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Le tambourinement contre la porte d’Enola dénotait un certain agacement, voir un agacement certain qui ne donnait pas envie d’ouvrir à l’arrivant. Elle finit de cacher ses cheveux longs sous une casquette d’ouvrier, déposa artistiquement un peu de suie sur ses joues, fronça les sourcils, fit la moue devant son miroir et, quand elle fut satisfaite de son déguisement, ouvrit enfin la porte.
-Bonjour, Sherlock, salua-t-elle aimablement.
Son frère lui lança en réponse un regard noir et éloigna sa main de la porte où il s’apprêtait à toquer une fois de plus. Il se contenait, c’était évident, mais tout juste.
-Tu savais que c’était moi, lui reprocha-t-il.
-Bien sûr. Tu as une manière très à toi de frapper à une porte quand tu es mécontent.
-Merci de me le signaler. J’y travaillerais. Puis-je entrer maintenant que tu as daigné m’ouvrir ?
Enola lui offrit son sourire le plus mielleux, comme s’ils étaient tous les deux dans une salle de bal et pas sur le pas de sa porte.
-Comme tu le vois, j’allais sortir. J’ai un rendez-vous.
-Avec ce gang de voleurs qui agit sous le couvert d’une entreprise de ramonage, je sais. Tu perds ton temps avec eux. Ils ne savent pas où est passé le collier de Lady Hort.
-Si tu leur as parlé, tu n’as pas du être efficace. Je sais très bien qu’ils ne sont pas coupables du vol, mais ils peuvent me dire où est partie la voleuse. Ils l’ont vue agir, et je vois à tes yeux que tu l’ignorais.
-Assez. Nous savons tous les deux que cette affaire est largement à ta portée, ou à la mienne. Je gage que d’ici soixante-douze heures tu l’auras résolu.
-Une trentaine d’heures suffira. Ou une quarantaine, si tu me retardes plus longtemps.
Ils échangèrent un regard exaspéré teinté d’une profonde affection. Eudoria Holmes avait appris beaucoup de choses à ses enfants, mais pas comment se dire les uns aux autres qu’ils s’aimaient, aussi en étaient-ils réduits à ce type de communication. Décidant que l’échange était terminé à la satisfaction mutuelle des deux participants, Enora fit mine de sortir de son appartement, mais Sherlock bougea d’un pas sur sa droite pour l’intercepter.
-Nous devons parler, Enola.
-Si tu y tiens tant, tu es toujours libre de m’attendre ici, ou de prendre rendez-vous.
-Mais j’ai pris rendez-vous. Chez moi, jeudi dernier, à seize heures. Tu n’es pas venue.
-J’étais occupée. Tu n’as pas apprécié le remplaçant que je t’ai trouvé ?
-C’est justement de lui qu’il s’agit.
Enola leva un sourcil sarcastique.
-Sherlock, je ne peux pas croire que tu aie besoin de me poser des questions sur le docteur Watson. Depuis jeudi, tu as eu tout le temps nécessaire pour mener ton enquête sur lui, tout comme je l’ai fait de mon côté avant de te l’envoyer. Tu sais que c’est le colocataire rêvé pour toi. Ton appartement est bien trop grand pour un homme seul, et tous les clients ne payent pas rubis sur l’ongle, même quand ils ont la réputation du grand Sherlock Holmes. Un salaire de médecin en complément du tien te fera le plus grand bien. Un célibataire comme toi avait-il vraiment besoin d’un tel appartement ?
Sherlock lui lança un regard amusé.
-Probablement pas. Mais après ce qui s’est passé ces dernières semaines, je pensais garder la chambre pour toi.
Enola se figea, cligna des yeux et se rappela comment respirer. Sherlock en profita pour la forcer doucement à reculer. Enola se laissa tomber sur son lit, cligna des yeux et releva la tête pour regarder son frère.
-Oh.
Le sourcil sarcastique refit surface, cette fois sur le visage de Sherlock. Il y avait peu de choses plus amusantes pour un Holmes qu’un autre Holmes privé de son éloquence. Sherlock profita de l’ébahissement de sa sœur pour pousser la porte derrière lui, sans la fermer tout à fait, puis saisit la chaise de bureau pour s’asseoir en face d’Enola.
-Exactement, oh. Mais j’ai bien compris que tu souhaitait conserver ton indépendance, tout comme ton travail de détective séparé du mien, et je respecte ton opinion.
-Surtout, l’un d’entre nous aurait fini par tuer l’autre. Mycroft ferait un anévrisme en lisant « Sherlock Holmes tue sa jeune sœur dans un accès de rage » dans les journaux, et nous ne pouvons pas faire un tel affront à sa réputation.
-Ce pourrait être « Sherlock Holmes tué par sa jeune sœur ».
-Non. Je n’aurais aucun mal à faire croire que tu t’es tué tout seul avec le mélanger des vapeurs de tes différentes expériences, ou que tu t’es empoisonné sur des œufs avariés. Tu aurais beaucoup plus de mal à faire passer ma mort pour un accident.
Sherlock renifla d’un air amusé.
-Quoi qu’il en soit, si tu as un jour besoin d’un refuge, ou d’une chambre, tu sais où me trouver, mais cette pension me semble tout à fait convenir pour une femme active dotée de tes revenus. Pour en revenir à ma chambre libre, je crois cependant que tu n’aurais pas goûté ce petit tour que tu m’as joué si les rôles auraient été inversés. Jusqu’ici, je ne me suis immiscé ni dans tes amitiés, ni dans tes amours. J’apprécierais que tu en fasses autant de ton côté avec les miennes.
Enola se mordit les lèvres.
-Je… n’y avait pas pensé ainsi, reconnut-elle.
La colère que Sherlock gardait fermement sous clé depuis le jeudi précédent s’adoucit légèrement devant sa contrition. Il n’avait pas aimé être pris en traître. Si Mycroft s’était essayé à lui jouer un pareil tour, il y aurait eu du sang, mais il ne comptait pas reproduire avec Enola la relation tendue qu’il avait avec son aîné.
-Tu es jeune, et tu ne réalises pas toujours comment tes actes sont perçus, soupira-t-il. C’est un défaut acceptable chez une jeune dame de ton âge, mais dangereux chez une détective. A toi d’y travailler.
Enola hocha la tête, une étincelle décidée dans son regard. Sherlock soupira à nouveau et décida de la laisser faire ce cheminement d’elle même, au lieu de la braquer en l’agonisant de conseils dont elle avait bien besoin et dont il avait parfois chèrement payé l’acquisition. Après la manière dont Mycroft et lui l’avaient traité à la disparition de leur mère, Sherlock comprenait que le premier réflexe d’Enora face à eux soit de sortir les griffes. S’il la braquait trop, il craignait qu’elle ne disparaisse à nouveau. Mieux valait changer de sujet.
-Puis-je au moins savoir d’où t’es venue cette idée saugrenue de m’envoyer des candidats pour une collocation et si Watson était seulement le premier d’une longue liste ?
Sa sœur croisa aussitôt les bras dans une attitude défensive. Il leva aussitôt une main dans un geste d’apaisement. De l’avis de Sherlock, Enola ferait bien aussi de travailler sur ses attitudes qui trahissaient trop souvent ses émotions. Lui même avait appris un tel contrôle à un âge où Enola était encore une enfant sauvage agrippée aux jupes de leur mère. Mais peut être se trompait-il. Personne ne pouvait être son propre miroir.
-Je désapprouve ta manière un peu cavalière de m’envoyer un colocataire, mais je reconnais que le docteur Watson en est un tout à fait acceptable. J’ai effectivement mené mon enquête, mais mes premières déductions à son égard étaient les bonnes. C’est un homme d’honneur, je crois, et il déjà montré une capacité presque inquiétante à me suivre dans mes enquêtes sans perdre son souffle ou son sang-froid. Ses capacités de déduction ne sont hélas pas à placer sur le même plan que les miennes ou que les tiennes, mais peu d’hommes en sont capables. Cependant, je dois reconnaître que sa manière de poser des questions m’aide étrangement à réfléchir et m’a permis de résoudre ma dernière affaire plus vite que je l’aurais normalement fait. Je t’accorde donc dix secondes pour te féliciter de ton choix et de ton stratagème.
Enola frappa ses mains l’une contre l’autre avec un enthousiasme qui arracha malgré lui un sourire à son frère. C’était facile d’oublier qu’Enola n’était encore qu’une enfant, mais c’était pourtant le cas, quels que soient ses talents. Le reste de colère de Sherlock se dissipa totalement. Restait cependant un petit détail à régler.
-Je le savais ! Dès que je l’ai rencontré, j’ai su que le caractère du docteur Watson te conviendrait parfaitement ! Tu es obligé d’être d’accord avec moi, n’est-ce pas ? Les petites sœurs ont toujours raison et les femmes comprennent ce genre de choses bien mieux que les hommes, et tu es sur ce point pire…
-Tes dix secondes sont écoulées. Je réitère donc ma question. D’où t’es venue cette idée saugrenue de m’envoyer un colocataire ? Je doute que ce soit seulement pour répondre à mes inexistants soucis d’argent.
-La semaine dernière, tu m’as dit que mon amitié avec Tewkesbury me faisait beaucoup de bien, et après réflexion, j’ai été forcée de me ranger de ton avis. Il me tempère d’une manière dont j’avais besoin, et en retour je lui donne visiblement la force de supporter l’univers ingrat de la politique et le besoin de compromis qui lui est inhérent. Nous savons à présent que nous nous aimons et nous allons voir où cela nous mène, ou pas, mais cela n’empêche que nous nous balançons déjà parfaitement l’un l’autre dans les circonstances actuelles. Cela m’a fait repenser à la raison pour laquelle Mère m’a appelé Enola.
Sherlock fronça les sourcils. Il se souvenait encore des virulents débats au moment de la naissance d’Enola. Les portes avaient claqué pendant des jours, leurs parents s’envoyant insulte sur réflexion acide. Père clamait que donner comme nom un anagramme à sa fille n’était pas moitié autant preuve d’intelligence que Mère semblait penser et que si cet anagramme signifiait « Alone », Enola ne parviendrait qu’à faire fuir les prétendants assez intelligents pour être dignes de l’esprit d’une Holmes. Mère répliquait que si Père avait pu s’amuser à donner en prénom à ses fils les noms de ses vieux amis du temps de l’université, sans craindre que ceux-ci soient ridicules, elle pouvait bien nommer sa fille comme elle l’entendait, et que son nom servirait d’avertissement salutaire à Enola sur la place des femmes en ce monde. Sherlock et Mycroft s’étaient sagement cachés à l’écart du débat, mais Sherlock, s’était réjoui qu’il y ait enfin un nom plus idiot que le sien dans la famille.
-Elle a voulu me donner tout un tas de conseil avec ce nom, poursuivit Enola, mais il me semble que l’une de ces leçons aurait du s’adresser à nous tous. « Tu t’en sortiras très bien toute seule, Enola », m’a-t-elle dit la dernière fois que je l’ai vue, « mais avec d’autres, tu pourrais être formidable ». Je suis persuadée qu’elle a raison. Un Holmes ne devrait jamais être seul. Nous avons trop tendance à agir de manière stupide ou à oublier que tout le monde ne pense pas aussi vite que nous. Il nous faut quelqu’un pour nous aider à garder les pieds sur terre, et à instiller en nous un grain d’humilité. L’autre jour, tu m’as demandé de ne pas devenir comme toi. Je ne le deviendrais pas parce que j’ai Tewkesbury, et des gens comme Betty qui viennent me demander de l’aide et pas Lord ou Lady Untel. Je me suis dit que tu avais besoin d’un Tewkesbury et je suis tombée sur un Watson, qui cherchait lui-même un colocataire. Je ne pouvait pas ne pas sauter sur l’occasion. Peut être est-ce même toi qui apprendra de lui, tout comme j’ai appris de Tewkesbury.
Sherlock repensa à ce qu’avait été la dernière semaine avec John Watson pour servir d’intermédiaire avec les victimes, leurs familles et la police. Il avait perdu dix fois moins de temps que de coutume et libéré son esprit pour se focaliser sur l’enquête. De même, partager son appartement avec le docteur semblait déjà améliorer son sommeil et son alimentation. Watson semblait avoir reconnu de suite les aspects les moins souhaitables de la personnalité de Sherlock et s’employer à lui mettre le nez face à ceux-ci pour qu’il les corrige de lui même, au lieu de lui imposer un tel changement. Et Sherlock lui-même semblait apporter quelque chose au docteur fatigué par la guerre d’Afghanistan, puisqu’il était toujours là malgré les dits défauts de caractère et les expériences éparpillées dans tout l’appartement. Il finit par hocher la tête.
-C’est sans doute vrai, concéda-t-il à contrecœur.
-Ravie de voir que tes conclusions rejoignent les miennes. Il m’a donc semblé que tu bénéficierais d’un compagnon qui t’apporte la même chose que ce que Tewkesbury m’apporte à moi. Quand j’ai rencontré le docteur Watson, j’ai su sans l’ombre d’un doute qu’il pouvait être cette personne pour toi. Je suppose que par contre j’aurais pu venir te le présenter au lieu de saisir l’occasion de te jouer ce que je pensais être une petite plaisanterie innocente. Cela ne se reproduira pas.
-J’y compte bien.
-Me pardonneras-tu ?
Sherlock la regarda sans dire un mot jusqu’à ce qu’elle se tortille de gêne sur son lit. Une fois satisfait qu’elle ne lui infligerait plus de telles surprises, aussi plaisantes en soit le dénouement au final, Sherlock secoua la tête d’un air désolé.
-J’en doute, répondit-il alors d’un ton qui contredisait la finalité de ces paroles. Sait-tu ce qu’il s’est mit en tête de faire, ce docteur que tu m’as mis sur le dos ? D’écrire mes « aventures ». Selon lui, la police et la presse ne me rendent pas suffisamment de crédit pour le succès de mes enquêtes, se contentant d’applaudir mes succès mais sans voir l’ingéniosité qu’il faut pour résoudre ces cas. D’après lui, c’est une honte que le grand public n’ait pas la moindre idée du cheminement remarquable de mes pensées dans mon cerveau, pour le paraphraser, et il se pique d’avoir une plume assez bonne pour le faire connaître au grand public.
Enola ouvrit si grand la bouche qu’elle faillit gober une mouche.
-Est-ce vrai ?
-Je l’ignore. J’ai refusé de lire ce qu’il écrit, mais il se fait fort de trouver un journal pour le publier.
Cette fois, Enola ne put retenir un éclat de rire. Sherlock claqua la langue avec agacement.
-Arrête, je te prie. J’ai déjà entendu tout ce qu’il y avait à dire là-dessus par Mycroft.
-Mycroft sait ?, s’étrangla Enola.
-Il a de nombreux contacts dans la presse. Dès les premières investigations de Watson pour trouver un journal prêt à publier de telles histoires, Mycroft a sauté dans le premier fiacre partant dans la direction de Baker Street, juste dans l’espoir de pouvoir être le premier à me l’annoncer.
-Il a du se contenter de remuer le couteau dans la plaie. Watson m’avait évidemment déjà fait part de ses plans. Dis-moi, comment l’as tu rencontré au juste ce Watson ?
Le rougissement d’Enola n’échappa pas au regard acéré de Sherlock.
-Je l’ai rencontré dans le cadre de mon travail, déclara-t-elle sur un ton défensif.
-Et ce entre notre dernière rencontre et jeudi dernier, donc durant l’affaire Satcher qui semble t’avoir fait courir d’un bout à l’autre de Londres, et durant laquelle tu as disparu pendant presque quarante-huit heures.
Enola lança un regard torve à son frère.
-Tu me fais surveiller ?
-Non. Mais quand tu disparais pendant deux jours, ton Tewkesbury manifeste une certaine tendance à l’inquiétude dont je fais à l’occasion les frais, et je m’inquiète moi-même de temps à autres. Je reste ton tuteur, rappelle toi. J’ai donc pris l’habitude de garder une oreille ouverte quand à d’éventuelles rumeurs concernant ta disparition, et d’autres oreilles en font de même pour moi.
-Tes irréguliers.
-Eux, et d’autres.
-Lestrade.
-Possible. Pour en revenir à nos affaires, j’en déduis que tu as rencontré Watson pendant ce laps de temps. Dans quelles conditions ?
-Il soignait une femme qui a pris un coup de couteau dans une échauffourée sur les docks et que j’avais besoin d’interroger dans le cadre de mon enquête.
-Étrange. Étant donné mon attention renouvelée durant cette courte disparition, j’aurais entendu parler d’une échauffourée sur les docks, quel que soit l’âge de la femme concernée.
-Même le grand Sherlock Holmes ne peut pas entendre parler de tous les troubles qui hantent les rues londoniennes.
-Il l’est quand il s’agit de sa sœur. Et dans le cas où il raterait quelque chose, ce ne serait pas le cas de Mycroft.
Ils s’arrêtèrent tous deux, à bout de souffle et de patience. Sherlock détestait reconnaître à voix haute que Mycroft détenait un réseau d’informateurs plus étendu que le sien, Enola détestait qu’on lui rappelle qu’elle restait une mineure, doublée d’une femme, et qu’elle resterait l’objet d’une surveillance attentive, même si distante, de la part de ses aînés au moins jusqu’au jour de son mariage. Probablement plus longtemps encore, car Sherlock doutait que sa proportion à s’attirer des ennuis s’arrête le jour où Tewkesbury lui passerait l’anneau au doigt, si ces deux là se décidaient un jour.
-J’ai peut être été un peu loin à ton goût en t’envoyant Watson sans t’en parler d’abord, mais cela ne te donne pas le droit d’ausculter de près mes enquêtes.
-Je pourrais être d’accord, s’il n’y avait pas trois observations à prendre en compte. Premièrement, le docteur Watson a des leçons à prendre en matière de mensonge et d’omission. Deuxièmement, j’ai noté que quand je lui a demandé les circonstances de votre rencontre, le docteur Watson a bafouillé qu’il ne pouvait bafouer le secret médical, ce qui sous-entend que la femme blessée n’a d’autre nom que celui d’Enola Holmes. Où as-tu été blessée ?
Les épaules d’Enola s’affaissèrent.
-J’ai pris un coup de couteau dans le creux du bras, mais le docteur Watson m’a parfaitement soigné et tu n’as pas à t’inquiéter outre mesure. Trois observations, tu disais ?
-C’est vrai. Troisièmement, je pourrais être en droit de m’interroger en constatant que le docteur Watson a tenu à me suivre et à prendre sa trousse médicale avec lui quand j’ai mentionné une visite à ma sœur. Watson ?
La porte qu’il avait soigneusement laissé entrouverte s’ouvrit pour laisser passer le docteur Watson en personne. Celui-ci entra dans la pièce avec un sourire d’excuse.
-Je préfère toujours m’assurer qu’une plaie à l’arme blanche n’est pas infectée.
Sherlock se leva pour lui laisser la place et jeta un dernier long regard à Enola.
-Les petites sœurs ont peut être toujours raison, mais elles feraient bien de ne pas oublier que leurs grands frères ont une plus grande expérience en matière de dissimulation de blessures au reste de leur famille. Tu prends un peu trop soin de la manière dont tu bouges ton bras droit pour n’être pas blessée. Puisque tu as jugé bon de m’envoyer un docteur en me jugeant inapte à m’occuper de moi-même, tu peux toi aussi en tirer partie, et tu le feras aussi souvent que nécessaire. Est-ce clair ?
Enola compris sans peine que c’était là sa punition pour avoir imposé de manière détournée un colocataire à Sherlock, et qu’elle entendrait un tapotement à sa porte à chaque fois que Sherlock soupçonnerait même une égratignure. Elle baissa la tête et accepta la punition. C’était peu cher payé pour avoir la certitude que Sherlock aurait à présent quelqu’un pour s’occuper de lui.
-Oui, Sherlock.
-Bien. Je suppose que je puis vous laisser vous occuper de cette plaie tous les deux. J’ai un indicateur à rencontrer dans le quartier. Watson, je vous verrai ce soir. Au revoir, Enola.
-Au revoir, Sherlock.
Ils échangèrent un dernier sourire affectueux, puis la porte se referma entre eux. Sherlock secoua la tête avec exaspération, puis descendit l’escalier en quête de son espionne, satisfait de savoir Enola suffisamment punie pour ses petites manigances. Et maintenant qu’elle avait son Tewkesbury et lui son Watson, ils devraient voir à l’occasion s’ils pouvaient s’allier pour infliger une telle compagnie à Mycroft.