chambre pour commencer ses prières.

Elle laissa les mots couler en elle et, bien qu’elle ne puisse pas offrir son sang, elle leva quand même les paumes de ses mains. Un geste vers une force qu’elle avait choisie pour être sa Divinité.

Hermione perdit la notion du temps, mais après ce qui devait être des heures, à en juger par la raideur de ses membres, elle s’arrêta et se releva. Elle trébucha de surprise, découvrant Susan perchée sur le bord de son lit, vêtue d’une serviette et la regardant attentivement.

Hermione ravala sa gêne, d’habitude, elle s’arrêtait quand Susan entrait. Elle était tellement perdue dans ses prières qu’elle n’avait pas entendu la sorcière sortir de la baignoire.

C’était une chose d’avoir quelqu’un qui soupçonnait votre folie, c’en était une autre de la mettre en scène.

" J’étais juste en train de…

" Je priais ", termina Susan à voix basse.

Hermione déglutit. " Oui. "

" Ces mots… " Susan chuchota. " Ils étaient magnifiques.

Hermione resta immobile, à peine capable de respirer.

" Du latin, c’est ça ? "

Hermione acquiesça.

" Où l’as-tu appris ? " demanda Susan avec hésitation, en plaçant une main sous sa cuisse.

" Je… " commença Hermione, étouffant ses mots. Elle savait que la sorcière était effrayée, probablement terrifiée par ses divagations folles, alors elle cherchait désespérément la bonne chose à dire. Quelque chose qui apaiserait sa peur.

Quelque chose qui la ferait rester.

" J’ai appris le latin à Poudlard, c’était utile pour les runes anciennes. Les prières, je les ai inventées moi-même, des mots sans signification pour la plupart " balbutia-t-elle.

Les yeux de Susan suivirent le mur derrière elle, puis le plafond, le sol - avant de retomber sur Hermione.

" Je ne sais pas grand-chose du latin " souffla Susan. " Mais tu as dit quelque chose, quelque chose de familier. Un nom. "

Susan inspira profondément, et Hermione en ressentit la terreur. La crête d’une vague avant qu’elle ne se brise. L’éclair bleu avant que le tonnerre ne gronde. Une confession, un secret, au bord d’une falaise.

Prêt à tomber.

Confiant dans le fait qu’il atterrirait en toute sécurité.

" Hécate ", expira Susan, le nom n’étant qu’un souffle. " Que sais-tu d’elle ?

Hermione cligna des yeux, surprise. " C’est une déesse de la mythologie grecque moldue. Les Grecs anciens la désignaient comme la déesse des passages, des carrefours, des frontières, de la nouvelle lune, de la nécromancie, des fantômes et….de la magie. "

" La sorcellerie " Susan acquiesce.

" Pour certains érudits, oui. "

Susan se détendit légèrement et tapota l’espace à côté d’elle, faisant signe à Hermione de s’asseoir.

Hermione s’exécuta et elles fixèrent ensemble le mur lointain.

" Alors tous les Moldus vénèrent-ils Hécate ? " demanda Susan, incrédule.

" Pas vraiment non " répondit Hermione lentement. " Certains le faisaient, mais ce n’est plus si courant. Les Grecs de l’Antiquité avaient de nombreux dieux, Zeus étant le plus célèbre d’entre eux, ou son fils Hercule. Hécate n’est pas vraiment connue. Mais de nos jours, ce ne sont que des mythes pour la plupart des Moldus. "

" Je n’ai jamais entendu parler de Zeus ni d’aucun autre dieu ", avoue Susan. " J’allais chez mon père l’été, mais j’ai passé la plus grande partie de ma vie dans le monde des sorciers avec ma tante. Mon éducation précoce était plus proche de celle d’un sang-pur que d’un sang-mêlé. "

Hermione fredonna en signe d’assentiment. " J’étais fascinée par le monde des sorciers quand j’étais petite. Mes parents étaient assez religieux, bien qu’ils vénéraient un dieu différent. Ils disaient qu’il était le seul vrai dieu et qu’il était omniscient et tout-puissant. Qu’il était juste, sans défaut. Je n’y ai jamais vraiment cru. Personne ne peut atteindre la perfection, pas même Dieu. C’est la raison pour laquelle j’aimais tant apprendre la mythologie grecque. Leurs dieux étaient désordonnés et imparfaits - à vrai dire, certains d’entre eux étaient horribles. Et ils se battaient entre eux tout le temps. "

" Alors tu as décidé de vénérer Hécate parce qu’elle t’intéressait ? "

" Non, répondit Hermione. " Je ne crois en aucun dieu. J’ai choisi de vénérer quelque chose de tangible. Quelque chose dont je connaissais l’existence. J’ai donc choisi de vénérer la magie. J’ai décidé de l’appeler Hécate, c’est tout ".

" Et tu as juste… choisi ce nom d’après une ancienne déesse dont tu n’as jamais cru à l’existence ? "

" Oui ", dit Hermione simplement.

Susan s’éloigna d’elle et commença à arpenter la pièce, ajustant et réajustant sa serviette, tout en se mordillant le pouce en pensée.

" Et si je te disais qu’Hécate existe vraiment ? jappa soudainement Susan, s’arrêtant au milieu de sa course.

Hermione se pencha en avant, la colonne vertébrale se tordant alors qu’elle sentait qu’elle était sur le point de recevoir une leçon. Apprendre était une habitude qu’elle n’avait pas encore perdue.

" Comment cela ? demanda Hermione, s’efforçant de cacher sa curiosité.

Susan déglutit. " Certains croient qu’Hécate fut la première sorcière. "

Hermione fronça les sourcils. " Je croyais que le monde des sorciers ne savait pas d’où venaient les sorciers et les sorcières. Personnellement, ma théorie est qu’ils ont commencé à apparaître au sein de la population moldue. "

" Il y a beaucoup de théories ", acquiesça Susan. " Certaines sont plus connues que d’autres. Certaines…. moins connues. "

" Moins connues ? "

" Oui, Susan s’est agitée. " T’es-tu déjà demandé pourquoi le monde des sorciers n’a pas de religion ? "

Hermione se mordit la lèvre, se demandant où Susan voulait en venir. " Je veux dire…oui, je crois que je me le demandais. Mais je me suis dit qu’il ne devait pas y avoir de raison à cela, étant donné que la magie semble pouvoir expliquer la plupart des choses inexplicables. Le reste, c’est de la divination, une vraie farce. "

" Alors s’il n’y a pas de religion sorcière, d’où penses-tu que les gens pensent que la magie vient ? "

" L’évolution " répondit Hermione d’un ton égal - comme tout le reste.

" Non " répondit Susan à voix basse. " La plupart des gens ne pensent pas du tout à la réponse à cette question. C’est même tabou d’en parler. "

Hermione blêmit. " De quoi ? De l’origine de la magie ? "

" Oui ", expliqua Susan. " Pourquoi penses-tu que ce sujet, sans doute le plus grand mystère de notre existence, n’a jamais été abordé correctement à Poudlard ? La réponse officielle à cette question est que nous ne connaissons pas l’origine de la magie. Toute théorie évoquée est rapidement écartée. "

" Pourquoi ? " s’exclama Hermione, déconcertée.

" Nous allons prendre votre théorie par exemple " dit Susan. " Pourquoi serait-elle ignorée ? "

Hermione n’eut pas besoin de réfléchir, la réponse fut presque immédiate. " Parce que cela prouve que les sorciers sont issus des Moldus. Que même les familles de sang pur sont des Disciples de gens comme moi - des nés-moldus. Des sangs-mêlés. " Siffla-t-elle.

Susan acquiesça solennellement. " Difficile de tenir ce discours anti-moldus quand on est tous semblables, n’est-ce pas ? "

Hermione resta assise là, à ruminer. Bien sûr que ce serait tabou. Ceux qui étaient au pouvoir n’admettraient jamais que leur race pure ne signifiait pas grand-chose. Qu’une légère évolution était la seule chose qui les séparait de n’importe quel moldu moyen.

" Et… " Susan commença, plus doucement cette fois, comme si elle craignait que quelqu’un l’écoute. " Si la magie n’est pas issue de l’évolution, comment expliquer autrement son origine ? "

Les yeux d’Hermione s’écarquillèrent. " Elle a été donnée. "

" Oui, souffla la sorcière. " Par quelqu’un, quelque chose de plus puissant que nous. "

" Comme un dieu. "

" Exactement. "

Hermione expira, la tête lui tournait. " Donc tu es en train de dire que ….Hecate était réelle ? Un vrai dieu - ou déesse devrais-je dire. "

" Pas une déesse. Une sorcière. La première sorcière. Qui a reçu sa magie de quelque chose d’ancien. Un être si puissant que nous ne pouvons même pas commencer à le comprendre. "

" D’accord, mais il n’y a pas de preuve, n’est-ce pas ? " Hermione insiste. C’est juste une théorie. Une croyance. "

Susan soupira et lui tendit la main alors qu’elle s’asseyait à côté d’elle.

" Je dois admettre que je n’en sais pas beaucoup plus. Ma tante n’en a jamais beaucoup parlé avec moi, car c’était tabou. Il y avait un vieux livre qu’elle gardait caché, une petite chose rouge miteuse. Elle disait que c’était la réponse à tout. Elle m’avait promis de me le montrer quand je serais en âge de le faire, de me raconter l’histoire d’Hécate - supposée n’être qu’une petite partie de l’écriture. Peut-être qu’il s’agissait de ce prétendu Dieu, je ne sais pas. Je ne pense pas que je le découvrirai jamais maintenant. "

Les yeux de la sorcière devinrent vitreux et Hermione eut un sursaut de reconnaissance en se rappelant la bataille au Département des Mystères en cinquième année. Celle où Dolohov l’avait marquée de son empreinte. L’Auror Amelia Bones avait été tuée ce jour-là. Susan était le dernier membre de la famille Bones.

" Je suis désolée " chuchota Hermione.

Susan se racla la gorge, le dos se redressant. " Ce n’est pas grave. C’était il y a longtemps maintenant. "

Elles restèrent assises sur le poids de cette histoire pendant un moment. Le chagrin partagé de ces épreuves. Pour Hermione, c’était la première fois qu’elle affrontait un Mangemort en duel. Le plus proche de la mort qu’elle ait connu à l’époque. Pour Susan, c’était la perte du dernier membre de la famille des sorciers qui lui restait.

Finalement, Susan rompit le silence. " Ma tante était l’une des dernières adeptes d’Hécate. Une croyance, une religion je suppose, qui a été pratiquement éradiquée il y a des siècles par ceux qui détiennent le pouvoir. "

Hermione lui serra la main, l’encourageant à continuer.

" Ma tante m’a dit qu’elle était autrefois très répandue. Qu’Hécate a été vénérée et adorée par les sorciers pendant des millénaires et que les détails de l’histoire d’Hécate différaient d’une région à l’autre. Mais comme tu le sais, là où il y a de la religion, il y a de la guerre. Ceux qui avaient des croyances opposées se massacraient les uns les autres, même si le cœur de leur religion était le même. "

" Au fil du temps, le nombre de croyants s’est réduit à mesure qu’ils se massacraient les uns les autres. Le dernier d’entre eux s’est retrouvé en Grande-Bretagne, d’une manière ou d’une autre. "

" Britannia " murmura Hermione. " Les Romains ont persécuté diverses religions tout au long de leur existence. La Grande-Bretagne a fait partie de l’Empire romain pendant trois siècles et demi, et les Romains étaient connus pour leurs génocides. Il est possible que les derniers croyants sorciers aient été romains. "

Susan sourit : " Je savais que tu en saurais plus que moi sur ce sujet. "

Le visage d’Hermione se réchauffa. " Je me suis juste intéressée à l’histoire de l’Europe ", dit-elle en haussant les épaules.

" Peut-être que j’aurais dû y prêter plus d’attention " continua Susan. " Mais je n’étais qu’une enfant, tu sais ? Je ne pensais pas que les croyances de ma tante étaient si importantes, malgré son insistance à les garder secrètes. C’était juste une histoire. "

" Y a-t-il d’autres personnes qui pratiquent les mêmes croyances que ta tante ? " demanda Hermione timidement.

Susan secoua la tête. " Pas que je sache. Mais je sais qu’ils existent. Ils se cachent. Il le faut bien. Ma tante m’a dit que tous les livres et les statues d’Hécate ont été brûlés il y a des milliers d’années lorsque la croyance est devenue illégale. Mais les familles de sang-pur possèdent de vastes collections d’histoire transmises par leurs ancêtres, l’un d’entre eux doit au moins connaître les écritures.

" Qui l’a interdit ? Pourquoi ? " demanda Hermione.

"  Encore une fois, je ne sais pas vraiment. Probablement les autres familles de sang pur qui y voyaient une sorte de menace. "

" A cause des guerres précédentes ? " Hermione hésita.

" Non " se moqua Susan. " Parce qu’ils ne veulent pas que les gens croient qu’il existe quelque chose de plus puissant qu’eux. Si quelque chose nous avait donné la magie… "

" -Il pourrait nous l’enlever " termina Hermione.

" Oui, murmura Susan. " En fin de compte, les résultats sont les mêmes. Que tu crois en Hécate ou en l’évolution, les deux sont tabous. Les deux sapent le pouvoir sur lequel les sangs-purs ont bâti leur vie.

" Et en parler risque de te faire exécuter ", déclara Hermione d’un ton solennel.

" Même le simple fait d’être accusé d’avoir prononcé son nom suffit. " Susan rit amèrement. " J’ai perdu toute ma famille lors de la première guerre des sorciers, tout le monde sauf ma tante. Elle n’était pas la seule sang-pur à se ranger du côté de l’Ordre. Mais le Seigneur des Ténèbres s’en est servi comme d’une ouverture. Mes grands-parents, mes oncles et tantes, et leurs enfants. Toute la famille Bones a été traquée et tuée. "

Hermione se contenta de lui serrer la main. Il n’y avait rien à dire.

" Il savait que tu sais… " Susan renifla, " -ce en quoi ma famille croyait. Il en avait peur. Peur que ça se répande. Peur que ce soit vrai. S’il existe un être supérieur, un Dieu ou une puissance, que penseraient-ils de lui ? Qu’est-ce qu’ils lui feraient quand il mourrait enfin ? "

Hermione se tut. Voldemort n’avait pas l’intention de mourir. Elle se demanda si c’était pour cette raison. S’il savait quelque chose qu’elle ignorait, s’il croyait en la même chose que la famille de Susan.

Et il était terrifié.

Sang-mêlé ou non, il venait d’une vieille famille de sang-pur. Si les Gaunt étaient croyants, s’ils connaissaient l’histoire, s’ils avaient les textes, Voldemort l’aurait flairé quand il a traqué et assassiné toute sa lignée.

Susan laissa échapper un sanglot étranglé, mélange de chagrin et de frustration. " Ils ne pratiquaient même pas au grand jour ! Ils étaient prudents. Mais la simple rumeur selon laquelle la famille Bones était adepte d’Hécate était suffisante. "

" Je suis désolée ", chuchota Hermione. " Ta famille… "

Une vague de chaleur étouffa le cou d’Hermione, la faisant crier de surprise.

Elle avait presque oublié ce qu’elle ressentait, n’ayant pas été convoquée pendant presque un mois entier.

Susan s’agenouilla devant elle en un instant, lui serrant les épaules. " Hermione ? Hermione ! "

Hermione se mordit la langue, enfouissant ses mains sous sa robe pour cacher leurs tremblements.

" C’est bon " siffla-t-elle. " Je suis convoquée.

Susan sursauta, les yeux écarquillés d’inquiétude. " Hermione…

" Je reviens bientôt, d’accord ? " lui assura Hermione en lui retirant doucement les mains. " J’espère que je ne manquerai pas ta fête. "

Susan l’appela de nouveau mais Hermione était déjà partie, sortant de sa chambre et titubant vers l’escalier.

Quelque chose semblait différent cette fois-ci. L’urgence avec laquelle la Python la commandait était inquiétante. Comme si c’était le début de la fin.

Elle priait pour que ce soit le cas.

 


 

Chapter Text


Contes


 

De tous les endroits où Hermione s’attendait à être conduite, la salle de bain des préfets était le dernier. Malefoy l’accompagna consciencieusement jusqu’aux portes ornementées de la pièce baignée de soleil et la conduisit jusqu’à l’une des nombreuses sections à rideaux situées dans l’un des coins les plus reculés. Le tissu épais lui sembla luxueux lorsqu’elle le traversa, et elle tressaillit de surprise lorsqu’elle tomba nez à nez avec une Pansy Parkinson à l’air ennuyé

"Enfin" murmura-t-elle en tirant un tabouret devant le meuble et en faisant signe à Hermione de s’asseoir.

Elle ne le fit pas.

Pansy plissa les yeux et arqua un sourcil devant la force inébranlable qui se trouvait derrière elle. "Est-elle trop folle pour comprendre ce que je dis ? Ou est-elle simplement stupide ? "

Malefoy se moqua, le premier son qu’elle entendait de sa part depuis des semaines. " Est-ce que ça a de l’importance ? "

"Circé" murmura-t-elle, claquant des doigts et invoquant le tabouret pour qu’il passe sous Hermione avant de l’entraîner vers la station de beauté que Pansy avait installée.

Divers pinceaux, palettes, potions et produits de beauté observaient Hermione, totalement étrangers et perplexes quant à leur utilité. Hermione tenta de s’éloigner des objets lorsque de petites mains l’attrapèrent de chaque côté.

" Miss doit rester immobile ! " s’exclama un elfe de maison à l’allure de biche, vêtu de soie bleue. Sa voix aiguë fit sursauter Hermione.

"Vous ne devez pas gâcher le travail de la maîtresse" ajouta l’autre elfe. Un homme cette fois, vêtu d’un blazer noir finement coupé.

Leurs vêtements auraient été attachants s’ils n’avaient pas été aussi absurdes. Hermione n’avait jamais pensé que Pansy Parkinson était du genre à libérer ses elfes.

Hermione obéit aux elfes par pure stupeur tandis qu’elle fixait son propre reflet. Bien qu’elle soit toujours d’une pâleur mortelle et couverte de cicatrices, le creux de ses joues s’était comblé. Des prunelles brunes toujours mortes la scrutaient, bien qu’elles ne fussent plus entourées d’ombres sombres.

Pour la deuxième fois de sa vie, Hermione ne reconnaissait pas le personnage qui lui faisait face. Le contraste était saisissant. Elle avait presque l’air vivante, une ombre de son passé qui conservait un élément de familiarité.

Il semblait que les potions qu’elle prenait quotidiennement avaient fonctionné après tout.

"Combien de temps me reste-t-il ? Pansy appela Malefoy en commençant à faire mousser le visage d’Hermione avec de la crème parfumée.

Malefoy ferma les rideaux, les enfermant à l’intérieur. "Quelques heures", dit-il en s’appuyant sur le mur, les bras croisés. Il fixa son reflet, l’observant de haut en bas d’un regard indéchiffrable. "A peu près".

"Pour l’amour du ciel Draco, il me faudra une armée pour la préparer à temps" souffla-t-elle. "Bonnie ! Commence à mélanger ça, tu veux bien ? Ray, tu peux me trouver le fond de teint sans défaut ? Un neutre chaud, il faut qu’elle ait l’air moins… Granger. Elle n’est pas du tout jolie, mais on peut au moins la rendre présentable."

Pansy attrapa brutalement le menton d’Hermione, tirant son visage tandis qu’elle faisait tomber de l’huile sur sa peau. Hermione se dégagea d’un coup sec de la poigne de Pansy.

"Je ne suis pas une prostituée" s’écria-t-elle, paniquée à l’idée de devoir être présentable. Hermione tenta de s’enfuir, mais ses membres étaient bloqués par le Python qui la paralysait.

Hermione croisa le regard de Malefoy dans son reflet et grogna devant l’air suffisant qu’il arborait.

"Le maquillage ne fait pas de toi une prostituée, espèce de garce", s’emporta Pansy. "Franchement Granger, je croyais que tu étais féministe."

"Enlève-moi cette merde de la figure !" grogna-t-elle, le corps tremblant de peur et de rage tandis que Pansy reprenait son travail.

"Arrête de râler" se moqua Pansy.

 

La sorcière prit une mixture rose vif auprès de la délicate elfe Bonnie et l’étala sous ses sourcils. Lorsque la cire durcit, Bonnie tire sur son front tandis que Pansy l’arrache avec un petit rire ravi.

Hermione cracha sur la sorcière, furieuse de cette violation. Tout en elle lui criait de s’enfuir. Il y avait trop de mains. Trop de regards. Trop d’attouchements.

Elle n’avait d’autre choix que de crier intérieurement alors qu’on lui volait son agence.

Malefoy regardait Pansy travailler, donnant son avis quand il le jugeait nécessaire.

"Plus de rouge. Moins d’eye-liner, Pansy, elle est censée avoir l’air normale. Prends le rose pâle, l’autre est trop corail."

Pansy ripostait à chaque commentaire, comme une artiste protégeant son œuvre. C’était comme si Hermione n’était pas là. Elle n’était qu’un objet, une poupée. Un outil.

L’elfe Ray massa une solution piquante sur le cuir chevelu d’Hermione, ses petites mains effleurant délicatement ses cicatrices.

"Il faudra quelques jours pour qu’elle repousse, Maîtresse" expliqua l’elfe à son maître.

"Merci Ray" répondit-elle avant de regarder son chien de garde blond. "Si seulement quelqu’un m’avait prévenue plus tôt. Peut-être que sa Championne serait plus belle pour son entretien."

 

Entretien. Quel entretien ?

"Quel entretien ?" Hermione s’exprima à voix haute.

 

Pansy s’arrêta, un pinceau survolant sa paupière. Ses yeux chocolatés fixèrent la sorcière qui soupira.

"Dieux, tu ne lui as même pas dit ? Comment diable peux-tu espérer une bonne réaction du public si tu ne l’as même pas préparée, Draco ?"

"Les Champions n’étaient pas censés être au courant." Il haussa les épaules nonchalamment. "Le Seigneur des Ténèbres voulait qu’ils répondent naturellement.

Les narines de Pansy se dilatèrent. "Oui, mais je te l’ai dit il y a plusieurs semaines pour que tu puisses t’occuper d’elle."

"C’est de la triche."

"Tu… Circé, tu peux être tellement…" Elle grogna de frustration, reprit sa brosse et frotta brutalement les poils dans le pli d’Hermione.

"J’ai cependant eu une petite discussion avec Rita, ajouta Malfoy. Elle sait ce qui est… interdit."

"Rita fait ce que Rita veut Draco, tu le sais bien". Pansy se moqua.

"Je peux être très persuasif."

 

La sorcière poussa un juron à chaque coup, comme si les paupières d’Hermione étaient responsables de la négligence de Malefoy.

Forcée de fermer les yeux, Hermione réfléchit à l’intérêt de cette mascarade.

Hermione n’avait jamais pleinement assumé sa féminité. Quand elle était jeune, elle voulait être perçue comme féminine, oui, mais pas pour attirer le désir des hommes. C’était une tentative désespérée pour se faire accepter. Les filles comme Pansy Parkinson avaient de l’influence, des fréquentations féminines, une énergie qui séduisait leur entourage.

Pansy avait besoin de vêtements élégants, de cheveux brillants ou d’un maquillage impeccable pour être féminine. Elle était née avec cela, les accessoires qu’elle avait ajoutés n’étaient qu’une amélioration. Pansy a été créée à partir de la féminité. C’était dans son attitude, le balancement de ses hanches, les mouvements de ses mains.

La façon dont l’air lui-même avait toujours semblé se concentrer sur la sorcière. Une force de gravité qui exigeait l’attention des autres, les attirant vers le soleil.

Hermione n’était rien de tout cela. Peindre son visage et l’habiller n’y changerait rien. Cela faisait d’elle une imposture. Une poupée. Une caricature de ce que la féminité devrait être…

 

L’essence de soi-même.

 

Elle avait des traits féminins, comme tout le monde. Masculins aussi. Elle pouvait même passer pour jolie en de rares occasions. Mais elle ne parvenait jamais à la maîtriser. Malgré tous ses efforts, elle ne semblait jamais correspondre à ce que les autres considéraient comme féminin. Elle n’était ni patiente, ni humble, ni posée, ni belle. Alors elle a renoncé, s’est dit que c’était son choix. Elle s’est bouché les oreilles au chant des sirènes.

Si Dieu existe, il lui a fait du tort. Il avait mis de côté sa féminité et versé une abondance de féminité dans le chaudron vide.

Contrairement à la féminité, la féminité n’était pas divine. Elle était laide. Brutale. Animale.

La chair sanglante et crue arrachée à la carcasse d’une vache, avant d’être découpée, moulée et cuite pour en faire un steak de premier choix. Servie sur un plateau à des hommes qui reculeraient si on leur présentait sa forme naturelle. Des hommes qui étaient prêts à ignorer l’horrible vérité. Préférant prétendre que la souffrance n’avait pas la priorité sur leur faim insatiable. Les choses laides n’avaient pas leur place à table, de peur que les hommes ne perdent l’appétit. Et quel gâchis ce serait. Une vache morte non dépecée.

Pour Hermione, la féminité résidait dans les poils de son corps que le monde lui demandait de raser. C’était des femmes dans des chambres stériles aux rideaux blancs, rugissant lorsque leurs bébés les déchiraient. C’était des draps ensanglantés, des caillots et de la douleur. Les vergetures et la peau flasque.

Une nature qu’elles étaient obligées de cacher.

 

C’était des seins flasques qu’elle découvrait, petite fille, dans les vestiaires de sa piscine. Des seins qui avaient nourri et entretenu, sans rien laisser pour eux. Des seins qui avaient rempli leur fonction principale et qui étaient maintenant considérés comme indésirables.

C’est ainsi que son corps ne lui a jamais fait oublier qu’elle était un animal. Née pour s’adapter, pour survivre. Se reproduire et mourir. Un but seulement interrompu par la conscience de l’esprit humain, afin qu’elle puisse prendre conscience de l’injustice de tout cela. Pour qu’elle puisse réfléchir à sa raison d’être et au fait indéniable qu’elle mourrait un jour avec des rêves inachevés.

Elle n’avait jamais demandé cela.

D’être une chose aussi laide et brute. Un réceptacle pour la vie, sans le coussin de féminité qui apportait la beauté dans une existence autrement cruelle.

En fin de compte, la beauté ne la protégeait pas. La féminité n’a pas pu la protéger des actes odieux commis contre elle entre les murs de la prison. C’est la féminité qui l’a fait. Elle tua l’humanité qui était en elle et embrassa la brutalité. Les parties sauvages et instinctives qui existaient au plus profond d’elles-mêmes. Une bête enfermée, enterrée sous la raison, la chevalerie et la conscience humaine.

Elle s’est enduite de crasse de la même façon que Pansy a peint ses lèvres. Aucune de ces actions n’était une illusion ou un déguisement. C’était un regard sur leur âme intérieure. La manifestation de leur essence. La beauté et la bête.

En regardant dans le miroir l’œuvre achevée de Pansy, Hermione sursauta devant le visage qui la fixait.

Elle se demanda ce que Harry penserait s’il pouvait la voir maintenant.

Contrairement à Ron, Harry ne s’est jamais caché derrière sa masculinité. Il embrassait toutes les parties de son corps. Le masculin, le féminin et, parfois, le pouvoir brut de la virilité. Il riait ouvertement et pleurait sans honte. Il se battait comme un guerrier et se laissait aller à des mouvements de danse ridicules dans la tente qu’ils partageaient. Il y avait une formule secrète qui lui permettait d’atteindre la perfection. La somme collective de toutes les bonnes parties de l’humanité.

Harry était en sécurité. Il était chez lui. Il était bon.

C’est peut-être pour cela qu’il n’est plus là.

Peut-être que s’il avait libéré la bête qui était en lui, il serait encore en vie.

"Pas mal Pans" siffla Malefoy en s’approchant pour inspecter sa création.

 

Hermione resta fascinée par son reflet. Sa peau semblait briller de l’intérieur, le rose colorant ses joues, un clin d’œil subtil à la bonne santé. Ses yeux étaient peints dans des teintes de noir et de brun, créant un effet à la fois innocent et mystérieux.

Mais c’est le contraste entre ses cicatrices nettes et sa peau de porcelaine qui a le plus d’impact. Le maquillage la rendait élégante, certains diraient même belle. Mais la proéminence des cicatrices la mettait en valeur. Elle avait l’air d’un autre monde, d’une femme forte. Une guerrière.

Une Championne.

Elle était à la fois délicate et terrifiante.

"Bien", souffla Pansy en essuyant le produit résiduel sur ses mains. "J’en ai deux autres à faire et je dois m’occuper de moi pour ce soir.

 

La sorcière convoqua un sac à vêtements noir et le tendit à Malefoy.

"Veillez à ce qu’elle l’enfile" expliqua-t-elle. "J’ai prévu un rembourrage des manches jusqu’au cou, elle devrait au moins avoir l’air d’avoir de la viande. Si tu penses qu’il y a des parties qui ont besoin de plus de rembourrage, utilise un charme de glamour".

Malefoy se pencha pour l’embrasser sur la joue. "Merci, Pans", chantonna-t-il.

Cette démonstration d’affection donna à Hermione l’envie de vomir.

Pansy lui fit signe de s’éloigner : "Dis à ton fiancé de faire venir Théo."

 

Il tira les rideaux et guida Hermione vers l’extérieur.

Ils passèrent en silence devant les rangées de rideaux tirés, les cris, les jurons et les bavardages s’échappant de dessous les plis. Hermione réalisa que des charmes de réduction au silence avaient dû être placés autour du poste de travail de Pansy, dissimulant les bruits de ses camarades Champions en train de se préparer et de s’apprêter.

Elle tendit l’oreille à la recherche de voix familières, se demandant derrière quel mur de tentures Susan était assise.

"Va te faire foutre" résonna la morsure familière de Ginny Weasley avant qu’une gifle audible ne vienne couper ses paroles dans un glapissement.

 

Hermione se crispa à ce son, dont l’écho ne lui était que trop familier.

Malefoy la sortit rapidement de la salle de bain, sa poigne écrasante l’entraînant presque dans les escaliers.

Il ouvrit brusquement une porte sur sa gauche avant d’y précipiter Hermione. Elle se heurta à une pile de seaux et de bric-à-brac, ses poignets s’agrippant à des étagères poussiéreuses tandis qu’elle se rattrapait.

"Mets ça et attends ici" dit-il en lui lançant le sac noir.

 

Hermione le regarda fixement tandis que le sac tombait à ses pieds.

"Si je reviens et que tu ne l’as pas mis, je te le mettrai" menaça-t-il avant de claquer la porte et de la verrouiller.

Hermione resta immobile dans l’obscurité du placard à balais, se demandant quel enfer elle allait encore devoir endurer.

 

***

 

Astoria écarta vivement le rideau, faisant pivoter les quatre paires d’yeux vers elle. Pansy retourna tranquillement à son occupation, les deux elfes qui accompagnaient la sorcière s’affairant entre ses jambes à l’aide de gels et de peignes divers.

Et là, au centre de tout cela, parce que, Merlin, bien sûr qu’il le serait, se trouvait Théodore Nott.

Aussi éblouissant, raffiné et arrogant qu’elle s’en souvenait.

"Astoria", dit-il, ses yeux verts revenant sur son reflet. " Tu es ravissante. "

 

Et bon sang, si son estomac ne se retournait pas à ses mots, elle se disait que cette fois-ci, elle ne se laisserait pas faire.

Elle se dit que cette fois-ci, elle serait prête. La Sélection l’a prise au dépourvu - elle ne l’avait pas vu depuis des années. Et les épreuves, eh bien, les épreuves n’avaient aucun sens. L’étincelle que produisit sa main en frôlant la sienne provenait de la baguette qu’elle lui remettait. Une bouffée d’énergie alors que sa magie était libérée au maximum de ses capacités. Dans les deux cas, il s’agissait d’un simple accroc.

Cette fois-ci, face à face, elle resterait calme. C’était elle qui commandait. Elle était l’Héritière. La favorite. Il n’était qu’un Champion parmi d’autres.

Et pourtant, c’est aujourd’hui qu’elle choisit sa robe la plus flatteuse. Un rose pâle qui épousait sa taille et mettait en valeur son buste. De petites fleurs blanches et des cristaux transparents tissés dans l’ourlet.

Cela ne voulait rien dire.

"Théodore " répondit-elle froidement.

 

Pansy soupira lourdement et fit tomber un peigne sur le meuble. Ses elfes se mirent au garde-à-vous.

"Je vais prendre l’air" annonça-t-elle. "Bonnie, Ray, pouvez-vous m’accompagner dehors ?"

Les deux elfes acceptèrent avec empressement, laissant tomber leurs objets et hochant la tête avec une telle violence qu’Astoria craignit que leurs têtes ne tombent.

"Tu t’en occupes" chuchota Pansy en la frôlant, son estomac se nouant tandis qu’ils quittaient la pièce, la laissant elle et Théo dans le silence.

 

Théo s’appuya nonchalamment sur la chaise, comme si ce dressing improvisé était son bureau et qu’Astoria n’avait pas pris rendez-vous. Théo avait l’habitude de dominer n’importe quelle pièce dans laquelle il entrait, simplement par son existence. Un exercice auquel Astoria s’était consacrée pour survivre. Elle utilisait les compliments, les belles robes et le charme pour gagner lentement la confiance de tous ceux qu’elle considérait comme une menace pour elle et sa sœur.

Elle avait appris tout cela en observant la prestance de Theo. Et elle l’avait maîtrisé en son absence.

Pourtant, devant lui, elle se sentait aussi mal à l’aise qu’à Poudlard. Avec ses belles mèches brunes et ses robes d’un bleu profond, il avait tout du prince venu d’un pays lointain.

D’une beauté exceptionnelle, mais hors de portée.

"J’aimerais te remercier", dit-il en inclinant sa chaise pour la regarder nonchalamment. "J’imagine que c’est grâce à toi que je me fais dorloter par Pansy ?"

"Oui", répondit Astoria, soulagée que sa voix soit stable. "Tu as un entretien.

"Alors, ils vont le faire maintenant, n’est-ce pas ? C’est logique."

Astoria fronça les sourcils. "Comment es-tu au courant pour les entretiens ?

Théo marqua un temps d’arrêt avant de hausser le sourcil : "Pansy vient d’en parler."

"Oh, d’accord" répondit Astoria sans conviction. Se maudissant intérieurement, elle chercha quelque chose, n’importe quoi d’autre à dire.

 

Théo tambourina ses doigts sur la chaise, le regard évaluateur.

"J’ai entendu dire que des félicitations s’imposaient", annonça-t-il d’une voix douce.

Astoria cligna des yeux. "Quoi ?

"Tes fiançailles".

"Oui", répondit-elle d’un ton morne, quelque peu désappointé. Elle devrait partir. Elle n’était venue que pour parler de l’entretien.

 

Le sorcier la regarda de haut en bas, comme s’il prenait enfin conscience de son apparence, malgré le compliment qu’il lui avait fait plus tôt.

"Tu as grandi.

"Oui, c’est ce qui arrive quand on n’est plus une enfant" se moqua-t-elle.

Théo éclata de rire. "Je vois ça", répondit-il, "mais je parlais de ton comportement".

Une lueur de colère la traversa. "Mon comportement ?"

"Tu es plus froide qu’avant. Plus dure. Je ne t’aurais pas choisi comme Mangemort."

"Et comment t’attendais-tu à ce que je me comporte avec toi ?" Elle se fâcha. " Joyeuse ? Compatissante ? Une stupide petite écolière qui bat des cils ?"

"Je ne pardonne pas, non. Mais moins… quoi que ce soit", fit-il en la désignant d’un geste large. "Tu n’es pas celle dont je me rappelais."

La colère se transforma en rage. "Pas ce dont tu te souvenais ?" Elle fulmina. "Dis-moi, que pensais-tu qu’il se passerait après que tu nous aies abandonnés ? Que nous resterions assis sur nos pouces, figés dans le temps en attendant ton grand retour dans nos vies ? Après que tu les aies détruites ?"

"Je-"

" Est-ce que tu comprends au moins la gravité de ce que tu as fait ? Les conséquences ?"

"Tori, écoute. Théo soupira comme s’il avait mieux à faire que de l’écouter. "Je sais que tes parents et Drago auraient tous été punis pour ce que j’ai fait. Mais je devais partir. Je devais faire sortir les prisonniers. Si je ne l’avais pas fait, les prisonniers seraient…"

"Punis ?" Astoria cracha. "C’est ce que tu penses ? Qu’ils ont été simplement châtiés ?"

Theo pâlit. "Qu’est-ce que tu veux dire ?"

"Mes parents sont morts, Théo. Il les a tués. Douze prisonniers étaient chez nous. Les douze ont été volés sous leur nez, tu croyais qu’il allait les sanctionner pour ça ?"

 

Astoria serra ses doigts pour cacher leurs tremblements, son corps entier tremblant de fureur. La mort de ses parents avait divisé son monde en deux, et il ne le savait même pas. Il n’a même pas pensé à vérifier si les gens qu’il avait laissés allaient bien.

"Il nous a fait regarder, puis il nous a forcées, Daphné et moi, à prendre leur place. Nous avons pris la marque avant que leur sang ne soit froid."

 

Théo la fixa sans bouger. Son corps était figé.

"Nous avons eu de la chance, siffla-t-elle. "Marcus et sa mère ont été livrés à Greyback, et ils n’avaient que trois prisonniers au manoir de Flint. Pansy et son père ont été épargnés seulement, seulement, parce qu’ils étaient sortis à l’époque et avaient laissé derrière eux une petite armée de gardes. Des gardes qui ont tous été exécutés, ainsi que tous les elfes qui ont eu la malchance de ne pas accompagner Pansy dans son voyage. Goyle père a eu la chance d’être tué avant que le Seigneur des Ténèbres ne puisse le trouver et…"

 

Elle inspira profondément, les larmes lui piquant les yeux. Elle détestait cela. Elle le détestait de l’avoir réduite à cela. La faible fille qui existait avant qu’il ne fasse exploser sa vie.

"Et Draco. Comment as-tu pu lui faire ça ?"

Théo baissa la tête. Il déglutit difficilement et murmura : " Je ne voulais pas qu’un seul d’entre vous soit atteint à cause de moi. Jamais."

"Et pourtant, c’est ce que tu as fait." Siffla Astoria.

Le sorcier hocha lentement la tête. "Je l’ai fait", souffla-t-il. "Draco a hérité de la lignée des Malefoy, je suppose que cela signifie que Lucius a été tué ?"

Astoria plissa les yeux. "Oui", mentit-elle.

"Et Narcissa ?

 

Elle se rapprocha de lui, le forçant à la regarder dans les yeux.

"Sa catin." Elle répondit, la voix sourde, le combat quittant son corps. "C’est ainsi que le Seigneur des Ténèbres tient Drago en respect.

 

Théo recula comme s’il avait été frappé, aspirant l’air entre ses dents. Les Malefoy avaient pratiquement élevé Theo, Narcissa étant la seule figure maternelle de sa vie.

"Je ne savais pas, plaida-t-il. "Si j’avais su, j’aurais…"

"Tu n’aurais rien fait" dit-elle d’un ton cassant. "Tu étais avec l’Ordre. Tu as choisi ton camp. Tu as choisi de te rendre intouchables et de nous rendre inutilisables."

 

Astoria remarqua une oreille pointue à travers le rideau avant d’être brutalement tirée vers l’arrière. Pressentant le retour de Pansy, Astoria s’apprêta à la faire partir.

"Maintenant, tu dois vivre avec ce choix. Ce qui ne sera pas long, vu que je n’ai aucun intérêt à t’aider à survivre à ce Tournoi " claqua-t-elle par-dessus son épaule, retenant sa respiration pour empêcher les larmes de jaillir.

Le bruit d’une chaise raclant la pierre résonna derrière elle. "Tori, attends ! cria Théo.

 

Son corps se figea tandis que son cœur tremblait, une main s’agrippant aux bords du rideau.

"Je peux aider Drago à gagner.

Tire ce foutu rideau. Pars. C’est un menteur.

"S’il te plaît, écoute-moi. J’ai un plan."

 

Menteur. Menteur. Menteur.

 

"Je sais que tu n’as aucune raison de me faire confiance, mais je connais un moyen d’aider Hermione à prendre l’avantage dans les tâches à venir. Je peux l’aider à gagner la confiance du public. Je peux l’aider à triompher."

Vas-y. Vas-y.

"Si elle gagne, Draco vivra. Laisse-moi me racheter auprès de lui. Pour toi. Je me fiche de ne pas survivre. Laisse-moi juste…"

"Tais-toi !" hurla Astoria, se retournant pour faire face à la source de tous ses malheurs.

 

Elle sut que c’était une erreur à la seconde où elle croisa ses yeux. Des pupilles brillantes, désespérées et suppliantes. Même ici, même maintenant, il l’attirait encore. Il s’est enfoncé dans sa chair. Elle était enchaînée à sa personne.

Comme un papillon de nuit avec une flamme.

Elle respirait difficilement, luttant contre une bataille qu’elle savait ne pas pouvoir gagner. Elle se disait que c’était parce que Drago avait besoin de vivre, reconnaissant le mensonge dès lors qu’elle le formulait.

Sa chute se traduisit par une inspiration brutale et quatre mots accablants.

"Dis-moi ton plan. "

 


 

Chapter Text

 


Poupée


 

Chaque année à Noël, les parents d’Hermione avaient l’habitude de passer chez sa grand-tante Jude avec la jeune Hermione dans les bras.

Elle avait toujours détesté cet endroit. Il sentait la vieillesse et les regrets, les couloirs étaient jonchés de désordre et de bric-à-brac. Un mari mort depuis longtemps et des cartons de vêtements de bébé inutilisés. Jude n’avait pas de famille proche. Des cadres noirs et blancs ou des petites boîtes remplies de cendres de bébés mort-nés. Sa mère insistait donc pour qu’elles fassent toujours le voyage, apportant un gâteau de Noël et une bouteille de sherry pour la vieille dame.

Dès son plus jeune âge, Hermione avait compris que Jude était seule. La femme avait des étagères et des étagères de poupées aux formes complexes à qui elle parlait. Des porcelaines alignées en rangées de froufrous et de rubans. Hermione détestait dormir là, convaincue que les poupées l’observaient pendant son sommeil.

Et à la fin de chaque voyage, Jude donnait à Hermione une de ses poupées avec un doux sourire. Hermione n’avait pas le cœur de lui dire qu’elle préférait de loin les livres, alors elle les prenait avec des remerciements avant de les emballer promptement et de les ranger dans le grenier de ses parents.

Elle avait accumulé malgré elle neuf poupées lorsque Jude rejoignit enfin sa famille. Et lorsque ses parents et elle décidèrent de faire le ménage dans ce qui restait de la vie de sa tante, elle s’aperçut qu’elle en avait choisi une autre. Un souvenir d’une femme solitaire qu’elle n’avait jamais vraiment connue.

Après l’enterrement, Hermione prit ses poupées et les rangea sur l’étagère de son placard, toujours cachées, mais dans un endroit plus respectueux des enfants dépouillés de sa tante.

Parfois, elle ouvrait son armoire et reculait pour les regarder. Ces objets complexes apporteraient tant de joie à n’importe quelle autre petite fille, mais pour Hermione, c’était un rappel de la mort. Une maison pleine de bric-à-brac pour cacher le vide. Une vie de solitude.

Alors qu’Hermione s’asseyait sur une rangée de chaises, vêtue d’une robe rouge sang aux manches longues et au col montant, bien en place et bien calée, elle pensa aux poupées de Jude. Elle pensait aux poupées de Jude et à la façon dont elle était devenue par inadvertance l’une d’entre elles, creuse et fragile, alignée avec ses collègues Champions tandis que les spectateurs regardaient et applaudissaient.

Cela faisait mal à Hermione de l’admettre, mais Pansy avait fait un miracle. La dentelle rouge courait sur la soie rouge, couvrant son corps de la tête aux pieds. Le rembourrage autour du haut de son corps donnait l’illusion de muscles, de seins, de santé, avant de se perdre dans une jupe épaisse qui s’évasait à mesure qu’elle marchait. C’était une quantité excessive de tissu, et pourtant Hermione avait l’air élégante, royale même.

C’était un costume pour une poupée oubliée.

"Bienvenue aux sorcières et sorciers !" Rita lança un appel depuis la scène, et la foule se mit à hurler en réponse.

Des éclairs de lumière jaillirent des tribunes au-dessus du terrain de quidditch. Une réplique inquiétante de la nuit de la Sélection, bien que Voldemort ne soit pas en vue.

"Moi, Rita Skeeter, j’ai l’honneur d’animer l’émission de ce soir. Pour ceux qui nous regardent de l’autre côté…" elle se tourna vers l’un des grands miroirs suspendus, "-bienvenue !"

Hermione se déplaça mal à l’aise sur son siège, essayant en vain de conjurer la glace et les murs de pierre dans son esprit. Depuis que Malefoy l’avait détruit il y a quelques semaines, elle avait été incapable de le reconstruire.

Mais elle avait plus que jamais besoin de la maîtrise de l’occlumencie. Il était hors de question qu’elle reste assise ici sans crier.

"J’aimerais remercier les juges de nos tournois. Dolores Ombrage, Ludo Bagman et, bien sûr, le Seigneur des Ténèbres !"

Ombrage et Bagman montèrent sur scène, saluant consciencieusement les spectateurs excités. Rita fit une déclaration officielle, affirmant que le Seigneur des Ténèbres ne pouvait pas être présent ce soir.

Hermione se déconnecta lorsque la sorcière commença à poser des questions aux deux juges, choisissant plutôt de se concentrer sur l’orange lointain du soleil qui se fondait avec la terre.

Avec un pincement au cœur, elle se rendit compte que Susan n’avait jamais eu droit à sa fête d’anniversaire.

Hermione se retourna pour apercevoir ses camarades Champions et croisa le regard de Theodore Nott, assis à sa gauche. Il lui adressa un sourire complice, tout à fait à l’aise devant le spectacle qui s’offrait à eux.

Elle lui sourit faiblement en retour, et ses yeux s’illuminèrent de quelque chose d’illisible avant qu’il ne se retourne vers la foule.

Hermione resta face à elle, sentant l’éclat de Seamus brûler sur sa droite. Le sorcier avait déplacé sa chaise le plus loin possible d’elle.

C’était une bonne chose. Son dédain était bien plus facile à gérer.

Rita remercia les juges avant de les diriger vers un canapé en peluche au bord de la scène, leur permettant d’avoir une vue complète des interviews.

"Êtes-vous prêts à rencontrer vos Champions ? s’écria Rita.

Les spectateurs applaudissent et se lèvent d’un bond. Le terrain tout entier vibrait d’énergie tandis qu’ils applaudissaient et sifflaient.

"Dans le désordre, veuillez accueillir notre premier Champion de la soirée, celui qui s’est classé cinquième sur les pistes avec un score impressionnant de 8,2 - Neville Longbottom !"

Neville se leva rapidement et se dirigea d’un pas raide vers les deux fauteuils en cuir noir qui se trouvaient au centre de l’estrade. Rita fit mine d’embrasser le sorcier sur la joue tandis qu’il tremblait contre la contrainte de son Python.

Rita lui tendit la main et la lança triomphalement à la foule en délire. "Champion d’Herdrian Parkinson !"

Alors qu’ils prenaient place de part et d’autre de la table basse mise en scène, Neville se pencha en avant et se servit un pichet d’eau. Ses mains tremblèrent tandis qu’il avalait le verre, avant de s’effondrer contre le dossier comme s’il avait couru un marathon.

"Alors, dites-moi, M. Londubat, comment avez-vous réussi à obtenir un score aussi impressionnant ? demanda Rita, croisant les jambes comme s’ils étaient en train de discuter en privé autour d’un thé.

"Je… euh…" Neville secoua la tête comme pour l’éclaircir avant de se lancer dans sa réponse. "Ce n’est pas si impressionnant que ça, je suis bon en duel et j’ai eu beaucoup d’occasions de m’entraîner avec vous au fil des ans. L’une des statues m’a donné un mauvais coup, mais une Bombarda rapide l’a mise en pièces. La pierre était plus dure, j’ai tenu aussi longtemps que j’ai pu et je me suis senti terriblement mal que Nana ait dû souffrir jusqu’à la dernière minute ou presque…"

Il marqua une pause, déglutissant difficilement tout en s’agitant.

"-mais une autre partie en a tiré une certaine satisfaction. Je l’aime, mais elle a été une vraie garce en grandissant, me frappant toujours avec une serpillière, un balai ou une cuillère. Une minute de torture compense en partie cela".

Neville se plaqua les mains sur la bouche, les yeux écarquillés d’horreur en fixant le verre vide.

Veritaserum.

Le pauvre sorcier ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas répondu à la question, il n’avait pas le choix.

"Le Boggart était le corps de Ginny. C’était affreux, horrible, j’avais l’impression que j’allais être malade. Je l’aime, vous savez. Je voulais l’épouser un jour. Je n’arrive toujours pas à croire qu’elle m’ait choisi. J’espère qu’elle gagnera pour avoir la vie qu’elle mérite. Si quelqu’un mérite la liberté, c’est bien elle."

Hermione jeta un coup d’œil à Ginny, qui resta bouche bée en entendant les paroles de son petit ami. Ginny ne semblait pas touchée, elle semblait préoccupée. Hermione se tourna légèrement pour essayer de discerner son regard quand son visage devint instantanément vide. Un miroir flottant se profila vers la sorcière, essayant de capturer un gros plan de la femme à qui Neville avait déclaré son amour.

"- Elle, je veux dire la Boggart, était terriblement facile à transporter, alors je l’ai juste soulevée et je l’ai remise dans la boîte. Pas besoin de magie."

Neville termina son discours précipité en haletant, la sueur perlant sur son front. Mais Rita voulait des réponses et commença à les donner en succession rapide.

"Qui est, selon toi, le Champion le plus fort en ce moment ?

"Ginny, bien sûr."

"Qui est le plus faible selon toi ?"

"Dennis probablement, il n’a pas autant d’expérience de la bataille que le reste d’entre nous. Ou peut-être Hermione, elle a obtenu le rang le plus bas. Ce qui est étrange quand on sait qu’elle était l’une des meilleures de l’école et que…"

"Quel était votre rôle dans l’organisation terroriste officiellement connue sous le nom d’Ordre du Phénix ?" Rita l’interrompt.

Neville serra fortement l’accoudoir, serrant les dents comme s’il souffrait.

"J’étais surtout un combattant", souffla-t-il. "Mais j’étais aussi très impliqué dans la planification des raids, la direction des missions de renseignement, l’organisation du ravitaillement."

"Diriez-vous que vous étiez le chef ?"

"Non, j’étais l’un d’entre eux. Après la mort de Shaklebolt et de McGonagall, ce sont surtout les jeunes qui ont assumé le rôle qui leur était confié. Mme Weasley ne voulait pas participer à la planification. Elle ne se faisait pas confiance pour ne pas craquer et ne voulait pas finir comme McGonagall. Il ne restait donc plus que nous pour diriger. Tous ceux qui avaient participé à la première guerre des sorciers étaient morts."

"Qui étaient les chefs à l’époque ?"

"G-Ginny, moi-même, Ron et plus tard Th-théo" grogna-t-il.

Rita hocha la tête pensivement avant de se pencher vers lui. "Et pensez-vous que si M. Potter avait survécu, vous auriez accédé à cette position de pouvoir ? Que vous auriez dirigé à ses côtés ?"

Neville devint rouge comme une betterave, les veines de son cou ressortaient alors qu’il luttait contre le sérum de vérité.

Il resta silencieux pendant plusieurs instants, Hermione marquant les secondes en tapant nerveusement ses ongles sur le côté de son tabouret.

 

1..2..3..4..5..6..7..8..

 

"Non". Neville soupire. "Non, je n’aurais pas été là. Si Harry était là, il n’y aurait pas eu besoin de moi. Si Harry avait vécu, je doute que nous serions encore ici. Nous aurions gagné il y a des années."

Rita sourit et se tourne vers la foule.

"Et voilà, les amis ! Notre premier Champion de la soirée… Le garçon qui ne se sent pas tout à fait à la hauteur".

Des éclats de rire résonnèrent sur le terrain tandis que Neville se dépêchait de rejoindre sa place dans la file d’attente, les épaules baissées par la honte et le stress.

"Le suivant ! Mlle Padma Patil. Championne d’Amycus Carrow. Classée dixième avec un score de 5,7 !" s’exclama Rita en faisant un geste vers la sorcière aux yeux ébahis.

Padma se dirigea d’un pas raide vers la chaise à côté de Rita, sa robe ivoire flottant sur le cuir noir. Sa main trembla lorsqu’elle attrapa le verre qu’elle venait de remplir, ses mouvements étant saccadés alors que le python l’obligeait à boire le sérum de vérité.

Des gouttes coulaient sur le menton de la sorcière qui essayait, en vain, de s’empêcher d’avaler.

"Alors, commença Rita, une fois le verre vide et reposé sur la table, parle-nous de ton rôle dans l’Ordre.

Padma déglutit : "J’ai surtout fait des recherches. J’ai trouvé quels légumes pouvaient pousser dans de mauvaises conditions. Quels ingrédients de potion nous pouvions substituer à d’autres. Comment prolonger les approvisionnements. J’ai tout organisé, de la nourriture aux médicaments, des lits aux vêtements…"

"Tu n’étais donc pour ainsi dire rien de plus que la planificatrice en service ?" demanda Rita avec dépit, suscitant quelques rires de la part de ceux qui observaient la scène.

"Eh bien non, je…"

"Vous êtes-vous même battus ?"

"Pas au début, mais quand notre nombre a diminué, je n’ai pas eu le choix".

"Donc, si cela ne tenait qu’à vous, vous auriez choisi de ne pas vous battre ?"

Padma baisse la tête. "Je… je ne suis pas une combattante….non."

Rita se pencha vers l’arrière avec suffisance, haussant les sourcils devant l’un des miroirs.

Hermione pensa que Rita aurait aimé figer ce moment. Se prélasser dans l’attention du monde entier sur elle. La femme des coulisses, des ragots et de la gloire, maintenant au centre de l’attention.

Mais Rita n’a pas laissé le temps à Padma de se ressaisir et s’est lancée dans une série de questions.

"- score juste au-dessus de la moyenne"

"- On dit qu’il a une relation avec Ernie Macmillian"

"Goldstein et un choix étrange"

Réponse après réponse, Padma se met à parler de sa relation avec Ernie et de la façon dont sa sœur l’a choisi comme collatéral pour lui épargner la vie. Padma avait ensuite choisi Anthony, car il était l’un des amis les plus proches d’Ernie.

Hermione avait également appris que le Boggart de Padma était apparu sous les traits de son père, et qu’elle avait été incapable de l’affronter. Elle avait aussi appris qu’une blessure survenue dans son enfance empêchait Padma de se battre en duel pendant de longues périodes, car son dos avait tendance à se contracter sous l’effet de l’effort.

Hermione n’avait jamais entendu Padma parler autant d’elle-même, des secrets étalés sur la scène mondiale. Les larmes coulaient de ses yeux lorsque Rita eut terminé, le récit des sévices subis dans son enfance la laissant à vif et tremblante.

Lorsque Luna fut appelée, Hermione vit Parvati tendre la main et saisir celle de sa sœur en cachette dans l’espace qui les séparait.

Elle avait toujours pensé que le lien étroit qui les unissait était dû à la nature même des jumelles. Elle n’avait jamais imaginé qu’il s’était forgé dans un foyer où régnaient la violence et la peur.

Luna sirota délicatement son verre. Sa robe bleu nuit était portée à l’envers, comme si personne n’avait pris la peine de la corriger. Elle maintenait la bulle d’altérité atmosphérique autour d’elle, indifférente ou insouciante de la position dans laquelle elle se trouvait.

Lorsque Rita l’interrogea sur son procès, Luna le détailla avec une clarté brutale. La différence qu’elle ressentait lorsqu’elle lançait des projectiles sur des statues par rapport à des êtres vivants. Comment sa baguette générait plus de puissance. Comment elle avait pris la décision de lâcher la pierre plus tôt que prévu, obligeant Terry à endurer presque les cinq minutes d’agonie, simplement pour qu’il lui reste de la force pour la troisième épreuve. Son Boggart, c’était elle-même, et elle l’a rapidement éliminé.

Les autres Champions se sont sentis mal à l’aise face à sa franchise, mais aucun n’a semblé surpris. Luna avait toujours été bizarre, mais Hermione ne l’avait jamais crue aussi calculatrice. Si… cruelle.

"Tu es tristement célèbre sur le champ de bataille, pourquoi penses-tu que c’est le cas ? demanda Rita.

"Eh bien, je pense que c’est à cause de tous les meurtres."

"Je croyais que l’Ordre était censé être de la Lumière ?"

"C’est le cas. Mais tuer n’est pas intrinsèquement sombre, du moins pas en temps de guerre. Pas si c’est pour la Lumière."

"Hypocrite, n’est-ce pas ?"

"Je dirais que c’est une nécessité."

Rita pinça les lèvres avant de faire mine de consulter ses notes.

"Les rapports disent que vous étiez le responsable de la torture de tous les captifs de l’Ordre, est-ce vrai ?"

"En partie. J’ai été chargé de récupérer des informations cruciales."

"En utilisant la malédiction de Cruciatus ?"

"Jamais. Cela souillerait l’âme. Il y a d’autres moyens de recueillir des informations."

"Comme ?"

"Les Moldus."

Rita rit : "Quelle barbarie ! Et tu t’es portée volontaire pour ce poste ?"

Luna haussa les épaules : "Je ne voulais pas que les autres aient à en supporter le poids. Ils ont tous de graves contaminations de Nargol, moi je suis au moins immunisée."

"Fascinant", dit Rita en souriant. "Avec vos antécédents et un score de 9,6, vous et M. Zabini faites une sacrée équipe."

Luna acquiesce : "Et Terry."

" Ton Atout Terry ? " Rita fronce les sourcils. "En quoi est-il un atout ?"

"Je n’en suis pas sûre" répondit simplement Luna, "mais la Terre m’a dit de le choisir, alors je suis sûre qu’il est important".

"D’accord", répondit Rita, perplexe face à cette femme étrange.

Rita se racla la gorge : "Avant que vous ne partiez, Miss Lovegood, j’ai encore une question à vous poser. Qui, selon vous, gagnera le Tournoi ?"

Luna fronça les sourcils, incertaine pour la première fois de la soirée. "Je ne pense pas que l’une d’entre nous l’emportera" murmura-t-elle.

Les autres interviews défilèrent devant Hermione dans le flou.

Dennis répondait si doucement qu’elle avait du mal à distinguer un seul mot. La seule information qu’elle réussit à capter fut sa faible note de 2,8, son aversion pour Cormac, son Collatéral, et le fait que la seule raison pour laquelle il l’avait choisi était son amitié avec Susan.

Hermione tenta à plusieurs reprises de croiser le regard de la sorcière sur le profil de Théo, mais Susan regardait droit devant elle. Son corps se contracta et sa mâchoire se serra tandis qu’elle voyait la vie de ses amis être publiquement mise en pièces.

George semblait ennuyé par les questions de Rita, principalement à cause de son manque de compréhension des armes moldues.

"Donc vous avez créé ces armes…"

"Des bombes", corrigea George.

"C’est vrai. Des bombes. Fabriquées à partir de… jus de fossile. Pour tuer les enfants magiques."

"De l’essence. C’est un carburant que les Moldus utilisent pour faire fonctionner les véhicules et certaines machines. Et seule une poignée de bombes que j’ai fabriquées utilisaient de l’essence. Et non, elles étaient conçues pour tuer des Mangemorts, pas des enfants."

"Mais tu as tué des enfants. Six d’entre eux", insiste Rita.

"Pas intentionnellement", répond George avec solennité. "Les informations que nous avons obtenues n’étaient pas… précises."

"Vous avez donc été négligents ?"

"Non, il y avait juste des éléments que nous n’avions pas pris en compte".

Rita posa d’autres questions et George expliqua que son intérêt pour les armes et les guerres moldues lui venait de son père. Après la perte de Fred, George avait cessé de s’intéresser aux bibelots des magasins de farces et attrapes pour se consacrer à des inventions destructrices. Il a utilisé un mélange de techniques et de technologies magiques et moldues pour cibler les bases des Mangemorts, les fonctionnaires du ministère et les marchands d’esclaves.

"Il est dit ici que vous vous êtes aussi entraîné avec… des gorilles ?"

"La guérilla. C’est une tactique utilisée pour éviter les affrontements frontaux. Nous nous sommes concentrés sur de petites escarmouches pour affaiblir votre cause dans son ensemble."

"Ah oui, je m’en souviens." Rita sourit, "mais ça n’a pas vraiment marché, n’est-ce pas ?"

Georges s’étire avec suffisance. "A vous de me le dire, Rita. Il y avait quoi ? Une quarantaine de membres actifs restants et il vous a fallu cinq ans pour tous nous rassembler ?"

"Peut-être que nous attendions simplement notre heure, M. Weasley", dit Rita en souriant, même si son sourire n’atteint pas tout à fait ses yeux.

L’entretien avec Cho portait sur son score de 6,5, son entraînement avec Rowle et son procès. Elle évoqua ensuite, à contrecœur, sa relation avec Parvati et le fait qu’il leur avait fallu des années de déni avant d’admettre leurs sentiments. Cho, parce qu’elle luttait contre sa sexualité, et Parvati, qui pleurait encore la perte de son premier amour, Lavande. Toutes deux s’étaient rapprochées de leurs pères sévères. Elle souleva l’intelligence de Michael Corner et dit qu’elle espérait que Rowle le traitait correctement. Lorsqu’on lui demanda qui, selon elle, allait gagner, elle répondit Parvati, Ginny et, étonnamment, Hermione.

Théo lui donna un coup de coude et lui adressa un sourire encourageant. Elle fronça les sourcils, trouvant l’idée détestable. Mais il continuait d’ignorer ses expressions. Il la poussait et la poussait à chaque fois qu’une information clé était évoquée, comme s’il voulait s’assurer qu’elle était attentive.

Hermione se serait éloignée s’il n’avait pas été placé entre Susan et elle de façon si irritante.

Justin parlait surtout de son rôle de guérisseur. Comment il avait remplacé Madame Pomfrey et comment Zacharias Smith s’était porté volontaire pour être son assistant après la mort de la précédente. Comment il préférait réparer les choses plutôt que de les casser et comment cela se traduisait par sa note moyenne de cinq, bien qu’il ait obtenu la deuxième meilleure note dans la deuxième épreuve. Hermione se demanda comment quelqu’un d’aussi gentil avait pu survivre aussi longtemps à la guerre.

"Et d’après votre avis d’expert, pensez-vous que les rumeurs sur la folie de Miss Granger sont vraies ?" demanda Rita. demanda Rita.

Hermione se figea en sentant les regards de milliers de personnes se tourner vers elle. Théo se raidit à ses côtés, saisissant une poignée de sa jupe rouge pour lui montrer son soutien ou l’empêcher de fuir, elle n’en était pas sûre.

"Justin bégaya, baissant le menton alors qu’il résistait désespérément au Veritaserum.

La sueur chatouillait le cou d’Hermione, sa robe l’étouffait. Elle essaya d’imaginer un mur dans son dos, l’humidité de sa cellule. Le froid dont elle avait envie.

"Respire Hermione, murmura Théo, respire.

Elle sentit sa main tirer doucement sur sa jupe à chaque inspiration et expiration, la guidant subtilement à ralentir sa fréquence cardiaque.

"C’est vrai. Justin sursauta, prenant une légère teinte violette.

Inspirer. Expirez.

Inspiration, expiration…

"Et d’après ce que vous avez vu, y a-t-il un espoir pour le retour de la plus brillante des sorcières de son époque ?"

Pression. Inspirez.

Tirer. Expire.

"Non", croassa Justin, "Elle a… disparu. "

 


 

Chapter Text


Leitmotiv


 

Les Champions furent conduits en coulisses pour la pause de la mi-temps. Malefoy et le reste des Disciples attendaient sous une tente derrière la scène, à l’abri des regards indiscrets.

Il semblait que tout le monde, des Disciples aux Champions, était vêtu de robes élaborées ou de robes de bal raffinées, créant une mer de nuances de noir et de couleurs sombres. Hermione se demanda pourquoi Pansy avait choisi de la singulariser, sa robe couleur sang ne laissant aucune place à la dissimulation. Un drapeau rouge face à un taureau enragé.

-"Une drôle de soirée, n’est-ce pas ?" chuchota Théo derrière elle.

-"On dirait presque une fête.

Hermione cligna des paupières en écoutant le sorcier, essayant de comprendre pourquoi il l’aidait à monter sur scène. Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui avait changé, il n’avait pas essayé de lui parler depuis la nuit dans la salle commune. Et avant cela, cela faisait presque six ans qu’elle ne l’avait pas vu. Juste, un signe de la main qu’il lui avait lancé à la sortie du Poudlard Express. Elle avait répondu sans enthousiasme, bien trop absorbée par la tâche de consoler Harry à la suite de la mort de Dumbledore.

Elle ne se souvenait même plus s’il était allé à l’enterrement. Elle n’avait même pas pensé à le demander.

Alors pourquoi faire comme s’ils étaient amis ?

Elle lui jeta un regard prudent avant de se diriger vers les murs de la tente pour s’y réfugier. Mieux vaut prévenir que guérir.

Théo ne se laissa pas faire et choisit de se percher à côté d’elle en sirotant le champagne qu’il avait piqué sur un plateau à proximité. Il ne dit rien de plus, se contentant de s’appuyer sur un poteau avec une expression détendue. Comme s’il se contentait d’être en sa compagnie.

Ensemble, ils observèrent la ligne invisible qui séparait Disciple et Champion. Les Disciples se prélassaient et plaisantaient, murmurant les uns avec les autres en faisant des gestes à l’intention de divers Champions. Des miroirs sans tain flottaient autour d’eux, offrant une vue claire d’un groupe se produisant sur la scène où elle venait de s’asseoir.

Les champions ne parlent pratiquement pas. Ceux qui avaient terminé leur entretien restaient assis, la tête dans les mains, à revivre les moments d’intimité qu’ils avaient été contraints de partager. Les yeux de Justin ne cessaient de se tourner vers elle, un mélange de pitié et de honte qu’il ne faisait aucun effort pour cacher.

Elle voulait lui tendre la main et lui dire que tout allait bien. Il avait raison après tout, l’ancienne Hermione n’existait plus. Elle était morte le jour où elle avait perdu Harry.

Mais elle ne bougea pas.

Ce serait plus facile ainsi.

Les autres s’agitaient nerveusement, les épaules tendues dans l’attente de leur propre dénouement. Hermione vit Ginny s’éloigner du bras tendu de Neville, le laissant pendre inutilement à ses côtés. Luna fixait le néant, son expression ne laissant rien transparaître. Elle vit Susan et Dennis murmurer dans une conversation animée, le sorcier secouant la tête tandis qu’elle s’agrippait à sa robe.

Il s’éloigna, paniqué, et passa devant Justin avant de faire les cent pas aux abords de la tente, en se mordillant le pouce.

Alors que Susan s’éloignait du groupe, Hermione se précipita pour la rattraper.

-"Susan…

-"Pas maintenant Hermione" dit-elle, les yeux rivés sur les Disciples tandis qu’elle continuait à marcher vers le fond de la tente.

Hermione la suivit.

-"Qu’est-ce qui s’est passé ? Siffla-t-elle.

-"Rien" répondit-elle sévèrement. -"Je vais juste aux toilettes".

-"Ok, je vais venir…"

-"-Non !" grogna-t-elle. Jetant un nouveau coup d’œil autour d’elle,

Susan baissa la voix.

-"Non. Tu dois rester ici."

Les poils se dressent sur sa nuque, sentant que Susan ne lui disait pas toute la vérité. L’anxiété dansait dans son sang, une voix d’enfant scandait ‘’Tout est de ta faute’’. Elle ne put s’empêcher de penser à tout ce qui s’ensuivit. Peut-être qu’Hermione avait fait quelque chose. Peut-être que les mots de Justin avaient finalement ramené Susan à la raison.

Le coup de pied rapide de l’effroi la fit presque tomber à genoux.

-"Je— Susan, tu peux me faire confiance" plaida Hermione.

Susan lui jeta un regard lourd, la tristesse et la détermination tourbillonnant dans son regard.

-"Non, je ne peux pas. Je ne peux faire confiance à personne et toi non plus. Quels que soient les secrets que nous partageons, ils seront détruits à ce moment-là.

-"Les choses que je sais sur toi, les choses que je sais sur…" Elle s’était arrêtée, respirant difficilement. Susan s’approcha.

-"J’ai fait une promesse", murmura-t-elle. -"Et je vais la tenir. Reste ici, d’accord ? S’il te plaît ?"

-"Je—"

-"S’il te plaît, Hermione. Donne-moi juste cinq minutes, d’accord ?"

Hermione avait envie de tendre la main à la sorcière, mais elle se força à ne pas bouger. Elle savait mieux que quiconque l’importance que Susan accordait à cette relation. Le grondement d’anxiété s’étouffa. Susan ne lui tournait pas le dos.

Du moins, pas tout de suite.

-"Cinq minutes", accepta-t-elle.

Susan acquiesça lorsque des pas s’approchèrent.

-"Cinq minutes", murmura-t-elle, avant de disparaître par la porte de la salle de bains.

Avant qu’elle n’ait pu reprendre son souffle, l’odeur de chêne et de whisky envahit ses narines, et elle se retourna pour trouver Théodore Nott qui lui soufflait à nouveau dans le cou.

-"Tout va bien ? demanda-t-il.

-" Ça va " s’étouffa Hermione, en baissant les yeux pour éviter la douloureuse nuance de vert. Elle fit semblant de ne pas remarquer la légère expiration du jeune homme lorsqu’il s’aperçut qu’elle lui parlait enfin.

Elle se détourna rapidement, se dirigeant vers son point d’origine lorsqu’une poigne familière se resserra autour de son poignet. Hermione se dit qu’à ce stade, ses poignets étaient peut-être façonnés pour accueillir sa main. La peau froide lui permettait de mémoriser ses empreintes corporelles.

-"Que voulait Nott ? demanda froidement Malfoy, son regard s’étrécissant de suspicion tandis qu’il observait le sorcier derrière elle.

Hermione retira sa main, confuse, fatiguée et énervée.

-"Ça ne te concerne pas, putain" siffla-t-elle.

Ses yeux gris brillèrent d’une lueur vive tandis qu’un sourire glacial se dessinait sur ses traits. Ses cheveux platine étincelaient au contact de ses robes argentées.

-"Tout ce qui te concerne me regarde, Granger", dit-il en souriant. -"C’est ce que tu as fait en me choisissant".

Hermione ouvrait la bouche pour répliquer lorsque la voix de Rita résonna dans la tente.

-"Champions, veuillez retourner sur scène dans trois minutes."

Elle sentit son estomac plonger dans ses tripes.

La tente grouillait d’activité tandis que les Champions se préparaient pour le deuxième acte. Pansy Parkinson et quelques autres sorcières inconnues voltigeaient entre eux, retouchant leur cheveux et poudrant leurs visages qui protestaient. Dans la cohue, Hermione vit Luna s’éclipser dans la salle de bain sans se faire remarquer.

-"Tu ferais mieux d’y aller Granger" dit Malfoy en la poussant vers la sortie.

-" Rends-moi fière ".

 

***

 

-"M. Goyle, pouvez-vous nous décrire, à moi et à vos collègues Champions, ce qu’était la vie avant votre désertion ?"

-"Hum, bien sûr" déglutit Goyle, des perles de sueur perlant sur son front. Hermione vit sa cravate incroyablement serrée s’affaisser tandis qu’il déglutissait.

-"J’allais au Ministère. Je travaillais. Je rentrais chez moi. Ou parfois je m’arrêtais au pub du Chemin de Traverse en retrait chez moi. D’autres fois, je…"

-"Comment décririez-vous le Chemin de Traverse dans les années qui ont suivi la mort de Harry Potter ? Rita l’interrompit joyeusement, ayant clairement trouvé une ouverture vers l’angle qu’elle cherchait.

Goyle cligna des yeux, ses cellules cérébrales éparpillées peinant à suivre le rythme des questions.

-"La première année, les choses étaient plutôt difficiles", commença-t-il. -"J’ai à peine vu quelqu’un sortir et se promener lorsque tous les nés-moldus ont été rassemblés et tués.

Le sang d’Hermione se glaça.

-"Avez-vous assisté à des exécutions publiques ?"

-"Eh bien, non, mais…"

-"Alors comment savez-vous qu’ils étaient tués ?"

-"Parce que des gens continuaient à disparaître", dit Goyle lentement, comme si Rita était dure d’oreille.

-"Des Moldus. Des nés-moldus. Et même des sang-mêlé."

L’estomac d’Hermione se noua. Elle savait. Au fond d’elle-même, elle savait que cela s’était produit. Elle était là. Elle avait entendu leur arrivée, leurs cris et le silence qui avait suivi.Mais elle avait choisi d’oublier. Elle ne pouvait pas y penser. Les sons résonnaient dans sa tête.

La peur. Le désespoir.

Il y avait une vie à Azkaban avant Darryl et une vie après. La période avant lui avait ressemblé à un rêve lucide. Un cauchemar. Mais ce n’était pas le cas.

Goyle lui avait ravivé sa mémoire. Ces gens… étaient réels. Ils avaient vécu. Ils avaient eu une vie. Des vies que d’autres, comme Goyle, avaient vu se dérouler. Des vies qui avaient existé au-delà de la prison. Des vies qui s’étaient achevées. Des vies qu’elle avait entendues s’achever.

-"Mais vous n’avez jamais vu ce qu’ils sont devenus ? Rita insiste.

-"Je n’en avais pas besoin. Nous savions tous ce qui se passait." S’emporta Goyle.

Inspirez. Expire. Rien dedans. Rien ne sort.

-"Le programme de réimplantation…"

-"C’est un tas de conneries !" Goyle crache.

Inspirer. Expirer.

-"Je vous assure, M. Goyle…" Rita riait. Et quel horrible son c’était. Moqueur. Sarcastique. Dédaigneux.

-"Le programme de réimplantation est bien réel. Grâce à son succès, la vermine de notre monde a été traitée avec humanité " souligna-t-elle, non pas à Goyle, mais à l’un des miroirs. Au monde qui l’observait au-delà.

-"Les sangs-de-bourbe et leurs Disciples ont été oubliés et renvoyés dans le monde moldu, où ils ont leur place. Ils sont bien vivants et heureux", assura-t-elle avec assurance.

Des mensonges. Tout n’était que mensonges.

Entrer. Sortir.

-"Foutaises", s’emporta Goyle.

Hermione fut surprise par le venin dans sa voix. Le Goyle qu’elle avait connu se délectait des diatribes de Malfoy sur la suprématie du sang. Il avait été positivement abasourdi à la vue de ses larmes.

Ce Goyle-là, elle ne le connaissait pas.

Elle se demandait ce qui, ou qui, avait tué ce garçon inculte et l’avait remplacé par l’homme en face d’elle.

Rita continua comme s’il n’avait pas parlé. Son ton était condescendant, comme si elle expliquait un concept de base à un petit enfant.

-"C’est grâce à ce même programme que vous avez pu profiter des fruits du travail du Seigneur des Ténèbres. Dites-moi, comment le Chemin de Traverse a-t-il changé l’année suivante ?"

La bouche de Goyle se ferma brusquement. La sueur qui perlait sur son front se multiplia et retomba sur sa mâchoire crispée.

Hermione l’avait toujours trouvé stupide. Il manquait de discipline et de réflexion individualiste. Mais à mesure que Goyle luttait contre la potion, elle commençait à réaliser que le sorcier avait plus de cordes à son arc qu’elle ne l’avait imaginé. Oui, il parlait lentement et sa voix avait un ton désemparé. Oui, ses yeux étaient légèrement écartés et ses sourcils lourds, ce qui lui donnait un air de confusion permanent. Gregory Goyle n’était pas un homme intelligent, loin de là, mais cela n’enlevait rien à son humanité.

Il continuait de penser, de rêver et d’aimer. Il était capable de grandir. Il avait une conscience. Il avait des préoccupations qui lui tenaient à cœur. Des gens auxquels il tenait. Des peurs, des espoirs et des regrets.

Gregory Goyle n’était pas une ombre sur l’épaule de Malefoy. Il n’était pas un visage de plus dans une pièce. Il n’était pas un nom ou un concept qui existait dans sa tête. Il était réel. Aussi réel que les prisonniers dont il parlait. Son manque d’intelligence ne pouvait pas lui enlever cela. Cela ne le rendait pas moins important.

Elle avait honte d’y avoir pensé. De l’avoir regardé avec la même indifférence que Rita. Goyle était un Champion parce qu’il était membre de l’Ordre. Un vrai membre, pas un simple partisan. Et tandis qu’il se battait pour défendre la cause de l’Ordre, son visage devenant bleu sous l’effet de l’effort, Hermione sentait son respect pour lui grandir.

-"C’était….Merde" souffla-t-il, le sérum de vérité l’emportant finalement. -"Propre", souffla-t-il. -"Il y avait toujours… des activités agréables. Des festivals, des stands de nourriture et tout le reste."

Son visage se crispa de dégoût. Il avait honte d’avoir admis que tout ce qui se passait sous le règne du Seigneur des Ténèbres était plaisant. Rita rayonna de triomphe.

-"Vous vous sentiez en sécurité ? En rentrant chez vous le soir ?" Elle lui donna un coup de coude.

Goyle siffla de frustration.

-"Oui. Tout le monde était du même côté. Il n’y avait pas besoin de regarder par-dessus son épaule. -"

-" Et après les attentats ? -"

Goyle marqua une nouvelle pause. Battu. Perturbé.

Finalement, il croassa :

-" Nous étions… effrayés. Les gens avaient peur."

Hermione eut le souffle coupé. Elle entrevoyait enfin la véritable raison des entretiens. Elle voyait enfin tout ce qu’il y avait à comprendre.

-"De qui ?" Rita insista.

Goyle parla d’un air vaincu. Résigné à son sort.

-"L’Ordre" soupira-t-il.

Et voilà, c’était ça.

Le but derrière le glamour et la scène. Les fils et les marionnettes.

Le monde entier les regardait. Il les regardait parler de la guerre avec une vérité absolue. C’est une chose pour un ennemi de prétendre que l’autre était mauvais. C’en était une autre de voir l’autre l’admettre de son propre fait. Chaque interview, chaque champion, était dépeint comme faible ou immoral. Les questions étaient conçues dans ce sens. Théo avait dit qu’ils avaient été interrogés à leur arrivée, que les Mangemorts connaissaient déjà tous leurs secrets.

Ce n’était qu’une étape supplémentaire dans le jeu. Une justification pour ce qu’ils étaient sur le point d’endurer. Regardez bien ces monstres, disait le jeu, regardez bien ce qu’ils valent. Regardez ce qu’ils méritent.

Et Hermione savait que ça marchait. Elle le voyait dans les visages impuissants de ses camarades Champions. Tous ceux qui auraient pu se porter garants de l’Ordre étaient morts et disparus. Il ne restait plus que les Champions et les Collatéraux. Et leur parole ne signifiait rien si leur intégrité était mise à mal.

C’était du génie, d’une manière malsaine et tordue. La peur commença à l’envahir. Chaude et nauséabonde. Ce n’était pas le travail de Voldemort. C’était trop intelligent. Trop bien construit pour un homme qui avait caché son âme dans des objets permettant de remonter facilement jusqu’à lui. La touche de l’artiste, c’était lui, il n’y avait aucun doute là-dessus. Il était l’étoile centrale.

Mais le vrai travail était derrière le rideau.Il était désormais évident que le Maître des Jeux était la véritable menace. Bien plus dangereux que les épreuves, que les Mangemorts, que Voldemort lui-même. Les sortilèges complexes qui se cachaient derrière les colliers python, l’utilisation d’êtres chers comme Collatéraux et la manipulation de la coupe pour choisir des Champions pour des humains plutôt que des écoles.

Et puis il y avait eu les tests.

L’utilisation de L’Épouventard pour révéler leurs peurs les plus sombres, les classements qui les opposent les uns aux autres et l’entraînement supervisé par les Disciples, qui veillent à ce que les deux camps travaillent ensemble à la réalisation d’un objectif commun.

Chaque pièce est disposée en place sur l’échiquier, dans des cases bien définies. Un effet domino prêt à les faire tomber les uns après les autres. Et lorsque le roi finira enfin par tomber, Hermione ne pensait pas du tout que le Champion vainqueur serait libéré. Les dommages causés à leur réputation, à leur esprit et à leur magie seraient trop importants.

Échec et mat.

Luna avait raison. Il n’y aurait pas de vainqueur. Le jeu était truqué. Leur adversaire ne serait pas Voldemort ou ses Disciples. C’était le jeu lui-même.

Le maître du jeu caché derrière l’échiquier. Un grand maître qui avait planifié chaque enchaînement d’événements avant qu’ils ne se produisent. Un contre-sens pour chaque action qu’ils entreprenaient.

Ils avaient perdu avant même que le jeu ne commence.

-"Précisément" siffla Rita en faisant un signe de tête à la foule.

Celle-ci se mit à huer en réponse, se rangeant résolument du côté de Rita. Goyle avait été le dernier clou dans le cercueil, les enfermant tous.

Et il le savait. Sa tête pendait lourdement. Les larmes finissaient par couler.

Les membres de l’Ordre avaient admis qu’ils étaient à craindre. Qu’ils étaient une menace. Et s’ils pouvaient l’admettre eux-mêmes, quel espoir auraient-ils de s’en sortir ? Les autres pays n’interviendraient plus. Personne ne viendrait les sauver. Ils avaient pratiquement admis qu’ils ne valaient pas la peine d’être sauvés.

Lorsque le public se fut enfin calmé, Rita reprit son interrogatoire. Cette fois, sa voix est plus douce, plus empathique. Comme si elle avait pitié de l’homme. Comme si elle disait : -"Vous voyez ? Même après tout ce qu’ils ont fait, nous avons pitié d’eux. Nous leur avons accordé notre clémence. Nous leur offrons une chance.

-"Et dites-moi, M. Goyle, qu’avez-vous fait comme travail ? Rita commença doucement, lui donnant une tape encourageante sur le genou.

Pitoyable. Mécène.

Goyle renifla.

-"J’étais concepteur de programmes d’études pour le département de l’éducation magique.

Rita l’encouragea d’un signe de tête.

-"C’est un poste intéressant, comment avez-vous réussi à l’obtenir ?

-"Je crois que j’ai été le seul à postuler. Il y avait plein de postes à pourvoir -" déclara Goyle à voix basse.

-"Bien sûr, expliqua Rita. -"L’économie était en plein essor. Les ressources, les richesses et les opportunités étaient mieux réparties sous le règne du Seigneur des Ténèbres."

Goyle fronça les sourcils, sa voix augmentant une fois de plus de volume à mesure que sa frustration grandissait. -" Je veux dire, oui, sauf que la population a chuté d’un cran. Bien sûr, il y avait des emplois et de l’argent - les nés-moldus qui les avaient étaient morts."

-" Relocalisé -" railla Rita.

-"Oui, de l’autre côté." Goyle se moquait.

Quelques rires s’élevèrent de la foule mais furent rapidement étouffés.

Rita se pinça les lèvres d’agacement et se racla la gorge. -"Vous avez donc travaillé sur le programme d’études utilisé aujourd’hui ?" demanda-t-elle d’un ton sec, tout en faisant mine de consulter ses notes.

Goyle plissa les yeux vers la femme, confus.

-"Je suppose que oui. Il répondit lentement, ne voyant pas où l’entretien voulait en venir. -"C’était simple. Supprimez les études moldues. Supprimez les soins aux créatures magiques. Remplacer la défense par la magie noire. Ce genre de choses. C’était une décision de groupe."

-"Mais la suppression des maisons, c’était votre idée, n’est-ce pas ?"

-"C’est moi qui l’ai suggéré en premier", dit-il en haussant les épaules. -"Il me semblait idiot d’avoir quatre maisons en compétition les unes contre les autres. Il vaut mieux n’en avoir qu’une. Comme ça, il y a moins de bagarres. Les gens peuvent être amis avec qui ils veulent".

-"Et c’est ce que vous souhaitiez quand vous étiez plus jeune ? Être ami avec qui on veut ?"

-"Oui. Et… et j’en avais assez que Serpentard soit considérée comme une mauvaise maison. Il y avait bien quelques têtes de con, mais la plupart étaient cool. Ils ne méritaient pas d’être vus de cette façon."

-"Vous êtes d’accord pour dire que les Serpentards sont mal perçus ?"

Pause. Déglutit.

-"Oui -", grogne Goyle.

-" Vous avez donc regroupé tous les élèves dans la maison de Serpentard -", confirma Rita. -"Et quels sont les résultats ?

Goyle répondit instantanément, de façon monotone, comme s’il répétait les mots qu’on lui avait inculqués.

-" Unité. Conformité. Ennemi commun. -"

Rita se rapprocha.

-"Lequel ?"

-"L’Ordre", grommela-t-il.

Des cris et des sifflets s’élevèrent de la foule tandis qu’Hermione restait figée.

-"Si c’était l’ennemi, pourquoi avez-vous décidé de rejoindre l’Ordre ? demanda Rita en appuyant son menton sur sa main comme s’ils étaient en train de bavarder autour d’un thé.

Goyle se déplaça mal à l’aise.

-"Je n’avais pas le choix.

-"Oh ? Et pourquoi donc ?"

-"J’ai vu mon père lever sa baguette. J’ai juste… réagi. Je n’ai pas fait exprès. Je devais seulement l’étourdir mais il s’est cogné la tête contre les barreaux et…. -"

Goyle secoue la tête comme pour chasser ce souvenir de son esprit.

-"Après ça, je n’avais pas vraiment le choix. Partir avec Théo ou attendre que le Seigneur des Ténèbres m’achève. Alors je suis parti. Théo a dit que Marcus devait nous rejoindre là-bas, mais il n’est pas venu. Je pense qu’il s’est fait prendre. Il est probablement mort maintenant."

-"Vous avez tué votre propre père" déclara froidement Rita.

-"C’était un accident…"

-"Vous avez levé votre baguette et vous l’avez tué.

Goyle secoua la tête plus rapidement, la peau rougie et humide.

-" Mon père criait. Je suis allé voir ce qui se passait, pourquoi il vociférait autant -", dit-il en tremblant.

-"Et ensuite ?"

-"J’ai vu Theo, portant Oliver Wood par les aisselles. Je n’ai jamais… Je ne savais pas à quel point il était mal en point ! Je n’avais pas le droit de descendre. Je ne savais pas ce qu’ils étaient…"

Goyle s’agitait maintenant, secouant violemment la tête comme si des abeilles étaient coincées dans son cerveau.

-"Théo essayait de le sortir de là, haleta-t-il, les yeux écarquillés et brillants. -"Il l’entourait d’un bras tout en lançant des sorts insensés de l’autre. Je l’ai à peine reconnu au début, il avait l’air possédé. Il m’a regardé et j’ai…"

Le sorcier déglutit, regardant le ciel avant de tourner ses yeux injectés de rouge vers Théo, à sa droite. L’émotion brute lui donnait envie de détourner le regard.

Elle devrait détourner le regard. Pourquoi ne pouvait-elle pas détourner le regard ?

-"Théo a toujours été gentil avec moi. -"Il ne s’est jamais moqué de moi parce que j’étais stupide. Nous, les Goyles, nous ne sommes pas intelligents mais nous sommes loyaux. Nous veillons sur les nôtres. C’est Théo qui m’a fait monter sur un balai après Crabbe. Alors, de mon point de vue, je devais le faire. Je devais le faire."

La main de Théo frémit à son extrémité. Hermione lutta contre l’envie de la saisir.

Rien dedans. Rien dehors.

Elle se força à rester immobile tandis que Goyle était renvoyé. Lorsque Ginny fut appelée, Hermione dut fermer les yeux pour disparaître. Pour un instant, juste un instant, elle pouvait faire comme si elle était de retour dans son ancienne cellule.

-"-Première championne classée !"

Il y aurait un évier avec un robinet rouillé.

-"- Un score si impressionnant"

Une fine couverture déchirée.

-"-Greyback, quel duo intéressant…"

Elle pouvait presque le voir. Voir qu’il l’attendait.

Hermione se dit qu’elle aurait pu le faire. Elle aurait pu rentrer chez elle, dans le froid et le calme. Les pierres frémissaient au plus profond de son esprit, les morceaux brisés de ses murs d’Occlumancie se recollant les uns aux autres. Elle aurait pu le faire. Si elle n’avait pas entendu le nom sorti de la bouche de Rita.

-"Quelle était votre relation avec Harry Potter ? demanda Rita.

La chaleur augmenta tandis que la pierre s’effritait. Hermione sursauta et ouvrit les yeux.

-"Nous avons d’abord été amies" cracha Ginny, sa haine envers l’enquêtrice se déchaînant. -"Puis on s’est mis ensemble pendant ma cinquième année."

-"Quel romantisme !" Rita roucoula. -"Et dites-moi, c’était le coup de foudre ?"

-"Eh bien, non. Je veux dire, c’était pour moi, mais je le connaissais déjà. Je ne le connaissais pas exactement", dit-elle, avant de siffler -"Ce n’est pas tes affaires de toute façon".

Rita était restée fidèle à son professionnalisme.

-"Donc vous admettez que vous l’avez poursuivi à cause de sa célébrité ?"

Ginny ricana. -"J’avais onze ans ! Et non, pas pour sa célébrité. Je le trouvais… courageux. Je voulais être comme lui. Je voulais aimer quelqu’un comme ça.

-"Mais il ne partageait pas ce sentiment ?"

-"Je suis presque sûre qu’il m’a juste vue comme la petite soeur ennuyeuse de son frère pendant un moment."

-"Et quand est-ce que ça a commencé à changer ?"

Ginny baissa la tête, les jointures blanches et les jambes rebondies.

-"Ma quatrième année" murmura Ginny. -"J’ai eu l’impression, je ne sais pas, j’ai eu l’impression qu’il me remarquait davantage. Qu’il me remarquait, qu’il remarquait les autres. Comme s’il était jaloux. Comme s’il ressentait quelque chose lui aussi."

Rita applaudit avec joie. -"Vous avez donc commencé à sortir ensemble l’année suivante. Que c’est beau. Était-il votre tout premier ?"

-"Umm n-non." balbutia Ginny, son visage s’illuminant d’un éclat cramoisi.

-"Non ! Mon Dieu, ma chère, qui était-ce ?"

-"Je… c’était… Neville." Elle bafouilla. -"Neville Longbottom."

-"Oh, je vois. Vous et M. Potter n’avez donc jamais été intimes ?"

Hermione se mordit la joue. Harry était mort, son crâne était une décoration dans la Grande Salle. N’en avait-il pas eu assez ? N’avait-il pas droit à la tranquillité ? Et Ginny ?

-"C’est vrai", chuchota Ginny.

Rita rejeta la tête en arrière et se mit à rire. -"Harry Potter est mort vierge. Quelle dommage !"

Hermione n’avait jamais autant détesté cette femme qu’à cet instant.

Ginny s’élança vers l’hôtesse avant que son python ne lui renvoie la tête en arrière. Le coup de fouet ne sembla pas perturber la sorcière qui continuait à se débattre en vain.

-"Fermez votre putain de gueule !"

Les huées se poursuivent dans les gradins. Elle n’avait jamais pensé qu’un rire pouvait être aussi laid. Rita agita son doigt d’un air narquois, ivre de l’attention de la foule.

-"Ce n’est pas une façon de parler à un hôte, n’est-ce pas ? Elle fit la grimace. -"Maintenant, parlez-moi de cette… grande histoire d’amour. Vous êtes sortis ensemble pendant six mois au total ? Six mois ?"

Ginny siffla et grogna. -"Cinq", finit-elle par cracher.

-"Cinq ?" Rita se moqua. -"Et il a rompu avec vous ?" La femme sans attendre de réponse se tourna vers le public dans un grondement de scène, -"probablement parce qu’elle n’a pas couché avec lui".

Plus de rires. Plus de battements d’ailes.

Les jambes d’Hermione tremblèrent.

-"Il essayait de me protéger !" rugit Ginny.

-"En sécurité pendant qu’il s’enfuyait dans les bois avec Miss Granger ?"

Une main agrippa le tissu de la robe d’Hermione, la maintenant immobile.

Ginny secoua la tête.

-"Il ne me ferait jamais ça !"

-"Oh, s’il vous plaît. C’était un adolescent !"

Quelqu’un tirait sur sa robe.

-"Il… ils ne le feraient pas."

-"Vous ne le saurez jamais, n’est-ce pas ?"

Tirer. Tirer. Tirer.

-"Il m’aimait !"

-"Mais l’a-t-il jamais dit ?"

-"Il…"

-"Alors ? L’a-t-il fait ?"

Tirer, tirer, tirer, tirer…

-"Non" souffla Ginny, son corps s’immobilisant. La sorcière se recroquevilla sur elle-même, comme si elle souhaitait elle aussi disparaître.

-"Non", gloussa Rita. -"La pauvre petite. Pendant tout ce temps, elle a revendiqué un titre qu’elle n’était pas en mesure de porter. Même Miss Chang est restée plus longtemps avec Mr Potter. Peut-être devrions-nous lui transmettre le titre ? Et puis il y a Mlle Granger…"

-"Ne parlez pas d’elle comme ça !"

-"Putain de salope !"

Les deux voix s’élevèrent en même temps. Neville et Ron se tenaient debout, furieux, ce dernier tendant une baguette qui ne servirait à rien contre l’ennemi.

-"Taisez-vous Mr Weasley" réprimanda Rita, -"vous aurez votre tour dans un instant".

-" Ta.. -" La voix de Ron fut coupée en un instant, son corps le trahissant et en tremblant.

Il jeta un regard furieux entre Rita et Hermione. Elle n’avait pas réalisé qu’il s’était assis si près, à seulement deux sièges de distance. Elle avait toujours cru qu’elle pouvait le sentir quand il était proche.

Ginny fixa son frère, son expression tourmentée s’estompant pour laisser place à quelque chose de plus tendre. Une acceptation silencieuse.

Tirer. Tirer. Tirer

Hermione inspira. Expira.

Elle entendit un soupir de soulagement à côté d’elle. Neville aussi semblait avoir été forcé de retourner à sa place, bien que Rita gardait son regard fixé sur lui.

-"Dites-moi Miss Weasley" dit-elle calmement, -"lequel des deux aimez-vous le plus ?"

Ginny cligna des yeux, confuse.

-"Pardon ?"

-"Lequel aimez-vous le plus ?" répéta Rita en se tournant vers la sorcière pour la regarder dans les yeux. -" Le mort ou le vivant ? —" 

Les yeux de Ginny s’écarquillèrent et elle plaqua ses mains sur sa bouche, étouffant sa réponse.

-"Pensez-vous que M. Londubat, l’homme avec qui vous êtes depuis plusieurs années, est votre véritable amour ?

Tirer. Tirer.

Inspirer. Expirer.

-" Ou est-ce M. Potter, l’homme que vous poursuivez désespérément depuis l’âge de onze ans ?"

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Ginny prit une inspiration rauque avant de donner le coup de grâce par l’entre-deux de ses doigts.

-"Harry", souffla-t-elle. -"C’est Harry. Cela a toujours été Harry."

Le public explosa. Un tumulte d’acclamations, de cris et de sifflets.

Hermione avait l’impression d’être avalée tout entière. Comprimée dans une gorge brûlante, paralysée en attendant d’être digérée. Ses mains se mirent à trembloter, sa vision se troubla.

Tirer. Tirer.

Elle regarda la manche d’un bleu profond qui tirait sur sa jupe. Une main calleuse agrippait légèrement le tissu couleur sang. Des cicatrices parsemaient les jointures. Les veines s’étendaient comme des branches vers elle. Elle s’en saisit. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Hermione avait besoin d’un point d’ancrage. Sa paume se posa sur le dos de la main de Theo, la serrant fermement. Il tourna sa paume vers elle, ses doigts s’entrelaçant avec les siens. Il serra fermement par intervalles de deux. Lui rappelant de respirer. Ordonnant à son cœur de continuer à battre. Elle ne le regardait pas. Elle n’a pas levé les yeux du tout.

Inspirer. Expirer.

Rita avait continué son interrogatoire, la conversation s’insinuant dans la conscience d’Hermione. Quelque chose à propos de l’Ordre. Les noms ‘Fred’, ‘Percy’ et ‘Bill’ firent surgir des images rapides de visages familiers qui s’éloignèrent. Un procès et un garçon. Teddy. Ils parlaient de Teddy.

-" Et que feriez-vous pour le garder en sécurité ?" demanda Rita.

La voix de Ginny était froide.

-"N’importe quoi."

 


 

Chapter Text


Oiseau


 

La première fois qu’Hermione avait utilisé la magie, elle avait brisé une fenêtre.

L’été avait été torride, le plus chaud jamais enregistré, et elle avait cherché à se protéger du soleil dans sa chambre d’enfant. La fenêtre fermée et le ventilateur allumé, elle s’était laissée aller à la lecture de son dernier achat à la bibliothèque municipale.

Elle était en train de lire l’histoire de Perséphone et d’Hadès, comment ce dernier l’avait attachée à lui avec des graines de grenadier, lorsqu’un bruit sourd retentit à la fenêtre.

Hermione laissa tomber son livre sous le choc et descendit les escaliers à toute allure pour enquêter sur ce qui avait causé ce dérangement. Ses parents ne dirent rien lorsqu’elle franchit leur porte d’entrée, supposant qu’elle avait finalement décidé de rejoindre les enfants du quartier qui jouaient dans le parc en bas de la rue.

Ils étaient probablement soulagés. Des enfants normaux de sept ans devraient jouer avec d’autres enfants - et non s’enfermer à l’intérieur pour lire des histoires de dieux anciens.

Hermione ne savait pas ce qu’elle allait trouver, mais elle ne s’attendait pas à trouver un moineau tout flasque. Allongé dans l’herbe, les yeux fermés, elle aurait presque pu croire qu’il dormait. Si ce n’était l’angle prononcé de son cou et l’immobilité de sa poitrine.

Elle savait ce qu’était la mort, elle l’avait lu dans des livres. Elle l’avait vue à la télévision lorsqu’elle descendait en cachette pour regarder les émissions de ses parents. Elle l’avait remarquée en voyant les animaux écrasés sur la route que ses parents rencontraient à la campagne. Mais à ce moment-là de sa vie, Hermione n’avait jamais vraiment observé la mort de près. Ou du moins, d’aussi près.

La réalité était choquante.

Elle ne put empêcher les larmes de jaillir. Hermione comprenait la plupart des choses, bien au-delà de son âge, mais elle ne pouvait pas comprendre la mortalité. Elle ne savait pas encore si elle croyait en Dieu comme le faisaient ses parents, mais quelle était l’alternative ? Qu’après la mort, il n’y avait rien ? Une fois qu’on est décédé, c’est tout ? Les lumières s’éteignent ?

S’envoler dans les airs une minute, puis s’effondrer sur le sol.

Ce n’était pas juste.

La mort n’était plus un concept pour Hermione à ce moment-là. C’était un fait indéniable. Un fait auquel elle ne pouvait échapper. Un fait qui n’avait pas de réponse discernable.

Peut-être que si elle avait ouvert sa fenêtre, l’oiseau aurait pu vivre. Peut-être que son gilet à motifs de fraises l’avait attiré vers la vitre. Elle aurait pu porter autre chose. S’asseoir ailleurs. Faire autre chose. Mais elle ne savait pas que cela pouvait se passer ainsi. Que tout pouvait s’envoler en un instant. Dans un bruit sourd.

La fragilité de sa propre existence était trop grande pour elle. Son intelligence était à son propre détriment. Les enfants de sept ans n’étaient pas censés accepter le fait qu’eux-mêmes et tous ceux qu’ils connaissaient allaient mourir un jour.

Alors elle avait sangloté. Et alors qu’elle poussait un gémissement étouffé, la fenêtre de sa chambre avait voler en éclats.

Le verre s’était répandu dans l’herbe.

Ses parents étaient arrivés en courant.

Par la suite, elle s’est renfermée sur elle-même. Il avait fallu des heures et des pots-de-vin sous forme de crème glacée pour que ses parents parviennent à la faire sortir.

Ses parents avait qualifié l’événement d’accident étrange. L’impact de l’oiseau avait fissuré la fenêtre, ce qui avait provoqué un éclatement à retardement. Mais Hermione savait qu’il n’y avait pas de fissure. Elle savait au fond d’elle-même, inexplicablement, que c’était elle qui l’avait causé. Mais elle ne comprenait pas comment.

Lorsqu’elle eut dix ans, les accidents recommencèrent et à chaque fois, elle réagissait de la même façon. Reculer. Disparaître. Réfléchir. Parfois pendant des heures. Parfois pendant des jours.

Lorsque les choses échappaient au contrôle d’Hermione, lorsque des situations ou des événements ne pouvaient être expliqués ou résolus, elle se repliait sur elle-même. Elle essayait de comprendre et, si elle n’y parvenait pas, elle se renfermait complètement. C’était trop pour elle.

Son seuil de tolérance avait augmenté avec l’âge, Merlin sait qu’elle ne serait jamais restée amie avec Ron et Harry sans cela. Azkaban l’avait aidée à s’adapter davantage.

Mais il y avait encore beaucoup de choses qui étaient trop pour elle. Des choses comme le Tournoi. Des choses comme la protection de Ron. Des choses qui échappaient à son contrôle. Hermione avait besoin de contrôle. C’est ce qu’elle se répétait sans cesse alors que l’entretien commençait. Elle voulait se jeter sur lui et le supplier de la pardonner.

Elle voulait trancher la gorge de Rita.

Ce n’était pas des options qu’elle pouvait mettre en pratique. Alors elle se réfugia dans son for intérieur.

Contrôle. Rien ne rentre. Rien ne sort.

-«Disparition ?»

-«Non, répondit Ron. -«Bill s’en remettra. Je ne m’attendais pas à ce qu’il se batte. Il devait penser à sa femme et à son enfant.»

-«Et l’autre ? Le dompteur de dragons ?»

-«Ginny vient de vous le dire. Nous n’avons pas eu de nouvelles de lui depuis cinq ans. Il était en Roumanie quand la bataille a eu lieu. Charlie devrait être en sécurité.»

-«Et le reste d’entre vous, avaient choisi de rester ?»

-«C’est exact.» Ron acquiesça avec confiance.

-«Vraiment ? Tous ?»

-«Oui. Nous voulions nous battre.»

Rita rit.

-«Se battre ? C’est comme ça que vous appelez ça ?»

-«Je ne vois pas comment on pourrait appeler ça autrement», dit lentement Ron.

-«Vous avez attaqué Poudlard. Le Chemin de Traverse. Des rues et des commerces publics. Les maisons des citoyens.»

Ron se pencha vers l’arrière et enfila ses doigts l’un dans l’autre. -«Nous avions de bonnes raisons de le faire», répondit-il doucement. -«Nous tentions de vous arrêter.»

Il était si calme.

-«Arrêter quoi ?» Rita se moque. -«Une meilleure société ?»

-«Nous espérions sauver des vies.»

Comment pouvait-il rester aussi calme ?

-«Sauver ? M. Weasley, la rumeur veut que vous soyez à l’origine de nombreuses, voire de toutes les attaques de l’Ordre. Des attaques qui ont entraîné des morts en masse.» Rita secoua la tête, incrédule. -«Avez-vous déjà ressenti de la culpabilité pour les victimes ?

-«Parfois.» Ron haussa les épaules.

-«Cela dépend de qui a été tué.»

-«Je parle de ceux de votre propre camp.» Rita insiste.

Ron déglutit.

-«Comme je l’ai dit, parfois.»

-«Il y a donc eu des gens pour lesquels vous n’avez ressenti aucune culpabilité ? Des gens que vous avez envoyés au combat et qui ne sont jamais revenus ?»

-«Oui», répondit simplement Ron.

La foule se mit à huer, mais Ron n’en fut pas affecté.

C’était comme si un interrupteur avait été actionné. Si elle ne l’avait pas connu, elle l’aurait trouvé glacial. Mais Hermione connaissait Ron Weasley mieux que quiconque.

Ron était un enfant à la tête brûlée, sujet à des crises de jalousie. Un sorcier farouchement loyal, sur la défensive et, à l’occasion, presque intentionnellement maladroit. Mais lorsqu’il était en équilibre sur un fil tendu, il était aussi immobile que la pierre. Inébranlable dans sa foi en lui-même et en ceux qu’il aime.Elle n’avait vu ce calme tranquille s’installer sur lui comme une brume qu’à quelques reprises.

Lorsqu’ils étaient montés sur l’échiquier des sorciers, en première année. Lorsque Dumbledore les avait emmenés tous les deux dans son bureau pendant le tournoi des Trois Sorciers et les avait informés qu’ils seraient bientôt plongés dans l’eau pour la Seconde Tâche. Lorsqu’il avait silencieusement frotté le dos de Harry, le visage vide, alors qu’il s’effondrait après la mort de Sirus. Lorsqu’il avait croisé son regard au moment où le corps de Harry avait été amené dans la cour, un regard qui promettait la vengeance.

La pression de sa main. La levée de sa baguette. La fluidité de ses mouvements alors qu’il se jetait dans la bataille, tandis qu’elle était rester figée.

Dans ces moments-là, Hermione se rétrécissait. Mais Ron, lui, grandissait. Il avait été une boule de nerf émotionnelle depuis qu’elle était arrivée ici. Il passait de la colère au chagrin, mais maintenant, à ce moment crucial, il restait impassible. C’était tout aussi impressionnant que la première fois. Un chevalier noir, se dirigeant calmement vers le centre. Confiant dans le fait qu’il les mènerait de l’autre côté en toute sécurité.

Rita tint bon face à l’un des miroirs.

-«C’est l’homme qui est à l’origine de nombreuses pertes de vie en Grande-Bretagne. Insensible. Sans remords. Maléfique.» Siffla-t-elle.

-«Ce n’est pas vrai…»

-«N’avez-vous pas envoyé votre propre frère à la mort ?» Rita l’interrompt. -«Comment s’appelait-il déjà ?»

Ron expire. Il recula les épaules.

-«Percy.

-«Oui Percy», elle claqua des doigts comme si elle venait de s’en souvenir. Comme si Percy Weasley était oubliable. -«Il s’est introduit dans Poudlard et a commencé à attaquer les élèves et le personnel.»

-«Il faisait de la reconnaissance» précisa Ron.

Rita se moqua.

-«De quoi parle-t-on ? Quelle information pourrait-on obtenir en terrorisant une école ?»

-«Il essayait de trouver des informations sur l’endroit où se trouvait Hermione» déclara Ron calmement. Comme si c’était une évidence. Comme si cela n’avait aucun impact.

Hermione eut l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre.

Percy était mort à cause d’elle.

Son estomac se retourna. Son esprit se retira.

Ne pas y penser. Pas maintenant. Rien dedans. Rien dehors.

Hermione perdit du temps. Disparaissant et refaisant surface tout au long de l’entretien avec Ron.

Rita ne laissait rien au hasard. Demandant où était Hagrid. Demandant à nouveau où étaient ses frères. S’il les avait déjà cherchés.

-«Non», répond Ron.

Elle lui demanda s’il avait une maîtresse. Elle lui demanda s’il avait une vie personnelle.

-«Non.

Elle demanda ce qu’il en était de Harry. S’il avait déjà été jaloux d’être dans son ombre.

-«Non, répondit Ron. -«Je l’étais quand j’étais plus jeune, avant de comprendre ce qui se passait.»

-«Qu’est-ce qui a changé ?»

Ron marqua une pause.

-«Diriger est un fardeau, mais on ne veut pas le transmettre à quelqu’un d’autre. Je pensais que Harry ne me faisait pas confiance, mais il ne voulait pas me faire porter le même fardeau. Diriger signifie faire des choix difficiles. On est entouré de gens, mais on porte le poids tout seul.»

Hermione résonna avec ses mots. Marcher dans l’ombre de Harry signifiait que la lumière brillait sur lui. Mais Harry avait quitté ce monde à présent. Il n’y avait plus de lumière et il n’y avait donc plus d’ombre.

-«Intéressant», songea Rita, surprise par la franchise du jeune homme. -«Je croyais que M. Longbottom, M. Nott et votre soeur dirigeaient ensemble ?

-«Bien sûr, mais ce n’est pas eux qui traçaient les lignes de combat et décidaient qui les franchirait.»

-«Vous admettez donc que vous étiez responsable de tout cela ? Décider qui vivait et qui mourait ?» demanda Rita.

Ron lui répond directement.

-«Il fallait bien que quelqu’un le fasse.

Rita se pencha en arrière et Hermione crut voir une lueur de frayeur. Rita se racla la gorge.

-«Vous avez donc sciemment envoyé des gens à la mort ?»

-«Oui, déclara Ron en maintenant le contact visuel.

-«C’est vous qui avez décidé de la date et de l’heure des attentats ?»

-«Oui.

-«Seulement vous ?» Rita hésite. -«Personne d’autre ? »

Ron acquiesce.

-«Seulement moi.»

Rita resta sans voix pendant un moment.

-«Combien de personnes diriez-vous que vous avez tuées, par vos… décisions, Monsieur Weasley ?»

Ron leva les yeux au ciel, calculant les chiffres dans sa tête. -«Des centaines. Peut-être des milliers.»

Rita se mordilla la lèvre, les notes oubliées.

-«Si vous aviez su ce que vous savez maintenant, l’auriez-vous quand même fait ?»

-«Je l’aurais fait», répond Ron avant de marquer une courte pause. -«J’aurais probablement assassiné plus de gens.»

-«Plus ?» La sorcière sursaute. -« Par la barbe de Merlin, pour quoi faire ? -«

-«J’aurais continué à chercher Hermione si j’avais su qu’elle était encore en vie. Et cela aurait eu un coût.»

Rita cligna des yeux.

-«Est-ce qu’une seule personne vaut vraiment la vie de tant d’autres ?»

Ron se retourna alors. Ses yeux bleus étaient clairs comme du cristal. Un lac dont l’immobilité n’est interrompue que par une légère ondulation lorsqu’il parlait.

-«Elle le vaut.»

Quelqu’un lui serra la main, lui rappelant de respirer. Elle avait oublié que ses doigts serraient toujours ceux de Théo sous les plis du tissu rouge.

-«Pourquoi ? demanda Rita, et Hermione comprit qu’elle voulait vraiment savoir.

Ron se retourna. D’une voix ferme.

-«Parce que si quelqu’un peut arrêter Voldemort, c’est elle.

Le regard de Rita se porta brièvement sur Hermione.

-«Est-ce la seule raison ? Elle hésita.

Sa mâchoire se contracta.

-«Non.»

-«Ah, je vois.» Rita sourit, percevant quelque chose qu’Hermione ne pouvait pas sentir. -«Vous êtes comme votre sœur alors. Choisir les morts plutôt que les vivants.»

-«Elle n’est pas morte» coupa Ron. Silencieusement. Durement.

-«Non» Rita sourit, les yeux se reportant sur elle. -«Pas physiquement en tout cas.

Rien dedans. Rien dehors.

Hermione voyait des nuques brisées et des éclats de verre. Elle aurait voulu revenir à ce moment-là, à la petite fille qui pleurait devant des oiseaux morts dans l’herbe. Elle se serait agenouillée devant elle et aurait serré sa petite taille contre elle. Mais pas pour la réconforter. Elle l’aurait secouée. Faire trembler son cerveau à l’intérieur de son crâne fragile.Petite fille stupide.

Il ne fallait pas avoir peur de la mort. Il y avait des choses hors de son contrôle qu’elle n’avait jamais envisagées, qu’elle ne pourrait jamais comprendre.

Le contrôle était une illusion.

Elle lui dirait que la mort est un privilège.

Un cadeau d’une miséricorde absolue.

Cet oiseau avait de la chance. Il y a des choses bien pires que de mourir.

 

Puis elle aurait enroulé ses mains glaciales autour de son mince cou.

Elle aurait serré. Serré jusqu’à ce qu’elle l’entende se briser. Elle se serait consolée en entendant le bruit sourd de son petit corps heurtant l’herbe, le verre et les plumes de ses ailes.

 

 

***

 

Au fur et à mesure que le temps s’écoulait jusqu’à son propre entretien, Hermione se retranchait de plus en plus.

Parvati parla de son père. Sa peur de savoir que sa rage, sa cruauté, vivaient en elle. Et que, sans cela, elle n’aurait probablement pas réussi à aller aussi loin. Elle n’aurait pas pu protéger sa sœur en grandissant.

La façon dont elle en parlait donnait l’impression qu’elle avait mené une guerre toute sa vie.

La sorcière était solennelle lorsqu’elle parlait de ses épreuves, affirmant que son score de 7,3 était principalement dû à des réflexes rapides et à la chance. Elle répondait à toutes les questions que Rita lui posait avec fluidité. Son amour pour Cho, pour sa sœur, pour sa mère décédée.

Elle parlait de son amour pour la divination, et de la façon dont elle s’y était intéressée après un rêve qu’elle avait fait à la suite des funérailles de sa mère. Elle expliqua comment le fait de revoir sa mère en bonne santé avait atténué la douleur de son départ prématuré.

Hermione pouvait voir que la sorcière croyait vraiment en ce qu’elle voyait. Mais si la divination était réelle, pourquoi Parvati avait-elle reçu ce don alors que tous les autres avaient dû faire leur deuil seuls ? Une réponse plus plausible était que son subconscient avait tenté d’apaiser son cœur brisé en glissant de faux espoirs dans ses rêves.

Même si elle se trompait, la foi de Parvati était admirable.

-« -Luna et moi sommes devenues amies. Nous avons toutes les deux la vue. Bien que la sienne soit plus orientée vers la terre des vivants. La mienne n’est pas aussi perceptible. Elle me vient quand je rêve, ou quand je ressens quelque chose. La plupart du temps, il s’agit d’un danger », expliqua Parvati.

Rita acquiesça avec empressement, elle qui croyait manifestement à la divination. -« Avez-vous rêvé ou ressenti quelque chose récemment ?

-« J’en ai eu un. Je ne sais pas trop quoi en penser. »

-« Qu’avez-vous vu ? »

Parvati ferma brièvement les yeux. -« Du feu » répondit-elle. -« Tout brûlait, mais c’était froid. Plus froid que tout ce que j’ai pu ressentir auparavant. »

-« Qu’est-ce qui brûlait ? »

Hermione pouvait voir les paupières de Parvati battre. -« Je n’en sais rien. Je ne pouvais rien voir à travers les flammes. Mais… j’ai entendu quelqu’un crier. Ou peut-être quelque chose qui rugissait… je ne saurais dire. »

-« Et vous ne l’avez rêvé qu’une fois ? »

-« Juste quand je suis arrivé ici. Je n’ai pas rêvé depuis. Mais… » La voix de Parvati s’est tue. -« J’ai souvent cette impression. Comme s’il y avait un froid dans la pièce ou cette sensation de picotement que l’on ressent quand quelqu’un nous observe. Je me sens…. mal. Je ne sais pas comment l’expliquer autrement. »

-« Quand ressentez-vous cela ? » Rita souffla, se penchant tellement en avant qu’Hermione crut qu’elle allait basculer de sa chaise.

Parvati hésita, baissant encore la voix.

-« Chaque fois qu’Hermione entre dans une pièce. »

Hermione cessa alors d’écouter, se réfugiant dans ses pensées.

Elle était plus en sécurité ici.

Sans son occlumencie, elle se distrayait en pensant à l’identité du Maître des Jeux. Quel genre de personne il était.

Malefoy aurait été un choix évident. Il était plus qu’assez intelligent pour réussir. Bien qu’il soit un Scion, Voldemort n’aurait sûrement pas permis au créateur des Jeux de participer à sa propre création.

N’est-ce pas ?

-« Parlez-moi de Lavande… »

Ce tournoi était purement sensationnel. Politique peut-être, mais surtout un moyen de justifier une fin.

Mais non, Malefoy devait rester dans l’ignorance. Il avait été choqué par son arrivée. S’il avait tout orchestré, il aurait sûrement fait cracher à la coupe un nom qui n’était pas le sien. Il aurait choisi quelqu’un de fort. Quelqu’un comme Ginny, Luna ou Theo.

Au loin, elle entendit quelqu’un crier. Il semblait que le lien qui unissait Parvati et Rita autour de leur sujet principal était de courte durée.

-« Vous ne savez rien d’elle. Comment osez-vous ! »

Ce devait être quelqu’un d’autre. Un proche du Seigneur des Ténèbres. Lucius peut-être ? Bien qu’elle ne l’ait pas encore vu. Astoria Greengrass conviendrait, mais Hermione ne pensait pas que la sorcière était assez intelligente pour le faire.

-« Un amour différent ! Il n’y a pas de compétition ! Si je n’aimais pas Cho autant que Lavande, je ne serais pas avec elle ! » Parvati s’emporta.

Il s’agissait peut-être de quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas. Quelqu’un qui avait rejoint le Seigneur des Ténèbres pendant son emprisonnement. Ou peut-être qu’Hermione n’était plus aussi intelligente qu’avant. Peut-être que la réponse se trouvait juste devant elle et qu’elle était trop brisée pour s’en rendre compte.

Lorsque Seamus prit la place de Parvati en face de Rita, Theo laissa tomber sa main.

Elle remarqua à peine l’absence. Au lieu de cela, elle laissa sa main à côté d’elle, serrant son poing en suivant le rythme qu’il avait composé.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

-« M. Finnigan, toutes mes condoléances », dit Rita d’un ton insincère.

Seamus se moquait.

-« Non, Vous ne l’êtes pas, putain ».

Et c’est ainsi que l’entretien se déroula. Plein de jurons, de cris et de rage incontrôlable alors que Rita sortait tous les détails sordides de son mariage.

Hermione ne pouvait pas lui en vouloir. Cela ne faisait que six semaines que son mari avait été assassiné sous ses yeux.

Rita avait surtout essayé de raconter une histoire d’amour qui avait mal tourné. Ce Dean, qui avait enfin compris, avait offert avec joie ses services au Seigneur des Ténèbres.

Elle demanda si Seamus soupçonnait son mari d’avoir changé de camp.

-« Bien sûr que non, putain », il s’insurgeais.

Rita posa plusieurs questions, satisfaite et à l’aise dans sa position de pouvoir, chacune enrageant Seamus plus que la précédente jusqu’à ce que son visage devienne presque violet. Elle semblait y prendre plaisir, parfaitement satisfaite de titiller l’ours lorsqu’il commettait l’erreur d’aller trop loin.

-« Regrettez-vous d’avoir choisi de participer au tournoi ? Vous et votre mari auriez pu partir gratuitement -«  chanta-t-elle.

Seamus se tut. Son visage devint blanc. Ses mains se mirent à trembler. Cette question sembla briser quelque chose en Seamus. Ses pupilles se voilèrent et il fixa le vide.

-« Non », gémit Seamus, d’une voix presque enfantine. -« Je dois sauver Dean. Le garder en sécurité. »

Rita le dévisagea curieusement.

-« Le protéger ? »

Un frisson traversa le corps du sorcier et il se redressa d’un coup. -« Oui ! Il haleta. -« Si je gagne ce putain de tournoi stupide, alors je… nous pourrons partir ensemble. »

Hermione pouvait voir ses tremblements s’intensifier, ses membres s’agiter de façon erratique. Un symptôme d’une exposition prolongée à la malédiction de Cruciatus.

Oh Seamus.

-« Mr Finnigan » commença lentement Rita. -« Vous n’avez aucune garantie. Vous avez participé à ce tournoi de votre plein gré. »

Mais Seamus ne semblait pas l’entendre.

-« Il faut gagner. Battre la taupe, le serpent ».

-« M. Finnigan »

-« Dites-le au pigeon. Le… »

-« M. Finnigan » cassa Rita.

Les yeux de Seamus s’éclaircirent. Il regarda son environnement, les sourcils froncés par la confusion. La teinte rose de la panique qui colorait les joues de Rita demeurait. Le monde regardait - tout le monde savait ce qui avait été fait à Seamus entre le moment de la sélection et maintenant. La sorcière changea rapidement de sujet, orientant la conversation vers des sujets plus légers. Des sujets qui n’impliquaient pas la guerre, la trahison et les maris morts.

Seamus répondait par des chuchotements à peine déchiffrables, ses épaules s’affaissaient sous l’effet de l’épuisement. Mais au moins, il était cohérent. Il semblait que la magie noire qui persistait dans son esprit avait disparu. Du moins pour l’instant.

-« -Irlandais, n’est-ce pas ? Parlez-moi de… »

Quelque chose se brisa en Hermione. Elle ne put qu’émettre une petite bouffée d’air alors que le sol se fendait. Elle s’éleva du plus profond d’elle-même, l’emportant de plus en plus haut jusqu’à ce que…

 

***

 

Elle se tenait au-dessus de la mer déchaînée, la falaise à pic effleurant le bout de ses orteils. L’eau salée lui piqua les yeux alors qu’elle s’éloignait du bord en trébuchant, l’instinct de son corps prenant le dessus. Elle se retourna brusquement, découvrant un garçon aux cheveux noir corbeau qui se tenait à l’écart de l’eau. Son profil se dessina dans la lumière déclinante du soleil, tandis qu’une petite silhouette montait en courant la colline en direction des falaises.

-« Ciaran ! s’écria le garçon, haletant et soufflant alors qu’il atteignait le sommet.

Ciaran renifla de façon obsédante.

-« Il en a mis du temps », grommela-t-il en enfonçant ses mains dans ses poches.

Le plus petit, Desmond, se contenta de hocher faiblement la tête. Les mains posées sur les genoux, il reprenait son souffle. Ciaran plissa les yeux au-dessus de lui.

-« Où est Lucy ? demanda-t-il en prenant des peluches invisibles pour montrer sa nonchalance.

-« Lucy… Desmond haletait, -« -est avec maman. Elle… le bébé arrive. »

-« Déjà ? Je pensais que vous aviez dit qu’elle avait encore un mois. » demanda Ciaran.

-« Elle est en avance. Probablement à cause du stress lié au fait que papa n’est pas encore rentré », dit Desmond en haletant.

Ciaran poussa le jeune garçon.

-« Qu’est-ce que tu fais ici, alors ? Ne devrais-tu pas être en train d’aider ta mère ? »

-« Du calme », grommela Desmond en repoussant sa main, -« si elle voulait que je sois là, je le ferais. Elle a dit que je devais quitter la maison. Elle a dit que c’était une affaire de femmes. »

-«  Une affaire de femmes -« , ricana Ciaran. -« Elles gardent leurs secrets bien au chaud, n’est-ce pas ?

Desmond cligna des yeux devant le garçon.

-« Quels secrets ? »

-«  Tu sais » , répondit lentement Ciaran. -«  D’où viennent les bébés ..» 

Desmond fronça les sourcils, un coin de l’œil levé.

-« Je n’ai aucune idée de ce dont tu parles ».

Ciaran leva les mains en signe de mécontentement :

-« D’où viennent les bébés ! Pourquoi ont-ils besoin d’un enfant ? Comment le mettent-ils dans leur ventre et comment l’en sortent-ils ? »

Desmond cligna des yeux une fois, deux fois, avant d’éclater de rire.

-« Quoi ? Ciaran se hérissa. -« Qu’y a-t-il de si drôle ?

Le plus jeune garçon attrapa le manteau du sorcier, poussant une respiration hystérique avant de lui murmurer à l’oreille des paroles indéchiffrables. Ciaran pâlit.

-« Non », murmura-t-il.

-«  Si ! -« , rugit Desmond en se collant à lui. Desmond glapit, s’effondrant dans une nouvelle crise d’hystérie.

Ciaran le regarda avec horreur.

-« Non, c’est… non ! C’est impossible. Comment… Ça ne peu pas rentrer ! »

-« Oh si », s’esclaffe Desmond. -«  Tu aurais dû voir ça quand ma petite sœur Sorcha est née, j’ai cru que sa tête ne sortirait jamais » .

-«  Tu l’as vu ? ! »

-« Oui. Une fois a suffi. J’ai vomi sur le sol. C’est probablement pour ça que maman m’a renvoyé cette fois. »

-« Hécate ai pitié », toussa Ciaran, sa peau pâle prenant une légère teinte verte.

Une secousse de conscience traversa Hermione.

Desmond renifla et s’effondra sur les hautes herbes. Après quelques instants, Ciaran s’assit à ses côtés au bord de la falaise. Ils regardèrent tranquillement le coucher de soleil sur les vagues qui s’écrasaient en contrebas. Un silence confortable, que seuls les amis les plus proches pouvaient partager.

-« Que penses-tu que ce sera ? » demanda Desmond au bout d’un moment.

Ciaran haussa les épaules.

-« Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu veux que ce soit ? »

-« Un garçon peut-être », répondit-il. -« J’ai déjà trois sœurs. Il marqua une pause, peinant à trouver ses prochains mots.

Finalement, Desmond ajouta.

-« En fait, je crois que j’aimerais que le bébé soit comme moi. C’est-à-dire magique. Que ce soit un garçon ou une fille n’a pas vraiment d’importance, du moment qu’il soit en bonne santé. »

Ciaran acquiesça lentement.

-«  Tu sais que… »

-« Je le sais », souffla Desmond. -« Les naissances moldues sont rares. Je devrais être assez heureux d’avoir de la magie, et encore plus d’avoir une sœur avec qui la partager.

-« Mais tu veux la partager avec tous tes frères et sœurs » demanda doucement Ciaran en serrant l’épaule du petit garçon.

Desmond ramena ses genoux sur sa poitrine. -« Je ne veux pas leur cacher cela, mais en même temps, je ne veux pas qu’ils se sentent abandonnés. Comme si j’étais spécial et pas eux. Sorcha, Aoife et ce bébé sont tout aussi importants ».

Ciaran soupire.

-« La magie ne rend pas quelqu’un spécial, c’est ce qu’il y a là-dedans «  répondit-il en se tapotant la tempe. « Ils le découvriront de toute façon dans quelques mois, quand Lucy et toi aurez onze ans. »

-« Comment ? » Desmond fronça les sourcils.

-« Vous recevrez une lettre. » Le visage de Ciaran s’est assombri. « Mais ignorez-la. Mon père peut vous donner des cours particuliers à tous les deux. Nous pourrons apprendre au manoir O’Brion, ce qui vous permettra de voir votre famille tout le temps. »

-« Il est enfin d’accord ? » demanda Desmond.

Ciaran détourna le regard.

-« Il est… en train de se faire à l’idée. »

Desmond n’avait pas l’air convaincu, mais n’insista pas. Une nuée d’étourneaux murmurait au-dessus, balayant et tourbillonnant dans le crépuscule. Les garçons observaient la scène d’un air songeur.

Hermione était elle aussi envoûtée par le spectacle, oubliant complètement les deux garçons jusqu’à ce que Ciaran prenne la parole.

-« C’est un bon signe, n’est-ce pas ? Que le bébé aura une longue vie. »

-« J’espère », répond Desmond, le regard toujours rivé sur le ciel.

Ciaran lui tendit la main et la serra.

-« Tout ira bien. Si votre mère est comme Lucy, elle ira très bien. Le bébé aussi. »

Desmond déglutit.

-« Elle ne l’a jamais fait sans papa avant. Il aurait dû être de retour à l’heure qu’il est. »

-« Toujours en Angleterre ? »

-« J’espère que non. J’espère qu’il est sur le bateau du retour. »

Ciaran acquiesce.

-« Ce n’est pas une vie facile d’être un marchand, n’est-ce pas ? »

-« Non, répond Desmond. -« Mais naviguer sur les mers et voir le monde ? C’est la liberté.

-«  Tu voudrais être un marchand ? -« 

-« Je n’ai pas réfléchi aussi loin. Tout ce que je sais, c’est que ma place est sur la mer. Je ne pense pas que je pourrais le faire si j’avais des enfants. Je ne voudrais pas les abandonner. »

-« Alors, » Ciaran sourit. « Je suppose que tu devras rester célibataire pour toujours ».

Desmond ricana.

-« Et qu’est-ce que tu ferais ? »

Ciaran haussa les épaules.

-« Un inventeur, je suppose, comme mon père. Je construirais toutes sortes de choses, et j’inventerais de nouvelles potions. J’irradierais toutes les maladies pour que personne n’ait à souffrir. » Ses yeux s’écarquillèrent.

-« Je pourrais guérir l’accouchement ! »

-« Alors il n’y aurait pas d’enfants », fait remarquer Desmond.

Ciaran fit un signe de la main en signe de rejet.

-« Je vais régler les détails.

-« D’accord, faites cela et je naviguerai à travers le monde pour vendre tes inventions ».

-« Excellent », affirme Ciaran. -« Nous partagerons les bénéfices.

-« Marché conclu », dit Desmond en riant.

Ciaran se tut, son visage devint sérieux.

-«  Penses-tu que nous resterons amis ? -«  demande-t-il à voix basse. -« Quand nous serons plus âgés ».

Le sourire de Desmond tomba, ses traits se transformant en préoccupation.

-« Bien sûr que nous le serons », répondit-il avec conviction. -« Lucy et toi êtes mes meilleures amies. Rien ne changera cela.

Ciaran acquiesça timidement.

-«  Tu promets ? -« 

Desmond tendit son petit doigt vers Ciaran.

-« Croix de bois, croix de fer ».

Ciaran regarda la main tendue du garçon avec perplexité.

-«  Quoi ? -« 

-« Croix de bois, croix de fer »expliqua Desmond en saisissant la main de Ciaran et en y a accrochant son Petit doigt. -« C’est une promesse que l’on ne peut pas rompre.

-« Comme un vœu incassable ? » Ciaran fronce les sourcils.

Desmond secoue la tête.

-« Je ne sais pas trop ce que c’est. Ce n’est pas magique, mais c’est sacré. On ne peut jamais rompre une promesse du petit doigt.

-« D’accord », acquiesça Ciaran, le visage durci par la détermination. -« Je le promets. »

Leurs doigts se resserrèrent l’un autour de l’autre, de petits sourires se reflétant de part et d’autre.

 

***

 

Le souvenir était si simple. Si léger. Leur innocence réchauffa quelque chose dans la poitrine d’Hermione, s’attardant alors que son environnement commençait à s’évanouir. Elle reprit son souffle. Le silence résonna autour d’elle. La chaleur confortable s’enflamma en une chaleur écœurante. Sa peau s’étirait trop, son corps la démangeait alors qu’elle luttait pour s’évader.

Les lumières crues de la scène étaient aveuglantes. Le bruit d’un millier de respirations était un orage dans ses oreilles.

-« Hermione » chuchota Théo en tirant sur sa robe au rythme qui lui était désormais familier.

Tout le monde la regardait.

Tant d’yeux. Tant de visages. Si peu d’ombres pour se cacher.

Elle était une grenouille sur une table de science, attendant d’être disséquée.

-« Hermione, il faut que tu te lèves » murmura Théo, de façon urgente maintenant. -«  Ton nom a été appelé. -« 

C’est alors qu’elle remarqua le bourdonnement douloureux autour de son cou. L’odeur de chair brûlée et de cuivre. Le Python exigeait l’obéissance.

Avec une expiration tremblante, Hermione se leva. Chaque pas qu’elle faisait vers le centre traînait dans le sable, la boue et la pierre. Un millier de mains la tiraient sous la terre. Un million de neurones rougeoyants. Des tendons, des fibres musculaires et des cellules qui lui criaient de courir.

Hécate, animam protege.

Elle croisa le regard attentif de Rita Skeeter, incapable de détourner les yeux de la femme qui allait la défaire. Une trajectoire de collision sans pause ni sortie. Le pied sur la pédale. Ceinture de sécurité débouclée. Il n’y aurait qu’une seule issue.

Hermione souhaitait être un oiseau.

 


 

Chapter Text


Secrets


 

Le Veritaserum, tel qu’il se présentait, était agréable. Elle avait toujours pensé qu’il serait amer, supposant à tort que les potions dangereuses avaient un goût fétide.

Elle se souvenait des cours de Slughorn, bien plus agréables, mais tout de même rudimentaires, comparés à ceux de Rogue. Le processus exténuant qu’il avait fallu pour préparer le sérum de vérité avec Théo en sixième année. Et le résultat terne d’une potion que l’on ne pouvait ni sentir ni voir. La seule indication que l’on avait réussi était qu’il n’y avait pas de signe du tout.

La saveur agréable de la potion la surprit donc. Elle pétillait sur sa langue tandis que l’eau apaisait sa gorge irritée. Elle en ressentit l’effet instantanément, comme si la substance doucereuse l’incitait à faire jaillir les secrets de sa langue. Sa bouche semblait brumeuse et tiède, prête à dire quelque chose.

Elle vida le verre et le reposa.

-« Hermione Granger », annonça Rita, la voix haletante, comme si elle révélait un grand mystère. « Le fantôme. »

Hermione laissa les mots l’envahir, essayant de se dissocier le plus possible. Les coups de Rita ne pouvaient pas la toucher si elle n’était pas là.

Elle passa son regard de la surface du verre à son bourreau émotionnel, sa vue se transforma en une sorte de galerie, comme si elle était assise dans une pièce vide à l’intérieur de son crâne et qu’elle regardait un écran derrière ses orbites oculaires. Si elle ne pouvait pas occulter, elle pourrait se retrancher. Peut-être que cela suffirait. Ou peut-être était-elle déjà en train d’Occulter, au moins partiellement - d’une manière différente. Elle ne pouvait pas le dire. Elle n’avait même pas réalisé qu’elle le faisait, jusqu’à ce que Malefoy et Voldemort commencent à s’attaquer à son mur de glace.

Peut-être que sa folie lui permettrait de préserver ses secrets. Rita croisa son regard, ses yeux verts brillaient de quelque chose d’illisible derrière ses lunettes. Elle n’avait jamais remarqué que les pupilles de Rita étaient vertes, elle n’y avait jamais vraiment prêté attention. C’était comme un coup de poignard, une punition supplémentaire.

-« Alors », gazouilla Rita. « Ce n’est pas la première fois que vous participez au tournoi, n’est-ce pas Miss Granger ? »

Rita sourit poliment, et le regard d’Hermione s’arrêta sur les pattes d’oie qui apparaissaient aux coins extérieurs des yeux de la sorcière.

Il y avait quelque chose qui n’allait pas.

-« Non, je suppose que non » répondit Hermione d’une voix rauque, le sérum de vérité lui arrachant les mots des lèvres. Elle se maudit intérieurement, le cœur battant la chamade lorsqu’elle réalisa qu’il n’y avait pas d’échappatoire. Elle n’avait pas la force d’utiliser l’Occlumencie pour faire face à cette situation.

-« Vous aviez une relation avec Viktor Krum à l’époque, et la rumeur disait que vous aviez une relation amoureuse avec Harry Potter. »

Ce n’était pas une question, mais une affirmation qui demandait à être clarifiée. Le mot clé étant rumeur. Rita s’apprêtait à attaquer.

-« Oui », lâcha Hermione en tressaillant sous les regards scandalisés de l’auditoire.

-« Et avez-vous eu le cœur brisé par la mort de M. Potter ? »

-« Oui. »

-« Avez-vous le cœur brisé par la mort de M. Krum ? »

Hermione se mordit la langue, luttant contre l’envie de parler. Au bout de quelques instants, la potion l’emporta.

-« Non. » Elle grinça des dents, détestant que ce soit vrai. Elle avait tellement perdu depuis Harry qu’elle n’avait plus de cœur à briser.

Rita sourit triomphalement.

-« Vous n’étiez pas le moins du monde coupable de ne pas avoir choisi de lui sauver la vie ? »

Elle retint sa respiration, espérant que le manque d’oxygène arrêterait sa réponse.

-« Non », grogna-t-elle.

-« C’est tout de même quelque chose, non ? » demande Rita au public. Les spectateurs répondirent par des huées.

Hermione serra les poings, clignant des yeux contre les regards et la lumière crue. Le profil de Rita vacilla, une légère ondulation s’étirant de son front à son menton. On aurait presque dit…

-« Dites-moi, Miss Granger, où étiez-vous ces cinq dernières années ? »

Un bruit sourd.

Hermione jura qu’elle pouvait sentir les éclats de verre de la fenêtre de sa chambre d’enfant pénétrer dans sa peau.

Elle déglutit.

-« Azkaban. »

Des murmures parcoururent l’assistance. Rita hocha la tête comme si elle le savait déjà. C’était probablement le cas. Elle avait été informée de tout ce qu’elle pouvait demander pour que ça fasse du mal.

-« Pendant votre emprisonnement, avez-vous déjà essayé de vous échapper ? »

-« Oui. Plusieurs fois. »

-« Et vous n’avez pas réussi ? »

-« Non. »

-« Avez-vous déjà quitté la prison pendant votre séjour ? »

-« Pas que je sache, non. »

-« Je vois. Et avez-vous jamais pensé que l’Ordre viendrait vous sauver ? »

Hermione n’hésita pas.

-« Non. Je n’étais pas assez importante. »

-« Ron Weasley semblait le penser, vous êtes-vous demandé s’il viendrait vous sauver ? » Rita insista.

Elle déglutit.

-« Non. »

-« Et pourquoi cela ? »

-« Je… ne pensais pas qu’il serait capable de le faire. Je doutais qu’il soit capable de me trouver, et encore moins de pénétrer dans la prison. »

-« Vous ne le pensiez pas capable ? » Rita sourit, son attention se portant sur un point derrière elle.

Hermione se figea, percevant la présence du regard de Ron qui s’enfonçait dans son dos.

-« C’est vrai », martela-t-elle.

-« Fascinant. Siffla Rita. « Miss Granger, quelle était votre relation avec Ronald Weasley ? »

-« Amis ».

-« Rien de plus ? »

Hermione repensa à leurs années d’amitié. Les disputes et les réconciliations. Elle vit des éclairs de cheveux roux en bataille et des sourires timides, les brefs moments de contact visuel lorsqu’elle le surprenait en train de fixer son attentionsur elle. La chaleur de sa paume lorsqu’ils dansaient au mariage de son frère, l’espoir naissant que peut-être, cette fois-ci, il deviendrait tout ce qu’elle avait toujours voulu.

Et puis elle a senti cet espoir s’effondrer à chaque minute qui passait, alors qu’elle contemplait le rabat de la tente ouvert. La toile flottant dans le froid glacial de la nuit. De l’eau salée sur ses lèvres. Une entaille entre 2 côtes. Harry la pressant contre lui les nuits où le chagrin d’amour se déversait sur elle dans la forêt de Dean.

Lorsque Ron était revenu, les années de ‘’et si ?’’ , de rêveries et de possibilités s’étaient éteintes elles aussi. Près de six ans de relations étaient partis en fumée en l’espace de deux mois.

Il l’avait quittée et elle lui avait pardonné. Mais le sel dans ses blessures avait empoisonné le reste du tissu. Elle l’aimait, très fort. Et ce n’était toujours pas suffisant. Ce terrain était désormais stérile, rien n’y pousserait. Rien d’autre que l’amitié qu’ils avaient déjà.

-« Non », répondit Hermione avec franchise.

Elle entendit l’inspiration rauque de Ron.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Rita baissa les yeux sur ses notes, se mordillant la lèvre pensivement en regardant les lignes barrées à l’encre rouge. Hermione se demanda s’il s’agissait des questions concernant son procès.

Rita tourna la page et se racla la gorge.

-« On pensait que vous étiez morte deux ans après votre incarcération » Rita pencha la tête d’un air critique,

-« Manifestement ce n’était pas le cas ».

-«  De toute évidence » , répondit Hermione.

-« Y avait-il une autre personne avec vous dans la prison ces trois dernières années ? »

Hermione digéra la question, le corps envahi par le soulagement de la formulation.

-« Non », répondit-elle sincèrement.

-« Aucun moyen d’entrer ou de sortir ? » Rita hésita.

-« Non. »

-« Alors comment avez-vous survécu ? »

-« Il y avait des réserves de nourriture. Quand elles furent épuisées, j’ai mangé des champignons. Des rats. Tout ce que je pouvais. » Hermione répondit d’une voix rauque, ignorant l’éclat de gêne qui lui chauffait le visage. Les circonstances n’étaient pas de sa faute.

Rita leva les yeux au ciel avec dégoût, un reflet diaphane passa brièvement sur son teint.

-« Et le froid ? »

-« Je me suis adaptée. »

Rita marqua une pause lorsqu’elle rencontra une autre ligne rouge sur sa page, puis elle passa à la suivante. Tandis qu’elle effleurait les bords du papier, Hermione détecta un léger tremblement dans la main de la sorcière.

-« Vous aviez de la magie ? » Rita s’élança, la voix assurée.

-« Non », répondit Hermione en toute sincérité.

Une autre ligne rouge apparut. Le pouce de Rita s’enfonça dans le bord de la page. Elle déglutit.

-« Qu’avez-vous fait pour passer le temps ? »

Hermione répondit rapidement, incapable de s’arrêter.

-«  Je priais. Je réfléchissais. J’apprenais. Je jouais aux échecs. »

Rita cligna des yeux.

-«  Aux échecs ? » 

Hermione se mordit la lèvre, sentant le flot arriver.

-« Oui. » Elle s’étrangla. « J’ai fabriquer un échiquier. »

-« Vraiment ? » Rita fronça les sourcils.

Sa langue tressaillit violemment, la douceur et la chaleur forçant ses cordes vocales à s’ouvrir.

-« Hercule était le chevalier noir. Les autres pièces étaient des cuillères et des capsules de bouteilles. Il ne semblait pas s’inquiéter du fait que je commençais toujours en première. »Dit-elle dans la précipitation.

Le corps de Rita se figea. Elle jeta un coup d’œil à la foule, puis revint en arrière. Elle lissa le papier et le posa sur le côté. Abandonné.

-« Et avec qui avez-vous joué aux échecs, Mlle Granger ? » demanda Rita à voix basse.

Non. Non. Non. Non. Non.

-« Darryl?"

Hermione se maudit intérieurement, ses poumons se bloquant alors que son corps commençait à chauffer.

-« Darryl. Qui est Darryl ? »

La ferme.

-« Mon ami. »

-« Je croyais que vous aviez dit qu’il n’y avait personne d’autre à Azkaban ? » Rita insista.

Hermione refoula ses larmes, son corps tressautant douloureusement alors qu’elle luttait contre la potion.

-« Il n’y avait personne d’autre », s’étouffa-t-elle.

-« Alors, comment Darryl et vous jouiez aux échecs ? »

Rien ne rentre. Rien ne sort. Rien ne rentre. Rien…

-« Il avait ramené les pions », souffla Hermione. « Il m’a apporté de la nourriture. Il m’a appris… » Un son étranglé sortit de sa gorge. Son corps vibra sous l’effet de l’effort.

Les yeux de Rita s’écarquillèrent de compréhension.

-« Darryl est-il un fantôme ? »

Non, non, non, non…

-« Non. C’est un Détraqueur. »

Quelque chose se brisa en elle.

Rita inspira brusquement, les sourcils froncés.

-« Un Détraqueur ? » demanda-t-elle avec surprise.

-« Oui », murmura Hermione d’une voix brisée. Une larme chaude coula sur sa joue.

Des rires retentirent dans les tribunes. Hermione serra les paupières pour se protéger du bruit.

-« Votre ami est un Détraqueur » répéta lentement Rita. « Darryl le Détraqueur…. et il a joué aux échecs avec vous ? »

Hermione étouffa un sanglot.

-« Oui. »

Rita fronça les sourcils, ses yeux s’illuminant de façon inhabituelle de quelque chose qui ressemblait presque à de la pitié.

-« Mlle Granger, il n’y a pas de Détraqueurs à Azkaban », dit-elle doucement. Hermione cligna des yeux.

-« Quoi ? »

-« Nous avons également fouillé votre cellule. Il n’y avait rien dedans. Pas d’échiquier ni de cuillères. Votre cellule était vide. »

-« Non, non, ce n’est pas vrai » croassa Hermione, l’esprit en ébullition.

Rita posa une main sur le genou d’Hermione, un geste de réconfort qui n’était sûrement que symbolique. -« Mlle Granger. Les Détraqueurs ont disparu le jour où la barrière a été levée. Votre cellule a été placée dans une partie de la prison qui était intraçable et impénétrable pour eux. Nous pensons qu’ils sont morts de faim. »

Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, la chaleur irradiait de son torse jusqu’à ses orteils.

-« Ce n’est pas possible » balbutia Hermione. « Je l’ai vu.»

Rita serra fortement son genou. Pendant un instant, Hermione crut que son inquiétude était sincère. Les deux femmes se détestaient, ce n’était pas un secret. Mais après la semaine que Rita avait passée piégée sous sa forme Animagus dans l’un des bocaux d’Hermione, elles avaient développé une alliance provisoire. Une compréhension mutuelle entre une sorcière ambitieuse et une autre.

-« Personne n’a vu de Détraqueur en trois ans », murmura Rita avec sérieux. « Ni ici au Royaume-Uni, ni à Azkaban, ni ailleurs dans le monde. Les Détraqueurs ont disparu. Ils n’existent plus. »

Hermione secoua la tête, trop effrayée pour essayer de se censurer. Ce n’était pas vrai. Ce n’était pas possible.

-« Non », sanglota Hermione. « Non, ce n’est pas vrai. »

Darryl était intelligent. Il aurait caché les preuves de leurs rencontres. Il se serait caché. Il leur avait manqué, c’est tout.

-« Ok », soupira Rita. « Alors où est Darryl maintenant ? »

La panique explosa dans sa poitrine, la peur lui brûlant la gorge. Elle ne pouvait pas lui dire. Ils chercheraient encore. Ils le retrouveraient. Hermione se mordit la langue si fort que le sang inonda sa bouche. Elle retint son souffle. Força ses lèvres au silence. Rita attendit patiemment que la potion soit à nouveau victorieuse. Le noir s’insinua dans sa vision, sa tête tournait.

-«  Miss Granger, c’est plus facile si vous ne luttez pas. »

Il faisait chaud. Il faisait si chaud. Elle brûlait. Elle s’enflammait.

-«  Miss Granger… »

Rita avait l’air anxieuse. Les jambes d’Hermione tressaillirent tandis qu’elle privait son corps d’oxygène. Quelqu’un derrière elle criait.

Non, non… Non…

La sorcière se pencha en avant, suffisamment près pour que leurs visages se touchent presque. De près, Hermione pouvait voir la lumière se refléter sur la surface scintillante qui affleurait la peau de Rita.

Du glamour. Rita avait mis du glamour sur son visage.

En dessous, Hermione entrevoyait ce qu’il y avait derrière. Quelle était la force motrice derrière sa performance impitoyable lors de ces entretiens. Ce qui la poussait à regarder les lignes rouges et à feuilleter les pages.

La terreur.

Tranquillement, si doucement que c’était presque un souffle, Rita chuchota.

-« Ne luttez pas. S’il vous plaît. C’est presque fini. »

Les ténèbres explosèrent dans son esprit.

 

-« S’il vous plaît Hermione, ne luttez pas… —C’est bon. Ne luttez pas. Je suis là. Vous pouvez vous laisser alle—la laisser partir. »

Les voix se mélangèrent, passant du chuchotement à un bourdonnement sourd. Le son tourbillonnait dans son esprit, devenant des ombres qui se multipliaient et grandissaient. Elles se solidifièrent et se transformèrent en éclats de glace.

Les pierres tremblèrent puis s’assemblèrent. L’acier se défaisait et se détachait. La porcelaine dentelée redevint lisse. Des taches de sang et des draps qui volaient sur des sommiers inclinés lorsque ses murs d’occlumencie se mettaient en place. Un lit de camp qui grince. Un robinet qui fuit. Un mur de pierre avec des fissures qu’elle avait gravées dans son âme. Les ombres rassemblaient tout. Enfermés et scellés. Le froid - glorieux, brûlant - lui glaçait le sang.

Et alors que le dernier élément se figeait en place, le silence tomba enfin. Quand Hermione ouvrit les yeux, les lumières de la scène semblaient plus faibles. Le public quelque part au loin. Elle inspira enfin et cela ne lui fit pas mal.

Une femme hagarde la regardait et il fallut un moment à Hermione pour réaliser qu’il s’agissait de Rita. Le même éclat translucide du Charme de Glamour se déplaçait toujours sur son visage, mais c’était comme si sa magie ne l’empêchait plus de voir ce qui se trouvait juste en face d’elle. Rita était blanche comme un fantôme. Ses yeux étaient rouges et ses lèvres gercées. Des poches violettes fleurissaient sous ses lunettes et même ses joues semblaient avoir fondues sur elles-mêmes.

-« Miss Granger »

Disait Rita en tremblant, bien que sa voix soit déformée, une voix confiante se superposant à la première. Rita avait aussi charmé sa voix.

-« Où est Darryl maintenant ? demanda-t-elle à nouveau, son corps détendu formant un contraste saisissant avec son menton tremblant.

Hermione fixa la sorcière, réalisant qu’elle ne savait pas qu’Hermione voyait son  vrai visage.

-« Ici » répondit Hermione, ne sachant pas si c’était la vérité ou une fiction, tandis qu’elle se tapotait le côté de la tête. Au moins, c’était crédible.

Les lèvres de Rita s’entrouvrirent de soulagement, sachant qu’elle serait épargnée par la punition maintenant qu’elle avait le Champion de Mortifer sous contrôle. Elle saisit le papier à côté d’elle, il ne restait plus que quelques lignes. C’était presque fini.

-« Qu’est-il arrivé aux 721 âmes qui se trouvaient à Azkaban la nuit précédant la levée de la barrière ?

-« Elles ont été tuées », répondit Hermione calmement.

Rita cligna des yeux devant le ton froid d’Hermione.

-« Tous sauf vous ? »

Hermione fit semblant d’hésiter, comme si elle se débattait encore sous l’effet de la potion.

-« Oui. »

-« Pourquoi ? »

-« Je ne sais pas. » Hermione mentait.

-« Qui a jeté la barrière à la prison, Mlle Granger ? »

-« Je n’ai su qu’il y avait une barrière qu’après mon départ. »

-« Où sont les gardes qui étaient dans la prison avec vous le matin où la barrière a été levée ? »

-« Je ne sais pas. »

-« Avez-vous vu quelqu’un ce matin-là ? »

-« Non » Hermione mentit.

-« Un jeune Mangemort prometteur est venu vous chercher dans la prison. Savez-vous comment il a pu franchir la barrière alors que les autres n’ont pas réussi à vous atteindre ? »

-« Non. »

-« S’il n’était pas parvenu jusqu’à vous, vous seriez sûrement morte de faim. Etiez-vous heureuse d’être enfin sauvée ? »

-« Il ne m’a pas sauvée » répondit froidement Hermione.

Rita l’ignora, se précipitant sur les deux dernières questions.

-« Ce pauvre garçon s’est fait déchiqueter à son arrivée à la Sélection et a succombé de ses blessures. Avez-vous joué un rôle là-dedans ? »

Hermione réfléchit attentivement. Elle soupesa les avertissements de Susan et les paroles de Malefoy. Tous deux voulaient qu’elle se présente bien. Ils voulaient qu’elle soit appréciée. C’était important pour sa survie.

Mais elle ne voulait pas survivre.

-« Si vous me demandez si je l’ai tué, la réponse est oui, » dit Hermione simplement. « Je l’ai repoussé du Portoloin pendant que nous voyagions, sachant qu’il allait se faire exploser. »

Rita prit une légère teinte verte tandis que des halètements s’élevaient de la foule. Rita déglutit.

-« Je pense que nous avons entendu tout ce que nous voulions savoir. J’ai une dernière question, Miss Granger. Qui, selon vous, va gagner ? »

-« Je ne suis pas sûre », répondit Hermione. Puis, juste parce qu’elle le pouvait, elle ajouta : « Je pense que nous sommes tous des Papillons dans un bocal en verre. Qui sait si l’un d’entre nous s’en sortira. »

Les yeux de la sorcière s’écarquillèrent en signe de reconnaissance. Pour tous ceux qui regardaient, il s’agissait d’une autre phrase étrange prononcée par une femme folle. Pour Rita, c’était la réponse à la question qu’elle n’avait pas été autorisée à poser. C’était la confirmation qu’une partie d’Hermione Granger vivait encore. Le coin de la bouche de Rita se releva lorsqu’elle se leva pour signaler la fin de l’entretien.

-« Hermione Granger », annonça-t-elle, « Le fantôme d’Azkaban ».

Alors qu’Hermione retournait à sa place, la tête haute et le visage vide, Theodore Nott se leva et commença à s’approcher d’elle.

Qu’est-ce qu’il faisait ?

Il la rejoignit au milieu, s’arrêtant pour lui offrir un sourire éblouissant tout en saisissant sa main droite. Sa paume resta mollement dans sa main, la confusion se répandant dans son corps. Doucement, il se retourna et commença à la guider vers son siège, comme on le fait pour un premier rendez-vous dans un grand restaurant. Elle se laissa tomber sur le siège et lorsqu’elle retira sa main, il la serra une dernière fois.

À l’appel du nom de Théo, il lui adressa un sourire complice avant de se diriger vers Rita d’un pas assuré.

-« Qu’est-ce que c’était que ce bordel ? Siffla Seamus.

Hermione ne répondit pas, elle ne le pourrait même pas si elle le voulait. Elle n’avait aucune idée de ce qu’était ce petit spectacle.

Quelque chose lui disait que ce ne serait pas bon.

Theodore Nott s’assit dans le fauteuil, les chevilles croisées et la posture détendue, comme s’il prenait le thé avec un vieil ami. Il polit lentement son verre, en pinçant les lèvres et en poussant un soupir de satisfaction. Puis, sans un mot de plus, il posa son verre vide et le remplit à nouveau avec le pichet d’eau gazeuse qui se trouvait sur la table. Portant la tasse désormais pleine à ses lèvres, il en but une autre. Rita le regardait d’un air perplexe, son vrai visage étant caché par le glamour à cette distance. Hermione plissa les yeux, essayant de voir à travers, mais l’illusion tenait bon.

Theo remplit un autre verre, qu’il laissa cette fois sur la table.

-« Rita, vous êtes absolument radieuse ce soir, commença-t-il doucement. « Je vous prie de m’excuser, toute cette agitation m’a laissé sur ma faim.

-« Pas de problème, M. Nott », répondit lentement Rita.

Elle se racla la gorge.

-« Monsieur Nott, vous étiez l’un des membres les plus gradés de l’armée du Seigneur des Ténèbres, n’est-ce pas ? »

-« Je l’étais. Theo répondit d’une voix traînante.

-« Et quelle était la nature de votre service ?

Théo prit une nouvelle gorgée de son verre, une démonstration de nonchalance pour le public mais un jeu de pouvoir pour ses ravisseurs, comme s’il n’avait rien à cacher.

-« La routine, je suppose. Torturer et tuer. Capturer les fugitifs, percer leurs secrets, éradiquer l’ennemi. » Il énuméra, croisant les jambes.

-« Et vous l’avez fait ? »

Il fait tourner son verre.

-« Oui. J’étais plutôt doué pour ça, je suppose. »

Rita fait mine de feuilleter ses notes.

-« Il est dit ici qu’au moment de votre trahison, vous aviez le plus grand nombre de victimes parmi tous les membres de haut rang. »

-« Bien sûr. » Théo gloussa, -« Je suis plutôt beau et les dames ont tendance à… »

La foule rit. Non pas de lui, mais avec lui. Rita gloussa comme une écolière et une petite clauque contre la jambe de  Théo.

-« Bonté divine, non ! Je faisais référence au nombre de traîtres que vous avez tués ».

-« Ah oui. Je suis désolé » fit Théo en souriant, l’air tout sauf désolé.

Hermione ne comprenait pas comment il pouvait être aussi calme, rire avec ses ennemis, s’amuser.

-« J’ai tué pas mal de gens, je suppose. Mais c’était surtout pour éviter qu’ils ne soient capturés. Mieux vaut mourir rapidement et sans douleur que d’endurer la torture », dit-il en haussant les épaules.

Rita hocha la tête d’un air pensif,

-« Et pourtant, vous en avez torturé beaucoup ».

-« Oui. Il répondit sérieusement. -« Il le fallait. »

-« Beaucoup de vos anciens camarades disent que vous y preniez plaisir. »

Théo fit un geste dédaigneux de la main :

-«  Une comédie. -« 

-« Mais pourquoi se donner tant de mal ? Si vous étiez vraiment favorable à ces sales traîtres et à leurs idéaux, pourquoi ne pas les avoir rejoints après la bataille ? Pourquoi se porter volontaire pour servir le Seigneur des Ténèbres ? »

-« J’ai pensé que je pourrais aider davantage de l’intérieur. »

-« Et l’avez-vous fait ? »

-« Pas autant que je l’aurais voulu. »

Rita fredonna pensivement. Elle consulta à nouveau ses notes et poursuivit.

-« Vous avez obtenu un score impressionnant de 9,1 lors de votre épreuve, pensez-vous que cela suffira pour remporter le tournoi ? »

Théo sourit, les dents acérées.

-« Je pense que la concurrence est rude, pour être honnête. Il faudrait que je m’entraîne dur. Heureusement, j’ai un excellent Descendant qui supervise mon entraînement. »

-« Astoria Greengrass ? demanda Rita, -« Vous a-t-elle bien préparée ? »

-« Oh, beaucoup. Elle est très dévouée. » Théo insista.

Hermione fronça les sourcils. Elle n’avait pas vu Théo quitter la salle commune une seule fois. A moins qu’il n’ait été convoqué alors qu’elle se trouvait dans l’aile de l’hôpital ? Peut-être l’avait-elle manqué.

-« Vous avez de la chance d’être affectée à un adepte aussi loyal du Seigneur des Ténèbres. Il est dommage que vous ayez vous-même tourné le dos à une quête aussi noble. »

-« J’étais occupé à d’autres choses », dit Théo en souriant.

Rita se contenta de hausser un sourcil et de jeter un coup d’œil à ses notes.

-« Votre père était un fidèle partisan du Seigneur des Ténèbres, vous ne partagiez pas son point de vue ? »

Theo fit un geste de la scène vers sa position.

-« De toute évidence, non ».

Les quelques rires qui s’élevèrent dans l’assistance furent rapidement étouffés. Rita se retroussa les lèvres de dégoût.

-« Tout à fait. Vous avez donc trahi votre père et vous avez trahi le Seigneur des Ténèbres, tout cela pour ‘sauver’ quoi ? Trente-deux prisonniers ? »

-« Oui », dit Théo avec un sourire.

-« Tous sont maintenant morts ou ici avec nous ce soir ? »

-«  Hum-hum. »

-« Et pensez-vous que cela en valait la peine ? »

-« Oui. »

-« Pourquoi ? »

Théo marqua une pause. Il s’occupa de ses boutons de manchette et jeta un coup d’œil aux Champions qui se trouvaient derrière lui. Son regard se posa sur elle, une lueur de malice brillant dans ses yeux avant qu’un masque prudent de tristesse ne vienne les recouvrir.

Il se retourna vers la foule.

-«  L’amour » , répondit-il avec précaution.

Rita se pencha en avant, se concentrant sur sa proie.

-« L’amour ? »

Elle respira avec enthousiasme.

-« Vous dites que vous l’avez fait par amour ? »

-« Oui », murmura Théo en regardant ses genoux.

-« Je l’ai fait parce que je voulais être le genre d’homme dont elle serait fière. »

Rita se lécha les lèvres :

-« Une femme dans l’Ordre, alors ? »

Théo acquiesça, et la foule murmura d’excitation. Rita ressemblait à un chat qui venait de recevoir la crème.

-« Eh bien, M. Nott », s’exclama-t-elle. « Ne nous laissez pas dans l’expectative ! Dites-nous en plus.

Le sorcier joignit les mains devant ses genoux et inspira profondément. Il semble que tout le monde, Champion, Descendant et spectateurs confondus, était assis sur le bord de leur siège. Le silence crépitait d’électricité, le genre de tempête créée lorsqu’un secret est sur le point d’être révélé. Hermione jeta un coup d’œil à Ginny, dont les sourcils étaient froncés de confusion.

-« Nous sommes devenus proches en quatrième année «  commença Théo, si doucement qu’elle eut du mal à l’entendre. « Nous étions associés pour les Runes Anciennes. Au début, ça m’a ennuyé, je trouvais qu’elle était plutôt imbue de sa personne. »

Hermione se creusa la tête, essayant de se souvenir des visages de ses camarades de classe cette année-là. Théo aboya un rire.

-« En fait, on se détestait. On s’est disputés toute l’année. On a rendu notre évaluation de fin d’année et j’étais content de ne plus avoir affaire à elle. »

Il s’arrêta pour boire une autre gorgée. Hermione reporta son regard sur Susan qui regardait droit devant elle.

-« Mais ensuite je l’ai vue au bal de Yule. Elle était la plus belle chose que j’ai jamais vue. Je n’arrive pas à croire que je l’ai manqué. Je suis rentré chez moi pour les vacances de Noël et je n’ai pas arrêté de penser à elle ».

Sans Théo entre elles, Hermione essaya de croiser le regard de Susan, mais la sorcière l’ignora. Sa mâchoire était crispée, mais ses épaules se détendaient. Comme si elle s’était résignée à son destin. Hermione avait envie de la rejoindre.

-« J’ai essayé de rester à l’écart, vraiment, continua Théo, sa voix s’élevant avec conviction. « Mais c’était impossible. Une fois que je l’ai vraiment vue, je n’ai pas pu m’empêcher de la voir. Elle était férocement intelligente, loyale à l’extrême et incroyablement courageuse. Je la voulais, plus que tout ce que j’ai jamais voulu dans ma vie, alors je l’ai approchée. »

Regarde-moi. Laissez-moi voir que tout va bien. supplia silencieusement Hermione.

-« Nous venions de mondes différents, mon père ne l’aurait jamais acceptée et ses amis me détestaient. »

-« Susan » chuchota Hermione.

-« Mais je devais essayer… »

Susan ferma les yeux. Hermione continua à pousser.

-« Susan, ça va ? Elle souffla.

-« - J’ai essayé de me mettre en binôme avec elle aussi souvent que possible en classe, c’était le seul moment où être ensemble était quelque peu acceptable. Je pensais que si je ne pouvais pas être avec elle, je pouvais au moins être proche d’elle. »

Susan ouvrit un œil et le feu dans son regard arrêta les mots suivants d’Hermione. La sorcière secoua subtilement la tête. Le sens était clair… Pas maintenant.

-« - Et pourtant, incroyablement, elle est tombée amoureuse de moi aussi. Nous avons commencé à sortir ensemble en cinquième année, en secret, et à la fin de la sixième année, j’étais prêt à la demander en mariage. J’ai gardé la bague sur moi dans mes robes pendant des mois, en attendant le bon moment. Je voulais passer le reste de ma vie avec elle, sans me soucier des conséquences. J’aurais renoncer à mon héritage, à mes amis, à ma position sociale, à tout. Cela ne signifiait rien si je ne pouvais pas l’avoir. »

Hermione ravala le soupçon d’inquiétude et s’enfonça dans la glace de son esprit.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

-« Mais il y a eu la guerre », dit Théo à voix basse, une larme coulant sur sa joue. -« Elle a été tuée. Je crois qu’une partie de moi est morte ce jour-là avec elle. »

Seamus se tourna vers Hermione, les yeux écarquillés.

Theo s’essuya les yeux du revers de sa manche.

-« Alors j’ai rejoint l’armée du Seigneur des Ténèbres, dans l’espoir de me venger. Pour le détruire de l’intérieur. Pour honorer sa mémoire. »

Le regard de Parvati se posa sur le sien, une expression de choc se dessinant sur ses traits. Un sentiment d’impuissance commença à s’installer dans les tripes d’Hermione.

-« Mais je n’aimais pas la personne que la guerre avait fait de moi. Alors quand j’ai vu une opportunité de changer de camp, de sauver des gens qu’elle aimait, je l’ai saisie. »

Hermione pouvait sentir les regards de tous ses collègues champions, même Susan s’était retournée pour la regarder.

-« Et j’ai passé des années à essayer d’être la personne qu’elle aurait voulu que je sois. Je n’étais pas digne d’elle dans la vie, mais je pouvais l’être dans son souvenir. »

Les yeux d’Hermione dansèrent entre le troisième verre vide de Théo et l’air sérieux de son visage.

Non, ce n’était pas possible.

-« Pendant tout ce temps, j’ai fait mon deuil en privé, personne ne savait ce que nous étions l’un pour l’autre » chuchota-t-il. « Elle était l’amour de ma vie. J’aurais donné n’importe quoi pour la serrer dans mes bras une dernière fois. Pour qu’elle revienne vers moi ».

Rita avait hoché la tête d’un air compatissant.

-« Mais c’était impossible », ajouta-t-elle tristement.

Théo prit une profonde inspiration.

-« C’était….jusqu’à ce que ça ne le soit plus. »

Rita fronça les sourcils.

-« Que voulez-vous dire ?

Le sorcier se retourna, ses yeux verts rencontrant les siens. Hermione jura que son cœur s’arrêtait de battre.

-« Cela signifie que j’ai une seconde chance. » dit-il en s’adressant directement à elle. « Et cette fois, je vais la sauver. »

Rita suivit sa ligne de mire, les yeux écarquillés.

-« Non. Elle sursauta. « Vous ne voulez tout de même pas dire… »

-« Oui. » Théo l’interrompit, se retournant pour annoncer cette phrase au monde entier.

-« Je suis amoureux d’Hermione Granger. »

 

Hermione resta figée dans le chaos. La foule était debout. Elle criait. Applaudissant. Sifflant. Jurant. La colère et la joie déferlent comme des vagues sur la scène. Plusieurs Champions se lèvent, criant après Théo. Lui hurlant dessus.

-« - Comment as-tu pu— »

-«—il nous l’a caché pendant tout ce temps ! »

-«— aurait dû dire quelque chose— »

Elle bloquait tous les cris et se replongea dans son esprit. L’oiseau heurtant la vitre tournait en boucle dans son esprit.

Boum. Boum. Boum.

Hermione était couverte de verre, d’herbe, de glace et d’ombres, et pourtant elle était toujours là. Elle respirait encore.

Ce n’était pas juste.

Qu’avait-elle fait pour mériter une vie sans pitié ?

Elle appuya son dos contre la porte couverte de glace. Elle laissa le froid se cristalliser sur sa peau. Si elle se concentrait suffisamment, elle pourrait prétendre que c’était Darryl qui était assis derrière elle. Un ami qui n’existait pas. Une invention d’un esprit fragmenté. L’herbe commença à pousser sous elle, le givre s’épanouissant sur les pointes vertes avant de descendre. Le vert se transforma en blanc, qui crissa sous ses jambes pulvérisées.

Elle resta là, à regarder l’herbe pousser, mourir, se flétrir et repousser. Encore et encore. Encore et encore. Des plumes et des ailes apparurent entre ses pieds, et le moineau fut invoqué. Elle fixa ses yeux vides et son cou tordu. Si elle le souhaitait assez fort, elle pourrait peut-être échanger sa place avec lui. Mais l’oiseau n’était pas réel. Darryl n’était pas réel. Les souvenirs qui l’avaient façonnée étaient déformés. Des relations entières avaient été effacées et transformées.

Était-elle seulement réelle ? Le saurait-elle au moins ?

-« -Susan Bones ! »

Faiblement, elle perçut un homme assis à côté d’elle dans un autre monde, avec des lumières de scène et du bruit. Il lui tendit la main et elle se dégagea. Il avait les yeux de Harry, mais ce n’était pas lui. Elle voulait Harry. Elle le voulait tellement qu’elle en avait le souffle coupé.

Harry n’était pas dans le monde de la lumière. Et il n’était pas ici avec elle dans le lieu des ténèbres. Il n’était nulle part.

-« Macnair. Pensez-vous que— »

Une sorcière était assise en silence face à une femme blonde à lunettes. Les flashs des appareils photo et les visages flous créaient une mer de mouvement derrière eux. La femme blonde répéta une question, fronçant les sourcils de confusion.

La sorcière resta silencieuse, les épaules tremblantes. Hermione pensa qu’elle pleurait, mais lorsqu’un gargouillis sortit de la femme, elle réalisa qu’il s’agissait d’un rire. La blonde recula d’horreur et se dispersa de son siège. Les caméras tournaient de plus en plus vite, un assaut de lumière blanche scintillant comme un feu d’artifice. La sorcière continua à rire, le son étant glutural et confus. Du sang coulait de sa bouche, éclaboussant sa robe vert vif.

Hermione trouva que les couleurs formaient une belle combinaison. Des silhouettes apparurent sur scène, emportant les personnes assises à côté d’elle. Des miroirs s’éloignèrent et des pas résonnèrent.

-« Allons-y Granger » lui dit une voix. Des mains chaudes et familières serrèrent les siennes, la tirant vers le haut. Cela l’immobilisa un instant, suffisamment pour lui permettre d’apercevoir la terre des vivants et la femme au centre du chaos.

Susan riait encore lorsque Macnair l’entraîna au loin. Son visage brillait de triomphe alors que du sang coulait le long de son menton. Elle ouvrit la bouche, révélant un morceau de viande à la place de sa langue.

Hermione ne savait pas comment elle avait fait. Mais Susan avait trouvé le moyen de se couper la langue. Elle avait trouvé un moyen de cacher ses secrets.

 

Elle avait tenu sa promesse.

 


 

Chapter Text


Brillant


 

-"Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?" Siffla Malefoy en claquant la porte du wagon derrière lui.

La scène se déroula dans une atmosphère tendue à l'intérieur du wagon tandis que Draco Malefoy, visiblement agité, claquait la porte derrière lui.

Theo et Astoria étaient assis rigidement en face de lui, observant avec méfiance le regard vide d'Hermione. Hermione regardait le terrain de Quidditch se rétrécir à mesure qu'ils se dirigeaient vers le château, son attitude restant inchangée même lorsque la cuisse de Malefoy frôla la sienne.

Astoria jeta ses cheveux sur le côté d'un air nonchalant.

-"Eh bien, bonjour à toi aussi, Draco. Je t'en prie, mets-toi à l'aise", répond-elle d'un air dégagé.

-"Qu'est-ce que c'était ?", siffla Malefoy en redirigeant son regard glacial vers Théo.

Theo croisa froidement son regard, le premier champion qu'elle voyait agir ainsi, un sourire suffisant tiraillant le coin de sa bouche.

-"Une déclaration", répondit-il.

-"Un confession amoureuse", ajouta Astoria, en grimaçant brièvement à cette phrase. "Honnêtement, Draco, tu devrais me remercier."

-"Alors, c'était ton idée ?" cracha Malefoy.

Astoria haussa les épaules.

-"Qu'est-ce que ça peut faire ? C'est fait maintenant. Et grâce à la grande déclaration de Théo, ta championne a maintenant quelque chose qui la rend attachante."

Les mots durs ne piquèrent pas Hermione ; elle était engourdie par tout cela. Darryl n'a jamais existé. Elle avait une relation avec Theo. Elle n'arrivait pas à discerner la réalité.

Ils avaient raison. Ils avaient tous raison. Son esprit était brisé.

-"Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ? Le risque que tu nous as fait courir à tous ?" Les yeux de Malefoy devinrent de l'argent en fusion lorsqu'il fit un geste vers Théo. "Il s'en rend sûrement compte."

Astoria se renfrogna.

-"Je contrôle la situation. Je sais que tu penses..."

-"Tu ne sais rien", cracha Malfoy.

Astoria se tut, et le seul bruit dans le wagon fut le grincement alors qu'ils continuaient leur voyage. La rage de Malefoy imprégnait le petit espace, les enveloppant tous les quatre.

Finalement, Malefoy prit la parole, sa voix remplie d'une rage tranquille.

-"Combien de fois vas-tu m'obliger à nettoyer tes dégâts, Nott ?"

Les yeux de Théo clignotèrent et se durcirent.

-"Je ne pense pas que nous devrions parler de ça devant eux".

Malefoy renifla.

-"Tori va très bien. Tout ce qui est questionnable, je l'enferme dans sa jolie petite tête..."

-"Oh, va te faire foutre, Draco", s'emporte Astoria.

-"Personne ne peut y entrer à moins que je ne le permette. Personne ne saurait même que ça existe", railla Malfoy. "Ou bien ce n'est pas ce qui t'inquiète ?"

Theo fixa son ancien ami d'un regard noir. Hermione continua à regarder les étoiles filtrer à travers la canopée des arbres, traçant des constellations familières. Malgré tout, elle se demandait comment le ciel pouvait rester le même. Après tout ce qui s'était passé, il semblait que le ciel devrait être différent, changé, peut-être même vide.

-"Je sais que tu es en colère", commença Astoria. "Mais Draco, je devais faire quelque chose. Elle..."

-"Elle allait très bien", se moque Malfoy. "J'avais un plan."

-"Elle est épouvantable et, franchement, effrayante", ricane Astoria. "Rita l'a mangée vivante, les autres Champions l'ont essentiellement traitée de monstre, et l'incident des Détraqueurs a rendu évident le fait qu'elle est complètement et totalement..."

-"Sa magie est puissante ; si on lui donne du temps, elle pourrait..."

-"Le temps presse", a répliqué Astoria. "La Première Tâche est dans quelques jours. Si elle veut y survivre, elle aura besoin du public de son côté. Ce sont eux qui détiennent le véritable pouvoir ici. C'est un concours de popularité, Draco, ne t'y trompe pas. C'est leur vote qui déterminera si elle obtiendra ou non un avantage pour la prochaine tâche."

-"Les avantages ne sont pas une garantie, et l'entraînement est plus important que les petites histoires ridicules."

-" L'histoire, c'est l'avantage. Ne crois pas que le Seigneur des Ténèbres ne va pas fausser les tâches pour privilégier ceux qui sont favoris."

-"Bien sûr, tu sais tout sur les favoris."

-"Je connais le pouvoir des mots, Draco."

-"Je suis désolé", interrompt Théo, gelant la confrontation houleuse. "Mais viens-tu de dire que la Première Tâche est dans quelques jours ?"

Astoria jeta un coup d'œil à son champion avant de réarranger délicatement sa robe, d'un beau rose poupon qui mettait en valeur ses lèvres en bouton de rose.

-"Une façon de parler", renifla-t-elle, "j'ai entendu le Seigneur des Ténèbres plus tôt dans la journée. C'est pour bientôt. Ça pourrait être d'un jour à l'autre."

Malefoy se raidit à côté d'elle.

-"Tu es sûre ?" demanda-t-il à voix basse.

Astoria soupira.

-"Comme je ne suis pas sourde, oui, je suis sûre."

-"Où ?" Malfoy insista.

-"Je ne sais pas, Draco. Si je le savais, je te le dirais."

-"Tu le ferais ?" Grogna-t-il.

Les joues d'Astoria se réchauffèrent à cette remarque.

-" Je ne t'ai pas parlé de ce soir parce que je savais que tu t'en mêlerais. Je suis de ton côté. Je ne veux pas gagner. Je veux que tu gagnes. Et pour cela, Granger va avoir besoin de toute l'aide possible."

-"Je n'ai pas demandé ton intervention", asséna Malfoy à Astoria, son ton s'adoucissant. Astoria sourit faiblement,

-"Dis simplement merci et nous pourrons passer à autre chose."

-"De rien, au fait", marmonna audacieusement Théo.

Malefoy lui lança un regard sévère.

-"Tu as de la chance de pouvoir encore respirer, Nott ; ferme ta putain de gueule de traître."

 

La calèche s'immobilisa lentement, la lumière des torches du château illuminait le couple en face d'elle. Théo ne cessait de jeter des coups d'œil dans sa direction, essayant d'attirer son attention. Hermione fixait résolument l'espace vide au-dessus de son épaule.

-"Tori chérie, pourrais-tu nous laisser un moment ?" déclara Malfoy à voix basse. "J'ai besoin de parler à ton champion".

Astoria ouvrit la bouche pour protester, mais en voyant le regard de Malefoy, elle laissa tomber. Avec un signe de tête réticent, elle se leva, souffla en rassemblant ses jupes et se hissa hors de la calèche. Lorsque la porte se referma, Théo pencha la tête vers la fenêtre, observant les pas de la sorcière à l'extérieur. Malefoy sourit, sortit sa baguette pour tirer les rideaux et lança un Silencio. Faisant tourner sa baguette entre ses doigts, Malfoy se pencha en avant.

-"Tu t'inquiètes de ce qu'elle va penser ?" Siffla-t-il, la voix moqueuse, en faisant un geste vers l'extérieur.

-"Tu n'es pas inquiet ?" Theo réplique vivement.

Malfoy esquissa un sourire qui ne rencontra pas ses yeux.

-"Elle sait ce que je suis."

Hermione observa les deux sorciers, un échange silencieux passant entre eux. Elle vit l'expression de Théo passer de la colère au dégoût, puis à l'appréhension. Ce n'est que lorsque Malefoy se rassit et que Théo s'affaissa en avant en titubant qu'elle réalisa que Malefoy avait parlé au sorcier dans sa tête.

-"C'était un bon spectacle, Nott, je te l'accorde. Ton occlumencie s'est énormément améliorée. Tu ferais mieux de continuer comme ça, hein ? Ce serait dommage que tes camarades champions découvrent ton petit talent", menaça Malfoy.

Hermione n'y prêtait guère attention, mais du coin de l'œil, elle vit Théo grimacer en relevant la tête, son visage s'assombrissant sous le regard vide d’Hermione. Théo se tourna vers Malefoy en serrant les dents.

-"Je suppose que c'est de ta faute alors ?" Siffla-t-il en faisant un geste vers Hermione.

Malefoy aboya un rire, un son froid et amer.

-"Son esprit ? Tu devrais voir dans quel état il est, Nott ; c'est un putain de terrain vague."

Les yeux du sorcier brillèrent de fureur.

-"Tu es malade, Malfoy. Elle a déjà assez perdu, et tu lui enlèves son libre arbitre ? Ses souvenirs ? Sais-tu au moins quels dégâts cela pourrait causer ? Elle est fragile, putain ! Pas étonnant qu'elle..."

-"Je n'ai rien pris", affirme Malfoy avec calme. "Il n'y a rien que je puisse prendre, voler ou manipuler."

Malfoy se pencha en avant, ses dents acérées dégoulinant de satisfaction dans son sourire suffisant. Il murmura les mots lentement, savourant chacun d'entre eux lorsqu'ils tombaient de ses lèvres.

-"C'est une Occlumens naturelle, Nott."

Théo inspira brusquement. Elle regarda son visage se contorsionner d'horreur. Elle voyait mais ne comprenait pas, car elle se trouvait dans un endroit très lointain. Un endroit de glace et d'obscurité où rien ne pouvait la toucher.

-"Tu vois maintenant ?" Malefoy rit. "Tout cela n'a servi à rien."

Et sur ce, il brandit sa baguette.

-"Sors", ordonna Malfoy, ne laissant aucune place à la discussion.

 

Théo se dressa, engourdi, les mouvements saccadés alors qu'il ouvrait la porte et sortait à l'air libre. Il se retourna, le visage pâle et choqué.

Il la vit le regarder tandis que la porte cochère se refermait.

Le cliquetis du loquet marqua la fin du silence. Hermione était toujours assise à côté de Malefoy, cuisse contre cuisse, fixant le coussin usé où Théo venait de lui succéder.

Malfoy sortit sa baguette, la tenant dans sa ligne de mire avant de la glisser dans la poche cousue de sa robe.

-"Ne la perds pas. J'en ai assez d'invoquer ta baguette à chaque fois que tu l'oublies dans tes quartiers."

Hermione ne réagit pas.

Elle l'entendit soupirer à côté d'elle et sentit son regard brûler le côté de sa joue.

Des doigts saisirent son menton, la forçant à le regarder. Son contact était ferme, mais ne causait pas d'hématomes. L'argent avait disparu, il ne restait plus que du gris. Ses yeux parcoururent les taches de rousseur sur ses joues, la pente de son nez, les cicatrices qui se ramifiaient sur sa peau. Enfin, son regard rencontra le sien alors qu'elle le scrutait. Il la fixa, profondément, avec résignation.

-"Où es-tu allée, Granger ?" Il demanda doucement, plus à lui-même qu'à elle.

Et sur ce, il poussa vers son intérieur, se glissant dans son esprit comme s'il lui appartenait.

Ses robes argentées brillaient dans l'obscurité alors qu'il se tenait au-dessus d'elle.

-"Alors on en revient à ça, c'est ça ?" Demanda-t-il en observant la porte enduite de glace derrière elle.

Hermione ne répondit pas.

Il s'accroupit devant elle, examinant l'herbe givrée sous eux.

-" C'est nouveau ", songea-t-il en arrachant des brins et en les regardant tomber.

Hermione resta les yeux fixés sur ses genoux, les paumes jointes.

-" Très bien ", soupira Malfoy, sa robe voltigeant tandis qu'il se levait et pressait ses mains contre la glace.

La main de la jeune fille jaillit sans même réfléchir, s'accrochant à son mollet.

-"Ne le fais pas", murmura-t-elle.

Ne le détruis pas à nouveau. J'en ai besoin.

Elle sentit les muscles de sa jambe se contracter alors qu'il enregistrait sa demande. Hermione se prépara à recevoir un coup.

Au lieu de cela, il recula.

-"Tu es donc toujours là finalement", se moqua-t-il.

Hermione s'affaissa en arrière, penchant la tête pour le regarder.

-"Où pourrais-je être sinon ?" Murmura-t-elle.

-"Je pensais que tu avais fini par tomber dans le vide", dit-il en haussant les épaules. "Mais on dirait que tu as encore du temps devant toi".

Jusqu'à ce que la folie te prenne, laissa-t-il échapper. Hermione n'était pas sûre de ce qu'elle ressentait à ce sujet. Elle se rappelait à quel point elle s'était sentie en sécurité dans l'étreinte de l'ombre. La paix qu'elle avait ressentie avant que Malefoy ne l'atteigne et ne la tire vers l'extérieur. Ce ne serait pas si mal de disparaître.

-"Qu'est-ce que tu veux, Malefoy ?" Elle expira.

Il a haussé un sourcil. "

-N'est-ce pas évident ? Je veux m'assurer que mon champion est à la hauteur."

-"Quel malheur pour toi."

-"Tout à fait", répond Malfoy. "Bien que tu respires encore. Et manifestement, tu es encore un peu lucide. Tant qu'il en est ainsi, tu m'es encore utile."

-"Quel bel hommage !"

Un temps de silence passa entre eux. Hermione n'arrivait pas à discerner ce que Malfoy faisait encore ici. Peut-être jouait-il simplement avec elle avant de s'attaquer à sa forteresse.

Finalement, il dit : " Pour une Occlumens naturelle, tu n'es pas très douée pour ça. "

Hermione ignora cette plaisanterie inattendue.

-"Tu es censée faire écran à tes émotions, pas te briquer jusqu'à l'alienation", poursuivit-il. "Le truc, c'est de les cacher sans que les autres ne voient qu'elles sont cachées. C'est trop flagrant."

Hermione ferma les yeux, déjà épuisée par sa présence.

-"Je m'en fiche un peu", soupira-t-elle.

-"Tu devrais", dit Malfoy en guise de réponse. "Si les gens pensent que tu caches quelque chose, ils vont venir le chercher".

Hermione fit un signe de tête autour d'eux.

-"Eh bien, n'hésite pas à regarder autour de toi alors. »

Malfoy tressaillit devant le ton défait de la jeune femme.

-"Je n'aurais jamais pensé que tu serais du genre à abandonner si facilement, Granger."

-"Abandonner et céder sont deux choses totalement différentes".

-"Pour moi, c'est la même chose", déclara-t-il. "Tu meurs dans les deux cas."

Hermione pouvait comprendre pourquoi il pensait cela, bien que renoncer implique qu'elle ait eu une chance au départ. Céder, c'est accepter l'inévitable. Malfoy n'avait pas encore appris cela. Elle ne savait pas pourquoi il s'en souciait encore. La mort le guettait, tout comme elle.

-"Je mourrais volontiers juste pour te tuer", répondit-elle simplement.

Malefoy ricana.

-"Tu mourrais volontiers de toute façon, Granger, n'en fais pas une affaire personnelle.

-"Un bonus supplémentaire alors."

Il s'accroupit, ses yeux orageux se posant à présent sur elle.

-"Tu étais autrefois une sorcière intelligente", commença-t-il. "Tu vois sûrement que ta mort serait un gâchis."

Hermione serra les dents, ramenant ses paumes jointes plus près de son corps.

-"Je ne suis pas une ressource que tu peux exploiter."

-"Non. Tu es un outil", répondit Malfoy avec calme. "Un outil dont j'ai besoin, oui, mais un outil dont tes petits amis ont encore plus besoin".

Il fit un geste vers l'espace noir qui les entourait.

-"Tu as une bibliothèque de connaissances éparpillée quelque part par ici. Utilise-la. Aide Weasley à survivre à ces tâches. Je sais que tu n'as pas perdu toutes ces années à garder le Balafré et le Coincé en vie juste pour rester là à les laisser mourir."

Hermione inspira brusquement, le corps mou de Harry clignotant sous ses paupières. Sentant une ouverture, Malefoy se rapprocha.

-"Allez, Granger", chuchota-t-il. "Tu pourras toujours mourir plus tard."

Elle ferma les yeux, se concentrant sur le poids subtil dans ses paumes, les plumes douces qui embrassaient sa peau. Elle avait déjà pris sa décision. Malefoy n'avait aucun intérêt à ce que Ron survive ; il voulait juste qu'elle reste en vie assez longtemps pour qu'il trouve un autre moyen de la faire gagner. Elle le savait. Elle le savait.

Mais bon sang, il avait raison.

Ron avait plus de chances si elle était morte. Un concurrent de moins à affronter. Mais ses chances étaient encore plus grandes s'il avait un allié au sein du Tournoi. Avec son esprit stratégique et son intelligence des livres, ce qu'il en restait, il pouvait survivre. Ses talents de duelliste associés aux enseignements de Darryl... si elle parvenait à l'isoler assez longtemps pour l'entraîner, à lui donner accès à une baguette sans restriction....

Il gagnerait. Elle pouvait presque le garantir.

-"Je te propose un marché", commença Malfoy, "tu survis aux trois premières épreuves et je m'assurerai que Daphné traite bien la Fouine. Je m'arrangerai même pour que tu puisses le voir aussi souvent que tu le souhaites."

-"Je le vois tous les jours", s'emporta Hermione.

-"Pas après la première tâche, tu ne le feras pas. Maintenant que tout a été mis au point, les champions et leurs Collatéraux sont envoyés dans les foyers de leurs maîtres. Tu ne seras de retour à Poudlard seulement avant chaque épreuve."

Hermione ne savait pas si elle devait le croire ou non. Il pouvait tout simplement dire cela comme une fausse incitation, mais le processus avait du sens. Il serait beaucoup plus facile de les monter les uns contre les autres s'ils étaient isolés.

-"Je pourrais aménager une suite d'invités pour qui tu voudras", insiste-t-il. "La Fouine, la Weaselette. Ou peut-être préfères-tu que ton amour perdu depuis longtemps..."

-"Non", craqua Hermione, le souffle coupé par cette idée.

Elle ne voulait pas voir Théo. Elle ne savait pas encore comment digérer tout cela. Comment démêler ce que tout cela signifie, ce qu'il pourrait représenter pour elle.

-"Je vais te dire une chose", poursuivit doucement Malfoy. "Après la troisième tâche, je te ramènerai à Azkaban. Tu pourras rendre visite à ton petit ami le Détraqueur."

Hermione avala une boule dans sa gorge.

-"Il n'est pas là", s'étouffa-t-elle. "Il n'est même pas réel."

-"Peut-être. Peut-être pas. Tu ne veux pas le découvrir ?"

Hermione marqua une pause, ne se sentant pas capable de parler. Malefoy attendait patiemment, le visage indéchiffrable.

Finalement, avec précaution, elle posa la question qui la tourmentait depuis une heure.

-"Est-ce vrai que la prison était vide ?"

Malefoy ne réagit pas à son léger intérêt.

-"En grande partie. Quelques os éparpillés un peu partout. On dirait que ce sont les gardes qui ont disparu. Je suppose que tu as quelque chose à voir avec ça ?

Hermione fronça les sourcils.

-"Je ne sais rien."

-"Oui, c'est ce que tu as dit", fit Malfoy d'un geste dédaigneux. "Dis-moi, quelle est la part de vérité dans ton interview ?"

Elle inclina le menton.

-"Je ne me souviens pas."

-"Des conneries", renifla-t-il.

Hermione haussa les épaules.

Malfoy baissa les yeux vers les paumes jointes sur ses genoux. Elle se crispa, attendant qu'il les ouvre. C'était idiot, elle ne savait pas pourquoi elle cachait un moineau mort. Mais c'était le sien. La seule chose dans cet endroit qui contenait un morceau de son enfance, aussi morbide soit-elle. Il était innocent et, comme elle, avait été autrefois plein de vie. Elle voulait le garder en sécurité.

Les morts gardent les morts.

À sa grande surprise, Malefoy ne l'attrapa pas. Au lieu de cela, il garda ses mains le long du corps, la laissant garder un fragment d'intimité.

-"Tu veux savoir ce que je pense ? Je pense que tu as menti comme un arracheur de dents", murmura-t-il, son souffle effleurant son visage.

-"Et le plus drôle, c'est que", poursuivit-il, les lèvres près de son oreille. "Tu ne te rends même pas compte que tu mens."

Hermione le regarda par-dessus son épaule.

-"Je suppose qu'on ne le saura jamais. »

 

 

***

 

Comment peut-on faire le deuil d'une personne encore en vie ?

Astoria avait cru savoir ce que l'on ressentait en cas de deuil, se considérait comme une habituée du chagrin. Mais en marchant dans les couloirs vides, côte à côte avec un Théo à la fois familier et étranger, elle se rendit compte que la douleur était rarement simple.

Il était de retour, et pourtant, il lui manquait. La personne qu'il était, la personne qu'elle pensait qu'il était avant sa trahison lui manquait. Le vide qui s'était ouvert en elle ne pouvait pas être réparé par la proximité. Il ne pouvait pas être comblé du tout.

Théo n'avait toujours pas dit un mot depuis sa discussion privée avec Draco. Elle ne savait pas ce qui s'était dit, ni pourquoi elle n'avait pas été autorisée à y assister alors que Granger l'avait été. Le visage du sorcier était crispé, les yeux distants alors que leurs pas résonnaient dans le château vide.

Elle aurait pu demander, mais elle ne le fit pas, parce qu'il ne pourrait jamais lui donner une réponse qu'elle pourrait considérer comme la vérité. La confiance qu'elle avait autrefois accordée à Theodore Nott était morte et enterrée, de même que tout ce qu'elle avait cru savoir sur lui.

C'est ainsi que le chagrin marchait à ses côtés, un compagnon constant, comblant le vide entre deux étrangers.

D'une certaine façon, elle les pleurait tous. Elle pleurait la nature insouciante de Blaise, remplacée depuis par le sadisme. Elle pleurait Pansy. Une flamme brillante assombrie par des boissons alcoolisées. Elle pleurait sa sœur et le gouffre qui s'était creusé entre elles. Mais surtout, elle pleurait Draco, car il était le seul à avoir disparu complètement.

Il avait été brillant. Arrogant, complice et tranchant comme un fouet. Narquois, audacieux et brillant. Il lui donnait des aperçus d'un monde qu'il était le seul à voir. La présence stable qui les soutenait alors que tout s'écroulait. La douceur et les sourires tendres qu'il ne réservait qu'à elle. La douleur, les blessures brûlantes et à vif marquées dans son âme qu'elle n'a vues que deux fois. Une fois, après la mort de Dumbledore. L'autre fois, après que Théo soit devenu mort pour lui.

Draco n'avait jamais été que trop, c'était dans son nom. Son sang.

C'est peut-être pour cela que sa disparition avait été la pire de toutes. Draco Malefoy était un garçon plein de couleurs. C'était un garçon dont, si les choses s'étaient passées différemment, elle aurait peut-être pu tomber amoureuse. S'il n'y avait pas eu Theo. Sans la guerre. Si ce n'était pas à cause de la main qu'on lui avait tendue. Si. Si. Si.

La marque de tout cela avait été minime au début. Une petite tache d'encre noire sur son avant-bras gauche. Mais ensuite, elle avait gagné du terrain, consommé et volé tous les jaunes, les rouges et les bleus. S'infiltrant dans les oranges, les violets et les verts. Empoisonnant les roses, les bruns et les nuances intermédiaires.

Lentement, puis d'un seul coup, les ténèbres avaient détruit tout ce qui constituait Draco Malefoy.

Son cœur d'or se décomposa en noir et tomba en cendres, laissant place à la cruauté. Le blanc de ses yeux s'estompa pour devenir gris. Des yeux morts sur un homme mort qu'elle ne pouvait plus atteindre.

Sa langue d'argent fut la dernière à disparaître.

D'une certaine façon, c'était approprié. Les morts ne sont jamais que muets.

Il n'y avait aucune émotion dans les mots qu'il prononçait ou les actes qu'il posait. Un réceptacle vide pour l'épée du Seigneur des Ténèbres.

Il n'était que ténèbres, froideur et distance. Le nom qu'il avait gagné était tout à fait approprié. Mortifer, le porteur de mort.

Et c'est ce qu'il faisait. Une longue liste de noms oubliés que personne, pas même lui, ne pouvait retenir. Mais Astoria se souvenait de la première victime de Mortifer.

C'était un garçon brillant et coloré.

Un garçon nommé Draco Malefoy.

Et pourtant, dans ce carrosse, il y avait eu un éclat d'argent. Une teinte de vert.

Et avant cela, avant les épreuves, une tache de rouge. Une cape soulevée. Un verre brisé.

-"C'est une putain d'Occlumens !"

Astoria ne savait pas encore ce que cela signifiait. S'il s'agissait d'une faible impulsion ou d'un simple effet de lumière. Elle s'était habituée aux nuances de gris et de noir. Elle avait accepté son chagrin pour Drago Malefoy.

Comment pouvait-elle faire le deuil d'une personne qui apportait à la fois la mort et la couleur ? Un homme creux, c'était plus facile. C'était une perte totale. Une rupture nette.

Mais si le garçon était toujours là, piégé à l'intérieur....

Astoria ne voulait pas y penser.

-"Mlle Greengrass", dit une voix timide derrière eux.

Astoria se retourna pour voir un jeune Mangemort se diriger vers eux à grands pas.

Il s'inclina.

-"Le Seigneur des Ténèbres a demandé votre présence dans la Grande Salle."

Astoria souffla : "Je dois ramener mon champion dans ses quartiers..."

-"Il a demandé à ce que votre Champion vous accompagne" se précipita le Mangemort, s'inclinant à nouveau en signe d'excuse.

Astoria repoussa un pincement au cœur. "Très bien", siffla-t-elle.

Elle se remit à marcher en direction du chemin qu'elle avait emprunté, Théo se traînant fermement sur ses talons. Le Mangemort lui fit signe de tourner à droite, un bras derrière le dos.

-"Je connais ce foutu chemin", réprimanda Astoria. Le garçon bégaya d'autres excuses, qu'elle fit taire d'un regard acéré.

Elle le repoussa d'un geste, le congédiant. La longue marche était déjà assez difficile avec ces talons ridicules ; elle n'avait pas besoin qu'un maudit employé de maison surveille chacun de ses mouvements.

Ils firent encore quatre tours avant que Théo ne prenne la parole.

-"Pourquoi ne t'a-t-il pas simplement convoquée ?" demanda-t-il d'une voix rauque, en faisant un geste vers l'avant-bras exposé de la jeune femme.

Astoria se redressa.

-"Parce que ça fait mal, et que le Seigneur des Ténèbres n'aime pas me faire mal."

Le sorcier la regarda bizarrement, une question dissimulée sous son froncement de sourcils. Ce geste hérissa Astoria. Il n'avait pas le droit de juger sa relation avec le Seigneur des Ténèbres.

Les hommes faisaient toujours l'erreur de supposer qu'Astoria baisait pour obtenir ses faveurs. Un homme puissant qui domine une femme docile.

Ils n'ont jamais pensé qu'elle avait son propre pouvoir. Que c'était Voldemort qui se faisait baiser.

Theo n'avait pas de grands principes sur lesquels s'appuyer pour la regarder de haut. Pas quand il était la raison même pour laquelle elle avait dû s'assurer ses faveurs en premier lieu.

Ils avaient presque atteint le bout du couloir lorsque Théo prit la parole.

-"C'est vrai ?"

-"Qu'est-ce qui est vrai ?

-"Granger, c'est une Occlumens naturelle ?" demanda-t-il d'une voix rauque.

Astoria trébucha de surprise. Est-ce que c'est de cela que Draco et lui avaient parlé dans la voiture ?

-"Oui", répondit-elle en hésitant, le ton sérieux sur sa langue habituellement acérée la prenant au dépourvu.

Il agrippa fermement la rampe tandis qu'ils commençaient à descendre les escaliers.

-"Combien de temps lui reste-t-il ?" Il murmura, les yeux traînant sur ses pieds au fur et à mesure de la descente.

-"Je pense que toi et moi savons que ce bateau a coulé".Astoria marqua une pause, sa voix se durcit.

Théo se retourna vivement.

-"Alors pourquoi as-tu accepté ?" Brusquement, il réagit. "Si elle n'a plus aucun espoir, à quoi bon ?"

Elle n'a répondu que lorsqu'elle s'est sentie en confiance pour parler.

-"Il faut être deux pour vendre une histoire. Le public sait maintenant à quel point elle est mal en point, ils ne tiendront pas compte de tout ce qu'elle dit ", brise froidement Astoria. "Mais toi ? Tu es crédible."

Les yeux de Théo se sont rétrécis.

-"Elle ne le sait même pas, n'est-ce pas ?"

-"Comment le pourrait-elle ? Ses souvenirs sont éparpillés dans le vent. Elle te croirait plutôt au lieu de se croire elle-même."

Il lui saisit le poignet, les amenant à s'arrêter.

-"Nous devons lui dire. Si elle ne sait pas..."

Astoria a repoussé sa main.

-"Tu ne peux pas", dit-elle. "Contrairement à toi, Granger est une terrible menteuse. Si elle connaît la vérité, tout le monde la connaîtra. Il vaut mieux la laisser dans l'ignorance. Si elle y croit comme tout le monde, alors l'histoire restera. Il faut qu'elle tienne, Théo. Sans cela, il n'y a rien de louable en elle. Pour gagner le tournoi, elle doit convaincre tout le monde."

-"Et le Seigneur des Ténèbres ? Il sait sûrement que ce n'est pas..."

-"Laisse-moi m'occuper du Seigneur des Ténèbres", a-t-elle sifflé. "Il y croira autant que n'importe qui d'autre. Il ne faut pas qu'il sache que tu as menti sur cette scène, sous Veritaserum qui plus est."

-"Pourquoi pas ?" Théo se moque. "Je me fiche complètement de ce que le Seigneur des Ténèbres..."

-"Parce qu'il saura que tu as utilisé l'Occlumancie pour le faire, et il te demandera alors où tu as appris l'Occlumancie et auprès de qui", répondit-elle, ressentant une infime satisfaction lorsqu'il tressaillit. "Je suis sûre que tu ne veux pas leur causer plus de tort que tu ne l'as déjà fait".

Théo acquiesça.

-"Oui", souffla-t-il. "D'accord."

Le chagrin enfonça des griffes acérées dans son flanc tandis qu'ils continuaient à marcher, et elle espérait que ce serait la limite de leur interaction.

Mais Théodore Nott n'avait jamais appris à se taire.

-"Ce que je ne comprends pas..." commença-t-il, "c'est pourquoi Draco n'entre pas dans l'esprit du Seigneur des Ténèbres et ne met pas fin à tout ça. Cela fait trois ans qu'il a ce don. Sûrement..."

La sorcière ferma les yeux d'un air agacé.

-"Le Seigneur des Ténèbres a forcé Draco à prononcer un Serment Inviolable avant que son père ne soit... tué et que le don ne soit transmis", expliqua-t-elle avec précaution. "Draco ne peut absolument pas toucher l'esprit du Seigneur des Ténèbres. Il pourrait toujours théoriquement y entrer, oui, mais le Serment le tuerait avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit."

-"Il a dit qu'il protégeait ton esprit pour toi, a-t-il fait la même chose pour les autres ?".

-"Oui. Toutes les pensées qui ne sont pas judicieuses sont protégées derrière son Occlumencie. Les souvenirs aussi. C'est comme s'il avait planté une graine qui a pris racine dans nos esprits, une graine qu'il utilise pour cacher et protéger. Même à distance. C'est comme si une partie de lui était toujours là, en train de travailler."

Le visage de Théo se crispa de dégoût, et elle sentit les griffes s'enfoncer plus profondément.

-"C'est de la folie, Astoria ! Tu ne peux pas être d'accord avec ça. Comment peux-tu lui faire confiance pour ne pas détruire ton…"

Les yeux de Théo s'écarquillèrent lorsqu'Astoria le confronta à son regard froid et perçant. La révélation le frappa, et une prise de conscience rampa sur ses traits comme une ombre.

-" Mais Draco... " commença-t-il, la voix hésitante.

Astoria lui coupa la parole d'un geste dédaigneux.

-"Draco a ses propres objectifs. Quoi qu'il t'ait dit, quels que soient les mensonges qu'il t'a racontés, ne te fais pas d'illusions en pensant qu'il le fait par bonté d'âme."

Les sourcils de Théo se froncèrent sous l'effet de la confusion et d'une pointe d'appréhension. Astoria se délectait de ce changement de pouvoir. Elle avait un secret, un levier pour le manipuler, et elle s'en délectait.

-"Laisse-moi te dire clairement quelque chose, Théodore Nott", déclara-t-elle, son ton dégoulinant de mépris. "Tu es un outil. Un pion dans un jeu bien plus vaste. Draco t'a peut-être convaincu du contraire, mais n'oublie jamais ta place dans ce monde tortueux."

Les yeux de Theo se teintèrent de défi, mais le vif contact visuel d'Astoria réduisit au silence toute réplique qu'il aurait pu formuler. La Grande Salle se profilait à l'horizon et elle accéléra le pas, le laissant avaler l'amère vérité qu'elle venait de lui imposer.

Alors qu'ils approchaient de l'entrée principale, Astoria redressa sa posture, retrouvant son allure royale. Elle jeta un dernier regard à Théo avant de pousser les portes pour faire face à l'atmosphère inquiétante de la Grande Salle, où le Seigneur des Ténèbres attendait. Le poids de leurs destins entremêlés planait lourdement dans l'air, et Astoria s'arma pour relever les défis qui l’attendaient.

La Grande Salle enveloppa Astoria lorsqu'elle y entra, sa grandeur amplifiant l'atmosphère sinistre qui régnait à l'intérieur. La présence du Seigneur des Ténèbres se profilait, jetant une ombre sur les Mangemorts rassemblés. Alors qu'elle s'approchait du centre, les yeux d'Astoria rencontrèrent ceux de Draco pendant un instant furtif. L'échange silencieux en disait long, chargé de non-dits et de secrets partagés.

Theo suivait derrière, encore aux prises avec la révélation qu'Astoria avait dévoilée. Ses pensées étaient une tempête tumultueuse, mais il n'avait guère le temps de s'y attarder car le Seigneur des Ténèbres réclamait de l'attention. Astoria se positionna à côté de Draco, sa prestance royale et son expression posée.

Les yeux cramoisis du Seigneur des Ténèbres se posèrent sur elle lorsqu'il reconnut son arrivée.

-" Astoria Greengrass ", entonna-t-il, sa voix résonnant dans la salle. "Tu amènes ton champion. Approchez-vous."

Astoria s'avança gracieusement, Théo la suivant dans son sillage. Le Seigneur des Ténèbres les scruta tous les deux, le regard perçant et implacable. La tension dans la pièce s'épaissit, reflétant le poids des épreuves à venir.

Les yeux de Théo passaient d'Astoria au Seigneur des Ténèbres, un mélange de peur et d'incertitude se dessinant sur son visage. Astoria maintenait une façade inébranlable, son sang-froid témoignant de sa capacité à naviguer dans les eaux traîtresses de cette sombre alliance.

Le Seigneur des Ténèbres prit la parole, sa voix froide et autoritaire.

-"La première épreuve approche. Vos champions sont liés par le destin, et leur réussite relève de votre responsabilité. Ne me décevez pas."

Astoria inclina la tête en signe de reconnaissance, un hochement subtil qui traduisait l'obéissance sans renoncer à son autonomie. Théo, bien que visiblement craintif, reproduisit son geste sous le poids du regard du Seigneur des Ténèbres.

Pendant que la réunion se poursuivait, l'esprit d'Astoria calculait les mouvements et les ripostes, tissant des fils complexes de tromperie et de stratégie. Elle était une instigatrice de ce jeu mortel, un marionnettiste tirant les ficelles avec finesse.

Théo, pris dans les machinations de forces plus grandes, restait un pion, inconscient de la danse complexe qui se déroulait autour de lui. Les yeux d'Astoria rencontrèrent ceux de Draco une fois de plus, et dans cet échange, ils communiquèrent une vision commune : le voyage à venir serait semé d'embûches, et les alliances pourraient s'effriter comme un parchemin délicat.

Tandis que le Seigneur des Ténèbres énonçait les règles de la première tâche, les pensées d'Astoria restaient concentrées sur les défis imminents et sur le rôle central qu'elle jouait dans ce récit tordu. Le décor était planté et les pièces étaient en mouvement. Le jeu ne faisait que commencer.

 


 

Chapter Text


Agneau


 

« Neville », supplia Ginny, en tendant la main vers lui alors que son corps passait devant le sien. « Nev, je suis… »

« Tais-toi », grogna Greyback en lui tirant les cheveux en arrière.

Les yeux de Neville se tournèrent vers elle pendant une fraction de seconde, sa forme voûtée vaincue alors qu’Herdrian Parkinson l’escortait vers l’autre côté de la grande salle.

La douleur dans son regard suffit à l’aplatir. La colère. La trahison. Blessure. L’embarras. Un siphon inondé d’émotions.

Et c’était de sa faute. C’est elle qui avait déclenché cette situation sur cette scène.

Il avait voulu l’épouser. Ginny avait voulu un homme qu’elle n’avait jamais vraiment eu.

Le hall était rempli de l’élite des sorciers. Des descendants serrant la main de fonctionnaires du ministère, de joueurs de Quidditch vedettes et d’ambassadeurs étrangers. Leurs champions les suivaient comme des chiens en laisse. Des jouets brillants à exhiber et à inspecter.

Greyback s’était tenu à l’écart du reste d’entre eux, ignoré par la haute société. Un loup ne valait pas mieux qu’un chien. Il fallut un moment à Ginny pour réaliser qu’il s’agrippait toujours à ses cheveux, sa prise se relâcha alors qu’il en caressait les bords.

« Ne me touche pas, putain », grogna-t-elle.

Greyback l’ignora, comme toujours. La créature dégoûtante touchait ses cheveux dès qu’elle le pouvait.

« C’est joli » répondit-il simplement, presque calmement alors qu’il peignait ses pointes défaites. « Tu ferais un beau manteau, petite rouge ».

Elle frissonna.

Pour tenter de calmer son cœur qui s’emballait, elle arpenta la pièce. Puisant dans son expérience, elle fit le point sur les occupants et la position des gardes.

Susan était affalée près de l’entrée, la poigne de MacNair étant la seule chose qui la maintenait debout. La jeune fille était d’une pâleur saisissante, des ecchymoses fraîches fleurissant sur ses joues. Du sang recouvrait son menton. Ginny grimaça de sympathie. Elle doutait que MacNair puisse la guérir. La sorcière devait être à l’agonie.

Comme si elle sentait que Ginny l’observait, Susan leva les yeux et les croisa avec les siens. Le contact avec Ginny s’estompa pour laisser place à un regard acéré.

Susan hocha la tête comme pour dire « je vais bien ».

Ginny inspira de surprise. Elle connaissait la Poufsouffle depuis des années et ne l’avait pourtant jamais considérée comme une battante.

Mais elle l’était, n’est-ce pas ? Elle avait fait partie de l’armée de Dumbledore dès le début. Elle était restée dans l’Ordre pour se battre de son plein gré. Contrairement à Ginny, qui avait été contrainte de rester en raison de son incapacité à quitter sa famille.

Susan Bones portait ses émotions sur sa peau. C’est peut-être pour cela qu’elle avait été sous-estimée pendant si longtemps.

C’était peut-être son objectif.

Ginny acquiesça, faisant une courte révérence de respect à sa camarade.

La démarche traînante de Ron attira son attention, et elle se retourna pour le regarder traîner sans but derrière l’aînée des sœurs Greengrass.

Elle ne l’avait jamais vu avoir l’air aussi brisé.

En vérité, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Sa vie entière fut consacrée à une sorcière qui en avait aimé un autre. Une ironie cruelle.

Mais n’était-ce pas ce qu’elle avait fait ?

Elle ne pouvait pas s’empêcher d’aimer Harry. Avec Harry, il y avait eu une vie. La guerre n’avait pas encore porté ses fruits. Ginny avait été à l’abri, et son amour avait donc eu la chance de naître.

Son amour pour Neville était né dans la mort, les effusions de sang et la guerre. Ils avaient été mis à l’épreuve dans des conditions incroyables, et même si ce n’était pas la faute de Neville, ni même la sienne, cela avait entaché cet amour.

Sa relation avec Neville n’avait jamais existé sans douleur. Celle de Harry l’avait été. C’était un simple fait.

C’était peut-être pour cela qu’elle aimait davantage Harry. Cet amour était né de l’innocence. Ils avaient partagé des moments heureux. Harry l’avait protégée de ses batailles, malgré ses protestations. Il avait souffert mais avait toujours cherché à éviter la sienne.

Si Harry était encore en vie, s’il avait eu la chance de vieillir, elle se demandait si leur amour aurait survécu. Aurait-il pu aimer la personne qu’elle avait été forcée de devenir ?

Ou bien tout cela n’était-il qu’un simple fantasme dans sa tête ? De l’herbe verte au-delà d’une clôture qu’elle ne pouvait pas toucher. Peut-être que son chagrin avait obscurci ses souvenirs, les baignant dans des teintes de rose et de rouge.

Peut-être que c’était comme Rita l’avait dit. Un béguin d’écolière dont elle ne s’était jamais remise. Peut-être que Harry ne l’aimait même pas du tout. Sa chasse aux Horcruxes lui avait fourni l’excuse parfaite pour lui couper l’herbe sous le pied.

Peut-être s’était-elle accrochée à quelque chose qui n’avait jamais existé.

Peut-être avait-elle simplement été comme Ron.

« Je ne peux pas croire que le Seigneur des Ténèbres ait permis à ce clébard de participer à la compétition. »

« Sale chien ! »

Alors que Greyback serrait le poing, les racines des cheveux de Ginny lui tiraillaient le cuir chevelu, un faible grognement grondait dans sa poitrine. Les visiteurs offensés passaient rapidement, le nez en l’air. Lorsqu’ils avaient disparu, sa main s’était détendue, lissant les mèches rouges.

Ginny avait expulsé le souffle qu’elle retenait, forçant son esprit à se concentrer sur quelque chose, n’importe quoi, autre que la bête derrière elle.

Ses yeux avaient cherché la seule présence réconfortante dans la pièce. La forme familière qui soulageait la tension dans sa poitrine.

George se tenait près de la table richement décorée. Son corps était mou, ses bras pendaient le long de son corps tandis que sa tête pivotait d’avant en arrière. Il cherchait quelque chose, c’était évident.

Ginny avait observé sa tête tracer le contour précis du trône du Seigneur des Ténèbres. Tracer et retracer, alors qu’il scrutait chaque os de l’horrible représentation.

Elle se demandait s’il pouvait sentir Fred là, comme elle avait été attirée par le crâne de Harry. Les os qui avaient poussé dans l’utérus à côté de lui. Une colonne vertébrale s’était pressée contre son dos alors qu’ils dormaient côte à côte dans leur berceau commun. Ses phalanges avaient solidifié la main qu’il avait tenue tout au long de sa vie. La moitié d’un tout.

Elle s’est rendu compte en continuant à regarder qu’il prêtait une attention particulière à la série de fémurs qui alignaient le dos du trône. Son cœur bégayait, le rattrapant au moment précis où George devenait rigide.

Là, sur le fémur vers la gauche, il y avait une ligne blanche en relief. Une bosse rigide à l’endroit où l’os s’était ressoudé.

Fred s’était déjà cassé la jambe. Une mauvaise chute d’un balai trop grand portant un petit corps. Sa mère était devenue hystérique. George avait d’abord ri jusqu’à ce qu’il voie l’os d’ivoire dépasser de la cuisse de son jumeau.

Il avait fallu un voyage à St Mangouste et deux bouteilles de Poussos pour que ça rentre dans l’ordre, même si pendant les semaines qui avaient suivi, Fred avait boité légèrement.

Un matin, elle avait surpris George en train de regarder dans le vide. Le bol de céréales jeté, une main posée sur sa jambe droite. Il frottait distraitement une douleur qui n’existait pas.

Une douleur qui n’était pas la sienne.

En le regardant trembler, elle s’était demandé s’il ressentait toujours son jumeau fantôme ou s’il s’agissait simplement d’une étendue de vide. Un espace vide en forme de trône.

Ginny s’était forcée à détourner le regard, l’impuissance et le désespoir la poussant vers un bord où elle ne pouvait pas se permettre de tomber. L’hystérie était en équilibre sur le fil du rasoir.

Ginny avait envie de hurler.

Elle s’était d’abord concentrée sur les chiffres. Cent douze bougies, soixante-sept chaises et onze miroirs flottants. Elle s’était ensuite intéressée aux couleurs, notant chaque robe brillante parmi une mer de robes noires et de masques argentés. Ensuite, elle avait parcouru l’alphabet, nommant les objets correspondant à chaque lettre au fur et à mesure.

La distraction était le seul moyen pour elle de rester immobile. Rester saine d’esprit.

Il lui avait fallu du temps pour s’en rendre compte, mais c’est ce qu’elle avait fait. À chaque fois que le loup-garou lui jetait un regard répugnant, il reprenait ses caresses. Ses coups s’intensifiaient à chaque insulte marmonnée.

Elle ne pensait pas qu’il en était conscient, mais Greyback s’était apaisé tout seul. Il lui caressait les cheveux pour calmer son malaise.

C’était d’une humanité choquante. Ginny n’avait pas su quoi en penser.

« T » comme table. « U » comme ustensiles. « V » pour…

« Sale menteur ! » Une voix avait rugi, suivie d’un craquement écœurant.

Ginny avait trébuché vers l’avant par instinct, son cuir chevelu avait brûlé lorsque son maître l’avait tirée vers l’arrière.

Theo s’était affaissé contre l’entrée, la main serrant sa mâchoire, tandis que la plus jeune des sœurs Greengrass gloussait d’amusement derrière lui.

Ron se tenait au-dessus du sorcier, le poing serré et le corps vibrant de rage.

« Comment as-tu pu ? » Son frère pleurait, la voix cassée. « Toutes ces années, tu… tout ce temps ! Je… Pourquoi n’as-tu rien dit ? »

Théo s’était levé lentement, époussetant ses robes. « Tu n’as jamais demandé », avait-il marmonné avec amertume.

Le venin étouffait les paroles de Ron, dont le visage devenait violet. « Je… je te disais des choses ! Tu savais. Tu savais. Et tu étais encore… je ne… tu étais mon ami ! »

Théo soupira. «  Je suis toujours ton ami, Ron « , répondit-il gentiment.

« Alors pourquoi ? »

« C’était entre moi et Hermione », murmura Théo, sa mâchoire se serrant. « Elle ne voulait pas que quelqu’un le sache, et je… je tenais cette promesse ».

Ron se précipitait sur le sorcier, son corps étant tiré en arrière par des cordes invisibles. Daphne Greengrass soufflait d’impatience, ses yeux réprobateurs se posant sur sa sœur. Quant à Astoria, elle haussait les épaules et roulait des yeux, rejetant la silencieuse accusation qui lui était adressée quant au fait qu’elle avait fait quelque chose pour déclencher l’affrontement.

« Tu savais qu’elle était encore en vie ? » Ron rugissait. « Tu as aussi menti à ce sujet, espèce de salaud ! »

« Bien sûr que non ! » Théo s’est mis à claquer, son tempérament s’est enflammé. « Et contrairement à toi, je n’ai pas eu le luxe de pouvoir faire mon deuil. J’étais trop occupé à sauver ses amis. À sauver l’Ordre ! »

De la salive jaillissait de la bouche de son frère, la fureur le transformant en enragé. « Nous n’aurions jamais dû t’accueillir ! On aurait dû te tuer sur le… »

« Les filles, les filles ! Vous êtes toutes les deux jolies. » Blaise Zabini tutoyait, s’interposant au centre de l’impasse. « Gardons cela pour plus tard, voulez-vous ? Vous gâchez le plaisir. »

Le Mangemort faisait un geste vers la foule qui se formait autour d’eux, et les sœurs Greengrass eurent le bon sens d’entraîner leurs champions à des extrémités opposées de la salle. Daphné était en train de lancer un charme de réduction du bruit sur Ron, mettant fin au flot de jurons et d’insultes.

Ginny se raidit en réalisant que Greyback lui avait caressé les cheveux tout au long du combat. Repoussant l’idée nauséabonde qu’il n’était peut-être pas simplement en train de se détendre, elle reprit ses distractions.

« N » comme nappe. « O » comme os. « P » pour ….

 

***

 

Hermione était assise, raide, le dos droit, les coudes rentrés alors qu’elle fixait avec nausée son assiette.

Onze heures du soir, c’était terriblement tard pour dîner.

Bien qu’épuisée par l’entretien, elle se sentait étrangement reconnaissante envers Malefoy. Sa conversation dans le carrosse signifiait qu’ils étaient en retard, et par conséquent, Hermione était placée à la dernière place restante au bout de la table.

Le festin s’étendait sur toute la longueur de la grande salle. Les champions à une extrémité, suivis des Mangemorts de bas rang, des diplomates, des athlètes, des fonctionnaires et les descendants, avec Voldemort comme tête de liste. Malefoy et Astoria Greengrass étaient assis de chaque côté de lui, aussi loin que possible d’Hermione.

Elle gardait la tête baissée, inclinant son corps pour fixer les portes fermées. Des gardes se tenaient de chaque côté, l’observant attentivement comme s’ils pensaient qu’elle allait essayer de s’enfuir.

Ce n’était pas le cas. Il n’y avait nulle part où aller.

Les conversations allaient et venaient de l’autre côté de la salle, mais la section des champions était douloureusement silencieuse. Seuls le tintement des couverts et les déglutitions crispées se faisaient entendre.

C’était Théodore Nott qui l’interrompt.

« Cho, peux-tu me passer le sel, s’il te plaît ? » Il demandait poliment, en lissant sa serviette sur ses genoux. Un gros bleu était en train de fleurir le long de sa mâchoire. Hermione avait du mal à se rappeler s’il était là auparavant.

La petite sorcière le regardait bizarrement mais acquiesça à sa demande d’un signe de tête.

« Merci », gazouilla-t-il en saupoudrant de sel son steak saignant avant de le manger.

Certains champions mangeaient librement, Goyle se servant lui-même sa troisième portion. D’autres poussaient la nourriture autour de leur assiette, prenant occasionnellement des bouchées hésitantes.

Hermione faisait partie de cette dernière catégorie. Elle supposait que Voldemort avait demandé à ses descendants d’ordonner à leurs champions de manger, donnant ainsi une fausse illusion de civilité. Toutes les quelques minutes, le python d’Hermione lui ordonnait de prendre une bouchée.

Le festin était élaboré, décorant la table de couleurs vives et éclatantes. Hermione embrochait un autre champignon grillé avec sa fourchette et le plaçait dans sa bouche.

Jusqu’à présent, elle en avait mangé six. Le goût salé s’atténuait peu à peu à chaque bouchée, sa langue n’étant pas habituée à la saveur. Six champignons rôtis, assaisonnés et mangés d’un seul coup, cela ne lui convenait pas, comme si elle trahissait son moi passé. Elle aurait vécu de cela pendant une semaine à Azkaban, Darryl diluant les nutriments dans des soupes froides qu’il lui donnait à manger.

Il lui manquait.

Comme convoqué, un souvenir des enfants qu’il lui montrait se précipitait violemment à sa rencontre.

 

***

 

Hermione apparaissait dans une rue animée, évitant un chariot rempli de tonneaux et de caisses qui cahotaient sur des pavés rugueux.

Il y avait de la tension dans l’air, des foules de gens regardaient en chuchotant un grand voilier amarré dans une baie éclairée par le soleil.

« C’est vraiment ridicule. Cela fait cinq jours. »

« - Attendre. Ça n’a aucun sens… »

« -Ça doit être les Anglais. Ces foutus bâtards… »

Un homme aux vêtements modestes empêchait une femme en pleurs de s’avancer sur le quai. Une foule en colère se formait derrière elle, hurlant des injures à l’homme qui luttait pour garder le contrôle.

«  On ne peut pas s’approcher davantage ? «  Lucy chuchotait durement, ses jupes tachées de marron alors que les trois enfants se tenaient sur un talus boueux, tordant le cou pour voir par-dessus les spectateurs.

Ciaran fourrait sa baguette dans sa poche, ses robes habituellement impeccables remplacées par une simple tenue de plusieurs tailles trop petites, très probablement empruntée au petit garçon aux cheveux bruns qui se trouvait à côté de lui. « Pas avec autant de monde », marmonnait le sorcier.

Lucy s’était assise dans la boue en soufflant. « Pour l’amour du ciel, je croyais que tu étais un sorcier ».

« J’aimerais bien te voir essayer ! » Ciaran était hérissé.

«  C’est toi qui as la baguette. »

Le garçon aux cheveux de jais levait les mains en l’air, frustré. « Une baguette que j’ai depuis quatre mois, pas quatre ans. Un Sort de Confusion, c’est bien au-delà d’une première année, tu sais bien que je ne peux pas juste-« 

« -Peut-être que si tu étais allée dans cette école prestigieuse… »

« -Lucy, arrête », grogna Desmond, inhabituellement sévère alors qu’il regardait le quai d’un œil inquiet. « Ce n’est pas le moment. »

« Je fais de mon mieux », marmonnait doucement Ciaran.

Lucy reniflait, toujours aussi peu impressionnée. « Très bien. »

Les enfants attendaient en silence, alternant entre la position assise et debout au gré des flux et reflux de la foule. Plusieurs autres hommes sortaient du bateau, chacun avec des mouchoirs et des foulards noués autour des moitiés inférieures de leur visage. Hermione ne pouvait pas entendre ce qui se disait, mais cela semblait apaiser quelque peu les villageois.

La foule se clairsemait peu à peu, tandis que le soleil plongeait sous l’horizon.

« Combien de temps vont-ils les garder ici ? » demandait Desmond à voix basse. « Maman est morte d’inquiétude. »

« Ça ne peut plus durer longtemps », insistait Ciaran en tripotant la jambe de son pantalon effiloché. « C’est juste une précaution, une fois que la grippe sera passée, ils pourront débarquer en toute sécurité. Ils ne veulent pas que la maladie se propage au reste du village. »

Desmond acquiesçait, même s’il n’avait pas l’air convaincu.

Hermione était assise avec les enfants alors que la nuit tombait, le groupe s’affalant l’un contre l’autre car ils luttaient contre le sommeil.

Il restait quelques villageois, eux aussi assis dans divers états d’épuisement, tous les yeux étant braqués sur les deux hommes qui gardaient le quai.

Une petite ombre plongeait de la proue du navire, touchant l’eau avec un léger « plop ». L’ombre éclaboussait les enfants, s’arrêtant pour reprendre son souffle sur la berge boueuse en contrebas.

Ciaran sortit sa baguette et la pointa sur la créature.

« Qu’est-ce que tu fais ? Arrête ! » Desmond claquait, attrapant la baguette et envoyant la petite guigne éclabousser la berge en contrebas. Le bruit faisait sursauter le rongeur, qui s’élançait en direction d’un hangar à bateaux à proximité.

« Ce n’est qu’un rat. » Ciaran se moquait.

Desmond poussait le garçon. « Et alors ? Il ne t’a rien fait ! »

« Il m’offensait par sa présence ».

« Vous voulez bien vous taire ? » Lucy gémit, le pouce appuyé contre sa paupière fermée. « Ciaran, laisse ce fichu rat et Des, arrête de pleurnicher ou tu peux rentrer à la maison ».

Les garçons obéirent, s’asseyant avec rigidité et refusant de se regarder l’un l’autre.

Ciaran se tourna vers Lucy. « Tu vas bien ? »

« Bien, pourquoi ? » Elle marmonna.

« C’est juste que… tu as l’air un peu fatiguée. »

Lucy fronça les sourcils et se redressa. « Oh, je suis désolée, je n’avais pas réalisé que mon apparence désastreuse serait une telle distraction. Essaie de partager une chambre avec deux sœurs et un nouveau-né malade. »

« Désolé », répond Ciaran d’un air penaud. « Je croyais que tu avais dit que ta mère allait l’emmener chez le guérisseur ? ».

« Elle a besoin d’argent pour cela. Et cet argent est avec Pa, qui sont tous les deux coincés sur ce stupide bateau là-bas. » Lucy fit un geste de frustration.

« Tu sais que je pourrais simplement te donner l’argent », ricana le sorcier.

Hermione grimaça devant le ton blasé du garçon. Lucy, à juste titre, se leva avec indignation. « Nous n’avons pas besoin de ta charité ! » Elle siffla, les joues teintées de rose, en partant en trombe.

Ciaran la regarda partir, l’air déconcerté. Il se tourna vers Desmond pour lui demander de l’aide ou au moins une explication, mais le garçon se contenta de secouer la tête.

« Quoi ? » bégaya Ciaran. « Qu’est-ce que j’ai dit ? »

« Tu ne peux pas faire ça. Tu ne peux pas proposer de l’argent comme si ce n’était rien. Comme si c’était facile. »

« Mais… » Ciaran fronce les sourcils. « C’est facile. »

« Ça l’est pour toi, et Dieu sait qu’on aurait besoin d’aide- mais c’est une question de fierté », a expliqué Desmond.

« Je ne comprends pas. »

Desmond sourit tristement. « Non, tu ne comprendrais pas. Disons que Lucy a travaillé très dur pour s’occuper du bébé. Le fait que tu lui proposes ton aide lui donne l’impression qu’elle n’en fait pas assez. »

« Ce n’est pas ce que je voulais dire ! » bafouilla Ciaran.

« Je sais », assure Desmond. « Laisse-la se calmer. Elle s’inquiète juste pour Mor. Ma et Pa aussi. »

Avec une secousse, Hermione réalisa que Mor devait être le nouveau bébé. Une autre sœur donc.

« D’accord », soupira Ciaran en s’affalant à nouveau.

Les deux garçons levèrent les yeux vers les étoiles.

« Ton père est de retour ? » Desmond demanda soudainement, comme s’il venait de se souvenir.

« Pas encore, mais il a envoyé un hibou », répond Ciaran. « Il m’a dit qu’il resterait encore quelques jours à Londres. Quelque chose à propos d’une visite au ministère. »

« Comme dans LE Ministère ? Celui dont tu m’as parlé ? » Desmond s’exclame.

«  Bien sûr. »

« Wow. » Desmond respira. «  Ton père doit être vraiment important. « 

Ciaran se traîna, mal à l’aise. « Pas vraiment, mais en tant que plus ancienne famille de sorciers de Grande-Bretagne, nous sommes très impliqués dans les affaires du ministère. »

Desmond haussa un sourcil : « Vous êtes donc comme des membres de la royauté. »

« Hécate, non », se moqua Ciaran. « Les sorciers ne permettraient jamais quelque chose d’aussi archaïque qu’une monarchie. Sans vouloir te vexer. »

Desmond rit. « Je n’en fais pas de cas. »

 

 

***

 

Hermione s’éloigna de ce souvenir avec un soupir, mais l’air fut emprisonné par une autre inspiration involontaire.

Elle toussa, se forçant à avaler tandis que son esprit luttait pour se rattraper.

Ciaran avait dit que sa famille était la plus ancienne famille de sorciers de Grande-Bretagne, mais ce n’était pas possible. C’était les Malefoy. Hermione n’avait jamais entendu parler des O’Broins pendant sa scolarité ou dans ses lectures sur les Vingt-huit Sacrés. En fait, Hermione n’avait jamais vu ce nom mentionné dans aucun des textes sur les anciennes familles de sorciers qu’elle avait lus tout au long de sa scolarité à Poudlard.

Peut-être s’étaient-ils éteints depuis longtemps, mais elle était sûre qu’elle aurait quand même croisé ce nom. Peut-être avait-elle simplement oublié.

Ou peut-être que Ciaran O’Broin et ses amis nés-moldus n’étaient pas un souvenir laissé par un Détraqueur apparemment éteint. Peut-être que tout cela n’était qu’un fantasme qui se jouait dans sa tête embrouillée.

Une toux attira l’attention d’Hermione.

Susan s’étouffait et sifflait depuis le haut de la table, le sang s’écoulant des lèvres scellées, et elle était obligée de mâcher sans langue. Hermione se crispa, serrant fermement sa fourchette jusqu’à ce que la sorcière reprenne son souffle.

Un pied heurta le sien, tapotant en rythme. Hermione retira vivement son pied, jetant un coup d’œil à Théo qui l’observait attentivement.

Elle détourna le regard, en déglutissant.

De toutes les personnes qui auraient pu être placées en face d’elle, Théo était la dernière personne qu’elle avait souhaitée. Sa présence soulevait des questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre.

Hermione détestait les questions sans réponse.

Un frisson s’installa le long de la colonne vertébrale d’Hermione, et elle sentit ses poils se dresser en signe d’avertissement.

C’était une drôle de sensation, celle de savoir qu’on est observé sans voir l’observateur. Un instinct qui avait perduré, lui rappelant qu’elle avait un jour été une proie.

Hermione n’avait pas besoin de ce rappel. Elle était douloureusement consciente de sa place dans le troupeau. Un agneau solitaire à la lisière. Une sang-de-bourbe. Une femme. Vulnérable. Inestimable.

Elle se retourna pour chercher quand même. Ses yeux se dirigèrent vers la sensation sinistre. Elle s’attendait à croiser le regard de Malefoy, de Greyback ou même de Voldemort. Au lieu de cela, elle entrevit une lueur jaune, et son cœur tressaillit dans sa poitrine.

Le chien noir était assis dans le dos de Malefoy et l’observait.

Hermione cligna rapidement des yeux, essayant et échouant à se débarrasser de l’illusion.

Sirius Black était mort. Ce n’était pas réel.

Le chien se dirigea silencieusement vers elle, sa forme imposante se faufilant avec fluidité entre les jambes des personnes assises à la table. Il passa à travers les descendants, puis les diplomates, et enfin les champions. Entre les jupes vertes de Susan et les chevilles croisées de Cho.

Il disparut sous la table et Hermione se pencha pour le suivre.

Alors qu’elle plaçait sa tête dessous, elle entendit le bruit des pieds d’une chaise qui grinçaient sur la pierre.

Il n’y avait pas de chien en vue, juste une mer infinie de jambes et un sentiment inquiétant dans ses tripes.

Le grincement résonna dans la salle, et la table devint silencieuse. Hermione inspira profondément, rassemblant la force nécessaire pour refaire surface.

Rien dedans. Rien dehors.

Hermione se redressa pour voir toutes les têtes pivoter vers sa gauche, les yeux écarquillés par la peur et l’appréhension.

Elle savait qui ils regardaient sans même tourner la tête.

« Bienvenue », lança la voix suave de Voldemort en s’adressant à la salle.

Hermione regarda droit devant elle, refusant de le saluer. Un pauvre acte de défi, si elle pouvait même l’appeler ainsi. De l’entêtement peut-être.

« Certains d’entre vous ont peut-être entendu des rumeurs selon lesquelles la Première Tâche commencerait dans les jours à venir » annonça Voldemort avec un calme soyeux, souriant à la brusque reprise de souffle.

Hermione regarda Susan.

« Je suis ici pour faire taire cette rumeur. La Première Tâche n’est pas dans un avenir proche. »

Elle vit les épaules de Susan se détendre, entourant les champions qui laissaient échapper le souffle qu’ils avaient retenu.

Hermione continua à retenir la sienne, attendant que le bâton tombe. Une captive dans la pause du chef d’orchestre, anticipant le final.

« Ça a déjà commencé. »

Des cris fusèrent de la table.

« Champions, chacun d’entre vous a consommé un poison mortel ! » Voldemort s’exclama gaiement, sa voix portant sur le crescendo des voix.

Goyle laissa tomber sa fourchette avec horreur, se serrant la gorge en signe de panique. Dennis se battit pour se lever de table, les bras en bataille alors que ses jambes refusaient d’obéir. Padma vomissait dans son assiette.

«  Ne vous inquiétez pas « , poursuit-il avec un sourire. « Il a été soigneusement dosé. Vous avez de nombreuses heures devant vous avant qu’il ne vous tue… »

Les Descendants se dévisagèrent avec les mêmes regards de confusion et de surprise.

« -Vous constaterez qu’en sortant de cette pièce, vous aurez désormais le champ libre dans le château et ses environs. Les restrictions liées à votre baguette seront temporairement levées, et vous ne subirez aucune contrainte de la part de vos maîtres. »

Dennis tombait sur le sol, enfin libéré des ordres du Python alors qu’il s’éloignait à grands pas.

« Le laboratoire de potions a été entièrement approvisionné, les chaudrons sont propres et prêts. Tout ce dont vous avez besoin pour survivre est à votre disposition ; tout ce que vous avez à faire, c’est de l’exploiter. »

Des verres se brisaient et des chaises se renversaient tandis que d’autres Champions se levaient précipitamment.

« - Faites-le, et à l’aube, vous vivrez. Ne le faites pas et… eh bien », dit Voldemort en riant. « Je suis sûr que je n’ai pas besoin de vous dire ce qui va se passer ».

Hermione resta assise tandis que l’hystérie commençait à grimper autour d’elle.

Voldemort leva son gobelet dans un geste moqueur.

-« Vous pouvez partir. »

L’effet fut instantané. Un mur opaque se mit en place en claquant, tranchant la table entre les sièges des Champions et tous les autres. Quelques sorts recouvrirent sa surface d’un blanc laiteux tandis que les Champions tiraient sauvagement, brisant des verres et perforant des pommes de terre.

Le mur, semblable à celui qu’elle avait vu lors du procès, resta inchangé. Hermione ne pouvait ni voir ni entendre quoi que ce soit au-delà, même si elle savait qu’ils regardaient les jeux commencer.

Les autres champions s’arrachèrent violemment de la table et s’enfuirent de la grande salle en direction de la salle de cours de potions. Quelques autres sorts errants frappèrent faiblement la surface. Elle ne vit pas s’ils jetèrent un coup d’œil en arrière, son attention étant attirée par l’assiette qui se trouvait devant elle. C’est drôle comme elle semblait appétissante maintenant qu’elle savait qu’elle était empoisonnée.

D’une main ferme, elle fit la première entaille dans son steak, observant le sang s’accumuler autour de l’incision. Le grincement de son couteau sur l’assiette était le seul son, la surface réfléchissante d’un miroir passant près de ses épaules voûtées alors qu’il planait au-dessus d’elle.

Coupe. Mâche. Avale.

Le goût du fer emplit sa bouche, et elle se demanda si c’était ce que l’on ressentait quand on naissait prédateur au lieu d’agneau.

Lentement, elle dévora la chair sanguinolente et à moitié crue.

Et elle en voulut encore.

 


 

Chapter Text


Leçon de Potion


 

Hermione avait été végétarienne à une époque. De neuf à onze ans, elle avait refusé de manger toutes les variantes de viande que sa mère lui préparait, arguant que c'était immoral. Elle était restée fidèle à ses convictions, même lorsque l'arôme du rôti de porc lui faisait affluer sa salive dans la bouche. Hermione était aussi têtue que moralisatrice. C'est en lisant la lettre de Poudlard qu'elle fut finalement convaincue d'y renoncer. Elle était déjà bizarre. Déjà différente. Ajoutez à cela son statut sanguin, et Hermione savait qu'elle aurait du mal à se faire des amis. Le fait d'être végétarienne ne ferait que renforcer sa marginalité. Alors, pour la première fois de sa vie, Hermione se conforma. Elle avait timidement grignoté une cuisse de poulet rôti lors du festin de bienvenue à Poudlard, tandis que Ron dévorait le reste de la poule. Personne ne l'avait remarqué. Personne n'avait rien dit. C'était normal. Elle était sans histoire. Tous les yeux étaient rivés sur le Garçon qui avait survécu. Mais maintenant, ils l'observaient, ils l'observaient alors qu'elle n'essayait pas de se cacher ni de se conformer.

 

Elle mangeait par dépit.

De la salade, des légumes rôtis et du pain tartiné de beurre. Du vin, de l'eau et du jus de citrouille. Hermione mangeait tout. Se forçant à avaler un peu de tout, même si son estomac atrophié se rebiffait violemment face à la nourriture. Elle ne prenait aucun risque. Le poison pouvait se trouver dans tous les plats comme dans un seul. Il pouvait être dans l'eau qu'elle buvait ou dans l'air qu'elle respirait. Il n'y avait aucun moyen de le savoir, alors elle resta assise, consommant calmement son passage vers la liberté. Peut-être que si elle avait de la chance, elle absorberait de grandes quantités de poison et mourrait avant le lever du soleil.

 

Quel cadeau ce serait.

Couper. Mâcher. Avaler.

 

Hermione n'était pas sûre de savoir combien de temps elle était restée assise à s'empiffrer, cela ne devait pas faire plus d'une heure quand des pas résonnèrent mollement dans le hall. Quelque chose la fit s'arrêter, sa fourchette se figeant à quelques centimètres de ses lèvres. Il avait l'air sûr de lui. Familier. Elle ne pouvait pas entendre ce qui se passait de l'autre côté de la barrière, mais elle pouvait entendre chaque pas qui se dirigeait vers elle. Des bruits de pas de son côté de la barrière. Hermione leva les yeux juste à temps pour voir un éclair de lumière verte.

 

"Avada Kadava" prononça Théodore Nott avec ennui, sans sourciller, tandis que les deux gardes qui avaient eu la malchance d'être laissés de leur côté s'effondraient dans un bruit sourd et écœurant. Il semblerait que Voldemort ne mentait pas sur le fait que leurs baguettes n'étaient plus restreintes. Brossant des peluches invisibles sur ses manches, Theo leva les yeux et afficha un sourire éblouissant.

"Hermione " rayonna-t-il, une émotion étrangère enrobant ses syllabes. "Te voilà ! Nous t'avons cherchée partout."

Il se posa à côté d'elle, le coude appuyé sur la table, et se pencha en avant. Saisissant son poignet encore frigorifié, il approcha sa fourchette de sa bouche et prit une lente et sensuelle bouchée de son crumble à l'abricot. Il ronronna en appréciant, sa langue passant à la commissure de ses lèvres tandis qu'elle clignait des yeux, déconcertée. Était-il toujours aussi arrogant ? Était-ce normal pour eux ? Est-ce que leur relation…

"Je sais qu'il convient de finir son assiette, chérie, mais nous manquons cruellement de temps. Penses-tu pouvoir finir pour que nous puissions rejoindre tous les autres ?" Il hésita, tamponnant délicatement le côté de sa bouche avec sa serviette. Hermione ne bougea pas. Le jeune homme se contenta d'un signe, tapotant la table du bout des doigts.

 

Au bout de quelques instants, il sourit.

"Très bien, ma chère, tu as gagné. J'attendrai."

Passant sa jambe libre sous la table, il commença à se servir du reste du crumble aux abricots, faisant glisser le dessert dans d'abondantes quantités de crème. Pour chaque bouchée qu'elle prenait, il en faisait passer deux, trois, quatre entre ses lèvres, comme s'ils jouaient à un jeu.

Plusieurs miroirs flottaient autour d'eux, capturant chaque bouchée et chaque gorgée. L'appréhension commença à se faire sentir dans les tripes d'Hermione. Il ne pouvait pas rester ici éternellement, pas s'il voulait vivre. Il partirait sûrement bientôt.

Il partirait bientôt. N'est-ce pas ?

Elle jeta un coup d'œil hésitant au sorcier et il capta son regard avec sa bouche pleine de crème. Ses yeux scintillaient d'un air avisé, satisfait. Il savait qu'il l'avait battue. Salaud.

 

Avec un profond soupir, Hermione laissa tomber sa fourchette et se leva. Theo suivit immédiatement, tirant sa chaise comme le gentleman que ses parents lui avaient appris à être. Elle ne dit rien et sortit de la pièce, enjambant au passage les cadavres tout en réfléchissant aux moyens de se débarrasser du sorcier.

Elle laissa ses pieds la porter instinctivement vers l'infirmerie, sa robe rouge se balançant tandis que le sorcier et les miroirs flottants la suivaient.

 

"Le laboratoire de potions est par là" appela Théo en indiquant par un geste le couloir à sa droite. Hermione tourna à gauche. Il souffla, courant pour la rattraper. "Où allons-nous ? demanda-t-il.

Elle l'ignora, choisissant de se laisser emporter plus loin dans la glace.

 

Rien ne rentre. Rien ne sort.

 

Le guérisseur Lewis était introuvable. Elle se demanda s'il avait été au courant de la mission, s'il lui aurait transmis des informations. Peut-être avait-il simplement été évacué à l'extérieur du château. Peut-être était-il mort, poussé à bout par les manipulations mentales de Malefoy. Elle aurait aimé lui dire au revoir, mais la vie ne l'avait jamais considéré comme digne de faire des adieux ou de tourner la page.

Découvrant une réserve de Dictane dans un placard usé, Hermione glissa l'herbe dans les poches cousues de sa robe, en prenant bien soin de ne pas toucher sa baguette. Comme elle l'avait prédit, elle ne trouva ni antidote ni Bézoard, des traces nettes sur l'étagère poussiéreuse étant la seule indication qu'ils s'y trouvaient autrefois.

Elle se retourna et découvrit Théo en train d'ôter la couche supérieure de sa tenue, les joues rouges et enflammées.

"Qu'est-ce que tu fais ? Siffla-t-elle.

Le sorcier cligna des yeux, surpris par son ton.

"Il fait sacrément chaud ici" marmonna-t-il en essuyant la sueur sur son front.

Elle ne savait pas de quoi il parlait, au contraire, il faisait de plus en plus froid, ses mains étaient agréablement engourdies et se teintaient de violet. Hermione le regarda curieusement, avant de le contourner et de se diriger vers le laboratoire de Potions. Comme d'habitude, le sorcier et les miroirs suivaient de près. Le premier continuait à se déshabiller, jurant en trébuchant sur le tissu abandonné. Elle lui jeta un coup d'œil et nota son teint orangé, ce qui lui donna des sueurs froides.

On pouvait entendre le laboratoire de Potions avant même qu'ils n'y arrivent. Hermione poussa la porte et observa le chaos qui régnait devant elle.

"C'est trois gouttes d'Essence de Rue Fétide, putain de gland ! Pas toute la bouteille", s'emporta Justin en arrachant le chaudron à Goyle et en le jetant dans l'évier.

 

Les Champions se pressaient autour des trois chaudrons à disposition, la sueur et la vapeur imprégnant la salle de classe bondée. Les ingrédients étaient éparpillés sur les établis, et des piles de feuilles vertes étaient regroupées au milieu.

"Dans le sens inverse des aiguilles d'une montre !" cria Justin, son rôle de guérisseur prenant tout son sens, "Comptez chaque remous ! Rappelez-vous que c'est vingt-trois, ni plus ni moins. Et assurez-vous que... Seamus ne touche pas à ça !"

 

Seamus se renfrogna et recula.

"Je ne fais que regarder !"

"Eh bien, ne le fais pas." Justin fulminait. "On a déjà perdu deux fournées à cause de toi, alors ne bouge plus."

 

Seamus grommela dans son souffle, le mot "connard" à peine audible.

Le groupe n'avait pas encore remarqué l'arrivée d'Hermione, qui en profita pour se glisser silencieusement dans la salle de classe, en longeant les murs. Théo la suivit, choisissant de prendre place sur le bureau du professeur et de se ventiler avec un morceau de parchemin oublié.

Comprenant la raison de sa venue, Hermione se précipita vers Susan. La sorcière était recroquevillée dans le fond, la joue appuyée contre l'épaule de Dennis. Ses dents claquaient, et Hermione pensa d'abord que c'était dû à la blessure, jusqu'à ce qu'elle s'approche suffisamment pour se rendre compte que Dennis frissonnait lui aussi.

"Susan ? demanda Hermione avec douceur.

La sorcière leva les yeux, un petit sourire sanglant se dessinant sur ses lèvres. Dennis enroula sa main autour d'elle pour la protéger, et regarda Hermione avec méfiance.

"Je t'ai apporté quelque chose," croassa Hermione en sortant l'herbe de sa poche. " C'est de la Dictane, ça devrait t'aider avec- avec ta langue " bégaya-t-elle.

 

D'une main tremblante, Susan prit l'herbe, un grognement étant le seul son qu'elle put produire. Lorsque leurs mains se touchèrent, Hermione fut choquée par le froid au bout de ses doigts. Susan avait toujours été chaude. La plupart des gens assez courageux pour toucher Hermione avaient la sensation d'être brûlés par le soleil, comparés au froid qu'elle dégageait.

Mais les mains de Susan étaient gelées et teintées d'un violet profond. En baissant les yeux, Hermione se rendit compte que Dennis était dans le même cas.

"Merci", dit Dennis à voix basse, en luttant pour couper les herbes en petits morceaux afin que Susan puisse les mâcher.

Hermione se tenait à l'écart, l'esprit en ébullition.

"Cela ne guérira pas complètement" commença-t-elle, "mais cela aidera à soulager la douleur et, dans un jour ou deux, tu devrais être capable de parler à nouveau" proposa-t-elle doucement.

Susan hocha la tête, plaça l'herbe dans sa bouche et grimaça en commençant à mâcher de façon maladroite. Hermione aperçut le moignon pulpeux sur sa bouche, dont les bords étaient à vif mais qui ne suintait plus de sang.

Justin avait déjà dû essayer de la guérir, or les sortilèges ne suffisaient pas à faire repousser les tissus. Susan avait besoin de Dictane et de temps. Hermione ne pouvait lui offrir que l'un des deux.

"Putain ! C'est censé être indigo, pas violet !" Justin criait sa frustration en jetant un autre chaudron.

Parvati poussa un soupir d'irritation, sa baguette toujours dans la main. Elle sauta de son tabouret, vacillant légèrement en se dirigeant vers Cho. Cho trébucha en tentant de serrer la sorcière dans ses bras, ses mouvements étant lents. Il ne restait plus que deux chaudrons.

 

"Je vais aller en chercher d'autres", proposa Luna en s'essuyant le front.

"Non, coupa Justin, tu restes ici. Il nous en reste assez pour l'instant. Si nous en avons besoin plus tard, nous irons en chercher d'autres."

"Nous avons encore le temps", ajouta Neville avec assurance, en se frottant les yeux et en clignant rapidement des paupières.

 

Hermione sentit la pièce osciller sur elle-même, des pièces d'échecs se déplaçaient dans son esprit. Il y avait une stratégie, un plan qu'elle ne percevait pas encore. Dennis essuya les lèvres de Susan avec sa manche, dont le tissu était taché de rouge et de vert.

"Toujours aussi belle" murmura-t-il, et Susan lui sourit, les lèvres bleutées.

Hermione s'éloigna en chancelant, son regard passant d'un occupant de la pièce à l'autre. Justin renifla, une liasse de mouchoirs en papier pressée contre son nez.

"Bien !" souffla-t-il. "Oui, parfait Luna, je pense que c'est prêt. Padma, Ron, ça avance ?"

La paire se tenait au-dessus du petit chaudron qui restait. Les yeux de Padma se teintaient de rouge tandis qu'elle plissait les yeux en signe de concentration.

" J'ajoute juste un peu de Pus de Bubobulb ", annonça Ron par-dessus son épaule, tout en se léchant les gerçures de ses lèvres alors qu'il ajoutait deux gouttes dans le liquide frémissant.

Les sons commencèrent à s'atténuer tandis qu'Hermione apercevait le tableau noir à l'avant de la salle de classe. Entre les miroirs et la vapeur, une grande feuille de parchemin flottait de façon inquiétante devant le tableau. Les noms de chacun des Champions étaient listés par rang, celui d'Hermione en bas, griffonné proprement à côté du chiffre quinze. Théo lui adressa un sourire malicieux, pensant qu'elle fixait son torse luisant à travers sa chemise déboutonnée et trempée de sueur. Mais alors qu'il notait l'expression de la jeune femme, son sourire se transforma lentement en un froncement de sourcils. Il regarda derrière lui, alternant entre la liste et Hermione, avec ses lèvres coincées entre ses dents.

George traînait des parchemins sur le sol, les sourcils froncés par la concentration alors qu'il épluchait des textes de potions, ne s'arrêtant que pour descendre son verre d'eau et le remplir à nouveau d'un charme silencieux.

"- cinq doses. Passez-les à ceux qui en ont le plus besoin !" annonça Justin.

 

Hermione s'approcha de Théo, son regard se posant sur la craie griffonnée sur le tableau noir partiellement obscurci.

 

La Goutte de Trompette des Anges

Antidote au poison de la corne du diable.

Ingrédients :

  • 2⁄3 tasses de Racine Amère
  • 4 yeux de Triton
  • 1 Champignon Explosif
  • 3 gouttes d'Essence de Rue Fétide
  • Une pincée de cannelle
  • 2 gouttes de Pus de Bubobulb
  • Ingrédient manquant : 6 feuilles de Tentacula vénéneuses écrasées.

 

Les Champions avaient travaillé en son absence, semblant avoir résolu la première tâche. La Tentacula vénéneuse était elle-même très toxique. Ses pointes pouvaient tuer en trente minutes. Mais ils avaient jusqu'au lever du soleil, ce n'était donc pas le but de cette tâche. Son poison était également toxique, mais pas mortel. Il produisait une sensation de brûlure dans la poitrine et rendait la peau de la victime violette. Pour autant qu'Hermione puisse en juger, personne ne présentait ces symptômes. Cependant, sa substance était un ingrédient de la Corne du Diable. Les indices de Voldemort étaient logiques, c'était le seul poison qui contenait une partie de la Tentacula vénéneuse et, par coïncidence, la Goutte Trompette Des Anges était le seul antidote au poison qui contenait la même plante mortelle. Les feuilles servaient d'ingrédient déclencheur, leurs molécules permettaient à l'antidote de tromper les cellules empoisonnées en leur faisant croire qu'il s'agissait de l'une d'entre elles. Une fois accepté, l'antidote élimine les cellules corrompues, purgeant le sang du poison. Une potion révolutionnaire, la seule de son genre à combattre le feu par le feu. Quant à la Tentacula vénéneuse, elle pouvait à la fois condamner et sauver la vie selon son utilisation.

Ce qui signifiait que le poison qu'on leur avait administré devait être la Corne du Diable. Ses yeux revinrent sur le regard inquiet de Théo. Il lui parlait, mais elle ne l'entendait pas à cause du bourdonnement dans ses oreilles. La corne du diable.

    

Le professeur Rogue en avait parlé une fois en classe. Elle tuait en quatre à sept heures, selon la dose. Les symptômes étaient la fièvre, la transpiration abondante et la peau orangée. Hermione fixa le teint de Théo, puis son nom sur la liste. Il était le numéro trois.

 

Corne du Diable. Trois.

 

Le bourdonnement s'amplifia. Hermione se retourna, ses yeux dansant frénétiquement vers Luna et Ginny. Toutes deux étaient en sueur. Toutes deux avaient la peau orangée. Luna tendit une tasse à Susan, qui l'accepta d'une main crispée. Hermione revint à la liste, puis au verre d'eau de George et aux lèvres gercées de Ron.

 

Quatre. Six.

Cho et Parvati étaient assises ensemble, leurs mouvements étaient lents et saccadés.

Sept. Huit.

Les paupières tombantes de Seamus.

Neuf.

Les mouchoirs de Justin. Les yeux rouges de Padma.

Dix. Onze.

Les mains violettes. Les frissons. Dennis et Susan. Hermione.

Treize. Quatorze. Quinze.

Il y en avait trois. Il ne devait y avoir un indice que pour les trois premiers. Non, pas un indice. Un avantage.

Ginny, Luna, Theo.

Peau orange. Corne du diable. Tentacula venimeuse.

 

"Je vais en ramasser d'autres" avait dit Luna.

Il fallait ramasser des feuilles de Tentacula. Un ingrédient courant qui était toujours, toujours présent dans un laboratoire de Potions.

Des traces diffuses sur les étagères poussiéreuses d'une armoire branlante.

Une liste. Un avantage.

 

Le visage de Ron s'illumina dans la salle de classe des Serpentards. "Nous devons travailler par groupes de trois !"

 

Treize, quatorze, quinze.

Des mains violettes. Des frissons.

Des frissons.

 

La prise de conscience la frappa comme un éclair. Hermione se jeta à travers la pièce. Elle n'avait jamais été athlétique comme Ron ou rapide comme Harry, mais à cet instant, elle vola. Elle se jeta sur la tasse posée entre les lèvres bleues de Susan.

 

"NON !" Elle rugit, balançant le gobelet sur le sol. Dennis était sous le choc. "Hermione ! Qu'est-ce que..."

"Tu l'as bu ? cria Hermione, tapotant la bouche ensanglantée de Susan en désespoir de cause. "Susan, tu l'as bu ? Tu l'as bu !"

Susan recula sous le choc, les yeux écarquillés de peur et de confusion, tandis qu'Hermione haletait. Elle secoua la tête.

Une fois. Deux fois.

 

Le soulagement fit tomber Hermione à genoux, sa brusque inspiration oscillant entre le halètement et le sanglot.

"Hermione" commença Ron, sa voix prudemment monotone. "Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que tu as trouvé ?"

Ron avait été témoin de la façon dont elle résolvait les problèmes des centaines de fois. Il avait déjà décrit, en plaisantant, son visage au moment de la prise de conscience.

"On dirait des soucoupes ." Il avait dit. "Tes yeux deviennent tout... étincelants et doublent de taille. Je te jure que même tes cheveux gonflent."

Il semblait que le temps n'avait pas effacé cette familiarité. Ron la connaissait toujours. Il reconnaissait toujours l'expression particulière qu'elle affichait inconsciemment. Elle se retourna, le pouls tonnant à ses oreilles.

"Tu l'as fait ?" lui lança-t-elle à brûle-pourpoint.

Ron la fixa muettement, le visage figé dans l'incrédulité.

"Ron", insista Hermione en se relevant. "As-tu bu l'antidote ?

 

Il inspira brusquement, la mâchoire ouverte. La terreur prit Hermione à la gorge, la porte de sa cellule ruisselant de morceaux de glace.

Elle agrippa fermement sa robe et le secoua violemment.

"Tu l'as bu, Ron !" cria-t-elle.

Le visage de Ron se vida de ses couleurs et elle comprit enfin ce qu'il avait voulu dire par "soucoupe". Ses yeux étaient grands ouverts, le bleu reflétant son visage terrifié.

"RON !" rugit-elle, frappant sa poitrine de frustration. "Réponds-moi !

Finalement, le sorcier revint à la réalité.

"Non", s'étouffa-t-il, la voix étranglée. "Pas encore".

 

Hermione eut un hoquet, chassant ses larmes.

Merde. Merde.

Ce n'était pas censé se passer ainsi. Elle était censée rester en retrait. Il la regardait maintenant, apercevant enfin une version passée d'elle-même qu'elle avait gardée cachée.

Oh mon Dieu, qu'avait-elle fait ?

Elle retira ses mains et recula de plusieurs pas jusqu'à ce que son dos heurte l'un des bureaux. Elle se raidit face à son regard, terrifiée à l'idée de se montrer au grand jour.

Hermione se crispa, attendant qu'il dise quelque chose d'autre. Qu'il se rapproche.

"Quelqu'un d'autre a pris l'antidote ?" demanda Ron à la place, d'une voix épaisse mais forte.

A sa grande surprise, il lui tourna lentement le dos, comme pour ne pas l'effrayer, pour faire face aux autres, lui accordant un moment de répit. Profitant de l'occasion pour se ressaisir, Hermione commença à cristalliser le ruissellement dans son esprit.

Un concert de "non" retentit parmi les autres membres du groupe. Seamus leva la main.

" Oui, moi ", répondit-il en la défiant du regard. Il répondit par un signe de tête, la regardant d'un air suspicieux. "Et qu'en est-il ? N'est-ce pas ce que nous sommes censés faire ?"

"Faire quoi ?" demanda Théo, apparaissant à ses côtés.

 

Ron serra la mâchoire, observant l'espace qui les séparait avant de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Hermione tremblait légèrement, les yeux stupéfaits de ses camarades la réduisaient au silence. Susan se leva d'un pas tremblant et se dirigea silencieusement vers Hermione, lui offrant un bouclier derrière lequel se cacher.

" Hermione ? " Neville l'interrogea doucement. "Peux-tu nous dire ce qui ne va pas avec l'antidote ?" Hermione lutta contre l'envie de se retourner et de s'enfuir.

Les ongles plantés dans sa paume, elle se rappela qu'elle leur avait déjà parlé une fois, et qu'elle pouvait le faire à nouveau. Elle n'avait pas le choix.

Elle se demanda si elle en avait eu un au départ.

"Rien", croassa-t-elle en fixant le sol. "Ce n'est pas l'antidote qui pose problème, c'est le poison."

"Tu ne penses pas qu'ils ont utilisé la corne du diable ?" demanda Justin. Hermione secoua la tête. "Ils l'ont fait, juste.... Pas sur nous tous." Neville fronça les sourcils. "Qu'est-ce que tu veux dire ?

"Je crois que Ron avait raison" bégaya Hermione. "Je pense que nous avons été divisés en groupes de trois. Un poison différent pour chacun. Susan, Denis et moi semblons avoir des symptômes similaires et Ginny…"

 

Ginny leva brusquement la tête.

Hermione déglutit.

"Ginny, Luna et Theo... Vous avez tous des symptômes compatibles avec la Corne du Diable. Je pense que l'antidote fonctionnera sur vous, puisque c'est vous qui avez reçu l'indice. Mais pour le reste d'entre nous, l'antidote est inutile, pire, il pourrait causer plus de dégâts et..."

"Pourquoi devrions-nous te croire ?" Seamus se fâcha.

"Seamus ! Cho siffla.

"Quoi ? Il renifla. "Comment savoir si ce n'est pas un stratagème pour nous empêcher de prendre l'antidote ? Écraser la concurrence."

 

Hermione s'agrippa fermement à l'établi, tentant de calmer sa respiration.

"La liste", martela-t-elle. "Je crois qu'elle nous a regroupés en fonction de notre rang. Plus le rang est élevé, plus il est facile de fabriquer l'antidote."

"Ils ont bien dit que le classement était important" affirma Justin en réfléchissant à la liste.

Goyle fronça les sourcils.

"Mais comment ont-ils fait pour nous donner des poisons différents ? J'ai tout mangé. Est-ce que ça veut dire que je dois boire un millier d'antidotes ?"

"Ouais, comment ont-ils su ce qu'on allait choisir de manger ?" ajouta Dennis d'un air pensif.

Hermione réfléchit à son tour, en passant en revue son interminable repas.

"Les places" répondit Ron. "Nous avions tous des places assignées.

C'était une nouvelle pour Hermione. Arrivée la dernière, elle avait supposé que son siège était simplement le seul disponible.

"Mais je ne me suis pas assis près de Ginny ou de Luna", argumenta Théo. "Et pour que nous ayons jusqu'à l'aube, cela signifie que chaque portion de poison a été méticuleusement mesurée, donc ils n'ont pas pu empoisonner toute la nourriture - sinon Goyle ici présent serait déjà mort."

"Oui !" Goyle hocha la tête d'un air entendu.

Seamus se moqua.

"Alors on s'est tous assis à des places différentes et on a mangé des plats différents dans des portions différentes, tout en recevant des poisons différents par groupes de trois avec des quantités précises."

Theo regarda Hermione pour avoir une confirmation. Elle acquiesça.

"C'est vrai", ricana Seamus. "Parce que c'est tellement plus logique que le fantôme qui essaie de tous nous tuer."

"Et comment te sens-tu, Seamus ?" demanda Ron.

" Foutrement bien. " s'emporta Seamus."Merci d'avoir demandé."

Hermione examina le sorcier derrière Susan.

"Tu te sens amorphe ?" demanda-t-elle avec hésitation. "Comme si tes membres te retardaient ?"

Les yeux du sorcier scintillèrent en signe de récognition. Il haussa les épaules.

"Oui, dit Cho. "Et mon visage est engourdi."

"Pareil" ajouta Parvati.

 

Justin griffonne sur le tableau. Il écrivit 'engourdi' et 'léthargique' suivi de leur nom et de leur rang.

"Septième. Huitième..." Justin marmonna, fixant la liste avant de reprendre son écriture. "Seamus, tu es neuvième, as-tu les mêmes symptômes ?

Seamus a serré le poing, les yeux baissés en marmonnant : "Oui". Justin ajouta son nom au tableau. Ginny resta en retrait et observa le groupe se chamailler à propos des symptômes, des classements et des poisons. Chaque minute s'écoulait, une minute plus proche de la mort de Teddy. Sa bouée de sauvetage, l'antidote, reposait intacte dans la tasse posée sur ses genoux. Sa teinte indigo l'appelait à boire, à vivre. Mais pas tout de suite. Elle devait en être sûre. Ginny ne connaissait pas grand-chose aux potions, mais elle en savait assez pour savoir que c'était une chose capricieuse. La moindre erreur pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Ginny ne pouvait pas se permettre de conséquences. Pas quand il s'agissait de Teddy. Alors elle s'assit, observa et attendit. C'était tout ce qu'elle semblait faire ces derniers temps.

 

Après une heure et quarante-trois minutes angoissantes, Justin avait réussi à réduire le nombre de poisons possibles pour chaque groupe.

"Ok, donc il y a cinq groupes, ce qui veut dire cinq poisons différents qui..." Justin poussa un juron en repoussant un miroir qui s'était approché un peu trop près. "Bâtards", grommela-t-il.

Ginny leva les yeux vers les miroirs qui entouraient la pièce. Ils observaient et attendaient eux aussi. Elle se demanda quel genre de personne pouvait regarder cela pour se divertir. Quel genre de monstres aspirait à leur disparition.

"De toute évidence, la Corne du Diable, c'est-à-dire le groupe 1, les rangs 1, 2 et 3, annonça Justin. "Ginny, Luna et Theo ont tous les mêmes symptômes : fièvre, transpiration et peau orangée.

"Je pense que c'est plutôt une belle couleur saumon", ajouta Luna. "Bien sûr, Luna", a répondu Justin poliment, avant de se lancer dans son explication.

"La Goutte Trompette Anges est le seul antidote connu, et vu que nous avons dû récolter nous-mêmes les feuilles de Tentacula, je dirais que cela correspond à l'indice qui a été donné."

   

Justin agita sa baguette.

"Le groupe 2 est composé de Ron, Neville et George. Classement quatre à six. Vous avez tous soif, vous êtes déshydratés et votre vision est floue. Il pourrait s'agir de l'un des deux poisons potentiels, le Mélange malveillant ou Aquanaris Cap. Qui...

" Il ne faut pas oublier la tristesse ". George l'interrompt. "Je me sens... triste. Comme si quelqu'un venait de mourir." "C'est probablement parce que quelqu'un est sur le point de le faire", répondit Seamus, stoïque.

Georges secoua la tête.

"Non, je me sens... différent. Comme si ce n'était pas la mienne. Il n'y a rien de particulier qui m'attriste, mais ça empire avec le temps."

Ginny déglutit, repensant à l'expression dévastée de George lorsqu'il avait vu cet os réparé. Son chagrin était compréhensible, il venait juste de découvrir comment les restes de son jumeau étaient exhibés.

"Même chose" ajouta Neville à voix basse, refusant de regarder Ginny alors qu'il s'adressait à George à ses côtés.

Un frisson de culpabilité traversa Ginny lorsque les Champions lui jetèrent un regard avisé. Certains avec pitié. D'autres accusateurs.

Ginny leur renvoya leur regard avec insistance. C'était sa faute, elle l'avait mérité.

Ron déglutit, les joues roses.

"Moi aussi" répéta-t-il. "J'ai l'impression d'être déprimé."

"On est tous déprimés, putain" se moqua Seamus. Ron grogna. "Seamus, je jure devant Merlin..."

"Alors la dépression, c'est ça !" Justin piailla, comme un professeur qui se débattait avec ses élèves turbulents. Ginny se demanda si c'était ce qu'il aurait voulu devenir, s'il n'y avait pas eu la guerre. Elle pensa qu'il aurait été doué pour cela.

Le sorcier écrivit "dépression" en lettres majuscules.

" Ce doit être le Mélange malveillant ", murmura Hermione. Ginny réprima un frisson.

Il était difficile de regarder Hermione interagir et parler comme, eh bien, Hermione. Elle était encore fermée, nerveuse et versatile. Mais il y avait un petit éclat dans ses yeux éteints, le maquillage qu'elle portait ajoutant de fausses couleurs à son teint pâle habituel. On aurait dit la vraie Hermione, mais ce n'était pas le cas. Elle était comme un reflet. Une contrefaçon. Ginny ne savait pas trop quoi en penser.

"Tu as raison, approuva Theo, Aquanaris Cap provoque l'euphorie, pas la tristesse ou la dépression.

 

Cho prit l'un des livres de potions que George lui tendait et en feuilleta les pages.

" Le Mélange Malveillant est un breuvage toxique qui entraîne la mort par déshydratation " lut-elle à haute voix. "Une fois la potion absorbée, la victime succombe en moins de sept heures. Les symptômes comprennent une soif insatiable, une bouche sèche, des maux de tête, une cécité croissante, des hallucinations, un chagrin intense et..."

"...une miction excessive. Le seul antidote connu est le Breuvage de Bienveillance, une potion complexe contenant..."toussota, Cho.

" Merci Godric " soupire George, " Je croyais que ce n'était que moi. J'ai l'impression d'être sur le point de pisser dans mon pantalon."

 

Des rires étouffés retentirent dans la pièce, mais ils furent rapidement interrompus par les coups de baguette de Justin. Sa baguette frappait le tableau successivement, rappelant étrangement celle du professeur Rogue. Ginny pouvait presque faire comme si elle était de retour dans l'un de ses cours.

"Le Mélange Malveillant alors. Maintenant..." Justin se fâcha. "Groupe trois, c'est..."

"Parvati, Cho et moi, on sait", grommela Seamus.

"Sept à neuf. Paupières tombantes, engourdissement, difficulté à marcher, paralysie qui s'aggrave. Le seul poison qui correspond à cette description est la Potion Actée En Épi. Les symptômes commencent à s'accélérer à partir de la troisième heure, vous devez donc vous attendre à un affaissement du visage et à une paralysie quasi-totale des membres."

"Combien de temps nous reste-t-il ? demanda Parvati.

"Sept heures" répondit Justin, "à peu près".

"Comme pour les deux autres poisons" ajouta Goyle, étonnamment attentif.

Ginny fut honnêtement surprise que le sorcier l'écoute. Elle n'avait jamais vu le Serpentard rester éveillé aussi longtemps, il s'endormait toujours pendant leurs réunions au refuge de l'Ordre.

"Seamus, commença Theo avec précaution, tu as peut-être moins de temps. Nous ne savons pas comment la Goutte De Trompette Des Anges interagit avec le poison, mais par sécurité, tu devrais..."

"Je m'en sortirai", dit Seamus d'un ton sec. "J'ai déjà eu affaire à pire, n'est-ce pas ?" Parvati se tourna vers Cho, dont le visage avait perdu toute couleur. "Qu'est-ce qu'il y a ?

Cho secoua la tête d'un air hésitant.

"Il est dit qu'à partir de la sixième heure, le corps commence à s'éteindre, entraînant une paralysie totale du corps et..." Elle hoqueta, des larmes tachant les pages encrées. " Ça dit que la cause de la mort est la déficience pulmonaire. Nous allons suffoquer."

Parvati prit doucement le livre et le rendit à George avant de saisir les mains de sa femme. "Ça va aller", assure-t-elle. "Ce n'est pas ce qui va se passer.

 

Ginny détourna le regard de la démonstration de tendresse, et ses yeux croisèrent brièvement le regard nostalgique de Neville. Il baissa immédiatement la tête.

Ginny eut l'impression qu'elle allait vomir.

"Coupe de l'Eléphore. L'antidote est composé d'ingrédients communs, donc si nous trouvons des Bézoards, nous devrions les garder pour l'une des infusions plus difficiles, par précaution" expliqua Justin.

Théo fronça les sourcils.

"Il n'y en a pas ici ?"

Luna secoua la tête.

"Nous nous sommes renseignés, il y en a peut-être à l'infirmerie..."

"Il n'y en a pas." Hermione l'interrompit, le ton neutre. " On a vérifié. "

Ginny évalua à nouveau la sorcière. Il semblait que le fantôme avait repris son regard éteint.

"Cela n'exclut pas la possibilité" assura Neville. " On pourrait en trouver n'importe où dans le château. Dans les anciens quartiers de Rogue peut-être, ou dans la Salle sur Demande."

Justin acquiesça, notant les endroits possibles. Jusqu'à présent, il n'avait utilisé sa baguette que pour marquer des repères, Ginny se demanda s'il avait oublié qu'elles avaient d'autres usages que la guérison, ou s'il préférait tout simplement la méthode moldue pour résoudre un problème.

"Goyle, Padma et moi sommes classés de dix à douze. Jusqu'à présent, nous avons tous eu des ecchymoses inexpliquées, les yeux injectés de sang et le nez qui saigne. Nous avons déjà vu cela après la bataille dans le Wiltshire". Justin affirma solennellement.

Ginny grimaça devant les flashs d'images qui surgissaient sans retenue. La bataille du Wiltshire avait été un véritable cauchemar, neuf combattants avaient été tués et sept autres avaient succombé à une maladie inconnue peu de temps après. Ils ne savaient pas ce que c'était à l'époque, les malades étant isolés des blessés. Comme il n'y avait pas de lits libres et que les réserves diminuaient, ils avaient tenté de panser les blessés avec des draps de lit arrachés et des pommades rudimentaires. Kingsley fut le premier à partir. Ses blessures étaient si graves à l'arrivée qu'ils n'avaient pas pu déterminer s'il était déjà porteur de cette maladie infectieuse inconnue. Comme il était leur chef à l'époque, ils avaient gaspillé presque toutes leurs réserves en essayant de le maintenir en vie. Alors que l'état des patients malades commençait à s'aggraver, les blessés étaient lentement déplacés vers les lits tachés de sang, les corps étant transférés au sous-sol. Ils ne pouvaient pas prendre le risque de les emmener à l'extérieur de la planque, tant qu'ils n'étaient pas sûrs de ne pas avoir été suivis. La puanteur était épouvantable, s'élevant des planchers dans tous les coins de la maison.

 

Parfois, Ginny jurait qu'elle pouvait encore sentir l'odeur.

Ils en perdirent deux autres à cause de l'infection, la combinaison de couvertures réutilisées et de cadavres en décomposition ayant envenimé leurs plaies. Et comme ils n'avaient pas su si la maladie était contagieuse, ils s'étaient isolés dans les chambres de l'étage. Accroupis sur un seau, en mangeant des barres de muesli périmées. Justin n'était même pas encore guérisseur, mais il avait passé cinq jours infernaux à assister Pomfresh. Il ne fut plus jamais le même après cela, ses cris étant devenus récurrents durant la nuit au cours des mois qui suivirent. Ce n'est qu'après plusieurs interventions et une consommation excessive de Sommeil sans Rêve qu'il avait pu se reposer toute la nuit. Ils avaient découvert, trop tard, qu'il ne s'agissait pas du tout d'une maladie. Il s'agissait plutôt d'une version modifiée du Poison de Sang-Dragon, dispersé sous forme de gaz par l'ennemi pendant la bataille.

 

Le Poison Sang-Dragon était une potion exceptionnellement compliquée à préparer, utilisant un mélange complexe d'ingrédients rares et de magie noire obscure. Pomfresh était morte sans savoir ce que c'était. Ce n'est qu'après que Théo les eut rejoints qu'ils purent apprendre quoi que ce soit à ce sujet. En tant que membre des Vingt-huit Sacrés et cinquième membre des infâmes Anneaux d'Argent de Voldemort, il connaissait le poison et avait entendu des rumeurs sur sa mise au point pour la guerre.

En fin de compte, cette information avait presque été synonyme de délivrance. Personne n'aurait pu faire quoi que ce soit, même en connaissant la source du problème. L'antidote était encore plus rare que le poison, avec des ingrédients bien trop chers pour que l'Ordre puisse ne serait-ce qu'essayer d'en fabriquer.

"Il est probable que nous ayons été drogués avec la forme liquide ordinaire" continua Justin, "nous devrions donc nous attendre à ce que l'hémorragie interne se produise à un moment ou à un autre. Théo, as-tu une idée du temps qu'il nous reste ?"

Theo secoua la tête. "Aucune idée, il faudrait se pencher sur la question, mais je doute que nous trouvions des livres contenant ces informations ici."

"Ce n'est pas ici", confirma George en refermant l'un des textes avec un profond soupir.

"Nous pouvons vérifier la section interdite" proposa Ron. "Harry et Elle-" hésita-t-il, "Hermione y trouvait toujours des réponses."

Son frère déglutit, fixant résolument ses mains jointes. Ginny regarda la sorcière en question pour voir sa réaction.

Il n'y en eut aucune. Juste le même regard impassible qu'elle avait toujours eu. "Ok" souffla Justin. "Nous savons que l'antidote est le Sentaserum..." "Sentioserum" corrigea Théo.

Justin griffonne sur le tableau. "C'est vrai, Sentioserum. L'essentiel, c'est qu'il existe un antidote. Si nous trouvons les ingrédients exacts, nous devrions nous en sortir" affirma-t-il, plus pour se convaincre lui-même que pour convaincre les autres.

Ginny se demanda si Malefoy avait pénétré dans l'esprit de Justin et transmis l'information à Voldemort. Cela semblait être une trop grande coïncidence pour que Justin ait reçu le même poison que celui qui l'avait poussé à devenir guérisseur.

 

"Enfin, nous avons Susan, Dennis et Hermione. Rangs treize à quinze. Jusqu'à présent, vos symptômes sont des frissons, des engourdissements, un froid intense et une diminution de la circulation dans les membres. Tout cela indique qu'il s'agit d'un simple Hypohydra Draught. Cela devrait être simple, l'antidote est très facile..."

"Ce n'est pas de l'Hypohydra Draught" interrompit Hermione à voix basse.

Justin hésita. "Les symptômes correspondent exactement à ceux d'Hermione, je pense qu'on peut dire que..."

"- C'est trop facile" dit Hermione. "Nous sommes les trois plus faibles. Ça n'a pas de sens que les antidotes soient de plus en plus difficiles et que le nôtre soit un simple breuvage réchauffant."

Dennis se mordit la lèvre avec inquiétude. "Si ce n'est pas de l'Hypohydra Draught, qu'est-ce que c'est ? La pièce devint silencieuse. Personne ne voulait le dire.

La réponse était simple : l'infâme poison avait été enseigné lors de l'introduction à la fabrication des potions, en première année. Il ne s'agissait pas d'une instruction sur le brassage, mais plutôt d'une leçon sur la fabrication des potions elle-même.

En général, les potions étaient soumises à des règles. Des nuances subtiles entre chaque préparation et chaque ingrédient. Le processus était tout aussi important que les ingrédients, tout écart pouvant modifier le résultat. Plus le breuvage était complexe, plus le contre-breuvage l'était aussi.

Il n'y avait qu'une seule exception.

Un poison qui produisait le même résultat malgré des processus de brassage radicalement différents. Tant que le composant de base était correctement brassé, les quantités des autres ingrédients pouvaient être accrues ou réduites sans que le produit final n'en soit affecté. Si tous les ingrédients étaient présents, la potion produirait toujours le même résultat.

Un poison mortel, rouge sang.

Un poison qui tuerait sa victime exactement sept heures et sept minutes après avoir été consommé. La quantité de Posion consommée ne changeait rien au délai.

Le poison était en totale contradiction avec les règles de fabrication des potions, les règles de la magie. Personne était capable d'en expliquer les raisons ou d'en déterminer l'origine.

La légende racontait que c'était la Mort elle-même qui avait créé ce breuvage, pour punir les sorciers d'avoir osé lui échapper grâce aux progrès de la médecine moderne.

"Le Calice de la mort", murmura Goyle, la voix teintée de peur. Même Goyle connaissait son infamie.

Susan regardait résolument devant elle, les épaules tirées vers l'arrière en signe d'acceptation.

"Nous n'en sommes pas sûrs" calma Justin, mais son ton n'avait rien de convaincant. Ils savaient tous que c'était la possibilité la plus probable.

 

Le Breuvage Calice de la mort était redoutable, même si la cause du décès restait inconnue. On parlait d'hypothermie, de caillots de sang dans le cœur, les poumons ou le cerveau, et même parfois des cas de sang complètement gelé. Il fut impossible de savoir ce qui venait en premier, ou si tout se produisait en même temps.

L'ingrédient de base, un simple champignon convenablement appelé Calice de la mort, abondant dans la campagne anglaise. Bien qu'il soit toxique lorsqu'on le consommait, il n'est pas nécessairement mortel. Aucun potionniste du monde entier ne comprenait comment le fait de faire bouillir sept champignons dans de l'eau salée permettait d'obtenir un liquide mortel.

Il n'y avait qu'un seul antidote. Un breuvage si simple que même un enfant moldu pouvait le préparer. Avec seulement deux ingrédients, elle contrastait totalement avec le poison de trente-quatre ingrédients.

Le problème n'était pas de le préparer. C'était les ingrédients.

Un litre d'eau salée bouillie à 46°C, une tâche facile étant donné les nombreux bocaux qui se trouvaient dans la réserve de potions.

Et deux gouttes de venin d'Ancromantula.

Du venin d'Ancromantula frais.

Ce qui signifiait qu'il devait être récolté sur une source vivante. Il devait être offert.

"Il y avait un nid à Ancromantula dans la Forêt Interdite" expliqua Ron à la hâte. "Hagrid était ami avec l'une d'entre elles, Aragog, si c'est sa famille qui est là..."

"Aragog était une exception", dit Hermione d'un ton distant. "Il a été élevé par Hagrid, mais il vous a tout de même attaqués, Harry et toi."

"Si sa progéniture est toujours là, il est fort probable qu'elle n'ait jamais rencontré d'humains" ajouta Luna d'un ton grave.

Ron regarda frénétiquement autour de la pièce, essayant de trouver quelqu'un, n'importe qui, pour lui apporter son soutien. Son frère s'était habitué à ce qu'on nourrisse ses espoirs. Cette volonté aveugle devait suffire à le faire progresser. Leur mère, même si Ginny l'aimait beaucoup, était sa plus grande adepte. Elle assurait à son fils cadet que l'amour pouvait l'emporter sur tout.

Mais leur mère n'était pas là. Et l'amour n'était pas un antidote.

"Il va falloir essayer de toute façon, on ne peut pas ne rien faire !" s'écria Ron, la voix brisée. s'écria Ron, la voix brisée. Hermione resta sans expression, presque ennuyée. Comme si elle se fichait de tout.

Dennis se leva. "Je vais y aller" déclara-t-il, les sourcils fixés.

Personne ne bougea.

Si Dennis parvenait à trouver le nid, il serait, au mieux, tué rapidement. S'il n'y parvenait pas, eh bien, il mourrait de toute façon. Il allait mourir de toute façon.

 

Mais personne ne voulait être celui qui lui dirait qu'il était inutile d'essayer. Aucun d'entre eux n'avait le droit de lui dire de se laisser aller et d'accepter sa mort.

S'il voulait mourir en essayant, c'était son choix. Dans d'autres circonstances, certains d'entre eux auraient même pu le suivre. Mais pas maintenant. Pas quand ils avaient leur propre poison à gérer. Pas alors qu'ils avaient un collatéral en jeu.

"Des larmes de phénix" murmura Hermione. "Elles ont des propriétés curatives. Dumbledore m'a dit un jour qu'elles pouvaient sauver ceux qui étaient sur le point de mourir si elles étaient ingérées."

Ginny n'avait jamais entendu parler d'une telle chose. Mais elle supposait que si quelqu'un le savait, c'était Hermione. L'ancienne Hermione du moins, peut-être pas celle-là.

Ginny ne confierait pas sa vie à un esprit brisé.

Ron frappa du poing. "C'est ça !" s'écria-t-il. Il s'écria, "Je crois me souvenir que Harry a dit quelque chose comme ça aussi !"

Le stress était palpable, Dennis faillit s'effondrer sur ses pieds. Il y avait encore une possibilité, même si elle était minime.

"Justin soupira et ajouta les Larmes du Phénix au tableau. "Tout le monde se sépare et va chercher ses ingrédients. Nous manquons de temps."

 


 

Chapter Text


Réel. Pas Réel.


 

Astoria s’ennuyait. Et elle était fatiguée. Ses fesses lui faisaient mal à force d’être assise sur cette putain de chaise en bois. Elle n’était pas comme Pany ou Daphné, elle n’avait pas de fesses dodues pour l’aider à amortir son assise. D’un autre côté, Vord semblait très bien assis sur son trône. À moins qu’il ne cache un hippogriffe sous ces robes, ses fesses devaient grincer os contre os. Dès que la barrière s’était levée, ils avaient continué leur repas, malgré l’éléphant chauve dans la pièce. Granger, bien sûr, pas leur Seigneur des Ténèbres. Elle était restée assise là. Elle mangeait. Astoria ne savait pas si c’était parce qu’elle était cinglée ou parce qu’elle n’écoutait pas, putain. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait dû résister à chaque fois que Granger enfournait de la nourriture dans sa bouche.

Astoria ne pouvait s’empêcher de l’observer et elle n’était pas la seule, même si Granger ne semblait pas le remarquer. Peut-être qu’elle ne les voyait pas. Peut-être qu’elle s’en fichait. Draco n’avait même pas eu l’air de s’en préoccuper. Il ne l’avait pas regardée une seule fois. Il avait juste continué la conversation et le vin comme si son Champion n’était pas là, putain. Les coups de pied subtils d’Astoria sous la table ne l’avaient même pas dérangé. Il devait avoir prévu quelque chose. Sûrement.

Les Mangemorts du bas de l’échelle enlevèrent la table et fabriquèrent des chaises pour qu’ils puissent tous s’asseoir et regarder la tâche se dérouler. Ils s’assirent face au plus grand miroir qu’Astoria ait jamais vu, des images animées des Champions apparaissant sur sa surface, l’angle et la distance changeant au fur et à mesure qu’ils se déplaçaient. C’était vraiment du génie, une véritable démonstration de l’intelligence des sorciers.

Malheureusement, c’était assez ennuyeux. Granger se précipitait sur la coupelle magique et c’était la chose la plus proche de l’action qu’ils avaient vue depuis des heures. Elle avait au moins pensé que Théo offrirait un peu de divertissement, mais après avoir tué quelques gardes, tout ce qu’il avait fait jusqu’à présent était de se déshabiller et de planer au-dessus de Granger. Ça et attraper un livre sanglant dans la section réservée. L’énorme livre s’était presque abattu sur le sorcier. Il l’attrapa et le feuilleta rapidement, s’arrêtant sur une page avant de la déchirer et de la ranger dans sa chaussette. Connaissant Théo, il s’agissait probablement de quelque chose d’important, quelque chose qui saboterait très probablement le concours.

Il revint vers le groupe et remit le livre, plaisantant avec Goyle pendant que Justin feuilletait les pages. Au fur et à mesure que le temps passait cependant, il devenait de plus en plus sérieux. Elle n’aimait pas un Théo sérieux, cela la rendait nerveuse. Vord était assis sur son trône, bavardant avec un prince étranger, un ministre ou quelque chose comme ça, inattentif au spectacle qu’il avait mis en place. La nuit serait longue. Astoria se dit qu’elle pourrait peut-être faire une petite sieste.

Elle commençait à peine à s’assoupir lorsqu’une série de cris et de halètements se répandit parmi les spectateurs. Astoria se redressa brusquement, vérifiant que son menton ne contenait pas de bave lorsque sa sœur lui donna un coup de coude dans les côtes.

« Fais un effort de concentration », siffla Daphné.

Astoria ouvrit la bouche pour répliquer quand ses yeux s’accrochèrent à la scène. Il s’agissait des Champions, réunis en groupe et fixant plusieurs piles d’ingrédients avec les mêmes expressions blafardes.

 

***

 

« Il manque quelque chose », croassa Ron Weasley en fixant les piles regroupées. « Ils ont tous disparu, putain ! »

Seamus Finnigan lança un coup de pied sur une chaise qui se trouvait à proximité. « Putain ! » Il rugit, s’accroupit et se prit sa tête dans ses mains.

« On aurait dû le voir venir », siffle Cho Chang à voix basse. « Il manquait les Feuilles Tentaculaires au premier et le sang de Ancromantula au cinquième ».

Padma Patil, celle qui portait la robe violette, se mit à sangloter.

« Il leur manque tous un ingrédient clé », confirma Londubat en passant sa main dans sa barbe. « Ce qui veut dire que nous devons le récolter ».

Le même gamin que tout à l’heure, Justin Quelque chose, commença à rayer des ingrédients d’une série de listes griffonnées sur un grand tableau noir. Il ne restait presque plus de place, des noms de potions et d’ingrédients dont Astoria ne se souvenait même pas. C’est alors qu’elle se rendit compte que quelqu’un comme elle serait complètement baisé dans ce tournoi.

Après plusieurs minutes de ratures et de croix, cinq ingrédients restèrent sur le tableau, chacun sous un antidote et le poison correspondant.

 

La Corne du Diable

  • Ginny, Luna, Theo
  • Antidote : Goutte De Trompette Des Anges
  • Ingrédient manquant : 6 feuilles broyées de Tentacula vénéneuse

 

Le Mélange Malveillant

  • Ron, Neville, George
  • Antidote : Breuvage de Bienveillance
  • Ingrédient manquant : 1 brin de crin de Sombral femelle.

 

La Potion D'actée En Épi

  • Parvati, Cho, Seamus
  • Antidote : Coupe de Célépurus
  • Ingrédient manquant : 1⁄2 tasse de corne de licorne broyée

 

Le Poison Sang-Dragon

  • Padma, Justin, Greg
  • Antidote : Sentioserum
  • Ingrédient manquant : 1 fiole de sang de Centaure

 

Breuvage Calice de la mort

  • Susan, Dennis, Hermione
  • Antidote : Pas de nom. 2 gouttes de venin d'acromantule frais ou de larmes de Phoenix.
  • Ingrédient manquant : Les deux

 

« Comment sommes-nous censés récolter une foutue corne de licorne ? » aboya Seamus Finnegan. « C’est déjà assez difficile d’en trouver une, et encore plus d’attraper cette foutue chose ! ».

« Tu devras la tuer », répondit Loufoca avec douceur. « La force vitale de la licorne réside dans sa corne, la sectionner entraînerait une mort atroce. C’est pourquoi on ne la récolte qu’après qu’elle soit morte de causes naturelles. »

Londubat acquiesça, le visage sombre.

« Il est plus raisonnable de la tuer d’abord, rapidement et sans cruauté. »

«  On ne peut pas « , s’écria Cho Chang. « C’est tabou ! Tuer la créature la plus pure du monde des sorciers serait… ce serait… »

« Cela nous maudirait », termina Parvati Patil.

 

Finnegan gémit de frustration, s’agitant de plus en plus à chaque seconde.

« Luna » commença Justin, « c’est toi qui en sais le plus sur les créatures, est-ce que tu connais un moyen de contourner ce problème ? ».

 

La sorcière blonde fredonna pensivement.

« Je suppose que tu pourrais chercher une licorne qui est déjà morte de causes naturelles », songea-t-elle. « Sinon, cherche-en une avec une crinière clairsemée, elle serait plus âgée. Plus lente. Plus facile à tuer. Et comme elle n’est plus dans la fleur de l’âge, elle ne devrait pas trop gêner le troupeau. »

Dennis avait l’air d’être sur le point d’être malade.

« Nous aurons besoin d’une lame fabriquée par les gobelins », poursuivit-elle. « C’est la seule chose qui puisse séparer une licorne de sa corne ».

« Il y en a une dans cette mallette d’artefacts près de la classe d’Étude des runes » ajouta George. « Ça devrait être assez facile de nous y introduire. »

 

Loufoca acquiesça.

« Quant aux crins de Sombral, ça devrait être simple, même si c’est la mauvaise saison, donc ils pourraient être plus agressifs ». Looney poursuivit avec franchise. « Ça ne lui ferait pas de mal, ça ne ferait que l’ennuyer. Tu auras besoin de la racine, il faudra donc l’arracher, et non la couper. Tu devrais pouvoir le faire sans danger à distance, utilise simplement ta baguette. »

Elle marqua une pause.

« Et attrape plus d’une mèche en guise de secours ».

Justin ajoute. « Le bézoard fonctionnerait aussi. Même si nous devrions le garder pour le poison Canneberge, car la corne de licorne est plus difficile à obtenir. »

« Et pour le sang ? » demanda Greg.

Justin secoua la tête.

« Bézoards est un antidote au poison commun, il ne soignerait pas la racine sanglante ou-«  sa voix faiblit tandis qu’il jetait un regard de pitié à Dennis, Susan Bones et même Granger. « Breuvage Champignon Mortel. »Il termina en déglutissant.

Loufoca acquiesça, sa voix s’enhardissant. Astoria commençait à comprendre pourquoi la sorcière était classée deuxième. Ginny Weasley n’avait pas encore participé, peut-être avait-elle plus de muscles que de cervelle.

« Nous avons déjà les feuilles de Tentactula et nous pouvons fouiller le château à la recherche de Bézoard et de Larmes de Phénix. Le sang de centaure sera plus délicat, il faudra le leur demander poliment. »

Ginny Weasley renifla un rire.

« D’une certaine façon, je ne pense pas que ça va marcher. »

« Ils peuvent être rationnels » assura Luna, « tant qu’on les aborde de la bonne façon ».

«  Et laquelle ? «  demande Padma.

Luna haussa les épaules.

« Je n’en ai aucune idée. Je n’ai jamais parlé avec l’un d’entre eux. »

Les spectateurs se mirent à rire. Astoria se força à rire avec eux.

 

 

***

 

 

Hermione resta aux côtés de Susan pendant qu’ils se séparaient en plusieurs groupes. Après avoir pris l’antidote, le teint de Ginny, Luna et Théo était redevenu normal. Luna avait été la première à se porter volontaire, et après quinze minutes sans conséquences, ils pensèrent qu’il n’y avait pas de danger à ce que les deux autres le boivent.

Seamus, Cho et Parvati étaient partis peu après, le visage sombre, en direction de la forêt interdite, à la recherche d’une licorne. Luna les accompagnait, car c’est elle qui en savait le plus sur ces créatures. Hermione se demandait lequel d’entre eux porterait le coup fatal.

Goyle, Justin et Padma suivirent le mouvement, accompagnés d’une Ginny un peu réticente. Étant l’une des meilleures combattantes, elle offrait le plus de protection si les négociations avec les Centaures tournaient mal.

George et Neville s’éloignèrent en direction des anciens emplacements du troupeau de Sombral de Hagrid, en espérant que les créatures s’y trouvaient encore. Ron resta en arrière, insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un travail à deux et qu’il devait fouiller le château. Theo et Dennis le rejoignirent, à la recherche de Bézoards, de larmes de Phénix ou de toute autre chose susceptible de les aider. Il était clair, d’après leurs regards, que les larmes de Phénix étaient la priorité.

 

Hermione ne leur avait pas dit qu’elle avait tout inventé.

 

Les larmes de phénix ne feraient rien contre le Calice de mort. Seul le venin d’Ancromantula pourrait combattre la coagulation du sang, les enzymes de sa toxine étant câblées pour fluidifier le sang de ses proies. Les larmes de phénix guériraient les blessures, elles seraient sans effet sur les maladies ou les poisons.

Il leur restait trois heures et demie avant l’aube et rien dans ce château ne pouvait les sauver.

 

Hermione ne verrait plus jamais le soleil.

 

 

***

 

 

Astoria n’arrivait pas à décider si Théo était stupide ou arrogant, ou les deux. Quoi qu’il en soit, tourner le dos à Ron Weasley après la tempête de merde qu’il avait créée était une bien mauvaise idée.

Dès que le Serpentard se tourna vers la bibliothèque, Weasley frappa.

« Flipendo ! »

Theo alla percuter un mur au bout du couloir, les jambes battantes alors qu’il flottait dans les airs.

Le sorcier se releva rapidement, baguette au poing.

« C’est quoi ce bordel ! » cracha Théo.

« Espèce de putain de psychopathe ! » lança Weasley en se dirigeant vers lui en trombe. « Tu as menti. Tu as menti, putain ! »

Théo esquiva un sort, le déviant dans une pluie d’étincelles rouges.

« Je n’ai rien fait du tout ! » protesta-t-il.

Un Dennis tout fripé se lança à la poursuite de Weasley.

«  Hé ! «  appela-t-il à travers ses lèvres bleues, le corps enveloppé dans une tapisserie qu’il avait volée sur les murs d’un château. « Arrête ça ! »

« Hermione ne serait jamais avec quelqu’un comme toi ! » Ron rugit, envoyant un nouvel assaut de coups frénétiques.

Théo esquiva et se déroba, fixant son adversaire avec perplexité.

«  Au nom de Salazar, tu es en train de pleurer, putain ? « 

Ron Weasley était en train de pleurer, de sangloter en fait. Astoria n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi pathétique, et sur Granger qui plus est.

« Elle était à moi ! » Il sanglotait, la morve et les larmes recouvrant son visage d’une couche humide. « Elle était à moi et tu me l’as prise ! »

Théo rit froidement.

« A toi ? Elle ne t’a jamais appartenu, putain. Pas même un instant. Elle était déjà partie depuis longtemps quand tu as réalisé ce qui se trouvait juste devant toi. »

Les yeux de Wesley devinrent noirs.

« Endoloris ! »

 

Astoria ne put s’empêcher de laisser échapper un petit souffle lorsque l’Impardonnable manqua de peu l’oreille du sorcier.

 

Théo trébucha sous le choc, le regard devenant meurtrier.

« Arrêtez ! » S’écria Dennis en se précipitant devant Weasley pour tenter de les séparer.

Weasley continua son monologue d’amoureux éconduit, hurlant et crachant.

« J’ai tout abandonné pour la récupérer. Je suis resté en arrière ! J’ai perdu mes frères, mon père… »

« C’était ton choix ! » Théo siffla, visant un maléfice de Bloque-Jambes qui frappa malheureusement Dennis, l’envoyant face première sur le sol. « Ne la blâme pas pour ton-« 

« JE TE BLÂME ! » Weasley hurla, un Bombarda sans paroles envoyant des débris en pluie. « Où étais-tu pendant la bataille, hein ? Si tu l’aimais, pourquoi ne l’as-tu pas protégée ? Pourquoi ne l’as-tu pas sortie de là ! »

Théo utilisa son charme de bouclier pour renvoyer les débris vers son agresseur. Weasley riposta avec un Confringo. Les deux hommes se livrèrent un duel, les malédictions et les contre-malédictions augmentant en intensité. Astoria était surprise par la brutalité de Weasley, elle pensait qu’il se croyait au-dessus de ça, avec son complexe de héros et tout le reste.

Apparemment, ce n’était pas le cas.

Astoria jeta un coup d’œil à sa sœur, la trouvant, comme tous les autres, absorbée par le drame qui se jouait dans le miroir. Sa sœur avait presque l’air… fière. Elle approuvait l’impitoyabilité des champions.

« Endoloris ! »

« Expelliarmis !

« Reducto !

« Expulso !

Ils se battaient en duel avec fluidité, une danse mortelle sans temps mort ni hésitation.

Défendre, feindre, attaquer.

Déviation, attaque, défense.

« Pourquoi tu ne l’as pas fait ? » Théo riposta, narguant en esquivant et en roulant.

Weasley eut le bon sens d’écarter Dennis de son chemin, envoyant le sorcier ligoté et protestant déraper sur le sol et sur le côté.

« J’ai essayé ! Je l’ai quittée des yeux pendant une seconde, une putain de seconde et elle n’était plus là. Et puis j’ai essayé de la récupérer. » Weasley sanglotait, la voix rauque à force de crier. « J’aurais continué à essayer, j’en aurais lancé une centaine d’autres en première ligne juste pour avoir une chance. Mais tu me jurais qu’elle était morte… »

Théo leva les mains en l’air, frustré.

« Je pensais qu’elle l’était ! »

« Tu aurais dû vérifier ! »

« JE L’AI FAIT ! «  rugit Théo, les mots se brisant au fur et à mesure que son expression se décomposait.

Astoria sentit quelque chose de pointu lui perforer la poitrine.

« Alors tu aurais dû vérifier à nouveau ! Si tu l’aimais vraiment, tu aurais fait plus d’efforts. » Weasley insista. « Tu ne l’aurais pas laissée croupir, putain ! »

« Tu ne sais rien du tout. » cracha Theo. « Ne t’avise pas de… »

« Tu n’as pas dit un mot ! Une putain de grande histoire d’amour et pourtant tu n’as pas dit un putain de mot à ce sujet ! »

Un frisson traversa Théo, ses yeux brillants d’une expression qu’elle n’avait jamais vue auparavant. En un clignement d’œil, il avait disparu, son visage redevenant un masque froid.

« Et dire quoi, Ron ? Quel était le but ? » Il siffle doucement. « Je pensais qu’elle était morte. Je ne voyais même pas l’intérêt de respirer, putain. »

Théo inspira brusquement, aux prises avec une bataille intérieure qu’elle ne pouvait pas voir.

«  Mais j’ai survécu pour elle « , poursuivit-il froidement. « J’ai espionné pour elle ! J’ai saboté, menti et assassiné pour arriver à un poste où je pouvais faire la différence… »

À chaque coup de langue, Théo avançait, sa colère montant.

« J’ai laissé derrière moi tout ce que j’avais connu, j’ai risqué ma vie pour sauver le putain d’Ordre tout entier, seulement pour être interrogé pendant des putains de jours. Tu étais hors de toi ! Si je te l’avais dit, tu m’aurais toi-même livré au Seigneur des Ténèbres. Tu es imprudent et émotif et tu n’as aucune considération pour qui que ce soit d’autre… »

« On n’a pas le temps pour ça ! » Gémit Dennis, en se relevant lentement du sol. « Ça n’aide personne ! »

Les sorciers les ignoraient et Astoria se retrouva penchée en avant pour mieux voir l’expression de Théo. Elle se disait qu’il était juste un bon menteur, un maître manipulateur. Mais le doute commençait à s’insinuer, une tornade dans ses tripes qu’elle n’arrivait pas encore à saisir.

« Au moins, elle se souvient de moi », dit Weasley en riant cruellement. « Je vois comment elle t’évite. Elle te regarde comme si tu n’étais rien. Tu n’es qu’un putain d’étranger. »

« ASSEZ ! » Exigea Dennis, enfin libéré de la malédiction de Bloque-Jambes. « Vous vous comportez tous les deux comme des enfants… »

Theo se gaussa de Weasley.  

"Va te faire foutre !"

Dennis dégaina sa baguette, la frustration bouillonnant à l’encontre des sorciers.

« Theo, retourne à cette putain de bibliothèque et trouve des livres sur le Phoenix te-« .

Weasley pointa sa baguette sur la poitrine de Theo.

« Tu es un putain de bâtard égoïste… »

« -Ron » cria Dennis en tournant sa baguette vers Weasley. « Putain de merde ! Va vérifier la Salle sur Demande et-« 

« PAS MAINTENANT HARRY ! » Weasley lança un claquement par-dessus son épaule.

 

Dennis se figea, les yeux écarquillés. Weasley se retourna vers Théo, son attaque fulgurante s’estompant à mesure qu’il découvrait l’expression dévastée de Théo. Les trois se turent, échangeant des regards de pitié et de confusion.

« Quoi ? » Weasley finit par craquer. « Pourquoi me regardes-tu comme ça ? »

« Harry n’est pas là, Ron. » Theo déglutit.

Weasley fronça les sourcils, jetant un coup d’œil incertain à Dennis. « Quoi ? »

« C’est Dennis », répond doucement le sorcier. « Je suis Dennis. »

L’expression de Weasley se figea.

« C’est vrai », croassa-t-il en clignant des yeux. « C’est vrai, désolé, je pensais que… » Il secoua la tête. « Putain de poison. »

Theo et Dennis restèrent à distance, laissant le sorcier se ressaisir. Dennis rompit le silence avec inquiétude.

« Et si tu venais avec moi dans le bureau de Dumbledore ? » Il demanda doucement à Weasley. « Nous pourrons alors vérifier la Salle des Choses Cachées. Théo… »

« Section interdite"  répondit Théo, la voix serrée. « J’ai compris. »

 

Dennis tapa sur l’épaule de Weasley, l’amadouant de ce qui avait commencé à s’installer comme illusion. Le sorcier s’affaissa vers le contact, l’effet de mort du poison le laissant vulnérable et à vif.

Astoria n’avait pas réalisé que les symptômes étaient aussi extrêmes, elle se sentait presque mal de penser que Weasley était pathétique.

Tout en guidant le sorcier, Dennis jeta un coup d’œil à Théo.

« Dépêche-toi », dit-il d’un ton significatif.

Théo hocha la tête solennellement.

« Ouais. »

 

 

***

 

 

Hermione et Susan restèrent dans le laboratoire vide, coupant, écrasant et mesurant les ingrédients pour les trois autres potions. C’était thérapeutique, les bruits rythmés des liquides bouillonnants et des couteaux contre le bois. Elles se préparaient à l’excès, s’assurant que chaque préparation disposait d’une marge de manœuvre et d’une réserve de secours.

Susan a dû s’arrêter très tôt, ses mains étant trop raides pour continuer et son corps trop faible à cause de la perte de sang. Les effets du poison n’inquiétaient pas trop Hermione, c’était réconfortant d’une certaine façon - de revenir à son état naturel.

Elle avait encore trop peur d’utiliser sa magie, le bruit humide de la chair d’Ollivander implosant étant encore frais dans son esprit. Au lieu de cela, elle enveloppa la sorcière dans des couvertures provenant des quartiers voisins de Slughorn, préférant éviter ceux de Rogue. Elle ne savait pas pourquoi elle avait une telle aversion pour l’espace de vie de Rogue, même s’il était plus proche. Peut-être n’avait-elle pas voulu se souvenir de cet homme et de ce qu’il avait fait.

Plaçant Susan aussi près que possible des flammes du chaudron, elle reprit son travail.

 

Couper. Bouillir. Remuer.

D’avant en arrière. D’avant en arrière.

 

Il y avait de la sérénité dans ces mouvements.

Susan les observait avec fatigue, bercée par le rythme. Pendant les brèves pauses où Hermione pouvait lever les yeux des chaudrons, elle vérifiait la sorcière, comme si elle allait elle aussi bouillir.

Le visage de son amie était si peu méfiant. Si expressif. Un millier de mots prononcés avec une arcade sourcilière ou la dilatation de ses pupilles. Elle était en totale opposition avec Darryl, dont le visage était ombragé et figé. Mais Hermione pouvait les lire tous les deux de la même façon. Les maniérismes, les inclinaisons de tête et les ondes subtiles qui semblaient rayonner d’eux.

Hermione réfléchit au fait que le langage se parlait en grande partie en silence. Que deux personnes, l’une sourde et l’autre muette, pouvaient facilement converser sur l’immensité de l’univers. Et si la cécité les avait emportés toutes les deux, alors le toucher devenait le support de la conversation, passant à des discussions sur le but de la vie.

Il y avait des preuves de cela partout. Le contact visuel entre deux femmes dans un bar, un homme ivre lorgnant par-dessus leur tête. Un garçon et son chien, réunis à la fin de chaque longue journée.

Une fille et un Détraqueur, réel ou non, qui n’ont jamais partagé leurs noms mais qui ont partagé une vie.

Une femme et son amie, réparant leurs âmes dans un bain froid.

C’était un privilège qu’Hermione avait trouvé un endroit sûr pour que ses yeux se posent. Susan n’a jamais exigé l’affection ou la proximité d’Hermione. Il n’y avait pas de paiement ou de petits caractères. Elle voulait qu’Hermione s’améliore pour le bien d’Hermione.

Tout au long des discussions animées du groupe sur les antidotes, les créatures et la temporisation, le visage de Susan était un véritable conflit à lui tout seul. Elle était à la fois effrayée et résigné. Vaincue et en colère. Nostalgique et amère. Elle oscillait entre son désespoir de vivre et la réalité dans laquelle elle se trouvait.

La réalité était un endroit terrible à vivre. Alors Hermione l’avait transformée. Juste un peu. Juste un mensonge. Une figurine en plastique sur un lit de camp usé, une petite lumière dans un endroit sombre.

C’était ce qui se rapprochait le plus de la sérénité pour Hermione…

 

***

 

Le sol se précipita à sa rencontre, la déchirant à travers la terre et la recrachant de l’autre côté. Hermione s’effondra devant un cottage inconnu, dont la structure fatiguée était coincée entre deux habitations identiques au cœur du village. Le vent bruissait à ses oreilles, dansant à travers le calme inquiétant.

Il n’y avait ni bavardage, ni commerce, ni signe de vie. Il n’y avait que l’odeur de la mort et une odeur tenace de terreur.

Hermione fixa la marque délavée sur la porte d’entrée entrouverte, un X peint de façon négligée, comme s’il avait été placé là à la hâte. Elle savait, instinctivement, que ce souvenir était différent. Les détails de son environnement étaient d’une clarté éclatante, comme si chaque élément criait son importance.

Il y avait un précipice au-delà de cette porte, et c’est en retenant son souffle qu’elle l’a franchi.

L’odeur la frappa d’abord, tellement plus forte dans la maison barricadée. Elle s’étouffa dans la puanteur, putride et piquante dans ses poumons. Alors que sa vision s’adaptait à l’obscurité, elle commença à distinguer une sorte de grand monticule. Une collection d’édredons empilés sur un lit de paille.

La première chose qu’elle vit fut une main boursouflée, minuscule et criblée de plaies rouges. Il était difficile de comprendre. La mort n’avait rien à faire au début de la vie.

Le bébé gisait mollement, la moitié de son corps dissimulée par l’édredon taché de sang, son torse enchevêtré avec d’autres membres de tailles diverses. Un pied, un coude, de longs cheveux roux s’échappant depuis une nuque dégagée. Tous à différents stades de décomposition.

Tous avec des plaies rouges et sanglantes.

Une famille entière, serrée l’une contre l’autre tandis que la mort les rassemblait l’un après l’autre.

« Desmond », un murmure étouffé retentit derrière elle, hésitant et empreint d’horreur.

 

Hermione se retourna et vit Ciaran debout dans l’encadrement de la porte, les traits tirés et les yeux injectés de sang.

« Desmond » répéta-t-il en traînant les pieds dans la chambre des morts. « C’est moi, Ciaran. »

 

Un reniflement retentit à côté des corps, une silhouette accroupie près des couvertures, le front appuyé contre l’avant-bras boursouflé d’une femme.

Ciaran repéra Desmond en même temps qu’elle, tremblant en tendant la main pour toucher l’épaule du garçon.

Ciaran déglutit.

« Lucy est venue à la maison, elle a réussi à franchir les barrières. Nous n’étions pas à la maison mais elle a demandé aux elfes d’envoyer un message. Nous… » sa voix s’est brisée. « Nous sommes venus dès que nous l’avons pu. Je suis vraiment désolé, Desmond. Vraiment désolé. »

 

Desmond resta agenouillé, comme s’il souffrait.

« Je ne comprends pas », râla-t-il, ses doigts traçant doucement l’avant-bras de la femme. « Ils sont tous partis. Ils sont partis et je suis toujours là. »

 

Ciaran se mit à pleurer, le jeune sorcier ne sachant plus où donner de la tête. Que pouvait-on dire face à une telle catastrophe ? Il n’y avait pas de réconfort assez grand pour apaiser une perte de cette ampleur.

Les garçons pleurèrent ensemble. Desmond se blottit contre sa mère et ses frères et sœurs, et Ciaran se blottit contre Desmond comme s’il pouvait aspirer l’agonie de son corps dans le sien.

 

« Je suis désolé », sanglote Ciaran, « je suis tellement désolé ».

 

Hermione s’agenouilla à côté des garçons, incapable de faire autre chose que de regarder. À travers la morve et les larmes, Ciaran expliqua ce qui s’était passé.

« C’est partout », commença-t-il. « Dans toute l’Europe. Père dit que c’est une peste, qui passe d’un moldu à l’autre. Ils ne savent pas pourquoi, mais ceux qui ont de la magie ne sont pas affectés. Ils l’appellent… » sa voix s’est brisée, « ils l’appellent la peste noire. »

 

Desmond acquiesça, les paumes se resserrant autour de la chair pâle.

« C’est ce que je pensais. Lucy et moi avons essayé de… » Il déglutit. « Ça n’a plus d’importance maintenant. Ils sont tous partis maintenant. »

« Père est en train de vérifier toutes les maisons du village » assure Ciaran. « S’il y a quelqu’un qui… »

« -il n’y en a pas » répondit Desmond d’un ton engourdi. « Je suis tout ce qui reste. »

 

Les garçons retombèrent dans le silence une fois de plus.

« Ciaran ? Où es-tu ? » Appela une voix aristocratique, épurée et imperturbable.

 

Ciaran mouilla ses lèvres desséchées :

« Ici, père. »

 

Un homme mince entra dans la demeure, un mouchoir pressé sur la bouche. L’homme était finement vêtu, avec de longs cheveux noirs et une barbe impeccablement entretenue, il avait l’air d’un autre monde au milieu de la pauvreté et de la décrépitude.

À son crédit, l’homme n’a pas faibli alors qu’il prenait connaissance de la scène dévastatrice, bien que ses yeux brillent de sympathie. C’était un homme qui avait déjà été confronté à la mort.

Il se racla la gorge.

« Allez les garçons, il faut qu’on y aille. »

 

Ciaran se mit au garde-à-vous, la main tendue vers le garçon toujours accroupi en contrebas. Desmond ne bougea pas.

« Je ne peux pas les laisser », croassa Desmond.

 

L’homme fronça les sourcils, les yeux parcourant les petits corps entourant leur mère.

« Il n’y a rien que tu puisses faire pour eux maintenant » répondit-il doucement. « Tes sœurs et ta mère ne sont pas ici. L’endroit où elles sont allées est un endroit que tu ne peux pas rejoindre. »

 

Desmond eut un hoquet, ses sanglots devenant fébriles. Lentement, le garçon se leva et commença à manœuvrer les corps. Ciaran se précipita pour l’aider, les doigts tremblants, il déplaça les corps minuscules sur le dos. Le père de Ciaran murmura un Récurvite, enlevant la crasse de leurs cadavres.

En quelques coups de baguette, les édredons se redressèrent, bordant la famille comme si elle dormait. Des roses blanches et des orchidées commencèrent à fleurir, drapant les jeunes sœurs de Desmond et la femme qui les avait portées. C’était aussi déchirant que magnifique.

 

L’homme retira son chapeau et le plaça sur sa poitrine.

« Allez-y maintenant » ordonna-t-il aux garçons, les yeux fixés fermement sur le lit.

 

Ciaran soutint Desmond tandis qu’ils quittaient la maison de son enfance, Hermione obligée de suivre. Ensemble, ils traversèrent le village. Ils passèrent devant des piles de cadavres et des rangées interminables de portes marquées d’un X. Loin du carnage et dans de verts pâturages, une colline familière s’élevait au loin.

Elle avait presque atteint le sommet lorsque les garçons se retournèrent et regardèrent en bas, les visages éclairés d’une lueur dorée. Hermione suivit leur ligne de mire et découvrit le village en flammes. Feudeymon engloutissait chaque centimètre carré de la ville autrefois pleine de vie, réduisant en cendres les corps et la peste. Le bateau qui, selon Hermione, contenait le corps du père de Desmond et son équipage, brûlait et disparaissait sous les vagues. Le quai disparut avec lui, garantissant que la peste noire ne pourrait jamais revenir dans le port.

Hermione en savait assez sur la peste pour savoir que cette action n’avait aucune importance. Elle allait faire rage dans les villes anglo-irlandaises, décimant la population. Ceux qui avaient la chance de vivre dans les profondeurs de la terre auraient quelques années de répit, mais bientôt ils seraient eux aussi confrontés à la fureur de la Mort.

 

« Viens », chuchota Ciaran en tirant sur la manche de Desmond. « Lucy est de retour au manoir. Elle a besoin de toi. »

Desmond acquiesça, son visage juvénile rétréci et hagard.

« C’est notre anniversaire demain. Nous avons enfin onze ans. »

 

Les yeux de Ciaran s’écarquillèrent sous le choc. Le moment que les enfants attendaient depuis longtemps était enfin arrivé. Ils avaient compté jusqu’à …. ce moment. La maladie, la mort et le feu. Le début d’un nouveau chapitre de la vie, auquel aucun des deux ne s’attendait.

Le garçon aux cheveux de jais acquiesça, ne se sentant pas capable de parler. Au lieu de cela, il saisit la main du né-moldu, le guidant loin de la seule vie qu’il ait jamais connue.

Aucun des deux ne se retourna alors que le feu faisait rage derrière eux.

Hermione était assise sur la colline recouverte d’herbe, la scène se dissolvant lentement alors qu’elle se demandait quel était le but de tout cela.

La sorcière fit de son mieux pour ne pas réagir alors qu’elle sortait de ses souvenirs, ce qui ne fut pas difficile car le laboratoire de potions se mit progressivement en évidence. C’était comme si le souvenir hésitait à la laisser partir, insistant sur le fait qu’il y avait une leçon à tirer.

La mort d’une famille, d’une enfance, d’une vie entière ne semblait rien de moins qu’une tragédie. Hermione ne voyait aucune raison à cela, si ce n’est un rappel de la fragilité de la vie et de l’inutilité des actions des gens.

Rien n’avait de sens, pas même la mort. C’était une construction humaine pour que les vivants se sentent mieux, pour qu’ils se disent qu’il y avait un but à tout cela.

Les gens ont eu du mal à accepter qu’il n’y avait pas de grand dessein. La vie était juste chaotique, aléatoire et difficile. C’était la raison pour laquelle Hermione n’avait jamais pu croire en Dieu. C’est pourquoi elle avait menti à Dennis et aux autres.

 

***

 

En l’absence de raison, offrez de l’espoir.

C’était peut-être pour cela que le souvenir se présentait maintenant, le troisième en l’espace d’une seule soirée. Peut-être qu’elle n’était pas censée mentir. Ou peut-être que le poison détériorait simplement son esprit à un rythme plus rapide.

Hermione se força à remuer l’un des chaudrons tandis qu’elle réfléchissait aux dernières vingt-quatre heures. Inconsciemment, sa main remonta jusqu’à son cou. Elle serra la bague sous son python.

L’anneau, au moins, était réel. Cela signifiait peut-être que Darryl avait été réel lui aussi.

La ficelle n’était pas assez longue pour qu’elle puisse la retirer, et elle ne l’avait donc pas encore vu depuis sa sortie d’Azkaban. Mais elle se souvenait encore de la magnifique opale noire sertie dans le bracelet d’argent. Du bout des doigts, elle pouvait tracer chaque tige qui entourait la pierre. C’était vraiment une belle bague de fiançailles. Elle…

« Nous avons commencé à sortir ensemble en cinquième année, en secret, et à la fin de la sixième année, j’étais prêt à te demander en mariage. J’ai porté la bague avec moi dans mes robes pendant des mois, en attendant le bon moment… »

Hermione laissa tomber la barre d’agitation, s’éloignant du chaudron en se saisissant le cou.

La glace, les portes et l’herbe s’évaporèrent en fumée noire, éteinte en un instant.

« Oh mon dieu », murmura-t-elle. « Oh non. Oh non. Non, non, non, non. »

 

Elle s’est mise à pleurer, griffant les mèches de son crâne comme si elle pouvait creuser son cerveau.

Elle ne savait plus ce qui était réel.

"Non,non,non, non !" Hermione gémit, frappant ses poings contre ses tempes.

 

La bague venait-elle de Darryl ou de Théo ? Lequel des deux était vrai ? Elle n’arrivait pas à se souvenir. Elle ne pouvait pas s’en souvenir, putain.

Ne pas savoir était terrifiant, mais en prendre conscience était pire. Elle savait qu’elle était folle. Elle était folle et elle ne pouvait rien y faire. Elle pensait qu’elle était d’accord avec ça, mais ce n’était pas le cas. Elle ne l’était pas. Pas si c’était comme ça.

Elle ne pouvait se fier à rien dans son esprit. Rien.

Rien, rien, rien…

 

Des mains froides s’emparèrent des siennes, les ramenant à ses côtés. Le visage inquiet de Susan apparut, ses traits déformés par les larmes d’Hermione.

Avec une force qu’Hermione ne pensait pas que la sorcière possédait encore, Susan tira Hermione sur ses genoux et l’écrasa contre sa poitrine.

Hermione se mit à sangloter de façon incontrôlée, la confusion et la terreur atteignant un point de rupture sans l’abri de ses murs.

 

« Je ne sais rien du tout ! » Hurla Hermione. « Je ne sais pas… je… je… je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas ce qui est réel. Je ne sais pas… je ne sais pas… »

Susan commença à la bercer d’avant en arrière, les doigts figés en poings alors qu’elle caressait son cuir chevelu.

« - Rien ! Je ne sais rien ! » Hermione sanglote. «  Dedans. Dehors. C’est dedans et dehors. Je ne sais pas ce qui est réel… »

 

Un coup frappa le centre de sa poitrine, durement. Hermione inspira brusquement sous le choc. Susan frappa sa poitrine avec le dos de sa main armée, encore et encore.

Hermione leva les yeux pour voir les yeux de la sorcière s’enflammer, la bouche se transformant en une ligne dure. Susan frappa encore. Avec insistance.

 

Un coup. Un coup. Toc-toc.

La sorcière frappa alors sa propre poitrine, les yeux brillants et suppliants.

Elle frappa Hermione à nouveau, puis elle-même. L’action est un ordre.

Tu es réelle. Je suis réelle.

Hermione hoqueta, luttant pour contenir ses sanglots.

Susan frappa la poitrine d’Hermione. Hermione hésite à heurter la poitrine de Susan.

« Je suis réelle », s’écria Hermione en sursautant sous le coup de Susan. Hermione frappa son poing contre la poitrine de Susan, plus fort cette fois. « Tu es réelle. »

 

Susan fit un signe de tête encourageant pendant qu’Hermione parlait. Répétant les mouvements encore et encore jusqu’à ce que sa poitrine brûle.

Leurs fronts se pressaient l’un contre l’autre, le souffle coupé alors qu’elles s’ancraient l’une à l’autre.

Peu à peu, la respiration d’Hermione s’équilibra, les larmes séchant sur ses joues tandis que les sorcières s’accrochaient l’une à l’autre. L’amour qu’Hermione ressentait à l’égard de Susan en cet instant transcendait les mots, aussi ne parla-t-elle pas.

Elle se contenta de la serrer contre elle tandis que la panique s’estompait. Repoussant les pensées de plaies et d’anneaux pour se concentrer sur les éclats de glace et les portes métalliques.

Hermione reconstruisait parce qu’il le fallait. Parce qu’il était encore temps.

Et lorsque le dernier flocon de neige se cristallisa, Hermione ouvrit les yeux.

Elle savait ce qu’elle devait faire.

 


 

Chapter Text


Ingrédients et Localisations


 

Astoria ne pensait pas pouvoir regarder plus longtemps. Plus le temps passait, plus les Champions étaient désespérés. Leur désespoir irradiait du miroir, la faisant suffoquer. Elle voulait détourner le regard, mais n’y parvenait pas.

Les trois groupes qui s’étaient aventurés dans la forêt interdite trébuchaient sans but, leurs symptômes s’aggravant à chaque minute qui passait.

George Weasley et Londubat avaient tourné autour du troupeau de Sombrals de façon erratique, leurs sorts manquant leur cible et faisant sursauter les créatures, les lançant dans une nouvelle course-poursuite désespérée. Alors que les hallucinations commençaient à s’installer, ils pleuraient de façon incontrôlable, parlant aux arbres et à leurs pères morts.

À un moment donné, ils trouvèrent un petit ruisseau et plongèrent la tête la première pour étancher leur soif insatiable. Ils buvaient, vomissaient et buvaient encore. La première fois que Londubat s’était mouillé, c’était presque comique, à la cinquième… c’était déconcertant. Astoria avait dû descendre plusieurs coupes de champagne juste pour masquer son malaise.

Le pire avait été lorsqu’ils s’étaient confondus avec Ginny et Fred Weasley, le couple se disputant dans une bataille sans fin de chagrin et de culpabilité.

" Comment as-tu pu me faire ça ? " Neville sanglotait, sa voix faible et enfantine alors qu’il se recroquevillait sur le sol de la forêt.

George venait de crier, griffant le trou où se trouvait son oreille gauche. " C’est ma faute ! " Il s’est lamenté. " Ça aurait dû être moi ! Je suis désolé ! Fred, je suis désolé ! "

Astoria était sûre que le couple était condamné, destiné à mourir parmi les créatures affectées par la mort. Jusqu’à ce que George lève la tête et appelle piteusement Winky pour qu’il lui apporte un verre d’eau.

À sa grande surprise, l’elfe apparut et apporta au sorcier exactement ce qu’il avait demandé.

Ce n’est qu’après avoir vidé son verre que George se rendit compte de l’étrangeté de la situation.

" Winky " croassa-t-il, les lèvres gercées ouvertes alors qu’il relevait la tête de sa position affaissée. " Peux-tu… " déglutit-il. " Peux-tu faire quelque chose pour moi ? "

L’elfe hésita, se tordit nerveusement les mains avant de hocher la tête.

George se redressa, les yeux pétillants d’espoir. " Tu vois la jument là-bas ? " Il désigna d’un geste un espace dans le champ, à plusieurs mètres du troupeau qui se tenait debout en train de brouter sous le clair de lune.

Astoria eut le souffle coupé lorsque l’elfe suivit la ligne de mire des Weasley, voyageant à travers et vers le haut jusqu’à ce qu’ils se fixent sur le troupeau.

L’elfe hocha la tête.

Neville s’approcha de l’elfe en titubant, la respiration haletante.

" Peux-tu attraper quelques crins de sa queue pour nous ? " George demanda prudemment, le corps vibrant d’impatience.

Londubat hocha frénétiquement la tête. " Avec la- la racine ! Assure-toi de prélever le follicule pileux. "

La salle de visionnage tomba dans le silence alors qu’ils attendaient la réponse de l’elfe.

Les yeux écarquillés et les genoux flageolants, l’elfe acquiesça une fois de plus. Il était manifestement terrifié et pourtant incapable de refuser.

Astoria avait entendu parler d’un elfe chargé de s’occuper des Champions, il semblait que Voldemort avait oublié de le sortir avant que la tâche ne commence.

Et pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? Ce n’était qu’un elfe de maison après tout, quel impact pouvait-il avoir ?

Winky disparut dans une bouffée de fumée, réapparaissant derrière la jument et tira sur sa queue. La créature se cabra et gémit, son coup de pied manquant de peu la tête de l’elfe tandis que ses doigts agiles saisissaient l’ingrédient salvateur.

Avec un autre craquement d’apparition, l’elfe revint, tenant une touffe de longs cheveux noirs dans ses petites mains. Elle tendit l’ingrédient à Weasley, ce qui prit moins de trente secondes. Le sorcier prit timidement les mèches, s’émerveillant comme si elles étaient en or.

Londubat se mit à pleurer, bavant un chapelet de remerciements. Cela sembla ébranler l’elfe. Elle se rendit compte qu’elle avait fait quelque chose d’important, de vital.

Quelque chose qui la ferait tuer.

 

***

 

Les centaures étaient des créatures hostiles.

Ginny avait hésité à partir, à mettre Teddy en danger. Mais elle avait obtenu son antidote, elle avait été drapée dans une couverture de sécurité alors que les autres avaient été laissés dans le froid. Elle savait qu’elle devait aider, mais cela ne voulait pas dire qu’elle en avait envie.

Les centaures étaient des créatures hostiles.

Ginny s’attarda donc légèrement derrière le groupe, observant la limite des arbres pendant que les autres fouillaient la forêt. Des lumos jaillissaient de leurs baguettes tendues, trois étoiles faisant signe aux habitants de la terre qui empiétaient sur leur territoire.

Ginny tenait sa baguette éteinte, un juron sur la langue. Elle n’avait pas l’intention d’attirer l’attention, elle voulait juste survivre. Elle voulait que Teddy survive.

Quelque chose hurlait au loin, mais ils continuaient à chercher.

Chaque claquement de brindilles et chaque craquement de vent faisait tressaillir Ginny. Elle n’avait jamais eu peur avant un raid, car elle s’y était habituée depuis longtemps. La nervosité, oui, mais rien de comparable à la terreur qu’elle ressentait maintenant. Elle ne pouvait se défaire de l’image de Teddy au milieu d’une bagarre, d’un enfant placé inutilement dans une situation de vie ou de mort. Elle était ici et donc, d’une certaine façon, lui aussi. Le moindre faux pas de sa part les tuerait tous les deux.

Les centaures sont des créatures hostiles.

Mais elle l’était aussi.

" Essayons par là ! " Padma appela, sa voix forte ouvrant un gouffre dans l’estomac de Ginny.

Chercher était un terme généreux, cela faisait près d’une heure qu’elles trébuchaient dans l’obscurité. Il devait être près de trois heures du matin. En plein été, cela signifiait que l’aube n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez.

Ils se dirigèrent vers la droite, Goyle reniflant toutes les quelques secondes. La puanteur du cuivre se répandit par vagues jusqu’à Ginny et elle n’eut pas besoin de Lumos pour se rendre compte que ses trois compagnons saignaient à présent abondamment du nez, de la bouche et des oreilles.

Les yeux viendraient en dernier.

Vingt minutes avant la mort de Kingsley, ses yeux avaient saigné. Il en était de même pour tous les autres touchés par le gaz. Certains d’entre eux étaient suffisamment conscients pour savoir ce qui se préparait, ils avaient vu leurs amis passer dans les lits d’infirmerie adjacents. Justin avait dit que c’était les pires parce qu’ils avaient pleuré.

Il devenait facile de dire qui avait su qu’il allait mourir rien qu’en regardant les corps. Les mains toujours crispées sur leur abdomen meurtri, essayant d’endiguer une hémorragie interne qu’ils ne pouvaient pas toucher. Des rivières encroûtées obscurcissaient leurs joues, leurs cous et leurs poitrines. Les yeux étaient bouchés par des caillots noirs.

Ginny a continué à avancer, se forçant à ne pas y penser. Lorsqu’ils crieraient au rouge, elle ne pourrait plus rien faire.

" Je crois que j’ai trouvé quelque chose ! " Justin s’est écrié en s’accroupissant devant. " On dirait des traces. Je crois qu’elles… "

Un léger sifflement fut le seul signe que Ginny reçut avant que la flèche ne se plante dans son ventre.

L’écorce racla son dos alors qu’elle se retrouvait embrochée à un arbre, une sensation à la fois chaude et froide fleurissant de la flèche saillante.

Elle entendit quelqu’un crier, son cerveau léthargique essayant de comprendre ce qu’elle voyait.

Le sang tachait sa robe, s’étendant rapidement à ses cuisses. La douleur n’avait pas encore fait son apparition, mais Ginny n’avait pas besoin que son corps lui dise que quelque chose n’allait pas.

Pas quand elle pouvait le voir.

Alors que Justin se précipitait vers elle, marmonnant des sorts de guérison et des promesses, Ginny commença à comprendre.

Cette flèche pourrait tout aussi bien se loger dans les tripes de Teddy.

Elle n’aurait pas dû venir. Elle aurait dû rester dans ce foutu laboratoire de potions à se tourner les pouces en toute sécurité.

Les centaures sont des créatures hostiles.

Justin s’efforça d’endiguer l’hémorragie, de couper l’empennage de la flèche et de faire le compte à rebours de quelque chose qu’elle ne pouvait pas saisir. Des lumières clignotaient derrière lui, des cris et des bruits de sabots noyaient ses paroles.

Elle crut l’entendre dire "  un "  lorsqu’il l’attrapa par la taille et la tira vers lui.

C’est à ce moment-là que Ginny fut accueillie par la douleur. Chaude, aiguë et implacable.

Elle hurla.

 

***

 

Hermione pouvait entendre George et Neville s’approcher bien avant qu’ils n’atteignent la salle de classe. Leurs sanglots et leurs respirations irrégulières résonnaient entre les murs du château.

" On l’a eu ! " George s’écria alors qu’ils trébuchaient dans la salle de classe, aspirant des bouffées d’air. " Winky nous a sauvés ! "

Neville croula dans une flaque de larmes. " Elle nous a sauvés, elle nous a sauvés ! "

Hermione n’avait aucune idée de ce dont ils parlaient, mais elle aperçut les longs poils noirs dans le poing fermé de George.

Le soulagement que cela lui procura la fit presque tomber à genoux. Ils avaient les ingrédients. Ils pouvaient fabriquer l’antidote. Ron vivrait.

Ron vivrait.

Elle se précipita vers les sorciers et George plaça les cheveux dans sa main. De près, elle pouvait voir à quel point les hommes avaient l’air hagard. La peau creusée et les lèvres craquelées, les yeux rougis irrités par le manque d’humidité alors qu’ils pleuraient sans larmes.

" Tu as vu ça, maman ? " George demanda, d’une voix enfantine, en regardant fixement derrière elle.

Hermione se retourna, sans rien voir. Susan l’observait avec inquiétude.

" Je… oui. Oui, je l’ai vu " bégaya Hermione, se laissant aller à l’illusion qu’il était en train de voir. De toute façon, cela n’aurait plus d’importance dans quelques instants.

Quoi qu’elle ait dit, c’était sûrement la mauvaise chose, ou peut-être que ça n’avait même pas d’importance - quoi qu’il en soit, George éclata en une nouvelle série de sanglots, ses bras maigres se resserrant autour de sa taille.

Hermione s’éloigna immédiatement, ses neurones criant au danger, au danger, au danger.

Mais ce n’était que George. Pas un homme masqué. Pas le directeur. Pas…

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Hermione imaginait la pierre et la glace.

George s’accrocha à Neville qui, à son tour, trouva l’action bouleversante. Il se mit lui aussi à gémir et les deux hommes s’écroulèrent ensemble sur le sol.

Susan grogna de l’autre côté de la salle de classe, riant, bien que difficilement. Hermione haussa les épaules face à la sorcière, ne sachant absolument pas ce qu’elle était censée dire.

" J’ai tellement soif " se lamenta Neville, malgré le fait que sa baguette était là. Et un verre. Et un évier avec un robinet capable de faire couler des litres d’eau.

George mima de faire tourner ses cheveux et s’illumina brusquement. " Soif de Kirsty ", chanta-t-il.

" Qui ? " Neville a hoqueté.

" La sorcière que tu as lorgné pendant l’Étude des runes ".

Neville a pleuré plus fort. " Je n’ai jamais pris Étude des runes ! "

" Fred, nous sommes tous dans les mêmes classes, ne fais pas l’idiot ". George l’admonesta.

Hermione sentit son cœur sombrer. Le rire de Susan s’éteignit immédiatement.

Neville regarda autour de lui, à la recherche du jumeau que George avait pris pour lui. Son regard se posa sur Susan et ses yeux s’illuminèrent. " Oh, salut Fred. "

Susan lui répond d’un regard compatissant.

" Je vais vous chercher quelque chose à boire, les garçons, d’accord ? " Hermione l’amadoua, l’envie de finir l’antidote la démangeant. " Donnez-moi juste une seconde. "

" Merci, maman ", gazouille George.

Neville acquiesce avec un sourire distant : " Merci Mme Weasley. "

Hermione se précipita à nouveau vers Susan et le chaudron frémissant. Après avoir séparé les brins, elle en fit tomber un dans le liquide, faisant passer le breuvage d’un jaune fluo à un vert foncé.

Elle commença à remuer dans le sens des aiguilles d’une montre, en comptant au fur et à mesure.

" As-tu vu Ginny ? " Neville demande innocemment.

" Mmmmm pas sûr " grogna George. " Pourquoi ? "

" Je veux l’inviter au bal " répondit Neville, comme si c’était la réponse la plus évidente du monde.

George a regardé Neville avec dégoût. " Beurk, pourquoi ? " halète-t-il, voyant encore clairement Neville comme Fred.

Hermione examina le breuvage et après l’avoir trouvé satisfaisant, elle commença à mesurer les doses à la hâte.

La voix de Neville se fit douce, presque révérencieuse. " Parce qu’elle est belle. "

Hermione partagea un regard avec Susan et une partie d’elle se demanda si elle ne devait pas attendre, et laisser les sorciers dans leurs délires quelques instants de plus.

Un moment où Neville aurait encore Ginny et George, Fred.

Mais elle pensa ensuite à Ron, à ce qu’il pourrait être en train de voir dans une partie éloignée du château.

Elle tendit deux fioles. "  Tenez. Buvez ça. "

Les sorciers prirent chacun leur fiole avec confiance, la remerciant sincèrement. Ils avalèrent ensemble le liquide vert, tandis qu’Hermione retenait son souffle. Neville leva les yeux vers elle et lui sourit.

Puis ses yeux se sont révulsés en arrière dans sa tête.

Il tomba à la renverse, le verre se brisant sur le sol. George ne tarda pas à s’effondrer, son corps se contractant. Hermione regarda, terrifiée, les deux hommes se convulser sur le sol.

" Je n’ai pas… " souffla Hermione. " Ça devait marcher ! " s’écria-t-elle.

Susan se précipita, ses membres teintés de bleu la portant avec raideur. Elle saisit les mains d’Hermione, fixant les sorciers dont les paupières papillonnaient sur du blanc.

Hermione chercha de l’aide auprès de Susan, mais la sorcière était désemparée.

Elles ne pouvaient rien faire.

Neville se mit à crier.

" STOP ! " Il cria. " Arrête ça ! "

Susan émit un sanglot en toussant, serrant Hermione plus près d’elle pour la réconforter.

Rien ne rentre. Rien ne sort. Rien dedans, rien dehors.

" S’il te plaît, supplie Neville. " Je ne veux pas te faire de mal… "

George s’est mis à crier, noyant les cris de Neville.

" George, cours ! " Il rugit, le bras droit tailladé sauvagement. " Cours, cours, cours ! "

Avec un cri, le rouquin se serra la poitrine, ses hurlements se coupant brusquement.

Neville aussi se tut, la main pressée contre sa gorge.

Leurs convulsions se transformèrent en saccades qui se transformèrent en tremblements. La respiration devient lente alors que leur dernière hallucination disparu de leur esprit.

Hermione réalisa qu’elle était toujours figée, les bras entourant Susan de façon protectrice tandis que la sorcière sanglotait dans sa poitrine.

George ouvrit les yeux avec un gémissement. Neville resta assis, tremblant, les mains agrippées à sa tête.

George se frotta les yeux. " Putain " croassa-t-il en se léchant les lèvres. " C’était… putain. "

" Oui ", râla Neville.

George rembourra ses robes, les sourcils froncés. Il regarde Neville avec insistance. " Tu t’es pissé dessus ? "

Neville se tapota et gémit. " Je crois que oui. "

" Eh bien, putain " marmonna George, le visage grimaçant alors qu’il fixait ses genoux mouillés.

Hermione déglutit. " Tu vas bien ? "

Neville et George se regardèrent, quelque chose d’indéchiffrable passant entre eux.

" Oui ", répondit Neville d’un ton hésitant. " Oui, je crois qu’on va bien maintenant. "

George hocha la tête d’un air fatigué.

Hermione écarta Susan en douceur, permettant aux hommes de se nettoyer en privé. Alors qu’elle se retournait pour fermer la porte, elle observa les deux hommes qui regardaient fixement devant eux, toujours assis par terre.

Neville se frottait la gorge distraitement, le visage dénué de toute émotion.

George…

George le fixait avec une nostalgie douloureuse, sa main caressant sa jambe.

 

***

 

Loufoca foutue Lovegood était un putain de sauvage. Astoria avait encore du mal à saisir ce concept.

Regarder le procès de la sorcière avait été troublant, mais il n’y avait rien de particulièrement sadique là-dedans. C’était juste une sorcière qui faisait tout ce qu’elle pouvait pour assurer sa propre vie.

Même en écoutant l’interview de Loufoca, on n’avait pas réussi à percer la vérité : la voix douce de la sorcière et son comportement d’un autre monde étaient en totale contradiction avec la torture qu’elle avait si négligemment décrite.

Les méthodes moldues, comme Blaise le lui avait si gentiment expliqué alors qu’ils regardaient la scène que Rita Skeeter avait survolée, impliquaient bien plus de créativité que celle d’un interrogatoire de sorciers.

Au lieu d’utiliser le Veritaserum, la Légilimence, l’Endoloris ou un certain nombre d’autres malédictions et de sorts - les Moldus se servaient d’outils. Des pinces, des couteaux et des massues ordinaires, des moyens primitifs maniés avec une telle précision qu’ils pouvaient décoller la peau de la chair humaine tout en maintenant la victime en vie. Ils pouvaient utiliser les flammes et l’électricité, le tissu et l’eau, et même le son et la lumière. Sans potion ni magie, ils pouvaient priver la victime de sommeil, de temps, et utiliser des tactiques pour la faire douter de la réalité.

Ils pouvaient les briser simplement en parlant pendant des heures, en choisissant les mots précis pour les faire craquer.

Dans un sens, c’était tout à fait plus intime qu’une baguette magique. Avec la magie, vous n’aviez même pas besoin de toucher la victime, c’était plus facile, plus propre, distinct. Pour Luna Lovegood, choisir de tels moyens signifiait non seulement que la torture devenait personnelle, mais aussi qu’elle avait les tripes pour la pratiquer avec minutie.

Et cela ne correspondait pas du tout à l’idée qu’Astoria se faisait de la sorcière.

Aussi, lorsque Luna Lovegood et le groupe qu’elle avait choisi d’aider trouvèrent enfin une licorne, Astoria n’était pas préparée aux images qu’elle allait voir.

Elle n’était pas préparée à la facilité avec laquelle la sorcière la terrasserait, ses actions singulières et précises sans hésitation.

" Luna ! " Parvati Patil cria d’horreur, se détournant de l’argent qui tachait la peau d’un blanc pur de la Licorne.

Cho Chang resta figé, sous le choc. " Tu viens de… "

" Les putains de couilles de Merlin ", murmure Seamus.

Le groupe traquait la créature depuis des heures, le jeune mâle en bonne santé détalant à chaque fois qu’ils s’approchaient, comme s’il sentait leurs sinistres intentions.

Cho Chang et Parvati Patil avaient continué à décliner, trébuchant et léthargique alors que leurs muscles se relâchaient lentement.

Seamus Finnegan était encore plus mal en point, traînant presque sa jambe gauche. Il se déplaçait progressivement, frustré par son incapacité à rester debout. Tout le côté droit de son visage était entraîné vers le bas par la gravité, brouillant son élocution.

Il n’avait pas beaucoup de temps devant lui.

Aussi, lorsque la licorne apparut à nouveau, à plusieurs mètres de là, Luna lança un sort de découpage.

Non pas sur la créature, mais sur un arbre situé au-dessus. La branche se détacha et tomba sur le sol.

Astoria entendit le craquement écœurant du bois qui frappa le dos de la créature, dont les pattes se dérobèrent sous elle.

Ses cris étaient sinistres et lui rappelaient qu’un tel son ne devrait pas exister. Les licornes ne devraient pas être tuées, c’est une insulte à la nature.

Alors que la créature essayait, sans succès, de se lever, de bouger, de courir, Luna Lovegood s’approcha de sa proie. La sorcière se pencha lentement pour caresser la créature terrifiée, lui murmurant doucement à l’oreille. Astoria ne pouvait pas entendre ce qu’elle disait, mais cela semblait calmer quelque peu le mâle.

Puis, plaçant sa baguette sous son menton, elle tira un sort de projection concentré et fit exploser la cervelle de la créature à l’arrière de son crâne.

Ses compagnons réagirent en conséquence.

" Putain de Luna ! " Parvati haleta. " Qu’est-ce qui est arrivé à l’euthanasie humaine, bordel ? " demanda-t-elle.

" L’euthanasie par la miséricorde ", répond calmement Luna en essuyant ses mains d’argent trempées de sang sur sa blouse. " Il était blessé. "

" Tu l’as blessé ! "

" Eh bien, c’est la branche qui l’a fait " expliqua-t-elle en inclinant la tête dans un geste semblable à celui d’un oiseau alors qu’elle examinait son œuvre. " Et un meurtre par compassion n’est pas un acte insensible, il n’y a rien de tabou là-dedans ".

Cho soupira. " C’est… "

" Brillant. " Seamus a terminé.

" Non, ça ne l’est pas ! " Parvati a craqué. " C’est une putain d’imprudence. Tu ne sais même pas si ça va marcher ! "

Cho secoua la tête, se détournant de la scène sanglante. " La licorne est littéralement … Le plus sacré, le plus pur… "

" Purement morte ", marmonne Seamus.

" Tu as souillé ton âme ! " Parvati hurla.

" Elle m’a l’air d’aller bien " se dit Seamus en faisant un signe de tête approbateur à la blonde. " Ce n’est pas comme si on avait eu le choix de toute façon ".

" Oui, elle a l’air d’aller bien, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas maudite ! " cria Parvati.

Luna s’agenouilla, fermant les yeux de l’innocente créature. " Mon père m’a dit que ma mère avait déjà dû en abattre une ", murmura-t-elle. " Il était paralysé à partir de la taille après avoir dégringolé dans un ravin. Il a dit qu’elle s’en était sortie rapidement et qu’elle n’était pas maudite. "

Seamus fronce les sourcils. " Ta mère ne s’est pas fait exploser ? "

Luna l’ignora, caressant la crinière de la créature tout en continuant à lui murmurer des mots. Satisfaite d’avoir terminé ce qu’elle était en train de faire, Luna se leva.

" As-tu apporté la lame du gobelin ? " demanda-t-elle.

Seamus acquiesça, tâtonnant en essayant de récupérer la dague dans la poche de son manteau. Il se traîna jusqu’à ramper, incapable de lancer la lame à la sorcière.

Tressant ses cheveux en une longue natte, Luna prit la dague avec remerciement et commença à positionner la lame à la base de la corne.

" Oh putain, je ne peux pas regarder ça ", s’exclama Cho.

Lovegood venait de commencer à scier lorsqu’un cri retentit au loin. Elle laissa tomber le couteau et se leva, la tresse fouettant le sol alors qu’elle tournait la tête vers le son.

Sans un mot, la sorcière partit en courant.

" Où est-ce que tu vas, putain ? Luna ! " cria Parvati.

Cho essaya de se lancer à la poursuite de la sorcière, mais elle trébucha sur ses propres pieds et s’enfonça dans la terre.

Aucun d’entre eux n’était en état de courir.

" Merde ", siffle Seamus. " Merde ! "

" Qu’est-ce qu’on fait ? " Parvati jura en regardant autour d’elle. Son regard se posa sur la créature tuée et se figea.

Seamus et Cho suivirent son regard, silencieux, tous trois fixant la dague.

Seamus leva les yeux vers les deux autres.

" Non ", s’étrangle Cho. " Pas question. Je ne vais pas le couper, je… je ne peux pas ! "

" Putain " grimaça Parvati. " C’est vraiment n’importe quoi. "

" Tu es vraiment surprise, putain ? Je croyais que tu prétendais être une sorte de prophète ", grogna Seamus.

" Va te faire foutre Seamus. "

" Eh bien, à quoi t’attendais-tu ? " Seamus railla. " Regarde où nous sommes ! Regarde ce qu’il y a autour de ton foutu cou ! "

" Il faut qu’on se dépêche ", déglutit Cho.

Parvati défia Seamus du regard. " Tu le fais. "

" Moi ?! " Seamus cracha. " Je peux à peine me servir de mes foutus bras ! "

Parvati croisa les bras. " Eh bien, je ne le ferai pas et Cho non plus.

Seamus jette un coup d’œil à Cho, dont les joues rougissent et qui détourne le regard.

Le sorcier poussa un juron, réalisant que ni l’un ni l’autre ne se souillerait les mains. Et comme c’était lui qui avait le plus besoin de l’antidote, il n’avait guère d’autre choix que d’agir.

" Pour l’amour de Merlin ", marmonna-t-il. " Passe-moi cette fichue dague. "

 

***

 

Les pages tachées de jaune du livre étaient cassantes et sèches. Le livre ancien sur les poisons obscurs était une trouvaille inattendue, les textes de ce genre étant généralement conservés par les familles des Vingt-huit Sacrés.

Hermione connaissait presque tous les livres de la section restreinte, mais elle n’avait jamais découvert celui-ci. Théo avait prétendu avoir trouvé le livre assez facilement et le groupe l’avait accepté, mais Hermione se méfiait discrètement. Un livre comme celui-ci, dans un état aussi fragile et au contenu aussi dangereux, n’aurait jamais été autorisé à Poudlard. Mais Hermione était partie depuis longtemps maintenant. Le Poudlard qu’elle connaissait a été remplacé par des lignées impures et des points de vue archaïques.

Avec deux groupes guéris et trois toujours dans le besoin, Hermione n’avait ni le temps ni l’énergie de se préoccuper de gérer cela en douceur. Dans sa vie antérieure, elle n’aurait pas osé respirer près d’un texte aussi ancien, vénérant le livre comme s’il s’agissait de son enfant. À l’heure actuelle, la préservation du livre n’était pas sa priorité. Elle avait besoin de réponses et elle en avait besoin maintenant.

George avait gentiment proposé de prendre l’antidote et de chercher Ron, ce dont Hermione était reconnaissante. Elle ne voulait pas voir Ron dans cet état, elle ne pensait pas pouvoir le supporter.

Justin, Goyle, Padma et Ginny n’étaient toujours pas rentrés. Parvati, Cho, Seamus et Luna non plus. Mais cela n’empêchait pas Hermione de préparer autant d’antidote que possible. Ils pourraient revenir avec quelques minutes à gagner, une potion à moitié faite pourrait signifier la vie ou la mort.

La Coupole de Celepurus était pratiquement terminée, la dernière étape du processus étant la poudre de corne de licorne. Le Sentioserum, en revanche, était beaucoup plus complexe.

Les instructions étaient précises, chaque étape comprenant trois ou quatre tâches différentes. Hermione devait ajouter une poignée de baies éxplosives, mais il fallait les faire sécher et les couper en quartiers. Neville l’avait aidée avec un sort de séchage, Hermione avait coupé- puis elle devait placer chaque quartier après trois brassages et demi.

C’était un processus long et fastidieux. Avec les efforts qu’elle avait fournis jusqu’à présent, elle avait encore à peine dépassé le quart du chemin. Le livre contenait une liste de tous les ingrédients, tout le matériel qu’elle devait utiliser et trois pages d’instructions.

Mais tout cela ne signifiait rien lorsqu’elle se rendit compte qu’il manquait la deuxième page.

Hermione avait gardé le silence, ne voulant pas affoler les autres, mais à chaque étape terminée, son anxiété grandissait. Il était impossible de terminer l’infusion avec un trou noir en plein milieu.

Alors qu’elle passait le texte au peigne fin, Hermione sentit une piqûre entre ses deux yeux. La sensation d’une chanson dont elle se souvenait tout juste de la mélodie, ses paroles perdues dans le temps. Elle se concentra sur cette chanson, s’efforçant de se concentrer, de chercher, d’emprunter au plus profond de son esprit. Elle ne la saisit pas tout à fait, mais elle l’entrevit suffisamment.

Hermione ne se souvenait pas de cette potion.

Mais Darryl l’avait.

C’est un gribouillis dans le coin supérieur droit qui a éveillé la familiarité, l’empreinte d’une plume d’oie qui teste l’encre. Hermione pouvait voir l’endroit où l’auteur avait échangé ses plumes, un paragraphe devenant gris pour se terminer en lettres noires et grasses.

En y regardant de plus près, l’inclinaison de l’écriture était également familière. Les mots latins étaient tellement inclinés vers la droite qu’ils étaient presque de travers, comme si quelqu’un avait été distrait.

C’est alors qu’elle eut un aperçu, un bref souvenir dans la bibliothèque de connaissances que Darryl lui avait transmise.

Il s’agissait d’un sorcier, jeune mais à l’allure maladive, qui se penchait sur des pages blanches. Il s’arrêtait sporadiquement, froissait du papier et frappait des lignes de texte. Diverses herbes, des ustensiles et du matériel rouillés l’enveloppaient sur son petit bureau, une bougie mourante étant sa seule source de lumière.

Il y avait de l’urgence dans son écriture, son regard se dirigeait vers une silhouette recroquevillée dans un lit de paille. Il avait léché sa plume, la trouvant sèche. Après avoir griffonné dans un coin, il chercha une fiole d’encre de rechange, mais n’en trouva pas - il enfila son manteau et s’élança vers la sortie.

C’est à ce moment-là qu’Hermione rencontra la partie du souvenir qu’elle était censée voir, la leçon que Darryl avait l’intention de lui montrer. Après avoir été éconduit à l’heure tardive par son voisin, l’homme continuait à frapper désespérément à la porte. Le voisin tira sa baguette et une bagarre s’ensuivit.

D’un simple coup de baguette, l’homme trancha son voisin en deux au niveau de la taille, une séparation nette qui prit plusieurs secondes aux victimes pour reconnaître que leur heure était maintenant venue. La moitié supérieure glissa sur le sol, les entrailles se répandant sur le pas de sa porte. La moitié inférieure suivit, s’écrasant sur le sol à côté d’un sorcier déjà mort.

Hermione avait regardé cette scène encore et encore et encore.

Jusqu’à ce qu’elle l’ait mémorisée.

Incisusdimidium.

Son créateur avait récupéré son encre et était retourné à son bureau encombré et à sa plume vide, reprenant ses gribouillages frénétiques comme si ses bottes n’étaient pas trempées de sang.

Mais Hermione ne s’était pas concentrée sur le texte, il n’avait aucune importance. Une courte scène présentée dans le seul but de fournir un contexte.

Darryl ne faisait pas dans la non-pertinence, il choisissait chaque souvenir avec soin. Hermione avait juste été trop arrogante pour le voir, si confiante en sa propre perception.

Cette arrogance avait disparu maintenant. L’esprit d’Hermione était tout sauf confiant. Le souvenir était peut-être vrai, mais le Détraqueur qui le lui avait transmis n’avait aucune preuve de son existence. N’importe qui aurait pu mettre ce souvenir dans sa tête, elle l’avait peut-être même fait elle-même.

C’était une boîte de Pandore qu’elle ne voulait pas ouvrir. Tant qu’elle restait fermée, les deux réalités pouvaient être vraies.

Bien que ni l’une ni l’autre ne puisse lui donner les réponses, et malgré tous ses efforts, Hermione ne pouvait se souvenir que de quelques mots latins sur la deuxième page écrite par l’homme.

Vers Globuleux. Cuillère à café. Besoin d’argent.

Hermione poussa un soupir de frustration.

" Oi ! J’ai apporté des cadeaux ! " Théo se présenta avec brio en valsant dans la pièce, faisant léviter une pile de livres devant Neville et George.

" Tout ce que j’ai pu trouver sur les Phénix et leurs larmes magiques ", a-t-il fièrement lancé. " Lisez les garçons ".

Neville soupira en attrapant une couverture dans l’imposante pile.

" Merlin, il commence à faire froid ici ", frémit Théo en s’approchant de Susan. " Tu vas bien, ma belle ? " Lui demande-t-il.

Susan lui lance un regard acerbe, un regard qui dit : "  Tu penses quoi ? " .

Il lui tapota l’épaule avec sympathie avant de sauter pratiquement vers Hermione. " Mon oh mon amour, tu as été très occupée ! " S’exclama-t-il. " Comment ça se passe ? "

Hermione a battu des cils. " Très bien. "

" Oui, ça a l’air parfait ma chérie ", sourit-il. Attrapant le texte ancien, il en feuilleta grossièrement les pages.

" Attention ! " Siffla-t-elle.

Théo lui sourit, les yeux brillants, tandis qu’il laisse tomber le livre sous la table. " Oups. "

Hermione poussa un juron, se baissant sous la table pour attraper le texte. Alors que sa main s’approchait de la couverture, celle de Théo se resserra fermement autour de son poignet.

" Agis normalement. " Siffla-t-il, la voix inhabituellement sérieuse.

Hermione se figea.

" Prends le livre et suis les instructions qui figurent sur la page. Ne laisse pas les miroirs le voir. Penche-toi au-dessus si tu le peux. Une fois que tu auras fini, j’ai besoin que tu le brûles. " Il chuchota, les yeux vifs et calculateurs.

Hermione hocha la tête en tremblant. Il la fixa encore un moment, avant de sortir un morceau de parchemin roulé de sa chaussette et de le glisser entre les pages du livre.

" Ne les laisse pas voir ", lui dit-il.

Son esprit tourbillonna tandis qu’elle se levait, serrant le livre contre sa poitrine. Théo passa un bras autour de sa taille, l’aidant à se lever avec un sourire.

" Désolé pour ça, ma chérie ", dit-il à voix haute. "  Est ce que ton livre va bien ? " 

Hermione hocha la tête bêtement.

Il sourit, plantant un baiser sur son front. " Je resterai en dehors de ton chemin alors " promit-il.

Théo la laissa bouche bée. Les mains tremblantes, Hermione ouvrit le texte. Feuilletant les pages, Hermione s’affaissa en avant sur ses coudes pour masquer la vue du miroir.

" Neville mate ! " Théo le proclame bruyamment. " Je suis désolé pour ce qui a été dit sur cette estrade. C’est plutôt dur de se faire trahir comme ça par son compagnon. "

La provocation audacieuse de Théo la détourna de ses lectures, mais c’était peut-être exactement ce qu’il avait prévu… une distraction.

" Je n’ai pas vraiment envie d’en parler ", rétorqua Neville.

Les miroirs qui planaient à proximité se refermèrent sur le sorcier, permettant à Hermione d’extraire le morceau de parchemin égaré.

C’était la page manquante. Avec sa liste d’instructions détaillées, Hermione poussa un soupir de soulagement. Elle dévora le texte, passant chaque étape au peigne fin et remerciant la magie pour toutes les nuits passées à étudier le latin.

Ses yeux s’arrêtèrent, se fixant sur le gribouillis inconnu dans le coin inférieur.

 

Je ne t’ai pas abandonné.

- Le Pigeon.

 

Mais qui était ce Pigeon ? Et pourquoi Théo ne voulait-il pas que les miroirs le voient ? Hermione relut la phrase plusieurs fois, à la recherche d’indices supplémentaires.

Était-ce la raison pour laquelle la page avait disparu ? Théo l’avait-il volée dans le livre lorsqu’il l’avait récupéré dans la section interdite ? Hermione avait trouvé étrange que le livre soit même là, surtout quand il était si pertinent pour la première tâche. Peut-être que ce… Pigeon l’avait placé là.

Si c’était vrai, si quelqu’un d’extérieur au Tournoi était de leur côté, alors ce message était dangereux.

Il fallait le détruire.

Hermione lissa les bords, plongeant dans la potion avec vigueur. Elle devait terminer ces étapes rapidement, de peur que les miroirs ne la surprennent.

" Je veux dire que j’ai toujours su qu’elle avait un faible pour Potter " continua Théo. " Mais encore maintenant ? Ça doit faire mal. "

Elle étouffa les voix qui s’élevaient, mémorisant chaque étape. Les miroirs pouvaient arriver à tout moment.

Trois tasses et un quart de racine de gingembre tranchée à ajouter simultanément à un flacon de bile de tatou (âgé de cinq ans). Deux griffes de bout de feu chinois, une de chaque pouce. Entier.

Hermione mémorisa chaque instruction détaillée jusqu’à ce qu’elle atteigne la dernière étape de la page. Dans sa vague mémoire, Hermione reconnut le court passage vers le bas du texte.

1 cuillère à café de mucus de Vers Globuleux.

Une profonde tache d’encre masquait partiellement la phrase, une tache où elle aurait juré que les mots " besoin d’argent " étaient griffonnés.

" Va te faire foutre Theo ! " maudit Neville.

Besoin d’argent. Besoin d’argent.

Besoin d’argent pour quoi ? Avait-on besoin d’un ingrédient supplémentaire ?

George soupire. " Sérieusement, laisse-le tranquille. "

Hermione se creusa la tête pour essayer de se rappeler quelque chose, n’importe quoi sur la raison pour laquelle l’homme l’avait écrit.

Besoin d’argent. Besoin d’argent.

" Quoi ? " Theo geignit. " Je vérifie juste qu’il va bien. "

" Non, tu fais le con ", réagit George.

Elle ferma les yeux, imaginant sa forme voûtée. Ses ingrédients éparpillés. Ses ustensiles rouillés.

Les ustensiles rouillés.

" C’est ça ", murmure-t-elle.

Jetant un regard nerveux aux miroirs, Hermione froissa le papier et le glissa sous le chaudron.

" C’est une question innocente ! " Répond Théo.

Il s’enflamma et Hermione se leva pour lui bloquer la vue.

Neville se leva, le visage cramoisi par la rage. " Je jure devant Merlin Théo que si tu dis encore un putain de mot, je… "

" Cuillère d’argent ! " Hermione s’écria.

Les trois sorciers se tournèrent vers Hermione en arborant les mêmes expressions de confusion. Susan garda la tête sur ses coudes, s’étant depuis habituée au comportement bizarre d’Hermione.

" Hein ? " Théo fronça les sourcils.

Hermione prend une grande inspiration. " J’ai besoin d’une cuillère à café en argent. Le mucus des vers globuleux est acide. "

Neville et George échangèrent un regard ahuri.

" Et alors ? " demanda George avec hésitation.

" Alors ", poursuivit Hermione, " il rouillerait la cuillère à café ". " Il ferait rouiller la cuillère à café. Toutes celles qui sont ici sont en fer. "

Les sorciers continuèrent à la regarder d’un air absent.

Hermione soupira. " L’utilisation d’une cuillère en fer altérerait le breuvage. Des particules de rouille s’écailleraient dans la potion, contrecarrant les effets de la griffe de dragon. Les dragons chinois à bout de feu détestent le fer, il irrite leurs écailles. "

Neville cligna lentement des yeux devant la sorcière, n’ayant visiblement toujours aucune idée de ce dont elle parlait.

Theo grimaça, son sourire s’élargissant tandis qu’il la rayonnait. Hermione se traîna mal à l’aise, repoussant un remous dans son estomac.

"  Hermione, tu es brillante ! "  s’exclama-t-il. " Honnêtement, nous serions tous morts sans toi ".

Hermione ravala une pointe de culpabilité.

" Alors ? " Theo annonce, en se tournant vers George et Neville. " Vous avez entendu ma sorcière ! Allez chercher des foutues cuillères ! "

 


 

Chapter Text


Effrayant


 

Astoria ne savait pas pourquoi elle faisait ça, pourquoi elle se mettait en danger pour un putain d’elfe.

Mais merde. Elle aimait bien Winky. Winky avait fait ses gâteaux préférés. Winky s’était assise avec elle dans la cuisine de Poudlard après que les autres filles de Serpentard se soient moquées de sa poitrine si plate. Winky n’était pas une amie, mais elle n’était pas rien.

Elle était quelque chose. Même si Astoria n’était pas tout à fait sûre de ce que c’était.

 

Astoria pensait que l’elfe était morte il y a des années. Découvrir qu’elle était vivante et qu’elle servait les Champions lui avait fait l’effet d’un choc. Bien qu’il soit agréable.

Mais maintenant, Winky allait se faire tuer pour quelque chose d’aussi insignifiant que des poils. Et des putains de cuillères.

George avait immédiatement appelé l’elfe pour lui demander une cuillère à café en argent. Pas de s’il vous plaît ni de merci, ce qui, de l’avis d’Astoria, était la moindre des choses que l’elfe méritait après avoir sauvé leur putain de vie.

Hermione et Théo n’avaient rien dit, mais ils étaient manifestement décontenancés par la présence de l’elfe dans le tournoi. C’était un avantage majeur.

Tout ça parce que Vord avait été trop arrogant, putain, pour considérer l’utilité de l’elfe.

Astoria en avait marre des hommes arrogants.

Mais oh, comme il est facile de jouer avec eux.

 

" Mon Seigneur ", dit Astoria en interrompant un ministre bulgare qui s’adressait au Seigneur des Ténèbres. " C’était du génie. J’attendais beaucoup de cette tâche et pourtant, vous les avez réussies. "

Le ministre commença à reprendre n’importe quelle absurdité qu’il disait, troublé par l’interruption, quand Voldemort leva la main pour le faire taire.

" Je suis très heureux de l’entendre, ma chère ", répondit Vord en serrant sa main dans sa prise griffue et en y plantant un baiser sur le dos de sa main. Astoria gloussa.

" Mon seigneur, comme je le disais… "

Voldemort coupa brutalement la parole au ministre, le congédiant d’un bref mouvement de poignet. L’homme rougi s’exécuta instantanément, s’inclinant très bas et se retirant dans le caniveau d’où il venait.

Son maître tapota le siège vide à côté de lui et Astoria le gratifia de son plus éclatant sourire. Elle s’assit gracieusement, lui caressant la jambe avec sa cheville et elle se blottit plus près de lui.

" Ce que tu as fait avec l’elfe est extraordinaire " s’exclama Astoria avec audace, suffisamment fort pour que les personnes autour d’eux l’entendent. " Laisser cette chose dans les jeux ? Du génie ! "

" Oh ? " Vord a répondu avec légèreté, son ton portant une légère nuance.

 

Les oreilles environnantes se détournèrent vivement, les épaules se tendirent et elle exprima l’erreur évidente du Seigneur des Ténèbres.

" C’est hilarant, continua Astoria. " Qu’un simple elfe de maison puisse accomplir plus en trente secondes que ces deux traîtres de sorciers en plusieurs heures ".

Elle éclata de rire. " Je veux dire, je savais que l’Ordre était faible, mais se faire surprendre par un elfe de maison ? Et dire qu’ils avaient complètement oublié sa présence. Ils auraient pu accomplir toute la tâche sans même s’en rendre compte ! Oh Merlin, pouvez-vous imaginer à quel point cela aurait été drôle ? N’importe quel Sang Pur respectable l’aurait compris dès les premières minutes ! "

Vord lui sourit, son regard calculateur s’accrochant à son explication. " Vous êtes vive ma chère, vous remarquez toujours les petits détails astucieux. "

Astoria feignit de rougir, baissant la tête devant ses compliments. " Eh bien, j’ai appris de vous, mon Seigneur. Tout ce que vous faites est juste… si précis et… et brillant ! Vous avez utilisé un simple elfe pour montrer au monde à quel point les traîtres sont inférieurs. "

Un chœur d’accords s’éleva autour d’eux de la part des membres qui cherchaient désespérément à attirer l’attention du Seigneur des Ténèbres. Chaque mot d’éloge nourrissait l’ego du Seigneur des Ténèbres.

Il était tellement prévisible, putain.

 

Vord balaya délicatement ses cheveux de sa clavicule, exposant son long cou. Elle fit semblant de ne pas le remarquer tandis qu’il se mouillait les lèvres.

" Je suis content que tu apprécies le spectacle ", songea-t-il doucement, son regard se délectant de sa peau exposée.

Astoria se tourna pour le regarder, affichant l’expression la plus innocente qu’elle pouvait trouver. " Est-ce que ça va être dans la deuxième tâche ? " Chuchota-t-elle, excitée.

Le Seigneur des Ténèbres rit et secoue la tête. " Non, ma chère. Une seule suffit. Je me suis fait comprendre. "

Elle fit la moue, puis écarquilla les yeux en signe de révélation. " Est-ce que vous pensez… " fit-elle une pause, se mordant la lèvre inférieure. " Pensez-vous que… que je pourrais l’avoir ? " demanda-t-elle.

Il haussa le sourcil. " Je pourrais t’en trouver un meilleur ".

Astoria a rapproché sa poitrine. " Mais celui-là est célèbre maintenant. Je veux celle-là. "

Ses yeux parcoururent son expression sérieuse, son regard l’évaluant. " Très bien ", soupire-t-il.

Elle poussa un cri d’excitation, serrant le Seigneur des Ténèbres dans ses bras et embrassant sa joue. " Merci, mon Seigneur ! "

Il lui tapota affectueusement la jambe, complètement rassasié de cette attention.

Tellement prévisible, putain.

 

***

 

Ginny se sentit confuse lorsqu’elle revint à elle, sa peau la picotant tandis que des voix ondulaient de façon déformée dans ses oreilles. La douleur était le seul sens tangible qu’elle pouvait saisir, alors elle s’en servit pour se hisser jusqu’à la conscience.

Elle ouvrit les yeux

"  - Excuse-moi pour ce que j’ai fait. J’ai cru que je sentais le loup, je vois maintenant que je me suis trompée. "

Ginny toussa, l’action envoyant du feu irradier ses tripes. " Les excuses ne sont pas acceptées, putain ", croassa-t-elle.

Justin s’est penché sur elle, le visage crispé par l’inquiétude. " Ne bouge pas, d’accord ? "

Ginny se contenta de grogner. Elle ne pouvait pas bouger, même si elle le voulait.

" C’est très bien ", lui répond une voix familière.

Luna.

 

Pourquoi Luna était-elle ici ?

Ginny tourna la tête, serrant les dents en s’efforçant d’apercevoir les connards qui l’avaient embrochée.

Les cheveux blonds et blancs de Luna pendaient en une tresse sale remplie de brindilles et de feuilles. Elle se tenait calmement tandis que les cinq centaures mâles la toisaient et qu’elle leur expliquait la raison de leur intrusion.

" Ce n’est pas nécessaire ", dit l’une des créatures. " Nous l’avons ici et nous vous le remettrons volontiers ".

" Est-ce qu’ils parlent du sang ? " Siffle Ginny.

 

Justin la fait taire.

" Pourquoi ? " Une autre voix demanda, le ton empreint de surprise.

Les centaures se tournèrent vers ce que Ginny supposait être la direction de Padma. Une direction qu’elle ne pouvait pas voir à cause de la putain de tête géante de Justin.

" Parce qu’il nous l’a demandé " répondit leur chef.

Ginny se redressa avec un sifflement, bien décidée à obtenir les réponses dont elle avait besoin. " Voldemort ? " cracha-t-elle.

Le chef tourna ses yeux sombres vers elle. " Nous ne sommes pas les alliés de cet imbécile arrogant ", siffla-t-il.

" Putain de pacte ", fit Goyle en hochant la tête d’un air approbateur.

 

Ginny n’a pas faibli. " C’est quoi le piège ? "

" Je ne comprends pas. "

" Pourquoi nous aider ? " Elle insista, essayant très fort de garder le fiel hors de sa voix.

" Quand il nous appelle, nous devons obéir. Ou faire face à sa colère. "

" La colère de qui ? " craqua Ginny.

" Ginny ", siffla Justin.

 

Le chef pencha la tête, d’un air presque compatissant. " Ce n’est pas à toi de le savoir. Ce n’est pas parce que tu as oublié que nous avons oublié. "

Une autre vague de vertiges frappa Ginny et elle fut obligée de se recoucher, au grand soulagement de Justin. Luna reprit les rênes et ramena la conversation sur le terrain de la politesse.

Toute cette histoire était suspecte. Les centaures n’étaient pas vraiment connus pour leur nature généreuse. Quel que soit l’homme qui les commandait, il devait être terrifiant.

Et si ce n’était pas Voldemort…. qui était-ce ?

Le chef tendit une fiole de cuir, dont elle supposa qu’elle contenait le sang dont ils avaient désespérément besoin.

Luna s’inclina et prit son offrande.

Lorsque leurs mains se touchèrent, les yeux du Centaure devinrent blancs. Il releva la tête, le cou tendu, tandis qu’un chœur de murmures s’échappait de sa bouche.

 

" Le sang enchaîne et le sang libère.

Quatorze premiers et trois septièmes.

Un de lumière, de lune, d’argent et de flamme.

Sept commencera à la fin des jours.

Le menteur frappe l’amant et l’ami.

Alors seulement, la mort pourra s’élever. "

 

Le chef inspira brusquement, ses yeux redevinrent bruns. Il regarda le groupe avec horreur et recula rapidement.

Les centaures gémirent et se dressèrent sur leurs pattes arrière, complètement effrayés.

Sans même jeter un regard en arrière, ils disparurent dans la nuit.

Le groupe resta en silence pendant plusieurs instants, terrifié et incertain.

Goyle le rompit en toussant faiblement. " Eh bien, c’était foutrement flippant. "

Ginny ferma les yeux.

 

***

 

Hermione fut soulagée lorsque Ron revint, les yeux brillants et clairs. Le fait qu’il soit guéri la soulageait de la tension qu’elle avait subie, ce qui lui permettait de planifier ce qui allait suivre.

Dennis n’était pas en état de continuer, le sorcier tremblant de façon incontrôlable. Tous deux étant arrivés les mains vides, George, Neville et Théo partirent poursuivre les recherches dans le château.

Ce dernier s’était crispé à l’arrivée de Ron et les deux hommes partagèrent un regard de mépris en se croisant à la porte. Hermione repoussa ses inquiétudes, se concentrant sur le maintien de la chaleur de l’infusion de Sentioserum. L’étape suivante nécessitant du sang de Centaure qu’elle n’avait pas, Hermione était incapable de continuer.

Elle n’avait plus qu’à espérer que les autres reviennent à temps.

" C’est quoi toutes ces cuillères ? " Ron demanda par-dessus son épaule, la faisant sursauter.

 

Ron recula d’un pas en s’excusant. " Désolé ", murmura-t-il, les joues teintées de rose.

Ce geste lui rappelait tellement le Ron dont elle se souvenait qu’il lui fallait tout ce qu’elle avait pour ne pas sauter dans ses bras et le supplier de la pardonner.

"  Ça va "  s’étouffa-t-elle à la place, en lui offrant un petit sourire.

 

Il lui rendit son sourire timidement, ne sachant pas trop comment naviguer sur ce nouveau territoire.

Hermione déglutit. " Les cuillères. Winky nous les a procurées. Nous avions besoin d’une cuillère à café en argent pour l’un des ingrédients. "

Ron fronça les sourcils. " Winky est ici ? "

" Pas maintenant. Mais elle vient quand on l’appelle. "

" Winky a les cuillères ? " Il répéta.

" Et les cheveux de Sombral ", ajouta Hermione.

Les yeux de Ron s’illuminent. " Winky ! "

 

L’elfe apparut à côté d’eux, le corps tremblant. Ron s’accroupit, l’excitation faisant vaciller sa voix.

" Winky, j’ai besoin que tu ailles chercher les Larmes du Phénix ". Il l’exhorte.

Winky leva les yeux vers lui, visiblement terrifiée. Elle secoue la tête.

Ron fronce les sourcils. " Il y en a dans le château ? "

L’elfe haussa les épaules, les mains se recroquevillant de manière protectrice en prévision d’un coup qui ne viendrait pas.

 

Ron soupira, serra doucement les mains de l’elfe et les ramena sur ses côtés. " Je ne vais pas te faire de mal, Winky ", promit-il.

Winky fronça les sourcils, confuse.

" Et Bézoards ? " Ron hésita : " Est-ce qu’il en reste dans le château ? "

L’elfe haussa à nouveau les épaules, des larmes perlant dans ses grands yeux.

" C’est bon. C’est bon ", apaisa Ron en caressant les bras de l’elfe d’une manière réconfortante. " Tu ne sais pas et c’est normal. On peut le trouver, hein ? "

Winky renifla, puis acquiesça.

 

Ron hésita, sa voix était rauque. " J’ai juste une dernière chose à te demander, Winky. Est-ce qu’il y a un, un moyen possible pour toi d’obtenir du venin frais d’Ancromantula et de revenir en vie ? "

" Ron ", siffla Hermione.

L’elfe secoua la tête, tirant les oreilles vers le bas alors qu’elle sanglotait silencieusement.

" Ok ", souffla Ron. " C’est bon. Merci Winky, tu n’as pas… " sa voix se brisa. " Tu n’as pas besoin d’aller chercher quoi que ce soit, d’accord ? "

Winky cligna des yeux, incrédule qu’un Champion ne veuille pas l’envoyer accomplir une tâche impossible. Après tout ce que Ron avait dit lors de son entretien, Hermione était elle aussi surprise.

Elle s’est dit que le Ron doux et compatissant qu’elle avait connu autrefois était peut-être encore là.

Mais elle s’est alors rendu compte de la situation.

 

Cela ne servait à rien d’envoyer Winky si elle ne pouvait pas revenir vivante. Ils n’auraient aucun moyen d’obtenir l’antidote.

Ce n’était pas la mort de l’elfe qui empêchait Ron d’ordonner à Winky de le récupérer. C’était la logistique.

Hermione ravala un sanglot.

Ron remercia encore l’elfe, offrit à Hermione un faible sourire ainsi que plusieurs autres assertions.

Hermione acquiesça, l’esprit déjà loin.

Elle s’occupa de la potion, prétendant qu’il y avait plus à faire pour éviter de regarder Ron. Ce n’est pas ce qu’elle voulait. Elle voulait sauver son Ron. Pas ça…

" Les couverts ", chuchota Ron.

 

Hermione leva la tête, les sourcils froncés par la confusion.

" Ils ont enduit les couverts de poison, poursuivit Ron avec enthousiasme, c’est comme ça qu’ils ont obtenu les bonnes mesures ! Quelques gouttes sur une fourchette, une pincée de poudre sur une cuillère… "

Il brandit l’une des cuillères avec sérieux et Hermione ne pouvait pas croire qu’elle l’avait manquée.

" Les couverts ", souffla-t-elle. " Bien sûr ! "

" C’est pour ça que la quantité de nourriture qu’on mangeait n’avait pas d’importance. Ce n’était jamais dans la nourriture ! " S’écria-t-il.

L’esprit d’Hermione remonta le temps jusqu’au festin, cherchant une confirmation. Les premières bouchées qu’elle avait avalées avaient un goût salé. Elle pensait que c’était parce qu’elle n’était pas habituée à cette saveur, que les champignons étaient trop bien assaisonnés pour son palais terne, mais…

C’était sa fourchette.

 

C’est pourquoi le goût salé s’estompait au fur et à mesure qu’elle continuait à manger. Elle avait été empoisonnée dès la première bouchée.

" Brillant, Ron ", s’exclama-t-elle.

Il rougit sous ses compliments, se passant maladroitement les mains dans les cheveux.

Dennis rit amèrement à l’autre bout de la pièce : " Non pas que ça ait de l’importance maintenant. "

Le sourire de Ron tomba.

" Non. Non, je suppose que ça n’a pas d’importance ", murmura-t-il.

Hermione ne dit rien de plus, mais elle n’est pas d’accord.

C’est important. C’était important pour elle.

 

Cela prouvait que Ron pouvait survivre à cette situation. Qu’il pouvait se débrouiller tout seul. Qu’il n’avait pas besoin qu’elle reste dans les parages pour le sauver.

Elle pouvait partir en sachant qu’il avait une chance.

Et peut-être que s’il vivait, il pourrait retrouver son chemin.

Peut-être qu’elle avait fait le bon choix après tout.

 

***

 

" Je ne peux pas. Je ne peux pas f-finir. " Seamus bredouilla, se laissant tomber en avant d’un air vaincu.

Couper une corne de licorne pour une personne presque entièrement paralysée s’était avéré presque impossible. Astoria regardait le sorcier travailler depuis vingt minutes maintenant et l’épuisement ne faisait qu’aggraver son état.

 

Cho leva son menton tremblant. " Ok, ok, laisse-moi faire. "

" Non, c’est moi qui vais le faire ! " Parvati claqua durement, peu désireuse de laisser son amante se salir les mains.

Avec un soupir, elle arracha le poignard des doigts recroquevillés de Seamus et commença à scier. Même si elle se débattait elle aussi, elle n’était pas aussi affectée que Seamus. Le sorcier avait l’air sinistre.

" C’est fait. " Parvati soupira, son bras tremblant soutenant la corne.

" Merci putain " répondit Seamus en grognant alors qu’il s’allongeait.

Parvati rangea le tromblon et se leva sur ses jambes instables. " Tu peux marcher ? "

" Non ", ricana Seamus, sans se soucier du fait qu’il gisait dans une mare de sang argenté.

" Ok ", expira Cho. " Ok, accroche-toi. "

 

La sorcière essaya en vain de tirer Seamus à la verticale, un bras inutilisable à ses côtés. Parvati s’approcha pour l’aider, mais leur force combinée n’était rien face à l’effet des poisons. Ils s’effondrèrent dans un enchevêtrement de membres.

Une fois redressée, Parvati sortit sa baguette pour tenter de faire léviter le sorcier. Elle réussit à soulever Seamus de quelques centimètres avant que son bras tremblant ne tombe d’épuisement.

Les deux femmes tentèrent alors de lancer ensemble. " Merde, je ne peux pas ! " Cho sanglotait, incapable même de lever sa baguette pour lancer le sort. " Qu’est-ce qu’on fait ? "

Parvati plissa les yeux et poussa un profond soupir. En ouvrant les yeux, elle secoua doucement la tête vers Cho, le regard baigné de pitié.

Seamus reconnut leur regard commun. " Non ", croassa-t-il. " Attends… "

" Nous ne pouvons pas te porter Seamus ", souffla Parvati. " Je suis désolée. "

" Attends une minute ! " supplie Seamus.

Parvati prit la main de Cho. " On va ramener ça, chercher l’antidote et revenir te chercher ok ? je te le promets ".

" Et comment allez-vous me trouver ? On est au milieu de ce putain de nulle part ! " Seamus criait, ses coudes glissant dans le sang alors qu’il essayait désespérément de se redresser.

" Quand tu nous entendras appeler, lance une pluie d’étincelles rouges ". Proposa Cho, en repoussant ses larmes.

 

Seamus se mit à sangloter. " Je ne peux pas faire ça si je suis paralysé Cho, s’il te plaît, pour l’amour de Dieu, ne me laisse pas ! "

" Je dois le faire ", dit-elle en hoquetant. " Je suis désolée. "

" Attends " supplia Seamus en se traînant un peu. " Attends ! "

" Nous te retrouverons ! Tiens bon ", assura tristement Parvati.

Les sorcières se retournèrent et commencèrent à s’éloigner.

" Non ! Arrêtez ! Ne me laissez pas ici. Ne me laissez pas, putain ! " Seamus rugit, le cou tendu alors que ses membres le trahissaient.

Aucune des deux ne se retourna.

"  Revenez ! "  sanglota-t-il.

Après avoir supplié et gémi pendant ce qui semblait être des jours, les sorcières disparurent enfin de son champ de vision et Seamus se calma.

Sa joue se pressa contre l’argent, les larmes rencontrant le sang alors qu’il attendait la mort.

 

***

 

Le moment était venu.

Hermione regarda Ron repartir, déterminée à poursuivre sa quête de l’impossible.

Il lui sourit en partant et elle le rangea dans son esprit pour le conserver précieusement.

Dennis et Susan s’étaient blottis l’un contre l’autre sous une pile de couvertures et plusieurs charmes de réchauffement lancés par Ron. Il lui en avait offert un, mais elle l’avait refusé. Elle préférait le froid.

Dennis tendit un cure-dent enflammé en chantant un joyeux anniversaire à une Susan rayonnante. Hermione se joignit à elle.

 

Même si son anniversaire était techniquement hier, cela ne signifiait pas qu’ils ne pouvaient pas le fêter. Elle n’a jamais eu sa fête après tout.

Alors qu’ils arrivaient au dernier couplet, le couteau que tenait Hermione glissa et lui trancha le pouce. Des perles de sang commencèrent à se former et Hermione plaça instinctivement la blessure dans sa bouche, léchant le cuivre de la peau fendue.

Des images de crème et de crumble aux abricots défilèrent dans son esprit. Un regard enivrant et un sourire séducteur. Une bouche qui referme sa fourchette tendue.

Un coup de langue au coin de sa bouche.

Théo.

 

Théo avait pris une bouchée de son dessert. Une bouchée de sa fourchette.

La fourchette enduite de Calice de la mort.

Elle secoua la tête pour l’effacer. Quelles que soient les traces laissées sur la fourchette, elles avaient sûrement disparu au moment où il était arrivé. Cela faisait presque une heure qu’elle mangeait, s’il restait du poison, il devait être minuscule…

" Merlin, il fait un putain de froid ici "

 

Le Calice de la mort était l’exception à la règle. Il contredisait les lois de la fabrication des potions. Un gallon ou une gouttelette ne faisait aucune différence. La mort surviendrait à sept minutes et sept secondes. Toujours.

Non.

Ils ne s’en étaient pas rendu compte parce que la corne du diable avait masqué les symptômes.

Hermione devait partir.

" Ça va Hermione ? " demanda Dennis, inquiet en regardant son pouce qui saignait.

" Oui, juste une égratignure ", sourit-elle. " Susan, tu peux tenir ça ? " demanda Hermione en lui tendant le couteau taché de sang.

Susan s’exécuta et le prit sans bruit. Hermione s’assura que leurs doigts se touchaient, sa main s’attardant une fraction plus longtemps que nécessaire. Il lui fallut tout ce qu’elle avait en elle pour ravaler ses larmes. Susan ne le savait pas, mais elle avait offert à Hermione un cadeau inconcevable.

 

Le dernier contact humain d’Hermione. Un contact bienveillant. Tendre. Doux.

"  Je vais chercher d’autres Sisymbre " , mentit Hermione en se levant pour sortir précipitamment. " Je crois que j’en ai vu dans les quartiers de Slughorn. "

Susan attrapa l’ourlet de la robe d’Hermione, la forçant à s’arrêter tandis que la sorcière se relevait sur des jambes tremblantes.

" Non " insista Hermione, un faux éclat enrobant sa voix. " Tu attends ici. Je ne serai absente qu’un instant. "

Susan sembla hésiter, pesant entre ce que voulait son esprit et ce que faisait son corps.

Hermione soupira, plantant un sourire sur son visage. " C’est bon, Susan ", assura-t-elle. " Je reviens tout de suite. "

La sorcière s’effondra sur son tabouret dans un soupir, les yeux évaluant les siens. Hermione résista à l’envie de détourner le regard, espérant que son expression ne change pas de son masque soigneusement placé.

 

Susan tendit la main et serra légèrement celle d’Hermione, levant l’autre avec cinq doigts tendus. La signification était claire.

Cinq minutes.

Hermione souffla un rire, serrant la main de la sorcière en retour. " Oui, d’accord, cinq minutes ", mentit-elle.

Susan se détendit à nouveau dans les bras de Dennis. C’était le meilleur endroit où Hermione pouvait la laisser.

Alors elle partit.

Alors qu’elle se hâtait à travers les couloirs faiblement éclairés, qu’elle passait devant les chambres de Slughorn et qu’elle montait les escaliers, Hermione ne se retourna pas une seule fois.

Hermione laissa le château derrière elle, les talons posés à l’entrée.

 

Et alors qu’elle courait sur l’herbe au clair de lune, les mèches douces se pliant sous ses pieds nus, les premières larmes commencèrent à couler.

Seule, elle disparut dans la forêt interdite.

 


 

Chapter Text


L'Araignée Gipsy


 

Goyle porta Ginny jusqu’au château, il était étonnamment doux, compte tenu de la douleur qu’il ressentait.

De près, Ginny pouvait voir qu’il était criblé de bleus. Il sifflait à chaque pas, serrant les dents alors que du sang s’écoulait régulièrement de son nez sur sa poitrine.

Ce n’est pas que Ginny s’en plaignait. Elle aussi avait saigné sur lui.

" Merci Merlin ! " Cho s’exclama alors qu’ils entraient dans la salle de classe. " On a la corne mais on ne peut pas l’écraser, aucun de nos doigts ne fonctionne ! ".

 

Justin s’est lancé en mode guérisseur, convoquant un lit pour que Cho et Parvati puissent s’y allonger. Luna fit léviter les sorcières froissées avant de prendre le cor et de le préparer pour la potion.

" Tu as vu Hermione dehors ? demanda Dennis par-dessus le vacarme.

Goyle secoua la tête.

Ginny fut déposée sur son lit conjuré, le mouvement la faisant rugir d’agonie.

"  Laquelle est laquelle ! "  demanda frénétiquement Padma en faisant un geste entre les deux potions qui mijotaient.

" La tienne est à droite, celle de Cho et Parvati à gauche ! " Dennis se précipita. " Hé, où est Seamus ? "

 

Cho eut un hoquet de sanglot. " On l’a laissé ", souffla-t-elle. " Il ne pouvait pas marcher et on ne pouvait pas le faire léviter alors on a dû le laisser ! ".

" Putain ", maugrée Justin. " Où ? "

" Près de la licorne " Parvati étouffait.

 

Luna ajouta la corne en poudre dans l’infusion, se détendant légèrement lorsque la vapeur passa du blanc à l’argent.

Une de moins. Il en reste une.

" Quelqu’un a vu Hermione ? " demanda encore Dennis.

" Padma, viens ici ! Justin a claqué. " Il faut que tu coupes les Choux Mordeurs de Chine en dés pendant que je mesure la quantité de sang ".

Ginny gémit alors qu’une nouvelle vague d’agonie la frappait. " Est-ce que quelqu’un peut me donner une putain de potion anti-douleur ! " cria-t-elle.

Goyle se mit au garde-à-vous. "  Je suis dessus ! " 

" C’est fait ! " Luna hurla, versant un liquide argenté dans trois fioles en verre.

" Dieu merci ", gémit Parvati, " je ne sens plus mes jambes ".

 

Du coin de l’œil, Ginny vit Susan se lever et se diriger vers l’entrée en traînant les pieds.

" Où est passé tout le monde, bordel ? " Justin grogne.

 

Dennis se tenait debout sur ses jambes tremblantes. " Ils sont partis à la recherche des larmes de phénix. George, Neville et Ron sont tous guéris, alors ils sont partis à la recherche avec Théo. "

Ginny s’affaissa de soulagement, son corps se détendant enfin à cette nouvelle. Ils étaient en sécurité. Ils étaient tous en sécurité.

" Elle d’abord ! " Parvati grogna, se détournant de l’antidote que Luna lui avait offert. Luna souffla et pressa le liquide sur les lèvres de Cho. La sorcière reprit immédiatement des couleurs. Luna se dirigea vers Parvati.

" Ce breuvage est sacrément excellent ", s’exclame Justin, les yeux fixés sur le dernier chaudron. " C’est toi qui as fait ça ? "

" Non ", siffle Dennis. " C’est Hermione. Est-ce que tu as… "

" Je retourne chercher Seamus ! " Luna cria en ramassant la dernière fiole.

" Je viens " insista Parvati.

" Non attends que l’antidote fasse son effet " expliqua Luna en faisant un geste vers Justin. " Alors va l’aider. Je serai bientôt de retour. "

 

Ginny regarda Luna partir, se demandant pourquoi la sorcière se donnait la peine de le faire.

Si Seamus était assez faible pour être abandonné, c’est qu’il était déjà mort.

 

***

 

Astoria rejoignit les autres et s’assit à côté de Draco.

" Si tu as un plan, c’est le moment de me le dire ", siffla-t-elle en jetant un coup d’œil nerveux à l’image de Granger entrant dans la forêt.

 

Draco resta immobile, les yeux rivés sur la Championne alors qu’elle marchait vers sa mort.

" Il n’y a pas de plan.

 

***

 

Le feuillage des arbres n’atténuait pas la vulnérabilité qu’Hermione ressentait. L’étendue sans fin du ciel nocturne et l’espace ouvert traversé par des arbres denses élevaient les battements de son cœur qui s’emballaient déjà.

Elle était une créature de cloisons et de petits espaces. Traverser des distances sans limites lui paraissait anormal d’une certaine façon. Un bernard-l’hermite sans sa coquille.

L’obscurité lui procurait au moins un sentiment de familiarité. Ses yeux ne tardèrent pas à s’adapter, retrouvant leur fonction initiale, celle qui lui avait permis d’observer les cinq dernières années de sa vie. La brise tiède de l’été ne faisait pas grand-chose pour dégeler la surface de sa peau et elle lui en était reconnaissante. Son corps était fait pour le froid.

Elle laissa ses sens la guider vers l’endroit où elle devait se rendre. De faibles murmures lui firent signe alors qu’elle s’enfonçait dans la forêt. Il y avait une urgence dans leurs appels, un bourdonnement sourd qui s’amplifiait, jusqu’à devenir fiévreux.

Hermione s’engagea dans une clairière vide, mais elle jura qu’elle sentait la terre battre sous ses pieds.

"  En bas. En bas. En bas ", sifflait le bruit.

 

Hermione regarda vers le bas et trouva une petite pierre noire.

Elle la ramassa, en inclinant son corps pour bloquer la vue du miroir. Dès que la pierre toucha sa chair, les chuchotements disparurent.

Hermione fit semblant d’arracher des épines de ses pieds, espérant que l’obscurité l’aiderait à dissimuler ce qu’elle avait trouvé. Bien qu’elle n’en connaisse pas la signification, elle hésite à laisser les spectateurs la voir.

Un rayon de lumière blanche se matérialisa devant elle et Hermione trébucha en arrière, surprise.

" Lucy ? " chuchota Hermione avec incrédulité.

 

La femme pencha la tête, l’examinant. Hermione était sûre qu’il s’agissait de la même Lucy que dans ses souvenirs juste….older.

Lucy fronça les sourcils : " Tu n’es pas lui. "

" Je… pas qui ? " Hermione croassa. " Où est ton frère ? Où est Ciaran ? "

" Quelque part ailleurs " répondit Lucy doucement.

" Qu’est-ce que tu… "

Lucy tendit un doigt. " Le nid est par là " dit-elle simplement, en indiquant le nord.

 

Hermione déglutit, l’anxiété se frayant un chemin dans sa gorge. " Comment as-tu su ce que je cherchais ? "

Lucy sourit froidement. " Je sais tout de toi. "

Hermione inspira brusquement. La sensation d’être observée lui hérissa la peau. Ce même sentiment inquiétant remontait le long de sa colonne vertébrale.

" Tu lui ressembles " fredonna Lucy, les yeux passant de ses jupes à son visage. " Je comprends pourquoi il t’aime bien ".

" Qui ? " Hermione étouffa.

 

Mais la sorcière disparut.

Hermione se retrouva à nouveau dans une clairière vide, sa respiration lourde étant le seul bruit. Le poing serré, Hermione mit la pierre dans sa poche.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Elle se dirigea vers le nord.

 

***

 

Astoria savait qu’elle n’était pas censée encourager les autres champions, mais elle ne put s’empêcher de se réjouir intérieurement lorsque Justin termina enfin son antidote. Des larmes rouge sang coulaient sur ses joues alors qu’il commençait à mesurer les doses.

Son sourire triomphant était contagieux. À tel point qu’elle dut se mordre les lèvres pour empêcher son rictus de se manifester.

Il tendit la fiole, dont le contenu rouge sang scintillait à la lumière. En la pressant sur ses lèvres, il…

Le miroir se referma sur la licorne tuée. Une célébration éclipsée de force par la mort.

Un rappel des monstruosités que les champions avaient commises.

Seamus semblait briller alors qu’il était allongé à côté de la créature, son sang argenté scintillant sur sa peau. Il était allongé sur le ventre, les membres étalés dans une position qui traduisait son désespoir au moment où ses muscles l’abandonnaient.

Les éclaboussures et les traînées dans la mare de sang racontaient son combat. À première vue, Astoria pensait que le sorcier était mort. Bellatrix venait de rugir devant le miroir comme s’il pouvait l’entendre, hurlant à son champion de se lever.

 

Le léger soulèvement et l’abaissement de sa poitrine étaient la seule indication qu’il était vivant. Les halètements courts et brusques traduisaient le fait que respirer était désormais devenu une bataille. Bientôt, sa poitrine ne parviendrait plus à se dilater, ne serait-ce qu’une seconde.

Seamus allait suffoquer.

Le sorcier semblait le savoir lui aussi, ses yeux cerclés de rouge fixant le vide.

Le miroir avait commencé à s’éloigner, il n’y avait pas de divertissement à trouver ici. Alors qu’il disparaissait partiellement du champ de vision, sa tête tressaillit.

Astoria retint son souffle.

 

Son reflet fit un brusque panoramique, le miroir se refermant sur le corps du sorcier.

Sa tête tressaillit à nouveau. Et encore.

Le regard mort de Seamus avait été remplacé par des flammes, des yeux enflammés par la détermination. Des veines sortaient de son cou tandis que sa tête commençait à tourner, son visage devenant violet sous l’effet de l’effort.

Il fit pivoter sa joue, pressant ses lèvres et son menton dans la mare d’argent.

Astoria serra fermement la main de sa sœur tandis que le sorcier haletait dans le sang.

" Putain de merde " souffla Blaise, "  Il ne va sûrement pas le faire ".

 

Se regardant directement dans le miroir, les yeux de Seamus Finnigan promettaient des représailles.

Il écarta les lèvres, le regard pénétrant à travers le miroir et s’enfonçant dans l’âme d’Astoria.

Avec un dernier soupir, il se tourna un peu plus.

Et il se mit à boire.

 

***

 

Le nid d’acromantules n’avait rien à voir avec ce que Harry et Ron avaient décrit un jour. Hermione s’était élevée au-dessus de la colline couverte de boue et dans la descente en contrebas, apercevant un grand arbre creux étouffé par des fils de blanc.

Ils semblaient briller sous la lumière de la lune, des millions de fils tissés ensemble dans une structure en forme de tunnel à la base du chêne.

Harry lui avait dit que les enfants d’Arogog étaient descendus silencieusement des arbres, une embuscade dans laquelle ils étaient tombés sans le savoir.

Hermione savait exactement ce qui l’attendait.

Les Ancromantula aussi, semblait-il, car elles l’attendaient toutes. Un millier d’yeux suivirent sa descente dans la fosse, de grands corps immobiles et posés alors qu’elle se dirigeait vers le sol en contrebas. Les silhouettes grises et noires variaient entre les petites voitures et les gros chiens, et tous reculaient lentement à son approche, se contentant de se disperser pour accueillir l’invitée annoncée.

Hermione crut entendre un ruisseau tout proche, mais en se rapprochant, elle réalisa qu’il s’agissait d’un chœur de sifflements provenant de derrière les crocs de la créature. Les miroirs qui la suivaient furent repoussés au sommet de la colline par une mer de pattes, scellées en place par des fils collants.

Assez près pour qu’ils puissent encore voir, mais assez loin pour qu’ils n’entendent pas. Hermione prit cela comme un bon signe.

Lentement, prudemment, elle plongea la main dans sa poche. Utilisant le tissu de sa robe comme gant de fortune, elle dégagea sa baguette et la laissa tomber sur la terre en contrebas.

Une reddition.

 

Un grondement sourd commença à retentir sous l’arbre, le sol vibrant tandis que leur chef sortait de son sommeil. Une jambe noire de la taille d’un tronc d’arbre entra dans la clairière, trois autres la suivant de près. Les yeux de couleur noir reflètent la robe rouge d’Hermione, teintant son regard d’une couleur rouge sang.

Bien qu’elle sache ce qui allait se passer, Hermione tremblait encore lorsque le gros abdomen de l’animal fut mis en évidence. Harry avait dit qu’Aragog avait la taille d’un éléphant, mais ça…

C’était un véritable monstre.

Ses jambes entièrement déployées s’étendaient facilement d’un côté à l’autre de la clairière. Son corps rivalisait avec celui d’une baleine bleue. Des crocs deux fois plus grands qu’elle luisaient dans sa direction et Hermione s’imaginait qu’il lui serait facile de la couper en deux.

"  Bonsoir petite " , ronronna la bête, le son étant étrangement mélodieux. Un accent féminin adoucissait sa voix en écho. " Nous savions que tu viendrais. "

 

Hermione déglutit.

" Je suis ici pour te demander une faveur " commença-t-elle en essayant de ne pas faire sortir les tremblements de sa voix.

La bête se pencha, pressant son corps contre le sol en se rapprochant.

" Tu sens comme lui. "

Hermione n’osait pas bouger.

La bête, qui semblait être une femelle, inclina la tête dans un geste ressemblant étrangement à celui d’un humain alors qu’elle l’examinait.

" Étrange petite sorcière " siffla-t-elle curieusement, "  négociant des pactes dont tu ne connais pas l’existence. "

" J’ai besoin de six gouttes. C’est tout ce que je demande " s’exclama Hermione dans la précipitation, désespérée de ne pas perdre son souffle.

" Tu n’as besoin de rien. Tu veux ce qui ne t’appartient pas. "

 

Hermione pouvait voir son propre regard écarquillé dans les yeux de la créature.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

" D’accord ", répondit-elle en inclinant son menton pour croiser le regard inquisiteur de la créature. " Je veux six gouttes. Donne ton prix. "

Le monstre ronronna, se tortillant d’un côté à l’autre, et Hermione retint son souffle. " Six gouttes des nôtres. Pour sept gouttes des tiennes ", déclara-t-elle.

Hermione fronça les sourcils. " Qu’est-ce que tu veux de mon sang ? "

" La même chose que toi ", répondit simplement la créature. " Nous attendons depuis très longtemps ".

" Comment as-tu su que je viendrais ? " Hermione balbutia, se demandant comment les Mangemorts avaient informé le nid.

" La toile murmure des secrets. D’anciennes lignées conversent avec leurs Disciples à travers la terre et la mer. J’entends des rumeurs de notre mère, des avertissements dont je dois tenir compte. " La créature pencha la tête. " Elle me parle maintenant. "

 

Hermione regarda autour de la clairière, voyant ce qui ne ressemblait qu’à sa progéniture. " Où est ta mère ? " Elle demanda timidement, se demandant si une autre grande créature n’était pas à l’affût.

" Elle est tout autour. "

" Et ton père ? " demanda Hermione, connaissant déjà la réponse.

La femelle devint hostile, des poils se dressant sur ses jambes interminables. " Les lignées paternelles n’ont aucune importance dans une matriarchie " cracha-t-elle.

" Mais ton père, c’était Aragog, n’est-ce pas ? " Hermione insista, se maudissant intérieurement pour son incapacité à ne pas poser de questions.

" Tu nous parles encore en termes humains " siffla-t-elle froidement. " Nous ne sommes pas humains. Il n’y a que des mères et leurs progénitures. "

Hermione baissa la tête. " Je m’excuse sincèrement, on m’a dit qu’Aragog régnait autrefois sur cette forêt. "

La créature se moqua, un grognement étrangement retentissant derrière ses grands crocs. " Mâle orgueilleux. Seules les ténèbres règnent ici. "

 

Se mordant la langue, Hermione résista à l’envie de poser des questions sur la femme d’Aragog, se demandant si cette bête était cette même créature ou l’une de ses filles.

Le monstre sembla s’adoucir devant le silence, ramenant son corps sur le sol.

" Comme vous vous ressemblez ", songea-t-elle. " L’ancien et le nouveau. La seconde d’abord. Je comprends pourquoi il te préfère. Oh, mais tu n’es pas elle. Non, tu es beaucoup trop fine. L’arroseur arrosé, comme tu es intelligente ! "

Hermione n’avait aucune idée de ce dont parlait la bête, et elle n’avait pas non plus le temps de déchiffrer ses énigmes. Emportement mis à part, Hermione était persuadée de pouvoir obtenir le remède.

" Je n’ai plus beaucoup de temps " commença Hermione avec précaution. " J’accepte l’échange. Six gouttes de ton venin contre sept gouttes de mon sang. "

La créature rit, un grondement profond s’élevant de son ventre. " Marché conclu alors ", ronronna-t-elle.

Hermione replongea lentement la main dans sa poche, en tirant trois fioles de verre qu’elle avait subtilisées quand Susan ne regardait pas.

La bête ne bougea pas, ses yeux lui faisant signe d’attendre.

Hermione s’avança.

 

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Plus elle s’approchait, plus elle se sentait calme. La fin approchait et un sentiment de paix commençait à s’installer en elle. Lorsqu’Hermione fut assez près pour toucher ses crocs aiguisés comme des rasoirs, elle n’entendit plus les battements de son cœur qui s’emballait.

Elle tint la première fiole sous le croc droit, dont la pointe était assez fine pour tenir dans le verre. Un liquide vert foncé commença à éclore de la fine pointe, deux gouttelettes tombant dans le tube.

Hermione reboucha rapidement la première et tendit la seconde. Elle recueillit à nouveau la dose salvatrice. À la troisième fiole, la bête frémit. Ses pattes griffaient les montagnes de terre, comme si elles souffraient.

Lorsque Hermione scella la dernière fiole, la créature siffla. " Nous n’avons pas besoin de négocier avec les humains. "

Hermione expira. " Non, mais j’apprécie. "

 

Un grand cri retentit derrière elle. Hermione se retourna pour voir plusieurs rejetons se retourner sur l’un de leurs frères et sœurs, ses jambes arrachées avec un craquement nauséabond. D’autres se précipitèrent sur le corps qui se tordait et grimpèrent sur la colline.

" Qu’est-ce qu’ils font ? " Hermione grimaça, simultanément dégoûtée et intriguée.

" Mes enfants ont faim " râla la bête, la voix affaiblie. " Ils ont soif de sang. "

" Je suppose que je vais devenir leur prochain repas " déclara distraitement Hermione, résignée face à son destin.

Le monstre se mit à rire. " Oh non, ma petite. Ils n’oseraient pas.

Hermione releva la tête, surprise. " Quoi ? " Pourquoi pas ? "

" Parce qu’ils ont peur ", répondit simplement la bête.

Avant qu’Hermione ne puisse répondre, la créature s’élança, coinçant son cou entre ses crocs.

Instinctivement, Hermione se raidit, attendant que sa tête tombe de ses épaules.

" À ton tour ", siffla la bête, sa voix vibrant dans la colonne vertébrale d’Hermione. Les bords tranchants autour de son cou commencèrent à se resserrer, brûlant la peau autour de son python.

" Attends " s’étouffa Hermione, la panique lui retournant les tripes. " J’ai une question. "

 

La bête relâcha son emprise et soupira. " Bien sûr que tu en as une. "

Forcée de réfléchir rapidement, Hermione posa la première question qui lui vint à l’esprit, ne sachant pas trop pourquoi elle prolongeait l’inévitable.

Elle ne savait même pas pourquoi le monstre l’autorisait.

" Sais-tu pourquoi ton venin est le seul remède ? " demanda-t-elle

La créature se tut. Hermione n’était même pas sûre qu’elle respirait.

" C’est notre pénitence. " La bête murmura.

 

La créature fit glisser son croc gauche jusqu’à sa joue droite. Sa pointe appuyait sur la chair tendre, incroyablement chaude. Bien qu’elle n’ait pas encore brisé la peau, Hermione savait qu’un simple contact suffirait à tout abîmer.

Qu’il la tue ou qu’il la guérisse, elle perdrait.

" Nous vivons dans l’agonie, le venin qui t’apporte la vie est celui-là même qui nous maudit. Nous le sentons brûler notre sang, ronger nos crocs. "

" S- alors pourquoi ne l’expulses-tu pas tout simplement ? " Hermione bégaya, la chaleur autour de son cou et de sa joue devenant insupportable.

La bête tira son croc gauche vers l’œil d’Hermione, du vert scintillant sur sa pointe. " Parce que nos corps en fabriqueraient davantage, et ce processus est bien plus atroce " expliqua-t-elle. " Tu comprends donc pourquoi nous gardons notre nectar de près ".

Alors que la créature faisait glisser son croc vers le bas pour rejoindre l’autre autour de la gorge d’Hermione, elle tendit la main.

" Je dois ramener ça ! " Elle se précipita, lançant les fioles en l’air.

 

Les yeux de la femelle semblèrent se rétrécir. "  Tu ne partiras pas. "

" Non, je sais ", s’étrangle Hermione.

S’excusant silencieusement auprès de l’elfe, Hermione prit une grande inspiration. " Winky ! " cria-t-elle.

L’elfe apparut devant Hermione, ses grandes oreilles s’aplatissant tandis qu’elle percevait le monstre au-dessus de sa tête.

" Ramène ça aux autres ! " Siffla Hermione, en poussant les fioles dans la main de l’elfe avant qu’il n’ait eu le temps de disparaître. " Vite ! " Ne reviens pas ici… "

L’elfe disparut en un clin d’œil.

Hermione s’affaissa de soulagement, les membres lourds. Elle avait réussi. Elle les avait sauvés.

Elle sentit une piqûre lui transpercer le côté gauche du cou.

La liberté.

 

Hermione attendit la fin.

Libre. Je suis libre.

Hermione sentit une gouttelette de liquide couler dans sa gorge.

" Veux-tu entendre une histoire ? " La bête ronronna, son haleine rance faisant voltiger ses cils.

Hermione ferma les yeux.

" Il était une fois une sorcière. Un maître dans l’art de l’alchimie. Une scientifique. Vénérée parmi les siens. Oh, mais elle n’était pas satisfaite. Jamais satisfaite. Elle était stérile, tu comprends, elle désirait ardemment qu’un enfant naisse de son sang. Non pas parce qu’elle voulait être mère, mais parce qu’elle voulait un patrimoine. Une extension égoïste d’elle-même. Elle ne pouvait pas donner naissance à un enfant de chair, alors elle a essayé de donner naissance à un enfant à partir de son chaudron. Elle a passé des années à travailler pour devenir son propre créateur, jusqu’à ce qu’elle y parvienne. "

La créature marqua une pause. " Alors ? " Elle siffla. " Tu ne vas pas me demander comment ? "

Hermione déglutit, surprise que sa langue fonctionne encore. " Comment ? " Elle croassa.

" Du sang ", souffla le monstre. " Du sang d’enfant. Des milliers et des milliers d’expériences ratées pour un breuvage parfait. Elle l’a enterré sous la terre et a attendu que son enfant grandisse. Oh, mais elle n’était pas satisfaite. Jamais, jamais elle n’a été satisfaite. Une extension d’elle-même ne lui suffisait pas, elle voulait devenir elle-même. Transférer sa force vitale dans le bébé grâce à la magie du sang et revivre dans un nouveau corps. Maîtriser la mortalité. "

La voix de la bête est devenue fiévreuse. " Mais le bébé est mal né. Déformé. Huit yeux et huit jambes, chaud au toucher et hurlant d’agonie. L’enfant est mort en quelques minutes et la terre d’où son enfant est né a commencé à germer. Des champignons rouge sang qui se sont répandus comme un cancer sur tout le territoire. Certains disent que ce sont les âmes des enfants qu’elle a tués, un rappel empoisonné pour les gens qui avaient vendu leur progéniture à la sorcière pour de la petite monnaie. "

La créature fit une pause, regardant Hermione avec impatience. " Et la sorcière ? " Hermione émit un soupir. " Que lui est-il arrivé ? "

" Oh, elle a continué à avoir beaucoup, beaucoup d’enfants à elle. Des enfants faits exactement à son image, avec la même soif de sang et la même avidité égoïste. Elle veille sur tous ses enfants, et sur les enfants de ses enfants, et sur toutes les générations qui ont suivi. Un lien indéfectible l’unit à chacun d’entre eux. Elle voit ce qu’ils voient. Elle ressent ce qu’ils ressentent. N’échappant jamais à sa dernière création. "

La bête termina son récit dans un sifflement, relâchant sa prise. Hermione s’effondra à genoux, aspirant des bouffées d’air.

"  Ça y est, c’est fait " , annonça la femelle.

 

Hermione se serra le cou, constatant que le sang sur son cou avait déjà commencé à coaguler. Elle regarda la grande bête, confuse quant à ce qui s’était passé. Elle savait que c’était important, mais n’arrivait pas à expliquer pourquoi. " Le venin… " Hermione sursauta. " As-tu… "

" Le marché, c’était six gouttes, petite ", a-t-elle sifflé. " Pas plus. Pas moins. Tu as pris à droite, alors j’ai coupé avec la droite. Il n’y a pas de venin dans ton sang. "

Hermione cligna des yeux vers la créature, voyant qu’elle avait déjà commencé à tisser une couverture de fils. Avec une incroyable douceur, la femelle porta ses pattes avant à son crochet, essuyant délicatement la petite tache scintillante de sang et tout enveloppant solidement.

Son croc désormais dépourvu de rouge, l’Ancromantule commença à creuser un trou, y plaçant délicatement le paquet avant de le recouvrir de terre.

Hermione regarda, incrédule, la bête abaisser son corps protecteur sur la terre remuée.

" Merci ", soupira-t-elle.

 

Hermione fronça les sourcils. " C’est tout ? "

" Oui, c’est tout. Tu peux partir maintenant. "

Hermione ne bougea pas. Elle n’avait rien prévu au-delà de cette rencontre. C’était censé être la fin.

Elle devait être libre.

La créature lui jeta un coup d’œil, agacée qu’elle dépasse son temps de présence. " Merci pour ce cadeau ", répéta-t-elle lentement.

La bête marqua une pause. " Et pour la friandise. "

" La friandise ? "

" La petite collation que tu nous as apportée ", lança la créature.

 

Une avalanche d’effroi s’abattit sur Hermione.

" Quel en-cas ? " souffla-t-elle, le sang tonnant à ses oreilles.

Le monstre fléchit ses crocs, les yeux brillants dans ce qui semblait être un rictus. " Celle qui porte la robe verte "

Hermione se leva rapidement, essuyant la tête derrière elle. Il n’y avait pas une seule araignée en vue. La clairière était vide.

La clairière était vide.

La bête inclina la tête vers le sommet de la colline, faisant un geste au-delà de ce qu’Hermione pouvait voir. " Celui qui t’a suivie jusqu’ici. "

Hermione sentit l’air quitter ses poumons.

Susan.

 

Le monstre se mit à rire.

" SUSAN ! " Hermione rugit, et s’élança en courant.

 

La salle d’observation était silencieuse, tous les yeux rivés sur les Champions dans le miroir.

" Où est Hermione ? " Ron Weasley l’exigea dès qu’il eut franchi les portes, ses yeux balayant frénétiquement la pièce.

Dans sa main se trouvait une petite fiole dorée.

Des larmes de phénix.

Astoria n’arrivait pas à croire qu’il l’avait trouvée.

" Je croyais qu’elle était avec toi ? " demanda Cho.

" Non " s’étouffa-t-il, le visage pâle. " Non, elle était ici ! "

Dennis examina la pièce. " Est-ce que quelqu’un a vu Susan ? "

Les champions échangèrent un regard. Aucune des deux sorcières n’était là.

Les chaises en bois frappèrent le sol alors qu’ils explosaient en masse.

" Fouillez la forêt ! " Lança Ron.

" Tu crois qu’ils… "

" Non. Non, ils… "

" Putain ! " Dennis a rugi.

 

Ron donna un coup de poing dans un miroir dans un accès de rage aveugle, brisant la vue. La perspective de cette scène changea pour se situer derrière George et Neville qui fonçaient vers l’agitation.

" Où est Luna, putain ! " hurle Ron.

" Elle est allée chercher Seamus ", répond Pavarti.

Ron gémit. " Putain ! Putain ! Combien de temps nous reste-t-il ? "

Padma agita sa baguette et invoqua l’heure.

Trente-quatre minutes.

 

Ron poussa un sanglot : " Tout le monde y va ! Nous devons… "

" Non ! " Ginny craqua, la sueur plâtrant son front alors qu’elle se redressait. " C’est trop dangereux !

" Ils vont mourir là-bas… "

" ILS SONT DÉJÀ MORTS " ! cria Justin.

Tous les regards se tournèrent vers le guérisseur.

Dennis secoue la tête. " Les larmes du Phoenix… "

" Ça ne marchera pas ", souffle Justin, la voix rauque. " Elle a menti, d’accord ? Hermione a menti, putain. Il n’y a pas d’autre remède. "

Dennis tomba à genoux en sanglotant.

 

Les yeux de Ron devinrent froids. " Tu les as tués. Espèce de sale con, tu les as tous tués ! "

Justin hocha la tête, les résidus de sang colorant ses larmes en rose. " Peut-être ", hoqueta-t-il. " Mais j’ai sauvé tous les autres. "

 

***

 

Luna Lovegood revint sur ses pas, s’élançant à travers la forêt sombre.

Elle était à mi-chemin lorsqu’elle vit quelque chose briller devant elle.

Elle pensa d’abord avoir trouvé la licorne sacrifiée, mais rien de ce qui l’entourait ne correspondait à l’endroit où elle savait que son corps reposait.

 

Le chatoiement se déplaçait, des brindilles claquaient sous ses pieds.

L’être semblait irradier de sa noirceur à mesure qu’il s’approchait, son aura noire contrastant fortement avec sa forme argentée.

Luna reconnut sa morphologie.

 

Elle s’arrêta en trébuchant, ne voulant pas confirmer ce qu’elle savait déjà.

Il boitait lentement, mais il y avait une certaine fierté dans sa démarche, comme s’il avait accompli quelque chose de remarquable.

Comme s’il ne venait pas de maudire son âme.

" Oh, Seamus ", chuchota Luna. " Qu’as-tu fait ? "

 

Seamus Finnegan la dévisagea, une moitié de son visage tachée d’argent. Le côté non touché par le sang s’affaissait horriblement, incarnation du cauchemar.

Il fit encore quelques pas vers elle, la jambe gauche traînant inutilement derrière lui. De près, Luna pouvait voir qu’un œil était complètement taché d’argent, comme si le sang avait épousé son iris.

Le sorcier lui rendit un sourire froid, ses dents argentées luisant dans la nuit.

" J’ai survécu. "

 

Susan. Susan. Susan.

 

Elle s’envola hors de la clairière et grimpa la colline, s’agrippant à la boue et elle a désespérément grimpé jusqu’au sommet.

" Susan !

Apercevant un tas de jambes se tordant devant elle, Hermione sprinta vers l’essaim d’Ancromantules.

" SUSAN ! "

 

Hermione chercha sa baguette dans sa poche et la trouva vide. Elle sortit la pierre sans intérêt à la place, en poussant un rugissement de frustration.

Voyant un aperçu de tissu vert, Hermione projeta sa main et hurla de désespoir.

" Bombarda ! "

 

La magie jaillit de ses doigts, faisant exploser la terre sous les pieds de la créature. Elle s’engouffra dans la brèche, sprintant vers l’endroit où elle avait vu la robe de Susan pour la dernière fois.

Un cri retentit sur sa gauche.

" Hermione !

 

Hermione se retourna, poursuivant le son. L’Ancromantula s’éloigna d’elle tandis qu’elle se frayait un chemin avec rien d’autre que ses mains.

Sa Magie sans Baguette incisive creusait un chemin de carcasses et de sang.

" Hermione ! hurla Susan.

 

Hermione rugit, une vague de givre explosant de ses mains, gelant les créatures qui l’entouraient. Avec un nouvel Informulé, elle les brisa, sprintant sur les éclats de glace.

Elle tourna au coin du chemin et faillit s’effondrer à genoux.

Susan courut vers elle, la robe verte se gonflant tandis qu’elle lui tendait la main.

" Hermione… "

" SUSAN ! " Hermione rugit, envoyant derrière elle une autre salve de givre sur les araignées qui les poursuivaient. Elle saisit sa main, poussant la sorcière vers l’avant.

 

La magie chantait dans ses veines, dans son sang. La poussée de puissance poussait Hermione à courir plus vite.

Sa main fermement serrée dans celle de Susan, Hermione sprinta en direction du château.

" Cours, cours, cours, cours, cours ! "

 

Elles foncèrent à travers les buissons et les épines, bondissant sur la boue et la terre.

" Hermione, attends… "

" Continue ! " Hermione haleta, ignorant la piqûre des branches qui déchiraient sa robe et déchiquetaient sa peau.

" Hermione… "

" On peut y arriver ! " Elle grogna, poussant ses jambes pour aller plus vite.

 

Hermione ne pouvait pas voir les Ancromantula, mais elle savait qu’elles ne seraient pas loin derrière.

" Hermione ! "

" On peut les semer ! " Elle le promit. " Juste un peu plus loin. "

" HERMIONE, ELLES NE SONT PAS LÀ ! "

 

Hermione regarda derrière elles, constatant que la Forêt était vide. Ses pieds glissèrent et elle tomba par terre.

Susan tomba avec elle, la main toujours serrée dans la sienne.

Hermione atterrit avec un bruit sourd, la pierre noire s’envolant de sa paume.

Susan disparut.

 


 

Chapter Text


Rage


 

Astoria ne pouvait pas voir ce qui arrivait à Granger.

Ce stupide miroir était toujours fixé dans sa position, face au nid d’Ancromantula.

Une putain de chose terrifiante. Astoria n’avait toujours aucune idée de la raison pour laquelle elle avait choisi de laisser Granger s’en aller.

Elle nota mentalement de demander à Pansy de rendre les miroirs résistants à la toile. Astoria avait désespérément envie d’entendre ce que l’araignée avait dit. Mais elle voulait surtout voir ce qui arrivait à Granger.

 

Elle dut se contenter de ses oreilles et entendit les cris de Granger s’atténuer peu à peu.

Le miroir, comme s’il sentait sa propre incapacité, se coupa sur un couloir isolé dans le château.

Un homme marchait en traînant les pieds sur la moquette effilochée et Astoria eut un souffle étranglé.

Elle avait été tellement absorbée par Granger qu’elle n’avait pas remarqué que Theo n’était pas dans le laboratoire de potions.

Elle le voyait maintenant, tremblant et frissonnant alors qu’il s’entourait de ses bras. Avec ses lèvres teintées de bleu et ses doigts violets, il avait l’air d’avoir été empoisonné.

Empoisonné.

 

Elle se tourna vers Draco, les yeux suppliants. " Fais quelque chose. "

Il ne la regarda pas, les yeux rivés sur l’écran.

Théo entra lentement dans la salle de classe, la trouvant presque vide. Seuls Justin, Dennis et Ginny étaient restés.

Les autres s’étaient dispersés pour fouiller le terrain dans un ultime effort pour trouver Granger et Susan.

Ils n’y parviendront pas.

Le temps était presque écoulé.

 

***

 

Hermione respira bruyamment, la forêt était étrangement silencieuse. Du bout de ses doigts tremblants, elle tendit la main vers la pierre.

Au moment où sa paume embrassait sa surface, Susan se matérialisa devant elle.

" Hermione, " murmura-t-elle, un doux sourire ornant ses traits. "  Tout va bien. " 

 

Hermione se mordilla les lèvres. " Susan ? " croassa-t-elle.

" Je vais bien. Tout ira bien. " La sorcière insista, s’accroupissant pour s’agenouiller devant elle.

Hermione respira bruyamment, les yeux écarquillés en observant la femme sereine. Ses cheveux étaient impeccables, pas une mèche n’était mal placée. Sa robe était lissée et ne subissait pas les assauts du vent. Sa peau était claire et sans tache, épargnée par les ronces et les branches qu’ils avaient traversées à toute allure.

Mais sa voix.

 

Sa voix était calme. Sereine. Seul un léger soupçon de tristesse y résonnait. Mais cette tristesse n’était pas pour elle, elle était pour Hermione.

Susan parlait.

Susan parlait.

" Susan ? " Hermione demanda à nouveau, sa voix n’étant plus qu’un simple gémissement.

La sorcière tendit la main, étalant sa paume contre la poitrine d’Hermione, cinq doigts tendus.

" C’est bon, Hermione. "

 

Cela n’avait aucun sens. Susan avait été blessée. Susan avait perdu sa langue. Susan avait eu peur.

La conscience avait déjà pris racine en elle, la réponse reposant lourdement dans sa paume serrée. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était de la laisser entrer. Mais elle ne pouvait pas. Pas encore. Elle avait besoin de plus de temps. Ils avaient besoin de plus de temps. Ils avaient besoin de… "

" Hermione ", pressa Susan, en lui serrant le menton pour la regarder. " Je vais bien. Tu n’as plus besoin de t’inquiéter pour moi. Retourne voir Dennis. Prends l’antidote. Dis-lui que je… "

" Non ! " grogna Hermione en s’arrachant à ses pensées.

Elle devait y retourner. Elle devait y retourner.

Revenir en arrière, revenir en arrière, revenir en arrière, revenir en arrière, revenir en arrière.

" Hermione… "

" Pas réel ", gémit Hermione. " Tu n’es pas réelle. "

" Je le suis. Je le suis et c’est bon Hermione-" 

" Ce n’est pas bon ! " rugit-elle, ses yeux se portant sur le chemin qu’elles avaient emprunté.

 

Sentant ses intentions, Susan s’élança vers elle. " Hermione, ne fais pas ça. Il n’y a rien que tu puisses… "

La pierre heurta les feuilles tendres en contrebas, la Forêt se taisant.

La paume d’Hermione était ouverte à ses côtés. Vide.

Susan s’est évanouie dans un murmure, s’est évanouie en même temps que la pierre avait quitté sa main.

La réponse fleurissait maintenant, se déroulant comme un serpent dans son esprit. Hermione fit la seule chose qu’elle pouvait faire.

Elle courut pour s’enfuir.

Elle laissa la pierre de résurrection sur le sol de la forêt. Abandonnée et oubliée une fois de plus.

 

***

 

Cela ne faisait que quinze minutes.

Quinze minutes depuis l’apparition de Winky, qui était entré dans la classe de potions avec un bruit sec avant de disparaître.

Treize minutes depuis que Justin avait découvert la fiole de verre sur le sol où l’elfe était parti, l’éclat vert du venin d’Ancromatula ne pouvant être contesté.

Dix minutes depuis qu’il a commencé à chauffer l’eau salée, s’assurant de sa température précise.

Huit minutes depuis que Dennis et Theo avaient bu l’antidote, les couleurs revenant rapidement sur leurs visages.

Cinq minutes depuis que Ginny, Theo et Dennis étaient restés silencieux. Théo faisait les cent pas, la poigne exsangue serrant la fiole d’antidote fraîchement fabriquée.

 

Deux minutes depuis que Dennis s’était levé sur des jambes tremblantes, insistant sur le fait qu’il pouvait aider à chercher. Justin l’a ramené à terre, le rassurant en lui disant que tout irait bien. Ils les trouveront.

Une minute depuis que les miroirs se sont rapprochés des trois, capturant leurs expressions. Pourquoi, ils ne le savaient pas encore.

La réponse venait de tomber il y a quelques secondes.

Des secondes que Ginny pensait interminables. Des secondes qu’elle savait, inexplicablement, qu’elle rejouerait pour le reste de sa vie.

Dennis gémit. Un gémissement à l’expiration brisée, comme s’il n’avait plus la force de crier. Il passa en trombe devant Ginny, plongeant sur le mur de parchemins à l’avant de la classe.

" Non " cria-t-il, ses doigts froissant les bords du parchemin. " Non, non, non, non, non ! "

 

La liste des noms, leurs noms, était passée de quinze à quatorze.

Un trait brutal frappait l’une des rangées.

Un nom.

Susan Bones.

 

***

 

Hermione grimpa désespérément sur la colline boueuse, regardant le nid en contrebas.

Les corps d’Ancromatuala grimpaient les uns sur les autres en se battant pour une place vers le centre, leurs corps se déplaçant tel un liquide.

Une mer d’araignées avec un point central. Un petit cercle se forma autour du plus grand des prédateurs, qui attendait anxieusement son tour.

Et là, dans la bouche de leur mère, se trouvait le corps de Susan’s Bones.

Cette vision changea quelque chose en Hermione. Son cerveau lutta pour comprendre ce que ses yeux voyaient.

Une robe verte illuminée par le clair de lune. Des cheveux teintés d’auburn caressant doucement un visage pâle. Des paupières closes. Un corps mou.

Elle pourrait presque être endormie.

Presque.

 

S’il n’y avait pas la contorsion prononcée de son cou.

La lumière commença à se faire. Un oiseau brisé dans l’herbe et le verre, enseignant la leçon de la mort à un petit enfant.

Hermione commença à voir, la confusion remplissait ses poumons de feu.

Le sang. Il y avait tellement de sang.

Comment un corps pouvait-il en produire autant ?

Il recouvrait sa poitrine, dégoulinant sur la terre en contrebas. La gorge de Susan était déchirée, des crocs diaboliques aspiraient son nectar.

Le rouge tachait sa robe verte.

 

Et pendant un instant, une fraction de seconde, Hermione vit Harry.

Deux yeux verts sans vie et une flaque de rouge Gryffondor.

Vert et rouge.

 

Rouge et vert.

Rouge. Rouge. Rouge. Rouge.

Rouge, rouge, rouge, rouge, rouge…

 

La réponse se précipita en elle alors qu’elle s’effondrait sur le sol, un cri silencieux sifflant hors de sa gorge.

Susan était morte.

Susan était morte.

 

Il n’y avait plus d’air, plus de son. Tout en elle se contractait, rétrécissait et faisait mal. Elle savait qu’elle devait aspirer de l’air, qu’elle pouvait aspirer de l’air, mais comme un sort de retenue de la respiration d’un jeune bébé, elle ne contrôlait pas son corps.

Hermione griffa la terre, ses bras incapables de supporter le poids d’une simple marche à quatre pattes. Elle avait été réduite à l’état de nourrisson, le désespoir lui arrachant ses fonctions de base. Des larmes trempèrent ses joues tandis qu’elle s’effondrait dans le noir.

Entre deux sanglots, Hermione parvint à inspirer un demi-souffle.

Puis le monde se sépara en deux.

 

Le froid glacial qui résidait en elle s’enflamma et se déchaîna. Un gel liquide qui brûlait par son intensité. Il s’est répandu en elle, s’ouvrant à quelque chose - une puissance ancienne et primitive dont elle jurerait se souvenir.

La nage, les sous-marins et les sanglots.

" Laisse-la partir. "

 

Un murmure semblable à une étreinte. Un picotement dans son dos.

Hermione poussa un rugissement.

Il fendit l’air, étranger et sombre alors qu’il surgissait du plus profond de son ventre.

L’Acromantula hurla à ce son. Leur mère, la reine, interrompit son festin pour lever les yeux.

Hermione bougea. Un réflexe. Un instinct.

 

Elle tendit la main, invoquant sa baguette.

La paume vers le haut, cinq doigts tendus.

Une prière. Une offrande. Un signal entre amis.

Un ordre.

 

Et soudain, elle fut sur ses pieds, la baguette volant vers elle dans les airs.

Hermione pouvait encore s’entendre crier alors que le froid intense s’engouffrait dans sa main tendue. Il jaillit du bout de ses doigts, des fouets invisibles s’étirant entre la chair et le bois.

Le sort était déjà en marche lorsque ses doigts s’enroulèrent autour de sa baguette.

Le Fiendfyre explosa, fonçant sur l’Acromantula dans une vague de puissance imparable. Il tourna autour d’elle, à l’intérieur d’elle, consumant tout sur son passage.

La reine se désintégra dans le néant, des flammes bleu pâle s’étirant de plus en plus haut. Un ouragan de feu au centre duquel se tenait Hermione.

Les flammes brûlaient tout. Les créatures, les arbres et la vie. Les miroirs se brisaient et s’évaporaient, mais pas à cause de la chaleur.

Par le froid.

 

De la vapeur s’élevant de la destruction à la place de la fumée.

Hermione ne s’arrêta pas, même lorsque sa baguette s’effrita et disparut sous l’effet de la force.

Les flammes jaillirent de sa main, de sa bouche, de ses yeux et de ses oreilles. Elle fut enveloppée de bleu, son sang rugissant tandis qu’elle hurlait contre le monde. Contre tout ceux qu’il lui avait enlevés.

Soudain, mourir ne lui suffisait plus.

Elle voulait les punir, les blesser, détruire tout ce qu’ils avaient. Elle prendrait et prendrait jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.

Et alors, elle les tuerait tous.

 

Hermione s’effondra alors que ses forces la quittaient, les flammes bleues s’éteignirent alors qu’elle saignait sa magie à blanc. Hermione dégringola le long du talus boueux jusqu’aux restes du nid.

Le gel embrassait sa peau, la terre était d’un froid étouffant. Elle se traîna, rampant en luttant contre la noirceur qui s’élevait pour l’envahir.

Elle se traîna jusqu’au corps intact de Susan, jetant ses bras autour de la sorcière.

" Susan, réveille-toi ", sanglota-t-elle. " S’il te plaît, s’il te plaît réveille-toi ".

Les yeux de Susan restaient fermés, du sang séché encroûtant son nez et sa bouche. Hermione recueillit son amie dans ses bras, le duo étant la seule couleur dans un monde de givre et de destruction.

" Encore cinq minutes ", supplia Hermione. " Donne-moi juste cinq minutes de plus Susan ".

La sorcière restait raide dans ses bras, sans réagir.

" S’il te plaît " supplia Hermione, " Hécate, s’il te plaît. S’il te plaît. J’ai juste besoin de cinq minutes de plus. "

Les prières d’Hermione restèrent sans réponse et elle s’effondra dans le noir.

 

***

 

Draco se leva brusquement alors que le miroir devenait noir, signalant sa destruction.

La terreur se tordit dans les tripes d’Astoria, la vision d’Hermione Granger consumée par la flamme bleue s’imprimant dans son esprit.

Non, non, non, non.

Son cœur se lança dans leur gorge alors qu’elle s’accrochait à la main de Draco, s’attendant à ce qu’il tombe raide mort d’un instant à l’autre.

Quelques secondes passèrent.

Draco se tourna vers elle, les yeux écarquillés, comme si lui aussi n’arrivait pas à croire qu’il respirait encore.

" Va-t’en ! " Siffle Astoria en le repoussant.

 

Draco leva les yeux derrière elle, où le Seigneur des Ténèbres l’observait avec un intérêt silencieux. Les épaules de son amie se redressèrent, les yeux interrogateurs.

Voldemort acquiesça d’un léger mouvement de tête.

Draco s’inclina vivement en guise de remerciement avant d’apparaître dans un craquement.

Dans le silence qui suivit, Astoria se demanda si c’était la dernière fois qu’elle voyait Draco Malefoy vivant.

 

***

 

Ginny sortit en boitillant lorsqu’elle l’entendit, laissant derrière elle les violents sanglots de Dennis.

On aurait dit une tempête. Le grondement du vent contre la vitre d’une fenêtre. Le grondement d’un train qui ne se rapprochait jamais. La marée qui se fracassait sur le rivage, les vagues qui claquaient sans fin sur le sable sans pouvoir reculer.

Elle était à l’aise avec le bruit. Sa vie n’avait jamais été que remplie de monde. Une maison trop petite. Un dortoir partagé. Des lits superposés dans un refuge. Ce bruit, cependant, ponctuait quelque chose de profond en elle. Une peur instinctive qu’elle pensait avoir maîtrisée.

On dit que tous les humains naissent avec trois peurs. Des peurs inscrites dans leur cerveau dès leur première respiration. Des peurs innées qui sont restées constantes à travers toutes les cultures, les civilisations et le temps.

 

Les hauteurs. Les sons forts. Les visages humanoïdes.

Ginny avait conquis la première peur dès son plus jeune âge. La montée d’adrénaline sur son balai était due à l’excitation plutôt qu’à la terreur.

La seconde, elle pensait l’avoir surpassée. Elle s’était habituée au bruit des explosions et des cris. Elle avait appris à ne pas réagir, ne serait-ce que pour survivre au carnage de la guerre.

Le dernier, en revanche, elle ne l’avait jamais rencontré. Quelque chose qui avait l’air humain mais qui ne l’était pas. Un être qui ne présentait aucun signe extérieur de quelque chose d’anormal. Quelque chose d’autre qu’humain.

Mais ensuite, elle avait été réunie avec Hermione Granger.

 

Et elle s’était alors rendu compte que la dernière était peut-être la plus terrifiante de toutes. Parce que la bizarrerie d’Hermione ne lui semblait pas correcte. Pas mauvaise. Pas mauvaise. Juste….inhumaine.

Ginny n’avait pas encore compris ce que c’était. Physiquement, la sorcière avait clairement vécu l’enfer. Sur le plan émotionnel, c’est encore plus vrai. Tout cela pouvait expliquer son comportement étrange. Son existence brisée.

Mais cela n’expliquait pas le sentiment qui faisait dresser les cheveux sur la nuque de Ginny. Le mal.

Lorsque Ginny sortit sur le terrain du château, sur l’herbe fraîche et l’aube qui approchait, elle sentit sa peur se transformer en terreur.

 

La forêt était inondée d’un bleu électrique. Les bruits des arbres qui se brisaient et des créatures qui mouraient allaient crescendo dans le rugissement des flammes. La forêt s’étendait à perte de vue et Ginny sentit ses jambes se dérober lorsqu’elle réalisa que les Centars à qui elle avait parlé il y a quelques heures ne vivaient plus.

Elle le savait. Instinctivement, elle le savait. Que c’était Hermione Granger qui était à l’origine de cette situation. L’interview de Parvati résonna dans sa tête.

" Tout brûlait mais c’était… c’était froid. Plus froid que tout ce que j’ai jamais ressenti avant…. "

 

La vision de Parvati s’est concrétisée. L’absence nette de chaleur dans le brasier était une confirmation accablante.

L’envie soudaine de rire bouillonna dans sa poitrine, et Ginny dut forcer l’hystérie à se calmer.

Elle avait été si naïve. Si stupide de penser qu’elle maîtrisait quoi que ce soit, et encore moins les plus grandes peurs de l’humanité.

Le son qu’il produisait ébranlait quelque chose au plus profond d’elle-même. Le remplacement inhumain d’Hermione Granger qu’elle connaissait se tenait derrière ce mur bleu, ce qui lui fit rentrer la tête dans la poitrine.

Et soudain, Ginny eut l’impression de tomber. Elle tombait d’une corniche qu’elle savait bien trop haute.

Ginny ne voulait pas mourir. Elle ne voulait pas que Teddy meure. Elle ne voulait perdre personne d’autre.

Mais elle le ferait. C’était inévitable.

Personne ne survivrait à Hermione Granger.

Il n’y avait qu’une seule option, un seul chemin qui pouvait mener vers quelque chose qui semblait pouvoir briser sa chute.

Ginny devrait la tuer.

 

***

 

Hermione existait dans l’entre-deux.

Il n’y avait pas de peur. Pas de douleur. Pas de lumière, pas de son, pas de pensée.

Juste le froid.

Juste l’obscurité.

Juste le sentiment de rentrer à la maison.

 

Elle se déplaça, sentant un léger mouvement se resserrer autour de sa taille. Des taches de lumière commencèrent à danser autour d’elle, embrassant sa peau avant de disparaître sous la surface.

La neige. Il neige.

Un faible cliquetis commença à se faire entendre, résonnant contre son flanc tandis que son corps se balançait d’un côté à l’autre.

Elle se rendit compte qu’on la portait. Des bras forts et robustes la manipulaient avec une douceur impossible. Hermione se sentait comme un enfant qui fait semblant de dormir pendant que son père la transportait hors de la voiture. Tous deux savaient qu’elle était réveillée, mais préféraient faire semblant, ne serait-ce que pour prolonger le moment un peu plus longtemps.

Hermione leva les yeux et sanglota de soulagement.

" Darryl ? "

 

Le Détraqueur lui caressa le visage, un faible gémissement grondant de sa gorge.

Des larmes serpentèrent sur les joues d’Hermione, et il essuya chacune d’entre elles.

" Darryl, je veux rentrer à la maison ", sanglota-t-elle, la voix enfantine et suppliante.

La neige tomba plus fort, drapant sa cape sombre de blanc. Il secoua doucement la tête.

Je ne peux pas. Je suis désolé.

Hermione se mit à gémir, son corps secoué de grands sanglots déchirants.

Darryl s’agenouilla et la serra fort. Chaque geste de ses mains était une excuse.

Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé.

 

Elle s’accrocha à lui, incapable de savourer sa présence en attendant l’inévitable.

Quelque chose de chaud brûlait au fond de sa gorge.

Elle a tendu la main vers son visage.

Et puis elle fut happée.

 

***

 

Des applaudissements et des cris retentirent lorsque la barrière s’abaissa, signalant la fin de la Première Tâche.

Astoria applaudit distraitement, l’esprit loin, très loin.

Bientôt, elle devrait aller chercher Théo et le ramener dans son manoir. Son collatéral, le cousin d’Harry Potter, les accompagnerait.

Il semblait inconcevable qu’il soit de retour chez elle. Dans sa vie.

Ce n’était que la première tâche. La première d’une série de sept.

La situation ne ferait qu’empirer à partir de maintenant.

Astoria repoussa ses larmes en plaquant un sourire sur son visage.

Puis elle alla féliciter le Seigneur des Ténèbres.

 

***

 

Hermione toussait et crachait, recrachant à cause de la brûlure de sa gorge.

Un corps chaud la serra contre lui.

Susan ?

 

Elle ouvrit les yeux, le brun s’accrochant à l’argent.

" Non ", râla-t-elle.

 

Malefoy la dévisagea, les sourcils froncés. " Je commence à en avoir vraiment assez de tes tendances suicidaires, Granger ".

Hermione secoua la tête, se dégageant de ses genoux alors que son corps tremblait d’épuisement. " Non ", sanglota-t-elle. " Qu’est-ce que tu as fait ? Qu’est-ce que tu as fait, putain ! "

" Je t’ai sauvée " se moqua-t-il en brandissant une fiole vide.

Le verre teinté de vert lui renvoya sa lueur.

Hermione se serra la gorge.

" Non. NON ! " rugit-elle en portant ses mains à son visage. La peau pâle la fixait, les paumes rougies par la chaleur.

" Espèce de salaud ", cracha-t-elle. " Comment as-tu… "

" Chaque Disciple a un laissez-passer pour entrer dans une tâche et aider son champion " répondit-il simplement. " C’est le mien. "

 

Hermione le fixa du regard, canalisant toute sa rage dans son regard. " Je vais te tuer ", murmura-t-elle.

Il haussa un sourcil. " La Seconde Tâche ne devrait plus être très loin, tu peux attendre pour nous tuer tous les deux ".

" Je n’ai pas l’intention d’attendre ", cracha-t-elle en levant les mains.

Le python s’embrasa autour de son cou, la secouant de feu. Hermione se tordit sur le dos, sifflant tandis qu’il lui volait lentement son air.

Le noir se glissa à nouveau dans les limites de sa vision et elle pensa qu’elle allait peut-être mourir après tout. Alors que son corps devenait mou, Malefoy la relâcha, envoyant de l’air précieux dans ses poumons.

Hermione haleta, sa vision se transformant en un tourbillon.

" Pour ce que ça vaut ", murmura Malefoy. " Je suis désolé. Pour Susan. "

 

Un rire amer s’échappa de sa gorge. " Tu le seras ", promit-elle.

D’un coup de baguette, Malefoy fit léviter son corps jusqu’à ses pieds. Elle trébucha et il tendit un bras pour la retenir.

Elle repoussa sa main. " Ne me touche pas, putain ! "

Il soupira et s’éloigna.

 

Hermione se redressa, clignant brutalement des yeux lorsque le givre s’illumina en orange. Elle suivit la lumière qui brillait sur le corps de Susan, traçant des rayons dorés qui montaient vers le ciel.

L’aube était arrivée.

 


FIN DE L’ACTE I


 

Chapter Text


 

ACTE II

 


Rouge


 

La rage d'une femme était glaçante.

Silencieuse.

Il n'y avait pas d'explosions ou de larmes. Il n'y avait pas d'injures, de murs fracassés ou de voitures qui roulaient trop vite.

Elles gardaient le contrôle en dépit de la rage au font de leur coeur. Des cris dissimulés derrière de faux sourires. Des eaux calmes avec des courants souterrains vicieux. Parce qu'on leur avait appris que tout était dans l'apparence.

Sois belle. Et tais-toi.

 

C'est ce qu'elles faisaient.

Même dans leur rage.

La rage féminine était tout sauf émotionnelle parce qu'elle prenait du temps. L'accumulation de suppositions et d'accusations. Des plaisanteries au manque de respect. De l'irrespect à la violence. Des inégalités et des histoires incroyables de vies riches et complexes réduites à des trous entre les jambes.

Ouvres.

Et tais-toi.

La peau dure et l'épine dorsale courbée. Une malédiction générationnelle portée d'utérus en utérus. Une malédiction qui ne saurait être brisée, parce qu'il n'y avait rien à faire pour la briser. Il n'y aurait que des barrières de plus en plus nombreuses. Plus de serrures sans clés.

Un chagrin qui croupit dans une bouteille de verre pendant des semaines, des mois et des années. Porté de fille en fille. Et lorsque la vapeur se répand et que le couvercle se brise, lorsque la rage se déchaîne, elle ne peut être que rationnelle. Calculée. Justifiée.

Pour chaque action, il y aura une réaction identique et contrastée.

Mais les femmes n'étaient pas comparables.

C'est pourquoi leur rage était illimitée, incommensurable, divine.

L'enfer ne connaît pas meilleure vengeance qu'une femme bafouée.

Hermione s'assit avec sa fureur silencieuse. Avec son chagrin.

Depuis qu'elle était au manoir Malefoy, elle n'avait pas encore prononcé un mot, craignant que si elle ouvrait la bouche, elle crierait et ne s'arrêterait jamais.

Elle n'arrivait même pas à déterminer où se situait exactement sa haine. Contre Malefoy pour l'avoir sauvée, contre Voldemort pour les jeux, contre le monde entier pour avoir permis de telles horreurs.

Ou contre elle-même. Car elle était arrivée trop tard pour sauver Susan. C'était sa faute si Susan avait été laissée seule dans la forêt. Incapable de courir. Incapable de crier.

Les derniers instants de Susan avaient été partagés avec Hermione. Avec sa rage, son chagrin et les cris que Susan ne parvint jamais à pousser.

La fenêtre de la chambre d'Hermione donnait sur le domaine des Malefoy. Des jardins immaculés et de longues étendues de verdure qu'elle aurait pu contempler pendant des heures.

Elle ne le faisait pas.

Elle se contentait de fixer le mur blanc et de faire des plans.

Deux semaines s'étaient écoulées depuis la Première Tâche. Deux semaines qu'elle avait été emmenée au manoir Malefoy. Deux semaines dans une aile luxueuse drapée de vert émeraude.

Hermione avait commencé à détester le vert.

Elle avait ses propres quartiers, un énorme lit king-size, une petite bibliothèque et une grande salle de bain. Pourtant, elle restait dans sa chambre, se recroquevillant pour dormir dans un coin à côté du lit. Elle préférait la sécurité de l'espace clos et la dureté familière du sol. Il y avait des livres qu'elle n'avait pas encore touchés, se contentant d'effleurer les titres tandis que son esprit grondait.

Susan. Susan. Susan.

La salle de bain n'avait pas été touchée, même si ses cheveux avaient poussé et s'étaient emmêlés jusqu'à sa taille. La potion de Pansy avait fonctionné et Hermione détestait le rappel du temps qui passe. Elle ne pouvait même pas les couper, son python l'arrêtant à chaque fois qu'elle prenait les ciseaux.

La baignoire sèche à quatre griffes était la pire de toutes parce qu'elle était odieusement grande. Assez grande pour accueillir trois ou quatre personnes. Assez grande pour accueillir deux personnes. Trop grande pour une seule personne.

Hermione avait encore le sang de Susan sous les ongles, elle ne voulait pas l'enlever. Elle ne voulait pas s'asseoir et se laver en sachant que la dernière fois qu'elle l'avait fait, c'était avec son amie.

Elle voulait seulement s'asseoir dans sa rage.

Malefoy avait dit qu'elle était libre de circuler dans le manoir, l'aile Est étant le seul endroit qui lui était interdit. Il s'était montré étrangement respectueux, la laissant ruminer pendant que ses elfes allaient et venaient avec de la nourriture et des potions.

Hermione était surprise de la rapidité avec laquelle elle avait commencé à prendre du poids, et elle se demandait si Malefoy n'avait pas glissé quelque chose dans sa nourriture en plus des potions. Elle pouvait encore compter chaque côte et sentir sa colonne vertébrale s'enfoncer douloureusement dans le parquet. Mais sa taille n'était plus voûtée, ses joues creuses se remplissaient.

Hormis les sifflements qu'elle entendait parfois au milieu de la nuit, son séjour s'était déroulé sans encombre. Elle n'arrivait toujours pas à déterminer si le sifflement provenait de ses rêves ou du hall de stockage des tonneaux, mais il était apaisant.

Son quotidien se composait de longues journées et de murs blancs. Des nuits brutales avec des chants d'oiseaux. Une boucle sans fin avec un grondement de rage persistant, qui ne cessait de s'amplifier dans une bouteille qui ne cessait de se rétrécir.

Ce fut le Rouge qui finit par la briser.

Hermione s'était réveillée un matin, sa conscience s'infiltrant à travers la lumière du soleil et ses membres raides, lorsqu'elle avait senti une sensation d'humidité entre ses jambes.

Troublée, elle plongea une main dans son pyjama de soie.

Et là, scintillant au bout de ses doigts, il y avait du sang.

Après presque quatre ans sans règles, cela ressemblait à une trahison. Son corps la narguait vicieusement. Il lui rappelait qu'elle était plutôt en bonne santé, qu'elle devait se préparer à ce qu'un homme entre dans son corps, pour faire de la place à un enfant qui ne viendrait jamais. Malgré tout ce qu'elle était et tout ce qu'elle n'était pas, après tout ce qui s'était passé, elle n'était là que pour une seule chose.

Se reproduire et mourir.

La vie se résumait à cela.

Il n'en fallait pas plus pour fissurer la bouteille, une entaille déchirante remontant de sa lignée maternelle. Hermione pouvait sentir le chagrin s'échapper de la plaie ouverte. Un chagrin d'une nature particulière, qu'elle n'avait pas ressenti depuis les premiers jours de son emprisonnement.

C'était la douleur du désespoir. Une souffrance éternelle et une boucle sans fin de « Pourquoi moi ? Cette douleur la dévorait et elle se sentait basculer. Le haut était le bas. Les directions étaient inversées.

Toujours en train de tourner. Toujours piégée.

Hermione lutta pour respirer, le présent s'estompant au profit de la panique. Ses pieds la portèrent jusqu'à la porte de sa chambre et elle se retrouva à trébucher dans le couloir.

Elle courut sans but, fébrilement.

À gauche, puis à droite. En bas et à gauche. Elle tournait, tournait et tournait.

« Miss Granger ? » Une voix perplexe l'appela.

Ils arrivaient. Elle devait courir.

Courir. Courir. Courir. Courir.

Elle se précipita dans un coin et descendit un escalier étroit, cherchant désespérément une sortie.

« Miss Granger ! »

Elle devait s'échapper. Ils reviendraient. Ils revenaient toujours.

Une main agrippa le dos de sa robe et elle poussa un cri perçant, son corps s'agitant sauvagement.

La voix s'éleva brusquement, la panique s'infiltrant dans le ton. "Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui s'est passé ?"

« Eloigne-toi de moi, putain ! » hurla Hermione en se libérant.

« Miss Granger ! »

Hermione respira bruyamment en commençant à tirer sauvagement sur les poignées de porte.

Verrouillées. Verrouillées. Verrouillées.

Il y avait tant de portes. Tant de serrures. Piégée. Elle était prise au piège. La panique commença à obscurcir les bords de sa vision, masquant partiellement une femme blonde qui se précipitait dans son champ de vision.

» Miss Granger », souffla-t-elle, le visage crispé et cendré.

Hermione l'ignora, frappant le bois de son épaule à plusieurs reprises, les charnières s'entrechoquant.

Elle devait sortir. Elle devait...

« Darryl » sanglota Hermione, tournant brusquement la tête vers la femme. "Où est Darryl ?

Narcissa pâlit. « Qui ? »

« J'ai besoin de Darryl », insista-t-elle. « Je... » déglutit-elle, ses membres se mettant à fourmiller tandis qu'elle continuait à hyperventiler. "J'ai besoin de Susan. J'ai besoin de... Harry."

Narcissa Malefoy tendit la main vers elle et Hermione tressaillit. La sorcière sortit sa baguette en tremblant et ouvrit la porte contre laquelle Hermione était appuyée.

Hermione dégringola par l'embrasure de la porte, le visage écrasé contre le tapis moelleux.

"Harry.

Harry. Harry", souffla-t-elle, les yeux troublés alors que son pouls tonnait dans ses oreilles.

Une paire de talons fut la dernière chose qu'elle vit.

 

***

 

Les toiles flottaient au vent, un rythme régulier apaisant les battements rapides de son cœur. L'odeur du bacon imprégnait l'air, un feu rugissant enveloppait la tente d'une chaude étreinte.

"Du thé ? demanda Harry, dont le pull usé s'accordait avec ses cheveux ébouriffés par le sommeil.

Hermione s'étira. " Cela me semble parfait. "

Elle s'habilla rapidement, la faim la rongeant de l'intérieur tandis que Harry préparait leur petit déjeuner. C'était une routine qu'elle connaissait bien. Harry n'était pas le plus doué pour dormir la nuit, il était presque toujours debout avant elle.

Il lui tendit une tasse d'Earl Gray qu'Hermione but timidement avant d'y ajouter une cuillerée de miel. Ils mangèrent en silence, satisfaits de la compagnie de l'autre.

Une fois rassasié, Harry se leva et prit son assiette avec un sourire, fredonnant pour lui-même tout en faisant la vaisselle.

C'était parfait. Tout semblait parfait.

Sécurisant.

Joyeux même.

Hermione fixait le feu, regardant les flammes virevolter et danser. Et tandis qu'elle regardait, elle se sentait devenir plus froide. Le givre commença à recouvrir l'extérieur de sa tasse, embrassant le bout de ses doigts.

Le feu devint bleu.

Hermione déglutit, posant doucement sa tasse tandis que sa poitrine se creusait.

"Tu n'es pas réel, n'est-ce pas ?" Elle râla, fixant résolument les flammes.

Elle entendit Harry s'arrêter derrière elle. "Qu'est-ce qui te fait dire ça ?"

"Tu es mort" croassa-t-elle, la lèvre inférieure tremblante.

Harry soupira. "Oui.

Une larme égarée glissa sur sa joue.

"Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas réel, Hermione", poursuivit-il doucement.

Elle secoua la tête. "Ça veut dire que tu n'es pas là", dit-elle en sanglotant. "Tu n'es pas là. Tu es juste dans ma tête."

Harry éclata de rire. "C'est là que tu penses que nous sommes ?"

Hermione fronça les sourcils, se tournant derrière elle. "Où serions-nous sinon ?"

Harry se tenait là, appuyé contre le comptoir, un sourcil levé en signe d'amusement. Les yeux brillants. Une peau éclatante.

En bonne santé. Heureux.

Il sourit, les yeux bleus illuminés par quelque chose qu'elle ne pouvait pas déchiffrer.

"Où d'autre, en effet ?", pensa-t-il.

Hermione sursauta, se dégageant de la main qui lui secouait les épaules. Elle leva les yeux vers les yeux bleus pâles de la matriarche des Malefoy, son expression pincée habituelle reflétant quelque chose qu'Hermione n'avait vu que dans son reflet.

La sorcière leva ses mains vides dans un geste passif, sa baguette remise dans son étui.

Elle s'éclaircit la gorge, lissa les mèches de cheveux autour de son visage avec des doigts tremblants avant que ses yeux ne s'agrandissent sur la tache rouge entre les jambes d'Hermione.

" Miss Granger, vous saignez " inspira-t-elle vivement en tendant la main vers elle.

Hermione repoussa sa main. "Ne me toucher pas".

Narcissa se remit en mouvement, lentement. "Si vous..."

"J'ai dit " NE ME TOUCHEZ PAS " !" rugit Hermione en se glissant en arrière sur ses coudes.

Une partie d'elle se rendait compte qu'elle agissait de façon pathétique. Elle savait qu'elle avait l'air folle. Elle le savait.

Mais le temps et la réalité pliaient sous le poids de sa terreur. Des visages défilaient comme les pages d'un livre, une série de mains se tendaient vers elle.

Des ongles sales qui palpaient sa chair.

Des doigts squelettiques caressant le givre sur sa joue.

Une main coupée encore serrée dans la sienne, son jeune propriétaire envoyé dans l'oubli.

Des paumes chaudes et douces rinçant du shampoing sur son cuir chevelu nu. La nettoyant dans un geste de réconfort et non pas comme un besoin.

Elle ne connaissait pas ces mains qui s'approchaient d'elle en ce moment. Elle ne connaissait pas les doigts manucurés et les paumes parfumées de Narcissa Malefoy. Un inconnu, est imprévisible. Et Hermione Granger n'aimait pas ne pas connaître certaines informations.

Des pas lourds se rapprochèrent rapidement, une grande silhouette apparut dans son champ de vision.

Les yeux aiguisés de Malefoy observèrent la scène devant lui, les iris argentés retraçant les pointes emmêlées de ses cheveux, le soulèvement de sa poitrine, avant de s'arrêter sur son expression figée.

Il ouvrit la bouche. " Pourquoi... "

"-Qu'as-tu fait ?" Siffla Narcissa en se retournant vers son fils.

Malefoy cligna des yeux. " Mère, je n'ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez... "

La matriarche frappa comme une vipère, se levant et assénant à son fils une gifle cinglante sur la joue.

"N'insulte pas mon intelligence", grogna-t-elle, la rage vibrant sous ses mots. "Elle saigne.

Hermione tressaillit.

Malefoy, à sa décharge, n'en fut pas affecté. Le rouge montait sur sa joue blessée tandis qu'il fixait sa mère d'un regard vide. "C'est impossible" coupa-t-il. "Elle ne peut pas se faire de mal, je m'en suis assuré.

Narcissa se raidit et Hermione jura avoir vu sa lèvre inférieure trembler. "Je sais, siffla-t-elle. "Alors je te le redemande. Qu'est-ce que... Qu'est-ce. Tu. A fait ? "

Les yeux de Malefoy s'illuminèrent. "Rien", répondit-il.

Hermione cligna des yeux devant la scène qui se jouait devant elle. Sa dernière interaction avec Mme Malefoy avait été faite de menaces et de promesses.

Hermione s'était moquée de cette femme. Elle s'était réjouie de la mort imminente de son fils unique.

Alors pourquoi la sorcière la défendait-elle ?

Narcissa grogna et eut l'impression qu'une mante religieuse prenait son envol. Inattendu, et pourtant évident. Un prédateur impitoyable, préférant rester camouflé sur terre plutôt que de s'envoler dans les airs. La furtivité plutôt que la force brute.

Mais le choix ne prévalait pas toujours sur la volonté.

Son masque de Sang-Pur glissa, laissant entrevoir une simple femme en dessous. Humaine et imparfaite. Brisée. En colère.

"Alors pourquoi saigne-t-elle entre les jambes !" cracha Narcissa, son corps svelte vibrant de rage.

Les yeux de Malefoy s'écarquillèrent d'incrédulité, des taches grises apparaissant tandis qu'il inspirait brusquement. Sa lèvre se retroussa de dégoût. "Tu penses vraiment que..."

"Je ne sais pas Draco", siffla-t-elle. "Je ne sais pas de quoi tu es encore capable !"

Malefoy recula. "Pas ça", dit-il, ses yeux gris se posant brièvement sur Hermione avant de baisser la voix. " Bordel de merde, Mère, je ne suis pas un violeur " siffla-t-il en serrant les dents.

"Elle saigne et elle est bouleversée et..."

"-Alors elle a dû avoir ses règles" termina Malfoy brusquement, expirant lentement à travers ses narines dilatées.

Narcissa se prit le visage dans les mains et recula. "Oh."

Personne ne l'a touchée " soupira Malefoy en desserrant ses poings gorgés de sang, attirant sa mère contre sa poitrine dans une étreinte tendue.

"Je le jure" chuchota-t-il, son corps s'adoucissant lentement tandis qu'il frottait des cercles dans son dos.

La voix de Malefoy se fit plus grave, à peine audible. "Je ne suis pas lui.

Narcissa serra fort l'épaule de son fils, le bras tremblant. "Je suis désolée, croassa-t-elle. "Je n'ai même pas..."

"C'est bon maman". Malfoy termina doucement, continuant ses caresses apaisantes le long de sa colonne vertébrale.

"J'ai juste..."

"Je sais ", murmura-t-il en fermant les yeux. "C'est bon."

Son visage se détendit et il laissa tomber ses bras, s'éloignant de sa mère. Lorsqu'il ouvrit les yeux, l'argent brillait.

Narcissa laissa son fils s'éloigner avec aisance, reflétant ses gestes tandis qu'une conversation silencieuse s'engageait entre eux.

"Va chercher le guérisseur Lewis. Il devrait avoir fini maintenant " ordonna calmement Malefoy en ouvrant la porte.

La matriarche obéit à son ordre, les épaules redressées. Elle ne se retourna pas pour laisser Hermione avec son ravisseur.

Elle se sentait comme une intruse. Comme si elle avait espionné un moment qu'elle n'était pas censée voir. Comme si elle avait entrevu un lien qui n'était apparent qu'entre deux portes closes.

Malefoy ne s'était pas soucié qu'elle soit là pour en être témoin. Et pourquoi l'aurait-il fait ? Elle était un Occlumens naturel. Personne ne pouvait toucher à ses souvenirs. Elle pouvait mentir sous Vitaserum. Elle était impénétrable.

Et si elle parlait à quelqu'un d'autre de l'apparente vulnérabilité de la Matriarche, à quoi cela servirait-il ? Que deux sorcières s'effondrent à la vue du sang ?

Personne ne s'en soucierait. Personne ne la croirait.

Malefoy s'accroupit à côté d'elle, fronçant les sourcils. "Granger, qu'est-ce que...

"Va-t'en" siffla-t-elle, détestant la façon dont elle se recroquevillait devant lui, effrayée. Elle était censée être en colère. Elle était censée être courageuse.

"Il s'est passé quelque chose..."

"J'ai dit Va-t'en !" hurla Hermione en lui balayant le visage de la main, répétant faiblement ce que sa mère avait fait. Malefoy ne la quitta pas des yeux pendant qu'elle frappait.

Des taches rouges s'étalèrent sur la mâchoire pointue du sorcier, commençant sous son oreille droite et parcourant la commissure de ses lèvres.

Hermione se figea.

Avec une horreur naissante, elle réalisa qu'elle avait frappé avec sa main tachée de sang. Celle avec laquelle elle s'était examinée pour la première fois.

Celle qui était enduite de son sang menstruel et boueux.

Instinctivement, Malefoy porta sa langue au coin de sa bouche. Il fronça les sourcils en goûtant le cuivre, passa son pouce sur sa lèvre inférieure et examina la teinte cramoisie.

Hermione se mit à trembler, attendant l'inévitable coup.

Malefoy leva la main et elle recula vivement, fermant les yeux.

Rien ne se produisit.

Timidement, elle jeta un coup d'œil sous ses cils.

Malefoy resta accroupi, essuyant le sang de son visage du revers de la main et le fixant intensément.

Ses yeux se portèrent sur la main tachée de la jeune femme et il fléchit la mâchoire, déglutissant bruyamment.

" Sacrée sorcière ", marmonna-t-il en se détournant d'elle.

Il s'assit dans un fauteuil voisin, étirant ses longues jambes dans la position familière qu'il adoptait lors de leurs déplacements à l'infirmerie. Il l'observait avec ennui tandis qu'elle restait figée sur le tapis.

Sa baguette resta dans son étui pendant qu'ils attendaient.

Au bout de quelques minutes, l'infirmier Lewis se précipita, blanchissant légèrement en voyant la mâchoire maculée et la joue rougie de Malefoy avant de se concentrer sur son patient.

Il sembla se détendre légèrement en observant sa silhouette bien remplie, mais ses yeux continuaient de s'inquiéter tandis qu'il s'approchait lentement d'elle.

Contrairement à ce qui s'était passé auparavant, Hermione ne recula pas. Au contraire, elle dut se forcer à ne pas le toucher. Ce n'était pas tout à fait un ami, mais ce n'était pas non plus un ennemi.

Elle pouvait faire confiance à ses mains qui se tendaient vers elle.

"Miss Granger ?" Il la sonda timidement, prenant bien soin de ne pas la toucher alors qu'il s'agenouillait à côté d'elle. "Pouvez-vous me dire si vous souffrez ?"

Hermione secoua la tête.

"D'accord", expira-t-il, avant de se mordre la lèvre en réfléchissant. Il semblait se débattre avec lui-même, se tordant les mains avant de prendre une décision. "Y a-t-il une possibilité que vous soyez enceinte ?" demanda-t-il doucement.

Hermione sentit le sol basculer sur le côté.

Malefoy se leva d'un bond. "Pourquoi diable pensez-vous que..."

"Elle souffre peut-être d'une fausse couche", dit vivement le guérisseur Lewis, un geste audacieux compte tenu du tempérament timide du guérisseur.

Le guérisseur Lewis se retourna vers Hermione, ignorant l'imposant sorcier qui se tenait silencieusement au-dessus de lui. "Miss Granger ?"

"Non", croassa-t-elle, la bouche sèche.

"Et votre cycle est-il prévu ?"

"Je ne sais pas."

"Est-ce que vous avez l'habitude d'avoir un flux abondant ?"

Hermione eut un hoquet, mélange de rire et de sanglot. "Je ne m'en souviens pas", répondit-elle honnêtement.

Le guérisseur Lewis sortit sa baguette et fit un geste vers son abdomen. "Puis-je vous examiner ?" demanda-t-il doucement.

Avec réticence, Hermione acquiesça. Elle s'allongea sur le dos pendant que le guérisseur Lewis lançait une série de sorts de diagnostic sur son ventre vêtu, sans se soucier du fait que Malefoy l'observait.

Le guérisseur Lewis travaillait rapidement, ses mains n'entrant jamais en contact avec le pyjama sale qu'elle portait depuis une semaine.

"Tout semble normal. Le guérisseur Lewis expliqua qu'il avait terminé.

Hermione dut retenir une amère déception. Elle aurait préféré une hémorragie interne anormale. Une infection. N'importe quelle indication que quelque chose n'allait pas.

Des règles, c'était normal.

C'était une indication que le temps avait passé et continuerait à passer. Son corps reprenait ses fonctions tandis que celui de Susan pourrissait Dieu sait où.

Elle était infectée par la continuité de la vie. Esclave de son corps, liée à la féminité et à toutes les souffrances qui l'accompagnent.

Se reproduire et mourir. Se reproduire et mourir.

"Maintenant que vous avez repris un peu de poids, il est logique que votre cycle revienne" dit le guérisseur Lewis.

Hermione fixa le plafond orné d'un regard vide.

"Si vous voulez, je peux vous mettre sous contraceptif..."

Elle se leva d'un bond. "Non !"

Un contraceptif était une préparation. Cela signifiait qu'il y avait un futur dans lequel elle risquait de concevoir. Concevoir signifiait que quelqu'un...

Quelqu'un.

Le guérisseur leva les paumes en signe d'apaisement. "Juste pour arrêter vos cycles. Si cela vous perturbe, alors..."

"J'ai dit NON !", grogna-t-elle.

Elle ne le permettrait pas. Elle ne le permettrait pas. Plus jamais.

L'aide-soignante Lewis recula brusquement, le visage pâle, tandis qu'Hermione serrait ses genoux contre sa poitrine.

Jamais. Jamais. Jamais.

Elle ferma les yeux et imagina la tente, essayant de se transporter à nouveau vers un Harry de ses rêves et vers des tasses de thé.

Il n'était pas réel, et malgré ce qu'il avait dit, elle était fermement convaincue qu'il existait dans sa tête. Mais c'était un fantasme auquel elle se contentait de s'accrocher un peu plus longtemps

"Il n'est pas conseillé de continuer à restreindre le contact", dit-elle en entendant le guérisseur Lewis. "La laisser sans rien pour occuper son esprit ne ferait que la détériorer plus rapidement."

"Elle a passé cinq ans avec rien d'autre que ses propres pensées", se moqua Malefoy.

"Oui, et regardez ce que ça a donné", siffla Narcissa.

Hermione n'avait même pas remarqué le retour de la sorcière.

Malefoy renifla. "Elle a le temps. Elle a déjà tenu plus longtemps que tous les Occlumens Naturels recensés."

Hermione tressaillit devant le ton désinvolte avec lequel il évoquait son Occlumencie, se demandant quand Malefoy en avait parlé à sa mère et au Guérisseur Lewis.

"Ce n'est pas suffisant, Draco" insista Narcissa, "ces choses sont imprévisibles".

"Tu peux aller la voir, alors " ricana Malefoy.

Le guérisseur Lewis l'interrompit, la voix ferme. "Je crains que les visites ne suffisent pas, elle aura besoin de soins constants. De la stimulation. Quelque chose qui lui permette de garder l'esprit occupé.

"Quoi ? Tous les jours ? " Siffla Malefoy.

"Oui. Et je crains de ne pouvoir remplir ce rôle en raison de mes... obligations actuelles." termina le guérisseur Lewis en baissant la voix.

Des obligations ? Quelles obligations ?

"Elle a besoin de quelqu'un qui puisse la défier, continua le guérisseur.

" Mère- "

"Absolument pas", répliqua Narcissa. "Je suis bien trop occupée. C'est ta championne, ta responsabilité."

Malefoy grogna. "Les elfes alors..."

"Ne la stimuleront pas beaucoup mentalement" coupa Narcissa, ne laissant aucune place à la discussion. "Tu es un homme intelligent Draco, je suis sûre que tu t'en sortiras".

"Je vais engager..."

"Non, tu ne le feras pas. Tu le feras toi-même" réprimanda Narcissa, son ancienne crise n'étant plus qu'un lointain souvenir alors qu'elle prenait le contrôle de la pièce. "Je n'accepterai plus d'invités chez moi."

Hermione jeta un coup d'œil à travers son rideau de cheveux emmêlés et croisa le regard argenté de Malefoy. Il fléchit la mâchoire en signe de frustration, inspirant profondément alors qu'il succombait aux souhaits de Narcissa.

Le grand Mortifer s'inclinant sous la coupe de sa mère.

Le rouge tachait encore le coin de sa bouche tandis qu'il grimaçait devant Hermione. "Très bien."

 

***

 

La pièce avait changé.

Ce fut la première chose qu'elle remarqua en rentrant dans ses quartiers. La douleur à l'épaule et la brûlure du tapis oubliées, Hermione cligna des yeux face au soleil du milieu de la matinée.

Les fenêtres. Tant de fenêtres. Grandes et imposantes, elles s'étendaient sur toute la longueur de sa chambre, offrant une vue imprenable sur les jardins.

Malefoy ne dit rien en la déposant dans sa chambre. S'il avait remarqué le changement, il ne le commenta pas.

Les murs avaient eux aussi changé. L'étendue blanche avait été remplacée par un papier peint complexe représentant des fleurs sauvages, des forêts et des oiseaux. Ils se déplaçaient et bougeaient comme une peinture.

Des fleurs fraîches parsemaient la pièce désormais aérée, chaque coin étant occupé par un meuble. Une chaise. Un bureau. Un lit à quatre colonnes recouvert d'oreillers et de jetés de différentes nuances de violet.

Elle essaya de les déplacer, de dégager un coin pour se créer une place familière. Mais tout était cimenté par un charme collant. Le luxueux tapis blanc duveteux s'enfonçait sous son poids tandis qu'elle parcourait sa chambre à la recherche d'un endroit où se cacher.

Des armoires sans portes, de la musique sans provenance. Même les rideaux avaient mystérieusement disparu.

Sa chambre était maintenant remplie de couleurs et de lumière. Un dynamisme désagréable.

Elle détestait cela.

Dans sa frustration, elle griffa le papier peint en vain, ne lui laissant que des ongles intacts. Elle avait beau déchirer, frapper et rugir, Hermione perdait la notion du temps.

Hermione perdit la notion du temps dans sa danse de destruction, et finit par s'écrouler d'épuisement en poussant un cri de frustration.

Elle jeta un regard à la pièce qui se recomposait pour la énième fois, ne laissant aucune trace de sa violence.

Son corps ne montrait aucun signe non plus. Pas même une égratignure. Pas même une douleur.

Tout ce qui existait dans cette pièce était destiné au confort de l'esprit, du corps et de l'âme.

Tout sauf sa putain de tête.

Hermione chercha du réconfort dans le seul endroit où elle n'était pas encore entrée.

La salle de bain.

 

***

 

La salle de bains était presque la même. Une petite fenêtre en verre dépoli et des carreaux à motifs constituaient les modifications les plus évidentes.

La baignoire était restée, semblant la fixer d'un air moqueur.

C'est le verre qui attira son regard. Une grande boîte transparente affleurait contre un mur nouvellement agrandi.

Une douche.

Dans un acte de défi effronté à l'égard de la baignoire, Hermione retira son pyjama et ouvrit l'eau. Elle n'hésita que légèrement avant de se plonger sous le jet, se disant qu'elle devait être courageuse.

Hermione sentit son corps se détendre sous l'eau glacée, soupirant de soulagement tandis que son esprit se calmait. Elle pencha la tête en arrière, trempant sa crinière de cheveux sous le jet d'eau tandis qu'elle s'habituait au poids étranger des boucles imbibées. Une panoplie de bouteilles et de lotions ornait le mur du fond, mais elle décida de rester dans l'eau. Une partie d'elle savait que l'odeur du shampoing détruirait tout ce qui lui restait de détermination.

Mais son esprit s'égarait, comme toujours, vers Susan.

Susan. Susan. Susan.

 

Hermione poussa un sanglot.

Elle s'accroupit sur le carrelage et le chagrin l'emporta, les larmes tourbillonnant dans l'égout avec la teinte rose de son sang menstruel et des fragments de terre. Ce qui restait de Susan disparaissait à chaque minute passée sous l'eau. Les vestiges de son séjour dans la Forêt Interdite s'érodaient avec le sang encore incrusté sous ses ongles.

En fin de compte, Hermione n'avait pas besoin de shampoing. Le simple fait de se laver suffisait à la démêler. Elle savait qu'elle ne pouvait pas continuer ainsi. Elle devait essayer. Elle devait trouver ce qui en elle se transformait en flammes bleues.

Ron devait vivre. Il était tout ce qui lui restait.

Il avait besoin d'elle.

Avec une inspiration tremblante, Hermione pressa ses paumes contre ses yeux, repoussant les larmes. Des flashs d'un garçon en robe trop grande traversèrent sa vision. Une barre de savon tendue vers elle. Une main coupée dans une mare de chair et de sang. Elle jura, hoquetant contre une nouvelle vague de sanglots.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Un bourdonnement sourd commença à monter en elle, une vibration régulière qu'elle avait presque oubliée en deux semaines d'absence.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Elle sentait sa magie, faible mais présente. Faible mais vivante.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Hermione se concentra sur ce noyau de pouvoir, une bougie qui couvait et qu'elle voulut ramener à la flamme. Elle l'alimenta avec le chagrin et la rage qu'elle avait piétinés.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

L'eau semblait mugir contre son dos, le piquant. Elle prit conscience de sa respiration, des coups rythmés contre sa poitrine.

Rien ne rentre. Rien ne sort.

Elle frappa sa poitrine en rythme avec les mots, reflétant ce que Susan avait fait. Son poing était fort et régulier.

Réelle. Je suis réelle.

Des murs de pierre se mirent en place, protégeant les bains et les oiseaux derrière une porte couverte de givre.

Hermione se leva.

Les yeux secs et les mains sûres, elle ferma l'eau, plongeant la salle de bains dans un silence presque total. Il ne restait plus que ses respirations régulières, un bourdonnement sourd et le bruit de l'eau qui s'écoulait. Elle tendit la main vers la porte vitrée lorsqu'une gouttelette noire lui éclaboussa le pied.

Hermione s'arrêta, regardant une autre goutte tomber avec un détachement insensible.

Une autre tomba. Puis une autre.

Les gouttelettes se transformèrent en ruisseaux qui coulèrent le long de ses jambes.

Le bourdonnement s'amplifia lorsqu'elle sortit de la douche, se transformant en chuchotements lorsqu'elle se dirigea vers le grand miroir au-dessus de l'évier.

Hermione fixa son reflet. Ses boucles trempées et ses joues rebondies. Les clavicules saillantes adoucies par les muscles renaissants.

Les yeux bruns éclipsés par le noir.

Son corps était une masse de cicatrices en relief et de chair taillée, allant du blanc au rouge en passant par le violet. Les cicatrices qui lui avaient été infligées par d'autres restaient inchangées. Son tatouage d'Azkaban et sa marque des ténèbres étaient toujours d'un gris tacheté.

Mais ses marques, ses cicatrices, celles qu'elle s'était infligées à elle-même...

Elles étaient noires.

Elles pleuraient.

Elles saignaient.

Elles coulaient comme des veines sur sa peau tandis que les chuchotements se transformaient en chants.

Elle suintait de ses yeux. De sa bouche. De son nez et de ses oreilles.

Entre ses jambes.

Elle ferma les yeux, écrasant les voix qui s'élevaient en elle.

Elles n'étaient pas réelles.

Elle se frappa la poitrine. Une fois. Deux fois.

Je suis réelle.

Les voix disparurent lorsqu'elle ouvrit les yeux, repoussée par le bourdonnement sourd et régulier. La peau pâle lui apparut, le noir liquide effacé comme s'il n'avait jamais existé.

Hermione enfila une robe de chambre propre, sans même prendre la peine de se sécher. En passant la tête dans le tissu, elle jeta un coup d'œil à son reflet par-dessus son épaule.

Elle jeta un coup d'œil à son dos découvert, à la grande marque qu'elle avait dessinée. La première rune qu'elle avait gravée dans sa chair à Azkaban. La première histoire qu'elle avait écrite sur son corps.

La marque lui renvoya son reflet, en clignant de l'œil. La peau rugueuse se lissait. Des lignes rouges dentelées s'effaçaient. Rendu noir. Un nouveau tatouage qu'elle avait gravé par inadvertance il y a trois ans.

Elle avait revendiqué son retour.

 


 

Chapter Text


Flint


 

Ginny ne s'était jamais considérée comme une personne anxieuse. 

Avant un match de Quidditch, elle avait vibré d'excitation, affamée de course-poursuite. Avant une bataille, elle avait été remplie d'effroi, de pressentiment et de soif de sang. Avant ce tournoi, elle pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où elle avait éprouvé une véritable terreur. 

Parfois, elle se disait que cela aurait été plus facile si elle n'avait pas eu la capacité d'aimer. Si elle ne s'était jamais attachée à Harry ou à Teddy. Si elle n'avait jamais su ce que c'était que de perdre quelqu'un et d'être sous la menace d'en perdre un autre. 

Mais c'était le cas. Et c'est ainsi que l'anxiété était devenue sa compagne de tous les instants.

La salle commune de Serpentard était vide. Elle l'était depuis des jours, ou plutôt des semaines ? Elle n'arrivait plus à s'y retrouver. Pour la première fois de sa vie, Ginny était isolée. Elle n'aurait jamais cru que le silence était si fort.

Elle avait l'impression d'être pleine. Comme si elle était consumée par lui. Comme si elle allait en mourir. 

Tous les autres avaient été emmenés après la Première Tâche. Tous sauf Ginny. 

Elle se souvenait du craquement du Transplanage, une série d'échos au-dessus du rugissement de l'incendie. Des silhouettes enlevant Greg et Justin, qui étaient venus la rejoindre pour regarder la Forêt Interdite brûler. 

Elle s'était préparée à sa capture, sentant déjà sa magie étouffée par le python autour de son cou. Mais personne ne vint. 

Théo était apparu, courant vers les flammes, vers Hermione probablement. Mais il n'était arrivé qu'aux abords des flammes lorsqu'il fut lui aussi emporté par les flammes. 

Le soleil se leva et Ginny resta dans le silence. 

Des Mangemorts de rang inférieur vinrent finalement la raccompagner dans la salle commune de Serpentard où elle attendit et resta dans l'expectative. 

Elle attendait toujours. 

Un autre elfe apparut pour apporter de la nourriture que Ginny ne pouvait pas manger et des livres qu'elle ne pouvait pas lire, ses intestins se tordant d'angoisse. 

Elle ne savait pas si Hermione était morte ou si Seamus avait survécu. Elle ne savait rien d'autre que Susan était morte avant le lever du soleil. Ce qui signifiait que ce n'était pas le poison qui l'avait tuée. 

Cela signifiait aussi que sa Collatérale, Hannah Abbott, était morte. 

La belle et courageuse Hannah. Partie pour toujours. 

Et elle ne pouvait rien y faire. C'était déjà fait. 

Mais cela ne l'empêchait pas de le tourner et le retourner dans sa tête. Elle revivait volontiers chaque souvenir misérable pour échapper au silence qui l'assommait. 

Ce n'était pas la même chose, loin de là, mais Ginny commençait à comprendre pourquoi Hermione était ainsi. Comment elle était devenue une morte-vivante. 

L'isolement était vraiment la pire forme de torture.

Aussi, lorsque Greyback vint enfin la chercher et prononça les mots qui mettraient fin à ce cauchemar, Ginny faillit pleurer de soulagement. 

"Allons-y."

Ginny n'eut même pas le temps d'attraper ses chaussures, bien qu'elle ne s'en souciât guère à ce moment-là. Elle était simplement heureuse d'être en présence d'un autre être vivant et respirant.

Même si cet être était Greyback.

Elle s'en souciait maintenant, car des brindilles craquaient sous ses talons, enfonçant des échardes dans la plante de ses pieds. Greyback gloussait d'agacement à chaque bruit qu'elle émettait, les épaules tendues alors qu'ils s'enfonçaient dans la Forêt Interdite. 

Il était étrange de constater à quel point il se déplaçait silencieusement, ses pas étant précis malgré la faible luminosité. La lune gibbeuse décroissante pendait haut dans le ciel, projetant une teinte bleue alors qu'ils sortaient de ce que Ginny percevait comme l'autre côté de la forêt. 

Greyback renifla. Une fois. Deux fois. 

"Nous allons nous déplacer rapidement par ici. Ne te laisse pas distancer ", siffla-t-il. 

Et sur ce, il partit en sprintant, le python de Ginny la forçant à le suivre. La plante de ses pieds commençait à brûler, le sol était lisse et aride alors qu'elle trébuchait à travers ce qu'elle réalisait maintenant être la partie de la Forêt qui avait été détruite par les flammes bleues. 

La chute rapide de la température fit bondir son cœur dans sa gorge, le froid étouffant s'infiltrant dans sa peau exposée. Mais la sensation écœurante d'altérité était de loin la pire. 

Malgré son épuisement, Ginny poussa ses jambes plus vite, désespérée d'échapper à la sensation de fourmillement qu'elle ressentait à l'arrière de son cou. 

Elle se força à ne pas regarder en arrière, l'idée que quelque chose l'attendait derrière elle inondant ses veines de terreur. Même lorsqu'elles atteignirent la sécurité des arbres, l'agréable odeur de l'air de juillet, Ginny sentit encore une présence persistante. Une démangeaison insupportable sur un membre supplémentaire dont elle n'avait aucun souvenir. 

"Qu'est-ce que c'était ? Ginny se souleva, stabilisant ses jambes tremblantes contre un tronc usé par les intempéries. 

Greyback expira. "Un très mauvais endroit.

Ginny réprima un frisson, se demandant quelle sorte de magie le feu avait libéré pour faire dire de telles choses à un loup-garou. Peut-être que l'incendie n'avait pas été causé par Hermione. Cela ne semblait pas être le genre de magie dont elle était capable. 

Le pouvait-elle ?

Elle repoussa cette idée pour faire place à l'angoisse qui les gagnait tandis qu'ils continuaient à marcher. Après ce qui lui semblait être des heures passées au milieu d'arbres interminables et d'ombres sombres, Ginny avait eu tout le temps de réfléchir à la direction qu'ils pouvaient prendre. 

Les autres étaient probablement avec ceux qui les avaient enlevés, les Disciples. Ce qui signifiait qu'ils étaient gardés prisonniers dans des endroits séparés, un endroit où les Disciples étaient proches. Ils étaient des biens. Des biens de valeur. Ginny ne pensait pas que les Disciples étaient assez stupides pour les laisser sans surveillance.

C'était peut-être pour cela que Greyback ne l'emmenait que maintenant. Il y avait eu récemment une pleine lune et peut-être avait-il eu besoin de temps pour préparer une forteresse imprenable. Un endroit où elle serait en sécurité, du moins par rapport aux autres. Elle était son ticket pour le pouvoir. C'était quelque chose que Ginny pouvait utiliser. S'il avait besoin d'elle...

Un hurlement à glacer le sang traversa la nuit. 

Ginny se figea. 

"Continue d'avancer" grogna Greyback en saisissant le devant de sa robe et en la poussant devant lui. 

Un autre hurlement retentit, suivi d'une série de glapissements et de gémissements. 

Des loups.

Ginny jeta un coup d'œil vers le ciel, remarquant l'absence de pleine lune. Confuse, elle jeta un coup d'œil en arrière. 

Greyback la poussa vers l'avant, irrité. "J'ai dit : avance !" 

Les bruits s'amplifièrent. Plus violents. Plus désespérés. 

Son angoisse grandit avec eux.

 

 ***

 

Malefoy vint la chercher à la première heure du matin. Son python l'éloigna du carrelage dur de la salle de bain sur lequel elle s'était recroquevillée pour dormir et la guida vers la porte de sa suite. Une répétition de la routine qui s'était installée durant son séjour dans les quartiers Serpentards. 

Il ne dit rien lorsque la porte s'ouvrit d'elle-même. Il ne franchit pas non plus le seuil, même si cette fois-ci il le pouvait. Au lieu de cela, il tendit le bras, attendant. Espérant. 

Elle le prit, sachant qu'elle n'avait pas vraiment le choix et quitta sa chambre de couleurs et de lumière. 

Hermione attendit qu'il dise quelque chose tandis qu'ils se faufilaient dans le dédale de couloirs et de pièces, les portraits vides rendant le silence assourdissant. Elle voulait lui demander où ils allaient, pourquoi il avait laissé des tableaux vides de beaux paysages et des décors vides où des sujets auraient dû être présents. 

Mais elle ne le fit pas. Ils continuèrent donc à marcher. 

Il n'avait rien dit sur le changement spectaculaire de ses quartiers, sur le sort qui leur avait été jeté pour qu'ils se transforment en une oasis que l'ancienne Hermione aurait adorée. Il avait à peine parlé lorsqu'il l'avait conduite à Poudlard, alors elle ne savait pas pourquoi elle s'attendait à ce qu'il parle maintenant. Peut-être parce qu'ils étaient chez lui. 

Elle pensait qu'il commencerait au moins à la manipuler subtilement, l'encourageant à rester en vie assez longtemps pour sauver ses amis. Mais il ne le faisait pas. Ils restèrent donc silencieux tandis qu'ils se dirigeaient vers l'extérieur. 

Malefoy semblait choisir ses moments pour parler. Il passait d'un flot d'insultes, de réprimandes ou de questions approfondies à un néant lointain. Il y avait au moins un schéma. Le silence jusqu'à ce qu'elle fasse quelque chose qui l'énerve. Puis venaient les insultes et l'incrédulité. Les questions. 

Les plus longues conversations qu'il avait entamées avaient tendance à se dérouler dans sa tête. Comme s'il se sentait plus à l'aise pour dire ce qu'il pensait lorsqu'il était dans la sienne. Comme s'il cherchait à prendre le contrôle dans un environnement qui n'était pas le sien.

Maintenant, ils étaient dans son environnement. Il n'avait pas besoin d'initier quoi que ce soit. 

Mais au moins, il ne savait pas qu'elle avait décidé de vivre. Enfin, qu'elle avait décidé de vivre assez longtemps pour assurer la survie de Ron. Elle pourrait s'en servir. S'il croyait toujours qu'il devait la conquérir, elle pourrait peut-être obtenir quelques réponses de son côté. Elle aimerait apprendre un peu plus de choses avant de mourir.

De petites choses comme ce qui était arrivé à ses portraits sanglants et pourquoi elle entendait des sifflements la nuit. De grandes choses. Darryl. Théo. Le corps de Susan. 

Des choses qu'elle n'était pas encore prête à demander. 

Mais surtout, elle voulait des réponses aux questions qu'elle n'avait jamais pu poser parce qu'il était impossible d'y répondre. 

Pourquoi elle gardait des souvenirs d'enfants qu'elle ne connaissait pas et qui n'étaient pas les siens. Pourquoi le fantôme de Sirius Black semblait la suivre. Pourquoi son sang bourdonnait d'un pouvoir à la fois familier et terrifiant.

Pourquoi la cicatrice dans son dos était restée noire, alors qu'elle était certaine que ce qu'elle avait vu dans son reflet hier n'était rien d'autre qu'une hallucination. 

Au lieu de cela, elle traversa le jardin immaculé des Malefoy, suivant Malefoy comme un bon petit chien pendant qu'elle réfléchissait à sa liste de questions internes. 

Ils traversèrent un jardin de roses en pleine floraison, malgré le temps de juillet, et débouchèrent sur une longue pelouse éclairée par le soleil matinal. Ils s'éloignèrent du manoir et de ses portes principales, marchant vers l'arrière de la propriété. Le terrain semblait infini, et leur promenade se transformait en randonnée. Ils franchirent des portes en bois branlantes et deux arbres nouvellement plantés, s'enfoncèrent dans l'herbe haute, tandis qu'ils se dirigeaient vers des collines ondulantes et des étendues sauvages. 

Ils marchaient toujours. Ils restaient silencieux.

Ce n'est que lorsqu'ils atteignirent l'orée des bois qu'Hermione réalisa qu'elle n'était pas encore fatiguée. Bien qu'elle ait passé les deux dernières semaines pratiquement immobile, son corps se sentait étrangement léger. Ses mollets et ses cuisses minces battaient avec aisance tandis qu'elle marchait au rythme de Malefoy. Son souffle était régulier lorsqu'ils atteignirent un petit ruisseau sous le couvert des arbres. La lumière du soleil se reflétait sur la douce étendue d'eau.

Malefoy fit une pause. Il se débarrassa de sa cape, la drapa sur un rocher proche et s'assit, soupirant en délaçant ses bottes. 

Hermione se tenait derrière lui, incertaine de la suite des événements. Mais Malefoy se contenta de poser ses pieds nus dans l'eau, fermant les yeux en inclinant son visage vers le soleil. 

La suite n'arriva jamais. 

Après vingt minutes de passivité, Hermione s'approcha du ruisseau à quelques mètres de Malefoy. Il l'observa les yeux fermés tandis qu'elle posait timidement les orteils dans l'eau, son corps immobile tandis qu'elle s'enfonçait complètement dans l'eau, trempant le bas de sa robe. 

L'eau fraîche tourbillonnait autour de ses chevilles nues, et elle se crispa au souvenir d'un endroit différent. Une rivière glacée entourée de neige. Des corps nus plongeant dans l'eau, hurlant de froid alors qu'ils se lavaient rapidement. 

Puis un bain d'eau froide. Une petite main qui tenait la sienne et la guidait dans la baignoire. Des mots chuchotés d'assurance et des promesses dans le temps. Des robes vertes et des nuques ensanglantées. 

Hermione frissonna, mais se força à rester immobile. Elle se concentra sur les algues et les cailloux sous ses pieds nus, apaisant ses semelles craquelées parce qu'elle avait été trop têtue pour porter autre chose que la fine robe noire de sa garde-robe bien remplie. 

En dehors de l'entretien, Hermione n'avait pas porté de chaussures depuis des années. Elle n'allait pas changer cela maintenant, pas quand elle avait besoin de se sentir réelle. Se sentir enracinée. 

Elle s'enfonça dans l'eau, accrochant légèrement sa robe alors que l'eau lui montait jusqu'aux mollets. Hermione sentait que Malefoy l'observait attentivement, mais s'il entrevoyait les gravures sur la petite partie de chair visible, il ne disait rien. 

De toute façon, il serait difficile de les distinguer sous l'eau, mais Hermione n'avait pas envie d'insister davantage. Il ne la verrait jamais plus exposée. 

Si c'était là son idée de la stimuler, de l'enrichir, il y parvenait très bien. Elle ne l'admettrait jamais, bien sûr, mais elle se sentait plus légère. 

Et il fallait qu'il vienne tout gâcher en ouvrant la bouche. 

"Nott et moi venions ici quand nous étions enfants.

Hermione resta les yeux rivés sur ses pieds. 

"Marcus Flint venait aussi parfois, nos parents nous forçaient à l'emmener." 

Elle cligna des yeux à ce nom, les oreilles bourdonnant de curiosité. Théo n'avait-il pas parlé de Flint lors de son entretien ?

"C'était une poule mouillée, poursuivit Malfoy sans émotion. "Trop effrayé pour aller dans l'eau, surtout quand il pleuvait et qu'on pouvait vraiment nager dans ce truc." 

Hermione se tourna pour regarder son profil et observa le sorcier qui jetait paresseusement des pierres dans le ruisseau, les faisant clapoter avec un léger plop lorsqu'elles touchaient l'eau.

Malefoy sourit. "Un jour, nous l'avons poussé dedans" 

Attraper. Lancer. Plop.

"On ne savait pas qu'il ne savait pas nager."

Attraper. Lancer.

"Et il y a eu un moment où..." Plop. 

"Où aucun de nous n'a bougé."

Attraper.

"Nous avons juste regardé. En attendant qu'il se noie."

Lancer. Plop. 

Il saisit la pierre suivante et la retourna dans sa main. "Nous avons fini par le sauver, bien sûr", dit-il, "mais il était presque trop tard." 

Hermione ne put s'en empêcher. "Tu voulais qu'il meure", dit-elle à voix basse.

Malefoy sourit. "Le plus drôle, c'est que... nous ne le voulions pas. C'était un petit crétin agaçant, mais nous n'allions pas l'assassiner pour autant. Nous n'étions que des enfants et nous..." 

Lancer. Plop.

"-on s'est juste figé." Il termina, les yeux argentés brillants, en se tournant vers elle. " Est-ce que tu t'es déjà figée, Granger ? "

Hermione croisa son regard calculateur. "Non", mentit-elle. 

Malefoy ricana. "Non, je suppose que non, tu gèles tout ce qui t'entoure."

Hermione se crispa, attendant l'inévitable question. Celle à laquelle elle ne pouvait répondre. 

Que s'était-il passé dans la forêt ? 

Elle ne savait pas quel sort elle avait lancé. Comment elle l'avait fait. La seule personne à qui elle pouvait demander était une créature qui n'existait apparemment que dans sa tête, une créature qui ne pouvait même pas parler. 

Et Darryl ne lui avait jamais rien montré de tel. Geler son environnement était sa magie, pas la sienne. Les sorciers étaient liés par des baguettes. La loi de la nature. Les règles. 

Hermione avait enfreint les trois. 

"Tu sais, continua Malefoy avec désinvolture, ce ruisseau me rappelle un peu celui que tu as dans la tête. "Ce ruisseau me rappelle un peu celui que tu as dans la tête. Celui où ces enfants se sont rencontrés pour la première fois.

Hermione cligna des yeux, surprise qu'il ait décidé de passer de la glace à l'eau. 

"Ce ne sont que des rêves", mentit-elle.

"Euh, oui", dit Malfoy en se curant les cuticules. "Tes rêves sont plutôt détaillés, alors."

"J'ai une imagination débordante."

"Tout à fait", dit-il en souriant. "Un trio inséparable. Deux garçons, une fille. Une brune, un roux et un garçon aux cheveux noirs. Ça me dit quelque chose, non ?".

"Les rêves sont souvent basés sur la réalité", répondit-elle d'un ton pince-sans-rire. 

Malefoy tourna son corps vers elle, lui faisant face. "Mais ce ne sont pas des rêves, n'est-ce pas Granger ? Ce sont des souvenirs. Des mensonges que tu as implantés toi-même sans le vouloir. Je n'ai pas encore compris la partie gaélique, même si je suis sûr qu'une intello comme toi aurait pu facilement apprendre une autre langue. " 

Elle déglutit brusquement, la bouche sèche. "Et quand l'aurais-je fait ? Il n'y avait pas vraiment de bibliothèque à Azkaban." Elle s'emporta. 

Malefoy se contenta de hausser les épaules. "Peut-être que tu l'as appris avant et que tu l'as oublié." 

Hermione se détourna, la gorge serrée par le rappel que tout, tout ce qu'elle savait pouvait être une fantaisie de son cru. 

"Et si je ne l'avais pas fait ?" demanda-t-elle à voix basse.

Elle entendit une autre pierre heurter l'eau tandis qu'il se levait. 

"Je suppose que je vais devoir le découvrir." 

Malefoy remit ses bottes en place et enfila sa cape, dont il brossa les manches tandis qu'elle sortait à contrecœur de l'eau. 

En bon gentleman, il attendit, le coude tendu. Hermione l'attrapa et s'arrêta. 

"Qu'est-il arrivé à Flint ? demanda-t-elle. 

Son visage resta soigneusement vide. "Flint n'est jamais revenu ici. Bien qu'apparemment, il se soit mis à la natation peu de temps après. Je suppose qu'il a retenu la leçon." 

"Et quelle était cette leçon ?" Siffla Hermione. "Ne jamais faire confiance à ses amis ?"

Malefoy grimaça vivement. "Exactement. 

Ils entamèrent leur long voyage silencieux vers le Manoir tandis que l'esprit de la jeune fille s'agitait. Une autre question tomba de sa langue avant qu'elle ne puisse l'arrêter. 

"Où est Flint maintenant ? Elle souffla, irritée par son manque de retenue. 

Malefoy ne s'arrêta pas en si bon chemin. "Mort. 

Hermione marqua une pause. "Comment ?

Le sorcier souffla par-dessus son épaule comme si la réponse était évidente. 

"Lui, Goyle et ton amour perdu depuis longtemps ont tous joué un rôle dans la trahison du Seigneur des Ténèbres. La nuit où ils ont libéré les prisonniers et fait défection à l'Ordre, Flint a été assez stupide pour rester sur place et tenter de dissimuler l'affaire. Il s'est évidemment fait prendre et a été puni comme il se doit pour ses crimes." 

Hermione reprit sa marche, réfléchissant à ce qui avait pu pousser non pas un, mais trois Mangemorts à changer de camp. Marcus Flint n'avait pas l'air du genre, et contrairement à l'acte d'amour autoproclamé de Theo et à la loyauté de Goyle envers son ami, Flint n'avait rien qui le motivait à prendre un tel risque. 

Mais encore une fois, la guerre change les gens. Et elle était partie depuis longtemps. 

Elle éprouvait de la sympathie pour le sorcier, pour ce qui l'avait poussé à faire un choix aussi dangereux. 

"Comment a-t-il été puni ? demanda Hermione. Elle espérait qu'elle soit rapide. Tout en sachant que ce n'était probablement pas le cas. 

Malefoy lança une petite pierre qu'il attrapa. Elle n'avait pas remarqué qu'il en avait pris un avec lui. Un morceau du ruisseau qu'il avait mis dans sa poche. 

"Je ne sais pas. déclara Malfoy, en palpant la pierre grise et lisse. "Mais j'ai suggéré la noyade. 

 

***

 

Les loups se battaient pour la suprématie dans une fosse de boue, entourée de murs de terre. L'odeur de cuivre et de fourrure mouillée émanait de l'espace clos, forçant Ginny à étouffer sa bile.

Elle jeta un coup d'œil dans la profonde fosse rectangulaire. Un ring de combat rudimentaire était creusé à plusieurs mètres dans la terre, sa surface étant entourée de pointes de bois. En son centre, deux loups se déchiraient les peaux, sans se soucier de lutter sur les cadavres déchiquetés de leurs compagnons de meute tombés au combat. 

Les spectateurs aux vêtements déchirés et sales applaudissaient quand l'un des deux loups parvenait à faire basculer sur le dos le plus grand des deux loups châtains. Elle ne pouvait pas vraiment dire quel était son pelage, car la bête était presque entièrement recouverte de sang et de boue. Ses dents acérées se refermèrent sur le cou du loup et, dans un déchirement écœurant, lui arrachèrent la gorge.

Le loup châtain devint mou.

Les humains entourant la fosse poussèrent un rugissement de célébration, couvrant le hurlement de triomphe du loup sanguinaire. 

"Que font-ils ? demanda-t-elle avec une curiosité morbide.

Les yeux de Greyback restaient fixés sur la fosse. Le vainqueur leva les yeux vers lui, des yeux intelligents qui l'évaluaient avant qu'il n'incline sa grosse tête. 

"Ils revendiquent leurs droits", dit son maître en souriant. 

Ginny fronça les sourcils. "A quoi ?"

"Leur place dans la meute", répondit Greyback avec douceur, comme s'il s'agissait d'un fait courant. C'était peut-être le cas. Ginny ne connaissait pas grand-chose à la politique de la meute. 

"Ce n'est pas la pleine lune ", ajouta Ginny. 

Greyback sourit. "Non.

Ginny se mordit la langue devant l'afflux de questions qui lui passaient par la tête. Tout ce qu'elle avait appris sur les loups-garous, elle le tenait de son frère Bill et de quelques cours flous du professeur Lupin lorsqu'elle avait douze ans. 

Elle connaissait les bases. Un humain mordu par un loup-garou est infecté par la lycanthropie. Mais la morsure devait avoir eu lieu lorsque la personne infectée était sous sa forme de loup, ce qui ne se produisait que lors de la pleine lune.

C'est ce qu'on appelle la pleine lune. 

Le loup qui la regardait fixement prouvait le contraire. 

Elle savait que les personnes infectées par la lycanthropie étaient sujettes à des sautes d'humeur, à une agressivité accrue et à la fatigue. Ils devenaient de plus en plus agités à mesure que la pleine lune approchait. L'aconit aidait, mais ce n'était pas un remède. L'utilisateur devait boire la potion pendant sept jours d'affilée avant de se transformer, juste pour conserver ses attributs humains. 

Le loup de la fosse semblait assez intelligent, peut-être s'était-elle trompée sur ce point aussi. 

Si les histoires étaient vraies, Greyback était le pire de tous. Seul un quart des personnes infectées par la lycanthropie survivaient à la première transformation, mais Greyback avait transformé des dizaines, voire des centaines d'enfants dans sa quête de propagation de la maladie. Lupin était l'un d'entre eux. Ginny compta au moins une quarantaine de spectateurs humains présents. 

Étaient-ils des invités comme elle ? Ou bien des loups transformés par Greyback ?

Greyback fit un signe de tête à une femme de l'autre côté de la fosse, dont les dents blanches brillaient sur la peau d'ébène lorsqu'elle reçut son signal. Bien que petite, elle se fraya sans peine un chemin parmi les spectateurs serrés. Ils se séparèrent comme une vague à son passage, inclinant la tête en signe de respect. Ginny la regarda se diriger vers un homme de pierre et lui tendre une petite fiole transparente. 

En expirant profondément, il en absorba le contenu et se jeta dans la fosse. 

Ginny sursauta, mais le loup ne fit aucun geste pour l'attaquer. Il se contenta de tourner autour de l'homme, l'observant. Il attendait. 

"Qu'y avait-il dans cette boisson ? Ginny croassa, craignant de connaître déjà la réponse. 

Greyback renifla. « Aconitium."

"Tu veux dire de l'aconit ? répondit Ginny. 

Greyback sourit. "Non. aconitium", corrigea-t-il, les yeux tournés vers elle. "Tout a un opposé.

L'homme dans la fosse se mit à hurler. 

Ginny secoua la tête. 

Non. Non. Ce n'était pas possible. Les implications d'une telle potion étaient trop horribles pour y penser.

L'homme rugit, son corps se cambrant dans des angles impossibles, sa colonne vertébrale traversant sa peau. 

Ginny déglutit bruyamment. "Au lieu d'empêcher la transformation pendant la pleine lune, elle..."

"Assure une transformation quel que soit le cycle de la lune", termina légèrementGreyback, ses yeux jaunes s'allumant tandis qu'il regardait les os se briser et se déplacer au fur et à mesure que l'homme se transformait. "Nous pouvons nous transformer quand nous le souhaitons. 

De la fourrure poussa sur la chair sanguinolente de l'homme. Les cris se transformèrent en grognements humides tandis que son visage s'allongeait. 

"Pourquoi n'en ai-je jamais entendu parler ? chuchota Ginny, détestant la façon dont sa voix tremblait. 

Un hurlement sortit du museau du loup gris nouvellement transformé. Il se dressa sur ses pattes arrière à l'endroit où se tenait l'homme. 

Le loup sanglant s'accroupit. 

"Parce que tu es une sorcière", répondit simplement Greyback. "C'est l'affaire des loups."

Un coup de sifflet retentit et les bêtes commencèrent leur combat. 

 

***

 

Un à un, les spectateurs burent la fiole et sautèrent dans la fosse. Un à un, ils tombèrent. 

Le loup sanglant en avait tué quatre autres au cours des heures que Ginny avait passées à observer la scène. Elle s'impatientait, évaluant les humains pour voir s'ils réagissaient au massacre. 

Il y avait un mélange d'émotions. Excitation, déception, acceptation silencieuse. Mais pas de chagrin. Pas d'horreur. Ils traitaient cela comme un jeu. 

Dans son évaluation, elle remarqua qu'aucun des spectateurs ne l'avait regardée dans les yeux. Ils les avaient tous écartés, Greyback et elle, baissant la tête au passage, le regard fixé sur le sol de la forêt. 

Seule la femme aux fioles osait le regarder dans les yeux, mais elle aussi restait à bonne distance. Il était l'Alpha de la meute, la proximité exigeait une permission. 

Ginny en déduisit que la femme devait être sa seconde, la Bêta de la meute. Soit cela, soit son amante, mais cette option semblait peu probable.

Greyback préférait que ses amants ne soient pas consentants, et ils survivaient à peine à la rencontre. 

"Pourquoi tant de mutilés ? demanda Ginny en montrant un homme à qui il manquait un bras. Elle avait vu plusieurs membres amputés, ce qui n'était pas rare vu la guerre. Mais chaque amputé avait l'air pâle et usé, comme s'il souffrait encore. 

"Tu peux remercier Miss Granger pour ça ", grogna Greyback. 

Ginny s'attarda sur le moignon d'un jeune homme, dont la peau entourant la cuisse coupée était carbonisée en noir. 

Des engelures.

"Le feu", balbutia Ginny. "Il a blessé ta meute.

Greyback acquiesça. "Nous avons perdu un tiers de notre meute.

Ginny se tourna vers son maître, élevant la voix au-dessus du hurlement d'agonie du loup en contrebas. "Les Centaures...

"Tous morts", confirma Greyback d'un ton sec. "Tout comme le nid d'Acromantules. Le troupeau de Sombral. Les lutins. Les licornes. Tout ce qui ne pouvait pas voler ou courir assez vite", cracha-t-il amèrement. "La forêt entière est en proie au chaos.

"C'est de ça qu'il s'agit ce soir ?" Siffla Ginny en faisant un geste vers le massacre en contrebas. "Rétablir l'ordre ?"

Greyback ricana. "Non. Il n'y a pas d'ordre ici. Il n'y a que la meute."

"C'est vrai", ricana Ginny. "Et depuis combien de temps ce... réarrangement dure-t-il ?"

"Depuis le lendemain de la Première Tâche", grogna Greyback en fronçant les narines. 

Sentant son agitation monter, Ginny poursuivit. "C'est pour cela que vous étiez en retard."

"Tu étais la dernière de mes priorités", s'emporta Greyback. 

Ginny roula des yeux. 

"Après ce soir, la nouvelle hiérarchie sera établie." proposa Greyback, comme s'il essayait de l'apaiser. 

Essayait-il de l'apaiser ? 

"Elle sera...plus calme" termina-t-il doucement. 

Ginny lui lança un regard noir. "Et pourquoi penses-tu que je m'en soucierais ?" dit-elle en faisant un geste autour d'eux. "Qu'est-ce que j'en ai à foutre que ce trou à rats soit calme ou non ? C'est toujours un nid à rats de chiens galeux." 

Greyback grogna, saisissant l'arrière de son crâne et rapprochant son visage du sien. Ginny se força à ne pas sursauter lorsque son souffle effleura l'enveloppe de son oreille. 

"Je pensais que tu t'en soucierais parce que ton petit chiot est ici" siffla-t-il. 

Ginny se figea. 

"Et si tu te comportes bien, je te laisserai peut-être le voir". 

Teddy. 

Teddy était là. 

Greyback se pencha plus près. "Et si tu ne le fais pas... eh bien", souffla-t-il. "Tu n'aimerais pas le découvrir, n'est-ce pas Petite Rouquine ?" 

Ginny secoua la tête, son pouls battant à tout rompre. 

 

Teddy. Teddy. Teddy. 

 

Les spectateurs rugirent lorsque le loup sanglant se transforma à nouveau en humain, hurlant et applaudissant alors que ses gémissements se transformaient en gémissements de douleur.

Ginny regardait la scène, le corps immobile, tandis que Greyback levait les mains et faisait taire la foule. 

"Ce soir marque la fin de nos explorations", annonça-t-il en tapant du pied dans la terre. "Nous avons trouvé notre Delta.

La meute se mit à taper du pied à l'unisson, scandant les cris d'humanité qui s'élevaient de la fosse en contrebas.

"Delta ! Delta ! Delta !"

Ginny aperçut une touffe de cheveux noirs dans la fosse. Le corps nu d'un homme se releva, luisant de sueur, de boue et de sang.

"Delta ! Delta ! Delta !"

L'homme respirait bruyamment en levant le poing en l'air, ce qui déclencha dans la foule un concert d'acclamations et de coups de pied tonitruants. 

Ginny croisa le regard du survivant lorsqu'il leva les yeux, ses yeux noisette se rétrécissant tandis qu'il l'observait. Elle inspira brusquement en voyant la marque des ténèbres sur son avant-bras levé, clignant des yeux devant ses traits familiers maculés de boue. 

Elle avait cru qu'Hermione Granger était le seul fantôme. Elle s'était trompée. Elle se trompait sur toute la ligne. 

Car le second fantôme lui adressa un sourire acéré, arborant le visage d'un ennemi devenu traître. 

Le visage d'un sorcier exécuté il y a trois ans.

Marcus Flint.

 


 

Chapter Text


La Grande Bleue


 

Un autre matin. 

Une autre promenade. 

Un autre voyage vers le ruisseau en silence. 

Hermione n'arrivait pas à savoir s'il l'emmenait ici parce qu'il savait qu'elle aimait cet endroit ou parce que lui aussi l'aimait. Quoi qu'il en soit, aucun des deux ne s'était parlé depuis cette première sortie.

Leur routine quotidienne s'était développée rapidement. Secrètement, Hermione était reconnaissante de cette répétition. Cela lui donnait le temps de s'installer, autant qu'il était possible de le faire en captivité au manoir Malefoy. Se réveiller en sachant comment se déroulerait sa journée était banal. La banalité, c'était bien. La banalité, c'était la sécurité. 

Ils marchaient, lui avec des bottes en peau de dragon et elle pieds nus, entre les deux arbres et en haut de la colline. Hermione se tenait dans l'eau et Malefoy s'asseyait. Il lançait des pierres et elle fixait les cailloux sous l'eau. Répétitif. Prédictif.

Ils faisaient demi-tour et retournaient au manoir tandis qu'il ramassait un autre caillou et qu'elle tenait sa langue. Ensuite, ils prenaient leur petit déjeuner autour d'une grande table vide. Malefoy sirotait son café noir. Hermione poussait la nourriture dans son assiette. Malefoy faisait semblant de ne pas remarquer qu'elle touchait à peine à sa nourriture. Elle faisait semblant de ne pas remarquer qu'il le remarquait.

Puis ils se rendaient dans un salon à côté de la bibliothèque, où ils restaient assis le reste de la journée, ce qui était l'activité la moins appréciée d'Hermione. 

Ce n'était pas un mauvais endroit en soi, mais la proximité de lui dans un espace clos la rendait très consciente de sa situation. Le fait que la pièce soit petite n'aidait pas. Intime. Quatre papiers peints d'un crème délicieusement terne les enfermaient l'un dans l'autre. Deux canapés en cuir marron se faisaient face, une table basse en acajou les séparant. La pièce ne comportait qu'une seule fenêtre dont la lumière n'atteignait pas tous les coins de la pièce, si bien que des lanternes placées avec goût émettaient une lueur réconfortante. 

De tous les endroits du manoir, il ne l'emmènerait qu'ici. Une pièce neutre.

Il n'y avait pas de portraits, juste une rangée d'étagères avec un assortiment d'objets allant des globes terrestres aux peintures. Des piles de livres et de feuilles de papier. Un éventail d'instruments bizarres et de jeux de société, comme si tous les passe-temps possibles et imaginables se trouvaient dans cette pièce. 

Même un piano trônait, intact, contre le mur du fond. 

Le premier jour, Malefoy lui avait dit qu'elle pouvait s'occuper comme elle le souhaitait. C'est ce qu'elle fit.

Elle fixait le mur. Pendant des heures. 

C'est ainsi que s'installa leur routine quotidienne. 

Marche. Petit déjeuner. Chambre. fixer.

Malefoy passait le temps en lisant de vieux textes et le Daily Prophet. Il s'occupait des mots croisés du Prophète ou griffonnait de temps à autre dans un livre relié en cuir.

Hermione se contentait de fixer le mur. 

Le deuxième jour, il avait essayé de la faire lire, en l'amenant à côté de la bibliothèque, qui était incroyablement grande. 

"Tu peux prendre tout ce que tu veux", avait-il dit en montrant la grande étendue de livres.

Hermione avait simplement acquiescé avant de se retourner vers le salon et de reprendre son observation.

Il ne l'avait pas dérangée depuis, mais il avait laissé la porte adjacente ouverte. Un signe que son offre tenait toujours. 

Malfoy était sorti brièvement de la pièce le troisième jour et elle en avait profité pour passer rapidement les étagères au peigne fin, constatant que tout ce qui avait trait à la magie noire était notablement absent. Ce qui était logique : Merlin ne voulait pas que Malefoy lui donne accès à quelque chose d'utile. Ainsi, dans les jours qui suivirent, Hermione refusa obstinément de retourner à la bibliothèque.

Ce n'est pas comme si Hermione n'aimait pas lire, elle avait très bien épluché les livres de potions pendant la Première Tâche. Mais c'était parce qu'elle y était obligée. Lire pour le plaisir lui semblait... inutile. 

Rien dans ces textes ne lui apporterait les réponses qu'elle cherchait désespérément. 

Aujourd'hui marquait le sixième jour de silence et d'observation des murs. Deux choses qui lui convenaient tout à fait. Elle jetait de temps en temps un coup d'œil à Malefoy, remarquant qu'il avait décidé de lire un livre sur l'histoire de l'Irlande aujourd'hui. 

Le déjeuner arriva et se termina. Elle toucha à peine à un assortiment de sandwichs et à plusieurs fioles. Son estomac n'avait pas encore développé une tolérance aux repas complets, bien qu'il se soit depuis longtemps adapté à la quantité de potions que le guérisseur Lewis lui avait prescrites. Elle soupçonnait à demi qu'il lui avait donné une potion contraceptive sans tenir compte de ses souhaits, car ses règles s'étaient arrêtées le jour même où elles avaient commencé. 

Peut-être était-ce un coup de chance. Peut-être était-ce dû aux potions. 

Ou peut-être que cela avait quelque chose à voir avec la cicatrice noire qui restait sur son dos. 

Malefoy interrompit ses pensées. Jetant son livre avec un soupir, il convoqua une boîte en carton bleue et la posa devant elle. 

"J'ai besoin que tu complètes ceci", demanda-t-il, le regard attentif.

Hermione fronça les sourcils devant l'image de la couverture, se demandant si elle ne voyait pas des choses. "Qu'est-ce que c'est ?

Il tapota l'étiquette de la boîte intitulée 'La Grande Bleue'. 

"Un puzzle" répondit-il simplement. 

Hermione lui jeta un regard noir. "C'est pour les enfants.

"Vraiment ?" Il réfléchit comme s'il ne voyait pas le crabe souriant sur la couverture. 

Hermione souffla. "C'est écrit à partir de trois ans", s'emporta-t-elle. 

"C'est vrai", dit Malefoy. "Et tu te situes au-dessus. Je suis sûr que ton gros cerveau peut s'acquitter de cette tâche." 

Elle repoussa la boîte, furieuse. "À quel jeu joues-tu ?" Siffla-t-elle. 

Malefoy cligna des yeux, innocent. "Eh bien, j'essaie de résoudre cette énigme, évidemment."

"Résous-le toi-même."

"Je ne peux pas." Malfoy se défila : "Il a été fabriqué par des Moldus. Je ne peux pas le comprendre." 

" Tu ne sais pas faire un puzzle pour enfants ? "

"De toute évidence, non. C'est pourquoi j'ai demandé ton aide."

Hermione croisa les bras, un refus flagrant. 

Malefoy soupira. "Si tu réussis le puzzle, nous en aurons fini pour aujourd'hui." 

Hermione dressa les oreilles. Un après-midi entier sans Malefoy semblait être un luxe. Elle se mordit la lèvre en réfléchissant, fixant la boîte.

Cinquante pièces. Une scène caricaturale du fond de l'océan. Un petit prix à payer, vraiment. 

Avec un soupir, Hermione ouvrit la boîte et commença à trier les pièces. Malefoy fit claquer sa langue en signe d'approbation, retourna s'asseoir en face d'elle et ouvrit le Prophète. Elle avait déjà terminé la bordure lorsqu'il trouva son premier mot de la grille quotidienne.

Elle était très attentive à chaque coup de plume et au bruissement de la page tandis qu'elle construisait l'océan. 

Le crabe souriant était le plus facile à représenter, car il était le point central de l'image, même si les crabes ne flottaient généralement pas sans but dans les profondeurs de l'océan. Ensuite, il y avait la baleine, qui était en quelque sorte plus petite que le crabe bien qu'elle soit juste à côté. Suivaient des algues, une étoile de mer et plusieurs dauphins. Tous étaient anatomiquement incorrects et leurs couleurs ridiculement inexactes.

Il n'a fallu que quelques minutes pour qu'elle termine la plus grande partie du puzzle, en posant le requin qui ne possédait qu'une seule rangée de dents. Elle attrapa les dernières pièces, un mélange de jaune et de bleu, et les posa, complétant ainsi le puzzle.

Sa gorge se serra lorsqu'elle vit l'image finale de l'endroit qu'elle venait de remplir.

Un petit sous-marin jaune la regardait fixement. 

" Debout, debout, debout ".

We all live in a yellow submarine...

Le corps d'Hermione se mit à trembler, le sang rugissant dans ses oreilles. Sa vision se troubla et elle haleta brusquement, ses poumons étant incapables d'aspirer de l'air. 

"Granger ? Malfoy hésita, posa le prophète et la fixa intensément. 

Un sous-marin jaune...

"-Fais quelque chose !"

"Granger, qu'est-ce qui ne va pas ?

Un gémissement étranglé se fraya un chemin dans sa gorge alors que le souvenir remontait à la surface. Elle lutta contre lui, le repoussant. C'était trop douloureux. Trop douloureux. 

"Granger...

Un sous-marin jaune...

Hermione abattit ses mains sur la table et lança le puzzle avec un rugissement d'angoisse. Les pièces s'éparpillèrent dans toutes les directions, un craquement sonore résonnant dans la petite pièce. 

Elle se gelait. Elle brûlait. 

"Granger !

Malefoy s'approcha et elle leva les bras pour se protéger.

"Ne me touche pas !" hurla-t-elle, perdant pied avec la réalité alors que son visage se transformait en une série de masques argentés.

"Va-t'en !" cria-t-elle, trébuchant de terreur. "ELOIGNE-TOI DE MOI !" 

Ses mains tremblantes se tordirent de veines noires comme de l'encre et elle leva les paumes vers l'homme blond qui s'approchait, le bout des doigts picotant tandis qu'elle canalisait le froid brûlant dans ses mains. 

Plus jamais. Plus jamais.

Sa magie se déchaîna, mais l'homme était rapide, il se déplaçait plus vite qu'elle ne l'aurait cru possible. Il pointa sa baguette sur sa tête, lançant un sort qu'elle n'entendit pas à cause du tonnerre de son sang. La pointe s'illumina en bleu. 

Et tout s'écroula. 

 

***

 

La meute comptait quarante-sept membres. Quarante-neuf si l'on incluait Teddy et son gardien, un inconnu que les autres appelaient simplement " Pete ". 

Ginny n'avait encore jamais vu Teddy ni ce Pete. Elle était étroitement surveillée, confinée dans une tente et ne sortait que pour le travail ou l'entraînement. Jusqu'à présent, elle avait réussi à rester calme et obéissante, malgré l'envie irrésistible de crier. Ginny n'aimait pas les règles ni les concepts archaïques comme la hiérarchie et le statut. Elle était une Weasley, et le conformisme allait à l'encontre de sa nature même.

Mais c'est exactement ce qu'elle faisait. Elle travaillait, elle s'entraînait et elle se mordait la langue parce que Teddy était là. Il était là. Greyback avait dit la vérité. Elle ne pouvait pas expliquer comment, mais elle le sentait tout près d'elle. 

Ce n'était que maintenant qu'elle se rendait compte que leur mère savait tout simplement des choses. Molly Weasley avait toujours su quand Fred et George faisaient des bêtises. Elle avait réussi à appeler Poudlard à chaque fois que Ron s'était retrouvé en difficulté, bien que l'école elle-même ne sache absolument pas où il se trouvait. 

Et puis, il y avait eu cette expression sur son visage lorsqu'elle était restée immobile, la main serrant sa poitrine comme si elle pouvait sentir la mort de Percy et de Fred. La panique qui allait suivre. Le chagrin malgré les affirmations de Ginny que tout irait bien.

Molly Weasley avait toujours raison lorsqu'il s'agissait de ses enfants. C'est pourquoi, lorsque sa mère était devenue pâle à la table de la salle à manger de leur ancienne maison, Ginny avait senti son cœur s'arrêter. 

Les autres enfants étaient en sécurité. Ginny, George et Ron étaient tous là. Charlie était en Roumanie et Bill s'était échappé avec sa femme il y a des années. Et pourtant, ce regard demeurait. Sa main tremblante se posa sur son cœur. Une nuit et une journée entières passées dans un chagrin inconsolable.

Mais Theo était arrivé, les prisonniers à la main. Et soudainement, toute la panique et l'inquiétude se dissipèrent avec le retour des Trente-deux. 

Elle se demanda si sa mère pouvait sentir le désespoir de sa fille à présent. Ou si elles s'étaient tellement éloignées l'une de l'autre au fil du temps que leur lien était irrémédiablement brisé. Les actions de Ron avaient involontairement creusé un fossé entre les deux femmes. Un fossé qui semblait impossible à combler.

Peut-être n'était-elle pas juste. C'était Ginny qui voulait partir. Ginny qui avait imploré la mort de son père. Ginny qui avait voulu abandonner. Chaque famille avait une brebis galeuse. Elle ne pouvait pas reprocher à sa mère et à son frère de vouloir le contraire. Peut-être que l'espoir était simplement un trait de caractère dont elle n'avait pas hérité. La croyance des Weasley que le bien triompherait toujours du mal, un mantra dans une langue qu'elle ne parlait pas. 

Mais Ginny ne répéterait pas les erreurs de sa mère. Elle ne garderait aucun espoir et ne croirait pas au bien commun. Elle agirait. Si le destin exigeait la mort de son enfant, elle lui cracherait au visage et arracherait Teddy à la mort elle-même. 

Mais d'abord, elle devait se conformer. 

" Hé, petite rouge ! " Un homme débraillé qui boitait l'appela.

"Quoi ? Ginny craqua, déjà habituée au petit nom stupide que Greyback lui avait donné. 

"Va chercher plus de bois de chauffage, veux-tu ?"

Conforme-toi, se rappela-t-elle.

Ginny poussa un soupir de frustration, laissant derrière elle sa tentative épouvantable d'arranger sa tente. Elle avait beau redresser cette fichue chose, elle penchait toujours d'un côté.

Il serait plus facile d'utiliser sa baguette, mais il lui était interdit de s'en servir en présence de la meute. Une âme de baguette fabriquée avec de la fourrure de loup-garou suffisait à susciter l'indignation. C'était comme s'ils pouvaient sentir l'abomination de cette fourrure chaque fois qu'elle lançait un sort. Ils pouvaient même la sentir dans l'air par la suite. 

Elle la gardait donc cachée dans la ceinture de son jean. 

Ginny s'enfonça dans les bois aussi profondément qu'elle le pouvait, atteignant les limites du Camp Un. 

D'après Greyback, la meute avait décidé de diviser les survivants en deux camps pour le reste du tournoi. Personne ne savait où se dérouleraient les prochaines épreuves, mais il était certain qu'elles se dérouleraient dans l'enceinte de Poudlard. Après la destruction de Granger, il était plus facile d'assurer la survie de la meute en la répartissant sur deux sites différents. 

Chaque camp était donc installé de part et d'autre du désert glacé. Assez loin pour ne pas ressentir le sentiment de malheur qui semblait irradier du sol mort, mais assez près pour servir de repoussoir à d'éventuelles attaques futures. 

Il fallait admettre que c'était une bonne idée. Ginny était surprise que Greyback se soucie même assez de protéger sa meute, vu qu'il serait avec les autres Disciple durant les épreuves et donc à l'abri de toute autre retombée. 

Ginny avait été déposée au Camp 1, qui était dirigé par Phynn, la femme que Ginny avait aperçue lors de l'ascension de Marcus Flint. Cette petite louve à la peau sombre était, comme Ginny l'avait prédit, la Bêta de la meute. Elle régnait sur le camp 1. 

Greyback contrôlait le camp 2, celui où Teddy était détenu. Les loups pouvaient circuler librement entre les camps, mais Ginny restait confinée dans les limites du camp 1. Au début, elle trouva étrange que Greyback place son champion dans un camp séparé du sien. 

Mais après seulement quelques jours, elle commença à comprendre que Greyback n'était presque jamais présent. Son maître était constamment appelé auprès des siens. Elle ne savait pas pourquoi. 

Phynn, en revanche, n'avait pas quitté le camp une seule fois. Ginny sentait constamment le regard brûlant de la femme tandis qu'elle s'adaptait à la vie dans la forêt. Tout comme Pete gardait Teddy, Phynn la gardait. Ce qui signifiait que Greyback lui faisait confiance, et donc que Ginny ne pouvait pas. 

Elle ne pouvait faire confiance à personne ici.

Sauf à Flint. Peut-être. Mais elle ne l'avait pas encore vu. En tant que Delta, il était en poste au camp deux et elle supposait que la direction du camp lui incombait lorsque Greyback était absent. 

Et grâce à Merlin, il était presque toujours absent. 

Ils n'avaient eu qu'une seule séance d'entraînement, qui avait surtout consisté en deux des trois Impardonnables et une suite de malédictions et de maléfices douloureux. Ginny ne pouvait pas se défendre correctement avec une baguette limitée, elle devait donc compter sur sa force physique et son agilité pour esquiver les attaques. En tant que loup, Greyback était meilleur qu'elle dans ce domaine. Il l'avait donc injuriée, lui hurlant d'utiliser son environnement alors qu'il lançait vague après vague le sortilège de Doloris. 

Elle n'avait aucune chance. 

Après six heures de course et de torture, elle s'était finalement effondrée. L'entraînement de la journée s'était terminé là et Ginny avait été emmenée dans la tente des guérisseurs, si tant est qu'on puisse l'appeler ainsi. C'était plutôt un auvent cauchemardesque, avec des instruments étranges et des fioles pointues qui lui piquaient les veines. Essentiellement une autre séance de torture. Mais elle fut finalement libérée, relâchée et laissée à son agonie en pensant à l'entraînement du lendemain. 

Sauf qu'il ne fut jamais organisé. Greyback était simplement entré dans sa tente et....avait parlé. Il lui avait expliqué le fonctionnement du camp, ce qu'elle pouvait et ne pouvait pas faire, et comment elle devait se comporter. Il lui avait fait miroiter la survie de Teddy comme une putain de carotte, avait insulté sa faible forme humaine, puis l'avait assignée aux travaux forcés. Il lui avait dit que la prochaine fois qu'il la verrait, elle ferait mieux d'être en bonne forme physique.

Et puis il était parti. 

Depuis, Ginny était coincée au travail. Tous les jours. Du crépuscule à l'aube. Elle ne s'était pas débattue, n'avait pas manqué un seul appel au réveil. Teddy était là et elle devait le protéger. 

Se conformer. Se conformer. Se conformer. 

C'est ce qu'elle se rappelait en coupant des branches d'arbre avec sa baguette, les découpant en paquets faciles à transporter. 

La marche lui tenait chaud. Malgré le temps de juillet, la forêt était anormalement froide. Il n'était pas rare que Ginny se réveille dans le brouillard le matin, et les nuages avaient tendance à s'installer au-dessus de la forêt pour le reste de la journée. La situation s'améliorait au fur et à mesure qu'elle s'éloignait du " Lieu sinistre ", les températures remontant à un niveau plus supportable une fois qu'elle avait atteint le camp. Parfois, elle avait de la chance et obtenait quelques dizaines de minutes de soleil. 

Entendant des rires plus loin, Ginny annula son sort de lévitation et reprit sa marche en direction des Moldus. Ses bras se fatiguaient sous le poids du paquet. Lorsqu'elle revint, la plupart des loups s'étaient rassemblés autour d'un grand feu de camp pour déjeuner. Il était toujours allumé. Toujours approvisionné. Un petit refuge dans la mer de gris dans laquelle ils se trouvaient. 

Elle garda la tête baissée en passant devant le groupe animé, essayant de se faire aussi discrète que possible. Déposant le chargement de bois dans le hangar, elle commença à se diriger vers sa tente, soupirant de soulagement d'avoir réussi à passer inaperçue. 

" Attends ", aboya une voix. "Viens t'asseoir.

Ginny se raidit. Presque imperceptiblement. Elle s'était apparemment attiré la poisse. 

Elle savait reconnaître un ordre quand elle en entendait un. Mais elle essaya tout de même de se défiler. "Je dois retourner..."

"J'ai dit assis", ordonna Phynn, ne laissant aucune place au refus. 

Ginny se retourna à contrecœur, découvrant une douzaine de membres de la meute qui la regardaient attentivement. La Bêta était assise au centre, son regard était indéchiffrable et elle tapotait la place vide à côté d'elle. Le feu illuminait ses traits, la lumière se reflétant sur ses yeux. Un rappel que Ginny n'avait pas été convoquée par une simple femme, mais par un prédateur. 

Elle se força à bouger, marchant d'un pas raide alors qu'elle s'asseyait à côté de la louve. De près, Ginny pouvait sentir le mélange de terre et de cendres sur sa peau sombre, une combinaison du sol de la forêt et de la fumée du feu de camp. Mais il y avait aussi quelque chose d'autre, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à identifier. Une magie ni claire ni sombre, mais quelque chose d'entièrement différent.

Quelque chose d'ancien.

"Tiens", grogna Phynn en poussant un bol de soupe dans les mains de Ginny. "Mange quelque chose.

D'habitude, Ginny déjeunait seule dans sa tente. Elle ne faisait pas partie de la meute. Les sorcières ne s'asseyaient pas parmi les loups. 

Sauf aujourd'hui apparemment. 

Peu à peu, la conversation entre les loups autour du feu de camp reprit. Le bavardage familier des amis proches et de la famille remplissait l'espace. 

Un nœud se forma dans la gorge de Ginny lorsqu'elle pensa à sa propre famille, qu'elle avala avec une bouchée de ragoût.

Caoutchouteux, mais pas trop mauvais. 

La famine était une épreuve inoubliable, qu'elle avait dû endurer plus d'une fois. Depuis, elle n'avait jamais laissé un repas sans rien manger.  

Les longues tresses de Phynn frôlèrent le bras de Ginny alors qu'elle se retournait pour répondre à une remarque de l'un de ses hommes. Il semblait que Ginny n'était pas ici dans un but sinistre, aussi se força-t-elle à se détendre. 

Des bouteilles de Whisky Pur Feu circulèrent dans le groupe. Une autre méthode utilisée par la meute pour combattre le froid. 

Une lampée. Une passe. Une lampée. Et passe. 

Phynn sauta la boisson et tendit à Ginny la bouteille à moitié vide. Il y avait un défi dans ses yeux, comme si elle pensait que Ginny était trop méfiante pour boire dans une bouteille contaminée par la salive d'un loup. 

Mais son fils avait du sang de loup en lui. Et Ginny n'avait peur d'aucune partie de Teddy. 

Elle fixa le Bêta tout en buvant, et la femme haussa un sourcil en signe d'approbation silencieuse. Ginny saisit l'occasion. 

" Savez-vous ... "

"Je ne vais pas te le dire" coupa Phynn, son expression devenant rapidement froide. "Les ordres d'Alpha".

Ginny se mordit la joue en passant la bouteille à la personne suivante, un homme robuste d'une vingtaine d'années. 

Fixant le feu, Ginny baissa la voix jusqu'à murmurer. "Est-ce qu'il va bien au moins ?" demanda-t-elle. 

Plusieurs instants passèrent. Chacun alimentant la panique de Ginny. 

Finalement, Phynn prononça les trois mots qui firent expirer Ginny de soulagement.

"Le chiot va bien."

Teddy va bien. Il va bien. 

Ginny s'affaissa en avant, la tête entre les genoux, luttant contre ses larmes. Elle ne savait pas comment, mais elle pouvait dire que la femme disait la vérité. 

"Merci", souffla-t-elle. 

Phynn fronça les sourcils, presque offensée. "Il a du sang de loup en lui", répondit-elle simplement. "Les semblables protègent les semblables."

Elles ne s'adressèrent plus un mot tandis qu'elles ramassaient leurs affaires, prêtes à reprendre un autre après-midi épuisant. 

Phynn partit chasser avec quelques membres de la meute, bavardant en partant. 

Ginny resta en arrière. Reprenant son travail seule dans le silence pesant. 

 

***

 

"A l'aide."

Une voix se fit entendre au loin. 

"S'il vous plaît."

Ses supplications étaient faibles, frêles. Et pourtant, elle avait quelque chose de sinistre, se mêlant aux cris innocents d'un enfant désespéré.

"Aidez-moi. 

Hermione sursauta, se redressant d'un coup. 

Malefoy rangea sa baguette, un léger froncement de sourcils. Hermione se serra la tempe, le mal de tête lancinant étant un effet secondaire de ce qu'elle devinait être un sortilège de Réanimation. 

"Je t'avais dit que c'était un casse-tête difficile", glissa Malefoy en se perchant au bout de son lit. 

Son lit. Celui dans lequel elle n'avait pas encore dormi. 

"Tu m'as portée jusqu'ici ?" demanda-t-elle, la panique montant dans sa gorge. 

Il ricana. "Le sort de lévitation, tu t'en souviens sûrement ? Je crois que nous l'avons appris en première année."

Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, la nausée lui montait à la gorge.

"Sors de là", dit Hermione d'un ton sec. 

Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, un petit bouclier entre elle et Malefoy. Qu'il soit assis dans une pièce avec elle était une chose, mais qu'il se perche sur un lit alors qu'elle s'y trouvait en était une autre. 

Elle cacha ses mains tremblantes sous les draps, essayant en vain d'étouffer la terreur qui montait. Hermione n'y pouvait rien. Ils l'avaient rendue ainsi. Ils l'avaient incrustée dans son âme. 

Semblant comprendre l'allusion, Malefoy se leva, mit nonchalamment ses mains dans ses poches et la regarda intensément. 

Hermione se contracta sous son regard, serrant les draps plus fort en luttant contre une nouvelle vague de terreur. Ce n'était pas comme l'infirmerie de Poudlard. Il n'y avait pas de rideaux ni de guérisseurs autour d'elle. Cette fois-ci, un homme se tenait au-dessus de son lit dans une pièce fermée. 

Un homme se tenait au-dessus d'elle dans une pièce fermée. 

"Y a-t-il une raison particulière pour laquelle tu as fait cette crise ?" Il l'interrogea. " Étais-tu insatisfaite de ton travail, ou étais-tu simplement contrariée de l'avoir terminé si vite ? "

Un homme se tenait au-dessus d'elle dans une pièce fermée. 

"Sors de là", croassa Hermione.

"Si tu voulais passer plus de temps avec moi cet après-midi, tu n'avais qu'à le dire", se moqua-t-il.

La terreur se transforma en rage. C'était le problème avec les animaux sauvages. Lorsqu'ils étaient acculés, la seule façon de s'en sortir était de passer à travers. 

"J'ai dit dégage !" Elle hurla, sa magie s'embrasant. 

Le python autour de son cou bourdonna, coupant brusquement sa magie alors qu'il se resserrait. Elle sursauta, se serrant le cou. 

Malefoy l'examina froidement, les yeux brillants. "J'ai pensé qu'il était prudent d'augmenter tes restrictions. Ta magie sans baguette est un peu trop....imprévisible."

Elle répliqua en grognant, un brin de fierté se faisant jour dans sa poitrine. Même si elle ne se souvenait pas exactement de ce qu'elle avait fait après avoir lancé le puzzle, ni du type de magie qu'elle avait conjuré avant que Malefoy ne l'assomme, le fait de savoir qu'elle avait été capable de faire quelque chose était une surprise bienvenue. Ses années passées à mimer la magie sans baguette au sein d'Azkaban n'étaient peut-être pas une perte de temps, après tout. 

"Je ne serais pas trop fier de toi si j'étais toi", prévint Malefoy. "Tu n'es pas vraiment une sorcière si tu finis inconsciente toutes les cinq minutes."

"Tu m'as assommée", se moqua Hermione. 

"Oui, parce que tu as perdu la tête à cause d'un puzzle pour enfants", répliqua Malefoy. 

Hermione sourit d'un air moqueur. "Le crabe m'a donné la chair de poule." 

"Je me demande parfois si tu aimes jouer les demoiselles en détresse. Est-ce que l'attention te fait plaisir ?"

"Je ne suis pas une demoiselle."

"La semaine dernière, tu t'es évanouie à cause de quelque chose d'aussi banal que tes règles."

"La perte de sang est une raison valable pour perdre connaissance."

"Oui, parce qu'il est clair que tu es une sorcière de raison. Dis-moi, est-ce que manger un Épouventard, brûler une forêt et te torturer avec une pierre juste pour prouver un point, tout cela était rationnel dans ton esprit ?"

Hermione le fixa, impassible. " Ouais. "

Malefoy secoua la tête. "Tu es complètement tarée, Granger."

"Et tu es une salope", répondit-elle simplement. 

Il y eut un moment de pause. Ses mots résonnèrent dans l'espace qui les séparait. 

Malefoy renversa la tête en arrière et se mit à rire. Le genre de gloussement profond que l'on fait quand on est sincère. Ce n'était ni une moquerie, ni une raillerie, ni de la froideur.

C'était juste un rire. Un vrai. 

Et Hermione en resta bouche bée. 

Les épaules de Malefoy tremblaient encore tandis qu'il se reprenait, son sourire persistant réchauffant ses traits. 

" Te voilà ", marmonna-t-il pour lui-même en se levant.

Hermione fronça les sourcils. "Quoi ?"

Mais Malefoy avait déjà ouvert sa porte et était sorti discrètement de sa chambre. 

Ce n'est que plusieurs minutes après son départ qu'elle réalisa qu'à un moment donné, il s'était à nouveau assis sur le lit avec elle. 

Juste à côté d'elle.

Elle ne l'avait pas remarqué, trop absorbée par leurs chamailleries.

Et elle n'avait pas eu peur.

 


 

Chapter Text


Une infestation


"Continue à me fixer, putain, et je t'envoie un maléfice qui te fera fermer les paupières !" Astoria s'emporta, faisant volte-face alors que le moldu se tenait à l'écart de l'encadrement de la porte.

Astoria avait pensé que Theodore Nott serait son souffre-douleur, mais Dudley Dursley était comme une grille en fer forgé qui s'enfonçait profondément dans son côlon. Le moldu était inoffensif, un idiot même, mais il était toujours là. Une mauvaise herbe qu'elle n'arrivait pas à éradiquer. Toute sa maison en était infestée. Deux Weasley, un traître et un moldu qui vivaient sous son toit. 

Molly Weasley et Théo pouvaient au moins être enfermés. Astoria n'avait pas encore vu le sorcier depuis son arrivée. On l'avait traîné dans des pièces fermées avant même qu'il ne puisse essayer de lui parler. Elle ne voulait pas l'entendre, on ne pouvait se fier à rien de ce qu'il disait. 

Certes, Astoria avait été tellement concentrée sur l'arrivée de Théo qu'elle avait négligé celle de Madame Weasley. Une erreur de calcul presque mortelle. 

La matriarche Weasley, en effet, était la véritable menace. Elle était bien trop dangereuse pour être laissée sans surveillance dans la maison. 

Daphne avait pris cette décision rapidement après que la femme ait tenté de poignarder Astoria dès son arrivée. Aucune d'entre elles ne savait comment elle avait pu se procurer un couteau. Tous les collatéraux étaient soigneusement fouillés lors de leur capture et avant d'être confiés à leurs soins. Elle devait l'avoir sur elle pendant tout ce temps. 

Ce qui signifiait que Molly Weasley n'avait pu le cacher qu'à un seul endroit. 

Astoria croisa les jambes et frissonna, se rappelant le tissu déchiré et humide qu'ils avaient découvert sur le sol de la cuisine après l'attaque. Une femme capable de cacher cela là-haut pendant deux mois n'était pas une femme avec laquelle on pouvait déconner. 

Même sans magie, elle était une force de la nature. Elle recommencerait dès que l'occasion se présenterait. 

La sorcière était donc enfermée. 

Il y avait des chambres évidemment, ce n'était pas des monstres après tout. Ron Weasley n'allait jamais coopérer avec Daphné si on ne s'occupait pas de sa mère. Daphné avait d'ailleurs l'intention de le forcer à coopérer, mais Astoria l'en avait dissuadée. Le contrôle était facile à obtenir, mais il était difficile à maintenir dans le temps. 

La manipulation, en revanche, était difficile à obtenir au départ, mais une fois atteinte, elle garantissait un contrôle indéfini. Il suffisait de peu de choses pour le maintenir. Ils vous appartenaient. 

La confiance était le mot qu'Astoria avait utilisé. En gagnant sa confiance, il coopérera volontiers. Mais il ne fallait jamais, au grand jamais, baisser la garde. Un lion avec un collier restait un lion.

Cela semblait fonctionner assez bien. Daphné entraînait Ron Weasley à l'extérieur, mais avec des restrictions. Le sorcier prenait au moins le temps de respirer entre les insultes qu'il lançait à son maître. 

Astoria observait la scène depuis la fenêtre, recroquevillée sur la causeuse en velours avec une tasse de thé. Elle aurait aimé profiter de sa matinée, mais elle ressentit à nouveau une douleur lancinante au niveau du colon. 

Elle pouvait voir ce maudit moldu derrière elle dans le reflet. 

" CASSE-TOI ! " hurla Astoria en lançant un sort de blocage en jambe et en envoyant l'homme s'écraser sur le sol. Il atterrit avec un grognement. 

"Je voulais juste te dire bonjour", gémit-il en portant la main à sa tempe. 

Astoria siffla entre ses dents, faisant claquer sa tasse de thé sur sa soucoupe. "Tu n'as pas besoin de me dire bonjour tous les matins Merlin ! Ni bon après-midi. Ni bonne nuit non plus ! Ce n'est pas une bonne matinée si tu es dans mon putain d'espace !".

"Je suis désolé", grommela l'homme. "J'essayais juste de faire la conversation".

" Fais-la avec quelqu'un d'autre alors ", cria-t-elle.

"Il n'y a personne d'autre", déplora-t-il. "Tu es la seule personne dans les environs !"

Astoria fit un geste vers l'extérieur en haussant les sourcils.

Dudley soupira, écartant ses cheveux blonds sales de son front luisant. "Ils me font peur", avoua-t-il à voix basse. 

Astoria ricana, "Et moi, je ne le suis pas ?"

"Pas autant que les autres." 

Astoria s'approcha en trombe, rassemblant ses jupes et s'agenouillant à côté du sorcier avec une intention meurtrière. Elle baissa son visage vers le sien, le visage recroquevillé dans ce qu'elle espérait être une promesse de mort.

"Je suis la personne la plus dangereuse de cet endroit" siffla-t-elle.

Ses yeux bleus s'écarquillèrent et elle en profita pour se rapprocher, baissant la voix jusqu'à chuchoter en énonçant chaque syllabe, espérant qu'elle pénétrerait dans son crâne épais. 

"La force et la magie ne sont pas des choses à craindre. C'est le pouvoir qu'il faut craindre. Et dans ce monde, le véritable pouvoir appartient à ceux qui contrôlent les puissants" murmura-t-elle froidement. 

"La seule personne que tu devrais vraiment craindre, c'est moi.

Dudley Dursley hocha fébrilement la tête, mais ses yeux semblaient vides, comme s'il n'écoutait pas. Cela la rendait furieuse. Lorsqu'elle parlait, les gens avaient tendance à l'écouter.

Avec un soupir, Astoria se leva et claqua des doigts, libérant le moldu. Il resta sur place, la fixant de ses stupides grands yeux bleus. Tout le monde savait qui elle était pour le Seigneur des Ténèbres et ce que cela signifiait. Tout le monde, sauf cet homme stupide et maladroit qui n'avait aucune idée de la hiérarchie du monde des sorciers. Ce n'était qu'un moldu désemparé. Un nourrisson, en fait. Elle ne pouvait pas plus lui expliquer les rouages du pouvoir qu'un humain ne pourrait expliquer la politique à une fourmi. 

Une mauvaise herbe resterait toujours une mauvaise herbe. La convaincre de quoi que ce soit d'autre était une entreprise inutile. 

"Winky ! appela Astoria, résignée.

L'elfe apparut, se tordant nerveusement les doigts. Enfin, ses moignons. 

Vord avait tenu sa promesse, mais pas sans avoir d'abord puni l'elfe. Un doigt pour chaque champion ayant survécu à la première tâche. Les dix doigts et les quatre orteils de son pied gauche. Astoria ne pouvait même pas donner à l'elfe des potions pour les faire repousser, de peur de le mettre en colère. Non pas qu'elle pensait ne pas pouvoir s'en sortir, il lui pardonnerait bien sûr. Mais elle avait assez fait de vagues ces derniers temps. Elle avait besoin qu'il soit enroulé autour de son petit doigt. L'elfe était vivant. Cela suffisait. 

"Winky, peux-tu, s'il te plaît, mettre ce moldu hors de ma vue ?" 

L'elfe acquiesça et Astoria ne put s'empêcher de s'attendrir en constatant que le teint de l'elfe s'améliorait régulièrement. Ses joues étaient plus colorées et elle semblait avoir pris un peu de poids. Sa robe de soie ne lui pendait plus autant qu'avant. Non pas qu'elle ait donné des vêtements à l'elfe, bien sûr, mais il s'agissait simplement d'un chiffon dont elle s'était débarrassée. Astoria s'était débarrassée de nombreux slips de soie et de petites chemises en coton en guise de chiffons. 

Alors que Winky se dirigeait vers le moldu, Astoria eut une idée. Un moment de génie, en fait. 

"En fait, commença Astoria. "Pourquoi ne l'emmènerais-tu pas dans les quartiers sécurisés de Nott ? Je mettrai en place des barrières pour que les moldus puissent entrer et sortir. Je suis sûre que mon champion serait ravi d'avoir de la compagnie."

Winky acquiesça. 

Dudley pâlit. "Attendez..."

D'un claquement de doigts de l'elfe, enfin, d'un frottement de deux boutons à la place du pouce et de l'index, ils disparurent.

C'était une bonne chose. C'était le problème de Theo maintenant. 

Avec un sourire, Astoria retourna à sa causeuse et se prépara une nouvelle tasse de thé. Elle observa avec une admiration silencieuse Daphné qui s'éclipsait à l'extérieur. Son corps était fluide, elle esquivait et se tortillait, encerclant Weasley dans une danse mortelle. 

Weasley lui-même était tout aussi habile, aussi détestable qu'Astoria puisse l'admettre. Sa baguette était un prolongement de lui-même, les malédictions fusant avec une force explosive. Malgré sa prise en main paresseuse, il se battait en duel sans merci. Comme s'il était né pour tuer. Comme si c'était aussi simple que de conjurer du thé. 

Avec un frisson, elle réalisa que c'était probablement le cas. Il était terroriste depuis quoi ? Cinq ou six ans maintenant ? Qui sait combien de personnes il avait tuées pendant tout ce temps. Daphné avait au moins une conscience. Trois années de combat avaient largement suffi à l'endurcir, mais à la connaissance d'Astorias, elle n'avait pas encore franchi la ligne du meurtre d'innocents. Elle n'avait certainement pas fait exploser des enfants avec des bombes moldues. 

A la fin de l'heure, Daphné avait remporté leur duel. Il s'en était fallu de peu, plus qu'hier. Et cela effrayait un peu Astoria, sachant ce que Weasley pouvait faire avec une baguette libre. Savoir qu'il savait où elle dormait, sans rien d'autre que des murs, des protections et des pythons pour les séparer. Astoria n'avait plus qu'à faire confiance à la magie contraignante du Python, au contrôle que Daphné exerçait sur son Champion. 

Astoria avait confiance en sa sœur, mais ce n'était pas suffisant pour qu'elle baisse sa garde. Si Théo lui avait appris une chose, c'était qu'il ne faut jamais être trop à l'aise. Mieux valait être prêt à tout que d'être frappé de cécité par sa propre complaisance. 

Daphné renvoya Weasley, tous deux en sueur et haletants. Le sorcier cracha à ses pieds, le visage courbé par le dégoût, tandis qu'il franchissait les portes-fenêtres. 

"Bonjour", gazouilla Astoria, un peu sarcastiquement certes.

Weasley la rembarra d'un coup de tête. " Sale pute " marmonna-t-il, ce qu'Astoria considéra comme un bon signe. 

Hier, il l'avait traitée de salope. 

Il partit en trombe vers sa chambre, enfin, vers ce qu'Astoria supposait être sa chambre. Il n'y avait pas beaucoup d'endroits dans le manoir auxquels il était autorisé à accéder. Sa chambre, celle de sa mère, la bibliothèque, les jardins, la salle à manger et le salon. Certainement pas la cuisine, ni aucun endroit où se trouvaient des objets avec lesquels il pouvait embrocher Astoria. Non pas que son Python l'aurait laissé faire de toute façon, mais elle aimait être prudente. Il avait le caractère de sa mère. 

Vord aurait vraiment dû tenir compte des Collatéraux. Leurs Pythons de bronze annulaient leur magie, mais cela n'offrait aux Disciples aucun contrôle sur eux. Il s'agissait simplement d'un lien entre leur force vitale et celle du Champion. Elle n'avait pas encore eu l'occasion de poser la question, mais elle se demandait si les Collatéraux ressentiraient la douleur si le Champion était blessé. Si le python argenté de Weasley enverrait une sorte de signal à sa mère. Et si Astoria était blessée, Théo le sentirait-il ? Ou bien seule la mort les affectait-elle ? Une trachée écrasée était la seule explication à la mort de leur Maître. 

Hannah Abbott était morte immédiatement après Susan Bones. Etranglée à mort dans une cellule bondée. Pansy lui avait dit qu'elle avait entendu dire que tous les Collatéraux étaient là pour en être témoins, même le petit garçon. Alors, même si Astoria souffrait d'avoir quatre nouveaux prisonniers, elle se consolait au moins en sachant que l'enfant n'aurait pas à assister à d'autres morts. 

Enfin, avec un peu de chance. 

D'après ce que lui avait dit Pansy, le garçon était maintenant sous la responsabilité de la meute de Greyback, un gardien lui avait été assigné. Astoria ne savait pas si cela comptait beaucoup, mais elle préférait croire que le garçon allait bien. 

La vue de la mort n'avait pas sa place dans les yeux d'un enfant. 

Astoria devrait en parler à Vord. Peut-être pourrait-il rester ici à la place. Elle devrait aborder le sujet avec prudence et lui faire croire que c'était son idée. Il faudrait du temps pour le faire subtilement, au moins deux mois. Pendant ce temps, Vord n'obligerait sûrement pas l'enfant à regarder les tâches, même si les autres Collatéraux étaient présents. La présence d'un enfant rendait les choses... inconfortables. Cela humanisait trop l'ennemi. 

Elle se demanda ce qui se serait passé si elle n'était pas partie pendant les épreuves. S'il avait toujours prévu d'épargner le petit garçon de la torture des pierres, ou si ses actions l'avaient incité à en annuler les effets au dernier moment. 

L'avait-il épargné pour montrer au monde qu'il était capable de pitié ? Ou avait-il agi ainsi pour elle ? 

Comme si ses pensées avaient attiré son attention, le faucon emblématique de Vord passa par la fenêtre ouverte, déposant une lettre sur ses genoux avant de s'envoler sans même un cri d'adieu. 

Elle regarda son écriture soignée, son nom signé d'un trait élégant. Un gouffre s'ouvrit dans son estomac lorsqu'elle commença à briser le sceau. 

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas reçu de lettre de lui, au moins depuis avant le Tournoi. 

Les pas de sa sœur interrompirent ses pensées.

"Merlin, ces fleurs sont vraiment moches ", grimaça Daphné en regardant l'atroce composition florale qui trônait sur la table basse.

"Je sais", soupira Astoria. "Elles sont hideuses.

Daphne jeta un rapide Evanesco, faisant disparaître la sueur de ses vêtements d'entraînement. Elle se pencha pour examiner la monstruosité, un assemblage désordonné de roses jaunes, de tulipes rouges, de brindilles et d'un assortiment de ce qui ressemblait à des mauvaises herbes. 

"Qu'est-ce que c'est que ça ? Daphne bafouilla en sortant une motte de terre parsemée de vert. 

Astoria se retroussa les lèvres. "De l'herbe, je crois.

"Keek est malade ou quoi ? Daphne fronça les sourcils. Daphne fronça les sourcils. "D'habitude, il fait des arrangements magnifiques."

Keek était leur fleuriste officieux, un elfe de maison sévère mais juste qui avait la main verte. Bien qu'il n'ait pas le statut de chef officiel, le vieil elfe donnait régulièrement des ordres aux six elfes de la famille. En général, Astoria le voyait s'occuper des jardins et des pelouses ou tapisser le manoir de plantes en pot et de vases de fleurs. Mais depuis l'arrivée de Winky, il s'était quelque peu absenté.  L'aîné avait choisi de l'aider à s'installer dans sa nouvelle maison, veillant sur sa nouvelle pupille avec une tendresse surprenante. 

Elle aussi se sentait étrangement protectrice de l'elfe de Poudlard. Astoria ferma donc les yeux sur les intrusions nocturnes de Keek dans leur armoire à potions et fit semblant de ne pas remarquer l'amélioration miraculeuse de Winky.

"Non, admit Astoria, penaude. "Je crois que c'est l'œuvre de Winky.

"Eh bien", renifla Daphne. "Mettons fin à cela alors. Elle peut difficilement arranger des fleurs correctement sans ses foutus doigts."

Astoria se leva, jetant un coup d'œil dans la pièce pour vérifier que l'elfe susmentionné n'était pas présent. "Je crois qu'elle aime ça. Je la vois errer dehors certains matins" murmura Astoria. "Laisse-la", plaida-t-elle, "elle est manifestement heureuse".

Daphne haussa un sourcil. "Keek doit être en train de faire une crise".

"Je ne pense pas que cela le dérange", assura Astoria à sa sœur.

" Quand bien même ", ricana Daphné. Mais en voyant l'expression suppliante de sa sœur, la sorcière se radoucit. "Ok, d'accord. Elle peut continuer à abîmer nos fleurs. Mais si nous avons des invités, je les embellirai".

Astoria rayonna. "D'accord".

Daphne souffla, cachant un sourire en allant se préparer un petit déjeuner. Elle aurait pu demander aux elfes de le faire pour elle, mais Daphné préférait le faire elle-même. 

L'année qui suivit la mort de leurs parents, elles n'eurent ni Gallions, ni elfes, ni maison à proprement parler. Elles étaient devenues des parias de la société, obligées de compter sur la gentillesse des autres. C'est Pansy qui leur avait offert un refuge, un petit pavillon de chasse caché dans les livres du domaine Parkinson. 

Pansy n'était pas aussi regardante que les sœurs, aussi leur avait-elle fait parvenir de la nourriture, des vêtements et des Gallions pendant qu'elles s'efforçaient de se remettre en règle. 

Elles avaient été forcées d'apprendre à cuisiner. À faire le ménage. Elles avaient de la magie, bien sûr, mais elles n'étaient pas suffisamment préparées. Les repas étaient simples. Leur nouvelle maison était à peine présentable. Mais elles avaient appris. Elles devaient apprendre. Jusqu'au jour où elles y renoncèrent. Et elles reprirent la vie qu'elles avaient vécue auparavant. 

Daphné n'avait pas encore réussi à s'adapter. Elle avait laissé les elfes nettoyer le manoir, mais ils ne pouvaient pas entrer dans sa chambre. Ils pouvaient cuisiner pour Astoria et pour une série d'invités, mais ils ne pouvaient pas lui faire à manger. Elle tenait à rester autonome. Elle refusait obstinément d'être à nouveau laissée sans défense. 

Alors, pendant qu'Astoria se régalait de saumon frais et d'œufs bénédictins, Daphné mordait dans sa marmelade fétiche et son pain grillé. 

"Qu'est-ce que tu as là ? demanda Daphne en s'essuyant délicatement les lèvres avec sa serviette.

Astoria baissa les yeux sur la lettre partiellement ouverte. "Un manche à balai", rétorqua-t-elle d'un ton badin.

Daphne roula des yeux. "De qui ça vient ?"

"Vord", répondit-elle légèrement.

"Le Seigneur des Ténèbres", corrigea Daphne. 

Astoria fit un signe de la main dédaigneux. "Eh bien, si tu veux être plus technique."

Daphné lui lança un regard acéré. " Tu dois utiliser son titre exact ", réprimanda-t-elle. "Même à la maison. Si tu en prends l'habitude et que tu dérapes, il ne sera pas content".

"C'est un petit nom. C'est attachant."

"C'est un manque de respect."

"Peu importe", dit Astoria en faisant la moue. Elle ouvrit enfin la lettre et en lut le contenu sous l'œil attentif de sa sœur. Elle prit une grande bouchée de saumon, mâchant lentement pour cacher sa nervosité.

"Alors ? Daphné l'incita à le faire, en faisant un geste vers la lettre. 

"Astoria toussa, sa voix étant étouffée par la nourriture qu'elle n'avait pas avalée. "J'ai reçu une lettre de notre maître et souverain du monde sorcier britannique, le Seigneur des Ténèbres.

Daphne ne se laissa pas perturber par les mauvaises manières de sa sœur à table. "Et ?"

"Lord Voldemort, notre puissant chef..."

Astoria s'étouffa un peu, se forçant à déglutir. " - m'a demandé ", toussa-t-elle. 

"Quand ?" Daphné mordit, son agacement transparaissant dans ses paroles. 

"Cet après-midi, au manoir de Sa Majesté, le Sauveur de la Société des Sorciers, le Tueur de Harry Potter, Severus Rogue, Albus Dumbledore et le Formidable Grindelwald, le Maître des Sept Anneaux, le Maître des Arts Obscurs et l'honnête citoyen britannique, le Noble Seigneur des Ténèbres Voldemort...".

"J'ai compris", dit Daphne.

"-pour le thé", termina Astoria avec légèreté. 

"Bon, d'accord. Tu veux que je vienne avec toi ?"

"Sur invitation seulement, j'en ai bien peur", dit Astoria. "Pas d'invités autorisés.

Daphne serra les dents. "Tori."

"C'est bon", insista Astoria. "Cela fait un moment que nous n'avons pas eu de tête-à-tête."

Sa sœur se contenta de fredonner un air désapprobateur. 

Astoria prit sur elle de changer de sujet. Quelque chose de plus léger, peut-être. Un compliment peut-être.

"Il se rapproche, il a failli te jeter un sort," dit Astoria à la place. 

Daphne se renfrogna. "Je m'en occupe."

"Tu ne devrais pas lui laisser autant de liberté, tu pourrais au moins augmenter les restrictions pour qu'il ne puisse pas te mutiler", proposa Astoria en faisant un geste de poignardage avec sa fourchette. 

"Dans ce cas, l'entraînement ne servirait à rien", rétorqua Daphné.

Astoria ricana. "Honnêtement Daph, je ne pense pas qu'il en ait besoin."

Daphne abattit son toast. "Qu'est-ce que ça veut dire ?"

"Rien", répondit Astoria nonchalamment en tentant d'apaiser la colère grandissante de sa sœur. "Assieds-toi, mange encore des toasts."

Cela ne fit qu'irriter davantage sa sœur. 

"Non, dis-moi", insista Daphné. 

Astoria soupira. "Daphne, je ne veux vraiment pas commencer à..."

" Ce n'est pas parce que tu refuses d'entraîner ton Champion que je dois le faire ", siffla Daphné. "Granger a besoin de lui en vie, et j'ai besoin de Granger en vie pour que Draco reste en vie."

"Je le sais."

"Alors pourquoi Theo pourrit-il dans sa chambre ? Pourquoi ne fais-tu rien ? Si Granger l'aime, alors..."

"Elle ne l'aime pas," dit Astoria. 

Daphne haussa un sourcil. "Jalouse ?"

"Ne sois pas ridicule" se moqua Astoria.

Le visage de sa sœur se transforma en un visage sérieux. Certes, c'était le visage de repos de sa sœur, mais Astoria pouvait faire la différence.

"Ecoute", soupire Daphne. "La vie de Drago est en jeu, donc nos vies le sont aussi..."

"Je sais, j'étais là."

"Donner à Weasley et Theo les meilleures chances de survie est le seul moyen de s'assurer qu'elle ne se suicide pas", termina Daphne. 

Astoria leva les mains en signe de frustration. "Granger ne sait pas distinguer la gauche de la droite. Elle se fout de tout et de tout le monde."

"Elle est entrée dans cette Forêt, n'est-ce pas ?"

"C'est exactement ce que je veux dire, c'est une maniaque suicidaire", répliqua Astoria, utilisant cette fois sa fourchette pour démontrer un mouvement de coupe sur son cou et ses poignets. 

Mais sa démonstration et l'accentuation du mouvement de sa fourchette semblent passer au-dessus de la tête de sa sœur. 

"Elle a sauvé ses amis", insista Daphné.

"Une conséquence involontaire d'une tentative de suicide ratée."

Astoria reprit sa fourchette, peut-être qu'un coup de poignard dans la poitrine lui ferait comprendre. 

Daphne saisit doucement le poignet d'Astoria, l'empêchant de bouger. "Tori, elle a sauvé Theo. Il a admis leur relation sous Veritaserum. Une partie d'elle doit encore se souvenir de leur histoire. Au moins, elle tient encore à lui ", insista-t-elle. "Il est donc important qu'il reste en vie pour l'instant. Il doit s'entraîner."

Astoria avait désespérément envie de dire la vérité, de prouver à sa sœur qu'elle avait tort. Le marché qu'elles avaient conclu dans sa loge avant les interviews était simple. Theo jouerait un rôle pour faire basculer le public du côté de Granger. Une chance autoproclamée de rédemption pour la mort de ses parents et la destruction de ceux de Drago. Non pas que quoi qu'il fasse maintenant, il expierait les vies qu'il avait détruites. Et elle restait sceptique quant à ses véritables intentions. Théo n'en avait rien à foutre quand il était parti, alors il n'y avait pas de raison qu'il joue cette carte maintenant. 

Même si son aveu concernant l'Occlumencie l'avait surprise, elle ne l'avait pas cru au début. Mais alors que Londubat se faisait piéger par Skeeter, elle était allée confirmer avec Drago en coulisses. Il l'avait dévisagée bizarrement, la surprise se lisant dans son regard. Rien qu'à ce regard, elle sut que Théo n'avait pas menti, du moins pas sur cette partie. D'un simple hochement de tête, Draco confirma que c'était vrai, et ce faisant, Astoria se demanda quels autres secrets Draco Malefoy cachait. 

Astoria avait exigé une explication. Alors, à voix basse, il lui avait dit quand, comment et pourquoi Théo avait acquis une telle compétence. Bien qu'il n'ait pas semblé inquiet, Draco avait paru légèrement troublé par les aveux de Théo, ou du moins, par la raison pour laquelle il avait choisi de les faire maintenant. 

Tout cela fut parfaitement clair une fois que Théo eut proclamé son amour indéfectible pour la Championne chauve et décérébrée.

Cela se passa mieux que ce à quoi elle s'attendait. Il était vraiment un excellent menteur et un acteur étonnamment talentueux. 

Mais maintenant, elle était obligée de porter le poids du mensonge, de garder son secret pour sa sœur. Il fallait que cela ait l'air réel, et Daphné n'était pas une aussi bonne actrice que sa jeune sœur. Elle était une femme de conviction et de confiance. Elle avait toujours agi exactement comme elle était, le dos droit même quand personne ne la regardait. 

Astoria était une sorte de caméléon, changeant de visage et de personnalité pour s'adapter à la situation dans laquelle elle se trouvait. 

C'était une imposture. 

Alors, au lieu de crier la vérité, Astoria se limita à acquiescer. 

Daphné se radoucit quelque peu. "Peut-être que Theo pourrait participer à mon entraînement avec Weasley."

"C'est une idée horrible. Ils vont se liguer contre toi en un instant."

"En fait, je pense plutôt que je serai mise à l'écart" Daphné se radoucit.

"Tu connais les garçons. Ils s'en sortent une fois, puis ils redeviennent des amis terroristes."

"Weasley a essayé de le tuer", lui rappela Daphne. 

Astoria agita la main d'un air dédaigneux. "Je suis sûre qu'ils s'en sont remis."

"Eh bien, nous n'en aurons la certitude que si tu laisses Théo sortir de sa chambre."

Astoria se cogna la tête sur la table. "Non", dit-elle en faisant la moue.

"Tori", avertit Daphné.

Astoria marmonna dans sa serviette de table. "Il a pratiquement assassiné nos parents.

Elle entendit sa sœur soupirer. "Nous avons besoin de lui. Nous avons besoin qu'il soit préparé."

"C'est une putain de perte de temps !" explosa Astoria. "Sérieusement Daphne, qu'est-ce que je peux bien lui apprendre ?"

"Pas toi, moi. Je peux l'entraîner."

"Oh, ressaisis-toi Daphne", grogna Astoria. "Theo était un membre du cercle intérieur de Vord, un anneau d'argent. Il n'a pas besoin d'être entraîné, et encore moins par toi."

"Au moins, j'essaie !" Daphné se leva d'un bond. "Si tout ce que je peux faire, c'est les amener à maintenir leur forme et leurs compétences, c'est déjà ça. Au lieu de rester assise sur mon cul toute la journée, c'est moi qui nous aide à survivre."

Astoria s'aligna sur la position de sa sœur. "C'est ce que tu penses que je fais ?"

"Je m'excuse", siffla Daphne. "Parfois, tu mets de jolies robes et tu flirtes avec le Seigneur des Ténèbres."

Astoria recula. "Pardon ?"

"Honnêtement Tori, tout ce que je fais c'est pour te protéger et tu ne le remarques même pas !"

"Tu me protèges ?" hurla Astoria. "Tu plaisantes, putain ?"

"J'ai travaillé dur pour arriver là où je suis !" cria Daphné. "Certains Disciples ont des décennies de service et pourtant je me tiens là, à côté d'eux !".

"Je suis aussi une Disciple, tu sais !"

"Oui, et tu peux à peine lancer un sort avancé !" rugit Daphné. "Tu ne peux même pas te protéger ! Alors je dois travailler encore plus dur et le faire pour toi !"

Les lèvres d'Astoria se retroussèrent en un sourire moqueur, sa voix était d'une froideur mortelle. "Travaille plus intelligemment, pas plus durement Daph."

"Tu as de la chance qu'il te favorise. Une chance inouïe !" Siffla Daphne. "Tu n'as pas la moindre idée de ce qui se passe dehors. Tu n'as aucune idée des choses que j'ai vues, de ce que j'ai dû faire pour nous garder en vie. Tu es tendre. Tu as le privilège d'ignorer ce qui se passe autour de toi. Mais maintenant, il faut que tu grandisses ! Tu es aussi dans ce Tournoi et je ne peux pas t'en protéger cette fois-ci."

"Je ne connais peut-être pas le champ de bataille, mais je suis loin d'être ignorante" répliqua Astoria. "Tu crois vraiment que tu es arrivée là où tu es toute seule ? "

Daphne plissa les yeux. "Qu'est-ce que ça veut dire, bordel ?"

Astoria se mordit la langue si fort qu'elle pouvait sentir le goût du cuivre, ses aveux accablants ne demandant qu'à s'écouler de ses lèvres. Elle repensa à Théo, à l'Occlumencie qu'il avait gardée cachée pendant des années. Un secret gardé jusqu'au bon moment. Celui que Drago lui avait depuis demandé de cacher aux autres.

Elle devait garder son personnage parfaitement construit. Elle devait attendre son heure et faire comme les deux sorciers. Elle attendrait l'occasion parfaite. Devenir le couteau que Molly Weasley avait caché. 

Daphne ne pouvait pas feindre de croire à la faiblesse de sa sœur. Le Seigneur des Ténèbres verrait clair en elle. Alors, même si Astoria le méprisait, Daphné devait continuer à s'inquiéter pour sa petite sœur. Elle devait être protectrice. Cela la rendait plus crédible. Cela la rendait plus convaincante. 

"Rien", marmonna Astoria. " Je voulais juste dire que Draco a fait beaucoup pour nous aussi. Il nous garde en sécurité"

Daphne fronça les sourcils. "Daphne fronça les sourcils. Alors il est peut-être temps de lui rendre la pareille."

Astoria acquiesça. "J'ai juste besoin de temps pour m'adapter. Laisse-moi y réfléchir."

"Bien" soupira Daphne.

Astoria prit sa fourchette. "D'accord."

 


 

Chapter Text


La Bonne Question


 

Le manoir Nott avait subi des changements vraiment remarquables au cours des deux dernières années, depuis que Voldemort l'occupait. Chaque fois qu'elle arrivait, il semblait y avoir un nouvel artefact sombre ou une décoration épouvantable. Rien ne correspondait à rien, en fait, la seule chose qu'ils avaient en commun était qu'ils étaient affreux à regarder. 

La poussière et les toiles d'araignées avaient lentement envahi les pièces, ajoutant à l'esthétique. De quoi, elle n'en était pas sûre. Dark Academia peut-être ? Moins les académiciens. Deux fois plus sombre. 

Néanmoins, Astoria entra dans le salon de thé avec un sourire. 

"Mon Seigneur !" Elle se pavanait, se jetant dans ses bras ouverts. Il sentait le musc, avec un soupçon de cuivre et de pourriture. Pourtant, elle le respira profondément, vendant la performance. 

Il lui caressa affectueusement les cheveux et elle réprima un frisson. "Merci de vous être jointe à moi, ma chère.

" Naturellement ", dit-elle en rayonnant. 

Ils s'installèrent pour prendre le thé, un assortiment de friandises dont elle savait qu'elles n'étaient que pour elle. Vord n'aimait pas les sucreries. Elle ne l'avait jamais vu manger autre chose que de la viande mal cuite. 

Elle sirota timidement son Earl Gray et le remercia abondamment de lui avoir offert Winky. Elle bavarda sur le fait qu'elle avait maintenant un elfe célèbre. 

"C'est dommage qu'elle ne soit pas d'une grande utilité," dit Voldemort. "Je suis sûr que tu comprends qu'il a fallu faire quelques... modifications suite à ses choix dans la Tâche."

Astoria le repoussa avec un petit rire. " Oh, elle est juste décorative, en fait. Je veux juste que les gens la voient quand ils viennent en visite. Ce n'est pas comme si elle parlait de toute façon, c'est comme un jouet."

"Bien", répondit Vord. "Et tu n'auras pas à t'inquiéter qu'elle fasse le moindre bruit."

Astoria remua son thé. "Oh ?"

"Elle n'a pas de langue, ma chère. Aucun des elfes de Poudlard n'en a."

Astoria cacha bien sa réaction, ne s'arrêtant qu'une milliseconde lorsque sa cuillère cliqueta contre sa tasse. "C'est génial !" Elle rit. "Je me demandais pourquoi elle supportait si bien les coups."

"Oui, elle est très bien entraînée", sourit-il. 

Il tendit la main pour lui caresser la joue et Astoria se pencha à son contact, étouffant sa nausée. 

Elle inclina son cou, le mettant en valeur comme elle savait qu'il l'aimait. 

Voilà.

Le regard de Voldemort se posa sur sa gorge. Elle trouvait qu'il était plus facile de lui soutirer des réponses lorsqu'il était distrait. 

"Je me demande si c'est de là que la fille Bones a eu l'idée ", songea Astoria. 

"C'est une possibilité", répondit-il distraitement. 

Elle remit ses cheveux en place, en prenant soin d'effleurer sa nuque. "Tu penses qu'elle a demandé à l'un des elfes de le faire ? Ou qu'elle l'a fait elle-même ? "

Voldemort se lécha les lèvres. "Ni l'un ni l'autre. Les champions ne peuvent pas se faire de mal à eux-mêmes. Seul son Maître ou l'un des autres Champions serait capable de le faire. "

Elle eut un sursaut de conscience. " Savez-vous qui ? " 

Ses yeux se portèrent sur les siens, la clarté aiguisant son regard rouge. "Non", renifla-t-il. "De toute façon, cela n'a plus d'importance. Cette ordure est morte." 

"Bon débarras", fredonna Astoria. 

Son maître buvait une gorgée de son thé rouge sang en tambourinant sur la table. Astoria avala une part de gâteau aux carottes, chaque bouchée ressemblant à de la sciure de bois dans sa bouche.

"Et comment se porte votre fiancée ? demanda-t-il avec précaution. 

Astoria déglutit délicatement. "Draco ? Je ne l'ai pas beaucoup vu, je le crains. Ma priorité, c'est vous, mon Seigneur, et l'entraînement de mon champion."

Sa réponse sembla l'apaiser, à en juger par la façon dont ses épaules se détendirent légèrement. 

"Tu auras tout le temps de le voir une fois que tu seras mariée.

"Oui", répondit Astoria avec nonchalance. "Après le Tournoi."

"En supposant qu'il survive."

Astoria leva les yeux vers son regard évaluateur. "J'en suis sûre", répondit-elle prudemment. 

Le Seigneur des Ténèbres se contenta de fredonner en guise de réponse. 

Un elfe vint apporter des pots de thé frais, offrant un moment de répit à Astoria. Elle garda les mains occupées, versant au Seigneur des Ténèbres une autre tasse de ce qu'elle réalisait maintenant être du sang et se resservant de l'Earl Gray. 

"Je suis sûr que tu es impatient de savoir pourquoi j'ai fait appel à toi" commença Vord, les dents tachées de rouge alors qu'il avalait sa tasse. 

Astoria se força à sourire. "Je suis tout simplement impatiente de passer du temps avec vous. J'ai l'impression que cela fait une éternité que nous n'avons pas bavardé."

"En effet, Voldemort acquiesça. " Mais j'ai bien peur que cette rencontre ne soit pas qu'un simple plaisir. " 

Elle pencha la tête, attendant que l'épingle tombe. 

"J'ai entendu dire que vous n'aviez pas encore assisté à une fête depuis l'annonce du Tournoi", réprimanda-t-il. 

Il y avait une bonne raison à cela. Les fêtes mensuelles du vieux manoir Flint étaient toujours ennuyeuses pour Astoria, même si elle avait pris l'habitude d'y assister à chaque fois. 

Le Cercle des Anneaux n'était qu'un club de gentilshommes déguisé. Un moyen pour les Mangemorts de se défouler. Il n'y avait que deux types de femmes autorisées. Celles d'un rang social élevé et les prostituées. 

C'était dégoûtant et ignoble, et elle n'y allait que pour se faire des relations. Le Seigneur des Ténèbres lui-même n'y assistait presque jamais, mais elle savait qu'il était informé des événements de la nuit tous les dimanches matin. 

Elle avait toutes les relations dont elle avait besoin maintenant, le Tournoi lui offrait simplement une bonne excuse pour ne pas y assister. 

"Je suis vraiment désolée, Monseigneur", s'empressa-t-elle de dire. "J'ai été tellement occupée que cela m'a complètement échappé. Si j'avais su..."

Il lève la main pour la faire taire. 

"Ce n'est pas grave. Je souhaite simplement t'exhorter à reprendre ta place".

Astoria hocha fébrilement la tête, faisant apparaître de l'humidité dans ses yeux. 

"Et..." il fit une pause, "pour que tu amènes ton Champion avec toi." 

"Je-" Astoria était abasourdie. "Mon Seigneur, est-ce que c'est autorisé ?"

"C'est ma fête, n'est-ce pas ? C'est moi qui fixe les règles. Et j'ai décidé que tous mes Disciples y assisteraient avec leurs Champions."

"Comme vous le souhaitez, Monseigneur." 

Il se rapprocha d'elle et lui prit la main. "J'ai une tâche très spéciale à te confier."

"Tout ce que vous voudrez, monsieur", souffla-t-elle. 

"Je veux que tu fasses très attention aux personnes avec lesquelles M. Nott interagit. En particulier, toutes les personnes proches de Miss Granger."

Astoria cligna des yeux. "Elle n'est pas présente, Monseigneur ?"

Voldemort secoua la tête. "Draco m'a informé qu'elle était toujours souffrante. Je lui ai donné un laissez-passer pour deux semaines encore, après quoi elle devra se présenter, quel que soit son état. " 

Elle acquiesça. 

" Restez à l'affût de tout signe de la part de M. Nott. Je veux savoir s'il semble déçu ou non par son absence." 

"Oui, Monseigneur. Il la réclame constamment, alors je suis sûre qu'il sera dévasté." Elle mentait. Astoria n'avait pas la moindre idée de ce que Théo demandait, il était resté enfermé dans sa chambre pendant tout ce temps. 

Le Seigneur des Ténèbres acquiesça. "Nous verrons bien." 

Un craquement se fit entendre dans le couloir. Astoria regarda au-delà de l'épaule de Vord, en direction du bruit. 

Ce qu'il dit ensuite fut étouffé lorsqu'elle aperçut la silhouette voûtée de Narcissa Malefoy. Sa robe de cocktail noire s'effilochait au niveau des épaules alors qu'elle passait en clopinant les portes ouvertes du salon de thé. La sorcière s'agrippait au mur pour se soutenir, les cheveux en désordre et ses chaussures à talons mal serrées dans sa main. 

Mais ce fut sa peau qui coupa le souffle d'Astoria. Narcissa était couverte de morsures. Certaines étaient fraîches et saignantes, d'autres tachetées et meurtries. 

Astoria savait que cela durait depuis longtemps. Que cela faisait partie de la punition de Narcissa et de Drago pour avoir permis à leurs prisonniers de s'échapper il y a des années. Mais naïvement, elle s'était mise en tête que les choses s'étaient améliorées pour la sorcière. Que le temps avait adouci la punition, comme il l'avait fait pour elle. 

La réalité était bien pire. Elle n'avait vu qu'un aperçu de Narcissa, mais cela avait suffi à lui faire bouillir le sang. 

Sa colère contre Théo se décupla et elle se maudit d'avoir même envisagé de le laisser sortir de sa chambre pour s'entraîner avec Daphné. C'était un putain de monstre. Il méritait de pourrir dans cette pièce. Et il le savait, putain, ce qui expliquait précisément pourquoi il s'était attaché à Granger. 

Il savait qu'ils avaient besoin d'elle dès qu'elle avait appelé Drago comme Collatéral. Par conséquent, il avait besoin qu'elle ait besoin de lui pour pouvoir survivre. Parce que si ce que Daphne avait évoqué ce matin n'était qu'une fraction, si c'était ce qui avait volé toute la couleur et la vie de Drago Malefoy, alors Theodore Nott méritait de mourir. 

S'il n'était pas devenu un pion essentiel à la survie de Granger, il aurait été tué à la seconde où il aurait mis les pieds chez elle. Draco l'aurait torturé à mort. Merde, Astoria l'aurait fait elle-même. 

Mais elle était tombée dans son jeu stupide et avait accepté cette fausse histoire d'amour. C'était grâce à elle que Nott avait le privilège de respirer. C'est à cause d'elle que Narcissa Malefoy devait subir son châtiment. 

Astoria s'était alors juré de faire tout ce qui était en son pouvoir pour rendre l'existence de Théo aussi misérable que possible avant qu'il ne meure. Et il mourrait. Il n'y avait aucune possibilité de le laisser vivre. 

Elle reporta son regard sur le Seigneur des Ténèbres, qui parlait toujours de cette stupide petite fête et de ses grands projets pour le Tournoi. Comme s'il n'avait pas passé la nuit à brutaliser une femme. 

Au diable ses plans et ses indices subtils. Astoria voulait des informations maintenant. Quelque chose qu'elle pourrait transmettre à Draco pour l'aider à trouver un moyen de garder Granger en vie. Ses pensées étaient embrouillées, une multitude de questions se bousculaient dans sa tête. Elle décida de poser celle qui la tracassait le plus, celle qui l'empêchait de dormir. 

"J'ai une question, monseigneur."

Voldemort interrompit sa diatribe, la regardant curieusement en remarquant son attitude sérieuse. " Tu peux la poser ", dit-il lentement.

"Pardonnez-moi, mais j'ai désespérément besoin de savoir. Comment avez-vous su que Granger était encore en vie ? Et comment avez-vous trouvé le moyen de franchir la barrière ?" 

Voldemort se redressa et joignit les doigts en réfléchissant à sa question. " Ah ", souffla-t-il.

"Bien sûr, vous n'êtes pas obligée de répondre..."

"Non, non, c'est une histoire fascinante à raconter", insista-t-il et Astoria fut surprise de voir à quel point il était facile de l'amener à répondre.

Peut-être devrait-elle être directe plus souvent. 

"Elle m'est apparue dans un rêve", commença-t-il en faisant pivoter sa main de façon spectaculaire. "Une vision", souffla-t-il. 

Astoria lutta contre l'envie de lever les yeux au ciel. Toujours un putain de metteur en scène. Au lieu de cela, elle les écarquilla le plus possible, affichant sa plus belle expression d'effroi. 

"Êtes-vous voyant, Monseigneur ?" Elle sursauta. 

"Je suis doté de nombreux dons."

Astoria se pencha plus près de lui, serrant sa main avec force. 

Voldemort ferma les yeux. "J'étais entouré de ténèbres, flottant dans le vide, murmura-t-il. "Des voix me chuchotaient. L'une d'elles était plus forte que les autres. Elle m'a dit que seuls les êtres de lumière pure pouvaient passer."

"Lumière pure ?" Astoria inspira brusquement. 

"Oui. J'ai d'abord été perplexe, puis j'ai entendu une voix qui m'appelait." Il marqua une pause pour l'effet dramatique et cette fois-ci, Astoria roula vraiment des yeux, sachant que les siens étaient fermés. 

"Une voix de femme ", souffla-t-il.

"Qu'est-ce qu'elle a dit ?

"Elle demandait Harry Potter."

Astoria fronça les sourcils. "C'était Granger ?"

"En effet. J'ai tendu la main vers elle et quand je l'ai fait, la réponse m'est apparue."

Astoria repoussa sa déception face à cette histoire incroyablement ennuyeuse. Un rêve ? Un rêve ? Vraiment ? 

A la place, elle demanda : "Quelle était la réponse ?"

"Seuls les êtres de lumière pure peuvent passer." Il répéta.

"Je ne comprends pas", répondit-elle. Elle comprenait, mais il n'avait aucun sens. 

"Lumière pure. L'âme pure. Quelqu'un qui n'a pas été formé à la magie noire, qui ne veut pas et ne peut pas faire de mal aux autres. J'ai envoyé des hommes alors que j'aurais dû envoyer un gamin."

Les oreilles d'Astoria se dressèrent. 

"J'en ai donc choisi un. Le plus faible, le plus lâche et le plus incapable de tous les apprentis, et je lui ai ordonné d'aller chercher Miss Granger. Je savais qu'elle vivait au-delà de cette barrière, et que seule une personne innocente pouvait la récupérer. 

"Ce Forsyth ! Astoria sursauta. "C'est comme ça qu'il est entré ?" 

Voldemort sourit et... merde. C'était peut-être un devin.

"Je n'étais pas sûr qu'il puisse la récupérer, mais le garçon a réussi à se faufiler.

"Il n'a pas pu sortir", souffla Astoria. "C'est pour ça qu'il s'est désintégré."

Il acquiesça. "Il acquiesça. Même si je me suis demandé pourquoi Miss Granger ne l'avait pas fait. "

Astoria était curieuse elle aussi. Il semblait que les réponses ne faisaient que soulever d'autres questions. " Et qu'est-ce que vous avez découvert ? "

"Je suis toujours en train de chercher. C'est pourquoi j'ai besoin que tu surveilles de près ton Champion, ainsi que Miss Granger." 

"Je le ferai", promit Astoria, mais pas pour lui. Pour Draco. 

 

***

 

Ginny s'occupait de ses affaires, essayant une fois de plus de réparer cette foutue tente lorsqu'un gigantesque homme lui arracha la corde des mains. 

"Alors, tu es censée être notre Luna maintenant ou quoi ?" lança-t-il, le baryton profond de sa voix s'accordant avec sa taille monstrueuse. 

Ginny cligna des yeux. "Pardon ?"

"Sa compagne". L'homme chauve sourit, ses dents blanches scintillant sur sa peau acajou. 

" Sa quoi ? "

"L'Alpha", précisa-t-il en tirant sur la corde et en redressant la tente d'un seul coup. "Tu es sa femelle, n'est-ce pas ?"

Le regard perplexe de Ginny se transforma en un regard indigné. " Mais certainement pas ", cracha-t-elle, grimaçant à la simple idée de l'être. 

L'homme marqua une courte pause, attachant la corde de la tente autour du piquet de bois et l'enfonçant de sa main dans la terre battue. 

"Mais tu dors dans sa tente ? Il hésita, sincèrement troublé par le dégoût qu'elle lui inspirait. 

"Je n'ai pas eu le choix de l'endroit où je dors."

Ginny siffla, son instinct de conservation s'envolant par la fenêtre alors qu'elle grondait un homme trois fois plus grand qu'elle. "Et je suis sûre que je ne coucherais pas avec lui !"

" Elle est sa championne ", ajouta une voix plate. 

Ginny se retourna pour voir le Bêta qui les regardait attentivement. 

"Je le sais. J'ai juste supposé qu'il y avait plus que ça" se moqua-t-il, levant un sourcil vers Ginny. "Vu qu'il t'a fait des reproches et tout ça".

"Eh bien, il n'y en a pas." Ginny se fâcha. Si elle avait su qu'elle dormait dans la tente de Greybacks depuis deux semaines, elle aurait dormi dehors. 

"Désolé", marmonna l'homme d'un air penaud. 

"Je me demande s'il va la transformer" dit une autre voix. 

Ginny leva les yeux pour voir deux hommes se mettre au pas derrière Phynn, à la fois curieux et amusés. 

Putain, la situation était parfaite. Maintenant, elle avait attiré tout un troupeau d'entre eux.

« J'espère que ce ne sera pas pour tout de suite, je déteste surveiller les nouvels recru", marmonna la brune bronzée. 

Le premier type, un grand asiatique, acquiesça. "Putain, c'est brutal."

"La morsure de Greyback fait un mal de chien" grommela le géant en enfonçant un autre pieu dans le sol. 

Ginny avait l'impression qu'on se jouait d'elle. Mais elle était trop curieuse pour ne pas répondre. 

"Greyback t'a transformé ? demanda-t-elle au grand homme. 

"Oui, répondit-il. 

"Moi aussi", ajouta le grand homme. La brune acquiesça.

Ginny regarda Phynn avec impatience. "Et toi ?"

Elle sourit, les yeux pétillants de complicité. "Je n'ai jamais été transformée.

Ginny fronça les sourcils. "Donc tu n'es pas..."

"Un loup-garou ?" Phynn sourit. "Si, je le suis."

Ok, maintenant Ginny était sûre qu'on jouait avec elle. 

"Mais tu n'as jamais été mordue" se moqua Ginny.

Les trois hommes se mirent à rire et Ginny se crispa. Elle avait toujours été relativement populaire à l'école, et le fait d'avoir six frères plus âgés avait contribué à décourager les brutes. Elle était habituée à la guerre, à la famine et à la torture. 

Mais elle n'avait pas l'habitude qu'on se moque d'elle.

" Nom de Dieu, qu'est-ce qu'ils t'ont appris dans cette putain d'école ? " demanda la brune. 

"La magie, évidemment."

"L'histoire ?" Le grand homme l'interrogea. "La génétique ?"

Ginny sentit son visage s'échauffer. C'était ridicule. Elle savait que c'était puéril. Elle avait fait face à bien pire que des moqueries légères. 

"Histoire des sorciers", corrigea Ginny. "L'ascendance et..."

"Mais pas l'histoire des créatures ? Pas les loups, ni les Moldus, ni les sujets de base comme la science ?" demanda Phynn, d'un ton sincèrement curieux, sans une once de moquerie. 

"Je sais ce qu'est la science.

"D'accord." Phynn acquiesça. "Voici une question simple : quelle est la différence entre la mitose et la myosis ?"

"La lettre T", cracha Ginny.

Phynn resta passive, presque compatissante. "Dans le contexte de la production de cellules", ajouta-t-elle doucement.

Ginny n'avait aucune idée de la signification de ces mots. Et pour la première fois de sa vie, elle se sentit stupide. Comme si elle n'était pas à sa place. 

Elle se demanda si tous les nés-moldus avaient ressenti cela lorsqu'ils étaient arrivés à Poudlard. Dennis l'avait-il fait ? Hermione ?

"Pas étonnant que votre population soit si peu nombreuse," dit la brune en riant. "Savez-vous au moins comment on fait les bébés ?"

"Va te faire foutre", siffla Ginny

Le grand homme siffla. "Alors tu le sais. N'est-ce pas quelque chose ?"

Sa baguette chauffait contre sa ceinture, impatiente d'être utilisée. Conforme-toi, se dit-elle en serrant les poings tout en se mordant la langue. 

Elle se retourna et s'éloigna, marchant à grands pas. 

La brune la suivait de près tandis que le grand l'encourageait. Ginny pouvait sentir son souffle sur sa nuque alors qu'il suivait son rythme.

" Les bâtons, ce sont tous les mêmes, tu sais ", siffla-t-il. "Vous vous croyez toujours plus intelligents, plus forts, meilleurs que nous autres."

Ginny ne ralentit pas son allure et se dirigea vers l'abri de cuisine. " Bâtons ? " demanda-t-elle.

"Oui." Il siffla, juste au moment où Ginny repérait ce dont elle avait besoin. "Bande de branleurs qui se baladent avec leurs capes ringardes et leurs bâtons magiques."

Ginny saisit le manche de la poêle à frire et se retourna, frappant le fer à repasser sur la tête de l'homme. Celui-ci s'effondra sur le sol, s'agrippant à la tempe tandis que du sang cramoisi coulait le long de sa main. 

"C'est ce qu'on appelle une baguette." répondit-elle simplement, jetant la poêle à frire désormais tordue dans la terre. 

J'emmerde le conformisme. 

 

***

 

Malefoy s'en tenait à sa parole. Hermione passa son après-midi dans un silence bienheureux. Enfin, extérieurement du moins. Intérieurement, elle luttait contre un malaise grandissant. 

Hermione n'avait pas assez mangé pour prendre du poids aussi rapidement et même si elle était encore exceptionnellement mince, son corps s'était transformé en quelques semaines. Les derniers jours en particulier avaient provoqué les changements les plus radicaux. Ses joues s'étaient remplies et ses omoplates ne dépassaient plus comme des ailes. Elle avait remarqué que ses cuisses avaient augmenté, n'ayant plus la même taille que ses mollets osseux. Hermione commençait à être en bonne santé, et plus encore, elle était en bonne santé. Même ses seins avaient commencé à repousser, signe que son corps commençait à stocker de la graisse. 

Elle devrait se réjouir de cette transformation, son ancien corps et sa force physique lui revenaient. Au lieu de cela, elle était terrifiée. Terrifiée par ce que cela signifiait. Quelque chose ne tournait pas rond chez elle. Elle avait intégré son Occlumencie, son esprit brisé était devenu une réalité à peine supportable. Même ses débordements magiques lui paraissaient raisonnables. 

Mais son corps.

Non.

Ce n'était pas naturel, c'était impossible. Personne ne pouvait se rétablir ainsi. Même avec les potions les plus pures et la meilleure équipe de guérisseurs au monde. Il y avait des limites. Des règles. 

Et pourtant, c'était bien ce qui se passait. 

Hermione pouvait considérer la cicatrice noire dans son dos comme une hallucination. Le bourdonnement dans son sang n'était rien d'autre qu'un tour de passe-passe. Le froid persistant n'était que le fruit de son imagination. 

Mais pas ceci. Pas son corps. Pas la multitude de cicatrices sur sa peau qui passaient du relief à l'aplat, du rouge au rose. Mais certaines d'entre elles, les longues entailles le long de ses poignets et les promesses qu'elle avait gravées sur sa peau, semblaient s'approfondir. S'assombrir. Comme si elles imploraient d'être vues, un message qu'elle était censée décoder. 

Hermione était toujours en train de ruminer lorsque la nuit tomba, fixant le plafond alors qu'elle était allongée sur le dos. Elle n'avait pas encore bougé du lit, qui lui était étranger et donc effrayant. Mais son corps était lourd, ses yeux se fermaient. 

Et puis elle l'entendit. 

Le sifflement à nouveau. Quelque part dans le manoir, quelqu'un était réveillé. Elle pouvait entendre les faibles échos de pas et le grincement des portes. Trop loin pour s'inquiéter, mais assez près pour éveiller son intérêt. Hermione se retrouva en équilibre lorsque les sifflements se transformèrent en bourdonnements aigus. Cela aurait dû être inquiétant, mais la mélodie joyeuse était quelque peu réconfortante. Il y avait du plaisir dans cette voix, peut-être même du bonheur. C'était agréable d'en entendre les échos. Le son la transporta dans la chambre de son enfance. La lumière du couloir passant à travers la fente de sa porte, son visage enfoui dans une couverture douillette. Le bourdonnement de la télévision et les légers murmures de ses parents dans le salon. 

Elle s'accrocha à son fantasme, le laissant la bercer au pays des rêves. 

Hermione se tenait près d'un ruisseau à moitié gelé, la lumière du soleil illuminant son souffle vaporeux. Elle se sentait en paix ici, satisfaite de leur campement de fortune dans la forêt de Dean. Si seulement elle pouvait rester. 

Elle aurait dû rester. 

Ce rêve était différent, son environnement était plus détaillé, plus clair. Elle aussi était différente. Lucide au pays des rêves. 

Un craquement de brindilles l'avertit de sa présence. Elle regarda derrière elle, sachant déjà qui elle allait voir. Harry se tenait là, souriant en enfouissant ses mains dans ses poches.

"Bonjour", gazouilla-t-il en désignant d'un signe de tête un seau à côté d'elle. "Tu as besoin d'aide ?

Hermione ne dit rien, bouche bée.

Puis elle courut vers lui. 

Elle se heurta à lui, ses genoux se dérobant tandis qu'elle sanglotait dans ses bras. "Tu me manques", souffla-t-elle en le serrant fort comme si elle avait peur qu'il disparaisse. 

Après un moment de surprise, Harry resserra ses bras autour d'elle "Tu me manques aussi" murmura-t-il.

Elle sentit les vibrations de sa voix tandis qu'elle pressait son visage contre son torse, enregistrant cette immobilité distincte de sa poitrine. L'absence de montée et de descente à chaque respiration audible. 

Hermione pleura plus fort, sachant que les poumons de Harry seraient à jamais immobiles. Que sa respiration n'était rien d'autre qu'un réflexe qu'elle avait conjuré dans son subconscient.

La culpabilité était écrasante.

"Je suis désolée. Harry..." s'étouffa-t-elle. "Je suis tellement, tellement désolée."

Il posa sa joue contre le sommet de son crâne. "Ce n'est pas grave."

"C'est ma faute", pleura Hermione. "Tout est de ma faute."

"Tu as fait ce qu'il fallait", chuchota Harry en lui caressant le dos. 

Hermione secoua violemment la tête. "Je ne crois pas que j'ai fait ce qu'il fallait", gémit-elle, le corps secoué par le chagrin. "Je crois que j'ai fait une terrible erreur.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Harry la serra encore plus fort dans ses bras. "Hermione", supplia-t-il.

Mais Hermione ne pouvait plus parler. Sa rage avait apparemment disparu ici. Dans cet endroit, elle n'était plus que chagrin. Un être de culpabilité, de regret et de douleur implacable. 

La voix de Harry s'épaissit de tristesse. "Ne pleure pas, ma petite."

Tout devint silencieux.

Hermione se raidit, fixant Harry. 

"Q-Quoi ?" Balbutia-t-elle. 

Il prit son visage dans ses mains. "Ce n'est pas la peine de pleurer" plaida-t-il, ses propres yeux bleus mouillés de larmes non versées. 

Hermione le repoussa.

"Tu m'as appelée..." souffla-t-elle. "Tu m'as appelée petite. Harry ne m'a jamais appelée comme ça. Il ne dirait jamais ça."

Harry aux yeux bleus se redressa, lissant ses cheveux d'une manière inhabituelle. Son corps se détendit dans une posture qui n'était pas celle de Harry.

"Tu le sais mieux que moi", soupira-t-il d'une voix qui était indubitablement celle de Harry. Mais le ton et l'élocution étaient terriblement étrangers. 

Hermione recula lentement. 

"Ses yeux étaient verts", s'étouffa-t-elle.

Le non-Harry hocha la tête. 

"Il avait une cicatrice.

Il esquissa un léger sourire, reconnaissant que sa ruse était terminée. 

La voix d'Hermione se fit plus forte. "Il sait que j'aime le miel dans mon thé."

Non-Harry se contenta de le regarder d'un air entendu. Détendu. En attente. Comme s'il avait anticipé ce moment. Comme s'il l'attendait avec impatience.

"Qui es-tu ? cracha Hermione, retrouvant enfin sa rage. 

"Un ami" répondit-il doucement. 

"Je n'ai pas besoin d'autres putains d'amis !" rugit-elle. "Où est Harry ?

Elle plongea ses mains dans la poche de son manteau, espérant que, puisque tout le reste de cet endroit semblait réel, elle pourrait avoir sa baguette. Sa main s'agrippa à quelque chose de solide et elle la sortit précipitamment. 

En un instant, elle sut que ce n'était pas sa baguette. Elle était trop lourde. Trop glissante. Trop froide. 

Elle baissa les yeux et découvrit dans sa main une dague imbibée de sang. 

Hermione la lâcha avec un souffle, les mains tachées de cramoisi tremblantes. 

Non, non, non, non, non. 

Elle porta les mains à ses oreilles, se tourna vers le ruisseau et tomba à genoux en forçant les souvenirs à s'effacer. 

Ce n'est pas réel. Pas réels. 

Rien ne rentre. Rien ne sort. 

Ce n'est pas réel. Je suis réel. Je suis réelle.

Hermione se frappa la poitrine en rythme avec son mantra, répétant les mots jusqu'à ce que l'écho des cris s'estompe. 

Lorsqu'elle se calma enfin, elle trouva Non-Harry qui se tenait à quelques pas derrière elle. 

"Il est mort", répondit finalement Non-Harry. 

Hermione expira un rire, épuisée par le souvenir, le rêve et tout le reste. Elle était très, très fatiguée. 

Elle savait que Harry était mort. Elle ne pensait qu'à ça.

"Et toi, tu ne l'es pas ?" Elle ricana, sans se soucier du sol gelé qui trempait son jean. 

Elle se rendit compte qu'elle n'avait pas l'énergie nécessaire pour se lever. Hermione ne se souciait guère de ce qui allait lui arriver ensuite. Aussi, au lieu de courir, elle resta agenouillée dans la terre. 

C'était sa place. 

Le Non-Harry pencha la tête. "Oui... et non."

"C'est une question simple."

"Ce n'est pas la bonne question", répondit Non-Harry. "Tout n'est pas noir ou blanc dans ce monde."

Hermione fixa les arbres, souhaitant se réveiller. Elle en avait tellement marre des énigmes. 

"Alors quelle est la bonne question ?" Elle soupira, exaspérée.

"Au lieu de demander qui et où. Demande quoi. Demande comment. Demande pourquoi." Il insiste. 

"Ok, pourquoi ?" Hermione gémit de frustration. "Pourquoi es-tu là ? Pourquoi tu ne veux pas t'en aller, putain ?"

Ses yeux bleus clignotèrent, un bref éclair de douleur traversant les traits de Harry. 

Hermione ferma les yeux contre la douleur dans sa poitrine. 

Finalement, elle demanda : "Pourquoi ressembles-tu à Harry ?"

À sa grande surprise, le non-Harry s'agenouilla en face d'elle. En miroir, pour qu'ils puissent se regarder l'un l'autre au niveau des yeux. 

"Je voulais me présenter dans le corps avec lequel tu te sentais le plus à l'aise" murmura-t-il, le visage étrangement plein d'espoir. "Je voulais porter un visage que tu aimes.

Hermione inspira brusquement. "Et comment sais-tu qui j'aime ?" accusa-t-elle.

Il lui sourit tristement. 

"Parce que j'étais là quand tu l'as perdu."

 


 

Chapter Text


L'Appel


 

Chaque jour depuis une semaine, Malefoy lui donnait un nouveau puzzle. Chaque fois, la difficulté augmentait. Elle trouvait cela presque insultant. Comme s'il la testait, qu'il évaluait si elle avait les capacités mentales pour les faire.

C'était le cas. 

Elle avait terminé chaque puzzle sans la moindre réaction et avait passé le reste de la journée seule dans sa chambre. 

Et avec chaque jour de succès, les puzzles prenaient de plus en plus de temps. Cent pièces. Cinq cents pièces. Mille pièces. Cinq mille. Chaque nouveau puzzle l'obligeait à passer de plus en plus de temps dans cette pièce. 

C'était comme si Malefoy la voulait près de lui.

Il restait assis là. Il écrivait. Lisait. Griffonnant sur ces stupides mots croisés. 

"Huit en bas. Un échantillon pour une étude magique" traça Malefoy en tapotant sa plume contre le Daily Prophet. 

Hermione leva les yeux de sa grille à moitié terminée. "Spécimen", fronça-t-elle les sourcils. 

Malefoy fredonna son approbation et nota la réponse. 

À partir de ce moment-là, il commença à la bombarder de questions de mots croisés. 

"Douze en bas. Changement ou déplacement de lieu." 

"Déménagement".

Gribouillage.

"Dix en largeur. Crustacé blindé originaire des îles Fidji."

"Crabe de feu."

Gribouillage.

"Six en largeur. Un homme prépubère.

"Malefoy, tu connais sûrement celui-là." Hermione fronça les sourcils. 

"Si c'était le cas, je ne te le demanderais pas, n'est-ce pas ?" Il sourit. 

Elle se moqua, coinçant une pièce de puzzle dans une fente qu'elle savait ne pas convenir, mais ce stupide puzzle n'était qu'un grand ciel bleu et toutes les pièces se ressemblaient. 

"Ridicule ", marmonna-t-elle.

Malefoy leva les yeux de sa feuille. "Ça fait huit, pas six." 

"Garçon !" Elle grogna. 

Gribouillage.

Au rythme où elle allait, Hermione allait passer tout son après-midi dans cette pièce. Elle gémit de frustration. 

"Oh là là, on n'est pas en train de faire une nouvelle crise, n'est-ce pas ?" réprimanda Malefoy. 

Hermione se fâcha. "Pourquoi faisons-nous cela ?"

"Stimulation mentale. Ordre du guérisseur."

"Pourquoi ne pas s'entraîner à la place ?" Elle souffla, faisant passer sa santé mentale avant sa fierté. Hermione se fichait de ce qu'ils faisaient, elle voulait juste arrêter d'être dans cette putain de pièce. 

Malefoy ferma le journal et prit un livre. "Tu n'en as pas besoin", répondit-il en feuilletant paresseusement les pages. 

Hermione l'ignora. "Je veux m'entraîner avec Ron."

"Je te l'ai déjà dit, soupira Malefoy. "Tu n'as pas besoin de t'entraîner, et pourquoi voudrais-je que la Belette empeste ma maison ?"

"Tu as dit que si je survivais, je pourrais inviter qui je voulais."

J'ai dit que si tu survivais à trois épreuves, tu le pourrais. Tu n'as même pas survécu à une seule. Techniquement, j'étais responsable. Si tu réussis à le faire toute seule la prochaine fois, alors j'y réfléchirai." 

Hermione détruisit le peu de progrès qu'elle avait fait sur le puzzle et le jeta dans la boîte. Ayant besoin d'un peu de répit, elle croisa les bras et se mit à fixer le mur. 

Elle en avait l'habitude. La stimulation n'était qu'un autre mot pour désigner la torture. 

Plusieurs heures passèrent sans qu'aucun d'eux ne parle. Malefoy continuait d'alterner entre lecture et écriture et pour la énième fois, elle se demanda pourquoi il n'avait pas trouvé mieux à faire. Il était un Disciple, n'est-ce pas ? Il devrait être en train de remplir des missions ou d'assassiner des civils. 

C'est ce qui arrivait aux soldats quand ils gagnaient des guerres ? Est-ce qu'ils rentreraient chez eux et s'assiéraient toute la journée ? 

"Comment as-tu fait ? demanda Malefoy, interrompant le silence paisible. 

Hermione jeta un coup d'œil à l'horloge, constatant qu'il n'était que 16 heures. Il ne restait plus qu'une heure.

"Quoi ? Elle soupira. 

Malefoy ferma son livre. "Le feu. Tu n'as pas jeté de sort."

Voilà qu'il finissait par poser la question. 

À vrai dire, elle ne savait pas ce qu'elle avait lancé. Elle ne se souvenait pas avoir dit quoi que ce soit. 

"C'est cette drôle de chose qu'on appelle la magie, Malefoy", dit-elle. 

Malefoy ne mordit pas à l'hameçon. " Tu lançais un sort avant même que ta main ne touche ta baguette. D'autres l'ont peut-être raté, mais pas moi."

Hermione se tourna enfin vers lui, surprise par son expression sérieuse. 

"Peut-être que tu as des hallucinations" répondit-elle prudemment. 

"Peut-être ", dit Malfoy en haussant les épaules. "Ou peut-être que je sais juste qu'il ne faut pas te sous-estimer."

"Oh ? Et comment le sais-tu ?"

Il posa ses coudes sur ses genoux, se penchant sur la table qui les séparait. "Le fait que tu respires encore." Il siffla. "Malgré tout, tu es toujours là. Tu surpasses toujours ceux qui t'entourent. Ton aversion pour l'échec défie la mort elle-même."

Hermione ricana. "Tu ferais un très bon conférencier pour la motivation."

Malefoy l'ignora. " As-tu entendu parler de la force hystérique ? "

"Pardon ?" 

"La force hystérique" répéta-t-il. 

Hermione fronça les sourcils : "Je sais ce qu'est la force hystérique, Malefoy, mais je ne comprends pas où tu veux en venir."

Le sorcier tapota sa plume contre son journal. "Je pense que c'est ce qu'était le feu. Un Feudeymon puissant que tu as lancé de manière informulée sous l'effet d'une contrainte extrême."  

"Cela me semble exact", mentit Hermione. 

Malefoy commença à griffonner dans son journal, et Hermione était presque retournée à son mur lorsqu'une question la frappa. 

"Comment as-tu pu m'apporter l'antidote à temps ? demanda-t-elle. 

Malefoy ne leva pas les yeux de son carnet. "J'ai transplané."

"Les sorciers ne peuvent pas transplaner dans l'enceinte de Poudlard".

"Les Disciples, eux, le peuvent. 

Hermione fronça les sourcils, c'était donc comme ça qu'il était arrivé jusqu'à elle dans la forêt. 

"Est-ce que tu avais du venin d'Ancromantula frais à portée de main ?"

"Non, corrigea Malfoy sans ambages. " J'ai transplané dans le laboratoire de potions et j'ai pris la dernière dose à Nott. "

Le simple fait d'entendre son nom lui fit l'effet d'un coup de poing dans le ventre.

"Il te l'a donnée ? Elle insista.

"Je n'ai pas vraiment demandé Granger." Il siffla, revenant rapidement sur les notes précédentes. "L'échange n'a duré que deux secondes."

Deux secondes. Il pouvait se passer beaucoup de choses en deux secondes.

 

***

 

Ginny avait cru qu'elle aurait des ennuis pour avoir frappé la tête de quelqu'un, mais cela avait eu l'effet inverse. Les meutes avaient une hiérarchie et elle venait d'y trouver sa place. 

Phynn l'avait simplement approuvée d'un signe de tête, et les autres avaient reculé. Même l'homme à qui elle avait donné un coup sur la tête semblait l'accepter, comme si le fait d'être frappé avec des ustensiles de cuisine était un événement assez courant. 

Les loups ne semblaient pas rancuniers, ce qui était une bénédiction pour elle. Elle ne savait pas ce qu'elle aurait fait s'il avait riposté. Même sous sa forme humaine, le plus faible des membres de la meute pouvait la dominer. 

Le professeur Lupin avait toujours semblé frêle et usé, mais ce groupe était plein de vitalité et de santé. Même ceux qui avaient été mutilés dans l'incendie avaient la peau rayonnante. C'était comme si le fait d'être en meute augmentait leur force. Malgré les nuages constants et les morts récentes, la meute était florissante. 

À l'heure du dîner, Ginny fut appelée à s'asseoir avec le groupe. Cette fois, il n'y eut pas de silence gênant. La meute continua à bavarder comme si elle n'était pas là. 

Il ne fallut pas longtemps au grand homme qui avait réparé sa tente pour engager la conversation avec elle. 

"Je m'appelle Baby", dit-il simplement.

Ginny cligna des yeux, certaine d'avoir mal entendu. "Vous êtes un bébé ?"

Le chauve secoua la tête en souriant. "Non, juste Baby", corrigea-t-il. 

Ce n'est que lorsqu'il tendit la main en guise de salut que Ginny réalisa qu'il parlait de son nom.

Ginny grimaça. "Pourquoi tes parents t'ont-ils appelé Baby ?"

"Oh, ils ne l'ont pas fait." Il sourit. 

"En fait, c'est Angus." Le grand asiatique expliqua, sortant la tête de derrière l'énorme carcasse de Baby.

"À l'origine, ils étaient deux. Baby était le plus jeune, alors nous l'avons appelé Baby Angus. Baby pour faire court. Il ne nous a pas fallu longtemps pour laisser tomber la partie Angus".

"Et où est l'autre Angus ?" demanda Ginny.

"Le grand Angus ? Oh, il est mort."

"Mort comme un con", ajouta Baby. 

Ginny n'avait même pas envie de demander comment c'était arrivé. 

"Est-ce que j'ai droit à une présentation ?" Le brun gazouilla, la tête bandée suite à l'attaque de Ginny.

"C'est Jack", soupira le grand homme. "Et moi, c'est Gaz.

Jack regarda Ginny avec impatience. "Et toi, tu es ?" Il l'interrogea. 

Elle était presque sûre que tout le monde ici connaissait déjà son nom. 

"Ginny", répondit-elle sèchement, se méfiant encore de la capacité de cet homme à pardonner et à oublier rapidement.

Peut-être l'avait-elle frappé un peu trop fort. 

"C'est la Petite Rouge", précisa Baby. 

Le visage de Jack s'illumina. "Le petit chaperon rouge !

"Trompé par le grand méchant loup" chanta Gaz. 

Ginny n'avait aucune idée de ce dont ils parlaient. 

"C'est juste Ginny", marmonna-t-elle. 

"Mmm, le rouge te va mieux", répondit Jack d'un ton enjoué.

"Oui", acquiesce Baby. "Il n'y a de place que pour un nom de deux syllabes et je l'ai déjà revendiqué.

"Tu vois ?" Jack sourit. "Il a dit prem's. Tu es juste Rouge maintenant. "

La conversation dériva sur des sujets que Ginny n'arrivait pas à comprendre. Des mots comme 'Force' et 'sabre laser' étaient lancés alors qu'elle mangeait tranquillement son repas. 

Elle observa Phynn qui se déplaçait lentement autour du feu de camp, prenant le temps de parler à chaque membre du groupe. Chacun d'entre eux inclina la tête en guise de salut, traitant la femme avec une sorte de révérence que Ginny n'avait vue qu'à l'égard de Dumbledore et de Harry. 

Finalement, Phynn se dirigea vers Ginny et s'assit à ses côtés. Elle sortit une cigarette de la poche de sa veste, une chose que Ginny connaissait bien. Viktor avait été dépendant de ces choses. 

Un étrange appareil apparut dans ses mains jointes. D'une pichenette, une petite flamme apparut qu'elle utilisa pour allumer la cigarette, avant de la refermer rapidement et d'éteindre la flamme. 

Ginny avait déjà vu quelque chose de semblable, mais en plus grand et en métal. L'engin de Phynn était bien plus compact et décoré d'un étrange emballage rose. 

"Tu n'as pas de baguette ? demanda Ginny en montrant l'objet moldu. 

Phynn exhala une bouffée de fumée. "Putain non, je ne suis pas un Bâton".

Ginny avait compris depuis le temps qu'un " Bâton " n'était qu'un autre nom pour désigner un sorcier ou une sorcière. 

"Y a-t-il quelqu'un ici qui est... un Bâton ?"

Phynn tira une longue bouffée, réfléchissant à la question dans sa tête. "L'Alpha. Toi. Le chiot. Cal et Flint."

"Cal est toujours en vie ?" s'étonna Jack, qui avait manifestement écouté. 

"Oui, répondit Phynn. "Au fait, tu me dois vingt livres."

Jack secoua la tête, perplexe. "Eh bien, merde."

" La nouvelle recrue a survécu ", dit Baby en souriant. 

"Alors s'il n'y a que quatre autres sorciers... ah, bâtons." corrigea Ginny. "Alors vous êtes tous des Moldus."

"Non, nous sommes des loups", précisa Phynn.

" Je fus un moldu autrefois ", ajouta Gaz.

Jack acquiesça. " Pareil pour nous. Nous ne sommes pas tous des membres de la famille royale", sourit-il en exagérant une révérence en direction de Phynn. 

Ginny se tourna vers Phynn, qui n'était pas perturbée par ce commentaire étrange. " La famille royale ? " Ginny hésita.

"Phynn fait partie du clan Eden, répondit fièrement Baby. "La lignée ancestrale.

L'expression perplexe de Ginny incita le grand loup à développer.

"Elle est née loup. expliqua Baby.

Stupéfaite, Ginny s'assit, observant les personnes autour d'elle à la recherche d'une quelconque trace de mensonge. N'en trouvant aucune, elle se retourna vers Phynn, qui semblait presque s'ennuyer de la conversation. 

Ginny déglutit. "Comment est-ce possible ?"

"Sexe, génétique et myosis". répondit-elle avec un sourire en coin. 

En voyant l'expression blafarde de Ginny, la louve soupira. 

"Les loups ne sont pas apparus de nulle part" dit doucement Phynn. "Il y a eu un premier. Et je suis l'une de ses derniers descendantes."

Ginny n'avait jamais rien entendu de tel. Ni pendant ses cours avec Lupin, ni de la part de Bill, ni dans les manuels qu'elle avait lus après l'attaque de Bill. 

"Mais... Ginny inspira brusquement. "Je croyais que c'était une malédiction ?"

Phynn sourit d'un air entendu, écrasant sa cigarette sous son talon en exhalant la dernière bouffée de fumée.

"C'est un don.

 

***

 

Les jours devenaient de plus en plus étranges. Les nuits, encore plus. 

Des sifflements. Des voix. Des rêves. 

Elle n'arrivait pas à distinguer ce qui était réel de ce qui ne l'était pas. S'ils provenaient de son environnement, de son esprit ou de ses rêves. 

Hermione avait peur de dormir. Peur de rêver de Non-Harry. 

Elle ne savait pas si c'était lié, ou si elle était simplement en train de partir en vrille. Mais elle avait commencé à faire un rêve récurrent, un rêve où elle se tenait dans le sillage de sa destruction. Elle apparaissait au centre d'une terre gelée, entourée de rien d'autre que la mort. Une forêt qu'elle avait réduite à néant.

Et puis elle l'entendait. Cet appel. Et il lui fallait tout ce qu'elle avait en elle pour ne pas courir vers lui, même si le son qu'il émettait lui donnait la chair de poule. C'était troublant, exigeant et aimant. 

C'était exaspérant. 

Elle ne verrait ni Non-Harry ni les forêts gelées si elle restait éveillée, alors elle passait la nuit à s'entraîner. 

Elle répétait les techniques que Darryl lui avait enseignées, imitant une baguette avec son index. Elle passait au peigne fin chaque souvenir qu'il lui montrait, énonçant les mots de sorts perdus et répétant des listes d'ingrédients pour des potions et des rituels qui avaient été effacés de l'histoire. 

Peut-être que tout cela était absurde. Des mots et des mouvements inventés pour se protéger de l'isolement à Azkaban. Mais c'était tout ce qu'elle avait. 

C'était tout ce qu'elle savait. 

La routine. La routine. La routine. 

Le contrôle. 

Lorsque le bourdonnement de son sang devenait trop fort, son Python se resserrait sur son cou. Le bourdonnement assourdissant était remplacé par le tonnerre de son pouls alors qu'elle luttait pour respirer. Et quand le bourdonnement commençait, quand son corps devenait mou à cause du manque d'oxygène, le bourdonnement s'arrêtait complètement. 

Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle pouvait respirer. Ce n'est qu'alors qu'elle pouvait savourer un moment de vrai silence. 

Cela devint rapidement une sorte de jeu malsain. Elle se poussait intentionnellement plus loin, alimentant la magie qui couvait en elle jusqu'à ce que le Python la referme avec une force presque létale. 

Hermione n'avait pas de pierres tranchantes pour sculpter son corps, pas d'instruments tranchants qu'elle pourrait utiliser. Et même si elle en avait, le Python ne lui permettrait pas de se faire du mal. 

Mais il pouvait lui faire du mal.

Alors elle le laissa faire. Elle lui avait appris à le faire. 

La routine. La douleur. Contrôle. 

Parfois, cela ne suffisait pas à calmer l'agitation qui régnait en elle. Alors elle faisait de l'exercice avec le nouveau corps qu'on lui avait donné. 

Des abdominaux, des pompes, des fentes, des squats. 

Tout pour la distraire du bruit persistant. Le bourdonnement, le sifflement, le putain de sifflement. 

Les nuits étaient les seuls moments où elle prenait conscience de sa propre folie. 

Et pourtant, elle ne pouvait pas dormir. Elle ne voulait pas dormir. Pas avant d'être suffisamment épuisée pour s'assurer qu'elle ne rêverait pas de forêts, d'yeux bleus et d'appels à l'aide. 

Mais cela ne suffisait jamais. 

Cette voix d'enfant l'appelait toujours.

Ce soir était l'un de ces soirs. 

"S'il vous plaît. Aidez-moi."

Hermione avait finalement réussi à se glisser dans son lit, le corps endolori et la gorge nouée alors qu'elle s'effondrait sur son oreiller. Elle essayait en vain d'ignorer les cris lointains, lorsqu'elle entendit un craquement de parquet dans le couloir. Un craquement bien réel.

Hermione se redressa en sursaut, paniquée, l'adrénaline l'envahissant, elle se précipita vers la porte de sa chambre et la bloqua avec son corps. 

Il n'y avait pas de serrure. Aucun meuble qu'elle aurait pu utiliser pour la barricader à cause de ces putains de charmes de collage. Elle saisit donc la poignée et s'arc-bouta contre la porte. 

Un autre craquement. Un bruit de pas. 

Quelqu'un était devant sa porte, qu'elle savait au moins être réel. 

Elle retint sa respiration tandis que les pas se rapprochaient. Hermione connaissait bien les bruits de pas, ayant passé des années à redouter le son qu'ils produisaient à l'approche de sa cellule. 

Ces pas étaient doux, léthargiques. Quelqu'un aux pieds nus. Quelqu'un d'incertain. Ils s'approchaient de sa porte, puis reculaient. Il n'y avait pas de schéma clair dans leurs mouvements, comme s'ils étaient désorientés. Ivres, peut-être. 

Elle pouvait entendre le bruissement des vêtements qui frôlaient les murs du couloir, les craquements irréguliers de leurs trébuchements. Hermione fut tentée d'ouvrir la porte juste pour voir qui c'était et pourquoi ils étaient là. 

Le guérisseur Lewis peut-être ? Et l'elfe ? 

Ce ne pouvait être ni Malefoy ni sa mère. Ni l'un ni l'autre ne semblaient être du genre à se promener sans but la nuit. 

Les bruits de pas s'éloignèrent et Hermione commença à se détendre. Elle remercia Hécate pour cette petite miséricorde. 

Et puis elle l'entendit à nouveau. Clair et réel, juste devant sa porte. 

Un sifflement. 

Le même air joyeux qu'elle avait entendu d'innombrables nuits auparavant. 

Un sifflement. Sifflement. Sifflement.

Puis, Hermione entendit un nouveau son chuchoté entre les pauses de la mélodie. 

"Joli oiseau". 

Un ricanement.

"Joli oiseau ?"

Lentement, Hermione s'éloigna de la porte. Elle se réfugia dans la salle de bain et s'enfonça dans le carrelage de la douche. Elle fit à peine un bruit, les mains serrées contre sa bouche.

Les bruits de pas s'estompèrent, emportant avec eux le sifflement et les paroles des oiseaux. 

Hermione resta dans la salle de bain jusqu'à l'aube. 

 

***

 

Ginny se réveilla dans un tourbillon d'activité à l'extérieur de sa tente. Somnolente et désorientée, elle se leva maladroitement et sortit. 

Malgré l'heure tardive, le camp bourdonnait d'excitation. Ginny bailla et frissonna contre le froid, retournant à l'intérieur pour prendre des vêtements plus chauds. 

Elle venait à peine d'enfiler une chemise que Phynn entra en trombe dans sa tente. 

"Habille-toi", grogna la Bêta. 

Ginny fit un geste vers son pantalon déboutonné. "Qu'est-ce que tu crois que je fais ? grommela-t-elle. 

Phynn se mordit la lèvre, l'anxiété rayonnant de sa petite taille. 

"Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Ginny. "Qu'est-ce qui se passe ?"

La Bêta lui jeta un regard lourd, et Ginny sentit son estomac se dérober. 

"Nous venons d'apprendre que l'Alpha est revenu. Il arrive maintenant." 

Ginny acquiesça solennellement. Elle savait que ce n'était qu'une question de temps. 

"Flint est avec lui", ajouta Phynn avec hésitation. "Sur ses ordres.

"D'accord", répondit lentement Ginny, confuse. "Et ?"

"Et il vient te provoquer en duel."

 


 

Chapter Text

 


 

Ginny entra dans la fosse, réprimant un frisson alors qu'elle se tenait pieds nus dans la boue. Greyback la regarda, les sourcils froncés. Elle ne pouvait pas dire s'il était anxieux ou plein d'impatience, la barrière magique qu'il avait érigée autour de la fosse illuminant ses traits.

« C'est nécessaire », avait-il dit.

Peu importe ce que cela signifiait.

Ginny ne comprenait pas ce qui se passait. Elle pensait qu'il avait eu besoin d'elle, qu'elle était son ticket pour le pouvoir.

Maintenant, elle était jetée aux loups. Littéralement.

Ils l'observaient tous en silence pendant qu'elle attendait, enveloppée par le nuage gris omniprésent qui régnait sur la forêt et la teinte rose de l'aube. Mais Ginny était désormais concentrée sur une chose et une seule.

Marcus Flint.

Il la fixait à l'autre bout de la fosse, baguette serrée dans sa main. Ses yeux noisette la fixaient intensément, et elle se demandait ce qu'elle avait bien pu faire pour susciter une telle haine. Il avait soutenu l'Ordre, n'est-ce pas ? Théo avait dit qu'il avait aidé les prisonniers à s'échapper.

Quand il était resté sur place, ils avaient supposé qu'il était mort. Ils avaient supposé beaucoup de choses.

Peut-être était-il en colère qu'ils ne soient pas venus le chercher. Peut-être s'est-il senti trahi. Et pour la deuxième fois, Ginny se demanda si Hermione avait déjà ressenti cela. La même rage qui brûlait dans le regard de Marcus était-elle cachée derrière ses yeux morts ?

Ginny sentit une libération autour de son cou, une damnation dont les portes étaient ouvertes. Elle sentit la chaude bouffée de magie traverser son corps, et elle faillit gémir de soulagement. Sa baguette chantait dans sa main, signalant sa connexion avec son maître.

Sans restriction. Libérée.

Ginny prépara sa position.

» Pas de mort », annonça Greyback. Elle ne savait pas s'il s'adressait à elle ou à Flint. Ses yeux refusaient de quitter le visage du sorcier, attendant le moindre signe annonciateur d'une attaque.

Flint se déplaça.

» Et pas de séquelles permanentes ! » Greyback grogna comme s'il s'agissait d'une réflexion après coup.

Le cœur de Ginny s'accéléra. Flint avait-il pris de l'Aconium ? Allait-il se transformer ?

Oh Godric, allait-il la transformer ?

Ginny jeta un rapide coup d'œil à Greyback, les yeux suppliants. « C'est quoi ce bordel ? » murmura-t-elle, incapable de formuler plus de trois mots.

Greyback serra la mâchoire, ses yeux se durcirent et il détourna le regard.

» Démarrez », dit-il d'un ton cassant.

La malédiction s'abattit instantanément sur elle, faisant basculer ses pieds dans la boue. Le feu se propagea à travers son épaule et elle étouffa un cri de douleur.

« Endoloris ! » cria Flint.

Ginny réussit à rouler, la malédiction passant à côté de son oreille alors qu'elle se remettait debout.

« Qu'est-ce que tu fais, putain ! » Elle hurla, esquivant une boule de feu qu'il lançait dans sa direction.

Flint était censé être de son côté. Il les avait aidés. Théo avait été catégorique.

Mais les yeux de Marcus Flint étaient froids, et elle se demanda si ce duel avait été son idée, et non celle de Greyback. Elle se creusa la tête, essayant de se souvenir des interactions qu'elle avait eues avec Flint.

Il avait quelques années de plus qu'elle à Poudlard. Ils ne s'étaient jamais parlé. Il avait eu quelques démêlés avec ses frères, la rivalité typique entre Serpentard et Gryffondor sur le terrain de Quidditch. Fred lui avait cassé les dents une fois. Ce qui, en toute honnêteté, était une faveur. On s'était constamment moqué de lui à cause de ses dents tordues, mais le fait de les perdre l'avait incité à les faire réparer.

Merde, même aujourd'hui, ses dents étaient impeccables lorsqu'il grogna contre elle. On pouvait même dire qu'il était beau...

« Expulso ! »

Ginny vola contre le mur de terre, se cognant l'arrière de la tête sur un rocher exposé. Instinctivement, elle jeta un bouclier autour d'elle alors qu'elle s'effondrait à genoux, les oreilles bourdonnantes tandis qu'un liquide chaud ruisselait le long de son cou.

Flint lutta sans relâche contre son bouclier, lançant une série de malédictions et de maléfices.

Elle pouvait entendre des cris. Le son était étouffé et déformé dans ses oreilles. Ginny secoua la tête pour la dégager, s'efforçant de rester consciente.

Les jambes instables, Ginny se mit debout et s'appuya contre le mur. Son bouclier se dérobait, et elle savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps.

Teddy.

Elle devait protéger Teddy.

Rien d'autre ne comptait. Ni Flint, ni sa confusion, ni sa douleur. Ni les circonstances qui la conduisirent ici, ni la façon dont le sorcier en face d'elle avait survécu. Ni le tournoi, ni les classements, ni le mystère qui entourait Hermione Granger.

Il n'y avait que Teddy. Il n'y aurait jamais que Teddy.

Et pour l'instant, Teddy avait besoin d'elle pour vivre.

Ginny prit une profonde inspiration et coupa son bouclier. D'un seul mouvement fluide, elle s'accroupit et pointa sa baguette sur le rocher qui dépassait du mur, l'arrachant ainsi.

Elle décrivit un large arc de cercle, rugissant en envoyant le rocher droit sur Flint. Le sorcier se déplaça à une vitesse inhumaine, ses réflexes de loup le propulsant hors du chemin.

Mais il était déjà trop tard.

Le rocher s'écrasa sur le côté de sa tempe.

Un tel coup aurait dû le tuer, mais il ne fit que trébucher. Ses yeux noisette s'assombrirent tandis qu'il se stabilisait, ignorant le flot de sang qui recouvrait une moitié de sa tête. Il n'y avait rien d'humain dans son regard, juste une bête folle pleine de colère et de soif de sang.

« Ça suffit ! » Greyback grogna.

Mais Flint ne l'entendait pas. Soit à cause de la commotion qu'elle venait de lui infliger, soit parce qu'il était trop loin. Il leva sa baguette.

Ginny savait qu'il allait la tuer. Elle avait vu ce regard suffisamment de fois sur le champ de bataille pour le reconnaître. Mais dans ces moments-là, elle était prête, elle l'avait prévu. Elle avait passé des semaines à s'y préparer mentalement. Dans la clandestinité, elle était toujours prête, mais elle était devenue complice des loups. Elle avait baissé sa garde dans la routine.

Stupide.

Il était plus fort qu'elle, plus rapide. Ses traits de loup renforçaient ses talents de sorcier. Elle leva tout de même sa baguette, sachant que cela ne suffirait pas.

La baguette de Flint s'illumina en vert. Le Sortilège de la mort se déversa de ses lèvres.

« Avada Kadava ! »

Elle pouvait voir la malédiction se diriger vers elle au ralenti. Son bouclier se détacha de sa baguette. Il ne la protégera pas à temps.

La mort arrivait.

Le noir éclipsa sa vision. Un gros poids se heurta à son flanc, l'envoyant s'écraser au sol. Un rugissement retentit au-dessus d'elle, sinistre et puissant. Il ébranla son crâne, faisant pénétrer la terreur dans ses os.

Ginny leva les yeux et vit un monstre qui la dominait. Ses jambes massives étaient accroupies au-dessus d'elle, protégeant son corps. Une fourrure anthracite recouvrait son corps musclé alors qu'il faisait face à Flint.

Avec un autre rugissement monstrueux, Flint laissa tomber sa baguette et s'agenouilla. Il baissa la tête, s'inclinant devant la bête. Ginny pouvait sentir sa puissance rayonner de sa chair. L'odeur familière de la fumée et de la saleté fut éclipsée par le parfum de la magie ancienne.

Alors que la bête s'éloignait d'elle et rôdait vers Flint, elle put apercevoir à quel point elle était massive. Deux, voire trois fois la taille des loups qu'elle avait vus dans la fosse.

Il ouvrit ses mâchoires, grogna et ses dents acérées comme des lames de rasoir s'élancèrent vers la forme immobile de Flint.

» Stop. »

La bête se figea.

Ginny leva les yeux vers la voix, sursautant en découvrant que Greyback l'observait toujours sous sa forme humaine.

« J'en ai assez vu. Nous en avons fini pour aujourd’hui. » Ordonna-t-il.

Son python se resserra autour de son cou, et le flot de sa magie se coupa brusquement, ne laissant qu'un faible filet d'eau. Ginny le remarqua à peine, regardant avec terreur et admiration la bête charbonneuse reprendre forme humaine.

Il n'y eut pas de cris ni de craquements d'os. Il n'y eut pas d'agitation ou de grognement lorsqu'elle fit demi-tour. C'était fluide, gracieux. Aussi facile que de respirer.

Phynn émergea, toujours debout au-dessus de Flint.

« Tu n'aurais pas dû faire ça, putain » siffla-t-elle en le frappant à la tête.

Ses tresses tombaient en cascade sur son dos nu, se balançant tandis qu'elle se tournait et marchait vers Ginny. Sans se soucier du fait que son corps était exposé aux spectateurs.

» Viens, Rouge », souffla-t-elle en lui tendant la main. « On va te nettoyer. »

***

» Merde », chuchota Pansy. « Une voyante, hein ? »

Astoria acquiesça, provoquant un léger « tsk » de la part de Pansy, qui était en train d'enduire ses racines d'une potion mortelle. » Je t'ai dit de ne pas bouger ! » Lança-t-elle en guise de réprimande.

« Désolée », grommela Astoria, qui grimaça lorsque Pansy remit brutalement sa tête en place.

Du bout de sa baguette, Pansy activa la potion de chaque section, transformant ses racines sombres en ce blond clair que Vord aimait tant.

« Je sais qu'il peut être un peu excentrique, mais quand même, une vision de Granger, c'est un peu exagéré », songea Pansy.

Astoria fredonna en signe d'assentiment. « Il avait l'air sincère. Et c'est la seule explication au fait qu'il savait que Granger était encore en vie là-dedans. »

» Un rêve énigmatique, quand même. Je t'accorde que je ne connais pas grand-chose à la divination. » Elle marqua un temps d'arrêt : « Je suis surprise qu'il ne t'ait pas fait intervenir. »

« Moi ? » Astoria se renfrogna. « Pourquoi m'enverrait-il chercher Granger ? »

Pansy posa sa baguette et attrapa son verre de vin à moitié vide, s'arrêtant pour en prendre une bonne gorgée malgré le fait qu'il soit dix heures du matin.

» Tu sais », déglutit-elle en se servant de son verre pour faire un geste vers la... totalité d'Astoria. « Le cœur pur, la lumière et tout le reste. »

Astoria sourcilia. » Je suis loin d'être pure Pans. »

Pansy haussa un sourcil. « Tu es toujours vierge, n'est-ce pas ? »

« Ça n'a rien à voir ! » grogna-t-elle. « Il a dit ' »lumière pure », pas “chatte pure”. »

Pansy renifla de rire. « Détends-toi, je plaisantais. »

Astoria croisa les bras en grognant. « Peut-être que la prochaine fois, je garderai ça pour moi jusqu'à ce que je le dise à Draco ».

« Non ! » aboya Pansy, la faisant sursauter. La sorcière baissa la voix, les épaules affaissées. « Ne le fais pas. »

Pansy posa son verre et saisit la main d'Astorias. « Merci de me l'avoir dit. De m'avoir fait confiance. Je sais que je ne suis pas... » Pansy déglutit, « Je sais que je suis un peu désordonnée. Et je n'en ai pas le droit, étant donné ma position. Toi et les autres avez tous des marques alors que je... »

« C'est bon, Pansy. »

» Non, ça ne l'est pas », insista Pansy. « C'est injuste. Et je comprends pourquoi je suis souvent mise à l'écart. Je n'ai pas vécu ce que vous avez tous dû vivre. Je n'ai perdu personne. Mais je suis toujours votre ami. Je veux toujours vous aider à ma façon, même si ce n'est qu'une épaule sur laquelle pleurer ou une oreille attentive à laquelle se confier. »

Astoria se radoucit. « Pans, nous ne te laissons pas de côté parce que nous le voulons. C'est juste que nous ne voulons pas te mêler à la merde dans laquelle nous sommes coincés. »

« Peut-être que j'ai envie d'être couverte de merde. »

« Personne ne veut être couvert de merde, Pans. » Astoria rit. « Mais tu es notre ami. Et tu nous apportes beaucoup. Daphné et moi serions mortes sans toi pour veiller sur nous."

» Je ne représentais qu'une maison et un peu de nourriture », marmonna Pansy.

» C'était bien plus que ça », insista Astoria.

Pansy renifla. « C'est vrai. Bon... d'accord. Essaie de me tenir au courant, d'accord ? Je ne vais le dire à personne. »

» Je le ferai », promit Astoria, la bouche amère face à ce mensonge. Elle dirait à Pansy ce qu'elle pouvait, mais il y avait encore beaucoup de choses qu'elle ne pouvait pas dire. Des secrets qu'elle ne pouvait révéler à personne.

Le reste du temps, elles le passèrent en plaisantant et en racontant des ragots. Maugrey se plaignait de l'humeur maussade de Londubat et des insultes qu'il proférait à l'encontre de tous ceux qui soufflaient dans sa direction.

« Weasley est pareil », grommela Astoria. « Mais ce n'est pas aussi grave qu'avant. C'est sa mère qui est le vrai danger. »

« Mme Weasley ? » Pansy fronça les sourcils. » Celle qui est mal lunée ? »

» Oui “, ricana Astoria, ” Elle a essayé de me poignarder, mais elle n'a pas été capable de le faire ! ». « Elle a essayé de me poignarder. »

La bouche de Pansy se figea. « Elle a quoi ? »

Astoria raconta la suite de l'histoire. Elle avait montré la cuisine à Mme Weasley, ayant entendu dire que la sorcière aimait cuisiner. Elles avaient déjà enfermé tous les ustensiles dangereux par précaution, mais Astoria voulait quand même offrir l'espace à la sorcière en guise d'offrande de paix. Une mère heureuse fait un champion heureux. Et un champion heureux rendrait les efforts de Daphné beaucoup plus simples.

Sa plus grande erreur avait été de lui montrer le garde-manger, disparaissant brièvement de l'œil attentif de Daphné. Mme Weasley s'était jetée sur Astoria, lui cognant la tête contre l'une des étagères et leur envoyant à toutes les deux une panoplie d'ingrédients de pâtisserie. Astoria avait crié lorsqu'un sac de farine avait éclaté, mais cela lui avait donné quelques précieuses secondes pour s'échapper lorsque la poudre blanche avait explosé dans l'air entre elles.

Elle avait dégringolé sur le sol de la cuisine, crachant de la farine avec une dent cassée. Sa vision était partiellement aveuglée par le sang qui coulait sur son visage alors qu'elle rampait pour se mettre à l'abri. C'est alors que, tel un griffon traversant la neige, Mme Weasley était apparue. La folle s'était accroupie et avait sorti un paquet emballé d'un endroit qu'Astoria jurait avoir imaginé, car qui aurait pu penser à faire une chose pareille ?

Mrs Weasley avait déballé le tissu humide pour révéler un couteau à l'allure sinistre, qui était étonnamment grand pour l'espace qu'il occupait auparavant. Ses yeux promettaient la mort, et Astoria ne pouvait rien faire d'autre que de crier. La mort par la farine et un couteau venu de son abdomen n'était pas quelque chose qu'elle avait envisagé.

Daphné était parvenue à étourdir la sorcière juste au moment où la lame descendait vers sa gorge, envoyant sa meurtrière potentielle et son arme sale s'écraser sur le comptoir.

Astoria en riait maintenant avec Pansy, mais cela l'empêchait encore de dormir.

« Wow, alors elle n'a définitivement pas une chatte pure ». s'exclame Pansy.

Astoria pouffa de rire. « Non, et les seules frontières qu'elle pourrait franchir sont celles qui mènent à la folie ».

Pansy acquiesça, remplit à nouveau son verre et en versa un à Astoria. « C'est une dure à cuire, quand même », dit-elle en haussant les épaules.

Astoria fit tinter son verre contre celui de Pansy. » Je déteste l'admettre, mais oui. Complètement dingue."

Les deux femmes avaient presque terminé la bouteille lorsque les cheveux d'Astoria furent lavés, séchés et ramenés à leur teinte blond clair. Même si son ancienne chevelure lui manquait, ce look lui donnait une certaine innocence, une apparence angélique qui jouait en sa faveur.

Elle était en train d'admirer le travail de Pansy lorsqu'une nouvelle personne entra dans la pièce.

» Bien- » s'étrangla le moldu en voyant non pas une mais deux sorcières dans l'observatoire.

Astoria haussa un sourcil. « Bien ? »

« Tu es jolie », se précipita-t-il, les joues rougies alors qu'il la regardait, la fixait, avec ses putains d'yeux stupides.

Bleus et vitreux, sans une once d'intelligence derrière eux.

« Qu'est-ce que tu veux, putain ? » Astoria souffla, brandissant à nouveau le miroir pour admirer ses cheveux.

Elle pouvait le voir se traîner maladroitement dans le reflet. « Je ah, je me demandais si je pouvais accéder à la bibliothèque ? ».

« Tu sais lire ? » Elle renifla.

« En quelque sorte. »

Astoria soupira, posant le miroir sur la coiffeuse conjurée par Pansy. « Pour quoi faire ? » aboya-t-elle.

« Pour... lire ? » Il balbutia.

» D'accord », soupira Astoria. « Mais nous n'avons pas de livres pour enfants ».

Le moldu hocha la tête avec empressement. « C'est très bien. »

« Et nous n'en avons pas non plus pour les Moldus. »

« Je ne les lis jamais de toute façon. »

Pansy étouffa un grognement.

Astoria se mordilla la lèvre. « Très bien. Certains livres sont ensorcelés pour tuer les Moldus, par contre."

Il fronça les sourcils. « Lesquels ? »

« La plupart d'entre eux », répondit-elle joyeusement.

« D'accord, je suppose que je vais juste... » Il haussa les épaules, sans se laisser impressionner par la menace. » Deviner ce qu'il en est. »

Astoria sourit. « Oh, je t'en prie. »

Elle pensait que ce serait tout, mais le Moldu continuait à le fixer. Ce serait presque déconcertant s'il n'était pas aussi stupide.

Pansy le dévisagea de haut en bas, s'attardant sur ses larges épaules qui occupaient presque la totalité de l'embrasure de la porte.

Répugnant.

Astoria rejeta ses cheveux sur son épaule en soufflant. « Quoi ? » dit-elle d'un ton sec.

Il baissa les yeux sur ses pieds. « Theo ah, Theo m'a demandé de te demander si- »

« Non », dit-elle froidement.

« Mais... »

« La réponse est non. Il ne sortira pas. »

Le moldu regarda autour de lui d'un air perplexe. « Sortir où ? »

Oh pour-

« Putain de merde », grogna-t-elle en jetant ses mains en signe de frustration. « Qu'est-ce qu'il voulait me demander ? »

Le lourdaud, Duddy, Dudley ou Dougly ou quel que soit son putain de nom, inspira profondément en se cabrant.

« Il a dit qu'il voulait voir Hermione », répondit-il tranquillement.

Astoria se figea.

« Et... Roy aussi », termina-t-il docilement.

« Roy ? » demanda Pansy.

« Le rouquin. »

Pansy laissa échapper un éclat de rire, s'effondrant sur la coiffeuse, hystérique.

Astoria saisit la distraction pour se ressaisir, voulant que sa voix reste indifférente.

» Il faudra que tu demandes à Daphné à propos de Roy », dégaina Astoria, soulagée de retrouver des mots cohérents.

« Peux-tu lui demander ? » Doughy, non, demanda Dudley.

« Non, tu peux le faire », répondit Astoria d'un ton moqueur. « Elle est très accessible. »

« Mais Roy lui a déjà demandé et elle a dit non », geignit-il. Il pleurnichait littéralement. Devant elle.

« Alors pourquoi me le demandes-tu ? » dit-elle d'un ton cassant.

« Parce qu'il m'a aussi demandé de te le demander ».

Voilà qui était surprenant.

« Pourquoi Roy ne peut-il pas me le demander lui-même ? »

» Parce qu'il a dit que tu n'étais... pas gentille », marmonna-t-il maladroitement.

Et ce n'était pas du tout surprenant. Elle avait l'impression que Dudley avait choisi de filtrer les mots choisis que Weasley utiliserait pour la décrire.

« Je n'en doute pas », dit Astoria en ricanant. « Eh bien, tu peux dire à Theo et Roy que la réponse est non. »

Le moldu relâcha ses épaules.

« Mais si tu veux, tu peux peut-être lui rendre visite ? » Taquina-t-elle.

Dudley secoua violemment la tête. « Non, merci. »

Pansy étouffa une nouvelle salve de gloussements.

« Tu es sûre ? » insista Astoria.

« Oui », se précipita-t-il. « Je veux dire, non. Non, merci. Je suis... je suis sûr. »

Astoria sourit. « Tu l'es ? »

Il hocha frénétiquement la tête en reculant vers la porte. « Bon... après-midi », balbutia-t-il. « Désolé. »

Il partit sans se retourner, laissant des traces de pas boueuses dans son sillage.

» Putain de gamin », grommela Astoria en lançant un rapide Scougify, prenant note d'interdire au moldu d'entrer dans la maison avec des bottes pleines de boue. Ou alors, elle pourrait lui interdire complètement de sortir.

Astoria s'affaissa dans son siège, découvrant que Pansy lui souriait. Elle détestait ce sourire. Cela signifiait qu'elle allait se faire griller.

« Qui était-ce ? » cria-t-elle.

« Le Moldu ? C'est le partenaire de Théo."

La bouche de Pansy demeura ouverte. « Le cousin de Potter ? »

« Oui. »

« Ils ne se ressemblent pas du tout ! »

« Je suppose. » Astoria haussa les épaules, espérant que Pansy laisserait tomber.

Ce ne fut pas le cas.

« Potter était grand et... plus longiligne. Ce type est vraiment énorme ! Je ne savais même pas qu'on faisait des Moldus aussi grands », se précipita-t-elle.

» Euh, hum... », grommela Astoria. « D'habitude, tu l'entends arriver », mentit-elle. Le moldu avait l'habitude de surgir constamment derrière elle.

Pansy continua de s'épancher. « Ses épaules tiennent à peine dans l'encadrement de la porte ».

» Merlin », ricana Astoria. « Il n'est pas si gros que ça, Pansy. »

« Gros ? » Pansy fronça les sourcils. « Il est grassouillet, je te l'accorde, mais il y a beaucoup de muscles là-dessous. »

Astoria gémit. Dudley Dursley était la dernière personne dont elle avait envie de parler. « Tu es intéressée par un Moldu, Pans ? » Railla-t-elle.

« Putain, non ! Je dis juste qu'il n'est pas désagréable à regarder."

Pansy avait clairement perdu la tête.

» Son visage est pourtant extrêmement moyen », fit remarquer Astoria.

« Je pense que c'est juste ses yeux. Ils sont un peu... » elle agita ses mains devant son visage, »ternes. Comme s'il ne se passait pas grand-chose là-haut. »

» Ok, Pans », dit-elle en ricanant.

« Mais son corps est définitivement au-dessus de la moyenne. Il doit avoir un paquet impor-"

« Dégueulasse ! » Astoria eut un haut-le-cœur.

« Désolée », dit-elle en souriant.

Astoria haussa un sourcil avec méfiance. « Tu peux l'avoir si tu veux.

« Non, merci. » Elle se défila en croisant les jambes. « Il n'est pas mon genre ».

» Euh, huh », répliqua Astoria d'un air dubitatif.

» Il semblerait que tu sois son genre de fille. »

Si les regards pouvaient tuer, Pansy aurait été éventrée. Elle leva les mains en signe de reddition, signalant qu'elle ne faisait que plaisanter.

Astoria esquissa un sourire réticent. « Je suis le type de tout le monde. »

« Certainement pas tout le monde. Il faut que tu en gardes un peu pour moi. »

Son sourire retomba. « Enfin, presque pour tout le monde. »

Pansy se radoucit instantanément.

« Comment ça se passe ? » Elle demanda doucement, connaissant suffisamment Astoria pour ne même pas avoir à préciser ce que c'était.

« Ça va. C'est... »

« Tori. »

Astoria soupira. « Difficile. »

Pansy se posa à côté d'elle et lui prit la main. « Tu lui as déjà dit ? Ce que tu ressentais ? »

« Non », croassa-t-elle. Elle avait été trop lâche.

La sorcière hocha solennellement la tête. « C'est sans doute mieux ainsi, vu qu'il était avec Granger pendant tout ce temps. Je n'avais pas réalisé qu'il avait de si mauvais goûts."

Astoria déglutit contre la bile qui montait dans sa gorge.

« Elle était belle autrefois. Intelligente aussi. Je comprends comment c'est arrivé », répliqua-t-elle d'une voix rauque.

Et elle le pensait vraiment. Theo était intelligent et motivé, le genre à pouvoir suivre l'esprit aiguisé de Granger. Astoria venait à peine de passer ses B.U.S.E.s.

« Toi aussi », dit Pansy en la poussant du coude.

Astoria n'avait jamais eu les courbes qui ornaient autrefois le corps d'Hermione Granger. Elle était frêle et intacte, l'exemple même de ce qu'un Sang-Pur devrait être. Un lac tranquille. Sûre. Prévisible.

Granger était sauvage. Indomptable. Défendu.

Theo avait toujours été attiré par la mer.

« Oui, eh bien », dit Astoria en haussant les épaules. » C'est une longue histoire. »

« Donc tu n'as pas encore... »

» Non. Ça a disparu en même temps que mes parents. »

Pansy l'examina un instant, ses lèvres s'écartant avant de se refermer.

» Je comprends », répondit-elle. « Vas-tu le laisser la voir ? »

Astoria secoua la tête. « Non. Draco ne veut pas que quelqu'un la voie. »

« Mais s'il le faisait, tu le laisserais sortir de cette pièce ? ».

» Non », grogna Astoria avant de prendre une profonde inspiration. C'était une question pertinente, et se défouler sur son amie n'était pas juste. « Mais je suppose que Weasley pourrait y aller », proposa-t-elle.

Les yeux de Pansy s'illuminèrent à l'idée de tout le drame qui se déroulait. « Tu imagines ? Theo serait tellement furieux. Merlin, tu les as vus s'affronter dans la première tâche ? C'est un sacré triangle amoureux. Je ne pense pas qu'il y ait jamais eu un sorcier prêt à tuer pour moi. Et encore moins deux avec un nombre de cadavres qui se compte en milliers, putain. »

« Je tuerais pour toi, Pans. »

Son amie sourit. » Merci, trésor. Je tuerais aussi pour toi. »

« Tu sais, Daphné n'arrête pas de me pousser à le laisser s'entraîner avec elle et la Fouine », ajouta Astoria.

Elle avait pensé que Pansy se lancerait dans des théories sur la façon dont les deux sorciers interagiraient, sur l'angoisse qui se déploierait. Mais les mots de Pansy la surprirent.

« Je suis désolée. »

Astoria cligna des yeux. « Quoi ? »

« Ça doit être difficile pour toi », fronça-t-elle les sourcils. « Ta sœur n'est... pas la meilleure pour capter les émotions des autres.

Astoria acquiesça, ne se sentant pas capable de parler.

« Tu te souviens quand Blaise s'est entiché d'elle en troisième année ? » continua Pansy. « Elle était complètement inconsciente. »

« Daph pourrait le voir si elle le voulait, mais elle ne le fait pas parce qu'elle s'en fiche. Pour elle, tout est question de nécessité ; les émotions sont un luxe », répondit-elle avec amertume.

« Les émotions sont un luxe, je le reconnais. Mais Tori », soupira Pansy. « Tu ne peux pas t'attendre à ce qu'elle lise dans tes pensées. Tu dois lui dire ce que tu as ressenti, que la trahison de Théo t'a touchée plus durement qu'elle ne l'a fait pour elle. »

« Ça ne changerait toujours rien. »

» Ça pourrait le faire », insista Pansy. « Elle t'aime.

Astoria leva les mains en signe de frustration. « Mais elle a raison. Je ne peux pas le retenir enfermé pour toujours ! Il faudra que je l'affronte bien assez tôt. »

« Eh bien, tu n'en sais rien ; c'est à toi de décider. »

« Non, ça ne l'est pas », dit-elle en riant amèrement. « Vord insiste pour que je l'amène aux Anneaux le mois prochain. »

« Oh », souffla Pansy. » Je savais que les Champions y participeraient, mais je croyais que c'était le choix du Disciple. »

« C'est le cas », grogna Astoria. « Mais pas pour moi. »

Pansy se passa les mains dans les cheveux nerveusement. « Pourquoi veut-il que Theo soit là ? »

« Je ne sais pas », répondit Astoria d'une voix rauque. « Il veut probablement que je lui assure plus de votes pour que je puisse avancer dans la compétition ».

« C'est logique. »

En effet. Mais cela ne facilitait pas les choses.

» Je pense que tu vas vraiment t'amuser cette fois-ci », commença timidement Pansy. « C'est différent de ce que c'était avant. Plus raffiné. »

Astoria renifla. « Vraiment ? »

« Vraiment », insista Pansy. « Rita et moi avons fait des changements importants... »

« Oh, alors c'est Rita maintenant ? »

« On a eu un moment dans la salle de bain, ok ? » Marmonna Pansy sur la défensive. « Elle n'est pas aussi mauvaise que je le pensais. »

« Qui es-tu au juste ? » se moqua Astoria.

Pansy lui donna une tape sur l'épaule. « Je suis sérieuse ! » gronda-t-elle. « De toute façon, avec tous les dignitaires étrangers et la presse, nous avons dû faire le ménage. Tu devrais voir le manoir de Flint maintenant, il est sacrément impeccable."

« Alors tu as réussi à enlever toutes les taches de sperme de la moquette ? » Astoria grimaça.

« Et le sang », dit Pansy en frissonnant. « Il y a encore des chambres privées, cependant ; je suis sûre qu'elles auront besoin d'un nettoyage régulier. »

« Dégueulasse. »

« Les hommes sont dégoûtants », répond Pansy. « Les endroits où les gentlemen respectables se trouveront sont ceux qui se trouvent en bas. La salle de bal, le salon et les jardins sont une zone où on ne baise pas et où on ne tue pas », souffla-t-elle fièrement.

Astoria la regarde d'un air dubitatif. « Donc c'est juste l'étage que je dois éviter ? »

« Précisément. »

Alors que l'idée d'une société courtoise semblait séduisante, Astoria s'opposait à ce changement. Dans la débauche, elle recueillait la plupart de ses informations. Les plans de bataille se déversaient à travers les verres de whisky, les nouvelles politiques et les pétitions se bousculaient dans l'air parfumé par le sexe. C'était une ressource précieuse pour Astoria. Un endroit où elle pouvait récolter des secrets et des péchés pour les utiliser plus tard.

C'est ce qui lui avait permis de se frayer un chemin dans les faveurs de Vord. C'est ce qui lui permettait d'écraser ses concurrents. Elle avait rassemblé une liste personnelle de noms qu'elle faisait chanter, assurant ainsi la progression de sa sœur dans les rangs. Elle vendait même ces secrets pour que Daphné soit affectée à d'autres missions. Des missions auxquelles Astoria savait qu'elle ne se contenterait pas de survivre, mais qu'elle réussirait à conquérir, améliorant ainsi le nom de Greengrass.

C'était facile quand la débauche était la règle. Maintenant qu'elle était à ce niveau, cela devenait un choix, un choix qui attirerait une attention non désirée. Elle allait devoir trouver un moyen de monter sans éveiller les soupçons.

» Je pense que je peux y arriver », murmura Astoria. Son esprit était déjà en train de passer en revue les scénarios possibles.

« Parfait », applaudit Pansy. « As-tu pensé à ce que tu vas porter ? »

 

***

 

Ginny était allongée dans sa tente, un bras passé sur ses yeux pour se protéger de la lumière. Même avec des oreillers supplémentaires empilés sur son mince matelas, Ginny jura qu'elle pouvait encore sentir la blessure se presser dans la terre. 

« Comment va ta tête ?

Ginny se redressa, grimaçant en voyant la forme de Greyback. Elle ne l'avait même pas entendu entrer. 

» Qu'est-ce que tu crois, putain ? » Siffla Ginny en clignant des yeux pour échapper à sa vision trouble. 

Elle n'obtint qu'un grognement en guise de réponse. 

Il farfouilla dans sa tente, humant l'air tout en fouillant dans son contenu. Il n'y avait pas grand-chose. Un matelas, une couverture et des oreillers. Un grand coffre en bois et un réchaud compact. Un lourd bassin mental que Ginny ne parvenait qu'à rendre tiède, sa baguette bridée ne parvenant pas à le chauffer complètement.

Elle le regarda, dégoûtée, humer son pull-over tricoté non lavé. 

» Tu pourrais ne pas faire ça ? » grogna Ginny.

Greyback plissa les yeux avant d'arracher l'une des manches et de la ranger dans sa poche. Elle n'essaya pas de cacher le dégoût qui se lisait sur son visage. 

Ses narines se dilatèrent et il serra les poings. Il s'assit sur le tronc face à elle, le bout de ses doigts tambourinant sur le bois tandis qu'ils restaient assis dans un silence tendu. 

« La pleine lune est dans quelques jours, commença-t-il. « Tu seras renvoyée au château pour la nuit. »

Son cœur fit un bond. « Et Teddy ? » Elle se précipita.

La lèvre de Greyback se retroussa légèrement. « D'autres dispositions ont été prises.

L'espoir qui s'était emparé d'elle s'évanouit. 

« On a besoin de moi ailleurs, continua-t-il. « Après la pleine lune, je retournerai à ma mission. »

Ginny pensa qu'il semblait frustré, son visage s'assombrissant au fur et à mesure qu'il parlait. Greyback ne pouvait pas préparer son champion s'il n'était pas là. Elle devinait que cette mission n'était pas étendue aux autres Disciples humains. 

Il était une créature, après tout. Quels que soient ses efforts, il serait toujours traité comme tel. L'équité n'était pas un trait de caractère de Voldemort. Greyback était volontairement entravé, ce qui le désavantageait, lui et son champion. 

« Et mon entraînement ? railla Ginny. 

Ce n'est pas comme si elle voulait que Greyback l'entraîne. C'était un putain de sadique. Mais c'était amusant de lui rappeler qu'il ne pouvait pas. Qu'il échouait. Qu'il la laissait tomber. 

Elle ne s'attendait pas à la réponse qui suivit.

« Flint y veillera », répondit-il sans ambages. 

Ginny cligna des yeux. Son esprit devint momentanément vide. 

« Flint ? Siffla-t-elle. « Le psychopathe qui vient d'essayer de me tuer ? »

Greyback acquiesça. 

Ginny ne savait pas si elle devait rire ou pleurer. Il l'avait donc jetée dans une fosse avec Flint pour... quoi ? Pour voir si Flint pouvait la battre ? 

« Et comment sais-tu qu'il ne me tuera pas ? Ginny grogna. 

« Parce que je lui ai ordonné de ne pas le faire. Et la meute suit toujours mes ordres. »

Ginny se moqua. « Ça n'en a pas l'air, putain. »

Si proche de la pleine lune, nous, les loups, avons moins....de retenue, » grommela Greyback à contrecœur. 

Elle montra d'un geste dégoûté la manche qu'il avait dans sa poche. « Ouais, je peux voir ça, putain ».

Le loup l'ignora. » Phynn veillera à ce que tu continues tes obligations professionnelles », poursuivit-il. » Ta magie est passable, mais tes réflexes sont lents. »

« J'ai été joueuse de Quidditch, mes réflexes sont meilleurs que ceux de n'importe quel autre Champion », se défendit Ginny en relevant le menton. « Nous ne sommes pas tous des bêtes.

Son maître arqua un sourcil en la regardant. 

« Pour l'instant. Tu ne sais pas en quoi consistera la Seconde Tâche, ni quelles tactiques les autres Disciples utiliseront pour assurer leur succès. Quels... avantages ils ont acquis pour leurs Champions. »

« Des avantages ? » Ginny fronça les sourcils. « Comme quoi ? Des potions d'amélioration de la magie ou quelque chose comme ça ? »

Greyback pencha la tête. « Peut-être. »

« Ce serait de la triche », siffla Ginny. 

Greyback sourit, une lueur complice dans les yeux. « Il n'y a rien de tel dans ces jeux. »

Ginny se mordit la lèvre en réfléchissant. Si les Disciples étaient libres de s'immiscer dans la vie de leurs Champions, alors ils seraient tous des rats de laboratoire. Les potions seraient la moindre des choses. Ils pourraient utiliser la magie noire, la magie du sang. Ils pourraient les transformer en quelque chose d'à peine humain. 

Comme un loup-garou. 

Ginny releva les yeux vers Greyback, inspirant bruyamment. 

» Tu dois être plus rapide, plus forte, plus agile que les autres. Tu te fies trop à ta magie », dit-il, la menace étant claire. 

Continue, ou tu seras transformée. 

Putain de merde. Putain. 

Les pensées de Ginny s'embrouillèrent. S'il la mordait, elle pourrait ne pas survivre à la transformation. Elle pourrait mourir. 

» Je joue sur mes atouts », siffla-t-elle. Son lancer était sûrement suffisant. Il ne pouvait pas risquer qu'elle meure. Il ne le ferait pas. 

» Et que se passera-t-il quand on te l'enlèvera ? » Greyback ronronna. « Et s'il y a une tâche qui ne nécessite aucune magie ? »

Ginny se tut. 

Sentant sa défaite, son maître se tourna vers la sortie de la tente. « Flint te formera. Je superviserai quand je le pourrai. »

Le loup rayonnait de suffisance et la colère de Ginny s'enflamma. Les mots s'échappèrent avant qu'elle ne puisse les arrêter. 

« Ton maître doit te mépriser.

Greyback se raidit. 

« Il m'a confié quelque chose qu'aucun humain ne peut faire », répondit-il, la voix basse en signe d'avertissement. 

Ginny se moqua. « C'est-à-dire ? »

Il se tourna vers elle, les yeux jaunes brillants d'une soif de sang à peine dissimulée. « La chasse.

Elle se mordit la langue si fort qu'elle s'ensanglanta. Mais Ginny était déjà déchaînée. Une bougie placée sous un rideau. Elle était la fille de sa mère, et elle brûlerait tout avant de céder. 

« Chasser qui ? » Elle fulmina. 

Greyback se mit à battre des ailes. « Ce n'est pas un qui, c'est un quoi. Il y a eu des disparitions étranges, mon travail est de les trouver. »

« Ne me dis pas qu'il te fait chasser les Détraqueurs ? » Ginny rit. 

Elle hurla intérieurement, se suppliant de se taire pour une fois dans sa vie. 

Au lieu de cela, elle continua à se moquer de lui, en s'attaquant à sa plus grande insécurité. Ses lacunes. » C'est un putain de mythe. Il te fait tourner en rond.  »

Greyback s'approcha d'elle en trombe, le regard mortel. » Tu n'es pas en position de te moquer de moi, fillette. »

Il avait raison. Ginny était acculée. Piégée. Désespérée, ligotée et entièrement à sa merci. 

Mais elle était aussi une petite garce orgueilleuse, égoïste et rancunière. 

» Je sais exactement où je me trouve », cracha-t-elle en levant le menton. 

Il fut sur elle en un instant.

Elle se tortilla sous son poids tandis qu'il l'enfonçait dans le matelas, se servant d'une main pour lui coincer les poignets au-dessus de la tête tandis que l'autre lui arrachait ses vêtements. 

Il n'y avait pas de convoitise dans son regard, seulement une fureur mortelle. Il ne s'agissait pas d'un acte sexuel, mais d'un acte de violence. De pouvoir. Ginny rugit lorsqu'il serra son sein gauche, ses ongles transperçant sa peau tandis qu'il l'écrasait dans sa paume. 

Il sentait mauvais. Pas lavé et inhumain. Un putain d'animal répugnant. Quelqu'un qui n'avait aucun droit sur son corps. 

Ginny fit la seule chose qui lui vint à l'esprit. Elle s'élança vers sa gorge et mordit.

Greyback se figea au-dessus d'elle tandis que ses dents s'enfonçaient dans sa chair, le cuivre emplit sa bouche tandis qu'elle s'accrochait à un morceau et le déchira. 

Le sang gicla sur son visage tandis qu'elle ramenait sa tête en arrière et lui crachait sa chair, rugissant tandis qu'elle se débattait sous lui. 

S'il souffrait, il ne le montrait pas. Au lieu de cela, Greyback la fixait avec des yeux écarquillés, non pas de peur, de choc ou de colère, mais de.... vénération. 

Son maître se détacha d'elle et lui prit la joue, passant son pouce sur sa lèvre inférieure ensanglantée. Ginny grogna et fit claquer sa main de ses dents tachées de rouge, le forçant à reculer. 

Il se leva rapidement, la main agrippée à son cou, tandis qu'elle s'éloignait de lui. Ses poumons se gonflèrent tandis qu'elle luttait pour se couvrir, tirant son t-shirt déchiré sur sa poitrine exposée et sanguinolente.

Greyback n'avait toujours pas bougé, regardant fixement entre elle et sa main trempée de sang. Il continuait à se tordre le cou et à retirer sa main, encore et encore, comme s'il n'arrivait pas à croire qu'elle l'avait mordu. Il n'arrivait pas à croire que c'était son sang qui tachait sa paume. 

Ses yeux se fixèrent enfin sur les siens et son visage se décomposa de crainte et de quelque chose d'autre. Quelque chose qui ressemblait étrangement à de la panique. 

Son regard ne le quitta pas tandis qu'il s'éloignait précipitamment, des taches sanglantes le suivant à la trace hors de la tente. Ginny resta recroquevillée dans le coin, le corps meurtri, tandis qu'elle réfléchissait à ce qu'elle venait de faire.

Ginny entra dans la fosse, réprimant un frisson alors qu'elle se tenait pieds nus dans la boue. Greyback la regarda, les sourcils froncés. Elle ne pouvait pas dire s'il était anxieux ou plein d'impatience, la barrière magique qu'il avait érigée autour de la fosse illuminant ses traits.

« C'est nécessaire », avait-il dit.

Peu importe ce que cela signifiait.

Ginny ne comprenait pas ce qui se passait. Elle pensait qu'il avait eu besoin d'elle, qu'elle était son ticket pour le pouvoir.

Maintenant, elle était jetée aux loups. Littéralement.

Ils l'observaient tous en silence pendant qu'elle attendait, enveloppée par le nuage gris omniprésent qui régnait sur la forêt et la teinte rose de l'aube. Mais Ginny était désormais concentrée sur une chose et une seule.

Marcus Flint.

Il la fixait à l'autre bout de la fosse, baguette serrée dans sa main. Ses yeux noisette la fixaient intensément, et elle se demandait ce qu'elle avait bien pu faire pour susciter une telle haine. Il avait soutenu l'Ordre, n'est-ce pas ? Théo avait dit qu'il avait aidé les prisonniers à s'échapper.

Quand il était resté sur place, ils avaient supposé qu'il était mort. Ils avaient supposé beaucoup de choses.

Peut-être était-il en colère qu'ils ne soient pas venus le chercher. Peut-être s'est-il senti trahi. Et pour la deuxième fois, Ginny se demanda si Hermione avait déjà ressenti cela. La même rage qui brûlait dans le regard de Marcus était-elle cachée derrière ses yeux morts ?

Ginny sentit une libération autour de son cou, une damnation dont les portes étaient ouvertes. Elle sentit la chaude bouffée de magie traverser son corps, et elle faillit gémir de soulagement. Sa baguette chantait dans sa main, signalant sa connexion avec son maître.

Sans restriction. Libérée.

Ginny prépara sa position.

» Pas de mort », annonça Greyback. Elle ne savait pas s'il s'adressait à elle ou à Flint. Ses yeux refusaient de quitter le visage du sorcier, attendant le moindre signe annonciateur d'une attaque.

Flint se déplaça.

» Et pas de séquelles permanentes ! » Greyback grogna comme s'il s'agissait d'une réflexion après coup.

Le cœur de Ginny s'accéléra. Flint avait-il pris de l'Aconium ? Allait-il se transformer ?

Oh Godric, allait-il la transformer ?

Ginny jeta un rapide coup d'œil à Greyback, les yeux suppliants. « C'est quoi ce bordel ? » murmura-t-elle, incapable de formuler plus de trois mots.

Greyback serra la mâchoire, ses yeux se durcirent et il détourna le regard.

» Démarrez », dit-il d'un ton cassant.

La malédiction s'abattit instantanément sur elle, faisant basculer ses pieds dans la boue. Le feu se propagea à travers son épaule et elle étouffa un cri de douleur.

« Endoloris ! » cria Flint.

Ginny réussit à rouler, la malédiction passant à côté de son oreille alors qu'elle se remettait debout.

« Qu'est-ce que tu fais, putain ! » Elle hurla, esquivant une boule de feu qu'il lançait dans sa direction.

Flint était censé être de son côté. Il les avait aidés. Théo avait été catégorique.

Mais les yeux de Marcus Flint étaient froids, et elle se demanda si ce duel avait été son idée, et non celle de Greyback. Elle se creusa la tête, essayant de se souvenir des interactions qu'elle avait eues avec Flint.

Il avait quelques années de plus qu'elle à Poudlard. Ils ne s'étaient jamais parlé. Il avait eu quelques démêlés avec ses frères, la rivalité typique entre Serpentard et Gryffondor sur le terrain de Quidditch. Fred lui avait cassé les dents une fois. Ce qui, en toute honnêteté, était une faveur. On s'était constamment moqué de lui à cause de ses dents tordues, mais le fait de les perdre l'avait incité à les faire réparer.

Merde, même aujourd'hui, ses dents étaient impeccables lorsqu'il grogna contre elle. On pouvait même dire qu'il était beau...

« Expulso ! »

Ginny vola contre le mur de terre, se cognant l'arrière de la tête sur un rocher exposé. Instinctivement, elle jeta un bouclier autour d'elle alors qu'elle s'effondrait à genoux, les oreilles bourdonnantes tandis qu'un liquide chaud ruisselait le long de son cou.

Flint lutta sans relâche contre son bouclier, lançant une série de malédictions et de maléfices.

Elle pouvait entendre des cris. Le son était étouffé et déformé dans ses oreilles. Ginny secoua la tête pour la dégager, s'efforçant de rester consciente.

Les jambes instables, Ginny se mit debout et s'appuya contre le mur. Son bouclier se dérobait, et elle savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps.

Teddy.

Elle devait protéger Teddy.

Rien d'autre ne comptait. Ni Flint, ni sa confusion, ni sa douleur. Ni les circonstances qui la conduisirent ici, ni la façon dont le sorcier en face d'elle avait survécu. Ni le tournoi, ni les classements, ni le mystère qui entourait Hermione Granger.

Il n'y avait que Teddy. Il n'y aurait jamais que Teddy.

Et pour l'instant, Teddy avait besoin d'elle pour vivre.

Ginny prit une profonde inspiration et coupa son bouclier. D'un seul mouvement fluide, elle s'accroupit et pointa sa baguette sur le rocher qui dépassait du mur, l'arrachant ainsi.

Elle décrivit un large arc de cercle, rugissant en envoyant le rocher droit sur Flint. Le sorcier se déplaça à une vitesse inhumaine, ses réflexes de loup le propulsant hors du chemin.

Mais il était déjà trop tard.

Le rocher s'écrasa sur le côté de sa tempe.

Un tel coup aurait dû le tuer, mais il ne fit que trébucher. Ses yeux noisette s'assombrirent tandis qu'il se stabilisait, ignorant le flot de sang qui recouvrait une moitié de sa tête. Il n'y avait rien d'humain dans son regard, juste une bête folle pleine de colère et de soif de sang.

« Ça suffit ! » Greyback grogna.

Mais Flint ne l'entendait pas. Soit à cause de la commotion qu'elle venait de lui infliger, soit parce qu'il était trop loin. Il leva sa baguette.

Ginny savait qu'il allait la tuer. Elle avait vu ce regard suffisamment de fois sur le champ de bataille pour le reconnaître. Mais dans ces moments-là, elle était prête, elle l'avait prévu. Elle avait passé des semaines à s'y préparer mentalement. Dans la clandestinité, elle était toujours prête, mais elle était devenue complice des loups. Elle avait baissé sa garde dans la routine.

Stupide.

Il était plus fort qu'elle, plus rapide. Ses traits de loup renforçaient ses talents de sorcier. Elle leva tout de même sa baguette, sachant que cela ne suffirait pas.

La baguette de Flint s'illumina en vert. Le Sortilège de la mort se déversa de ses lèvres.

« Avada Kadava ! »

Elle pouvait voir la malédiction se diriger vers elle au ralenti. Son bouclier se détacha de sa baguette. Il ne la protégera pas à temps.

La mort arrivait.

Le noir éclipsa sa vision. Un gros poids se heurta à son flanc, l'envoyant s'écraser au sol. Un rugissement retentit au-dessus d'elle, sinistre et puissant. Il ébranla son crâne, faisant pénétrer la terreur dans ses os.

Ginny leva les yeux et vit un monstre qui la dominait. Ses jambes massives étaient accroupies au-dessus d'elle, protégeant son corps. Une fourrure anthracite recouvrait son corps musclé alors qu'il faisait face à Flint.

Avec un autre rugissement monstrueux, Flint laissa tomber sa baguette et s'agenouilla. Il baissa la tête, s'inclinant devant la bête. Ginny pouvait sentir sa puissance rayonner de sa chair. L'odeur familière de la fumée et de la saleté fut éclipsée par le parfum de la magie ancienne.

Alors que la bête s'éloignait d'elle et rôdait vers Flint, elle put apercevoir à quel point elle était massive. Deux, voire trois fois la taille des loups qu'elle avait vus dans la fosse.

Il ouvrit ses mâchoires, grogna et ses dents acérées comme des lames de rasoir s'élancèrent vers la forme immobile de Flint.

» Stop. »

La bête se figea.

Ginny leva les yeux vers la voix, sursautant en découvrant que Greyback l'observait toujours sous sa forme humaine.

« J'en ai assez vu. Nous en avons fini pour aujourd’hui. » Ordonna-t-il.

Son python se resserra autour de son cou, et le flot de sa magie se coupa brusquement, ne laissant qu'un faible filet d'eau. Ginny le remarqua à peine, regardant avec terreur et admiration la bête charbonneuse reprendre forme humaine.

Il n'y eut pas de cris ni de craquements d'os. Il n'y eut pas d'agitation ou de grognement lorsqu'elle fit demi-tour. C'était fluide, gracieux. Aussi facile que de respirer.

Phynn émergea, toujours debout au-dessus de Flint.

« Tu n'aurais pas dû faire ça, putain » siffla-t-elle en le frappant à la tête.

Ses tresses tombaient en cascade sur son dos nu, se balançant tandis qu'elle se tournait et marchait vers Ginny. Sans se soucier du fait que son corps était exposé aux spectateurs.

» Viens, Rouge », souffla-t-elle en lui tendant la main. « On va te nettoyer. »

 

***

 

» Merde », chuchota Pansy. « Une voyante, hein ? »

Astoria acquiesça, provoquant un léger « tsk » de la part de Pansy, qui était en train d'enduire ses racines d'une potion mortelle. » Je t'ai dit de ne pas bouger ! » Lança-t-elle en guise de réprimande.

« Désolée », grommela Astoria, qui grimaça lorsque Pansy remit brutalement sa tête en place.

Du bout de sa baguette, Pansy activa la potion de chaque section, transformant ses racines sombres en ce blond clair que Vord aimait tant.

« Je sais qu'il peut être un peu excentrique, mais quand même, une vision de Granger, c'est un peu exagéré », songea Pansy.

Astoria fredonna en signe d'assentiment. « Il avait l'air sincère. Et c'est la seule explication au fait qu'il savait que Granger était encore en vie là-dedans. »

» Un rêve énigmatique, quand même. Je t'accorde que je ne connais pas grand-chose à la divination. » Elle marqua un temps d'arrêt : « Je suis surprise qu'il ne t'ait pas fait intervenir. »

« Moi ? » Astoria se renfrogna. « Pourquoi m'enverrait-il chercher Granger ? »

Pansy posa sa baguette et attrapa son verre de vin à moitié vide, s'arrêtant pour en prendre une bonne gorgée malgré le fait qu'il soit dix heures du matin.

» Tu sais », déglutit-elle en se servant de son verre pour faire un geste vers la... totalité d'Astoria. « Le cœur pur, la lumière et tout le reste. »

Astoria sourcilia. » Je suis loin d'être pure Pans. »

Pansy haussa un sourcil. « Tu es toujours vierge, n'est-ce pas ? »

« Ça n'a rien à voir ! » grogna-t-elle. « Il a dit ' »lumière pure », pas “chatte pure”. »

Pansy renifla de rire. « Détends-toi, je plaisantais. »

Astoria croisa les bras en grognant. « Peut-être que la prochaine fois, je garderai ça pour moi jusqu'à ce que je le dise à Draco ».

« Non ! » aboya Pansy, la faisant sursauter. La sorcière baissa la voix, les épaules affaissées. « Ne le fais pas. »

Pansy posa son verre et saisit la main d'Astorias. « Merci de me l'avoir dit. De m'avoir fait confiance. Je sais que je ne suis pas... » Pansy déglutit, « Je sais que je suis un peu désordonnée. Et je n'en ai pas le droit, étant donné ma position. Toi et les autres avez tous des marques alors que je... »

« C'est bon, Pansy. »

» Non, ça ne l'est pas », insista Pansy. « C'est injuste. Et je comprends pourquoi je suis souvent mise à l'écart. Je n'ai pas vécu ce que vous avez tous dû vivre. Je n'ai perdu personne. Mais je suis toujours votre ami. Je veux toujours vous aider à ma façon, même si ce n'est qu'une épaule sur laquelle pleurer ou une oreille attentive à laquelle se confier. »

Astoria se radoucit. « Pans, nous ne te laissons pas de côté parce que nous le voulons. C'est juste que nous ne voulons pas te mêler à la merde dans laquelle nous sommes coincés. »

« Peut-être que j'ai envie d'être couverte de merde. »

« Personne ne veut être couvert de merde, Pans. » Astoria rit. « Mais tu es notre ami. Et tu nous apportes beaucoup. Daphné et moi serions mortes sans toi pour veiller sur nous."

» Je ne représentais qu'une maison et un peu de nourriture », marmonna Pansy.

» C'était bien plus que ça », insista Astoria.

Pansy renifla. « C'est vrai. Bon... d'accord. Essaie de me tenir au courant, d'accord ? Je ne vais le dire à personne. »

» Je le ferai », promit Astoria, la bouche amère face à ce mensonge. Elle dirait à Pansy ce qu'elle pouvait, mais il y avait encore beaucoup de choses qu'elle ne pouvait pas dire. Des secrets qu'elle ne pouvait révéler à personne.

Le reste du temps, elles le passèrent en plaisantant et en racontant des ragots. Maugrey se plaignait de l'humeur maussade de Londubat et des insultes qu'il proférait à l'encontre de tous ceux qui soufflaient dans sa direction.

« Weasley est pareil », grommela Astoria. « Mais ce n'est pas aussi grave qu'avant. C'est sa mère qui est le vrai danger. »

« Mme Weasley ? » Pansy fronça les sourcils. » Celle qui est mal lunée ? »

» Oui “, ricana Astoria, ” Elle a essayé de me poignarder, mais elle n'a pas été capable de le faire ! ». « Elle a essayé de me poignarder. »

La bouche de Pansy se figea. « Elle a quoi ? »

Astoria raconta la suite de l'histoire. Elle avait montré la cuisine à Mme Weasley, ayant entendu dire que la sorcière aimait cuisiner. Elles avaient déjà enfermé tous les ustensiles dangereux par précaution, mais Astoria voulait quand même offrir l'espace à la sorcière en guise d'offrande de paix. Une mère heureuse fait un champion heureux. Et un champion heureux rendrait les efforts de Daphné beaucoup plus simples.

Sa plus grande erreur avait été de lui montrer le garde-manger, disparaissant brièvement de l'œil attentif de Daphné. Mme Weasley s'était jetée sur Astoria, lui cognant la tête contre l'une des étagères et leur envoyant à toutes les deux une panoplie d'ingrédients de pâtisserie. Astoria avait crié lorsqu'un sac de farine avait éclaté, mais cela lui avait donné quelques précieuses secondes pour s'échapper lorsque la poudre blanche avait explosé dans l'air entre elles.

Elle avait dégringolé sur le sol de la cuisine, crachant de la farine avec une dent cassée. Sa vision était partiellement aveuglée par le sang qui coulait sur son visage alors qu'elle rampait pour se mettre à l'abri. C'est alors que, tel un griffon traversant la neige, Mme Weasley était apparue. La folle s'était accroupie et avait sorti un paquet emballé d'un endroit qu'Astoria jurait avoir imaginé, car qui aurait pu penser à faire une chose pareille ?

Mrs Weasley avait déballé le tissu humide pour révéler un couteau à l'allure sinistre, qui était étonnamment grand pour l'espace qu'il occupait auparavant. Ses yeux promettaient la mort, et Astoria ne pouvait rien faire d'autre que de crier. La mort par la farine et un couteau venu de son abdomen n'était pas quelque chose qu'elle avait envisagé.

Daphné était parvenue à étourdir la sorcière juste au moment où la lame descendait vers sa gorge, envoyant sa meurtrière potentielle et son arme sale s'écraser sur le comptoir.

Astoria en riait maintenant avec Pansy, mais cela l'empêchait encore de dormir.

« Wow, alors elle n'a définitivement pas une chatte pure ». s'exclame Pansy.

Astoria pouffa de rire. « Non, et les seules frontières qu'elle pourrait franchir sont celles qui mènent à la folie ».

Pansy acquiesça, remplit à nouveau son verre et en versa un à Astoria. « C'est une dure à cuire, quand même », dit-elle en haussant les épaules.

Astoria fit tinter son verre contre celui de Pansy. » Je déteste l'admettre, mais oui. Complètement dingue."

Les deux femmes avaient presque terminé la bouteille lorsque les cheveux d'Astoria furent lavés, séchés et ramenés à leur teinte blond clair. Même si son ancienne chevelure lui manquait, ce look lui donnait une certaine innocence, une apparence angélique qui jouait en sa faveur.

Elle était en train d'admirer le travail de Pansy lorsqu'une nouvelle personne entra dans la pièce.

» Bien- » s'étrangla le moldu en voyant non pas une mais deux sorcières dans l'observatoire.

Astoria haussa un sourcil. « Bien ? »

« Tu es jolie », se précipita-t-il, les joues rougies alors qu'il la regardait, la fixait, avec ses putains d'yeux stupides.

Bleus et vitreux, sans une once d'intelligence derrière eux.

« Qu'est-ce que tu veux, putain ? » Astoria souffla, brandissant à nouveau le miroir pour admirer ses cheveux.

Elle pouvait le voir se traîner maladroitement dans le reflet. « Je ah, je me demandais si je pouvais accéder à la bibliothèque ? ».

« Tu sais lire ? » Elle renifla.

« En quelque sorte. »

Astoria soupira, posant le miroir sur la coiffeuse conjurée par Pansy. « Pour quoi faire ? » aboya-t-elle.

« Pour... lire ? » Il balbutia.

» D'accord », soupira Astoria. « Mais nous n'avons pas de livres pour enfants ».

Le moldu hocha la tête avec empressement. « C'est très bien. »

« Et nous n'en avons pas non plus pour les Moldus. »

« Je ne les lis jamais de toute façon. »

Pansy étouffa un grognement.

Astoria se mordilla la lèvre. « Très bien. Certains livres sont ensorcelés pour tuer les Moldus, par contre."

Il fronça les sourcils. « Lesquels ? »

« La plupart d'entre eux », répondit-elle joyeusement.

« D'accord, je suppose que je vais juste... » Il haussa les épaules, sans se laisser impressionner par la menace. » Deviner ce qu'il en est. »

Astoria sourit. « Oh, je t'en prie. »

Elle pensait que ce serait tout, mais le Moldu continuait à le fixer. Ce serait presque déconcertant s'il n'était pas aussi stupide.

Pansy le dévisagea de haut en bas, s'attardant sur ses larges épaules qui occupaient presque la totalité de l'embrasure de la porte.

Répugnant.

Astoria rejeta ses cheveux sur son épaule en soufflant. « Quoi ? » dit-elle d'un ton sec.

Il baissa les yeux sur ses pieds. « Theo ah, Theo m'a demandé de te demander si- »

« Non », dit-elle froidement.

« Mais... »

« La réponse est non. Il ne sortira pas. »

Le moldu regarda autour de lui d'un air perplexe. « Sortir où ? »

Oh pour-

« Putain de merde », grogna-t-elle en jetant ses mains en signe de frustration. « Qu'est-ce qu'il voulait me demander ? »

Le lourdaud, Duddy, Dudley ou Dougly ou quel que soit son putain de nom, inspira profondément en se cabrant.

« Il a dit qu'il voulait voir Hermione », répondit-il tranquillement.

Astoria se figea.

« Et... Roy aussi », termina-t-il docilement.

« Roy ? » demanda Pansy.

« Le rouquin. »

Pansy laissa échapper un éclat de rire, s'effondrant sur la coiffeuse, hystérique.

Astoria saisit la distraction pour se ressaisir, voulant que sa voix reste indifférente.

» Il faudra que tu demandes à Daphné à propos de Roy », dégaina Astoria, soulagée de retrouver des mots cohérents.

« Peux-tu lui demander ? » Doughy, non, demanda Dudley.

« Non, tu peux le faire », répondit Astoria d'un ton moqueur. « Elle est très accessible. »

« Mais Roy lui a déjà demandé et elle a dit non », geignit-il. Il pleurnichait littéralement. Devant elle.

« Alors pourquoi me le demandes-tu ? » dit-elle d'un ton cassant.

« Parce qu'il m'a aussi demandé de te le demander ».

Voilà qui était surprenant.

« Pourquoi Roy ne peut-il pas me le demander lui-même ? »

» Parce qu'il a dit que tu n'étais... pas gentille », marmonna-t-il maladroitement.

Et ce n'était pas du tout surprenant. Elle avait l'impression que Dudley avait choisi de filtrer les mots choisis que Weasley utiliserait pour la décrire.

« Je n'en doute pas », dit Astoria en ricanant. « Eh bien, tu peux dire à Theo et Roy que la réponse est non. »

Le moldu relâcha ses épaules.

« Mais si tu veux, tu peux peut-être lui rendre visite ? » Taquina-t-elle.

Dudley secoua violemment la tête. « Non, merci. »

Pansy étouffa une nouvelle salve de gloussements.

« Tu es sûre ? » insista Astoria.

« Oui », se précipita-t-il. « Je veux dire, non. Non, merci. Je suis... je suis sûr. »

Astoria sourit. « Tu l'es ? »

Il hocha frénétiquement la tête en reculant vers la porte. « Bon... après-midi », balbutia-t-il. « Désolé. »

Il partit sans se retourner, laissant des traces de pas boueuses dans son sillage.

» Putain de gamin », grommela Astoria en lançant un rapide Scougify, prenant note d'interdire au moldu d'entrer dans la maison avec des bottes pleines de boue. Ou alors, elle pourrait lui interdire complètement de sortir.

Astoria s'affaissa dans son siège, découvrant que Pansy lui souriait. Elle détestait ce sourire. Cela signifiait qu'elle allait se faire griller.

« Qui était-ce ? » cria-t-elle.

« Le Moldu ? C'est le partenaire de Théo."

La bouche de Pansy demeura ouverte. « Le cousin de Potter ? »

« Oui. »

« Ils ne se ressemblent pas du tout ! »

« Je suppose. » Astoria haussa les épaules, espérant que Pansy laisserait tomber.

Ce ne fut pas le cas.

« Potter était grand et... plus longiligne. Ce type est vraiment énorme ! Je ne savais même pas qu'on faisait des Moldus aussi grands », se précipita-t-elle.

» Euh, hum... », grommela Astoria. « D'habitude, tu l'entends arriver », mentit-elle. Le moldu avait l'habitude de surgir constamment derrière elle.

Pansy continua de s'épancher. « Ses épaules tiennent à peine dans l'encadrement de la porte ».

» Merlin », ricana Astoria. « Il n'est pas si gros que ça, Pansy. »

« Gros ? » Pansy fronça les sourcils. « Il est grassouillet, je te l'accorde, mais il y a beaucoup de muscles là-dessous. »

Astoria gémit. Dudley Dursley était la dernière personne dont elle avait envie de parler. « Tu es intéressée par un Moldu, Pans ? » Railla-t-elle.

« Putain, non ! Je dis juste qu'il n'est pas désagréable à regarder."

Pansy avait clairement perdu la tête.

» Son visage est pourtant extrêmement moyen », fit remarquer Astoria.

« Je pense que c'est juste ses yeux. Ils sont un peu... » elle agita ses mains devant son visage, »ternes. Comme s'il ne se passait pas grand-chose là-haut. »

» Ok, Pans », dit-elle en ricanant.

« Mais son corps est définitivement au-dessus de la moyenne. Il doit avoir un paquet impor-"

« Dégueulasse ! » Astoria eut un haut-le-cœur.

« Désolée », dit-elle en souriant.

Astoria haussa un sourcil avec méfiance. « Tu peux l'avoir si tu veux.

« Non, merci. » Elle se défila en croisant les jambes. « Il n'est pas mon genre ».

» Euh, huh », répliqua Astoria d'un air dubitatif.

» Il semblerait que tu sois son genre de fille. »

Si les regards pouvaient tuer, Pansy aurait été éventrée. Elle leva les mains en signe de reddition, signalant qu'elle ne faisait que plaisanter.

Astoria esquissa un sourire réticent. « Je suis le type de tout le monde. »

« Certainement pas tout le monde. Il faut que tu en gardes un peu pour moi. »

Son sourire retomba. « Enfin, presque pour tout le monde. »

Pansy se radoucit instantanément.

« Comment ça se passe ? » Elle demanda doucement, connaissant suffisamment Astoria pour ne même pas avoir à préciser ce que c'était.

« Ça va. C'est... »

« Tori. »

Astoria soupira. « Difficile. »

Pansy se posa à côté d'elle et lui prit la main. « Tu lui as déjà dit ? Ce que tu ressentais ? »

« Non », croassa-t-elle. Elle avait été trop lâche.

La sorcière hocha solennellement la tête. « C'est sans doute mieux ainsi, vu qu'il était avec Granger pendant tout ce temps. Je n'avais pas réalisé qu'il avait de si mauvais goûts."

Astoria déglutit contre la bile qui montait dans sa gorge.

« Elle était belle autrefois. Intelligente aussi. Je comprends comment c'est arrivé », répliqua-t-elle d'une voix rauque.

Et elle le pensait vraiment. Theo était intelligent et motivé, le genre à pouvoir suivre l'esprit aiguisé de Granger. Astoria venait à peine de passer ses B.U.S.E.s.

« Toi aussi », dit Pansy en la poussant du coude.

Astoria n'avait jamais eu les courbes qui ornaient autrefois le corps d'Hermione Granger. Elle était frêle et intacte, l'exemple même de ce qu'un Sang-Pur devrait être. Un lac tranquille. Sûre. Prévisible.

Granger était sauvage. Indomptable. Défendu.

Theo avait toujours été attiré par la mer.

« Oui, eh bien », dit Astoria en haussant les épaules. » C'est une longue histoire. »

« Donc tu n'as pas encore... »

» Non. Ça a disparu en même temps que mes parents. »

Pansy l'examina un instant, ses lèvres s'écartant avant de se refermer.

» Je comprends », répondit-elle. « Vas-tu le laisser la voir ? »

Astoria secoua la tête. « Non. Draco ne veut pas que quelqu'un la voie. »

« Mais s'il le faisait, tu le laisserais sortir de cette pièce ? ».

» Non », grogna Astoria avant de prendre une profonde inspiration. C'était une question pertinente, et se défouler sur son amie n'était pas juste. « Mais je suppose que Weasley pourrait y aller », proposa-t-elle.

Les yeux de Pansy s'illuminèrent à l'idée de tout le drame qui se déroulait. « Tu imagines ? Theo serait tellement furieux. Merlin, tu les as vus s'affronter dans la première tâche ? C'est un sacré triangle amoureux. Je ne pense pas qu'il y ait jamais eu un sorcier prêt à tuer pour moi. Et encore moins deux avec un nombre de cadavres qui se compte en milliers, putain. »

« Je tuerais pour toi, Pans. »

Son amie sourit. » Merci, trésor. Je tuerais aussi pour toi. »

« Tu sais, Daphné n'arrête pas de me pousser à le laisser s'entraîner avec elle et la Fouine », ajouta Astoria.

Elle avait pensé que Pansy se lancerait dans des théories sur la façon dont les deux sorciers interagiraient, sur l'angoisse qui se déploierait. Mais les mots de Pansy la surprirent.

« Je suis désolée. »

Astoria cligna des yeux. « Quoi ? »

« Ça doit être difficile pour toi », fronça-t-elle les sourcils. « Ta sœur n'est... pas la meilleure pour capter les émotions des autres.

Astoria acquiesça, ne se sentant pas capable de parler.

« Tu te souviens quand Blaise s'est entiché d'elle en troisième année ? » continua Pansy. « Elle était complètement inconsciente. »

« Daph pourrait le voir si elle le voulait, mais elle ne le fait pas parce qu'elle s'en fiche. Pour elle, tout est question de nécessité ; les émotions sont un luxe », répondit-elle avec amertume.

« Les émotions sont un luxe, je le reconnais. Mais Tori », soupira Pansy. « Tu ne peux pas t'attendre à ce qu'elle lise dans tes pensées. Tu dois lui dire ce que tu as ressenti, que la trahison de Théo t'a touchée plus durement qu'elle ne l'a fait pour elle. »

« Ça ne changerait toujours rien. »

» Ça pourrait le faire », insista Pansy. « Elle t'aime.

Astoria leva les mains en signe de frustration. « Mais elle a raison. Je ne peux pas le retenir enfermé pour toujours ! Il faudra que je l'affronte bien assez tôt. »

« Eh bien, tu n'en sais rien ; c'est à toi de décider. »

« Non, ça ne l'est pas », dit-elle en riant amèrement. « Vord insiste pour que je l'amène aux Anneaux le mois prochain. »

« Oh », souffla Pansy. » Je savais que les Champions y participeraient, mais je croyais que c'était le choix du Disciple. »

« C'est le cas », grogna Astoria. « Mais pas pour moi. »

Pansy se passa les mains dans les cheveux nerveusement. « Pourquoi veut-il que Theo soit là ? »

« Je ne sais pas », répondit Astoria d'une voix rauque. « Il veut probablement que je lui assure plus de votes pour que je puisse avancer dans la compétition ».

« C'est logique. »

En effet. Mais cela ne facilitait pas les choses.

» Je pense que tu vas vraiment t'amuser cette fois-ci », commença timidement Pansy. « C'est différent de ce que c'était avant. Plus raffiné. »

Astoria renifla. « Vraiment ? »

« Vraiment », insista Pansy. « Rita et moi avons fait des changements importants... »

« Oh, alors c'est Rita maintenant ? »

« On a eu un moment dans la salle de bain, ok ? » Marmonna Pansy sur la défensive. « Elle n'est pas aussi mauvaise que je le pensais. »

« Qui es-tu au juste ? » se moqua Astoria.

Pansy lui donna une tape sur l'épaule. « Je suis sérieuse ! » gronda-t-elle. « De toute façon, avec tous les dignitaires étrangers et la presse, nous avons dû faire le ménage. Tu devrais voir le manoir de Flint maintenant, il est sacrément impeccable."

« Alors tu as réussi à enlever toutes les taches de sperme de la moquette ? » Astoria grimaça.

« Et le sang », dit Pansy en frissonnant. « Il y a encore des chambres privées, cependant ; je suis sûre qu'elles auront besoin d'un nettoyage régulier. »

« Dégueulasse. »

« Les hommes sont dégoûtants », répond Pansy. « Les endroits où les gentlemen respectables se trouveront sont ceux qui se trouvent en bas. La salle de bal, le salon et les jardins sont une zone où on ne baise pas et où on ne tue pas », souffla-t-elle fièrement.

Astoria la regarde d'un air dubitatif. « Donc c'est juste l'étage que je dois éviter ? »

« Précisément. »

Alors que l'idée d'une société courtoise semblait séduisante, Astoria s'opposait à ce changement. Dans la débauche, elle recueillait la plupart de ses informations. Les plans de bataille se déversaient à travers les verres de whisky, les nouvelles politiques et les pétitions se bousculaient dans l'air parfumé par le sexe. C'était une ressource précieuse pour Astoria. Un endroit où elle pouvait récolter des secrets et des péchés pour les utiliser plus tard.

C'est ce qui lui avait permis de se frayer un chemin dans les faveurs de Vord. C'est ce qui lui permettait d'écraser ses concurrents. Elle avait rassemblé une liste personnelle de noms qu'elle faisait chanter, assurant ainsi la progression de sa sœur dans les rangs. Elle vendait même ces secrets pour que Daphné soit affectée à d'autres missions. Des missions auxquelles Astoria savait qu'elle ne se contenterait pas de survivre, mais qu'elle réussirait à conquérir, améliorant ainsi le nom de Greengrass.

C'était facile quand la débauche était la règle. Maintenant qu'elle était à ce niveau, cela devenait un choix, un choix qui attirerait une attention non désirée. Elle allait devoir trouver un moyen de monter sans éveiller les soupçons.

» Je pense que je peux y arriver », murmura Astoria. Son esprit était déjà en train de passer en revue les scénarios possibles.

« Parfait », applaudit Pansy. « As-tu pensé à ce que tu vas porter ? »

 

***

 

Ginny était allongée dans sa tente, un bras passé sur ses yeux pour se protéger de la lumière. Même avec des oreillers supplémentaires empilés sur son mince matelas, Ginny jura qu'elle pouvait encore sentir la blessure se presser dans la terre. 

« Comment va ta tête ?

Ginny se redressa, grimaçant en voyant la forme de Greyback. Elle ne l'avait même pas entendu entrer. 

» Qu'est-ce que tu crois, putain ? » Siffla Ginny en clignant des yeux pour échapper à sa vision trouble. 

Elle n'obtint qu'un grognement en guise de réponse. 

Il farfouilla dans sa tente, humant l'air tout en fouillant dans son contenu. Il n'y avait pas grand-chose. Un matelas, une couverture et des oreillers. Un grand coffre en bois et un réchaud compact. Un lourd bassin mental que Ginny ne parvenait qu'à rendre tiède, sa baguette bridée ne parvenant pas à le chauffer complètement.

Elle le regarda, dégoûtée, humer son pull-over tricoté non lavé. 

» Tu pourrais ne pas faire ça ? » grogna Ginny.

Greyback plissa les yeux avant d'arracher l'une des manches et de la ranger dans sa poche. Elle n'essaya pas de cacher le dégoût qui se lisait sur son visage. 

Ses narines se dilatèrent et il serra les poings. Il s'assit sur le tronc face à elle, le bout de ses doigts tambourinant sur le bois tandis qu'ils restaient assis dans un silence tendu. 

« La pleine lune est dans quelques jours, commença-t-il. « Tu seras renvoyée au château pour la nuit. »

Son cœur fit un bond. « Et Teddy ? » Elle se précipita.

La lèvre de Greyback se retroussa légèrement. « D'autres dispositions ont été prises.

L'espoir qui s'était emparé d'elle s'évanouit. 

« On a besoin de moi ailleurs, continua-t-il. « Après la pleine lune, je retournerai à ma mission. »

Ginny pensa qu'il semblait frustré, son visage s'assombrissant au fur et à mesure qu'il parlait. Greyback ne pouvait pas préparer son champion s'il n'était pas là. Elle devinait que cette mission n'était pas étendue aux autres Disciples humains. 

Il était une créature, après tout. Quels que soient ses efforts, il serait toujours traité comme tel. L'équité n'était pas un trait de caractère de Voldemort. Greyback était volontairement entravé, ce qui le désavantageait, lui et son champion. 

« Et mon entraînement ? railla Ginny. 

Ce n'est pas comme si elle voulait que Greyback l'entraîne. C'était un putain de sadique. Mais c'était amusant de lui rappeler qu'il ne pouvait pas. Qu'il échouait. Qu'il la laissait tomber. 

Elle ne s'attendait pas à la réponse qui suivit.

« Flint y veillera », répondit-il sans ambages. 

Ginny cligna des yeux. Son esprit devint momentanément vide. 

« Flint ? Siffla-t-elle. « Le psychopathe qui vient d'essayer de me tuer ? »

Greyback acquiesça. 

Ginny ne savait pas si elle devait rire ou pleurer. Il l'avait donc jetée dans une fosse avec Flint pour... quoi ? Pour voir si Flint pouvait la battre ? 

« Et comment sais-tu qu'il ne me tuera pas ? Ginny grogna. 

« Parce que je lui ai ordonné de ne pas le faire. Et la meute suit toujours mes ordres. »

Ginny se moqua. « Ça n'en a pas l'air, putain. »

Si proche de la pleine lune, nous, les loups, avons moins....de retenue, » grommela Greyback à contrecœur. 

Elle montra d'un geste dégoûté la manche qu'il avait dans sa poche. « Ouais, je peux voir ça, putain ».

Le loup l'ignora. » Phynn veillera à ce que tu continues tes obligations professionnelles », poursuivit-il. » Ta magie est passable, mais tes réflexes sont lents. »

« J'ai été joueuse de Quidditch, mes réflexes sont meilleurs que ceux de n'importe quel autre Champion », se défendit Ginny en relevant le menton. « Nous ne sommes pas tous des bêtes.

Son maître arqua un sourcil en la regardant. 

« Pour l'instant. Tu ne sais pas en quoi consistera la Seconde Tâche, ni quelles tactiques les autres Disciples utiliseront pour assurer leur succès. Quels... avantages ils ont acquis pour leurs Champions. »

« Des avantages ? » Ginny fronça les sourcils. « Comme quoi ? Des potions d'amélioration de la magie ou quelque chose comme ça ? »

Greyback pencha la tête. « Peut-être. »

« Ce serait de la triche », siffla Ginny. 

Greyback sourit, une lueur complice dans les yeux. « Il n'y a rien de tel dans ces jeux. »

Ginny se mordit la lèvre en réfléchissant. Si les Disciples étaient libres de s'immiscer dans la vie de leurs Champions, alors ils seraient tous des rats de laboratoire. Les potions seraient la moindre des choses. Ils pourraient utiliser la magie noire, la magie du sang. Ils pourraient les transformer en quelque chose d'à peine humain. 

Comme un loup-garou. 

Ginny releva les yeux vers Greyback, inspirant bruyamment. 

» Tu dois être plus rapide, plus forte, plus agile que les autres. Tu te fies trop à ta magie », dit-il, la menace étant claire. 

Continue, ou tu seras transformée. 

Putain de merde. Putain. 

Les pensées de Ginny s'embrouillèrent. S'il la mordait, elle pourrait ne pas survivre à la transformation. Elle pourrait mourir. 

» Je joue sur mes atouts », siffla-t-elle. Son lancer était sûrement suffisant. Il ne pouvait pas risquer qu'elle meure. Il ne le ferait pas. 

» Et que se passera-t-il quand on te l'enlèvera ? » Greyback ronronna. « Et s'il y a une tâche qui ne nécessite aucune magie ? »

Ginny se tut. 

Sentant sa défaite, son maître se tourna vers la sortie de la tente. « Flint te formera. Je superviserai quand je le pourrai. »

Le loup rayonnait de suffisance et la colère de Ginny s'enflamma. Les mots s'échappèrent avant qu'elle ne puisse les arrêter. 

« Ton maître doit te mépriser.

Greyback se raidit. 

« Il m'a confié quelque chose qu'aucun humain ne peut faire », répondit-il, la voix basse en signe d'avertissement. 

Ginny se moqua. « C'est-à-dire ? »

Il se tourna vers elle, les yeux jaunes brillants d'une soif de sang à peine dissimulée. « La chasse.

Elle se mordit la langue si fort qu'elle s'ensanglanta. Mais Ginny était déjà déchaînée. Une bougie placée sous un rideau. Elle était la fille de sa mère, et elle brûlerait tout avant de céder. 

« Chasser qui ? » Elle fulmina. 

Greyback se mit à battre des ailes. « Ce n'est pas un qui, c'est un quoi. Il y a eu des disparitions étranges, mon travail est de les trouver. »

« Ne me dis pas qu'il te fait chasser les Détraqueurs ? » Ginny rit. 

Elle hurla intérieurement, se suppliant de se taire pour une fois dans sa vie. 

Au lieu de cela, elle continua à se moquer de lui, en s'attaquant à sa plus grande insécurité. Ses lacunes. » C'est un putain de mythe. Il te fait tourner en rond.  »

Greyback s'approcha d'elle en trombe, le regard mortel. » Tu n'es pas en position de te moquer de moi, fillette. »

Il avait raison. Ginny était acculée. Piégée. Désespérée, ligotée et entièrement à sa merci. 

Mais elle était aussi une petite garce orgueilleuse, égoïste et rancunière. 

» Je sais exactement où je me trouve », cracha-t-elle en levant le menton. 

Il fut sur elle en un instant.

Elle se tortilla sous son poids tandis qu'il l'enfonçait dans le matelas, se servant d'une main pour lui coincer les poignets au-dessus de la tête tandis que l'autre lui arrachait ses vêtements. 

Il n'y avait pas de convoitise dans son regard, seulement une fureur mortelle. Il ne s'agissait pas d'un acte sexuel, mais d'un acte de violence. De pouvoir. Ginny rugit lorsqu'il serra son sein gauche, ses ongles transperçant sa peau tandis qu'il l'écrasait dans sa paume. 

Il sentait mauvais. Pas lavé et inhumain. Un putain d'animal répugnant. Quelqu'un qui n'avait aucun droit sur son corps. 

Ginny fit la seule chose qui lui vint à l'esprit. Elle s'élança vers sa gorge et mordit.

Greyback se figea au-dessus d'elle tandis que ses dents s'enfonçaient dans sa chair, le cuivre emplit sa bouche tandis qu'elle s'accrochait à un morceau et le déchira. 

Le sang gicla sur son visage tandis qu'elle ramenait sa tête en arrière et lui crachait sa chair, rugissant tandis qu'elle se débattait sous lui. 

S'il souffrait, il ne le montrait pas. Au lieu de cela, Greyback la fixait avec des yeux écarquillés, non pas de peur, de choc ou de colère, mais de.... vénération. 

Son maître se détacha d'elle et lui prit la joue, passant son pouce sur sa lèvre inférieure ensanglantée. Ginny grogna et fit claquer sa main de ses dents tachées de rouge, le forçant à reculer. 

Il se leva rapidement, la main agrippée à son cou, tandis qu'elle s'éloignait de lui. Ses poumons se gonflèrent tandis qu'elle luttait pour se couvrir, tirant son t-shirt déchiré sur sa poitrine exposée et sanguinolente.

Greyback n'avait toujours pas bougé, regardant fixement entre elle et sa main trempée de sang. Il continuait à se tordre le cou et à retirer sa main, encore et encore, comme s'il n'arrivait pas à croire qu'elle l'avait mordu. Il n'arrivait pas à croire que c'était son sang qui tachait sa paume. 

Ses yeux se fixèrent enfin sur les siens et son visage se décomposa de crainte et de quelque chose d'autre. Quelque chose qui ressemblait étrangement à de la panique. 

Son regard ne le quitta pas tandis qu'il s'éloignait précipitamment, des taches sanglantes le suivant à la trace hors de la tente. Ginny resta recroquevillée dans le coin, le corps meurtri, tandis qu'elle réfléchissait à ce qu'elle venait de faire.