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Il y aura un futur pour mon passé

Summary:

Tous, ils étaient tous partis.
Tous, ils étaient tous morts.
Ou pas encore nés.
Ou pas dans la bonne timeline.

Notes:

En traînant sur Tumblr, je suis par hasard tombé sur un superbe fanart de sea-salt-lemon-sugar et, par extension, le Tumblr de mizaruwu qui m'a donné la permission d'écrire dessus ♥

La version anglaise est disponible !

Disclaimers : -La légende de Zelda appartient à Nintendo.

-Linked Universe appartient à Jojo.

-Necromancer Hyrule AU appartient à mizaruwu.

Bonne lecture !

Work Text:

Tous, ils étaient tous partis.

Tous, ils étaient tous morts.

Ou pas encore nés.

Ou pas dans la bonne timeline.

Lorsqu'ils avaient su que la quête qui les avait fait se rencontrer était complétée, un silence gêné avait pris part.

Personne ne voulait être le premier à faire ses adieux, et pourtant tout le monde voulait retourner chez lui, à son époque, reprendre le fil de sa vie et refermer cette étrange parenthèse durant laquelle ils avaient voyagé à travers le temps et l'espace, aux côtés d'autres vaisseaux de l'âme du héros, ou juste porteurs de la tri force du courage, bénis par Hylia.

Et alors, un par un, ils avaient traversé le portail qui leur était destiné, les renvoyant ainsi à leur destin.

Hyrule avait essayé, il le promettait. Il avait fait des efforts, il était revenu à son Hyrule qui ne payait pas de mine malgré les efforts conjugués de ses deux Zelda. Il leur avait rapporté tout ce qu'il avait pu voir, entendre, goûter… il avait gribouillé des plans d'habitations, réalisé des listes d'ingrédients ou de plantes à obtenir.

Il avait tenté de se tenir toujours occupé, jamais inactif, autant pour rattraper tous ces mois passés loin de chez lui que pour ne pas permettre à son esprit d'appuyer sur la plaie ouverte.

Celle qui avait été causée par chaque Link lui tournant le dos après un aurevoir plus ou moins bruyant, des promesses toujours plus vides et aucun regard en arrière.

Il avait été le dernier à rentrer chez lui, et personne n'avait l'air d'y avoir prêté attention.

Et le voilà, finalement, désœuvré et les yeux trop secs pour verser les larmes dont il avait besoin.

Si ses deux Zelda avaient accueilli son retour avec joie, ravies de le revoir et surtout heureuses de sa bonne santé et des changements physiques auxquelles avaient contribués sa dernière aventure, elles avaient été plus mitigé face à son empressement de tout reconstruire, de moderniser, d'agrandir Hyrule.

D'ailleurs, il refusait de répondre au prénom « Link » maintenant, et se présentait à tous sous le pseudonyme qu'il avait porté aux côtés des autres héros.

Et, quand la frénésie d'énergie était retombée, quand il avait pleinement pris conscience que si lui avait changé, c'était loin d'être le cas de ceux qu'il avait laissé derrière lui.

À force d'être entourés de gens comme lui, veillant les uns sur les autres et attentifs au bien-être de chacun, il avait oublié qu'il était loin d'être apprécié par tous ceux foulant la terre du royaume. Il avait presque oublié que les cultistes de Ganon le pourchassaient pour son sang. Il avait quasiment oublié que, pour survivre, il était nécessaire de baisser la tête et de se faire discret.

La réalité l'avait rattrapé et les leçons que la vie lui avait enseigné toutes ces années lui revinrent en plein visage, avec la délicatesse d'un Lynel au galop.

Et c'était pour ça qu'il se trouvait actuellement dans la bibliothèque du château, entouré d'ouvrages éparpillés, par lui ou par des lecteurs peu soigneux, le regard vide incapable de réellement voir ce qui l'entourait.

Il avait choisi cette pièce parmi toutes celles du château car il savait que le passage était rare et que personne ne viendrait l'y chercher.

Il était parti tout juste capable de signer son nom et était revenu capable de déchiffrer chaque syllabaire hylien, passé comme futur, avec quelques notions de langues diverses, comme le sheikah auprès de Warriors et Legend ou zora auprès de Wild.

Les vieux volumes entreposés ici depuis Hylia savait quand n'étaient plus le défi insurmontable qu'ils étaient à l'époque. Mais ils ne le tentèrent pas pour autant.

Jusqu'à ce que son regard vide n'accroche à quelques lettres qui interpelèrent aussitôt son esprit.

Il ne prit pas le temps d'y réfléchir à deux fois et sauta sur l'étagère, curieux et avide de réponses.

Avait-il bien compris ?


Quand Hyrule avait essuyé trop de refus ou de demandes pour qu'il se calme, il avait pris pour habitude de claquer la porte du château et de retourner à sa vie de nomade, le temps que les brumes hantant son cerveau s'éclaircissent un peu.

Ça prenait parfois plus de temps qu'à d'autres, il avalait donc plusieurs kilomètres avant de ne serait-ce que penser à faire demi-tour.

Son royaume était petit, comparé à ceux qu'il avait pu visiter durant sa quête précédente. Encore plus s'il le comparait avec celui de Wild !

Il n'était donc pas bien long pour lui d'en faire le tour de ses frontières imaginaires, restant attentif au moindre signe pouvant l'alerter d'un potentiel ennemi.

Mais finalement, ce ne fut pas eux qui occupèrent ses pensées alors qu'il trébuchait sur un morceau de poterie, manquant de le jeter à terre.

Le ramassant, il le retourna dans tous les sens, vexé de s'être quasi rompu le cou sur une babiole, à deux doigts de la jeter au loin, dans une direction aléatoire.

Mais son cœur rata un battement quand, sous les couches de crasses et de terre, il parvint à reconnaître le bleu caractéristique. Le bleu des chronolithes. Et, à bien y regarder, c'était l'ocarina chéri de Time qu'il tenait dans ses mains.

Il avait évidemment souffert, ce n'était pas la chronologie la plus tendre avec l'héritage abandonné par le héros déchu, mais Hyrule l'avait trop souvent contemplé pour ne pas le reconnaître.

Du bout de ses doigts tremblants, il tenta de retirer le gros de la saleté, d'en libérer l'embouchure, mais peu importe le nombre de fois qu'il le portait à ses lèvres, il n'y avait plus une goutte de magie.

Ce n'était plus qu'un morceau de caillou à la couleur rare, sale comme un peigne.

Au moins, Aurora et Dawn seront ravies de récupérer une partie de leur héritage royal…

Mais malgré lui, la découverte de l'instrument avait allumé un feu dont il ignorait l'existence jusqu'ici. Et ses voyages à travers le royaume se multiplièrent, il en dépassa même les frontières malgré les risques qu'il savait encourir.

Ses espoirs étaient maigres et sa récolte plus encore.

Les cartes n'étaient plus à jour depuis longtemps et il n'avait qu'une idée approximative d'où pourrait bien se trouver les objets qu'il cherchait, en partant du principe qu'ils n'avaient pas été volé, perdu ou pillé depuis.

Mais quand il ne trouva qu'une vieille armature métallique, rouillée et tordue, tout ce qui restait de la splendide harpe des Âges, Hyrule eut l'impression que son estomac se remplissait de glace.

Il était à court d'idées et ses recherches ne lui avaient apporté que des ennuis et des rebuts, étouffant petit à petit les étincelles qui étaient nées à la découverte de l'ocarina du Temps.

Le retour au château avait été effroyable et il avait fui la moindre interaction sociale, autant par honte de lui-même que par rage.

Il ne se reconnaissait pas lui-même alors que ses poings martelaient la pierre épaisse, le sang coulant de ses phalanges depuis suffisamment longtemps pour les recouvrir.

Quand son souffle erratique le força à s'arrêter pour éviter une crise, ses yeux ne purent se détacher du spectacle si rare.

Il avait grandi avec l'angoisse de faire couler la moindre goutte de sang, bien avant d'y sceller Ganon. Le sang, c'était la vie, c'était la vitalité, c'était la santé. C'était ton bien le plus précieux.

Et le voilà qui le gaspillait inutilement et d'une manière très dangereuse…

Et pourtant, les étincelles d'espoir s'allumèrent de nouveau, ses yeux s'illuminant pratiquement pour l'occasion.

Et si…

Et si…


Hyrule courrait, encore et encore. Il courrait pour sa vie, il courrait pour son destin, il courrait pour sa survie.

Mais pour une fois, il n'était pas poursuivi. Non. Pour une fois, c'était lui qui poursuivait.

Pour ne pas éveiller leurs soupçons, il s'était comporté comme d'habitude, exagérant légèrement de possibles faiblesses, juste ce qu'il fallait pour leur faire croire qu'il était vulnérable sans pour autant qu'ils flairent l'embrouille.

Malheureusement, il les avait trop habitué à ses entourloupes et ils restaient suffisamment sur leurs gardes pour que, lorsqu'il fit volte-face, ils le prennent de court et commencent à fuir avant même qu'il n'esquisse un autre mouvement.

Alors, il les traqua.

En temps normal, jamais il ne l'aurait fait. Ni traquer en temps normal - c'était bien plus un truc pour Wild ou Twilight - et encore moins eux, ces éternelles âmes damnées qui le pourchassaient jusque dans ses rêves, le gardant éveillé des heures durant, sursautant au moindre frisson dans l'air.

Mais nous n'étions pas en temps normal.

Malgré leurs différences, il ne fallut pas longtemps au jeune héros pour rattraper le plus lent d'entre eux, le jetant à terre et s'asseyant dessus afin de l'immobiliser le temps de reprendre son souffle. Il l'assomma rapidement et commença à le fouiller, retournant toutes ses possessions sans la moindre précaution. Il ne prêtait pas non plus plus attention aux éventuels couinements qu'il lui arrachait quand il était moins précautionneux, manquant de déchirer les vêtements plus d'une fois.

Mais ses mains finirent par saisir ce qu'il cherchait et, alors qu'il le sortait de la sombre poche dans laquelle il se trouvait, un sourire dément força ses lèvres à s'élargir au-delà de leurs limites.

Sans un dernier regard pour celui qu'il avait détroussé, il quitta le coin de forêt dans lequel il l'avait rattrapé, lui balançant un rapide coup de pied dans la tête pour faire bonne mesure, ouvrant déjà le livre pour en parcourir les pages.

Depuis qu'il était né, Hyrule avait toujours connu des affaires en mauvais état, sales, raccommodées, les couleurs passées et jaunies, et toujours toujours, cet espèce de filtre maussade, peu importe à quel point la teinte d'origine pouvait être vive.

Ils n'avaient de royaume que le nom, subsistant grâce aux héritages d'une époque plus faste, déterrant les restes de ce qui avait dû être une ère dorée bénie par les déesses.

Ère qu'il pouvait maintenant apparenter aux actes de son prédécesseur, Link, le héros de la légende. Legend. Son ami. Son frère. Le seul à savoir à peu près ce qui se tramait vraiment à son époque, lui-même vivant à cette période succédant à la guerre du sceau qui eut pour conséquence de sceller le Saint Royaume, le mettant hors de portée de quiconque pouvant le désirer.

Ça avait aussi eu pour conséquences d'appauvrir le sang hylien, les magiciens apparaissant de moins en moins, leurs pouvoirs limités… Même la famille royale en avait été affectée, le sang divin devenant une simple désignation au lieu de la puissance et de l'aura divine que ça leur conférait, jusque-là.

Penser que Legend et Fable avaient tous les deux plus de pouvoirs que quiconque dans leur royaume, ressortissants étrangers mis à part, en disaient long.

Bien sûr, son mentor avait une connaissance théorique impeccable et s'était entouré de suffisamment d'artefacts pour toujours avoir une solution au moindre problème que le destin pourrait lui soumettre, et la princesse possédait une télépathie aux limites encore inconnues, sans parler d'autres capacités qu'ils s'étaient bien gardés de répandre.

Et, à l'heure actuelle, lui, Link héros d'Hyrule, avaient rencontré peu de magiciens et tous avaient une capacité magique faible, se reposant souvent sur un seul sort, qu'ils lui avaient transmis sans trop y croire.

Et le voilà, parcourant avidement les textes, surpris par leur impression soignée, les dessins colorés, et plus encore par les notes un peu partout.

Le syllabaire présent était légèrement différent du sien, lui rappelant celui de Legend, justement. Peut-être était-ce un héritage de son ère ? Mais ça lui importait peu, préférant plonger dans sa lecture, avide de toute ce qu'il pourrait y découvrir.

Les détails, ce sera pour plus tard.


Quand Hyrule revint au château, quelques temps plus tard, Dawn vint le voir, inquiète.

Elle avait appris à connaître le héros, ils s'étaient mutuellement soutenus et aidés au travers des deux quêtes et leur âge semblable leur avait permis de se rapprocher, se considérant comme deux amis, même si ladite amitié avait été mise à mal lorsqu'il avait rejoint la Chaîne de héros au travers des portails magiques.

Ce n'était pas faute d'avoir entretenu une correspondance entre eux, mais le temps que cette quête prenne fin avait clairement refroidis leur affection, et plus encore depuis son retour, où il paraissait clairement changé. Et pas dans le bon sens.

Elle toqua à la porte de la chambre qu'il avait choisi, profitant de la longueur de sa robe pour malmener ses pieds chaussés, sous l'inquiétude.

Mais elle n'obtint aucune réponse.

En temps normal, elle aurait conclu qu'il n'était pas là et serait repartie vers le bâtiment central, revenant à sa petite vie ou demandant à ceux qu'elle croisait s'ils savaient où pouvait se trouver leur héros. Après tout, Link avait toujours eu la bougeotte et n'éveillait pas beaucoup de sentiments positifs auprès de la populace, ce n'aurait pas été la première fois qu'il décide sur un coup de tête de quitter le château pour aller camper dans une grotte pour quelques jours.

Mais non, elle savait. Elle savait qu'il était là. Elle voyait la lueur des bougies allumées, elle entendait de légers sons provenant de ce qu'il faisait. Et, surtout, elle avait demandé si quelqu'un l'avait vu quitter le bâtiment.

— Link ? C'est moi, Zelda. Dawn. Tu veux bien ouvrir ? demanda-t-elle en frappant de nouveau.

Mais là encore, aucune réaction.

Devrait-elle laisser tomber ? Devrait-elle faire demi-tour, retourner à son quotidien et revenir plus tard ?

Ou, au contraire, devrait-elle faire sa princesse de sang royal et forcer le passage, s'imposer ?

Link était peut-être son ami, mais comme aimait le lui rappeler la cour, il restait le héros, un sujet parmi les autres.

Elle jouait avec ses mains, maintenant, anxieuse.

Lorsque la porte s'ouvrit finalement, avant qu'elle ne parvienne à arrêter une idée, elle sursauta sous la surprise, un grand sourire ravi naissant sur ses lèvres, s'apprêtant à saluer son ami, avant que son cerveau ne traite correctement l'information transmise par ses yeux.

Elle manqua de crier d'effroi, mais Link l'attrapa par les épaules, la secouant légèrement en l'exhortant de se taire et de ne surtout pas attirer qui que ce soit ici.

Mais elle ne se tut que par l'épouvante qu'il lui inspirait, craignant pour sa vie.

— L… Link ? murmura-t-elle d'une voix cassée.

— Dawn ! rugit-il pratiquement. J'ai besoin de ton aide ! Où se trouve la crypte ?

— La crypte ? Mais pourquoi cherches-tu à le savoir ?

Ses doigts la serraient de plus en fort, ses ongles émoussés s'accrochant à sa peau malgré le tissu de sa robe, promettant de vilaines marques quand il la relâchera. S'il la relâchera.

— Pas le temps ! La crypte ! Maintenant !

Malheureusement pour l'un comme pour l'autre, la princesse n'avait jamais vraiment cherché à savoir où se trouvait cet endroit et le fuyait même comme la peste, autant par superstition que par déni, refusant de croire que ses proches étaient réellement morts, l'abandonnant dans un monde froid et trop vide. Quand à Link, il n'avait jamais pu explorer convenablement les couloirs par centaines, se faisant rapidement escorter en-dehors de ces zones.

— Impa doit savoir, bafouilla-t-elle.

Il prit à peine le temps de s'excuser ou de s'expliquer, courant déjà en direction du bâtiment central, à la recherche de la Sheikah âgée. Il aurait dû y penser plus tôt ! Évidemment, si quelqu'un, ici, pouvait le renseigner, ça ne pouvait qu'être elle !

Abandonnée sur place, la jeune princesse l'observa s'éloigner, sa voix mourant dans sa gorge alors qu'elle esquissait un mouvement, comme pour le rattraper, alors que tout son corps se figeait sur place, l'en empêchant.

Bien sûr, bien qu'il fut le premier à s'adresser à elle comme à n'importe qui, peu importe qu'elle fut la princesse régnante de ce pays, et qu'il libéra sa grand-tante, ils se connaissaient depuis peu et n'étaient pas non plus les plus grands confidents de ce monde. Son départ avec les autres héros l'avait changé, elle l'avait vu à travers les étapes devenir plus confiant, plus sûr de lui, et elle en avait été ravie pour lui, bien sûr !

Mais elle n'avait pu s'empêcher de couver une jalousie mal placée alors qu'elle le contemplait rire avec eux, à l'aise et détendu, à mille lieues de l'ombre recroquevillée et paranoïaque.

Pourquoi n'avait-elle pas réussi ? Pourquoi n'avait-elle pas été suffisante ? Pourquoi Link avait-il besoin que d'autres l'aident à devenir ce qu'il est vraiment ? Pourquoi était-elle inutile, à peine compétente pour sauver un membre de sa propre famille d'une malédiction familiale et encore plus aider son royaume et ses habitants à se redresser et effleurer les siècles d'abondances de leur passé ?

Piquée au cœur, elle fit ce qu'elle n'aurait jamais osé faire auparavant, et poussa la porte de la chambre, restée entrouverte après la sortie en fanfare de son occupant.

Mue par une impulsion, elle ignorait elle-même ce qu'elle faisait, et surtout ce qu'elle y cherchait.

Une peluche d'elle ? Des dessins maladroits qui pourraient lui donner un indice de ce qui l'occupait tant ? Des trucs un peu honteux qui la ferait sourire avec indulgence, rassurée sur le fait que son héros était resté le même malgré les apparences ?

Elle ne fit que quelques pas à l'intérieur avant de se figer, pâlissant, alors qu'elle montait lentement les mains jusqu'à son visage, appuyant contre sa bouche pour empêcher le hurlement qui menaçait d'en jaillir.


Comme mentionnée par Dawn, Impa avait effectivement pu renseigner Hyrule sur la localisation de la fameuse crypte, bien qu'avec réticence. Elle lui avait donné son célèbre regard, celui qui donnait l'impression de sonder votre âme à la recherche de quelque chose de négatif qui pourrait lui déplaire et la faire changer d'avis. Mais il avait survécu au regard déçu de Time, à celui de "capitaine" de Warriors et aux moues mignonnes de Wild et Wind, il lui en fallait plus pour le faire flancher, dorénavant !

Elle avait soupiré avant de l'inviter à la suivre et ils s'étaient enfoncés dans les couloirs labyrinthiques, le perdant plus vite qu'il ne le pensait. Mais il ne fallut pas longtemps à sa magie pour reconnaître les vapeurs méphitiques, intangibles au reste des mortels, le renseignant sur la proximité de leur destination.

Il dut régner sur ses nerfs pour éviter de rendre sa fébrilité visible. Il était hors de question de répondre à l'interrogatoire d'Impa et plus encore qu'elle le suive !

Heureusement, avoir vécu quelques mois avec deux héros ayant littéralement des persona animales et d'autres en ayant la sensibilité (Sky était très bon dans le domaine, tout comme Time) lui avait enseigné à réprimer ce genre de d'agitation et de donner le change.

Il se contenta d'un large sourire lumineux à l'encontre de la sheikah âgée alors qu'elle lui montrait la lourde porte en pierre, n'obtenant qu'un haussement de sourcil.

— J'ignore ce qui t'intéresse en ces lieux, Link, mais garde en mémoire que les morts n'aiment pas être dérangés. Ils ont gagné leur droit à l'oubli et au repos.

— Mais qu'est-ce que vous vous imaginez, Dawn et toi ? rit-il. À vous écouter, on croirait que je vais monter une armée de morts pour protéger Hyrule !

Un frisson les traversa tous les deux, bien que si celui-ci de la vieille femme était dû au malaise croissant s'emparant d'elle, celui de son interlocuteur était dû à la satisfaction de s'approcher de son but.

Il lui adressa une dernière fois son sourire le plus lumineux et innocent qu'il possédait, tirant la lourde porte pour se faufiler dans son ouverture et la claquer derrière lui.

De l'autre côté de la pierre, il put encore l'entendre marmonner sur la jeunesse avant qu'elle lui signale qu'elle partait, revenant dans une heure si elle n'avait pas de nouvelle de lui entre-temps.

Hyrule se permit un soupir de soulagement alors qu'elle paraissait s'éloigner, l'écho de ses pas décroissant.

Puis il ne resta plus que lui. Lui, et l'atmosphère étrange typique des nécropoles, où même le silence retenait son souffle, de peur de troubler le sommeil éternel.

Mais il avait désacralisé suffisamment de temples et autres lieux saints pour ne plus y prendre garde, s'avançant rapidement à travers les tombes et les cénotaphes, les gisants se succédant sans qu'il ne s'arrête. Ce n'est pas qu'il savait exactement ce qu'il cherchait. C'est qu'il savait exactement ce qu'il ne cherchait pas.

Ç'avait été une discussion étrange, il ne se souvenait même plus comment il en était arrivé là, Fable et lui discutant des funérailles royales et ce qu'elle avait prévu pour son frère, quand ce sera son tour. Aucun d'eux deux ne le lui avait dit et le silence avait été réclamé, ce qu'il avait promis, gardant la bouche close quand Legend vint plus tard les questionner sur le sujet de leur conversation. Sa jumelle avait noyé le poisson en prétendant avoir voulu en savoir plus les possibles liens entre Aurora et elle et Hyrule, lui, avait préféré arborer son air le plus innocent possible.

Le souvenir amena un pli amer à son visage, qu'il gomma rapidement, fronçant les sourcils alors qu'il se rapprochait de sépultures plus récentes. Ou moins anciennes. Du siècle qu'il ciblait.

À petits pas respectueux, il retira son bonnet dont il avait repris l'habitude d'enfiler depuis son retour, le triturant entre ses doigts, se rapprochant des gisants jumeaux, l'un arborant une silhouette figée que la reine Zelda V avait dû devenir une fois pleinement adulte, un dragon veillant sur son âme par-delà la mort, à ses pieds. Mais c'était l'autre qui l'intéressait, représentant une caricature du héros de la légende. Peut-être était-ce lui qui avait tort, ce n'était pas comme s'il savait exactement à quel âge son prédécesseur était décédé, ni ce qu'il avait fini par traverser, mais la barbe ne lui allait clairement pas. Le lion contre les semelles de ses bottes n'était pas une surprise non plus. Un héros de sa trempe, mort au combat ? Il y avait fort à parier qu'ils étaient nombreux dans ce cas.

Un instant, la portée de son geste le rattrapa et il haleta, manquant d'air.

Son bonnet tomba à terre, soulevant un léger nuage de poussière, alors que ses genoux le rejoignait et qu'il se pliait en une figure de prière, suppliant pour avoir le courage nécessaire pour ce qu'il allait réaliser. Ce fameux courage dont se targuait pratiquement chacun d'entre eux mais dont il était le seul à ne pas être dépositaire… Il en avait cruellement besoin en cet instant, plus encore que pour faire face à Ganon et ses machinations, que les habitants de ce pays et leurs superstitions stupides, que les cultistes et leur obsession pour son sang.

Son sang…

Cette seule pensée isolée parut soudainement l'enflammer et il se releva d'un coup, apposant délicatement les deux mains sur le côté du couvercle du caveau, bandant tous ses muscles pour ce qui allait être une épreuve épuisante. Heureusement qu'il possédait lui aussi un bracelet de force, il n'oserait imaginer, sinon.

Malheureusement, il avait mal calculé la quantité nécessaire et le beau marbre alla s'écrouler en fracas sur le sol, le vacarme amplifié au fur et à mesure que les hauts murs le répétaient de loin en loin. Il resta figé, les épaules remontées aux oreilles, s'attendant à tout instant à ce que la garde royale vienne l'attraper par les bras et l'enferme dans la plus profonde basse-fosse et en perde la clé.

Mais non.

L'air vibrait toujours, comme de mécontentement pour cet odieux blasphème, mais même Impa ne parut pas accourir aux nouvelles.

Relâchant sa respiration, Hyrule remua les épaules et les bras, roulant la tête pour soulager ses articulations tendues.

Le moment de vérité était proche. Il frôlait du doigt la finalité de son plan. De sa grande machination.

À pas lents, il s'approcha du bord, serra les poings sur les bords du caveau, et osa enfin poser les yeux sur les restes s'y trouvant.

— Salut… Legend. Bon retour parmi nous.


Legend ne… se souvenait pas.

Enfin, pour être exact, il ne se souvenait de rien.

Il avait tenté de concentrer ses neurones sur des pensées précises mais elles finissaient toujours par s'enfuir, disparaître dans le néant qui paraissait dormir au fond de sa tête.

Ah, dormir… Il dormait avant, non ? Avant, avant que…

À quoi pensait-il, déjà ?

Cette interrogation le fit s'arrêter, fixant pensivement le bout de ses bottes de Pégase alors qu'il tentait de retourner sa mémoire pour y répondre.

Mais il n'y pensait déjà plus et la petite main abîmée de Rulie s'était déjà glissée dans la sienne, attirant son attention loin de l'agitation couvant sous ses mèches blondes.

Il affichait ce sourire enjoué qu'il avait toujours en sa compagnie, et cette vue paraissait faire reculer le froid qu'il ressentait en tout temps, comme un sort de chaleur.

Mais le froid revenait toujours et il était toujours incapable de saisir sa mémoire fuyante.

Ils allaient… Où allaient-ils ? Rulie avait dû le lui dire, il parlait toujours, et plus particulièrement à son encontre, ne s'énervant jamais quand il devait lui répéter ce qu'il avait déjà dit une dizaine de fois, caressant du bout des doigts les bandages fermement fixés autour de ses poignets, ou ceux à son cou. Il lui était interdit d'y toucher ou d'essayer de les retirer. Ce n'était pas grave, Legend avait pleinement confiance dans les capacités de guérisseur de son ami, s'abandonnant à sa science les yeux fermés. Littéralement, d'ailleurs, Hyrule lui demandant d'abaisser les paupières le temps qu'il usait de sa magie.

C'était une magie étrange, elle n'était pas comme celle qu'il avait connu… à une… époque.

À quoi pensait-il, déjà ?

Hyrule se tourna vers lui, tendant vers lui une poignée de feuilles couvertes de son habituelle écriture brouillonne et ronde, comme celle des enfants. Il était si adorable…

Il parlait vite, beaucoup, et Legend avait un peu de mal à suivre ce qu'il disait, mais il avait l'air si heureux qu'il n'osa pas le couper.

— Tu vas voir Ledge, quand Four nous rejoindra, ce sera encore mieux !

Le froid semblait devenir plus brutal dans ses membres, mais le sourire de Rulie était si solaire, alors il décida de ne pas y prêter attention et l'imita maladroitement, les légères douleurs accompagnant ce mouvement l'intriguant. C'était comme si… comme quand il avait subi des points de suture et qu'il se mouvait sans y faire attention. Mais, pourquoi aurait-il des points de suture au niveau du visage ? Ce n'était pas normal, il s'en souviendrait s'il en avait eu besoin. S'il avait été blessé. Si…

À quoi pensait-il, déjà ?