Work Text:
- Quoi, blondinet, tu te sens menacé ?
- Mais tu te prends pour qui, en fait ?
- C’est bon, du calme, interjeta Jadina une énième fois. Mais comme les fois précédentes, aucun des deux hommes ne l’écouta, désormais trop impliqués dans leur prémisse d’affrontement viril.
- Si tu veux régler ça, on peut le faire tout de suite.
- Halan, c’est bon, ça en vaut pas la peine.
- Je suis d’accord avec lui. Si y’en a une pour laquelle il faut se battre, c’est clairement pas elle.
Jadina fronça les sourcils et préféra faire comme si elle n’avait pas entendu. Pas besoin d’une dispute en plus dans ce foutoir qui n’était pas parti pour s’apaiser.
- La ferme Shakra.
- Quoi ?!
- Et toi aussi, Käj. C’est entre lui et moi. Il veut s’expliquer, on va s’expliquer, pas de soucis.
- Y’a rien à expliquer. Tu prends tes affaires et tu dégages, point.
- Ah ouais ? Et sinon quoi ?
Jadina tenta une fois de plus de les séparer. Peine perdue. Les phalanges de Danaël blanchissaient à force d’agripper le rebord de la table, et le sourire provocateur d’Halan ne présageait rien de bon. Elle supposait que sa voix, tentant de s’élever au-dessus de la musique et des basses trop fortes, n’avait pas autant de poids que les nombreux verres d’alcool qu’ils avaient ingurgités. Pour quelqu’un qui était soi-disant au centre de cette querelle, elle était décidemment bien invisible. Quasiment transparente. C’était presque comme si les deux hommes avaient en réalité juste besoin d’un prétexte pour se mettre sur la gueule.
Et en effet, ça ne rata pas. Une chaise renversée, un verre brisé au sol, des insultes qu’elle n’entendit qu’à moitié dans la cohue, un t-shirt soulevé, une main retenue. Rapidement, certains invités en train de danser à côté, les plus belliqueux sans doute, s’interrompirent et rejoignirent le coin de pièce où iels se trouvaient, en spectateurs curieux. Mais Jadina n’avait aucun doute, dans quelques minutes, ce serait une mêlée générale. Elle essaya d’empêcher Danaël et Halan d’aller plus loin, se mêlant au désordre de poings et de cris. D’autres invités – amis, connaissances, ou inconnus bagarreurs imbibés – commençaient déjà à se pousser de tous les côtés, et alors qu’elle tendit le bras pour s’interposer entre les deux instigateurs, des phalanges cognèrent sa joue.
Elle recula contre le mur, sonnée. Elle ne savait pas qui l’avait frappée, et, probablement, eux non plus. Elle n’était d’ailleurs certainement pas la cible de ce coup, juste au mauvais endroit au mauvais moment.
Sauf qu’aucun des deux n’avait remarqué quoi que ce soit, n’avait n’arrêté ne serait-ce qu’une seconde leur affrontement ridicule pour vérifier qu’elle allait bien, ou s’était dit que, peut-être, c’était puéril d’en venir aux mains pour des histoires pareilles, qu’elle n’avait jamais voulu qu’ils se battent « pour elle » et que, pour des mecs qui l’affectionnaient particulièrement, ils ne faisaient pas beaucoup attention à elle.
D’ailleurs, aucun d’eux ne remarqua qu’elle n’était plus là, à côté d’eux. Aussi transparente que quand elle avait essayé de les calmer. L’objet de leur dispute, mais certainement pas une personne qu’ils devaient écouter. Et maintenant, elle était censée faire quoi ? La plante verte dans un coin, attendant de savoir qui serait le vainqueur ? Celle qui embrassera le victorieux et pansera les plaies du perdant ? C’est ça, oui.
Elle essuya le rouge à lèvres qui avait bavé sur sa joue, attrapa son sac à main sur la chaise encore debout, et traversa la foule de spectateurs agressifs. Elle se faufila au milieu des danseurs, évita les giclures de bière qui sautaient hors des gobelets rouges, s’insinua entre les couples qui se roulaient des pelles, et atteint la porte d’entrée.
Qu’ils se tabassent, si ça les chante. Ça lui était bien égal. Mais qu’ils ne viennent pas se plaindre à elle après. Et qu’ils n’essayent même pas de la chercher.
Le sang de la jeune femme ne fit qu’un tour. Sans réfléchir, elle arracha le verre des mains de l’inconnu à côté d’elle, et renversa son contenu directement sur son interlocuteur.
- Je peux savoir à quoi tu joues ??
- Shimy mais t’es malade ?? Je vais coller toute la soirée maintenant !
- Change pas de sujet ! Tu crois que je t’ai pas vu ?
- Mais de quoi tu parles ?? Putain, il était tout neuf ce t-shirt en plus…
- Va te faire foutre avec ton t-shirt ! Je croyais que vous étiez pas ensemble !
- Ensemble ?? Avec qui ?
- A ton avis, abruti ! Tu crois que je suis aveugle, en fait ?
- Attend, tu parles de Shun-Day là ?? Tu me fais un cirque parce qu’on a dansé ensemble ??
- T’appelles ça danser ?! Me fais pas rire ! On se serait cru dans un stripclub !
- Mais t’es complètement tarée… T’as bu combien de verres en fait ?
- C’est ça, fais-moi passer pour une folle. Et quand vous vous êtes embrassés, c’était une hallucination à cause de l’alcool aussi ?
- C’est quoi ton problème, tu m’espionnes toute la soirée et t’attends que Shun-Day aille aux toilettes pour me hurler dessus ??
- Pourquoi ? Si t’avais su t’aurais fait plus attention, c’est ça ?
- Mais j’ai aucun compte à te rendre ! On n’est plus ensemble je te rappelle !
- Ouais bah au moins maintenant je sais pourquoi !
Du coin de l’œil, Shimy aperçu une mèche de cheveux verts au bout du couloir. Elle hésita à rester, et à lui faire sa fête à elle aussi, mais elle se ravisa. Elle avait peur que sa colère explose et emporte tout avec elle. Et les invités autour n’avaient rien demandés, iels étaient là pour s’amuser, à la base. Elle aussi. Jusqu’à ce qu’elle voie ça. Maintenant, elle n’avait plus envie de danser, ni d’écouter de la musique, ni de parler, ni d’entendre Gryf se défendre, ni de le voir à nouveau avec Shun-Day, ni de penser à elleux.
Connard, connasse, fête de merde. En fait, elle voulait juste partir.
Elle remit le verre dans la main du mec à qui elle l’avait pris, et tourna les talons avant d’être offensée par la vision de son ex et cette pimbêche collés ensemble. Elle descendit les escaliers blindés de monde en espérant que, si elle tapait ses Dr Martens assez fort, elle ferait s’écrouler les marches et toute la maison avec.
Au rez-de-chaussée, elle dû se frayer un passage entre des imbéciles surexcités en train d’encourager une bagarre. Elle reconnut à peu près les belligérants, au milieu du bordel. Un mec aux cheveux verts qu’elle avait croisé deux-trois fois, dans des soirées de ce genre, et Danaël, un mec qu’elle trouvait sympathique, mais qu’elle ne pensait pas capable de s’abaisser à ce genre de comportement. Comme quoi, si lui le faisait, peut-être qu’elle aussi aurait dû le faire. De toute évidence, iels n’avaient pas la même considération pour le reste des convives. Quoique, vu la tournure de mêlée générale qu’était en train de prendre la dispute, peut-être que les convives n’attendaient que ça. Une fille avec une longue tresse s’était rajoutée à la baston, pendant qu’un garçon plus calme essayait en vain d’arrêter les coups. D’autres inconnus s’y étaient mélangés, et Shimy était maintenant obligée de pousser tout le monde pour se dégager un chemin vers la sortie.
Elle profita du désordre général pour prendre la cigarette qu’un des spectateurs avait mis derrière son oreille – il avait sûrement prévu d’aller fumer, puis avait été happé par cette distraction ô combien passionnante. Tant pis pour lui, déjà quand on posait sa cigarette derrière son oreille, on était un gros ringard qui méritait de se la faire voler, et en plus, Shimy en avait certainement plus besoin que lui.
Enfin arrivée à la porte à coup de coudes, elle vit Razzia, un ami, se jeter dans la mêlée pour aider son pote Danaël. Si personne ne finissait avec un trauma crânien, iels auraient de la chance… Elle tourna la poignée, et se réjouit d’enfin sentir l’air frais de la nuit sur son visage. Ça changerait de l’atmosphère étouffante et des odeurs d’alcool et de transpiration de cette satanée maison. Quelle idée elle avait eu de venir… Maintenant elle voulait juste se calmer, et oublier Gryf et Shun-Day.
… Mais évidemment c’était trop demandé. Vu qu’apparemment les dieux la détestaient. À peine avait-elle mis un pied dehors, qu’elle remarqua une fille sur le perron. Cheveux noirs, talons hauts, petite robe verte qui devait coûter une blinde. Super, de toutes les personnes présentent à cette soirée, il fallait qu’elle tombe sur elle.
Tant pis, elle l’ignorerait. Elle n’avait plus l’énergie de se disputer avec qui que ce soit. Et si elle l’avait, elle préférait la garder pour Gryf. Ou Shun-Day. Ou les deux.
Jadina aurait préféré être seule. Mais visiblement, cette soirée, elle n’avait rien de ce qu’elle voulait. Elle mit un petit temps à reconnaitre la fille qui s’assit sur les marches du perron, en faisant comme si elle ne l’avait pas vue. Il fallait dire qu’avec toutes ses transformations capillaires, Jadina ne s’y retrouvait plus. Elle avait eu les cheveux marrons, blancs, bleus, très longs, très courts, très longs derrière et très courts devant, avec frange, avec front dégagé… Bref, une instabilité qui en disait long sur sa personnalité, et qui accessoirement, rendait l’identification de sa silhouette difficile au premier coup.
Maintenant, elle avait les cheveux bleus courts – qu’elle avait sûrement coupés elle-même, d’ailleurs – et une frange qu’elle maintenait remontée avec des barrettes et des épingles en tout genre. Rien à voir, donc, avec le look qu’elle avait la dernière fois que Jadina l’avait croisée (il y a une semaine), à savoir cheveux blancs jusqu’aux fesses et frange qui cachait quasiment ses yeux.
Puisqu’elle avait décidé de ne pas lui prêter d’attention, Jadina décida de faire de même. Elle n’avait pas le cœur à la discussion de toute façon. Elle était là pour prendre l’air et… Et soit attendre que Danaël et Halan aient fini de s’échanger leurs politesses pour revenir leur dire le fond de sa pensée, soit retourner dans la soirée et les ignorer totalement, soit rester ici en attendant le premier bus ou train pour rentrer chez elle. Elle n’en savait rien en fait. Mais elle imaginait que regarder le ciel – enfin, ce qui en était visible au milieu de la pollution lumineuse – en faisant comme si Shimy n’était pas là l’aiderait à réfléchir.
Malheureusement, ignorer Shimy se révéla plus difficile que prévu. Un bruit de frottement métallique, et surtout une fumée blanche qui, évidemment, soufflait dans sa direction, la sortirent de ses réflexions, et virent lui cacher davantage les étoiles. Assez vite, l’odeur de tabac qui commençait à s’incruster dans ses vêtements et ses cheveux l’agaça, et elle se sentit obligée d’intervenir.
- Dis, tu pourrais pas aller fumer plus loin ? Je me prends tout dans la figure, là.
Accessoirement, il y avait littéralement tout le perron, tout le jardin autour, et toute la rue vide devant. Pas de raison de s’intoxiquer les poumons juste à côté d’elle.
Shimy parût seulement remarquer sa présence – et Jadina sut qu’elle jouait très bien la comédie – et leva un sourcil, feignant la surprise.
- Quoi, t’en veux une ?
- Sans façon, j’ai pas envie de mourir d’un cancer à 30 ans.
- Roh les vieux sermons moralisateurs… On respire de l’air pollué depuis la naissance, tu mourras d’un cancer quand même, hein.
Jadina leva les yeux au ciel. S’énerver ne servirait à rien. Elle savait, depuis le temps, que Shimy et elle n’étaient d’accord sur rien, jamais. Elle soupçonnait même la jeune femme aux cheveux teints de parfois faire exprès de changer son discours pour que leurs opinions ne concordent pas. À croire que ça lui faisait plaisir qu’elles palabrent en vain sur tous les sujets possibles. Shimy inspira profondément une bouffée de cigarette, son autre main pleine de bagues reposait nonchalamment sur son genou.
- De toute façon ça m’arrange, j’en ai pris qu’une.
- Tu te balades avec une seule cigarette ?
- Non avec aucune, celle-là je l’ai prise à quelqu’un.
- Être addict au point de mendier des cigarettes, franchement c’est pathétique…
- Déjà je l’ai pas mendiée, figure-toi, je l’ai volée.
- C’est tellement pire.
- Et en plus addict n’importe quoi, c’est ma première depuis hyper longtemps. J’essaye d’arrêter.
- Ah oui, c’est pour ça que t’as un briquet dans ta poche…
- J’ai dit j’essaye, pas je réussis.
- Clairement…
Jadina avait les bras croisés maintenant, et sans s’en rendre compte, s’était éloignée du coin de barrière où elle s’était adossée. Ça n’avait aucun intérêt, de faire la conversation avec cette fille. Elle n’avait rien à dire de passionnant, et en plus elle l’agaçait prodigieusement, de manière générale, même sans voler de cigarettes. Malgré tout, aussi inexplicable que ça lui paraissait, ce soir, elle avait envie de parler avec quelqu’un. Quelqu’un qui l’écoutait, de préférence, ça lui changerait. Il se trouvait juste que, le seul quelqu’un disponible, là, c’était elle. Tant pis. Elle se rapprocha des marches d’un pas, bras toujours fermés.
- Et qu’est-ce qui fait que tu te remets à fumer maintenant ?
Shimy sembla réellement surprise, cette fois, quand elle leva la tête vers elle. Puis elle se rembrunit et grommela :
- Rien. Un truc que j’avais pas envie de voir.
Maintenant, Jadina était vraiment curieuse. Peut-être qu’elle n’était pas la seule à passer une sale soirée. À défaut de penser à ses histoires, elle pouvait écouter celles des autres, ça lui changerait les idées.
- C’est-à-dire ?
Shimy la regarda, méfiante. Une lueur de défi traversa ses yeux, elle s’accouda au plancher et cendra dans l’herbe, du côté opposé à Jadina.
- C’est-à-dire mon ex qui embrasse une autre fille.
Jadina ne sut pas dire pourquoi, mais elle perçut quelque chose de l’ordre de « alors, t’as mieux que ça ? » dans son ton, qui l’encouragea à renchérir. Après tout, elles étaient les deux seules personnes dehors, alors que la fête battait son plein et que tout le monde profitait de la musique qui leur parvenait, étouffée, de l’autre côté de la porte. Il n’était pas difficile de deviner qu’elle n’était pas là pour rien, elle non plus. Elle s’assit sur les marches, à côté de Shimy.
- Pas mal. Moi j’ai vu mon ex se battre avec mon… – mince, c’était quoi ? – mon pseudo-copain.
- C’est nul ça, ricana Shimy. Moi, la fille que mon ex a embrassée, en plus je peux pas me la voir.
- D’accord, mais moi en essayant de les séparer, je m’en suis prise une. C’était pas fait exprès, justifia-t-elle quand Shimy écarquilla les yeux.
- Ok, ok, y’a du niveau. Et si je te dis que mon ex, c’est mon ex que depuis hier ? Enfin, avant-hier j’imagine, puisqu’il est 2h du mat’.
- Ah sympa. Jadina se surprit à s’amuser de cette compétition stupide. Alors dans ce cas, je rajoute qu’en plus de mon ex, il y avait la fille très amoureuse de lui qui me déteste, et qu’elle en a profité pour me lancer des piques.
- Ouais, Shimy inspira une nouvelle bouffée, sauf que la fille que mon ex a embrassée, il y a deux jours il me jurait qu’il y avait rien entre eux.
- Peut-être que c’était vrai ?
- Tu passes de « il y a rien entre nous » à « on se galoche comme si la pièce était vide » en deux jours, toi ?
- Peut-être, provoqua-t-elle.
Évidemment, c’était faux. Mais bon, par pur esprit de contradiction… Shimy cendra à nouveau dans l’herbe, la fumée s’échappant de ses narines.
- Bah ça doit être pour ça que ton ex et ton mec se battent, alors.
- Hé ! J’y suis vraiment pour rien, en plus.
- Pauvre chérie, les hommes se battent pour toi et rampent à tes pieds, comme ça doit être duuuur…
Jadina fit la moue.
- Ouais, bah au moins ils vont pas embrasser les filles que je déteste.
- Mmh…
Shimy se tourna vers elle, agacée. Elle inspira les derniers restes de sa cigarette, lui expira toute la fumée dessus – ce qui la fit s’exclamer, et donc en respirer encore plus – puis demanda :
- Ça te dit de partir d’ici ?
Une fois sa toux passée – toux qu’elle avait exagérée, elle l’avouait – Jadina considéra cette proposition aberrante. Partir pour aller où ? La maison se trouvait en pleine campagne, plus aucun transport ne passait, et elles n’avaient pas vraiment de voiture à disposition.
En même temps, à qui voulait-elle mentir ? Elle n’avait aucune envie de retourner dans cette baraque étouffante, et de constater ce qui s’y passait. Elle avait un besoin urgent de se distraire. Tant pis, ça serait avec Shimy. C’était toujours mieux que tout ce qu’elle pourrait trouver à l’intérieur. En plus la musique commençait à lui faire mal à la tête.
Elle prit son sac à main, Shimy jeta son mégot dans la poubelle, et elles s’en allèrent sur la route vide, éclairée par des lampadaires épars, dans l’air tiède des nuits d’été.
Shimy ne savait pas trop ce qui lui avait pris. Partir de cette soirée de merde, c’était une bonne idée, il n’y avait plus rien qui l’attirait là-bas. Mais proposer à Jadina ? Ce n’est pas qu’elle la détestait – même si elle était chiante – mais elle ne l’aimait pas particulièrement non plus. Pas parce qu’elles ne se connaissaient pas, (elles n’étaient pas des inconnues, ni des connaissances, mais certainement pas des amies) mais juste parce qu’elle n’avait jamais pu avoir une opinion claire sur cette fille. Elles s’étaient vues plein de fois, avaient passé du temps ensemble, avec des amis, jamais seules, parfois à s’ignorer, souvent à se disputer, plus rarement à être d’accord.
Pourtant, elle ne ressentait pas vraiment d’animosité envers elle. Elle ne dirait pas qu’elle ressentait de l’affection, c’était bien trop fort. Elle était saoulée de la voir, ne cherchait pas à passer du temps avec elle, mais elle aimait bien l’embêter. Et malgré leurs nombreux désaccords, elle n’arrivait pas à garder de ressentiment contre elle. Et Dieu sait à quel point elle avait la rancune facile. Mais avec Jadina, étonnement, ça ne restait pas. Incompréhensible.
Ça n’expliquait pas pourquoi elle avait voulu l’amener avec elle. Elle ne se souvenait pas avoir, à un moment, souhaité passer un moment en tête-à-tête avec elle. Encore moins à 2h du matin, en marchant sans rien dire sur les touffes d’herbe sauvages des bords de route, entourées de champs, d’arbres, et de quelques maisons silencieuses par-ci par-là, sans trop savoir où elles allaient.
D’un autre côté, Jadina avait l’air de passer une soirée presque aussi nulle que la sienne, et elle n’avait pas vraiment hésité avant de l’accompagner. Elle imaginait qu’elles avaient toutes les deux besoin de se vider la tête et de s’éloigner de cette maison remplie d’invités qu’elles ne voulaient plus voir. Oui, ça devait être ça qui l’avait poussée. Une sorte de solidarité entre deux meufs en galère qui passent une soirée naze. Plus deux-trois verres de désinhibition.
Sauf que marcher sur les routes silencieuses et mal entretenues, c’était sympa mais ça devenait vite ennuyant. Et étant donné que Jadina portait des talons, Shimy était convaincue qu’elle ne tarderait pas à se plaindre. En fait, elle attendait que Jadina se plaigne. Pas particulièrement parce qu’elle aimait l’entendre chouiner, mais parce que le silence commençait à la gêner. Elle se rendait compte maintenant qu’elle n’avait aucune idée de comment échanger avec la brune qu’elle regardait marcher, légèrement devant elle. D’ordinaire ça ne lui aurait pas posé problème, mais d’ordinaire elle ne se baladait pas avec. Et d’ordinaire, elle ne voyait aucun inconvénient au silence. Elle préférait même largement quelqu’un qui se taisait plutôt que quelqu’un qui parlait pour ne rien dire d’intelligent ou d’intéressant.
Mais étonnement, ce soir, elle avait envie de contact, de présence. Elle qui d’habitude aimait bien être seule, encore plus quand elle avait le cafard. Allez savoir…
Et ça tombait évidemment sur le jour où Jadina, d’habitude plutôt bavarde, ne prononçait pas une syllabe. Visiblement elles étaient incapables d’être sur la même longueur d’onde.
Elle reposa ses yeux sur Jadina, sa petite robe verte, tous les bijoux qu’elle portait, notamment ses boucles d’oreille qu’on voyait car elle avait remonté ses cheveux. Elle ne l’avait jamais vu sans, c’était à se demander si elle était née avec. Est-ce qu’elle pourrait lui poser une question dessus ? Non, ça serait trop bizarre… Lui demander où elle avait acheté sa robe, alors ? Mouais, en même temps elle s’en foutait royalement. Rah, c’était quand même pas facile de faire la discussion à quelqu’un avec qui on n’avait rien en commun… Elle la regarda à nouveau, espérant trouver quelque chose. Avec ses talons, elle était plus grande qu’elle. Sa démarche était régulière, assurée, calme. Étonnant, vu l’état de la route, qu’elle ne se soit pas tordu la cheville. Shimy aurait bien aimé, ça l’aurait fait rire et en plus ça aurait fait de l’animation. A la place, Jadina frissonna, et elle sauta sur l’occasion.
- Ça va ?
Jadina se retourna, certainement surprise de cette inédite préoccupation à son égard.
- C’est rien, j’ai un peu froid. J’avais pas vraiment prévu de rester dehors, à l’origine…
- Je te proposerais bien ma veste, mais j’en n’ai pas.
- Mhm… Et quelle est la pertinence de ton intervention, du coup ?
Aucune, clairement. Shimy ne savait même pas pourquoi elle avait dit ça. Pour dire quelque chose, sûrement. Et peut-être pour que Jadina s’agace un peu. Elle aimait bien la voir s’irriter, voir ses lèvres se soulever, ses joues se gonfler légèrement, ses yeux verts la scruter avec défiance et anticipation, comme si elle la défendait de dire un mot de plus tout en attendant qu’elle rajoute autre chose. Elle appréciait leurs chamailleries, ça la distrayait. Et puis c’était toujours mieux que de marcher en silence.
Mais raté, Jadina haussa simplement les épaules, et continua d’avancer comme si elle défilait sur un podium. Shimy trouvait cette démarche ridicule. Ce qui était la raison pour laquelle elle l’observait. Avec attention. Pour confirmer que c’était ridicule de croiser les jambes comme ça et d’avoir ce mouvement de déhanché, en pleine campagne, en pleine nuit, sans personne pour la voir. Enfin, si, elle, elle pouvait la voir. Et d’ailleurs elle la regardait. Mais ça n’avait rien à voir. Bref.
D’ailleurs Shimy dû lever les yeux précipitamment quand Jadina se retourna subitement vers elle, main sur la hanche.
- On va où en fait ?
Elles étaient loin de la maison, maintenant, et les rares lampadaires s’espaçaient de plus en plus, remplacés par des platanes et des fleurs sauvages. Shimy frappa dans un caillou, les mains dans les poches.
- J’en sais rien moi, on suit la route…
- Oui mais elle va où la route ?
- Aucune idée.
Jadina croisa les bras, et sembla réfléchir. Marrant, sa bouche faisait la même mimique quand elle réfléchissait et quand elle était agacée. Et c’est bon, ce n’était pas parce qu’elle l’observait qu’elle s’en rendait compte, ça sautait aux yeux, n’importe qui l’aurait remarqué.
- Parce que je te préviens, je m’arrête là, j’ai mal aux pieds.
- Bah oui mais quelle idée de mettre des talons, aussi…
Même si ça lui faisait de jolies jambes. Une réflexion qu’elle n’était certainement pas la seule à avoir, ça va.
- J’avais pas particulièrement pensé au fait que j’irais arpenter la campagne en pleine nuit, figure-toi…
- Bon mais moi je veux bien m’arrêter, mais où ? Y’a pas grand-chose là.
A part des platanes, du coup.
- Je sais pas, au prochain banc qu’on passe, quoi.
- Mmmouais... Ça m’étonnerait qu’on trouve un banc par là. A moins de retourner vers la maison.
- Sans façon.
- On est d’accord. Par contre… Shimy plissa les yeux pour mieux repérer ce qu’elle apercevait dans un champ, on devrait pouvoir se poser là !
Jadina suivi son doigt des yeux, perplexe.
- Sur des bottes de foin ? Mais c’est pas à quelqu’un, ça ?
- Bah je crois pas.
- Y’a des bottes de foin juste posées au milieu des champs, comme ça, en libre-service ?
- Roh, on s’en fout, les gens dorment à cette heure-là. De toute façon y’a personne dans ce trou, lança-t-elle en s’aventurant dans le champ. Et puis ça tient chaud le foin !
- C’est vrai, ça ? cria Jadina, qui était restée sur la route, main sur la hanche.
- Une seule façon de le savoir ! Et c’est ça ou on s’assoit par terre ! Remarque, moi ça me va hein…
- Ah non, jamais !
Shimy sourit en entendant l’herbe se froisser derrière elle. Jadina la rattrapait, certainement épouvantée par l’idée de salir ses précieux vêtements. Elle prépara un commentaire railleur, qui malheureusement se transforma en une sorte de cri éraillé surpris quand Jadina s’agrippa à sa ceinture pour éviter de tomber.
- Eh ! Non mais t’as qu’à me déshabiller, te gêne surtout pas !
- C’est bon, je me suis tordu la cheville ! Y’a des bosses partout dans ce champ !
- Ouais bah on le dira, aux agriculteurs, de lisser leurs champs pour que tu puisses marcher tranquille dedans.
- Ça va hein, c’était pas mon idée à la base.
Shimy replaça sa ceinture. Elle s’en voulu de ne pas avoir ri quand Jadina lui était tombée dessus, parce que maintenant ce n’était plus drôle et elle n’avait plus envie. Elle leva les yeux au ciel – même si, en vrai, elle n’était pas si exaspérée que ça – et lui prit la main pour la guider. En plus, ça lui réchauffait les doigts.
Une fois arrivées, elle grimpa habilement sur la botte, plus haute que ce qu’elle laissait supposer de loin. Elle balança nonchalamment ses jambes, et laissa Jadina galérer à la rejoindre. Quand même, elle n’allait pas non plus l’assister ! En plus, avec la hauteur, cette vision était plutôt agréable – drôle, elle voulait dire drôle, c’était drôle de la voir attraper des poignées de foin en vain et sautiller et tenter d’escalader et râler, drôle, pas plaisant ou agréable, bref, aucun, puisque c’était juste drôle.
- Dis, tu comptes m’aider ou je m’épuise toute la nuit ?
Ah bah là, elle retrouvait l’air agacé qu’elle lui connaissait. Pas trop tôt. Shimy eut un rictus.
- Je sais pas, j’hésite…
Elle finit par descendre, après que la brune lui ait lancé un regard noir qui ne l’impressionna pas du tout. Elle lui fit la courte échelle et ne regarda pas par inadvertance sous sa robe. Parce que ça ne se faisait pas. Même juste jeter un œil sans trop faire exprès, par curiosité mais sans y penser plus que ça. Et c’était pour ça qu’elle ne l’avait pas fait. Du coup.
Elle grimpa à nouveau et s’installa à côté d’elle. Et maintenant, en fait, elles allaient faire quoi ? Parce qu’autant le silence était tolérable quand elles marchaient, autant là, Shimy aurait du mal à l’apprécier. Elle observa Jadina qui s’était mis à regarder les étoiles, qu’on voyait mieux ici, avec un air apaisé. Mouais… Elle trouvera bien un moyen de la faire parler de quelque chose. Quitte à juste l’embêter. Au moins ça serait un contact, et c’était mieux que de ne pas en avoir. Shimy n’avait pas du tout envie de se sentir seule, ce soir.
Jadina ne voulait pas l’admettre à voix haute – parce que quand même – mais Shimy avait eu une bonne idée. Finalement, c’était assez confortable, si elle ignorait le foin rebelle qui lui piquait la peau. Elles avaient une belle vue du ciel. C’était paisible.
Sa contemplation des étoiles lui fit immédiatement repenser à la soirée qui se déroulait en parallèle, et à ce qui s’y passait. Ces imbéciles en étaient où, maintenant ? Est-ce que l’un d’eux avait essayé de l’appeler ? Ou est-ce qu’ils n’avaient toujours pas remarqué qu’elle était partie ? Elle attrapa son sac et commença à fouiller dedans pour trouver son téléphone, mais Shimy posa une question et elle interrompit son geste. Encore une fois, elle se révélait être la distraction qu’il lui fallait.
- Et du coup, pourquoi ils se disputaient ton mec et ton ex ?
Ou pas tant une distraction que ça, finalement. Elle fronça les sourcils. Si elle était partie arpenter une vieille route toute pourrie en pleine nuit, c’était justement pour ne pas penser à cette dispute stupide et à sa raison débile.
- Ça t’intéresse, maintenant ?
Shimy haussa les épaules. Jadina nota qu’elle s’était rapprochée, elle pouvait sentir le tissu de son crop-top frotter contre son bras nu. Tant mieux, ça lui éviterait la chair de poule.
- Bof. Mais ça fait patienter en attendant le premier train.
- Le premier train passe à la gare à 6h03, je vais pas tenir 3h avec cette histoire…
- Dis donc c’est précis… T’as que ça à faire, d’apprendre les horaires par cœur ?
- Quand les personnes avec qui je suis venue à une soirée s’embrouillent, oui.
- Bon mais aller, raconte !
- Mais non, pourquoi c’est à moi de raconter, d’abord ? Pourquoi toi tu me racontes pas pourquoi t’as cassé avec Gryf ?
Si elle devait ressasser des souvenirs désagréables, qu’elle ne soit pas la seule à le faire ! Et puis c’était elle qui avait demandé à Shimy en premier, donc c’était à elle de savoir. La jeune femme à côté d’elle s’exaspéra.
- Roh mais on s’en fout de ça !
- Non je m’en fous pas !
- Si tu t’en fous.
- D’accord, mais toi aussi tu t’en fiches de savoir pourquoi Danaël et Halan se disputaient.
- Oui, totalement, surtout que je suis sûre que c’est débile, mais ça fait passer le temps. Aller, te fais pas prier !
Les joues de Jadina gonflèrent légèrement et ses lèvres se relevèrent. Pour une raison qui lui échappa, sa moue fit sourire Shimy, qui ravala son rictus pour prendre un air exaspéré et négocier.
- Bon, tu me racontes, et moi je te dirais pourquoi on a cassé sur le chemin de la gare. Ça te va comme ça ?
- Tu m’accompagnes à la gare ?
Décidemment, elles ne se quittaient plus… Copines comme cochons.
- Non je t’accompagne pas, je vais à la gare en même temps que toi, c’est tout. Moi non plus, j’ai pas envie de rester dans ce trou paumé je te signale.
Mouais, elle préférait ça. Parce que, oui, se balader ensemble avait été étonnement agréable, oui, ça la surprenait mais elle passait un bon moment, oui, partir sur un coup de tête avec elle avait étrangement été la meilleure décision de sa soirée… Où elle allait avec ça ? Ah oui, elle tolérait bien mieux Shimy que d’habitude, elle était même de plutôt bonne compagnie à part quand elle se foutait de sa tronche. Et oui, elle était contente qu’elle soit là, assise avec elle sur des bottes de foin au milieu d’un champ lui-même au milieu de nulle part, loin des garçons qui lui causaient du souci, avec sa manche qui frottait son bras, et sa main qui touchait presque la sienne et son sourire agaçant. Mais elles n’étaient pas non plus amies, il ne fallait pas pousser. Voilà.
Shimy se rapprocha davantage, insistante.
- Alors ? Pourquoi ton mec et ton ex se disputaient ? Pour tes beaux yeux ?
Jadina fronça à nouveau les sourcils et il lui semblait que plus elle s’agaçait, plus Shimy exultait. Elle n’avait toujours pas envie de parler, alors elle précisa quelque chose qui lui parut crucial.
- C’est pas mon mec, déjà.
- Ah bon ? C’est pas ce que t’as dit tout à l’heure ?
- Non, j’ai dit que c’était mon pseudo-copain.
Shimy haussa les sourcils, sceptique. Jadina soupira, et tenta de mettre en mots ce qu’elle avait souvent du mal à expliquer. Si son interlocutrice voulait vraiment tout savoir… Peut-être que ça lui ferait du bien de se livrer à quelqu’un, finalement.
- C’est compliqué… On croit souvent qu’on est en couple et en vrai je comprends, c’est vrai qu’on fait quasiment tout comme un couple quand j'y pense, sauf qu’on n’est pas ensemble…
Elle crut voir Shimy sourire, mais elle n’en était pas tout à fait sûre avec la pénombre. Cela dit, ça ne l’étonnerait pas que ses problèmes de pseudo-couple la fassent rire…
- Donc c’est quoi, genre une relation libre ?
- Non, c’est juste qu’on n’a pas encore osé… enfin, il n’y a pas eu la bonne occasion de… Et puis à chaque fois on est interrompus par quelque chose… Et là clairement j’avais pas du tout envie de mettre ça sur la table… C’est vrai que dès qu’Halan est là, il devient…
Shimy l’interrompit d’un bâillement ostentatoire, et en reposant sa main, elle vint couvrir la sienne. Jadina n’y prêta pas attention, trop piquée au vif. Tu parles d’une oreille attentive !
- Eh oh, tu le dis, si je t’ennuie ! C’est toi qui as demandé, je te rappelle !
- Moi j’ai demandé la raison de la dispute, pas tout l’historique sentimental ! Je veux savoir ce qui pousse deux mecs à se mettre sur la gueule au milieu de tout le monde en pleine soirée, c’est tout.
- Ouais bah l’historique sentimental, ça va avec.
- Et bah moi ça m’intéresse pas. Surtout que je sais très bien ce que c’est le problème.
Elle s’était rapproché, encore, leurs cuisses se touchaient. Jadina se sentit la chaleur lui monter aux joues, sûrement la colère.
- Éclaire-moi, comme t’es la professionnelle des relations qui durent…
Shimy ne se vexa pas à cette remarque, qui fit simplement grandir son rictus. Une bourrasque souffla, et Jadina sentit des cheveux bleus lui caresser le visage.
- Tu dois être plus spontanée, c’est tout.
- Comment ça ?
- Comme ça.
Elle réduit définitivement la distance entre elles en posant sa main derrière la cuisse de Jadina et en embrassant ses lèvres.
Le baiser, sa fugacité, sa délicatesse prirent Jadina de court et le temps qu’elle comprenne ce qui s’était passé, Shimy s’était déjà reculée, essuyant le transfert de rouge à lèvres avec sa main. Jadina se sentit devenir cramoisie (et cette fois elle était sûre que ce n’était pas de la colère), bégaya quelques syllabes pour tenter de mettre du sens sur ce qui venait de se passer. Shimy rit, son visage toujours près du sien.
- Bah quoi ? C’est pas toi qui disait que tu pouvais passer de « on est rien » à « on se roule des grosses pelles » en deux jours ?
Ah bah apparemment ce n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde ! Jadina tenta de se justifier, de manière plutôt pitoyable.
- Q-quoi ?? Mais non, mais pas du tout, c’était une, enfin c’était pour rire, j’étais pas.. !
Si elle avait su qu’elle serait prise au pied de la lettre, elle aurait mieux choisi ses mots ! Shimy continuait à sourire, mais elle s’était reculée, ses deux mains posées sur le foin, soutenant son torse penché en arrière.
- Tu vois, qu’est-ce que je disais ? Manque de spontanéité.
- Mais n’importe quoi, ça n’a rien à voir !
À la limite, c’était Shimy qui était trop spontanée, voilà ! Non mais qui faisait ça ? Elles ne s’appréciaient même pas tant que ça ! Bon, ok, ça lui avait vite fait traversé l’esprit quand elle lui était tombée dessus par mégarde. Et oui, quand Shimy lui avait proposé de s’en aller, elle avait pensé, succinctement avant de se rendre compte que c’était impossible, que peut-être elle l’invitait chez elle. Et oui, elle avait accepté en l’ayant en tête, mais elle pensait que c’était juste pour partir et être au chaud quelque part ! Même si objectivement, il ne faisait pas si froid. Elle ne pensait pas que Shimy avait une idée derrière la tête. Bon, oui, elle avait quand même perçu qu’elle l’observait avec un certain intérêt quand elles marchaient, et non ça ne l’avait pas dérangée, et peut-être même qu’elle l’avait un peu cherché. Mais bon de là à agir ! Et puis après, il se passerait quoi ? Il fallait quand même réfléchir ! Elles n’étaient pas seules au monde, il y avait d’autres personnes à prendre en compte !
…
Ah oui, elle voyait ce qu’elle voulait dire.
Shimy la regardait toujours, certainement amusée de ses élucubrations internes qui devaient se lire sur son visage. Ses jambes se balançaient dans le vide, et elle ne disait plus rien. Elle attendait.
Jadina soupira. De toute façon elles étaient là, et elles avaient du temps à tuer. Et puis à quel point ça serait gênant, si elles se rasseyaient comme si de rien n’était ? Certainement moins gênant que s’il se passait quelque chose et qu’elles se recroisaient plus tard, certes. Mais bon… Ça pouvait être une parenthèse, un échappatoire limité dans le temps et l’espace, l’occasion de ne plus du tout penser à ses problèmes, au moins pour quelques heures. L’opportunité de contrer le cruel manque d’attention dont elle souffrait depuis le début de la soirée. N’était-ce pas ce qu’elle voulait depuis le début, au final ?
- Oh et puis merde.
C’était le moment d’être spontanée, alors. Elle laissa tomber son sac sur le foin, et une bretelle de sa robe glissa sur son épaule avec. Shimy sourit, satisfaite, et elle passa une main dans ses cheveux teints.
- Dis donc, quelle vulgarité… railla-t-elle en effleurant sa taille de ses doigts bagués.
- La ferme, râla Jadina en levant manifestement les yeux au ciel. Qu’elle ne lui fasse pas regretter sa décision.
En fait, c’était mieux si Shimy ne parlait plus. Du tout. Parce qu’elle avait le don pour l’énerver, et pourtant jamais assez pour qu’elle décide de prendre son sac, rajuster sa robe, et s’en aller. Et en plus elle avait l’air de le savoir. Et d’en jouer. Et d’en tirer un grand plaisir.
Mais Shimy ne regardait plus ses yeux, trop occupés par ses lèvres, et quand Jadina se pencha vers elle, elle resserra sa prise sur sa taille, et sourit à travers leur baiser.
Ce n’était pas de l’amour. En tout cas, pas celui qu’elles attendaient cette nuit. Mais ça ferait l’affaire. C’était un contact, c’était de l’attention. Ça faisait attendre le train, ça réchauffait et ça empêchait de penser. Le reste, elles verraient quand le soleil sera levé. Ou pas.

theshiny_lane Fri 28 Feb 2025 11:41PM UTC
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