Chapter Text
Le lieutenant Emily Striker était une jeune femme de 32 ans dont l’apparence semblait à elle seule défier les attentes. Son visage fin et doux lui donnait un air angélique qui contrastait puissamment avec son regard d’acier. Tantôt bleu comme une chaude journée d’été, tantôt gris comme un jour d’orage, son regard semblaient sonder l’âme de ses interlocuteurs, imposant un respect immédiat. C’était une blonde comme on faisait plus à cette époque. Avec plus d’un siècle de brasage génétique humain, une chevelure blond platine comme la sienne était rare. Elle incarnait une dualité saisissante : un air de lutin espiègle et lumineux, mêlé à une force intérieure féroce que peu osaient sous-estimer.
Emily n’était vraiment pas grande, 1,50m tout au plus, mais elle compensait largement par une habileté hors du commun. Son talent pour se fondre dans n’importe quel environnement, esquiver les obstacles et se mouvoir discrètement faisait d’elle une infiltratrice redoutable. Elle était un mélange fascinant d’intelligence aiguë, d’humour cinglant et d’une détermination sans faille. Socialement maladroite à ses heures, elle se révélait pourtant capable d’arracher des éclats de rire inattendus à ses coéquipiers grâce à son sarcasme mordant. En privé, elle cachait un secret : une passion pour le chant, qu’elle ne pratiquait que pour elle-même, à l’abri des regards, comme une échappatoire fragile à un quotidien chargé.
Les obstacles auxquels Emily avait dû faire face dans son enfance ne la prédestinaient en rien à un avenir brillant. Abandonnée à la naissance, elle fut trouvée à seulement quelques jours, enfermée dans la banquette arrière d’une voiture volée, abandonnée sur le bord d’une autoroute par une chaleur écrasante. Transportée d’urgence dans un centre médical, elle survécut miraculeusement malgré les conditions éprouvantes. Ne sachant rien d’elle, ni de ses origines, les autorités lui donnèrent un nom, Emily Striker, et une date de naissance symbolique correspondant à sa découverte, le 17 juillet 2154.
Placée dans un orphelinat vétuste et bondé, Emily grandit dans un environnement hostile. Les murs fissurés résonnaient des cris des enfants, et les rares moments de calme étaient brisés par les hurlements de Mrs Baker, la gérante psychorigide. Cette vieille femme, à l’aura glaciale, avait une règle tacite : la moindre incartade méritait une punition brutale. Emily avait appris dès son plus jeune âge que ses sourires ne la protégeraient pas des coups. Pourtant, au milieu de cette grisaille, une lumière persistait : Samantha Shepard, ou simplement « Shep », une camarade intrépide au caractère de feu. Ensemble, elles affrontaient les tâches ingrates et partageaient les rares moments d’accalmie, formant un lien indéfectible forgé dans l’adversité.
L’orphelinat où Emily et Sam avaient grandi était tout sauf un refuge. Les murs ternes et fissurés semblaient suinter le désespoir, et l’air y était chargé d’une tension permanente. Chaque jour ressemblait à un test de survie, rythmé par les punitions et les coups de Mrs Baker, dont les hurlements pouvaient glacer le sang de n’importe quel enfant. Pour Emily et Sam, cependant, la peur n’était pas suffisante pour étouffer leur esprit combatif.
Sam, avec son caractère de feu, répondait souvent aux ordres aboyés par des remarques piquantes, ses mots aiguisés comme des lames. Emily, plus discrète, se tenait juste derrière elle, prête à glisser une phrase sarcastique au bon moment pour énerver encore un peu plus leur tyrannique oppresseur. « Peut-être que votre thé serait moins amer si vous ajoutiez une pincée d’humanité », avait un jour lâché Emily, avec un regard faussement innocent. Sam n’avait pu s’empêcher de rire, avant de recevoir un regard de Mrs Baker qui aurait pu réduire un mur en poussière. Les autres enfants les voyaient comme leurs protectrices, mais ne voulaient jamais se mettre en travers du chemin de Mrs Baker, la peur étant plus forte que tout.
Ensemble, elles formaient une alliance inattendue mais indestructible. Tandis que Sam affrontait de front les colères de Mrs Baker, Emily jouait souvent la médiatrice ou la stratège, cherchant des moyens de contourner les règles absurdes de l’orphelinat. Le soir, à l’abri des regards, elles se retrouvaient pour partager leurs blessures, panser leurs plaies et transformer leurs frustrations en blagues sarcastiques. Cet humour noir était devenu leur arme, une manière de résister, de ne pas laisser Mrs Baker les briser.
Emily trouvait un réconfort fugace dans le chant, une passion qu’elle gardait jalousement secrète. Lorsqu’elle était sûre que personne ne l’entendait, elle fredonnait doucement des mélodies inventées pour apaiser son esprit. Emily pouvait presque oublier les murs fissurés de l’orphelinat et s’imaginer dans un autre monde. Sam, cependant, l’avait surprise un soir, après une journée particulièrement éprouvante. Assises dans un coin sombre de l’orphelinat, Sam avait murmuré : « Tu sais, j’adore ta voix. Tu pourrais chanter partout. » Emily avait rougi, incapable de répondre, mais depuis ce jour, le chant était devenu une chose qu’elles partageaient en secret, un moment d’évasion dans un univers hostile.
À l’âge de dix ans, Emily développa ses premiers pouvoirs biotiques. La première fois qu’une lueur bleutée apparut autour de ses mains, c’était au milieu de la nuit, alors qu’elle rêvait d’une altercation avec Mrs Baker, où elle avait battu un autre enfant. La peur s’empara d’elle à son réveil, sa respiration haletante, des sueurs coulant de son front et ses mains tremblantes sous les résidus d’énergie. Pendant des semaines, elle tenta de réprimer ces manifestations, retenant son souffle à chaque fois qu’une émotion forte menaçait de prendre le dessus. Mais les regards suspects de Mrs Baker la forçaient à marcher sur une corde raide, sa peur d’être découverte devenant aussi écrasante que celle de ses pouvoirs.
À cette époque, l’humanité faisait encore ses premiers pas en tant que membre de la communauté galactique. Les récits d’incidents liés aux biotiques, bien que rares, alimentaient les rumeurs et renforçaient les peurs. Dans les recoins sombres de l’orphelinat, Emily et Sam entendirent un jour un murmure inquiétant parmi les adultes : une catastrophe attribuée à un biotique humain qui aurait perdu le contrôle dans une station coloniale. « Ils disent qu’un gamin a détruit toute une baie d’amarrage, juste avec ses mains », chuchotait l’une des aides à Mrs Baker. Ces paroles, murmurées à la volée, résonnaient comme une sentence pour les enfants biotiques, les désignant comme des anomalies dangereuses à surveiller de près.
Pour Emily, ces murmures devinrent une source d’angoisse. Chaque éclat bleuâtre autour de ses mains lui rappelait qu’elle risquait d’être la cible de cette même peur irrationnelle. Quant à Mrs Baker, son mépris pour les biotiques semblait renforcé par ces rumeurs, nourrissant sa cruauté envers Emily avec un zèle redoublé après qu’elle l’ait découvert. C’était comme si les murmures avaient transformé sa différence en une menace palpable. Pourtant, au lieu de la briser, cette hostilité nourrit sa détermination. Avec Sam à ses côtés, Emily trouva le courage de résister, jusqu’au jour où elles décidèrent de fuir ensemble cette vie d’abus et de solitude.
Lasses d’avoir peur, d’être battues et humiliées, elles avaient volé un vieux sac de voyage dans la cave de l’orphelinat, y avait mis le peu de vêtements qu’elles possédaient et de la nourriture chapardée dans les réserves de la cuisine. Elles avaient attendu que tous les enfants se soient endormis, et que la directrice se terre dans sa chambre devant un holo de seconde zone. Tendant l’oreille alors qu’elles se frayaient un chemin vers la sortie du bâtiment, s’assurant qu’elles ne seraient pas prises par surprise, elles traversèrent le seuil, le dernier regard plein de culpabilité de laisser les autres enfants dans leur désolation. Elles disparurent dans la nuit, tremblantes d’anticipation, laissant l’obscurité les avaler.
Elles sillonnèrent les rues des jours durant, leur fuite marquée par une lutte constante pour la survie. Elles étaient affamées et démoralisées et à la recherche de nourriture et d’abris, se cachant des autorités publiques. Certains jours, elles squattaient de vieux bâtiments désaffectés, d’autres des tentes dans la rue, des cartons ou des cabanes de fortunes... Dans les pires moments de leur errance, Emily chantait doucement pour se donner du courage. La nuit, alors que les sons inquiétants dans l’obscurité les maintenaient alertes, Sam sanglotait doucement, se remémorant les coups subis de leur ancienne tutrice. Emily la serrait contre elle, essayant de la rassurer et lui promettant un avenir meilleur. Parfois, quand elles étaient à l’abri d’une vieille cabane ou d’un carton, elle chantait à voix basse pour Sam. « Continue, ça me fait oublier qu’on a faim, » lui disait-elle avec un sourire fatigué. Leurs éclats de rire brisaient alors le silence glacial de la nuit.
Un soir, alors qu’elles furetaient pour trouver un abri pour la nuit pour se protéger du vent glacial qui s’infiltrait dans leurs vêtements, elles débouchèrent sur une ruelle sombre où un groupe d’autres personnes errantes s’était installé autour d’un feu dans un fût en métal. Emily et Sam s’approchèrent, hésitantes, espérant partager un peu de chaleur. Mais au lieu de solidarité, elles furent chassées à jets de bâtons et de hurlements.
Cette première rencontre avec d’autres personnes, adultes inclus, de la rue leur apprit une dure leçon : même dans l’adversité, chacun se battait pour sa propre survie. Sam, les poings serrés, murmura à Emily : "On n’a besoin de personne. Juste toi et moi jusqu’au bout !" Ces mots devinrent leur mantra dans les jours qui suivirent.
Une autre fois, alors que le temps était à l’orage et qu’elles fouillaient des poubelles derrière un restaurant, elles furent surprises par un cuisinier. Le vieil homme, qui les observait depuis un moment depuis sa réserve, et loin d’être fâché, leur tendit silencieusement un sac contenant du pain rassis et quelques légumes flétris. Ce geste de compassion resta gravé dans leur mémoire, un rare moment de lumière dans une période autrement sombre.
Un jour, alors qu’elles fuyaient à travers des ruelles sombres après avoir été surprises pour avoir chapardé dans un drugstore, l’écho des sirènes de police se rapprocha dangereusement. Le souffle court, Emily et Sam se glissèrent derrière une benne à ordures, leurs cœurs battant à tout rompre. L’angoisse d’être capturées était presque suffocante, mais elles restaient immobiles, espérant que les ombres les protègeraient. Elles s’immobilisèrent, retenant leur souffle, alors que les torches des patrouilleurs balaient la ruelle à quelques pas d’elles.
C’est alors qu’une silhouette surgit près d’elles. Un homme, à peine visible dans sous sa capuche, leur fit signe de le suivre dans le bâtiment contre lequel elles étaient prostrées : « Si vous voulez vivre, suivez-moi ! »
Il était grand, large d’épaule, habillé d’un vieux manteau et d’un treillis usé. Emily hésita, ses instincts lui criant de ne pas faire confiance à cet inconnu. Mais Sam, audacieuse, attrapa la main d’Emily et murmura : « On n’a pas le choix. »
L’homme les guida rapidement à travers un labyrinthe de couloirs et d’escaliers, jusqu’à une cave éclairée par une seule ampoule vacillante. Là, un groupe de personnes hétéroclites les attendait. Des regards méfiants se posèrent sur les nouvelles venues, mais l’homme, qui semblait être leur chef, parla d’une voix rauque : « Elles sont jeunes, mais elles ont de la ressource. Si elles survivent ici, elles auront leur place parmi nous. »
Emily sentit le poids de ces mots. Ce n’était pas un refuge, mais elles devraient se battre pour prouver qu’elles pouvaient se faire une place dans ce monde impitoyable.
L’homme observa les deux jeunes fugueuses, une étincelle calculatrice dans son regard. " Si vous voulez rester, vous devrez prouver que vous en êtes capables. La rue ne pardonne pas aux faibles."
Sam répliqua : « On a survécu jusqu’ici, non ? »
"Vous avez de l’audace, je vous l’accorde. On va voir si vous avez aussi l’endurance pour survivre ici."
Emily dégluti face au défi que cet homme leur lançait, mais Sam, fidèle à elle-même, croisa les bras et lança d’un ton provocant : « Mords-moi, tu vas être surpris vieux ! »
C’est là que commença leur vie dans le gang des Reds. L’atmosphère était souvent tendue, oppressante, par la pression de devoir apporter une contribution au groupe. Personne ne leur donnait l’impression d’être bienvenue, mais elles n’étaient pas rejetées non plus. Elles durent se faire une place au sein du groupe, travaillant au même titre que les autres pour subvenir à leurs propres besoins. Parfois, des bagarres éclataient entre les membres à cause de désaccords divers, le plus souvent au sujet du partage des denrée alimentaires, causant parfois de graves blessures.
Une fois, il y eut un mort, et ce fût à Sam et Emily de se charger de se débarrasser du corps dans une décharge publique. Au début, elles refusèrent, mais la menace crachée froidement de leur chef de les expulser leur fit changer d’avis. Dans le plus profond de la nuit, elles emballèrent le cadavre dans plusieurs sacs poubelle découpés, et durent le trainer laborieusement jusqu’à une décharge à deux pâtés de maison de là.
En grandissant, elles apprirent à voler discrètement, à pirater n’important quel système informatique, à se battre au corps à corps, et à fabriquer et utiliser des armes et des explosifs. Elles apprirent aussi à lire et à écrire, les mathématiques, ainsi que les bonnes manières. On leur enseigna aussi la danse et tenir une conversation formelle, qui leur servirait à s’infiltrer dans divers évènements mondains ou dans des lieux de luxe.
Leur chef, Roland Bishop, était un ancien de l’armé qui avait mal tourné, un catégorie six. C’était comme ça que l’armée appelait les soldats démis de leurs fonctions avec une libération déshonorante. Tout ce qu’il savait, il leur a appris. Il était exigeant et strict. Quiconque ne suivait pas ses règles était exclu du groupe. Mais personne ne savait quoi faire des biotiques d’Emily, et ils ne pouvaient l’implanter d’un amplificateur biotique sans un médecin spécialisé. Sans cet élément, ses pouvoirs ne pouvaient être exploités à leur plein potentiel.
Quotidiennement, quand tout le monde dormait, Emily allait sur un terrain vague avec Sam, et s’entrainait à la maîtrise de soi et à aiguiser son pouvoir, essayant de tirer des boules d’énergies sur des cibles diverses. Plus le temps passait, plus elle s’améliorait, et devenait avec le temps un éléments clé du gang. Mais, exponentiellement, elle avait plus de besoins caloriques, et devait donc travailler plus dure pour sa contribution au groupe. Avec Sam, elle participait aux échanges de produits illicites, volaient des boutiques de luxes, négociaient des traités avec d’autres gang... Elles faisaient toutes les missions du gang ensemble. Jusqu’à leurs treize ans, elles suivaient les règles du groupe.
Dans leur vie au sein du gang, Emily n’avait que rarement l’occasion de chanter. Sam, fidèle à elle-même, trouvait toujours un moyen de rappeler à Emily qu’elle avait un don. « Tu sais, ça fait longtemps que je ne t’ai pas écouté. Même ici, ta voix pourrait toucher les gens, » lui dit-elle après une mission particulièrement dangereuse. Emily, gênée, changeait aussitôt de sujet, mais Sam voyait dans ses yeux que cette passion ne l’avait jamais quittée.
Au moment de leur treize ans, Roland leur ordonna de voler un prototype d’implant médical d’un laboratoire. Emily observait le bâtiment à travers une paire de jumelles. « C’est juste une machine, non ? » murmura Sam, confiante. Emily hésita, son regard se posant sur les caméras de sécurité. Elle savait que ce vol risquait de priver quelqu’un d’une chance de survie. « Et si... et si quelqu’un en avait besoin ? » exigea-t-elle finalement. Sam haussa les épaules. « On ne pose pas de questions. Ce n’est pas notre problème. » Mais pour Emily, cette mission devint un poids qu’elle ne parvint jamais vraiment à oublier.
Un jour, un échange de sable rouge était organisé avec un autre gang. Le petit groupe se tenait dans un hangar poussiéreux et mal éclairé. Le silence assourdissant du lieu n’était troublé que par les cliquetis d’une chaîne qui pendait au plafond, et par Sam, confiante, qui menait les négociations avec leur chef et celui de l’autre gang. Les deux gangs se regardaient en chien de faïence, scrutant le moindre faux pas. Pendant ce temps, Emily restait tapie dans l’ombre de caisses de stockage, concentrée, veillant à ce qu’aucun mouvement suspect ne passe inaperçu. Finalement, ne parvenant à aucun accord, l’échange tourna au vinaigre et une fusillade éclata. Emily lâcha une onde biotique, qui explosa dans un éclat bleuté, projetant un homme en arrière. Une caisse métallique tomba avec fracas, et un nuage de poussière s’éleva, rendant l’air encore plus irrespirable. Emily posa sa main tremblante sur son genou, haletante. L’entraînement de la veille avait laissé des traces. Ses muscles semblaient engourdis, et son estomac criait famine. « Tu vas te tuer si tu continues comme ça, » lança Sam, en planque derrière une conduite de gaz. Emily détourna le regard, le front plissé. « Je n’ai pas le choix. Sans ça, on va se faire tuer. » Les détonations résonnaient comme des coups de tonnerre, et les éclats de balles ricochaient sur les murs en béton. Emily sentit son cœur s’emballer alors qu’elle cherchait désespérément Sam, qui s’était déplacée, dans la mêlée. Se fût alors qu’Emily aperçût Sam se faire abattre d’une balle dans l’épaule. Son cri transperça le chaos, et Emily sentit son cœur manquer un battement. Elle se précipita vers elle, ignorant les balles qui sifflaient autour d’elle. Sentant sa peur pour Sam, elle senti une chaleur intense monter en elle, alimentée par une rage incontrôlable. Ses mains s’illuminèrent d’une énergie bleutée, et en un instant, une onde de choc dévastatrice balaya tout sur son passage. Les murs tremblèrent sous la puissance de l’onde, et les caisses volèrent en éclats, projetant des débris dans toutes les directions. Les cris s’éteignirent, remplacés par un silence assourdissant. Plusieurs membres des Reds et du gang adverse furent tués sur le coup. Les autres, amis et ennemis, encore sous le choc de la déflagration, commencent à paniquer face à la puissance incontrôlable du pouvoir d’Emily et tirèrent dans tous les sens. La police locale intervint, et Emily profita de la panique générale pour prendre Sam sur son dos, et fuir discrètement. La blessure de Sam était grave. Sur un soupir de désespoir, Emily s’était résignée à aller demander de l’aide au centre médical le plus proche. Chaque pas semblait un défi, mais elle refusait de ralentir. Sam comptait sur elle, et elle ne pouvait pas échouer. Elle hésita devant l’entrée du dispensaire, le souffle court. Elle savait que demander de l’aide risquait de les exposer, mais le visage pâle de Sam, marqué par la douleur, lui fit prendre sa décision. "Tiens bon, Sam. Je vais te sauver," murmura-t-elle avant de pousser la porte.
Emily poussa la porte avec hésitation, le cœur battant et Sam affaissée sur son dos. L’intérieur du dispensaire, propre et moderne, tranchait avec la brutalité de la fusillade. Une femme en blouse blanche, à l’air fatigué mais chaleureux, avec un regard maternel et ensoleillé, releva la tête de son bureau en les voyant entrer.
« Oh mon Dieu... venez ici, vite ! " dit-elle en se précipitant vers elles.
Emily suivit la femme, et déposa Sam avec précaution sur un lit de consultation, ses jambes tremblantes d’épuisement. La médecin, après un rapide coup d’œil sur l’état de Sam, fronça les sourcils.
"Vous venez de la rue ? C’est quoi cette blessure ?" demanda-t-elle avec douceur, mais une pointe d’inquiétude perçait dans sa voix.
Emily hésita, cherchant ses mots. Devait-elle mentir ou dire la vérité ?
"Elle a été... touchée dans un... accident », murmura-t-elle, ses mains encore tremblantes. La médecin observa un instant les deux jeunes filles : leurs vêtements tachés de poussière et de sang, amaigries, leurs regards alourdis par la fatigue. Après un moment de silence, elle soupira et s’activa.
"Mmmh... Je vais m’occuper d’elle, mais vous me direz toute la vérité plus tard, d’accord ?" Son ton était conciliant, mais ferme. Emily hocha la tête, le soulagement envahissant son corps. Elle jeta un coup d’œil à son badge. Dre Cynthia Limermann.
"Elle a de la chance. La balle n’a pas touché d’organe vital," dit la médecin en plaçant une perfusion. Puis, ses yeux se posèrent sur Emily. "Et toi ? Tu es blessée ?"
Emily secoua la tête. « Non, je vais bien, » murmura-t-elle, bien que son épuisement et sa faim racontaient une autre histoire.
Alors que la médecin terminait les soins de Sam, elle remarqua une lueur étrange sur son bras. Une faible énergie bleutée dansa un instant sur sa peau, si fugace qu’elle aurait pu la manquer. Elle fixa Emily, son expression intriguée. « Votre amie est biotique, n’est-ce pas ? »
Emily écarquilla les yeux, surprise, hésitant à répondre. Mais le regard de la médecin était empreint de curiosité, pas de jugement. Elle hocha simplement la tête.
"Je ne savais pas, c’est nouveau... Jusqu’à maintenant, il n’y avait que moi." dit-elle doucement.
La médecin soupira. "D’accord. Je vais garder cela pour moi. Mais écoute-moi bien, vous devrez deux être prudentes. Beaucoup de gens ne sont pas aussi conciliants que moi."
Emily sentit un poids s’alléger légèrement dans sa poitrine. "Merci... vraiment."
La médecin hocha la tête et posa une couverture sur Sam. "Elle devra se reposer ici. Toi aussi, tu devrais prendre quelque chose à manger et te reposer un peu. Tout ira mieux après un peu de calme." Elle s’éloigna, mais s’arrêta et se tourna vers Emily. "Je ne connais pas votre histoire, mais quelque chose me dit que vous êtes en danger. Soyez-discrète.
Emily hocha la tête, mais ne dit rien, une nouvelle vague de peur s’installa en elle. Elle serra la main de Sam, déterminée à la protéger, quoi qu’il en coûte.
A travers la baie vitrée, depuis son bureau, Le Dr Limermann observa les deux filles un peu amaigries, habillée de vêtements abimés. Elle envoya une infirmière déposer aux filles des chocolats chauds, et des biscuits. En tapotant sur son bureau du bout des doigts, elle réfléchissait.
Emily, épuisée, observa Sam qui somnolait sur le lit. Elle lui caressait doucement une mèche de cheveux roux qui lui tombait sur le front. Le silence apaisant de la pièce contrastait violemment avec le chaos qu’elles avaient fui. La médecin, revenue de son bureau, brisa ce silence en posant doucement une main sur l’épaule d’Emily.
"Vous ne pouvez pas repartir dans cet état, ni l’une ni l’autre. Sam a besoin de repos, et toi, tu es à bout de forces," dit-elle d’un ton ferme mais bienveillant.
Emily leva les yeux, surprise par cette proposition. « Vous nous garderez ? » Sa voix vacillait, entre soulagement et méfiance.
La médecin hocha la tête avec un sourire rassurant. "Ce n’est pas une solution permanente, mais je peux vous abriter quelques jours, le temps que Sam se remette sur pied. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Pas seules."
Les jours qui suivirent, la médecin fit preuve de patience et de discrétion. Elle permet à Emily de se reposer et veilla à ce que Sam reprenne des forces. Pendant cette période, Emily s’efforça de rester en alerte, vérifiant constamment les environs pour s’assurer qu’elles n’étaient pas suivies.
La médecin, tout en restant bienveillante, montra aussi de la prudence. Elle leur donna des vêtements plus propres pour les aider à se fondre dans la masse. Elle les prévint : "Si quelqu’un vous pose des questions, dites juste que vous êtes mes nièces. Pas un mot de plus."
Un soir, Emily, frappée d’insomnie, aidait à Cynthia à ranger quelques fournitures.
« Pourquoi faites-vous ça pour nous ? " demanda-t-elle.
"J’ai vu trop de jeunes comme vous finir dans de mauvaises mains, ou bien pire. Je ne peux pas changer le monde, Emily, mais je peux au moins aider quand j’en ai l’occasion. ”
Emily garda le silence, touchée, mais elle détourna rapidement le regard, gênée et peu habituée à ce genre de compassion.
"Tu sais, Emily, le centre médical ne tiendrait pas sans l’aide de l’Alliance. Je ne te l’ai pas dit, mais ils soutiennent ce lieu, financièrement et stratégiquement." déclara Cynthia sans regarder Emily.
Emily fronça les sourcils, intriguée.
"Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils ont à y gagner ?"
Cynthia esquissa un léger sourire.
" Ils croient au potentiel des gens comme toi. Mon ex-mari, qui est maintenant un ami, est lieutenant dans l’Alliance. Anderson. Il pense que tout le monde mérite une seconde chance."
Elle se tourna vers Emily, le regard sérieux.
"Tu sais, toi et Sam sont puissantes. Vous auriez votre place dans une institution comme celle-là."
Emily fronça les sourcils. Elle et Sam n’avait jamais envisagé cette option. Elles devaient en discuter.
"Je... Je ne sais pas. On n’a jamais pensé à ça. Notre priorité a toujours été la survie. On a toujours pensé au jour le jour sans réfléchir à l’avenir."
Emily s’humidifia les lèvres, prudente.
« Vous savez, quand vous vous demandez quand sera votre prochain repas, vous n’avez pas de place pour penser à autre chose. »
La médecin hocha la tête de compréhension.
Quelques jours plus tard, le Dr Limermann prit les jeunes filles en aparté. Elle avait l’air soucieuse.
"On a eu une visite ce matin pendant que vous étiez à l’étage. Un homme, la cinquantaine, voix rauque avec un long manteau en laine avec une grande capuche et un vieux treillis. Il vous cherchait" énuméra-t-elle.
Sam et Emily se figèrent et se regardèrent les yeux écarquillés de peur.
« Je vois que c’est mauvais signe. » elle fit une pause puis repris. "Je lui ai dit que je vous avais vue, MAIS qu’après vous avoir soignée, vous vous êtes enfuie. Il a eu l’air de me croire. Il est reparti aussi sec."
Emily et Sam soupirèrent de soulagement.
"Ecoutez, les filles. Vous ne pourrez pas fuir éternellement. Je pense sincèrement que l’Alliance peut vous offrir une chance de vous battre pour quelque chose de plus grand que votre survie. Ce n’est pas une vie facile, mais c’est mieux que de vivre cachée toute votre vie."
Emily et Sam se regardèrent, hésitante, leur esprit tiraillé entre méfiance et espoir. L’idée d’un avenir stable semblait irréelle, presque trop belle pour être vraie.
"On peut essayer, non ? Ça ne nous coutera pas plus que ce que nous avons déjà perdu." dit Sam en haussant les épaules.
Emily la regarda pensive. Si c’est ce qu’il faut pour la protéger, pensa-t-elle.
« Ok, on ne peut pas faire pire de toute façon, vu où on en est. » acquiesça-t-elle.
Elles se tournèrent vers la médecin qui attendait leur décision, et hochèrent la tête simultanément. Cynthia était intérieurement soulagée qu’elles aient prit la bonne décision. Au fond, elle adorait ces petites. Avec un sourire, elle les laissa à leur conversation, et retourna à son bureau. Il était temps d’user de son contact, David Anderson, pour faire avancer les choses. De son omnitech, elle lança une communication vidéo. Elle espérait fortement que David n’était pas en mission top secrète ou quelque chose du genre, sinon il serait injoignable un certain temps.
En attendant que le lien communiant se fasse, elle croisait les doigts. Les secondes s’égrainèrent lentement, jusqu’à qu’enfin, le visage sombre du lieutenant apparaisse dans l’hologramme au poignet du médecin.
« Eh bien, Cynthia, que me vaut se plaisir ? » sourit Anderson.
"David, je suis soulagée de pouvoir te joindre. Je craignais que tu sois en mission" souffla la jeune femme.
"J’en reviens justement. J’ai une permission de quelques jours. Qu’est-ce qui se passe ?" demanda-t-il l’air subitement inquiet. "Un souci avec les enfants ? Greg va bien ?"
"Oui, oui, tout le monde va bien. Ce n’est pas pour ça que je t’appelle." elle inspira profondément. "J’ai des jeunes filles ici, au dispensaire... Elles sont spéciales. Elles ont besoin de quelqu’un pour les guider, et je sais que tu es bien placé pour ça."
La confusion d’Anderson s’intensifie.
"Spéciales ? Commentaire ?"
La voix de Cynthia baissa, murmurant presque. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle pour s’assurer qu’elle était seule.
« Biotiques... »
Un lourd silence s’installa.
"David, elles sont en grand danger ici. Elles sont recherchées par les membres d’un gang. J’ai eu la visite de l’un d’eux ce matin. J’ai pu m’en débarrasser, mais je sais qu’ils reviendront. Elles ne peuvent pas rester ici, David, et elles ne peuvent pas retourner dans la rue. C’est signer leur arrêt de mort."
« C’est une situation compliquée, Cyn. » dit-il hésitant. « Quel âge ont-elles ? »
"Elles sont encore mineures, elles n’ont que treize ans. D’après ce que j’ai pu tirer d’elles, elles ont été en orphelinat avant d’être dans la rue. Elles ne veulent pas y retourner. Je pense qu’elles y ont été maltraitées." Cynthia se mordilla la lèvre inférieure. "Je sais que tu as des contacts. Tu peux faire quelque chose ?"
Anderson soupira en se passant une main sur le visage, sa lassitude visible dans ses yeux.
"Tu n’as pas changé, Cyn. Toujours à vouloir sauver le monde", dit Anderson avec un sourire en coin.
Cynthia haussa les épaules.
« Et toi, toujours à jouer les héros. »
Anderson renifla légèrement.
"Je vais contacter le contre-amiral Hackett et en discuter avec lui. Je te recontacterai dans les plus brefs délais." Il se pencha dans l’hologramme, la leur orange lui donnant un air vieillit, le regard sérieux. "En attendant, Cyn, sois prudente. Au moindre problème, rappelle-moi. Je reste disponible."
« Merci, David. J’attends ton appel. A bientôt."
La communication se coupa, et le médecin libéra un souffle qu’elle ne savait pas qu’elle retenait. Si Anderson s’y prenait bien, une solution serait rapidement trouvée pour les filles. Cynthia leva les yeux vers la baie vitrée qui donnait sur la chambre des adolescentes, et les regarda se serrer dans les bras. La scène lui fit un pincement au cœur. Elle espérait vraiment qu’elles s’en sortiraient.
Les jours qui suivirent, les filles profitaient encore du calme relatif du dispensaire, mais l’ambiance restait teintée d’appréhension. Le danger que représentaient les Reds planait toujours dans l’air. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, une lueur d’espoir semblait percer.
Alors qu’Emily lisait un article d’actualité à Sam qui n’écoutait qu’à moitié, Cynthia entra dans la pièce avec un léger sourire. Derrière elle, un homme en uniforme militaire, de stature imposante mais au visage doux, se tenait avec les bras croisés.
« Emily, Samantha, je vous présente le Lieutenant Anderson, » dit Cynthia en s’effaçant légèrement pour laisser l’homme s’avancer dans leur chambre.
Emily se redressa instinctivement, méfiante, tandis que Sam ouvrit un œil, encore groggy mais visiblement curieuse. Anderson inclina légèrement la tête en signe de salutation.
"Bonjour, les filles. Cynthia m’a beaucoup parlé de vous. Je suis ici pour voir ce que je peux faire pour vous aider. “
Emily croisa les bras, encore sur la défensive.
"Pourquoi ? Pourquoi quelqu’un comme vous voudrait nous aider ?" demanda-t-elle, le regard perçant.
Anderson s’agenouilla légèrement pour être à leur hauteur.
« Parce que je crois qu’il y a du potentiel en vous deux, » répondit-il calmement. "J’ai vu des gens comme vous, des jeunes biotiques qui, avec un peu de soutien, ont réussi à transformer leur vie. Vous méritez une chance de faire pareil."
Sam haussa un sourcil, méfiante, mais une lueur d’intérêt traversa son regard.
« Et qu’est-ce que ça veut dire, exactement ? »
Anderson jeta un bref coup d’œil vers Cynthia, qui l’encouragea d’un léger hochement de tête.
"Cela veut dire que je vais vous sortir d’ici. J’ai discuté avec un contre-amiral de l’Alliance, un ami, et nous avons un plan pour vous intégrer à un programme spécial. Cela implique des règles strictes, mais cela vous offre une vraie sécurité. Une chance d’apprendre, de devenir plus fortes, et d’avoir un avenir."
Emily et Sam échangèrent un regard. Pour Emily, les mots « sécurité » et « avenir » étaient des mots d’espoir. Leur survie constante leur avait laissé peu de place pour rêver à une vie meilleure.
Durant les jours qui suivirent, Anderson passa du temps avec les filles pour les rassurer et leur expliquer les prochaines étapes. Il se montra patient et respectueux, conscient de leur méfiance naturelle.
Un soir, Emily, incapable de trouver le sommeil, rejoignit Anderson au bureau de Cynthia, où il consultait des documents sur son omnitech.
« Pourquoi ça vous intéresse autant de nous aider ? » demanda-t-elle, s’adossant contre le meuble.
Anderson releva les yeux et prit une pause avant de répondre.
" Parce que, il y a quelques années, quelqu’un m’a tendu la main alors que j’en avais besoin. Si cette personne ne l’avait pas fait, je ne serais probablement pas là aujourd’hui. Je suppose que c’est ma façon de rendre la pareille."
Emily resta silencieuse, touchée par ses mots, mais toujours prudente.
Anderson continua : "Je ne dis pas que ce sera facile. Vous allez devoir travailler dur, mais vous aurez des gens pour vous soutenir cette fois. Vous n’aurez pas à tout porter seules."
Emily hocha doucement la tête, lui souhaita bonne nuit, et retourna se coucher, les mots d’Anderson lui donnant matière à réflexion.
Alors que la date de leur départ approchait, Cynthia se chargea de préparer les filles pour leur nouveau chapitre. Elle leur fournit de nouveaux vêtements et un sac avec quelques effets personnels.
« Vous allez y arriver. » leur dit-elle avec un sourire chaleureux, bien que ses yeux trahissent une pointe d’inquiétude.
Le jour venu, Cynthia les accompagna jusqu’au point de rendez-vous avec Anderson. L’adieu fut discret mais chargé d’émotion.
"Merci pour tout, Cynthia. On reste en contact, je vous le promets" murmura Emily en serrant brièvement Cynthia dans ses bras.
Sam, fidèle à elle-même, haussa les épaules mais ajouta avec un sourire en coin.
« Essayez de pas trop pleurer, Doc. »
Anderson fit signe aux filles de monter à bord du transport militaire qui les attendait. Cynthia resta en arrière, les regardant partir avec une prière silencieuse pour leur avenir.
Sam et Emily prirent le chemin vers une base d’entraînement spécialisée de l’Alliance. Anderson avait été autorisé à rester près d’elles temporairement pour les accompagner.
La navette militaire descendait lentement, ses moteurs vrombissant dans un grondement sourd. Emily, assise près de la petite fenêtre rectangulaire, regardait le paysage défiler dans un silence tendu. À côté d’elle, Sam semblait détendue, les bras croisés, mais Emily savait qu’elle observait tout avec attention. Elle était aussi stressée qu’elle.
Anderson, installé en face d’elles, brisa le silence.
"Je sais que tout ça est nouveau pour vous. Peut-être un peu intimidant. Mais vous êtes en sécurité maintenant. Ça, je peux vous le garantir."
Emily haussa un sourcil mais ne répondit pas, se contentant de fixer le lieutenant. Il avait cette manière de parler qui inspirait confiance, même à quelqu’un d’aussi méfiant qu’elle. Sam, elle, haussa les épaules.
« C’est pas pire que l’arrière d’un camion de contrebande », lâcha-t-elle avec un sourire en coin.
Anderson éclata de rire.
"J’imagine que vous avez vécu bien pire, oui. Mais ici, les choses seront différentes. Vous aurez des règles à suivre, mais aussi des opportunités. Je veux que vous vous donniez une chance de réussir."
Leur transport s’immobilisa enfin sur une base militaire sobre mais bien entretenue. Dès qu’elles descendirent, Emily sentit une étrange impression d’ordre et de calme, si différente du chaos des rues ou du gang des Reds. Les uniformes impeccables, les soldats marchant d’un pas coordonné, tout semblait étrangement irréel.
« Bienvenue dans votre nouvelle maison », déclara Anderson en se tournant vers elles, son regard à la fois sérieux et encourageant.
Emily échangea un regard avec Sam, l’ombre d’une hésitation traversant son visage. Une maison ? Ce mot sonnait faux pour elle. Mais pour la première fois, elle se surprit à espérer que cette fois, ce serait différent.
Les premières semaines d’entraînement à l’Académie furent éprouvantes. Emily et Sam, habituées à la rudesse de leur vie passée, durent néanmoins s’adapter à une discipline nouvelle et rigoureuse. Les journées commençaient avant l’aube, rythmées par des exercices physiques intenses et des cours théoriques sur la stratégie militaire et la technologie avancée, et se terminaient généralement tard, après le coucher du soleil.
Très vite, Emily fût remarquée pour son insatiable soif de connaissances et son aptitude à exceller bien au-delà des attentes standards. Ses instructeurs la surnommèrent « le couteau suisse » de l’Alliance, un hommage à sa capacité à maîtriser une multitude de disciplines avec une aisance déconcertante. Non seulement brillait-elle dans la formation de sentinelle classique, combinant biotique et expertise technologique, mais elle demanda également à suivre des formations complémentaires. En un temps record, elle devint une pilote accomplie de navettes, capable de naviguer dans des conditions extrêmes, et développa une expertise avancée en informatique et cybersécurité, repoussant les limites de ce qui était enseigné à la base. A tel point que personne ne s’étonna pas de sa demande à être formée sur tous les type d’armes connue et proposé par l’Alliance.
Sam, de son côté, rayonnait par son charisme naturel et son instinct sur le terrain. Ses camarades la suivaient instinctivement, attirés par sa force de caractère et sa volonté inébranlable. Elle excellait dans les manœuvres offensives, se construisant une réputation de porte-étendard inflexible.
Malgré leurs spécialités divergentes, un lien indéfectible continuait de les unir. Elles se retrouvaient chaque soir, exténuées mais inspirées, partageant leurs frustrations et leurs petites victoires autour d’une tasse de café tiède dans le mess. Emily, souvent plongée dans des plans ou des schémas, captivait Sam avec ses idées ambitieuses et sa vision stratégique. Sam, de son côté, apaisait les doutes de sa sœur en l’encourageant à croire en elle-même, forgeant un équilibre parfait entre la réflexion et l’action.
Au fil des cinq années de formation, Emily s’affirma comme un atout inestimable pour l’Alliance, une personne capable de s’adapter à toutes les situations et d’exceller dans n’importe quelle mission. Le jour de leur enrôlement officiel, elle et Sam échangèrent un regard complice. L’avenir était incertain, mais une chose était sûre : elles étaient prêtes à se tenir côte à côte face à tous les défis qui les attendaient.
À peine quelques jours après leur arrivée à la base de l’Académie de l’Alliance, Anderson prit une décision qui allait changer leur vie. Il avait vu, à travers leurs regards aussi farouches que brisés, un potentiel immense, mais surtout une profonde soif de stabilité et de sécurité. Malgré les procédures administratives complexes et les objections initiales de la hiérarchie, il insista. Pour lui, ce n’était pas une obligation, mais un devoir, d’autant qu’il s’attachait aux filles plus qu’il n’y aurait pensé. Il voulait un avenir pour elles, et il les aimait comme ses propres filles.
Lors d’une matinée où le ciel était encore teinté des brumes de l’aube, il invita Emily et Sam dans son bureau. Les deux jeunes filles, assises l’une à côté de l’autre, s’observaient l’une l’autre, comme si elles essayaient d’évaluer la prochaine étape de leur survie.
Anderson posa une pile de dossiers devant elles et déclara calmement : "Je vais être direct. Je veux vous adopter, officiellement. Vous êtes les deux jeunes femmes les plus courageuses que j’aie jamais rencontrées, et je veux que vous sachiez que vous avez quelqu’un sur qui compter, quoi qu’il arrive. Je veux vous offrir un avenir meilleur et la sécurité dont vous n’avez pas besoin. Je veux que vous puissiez vous dire que quelqu’un sera toujours là pour vous deux, que vous ne serez plus jamais seule."
Emily croisa les bras en silence, tandis que Sam, la plus impulsive des deux, ne put s’empêcher de rire doucement. "Adoptées ? Par vous ? Le grand lieutenant Anderson ?" plaisanta-t-elle, bien qu’un éclat d’espoir fût perceptible dans sa voix. Anderson répondit avec un sourire serein. "Oui. Par moi. Si vous me laissez une chance de vous montrer mon affection."
Emily finit par lever les yeux pour rencontrer son regard, une lueur indéfinissable dans ses prunelles. « Et si on n’est pas à la hauteur ? » murmura-t-elle, presque imperceptiblement. Anderson se pencha légèrement vers elles, sa voix empreinte d’une sincérité et d’une affection inébranlable. "Personne n’est parfait, mais ensemble, on progresse. C’est tout ce qui compte. "
C’est ainsi qu’Emily et Sam devinrent officiellement les filles adoptives de David Anderson. Bien que le chemin à parcourir fût encore semé d’embûches, elles n’étaient plus seules. Elles avaient trouvé un foyer, non pas défini par des murs, mais par une promesse : celle d’être une famille, envers et contre tout.
Comme sa sœur, Emily avait un chemin tout tracé pour l’excellence. En 2172, à leurs dix-huit ans, elles s’enrôlèrent enfin officiellement dans l’Alliance. Leurs talents naturels et leur détermination sans faille leur permirent de boucler la formation de base avec une aisance qui força l’admiration de leurs instructeurs. Bien qu’elles fussent assignées à des postes différents, séparées par des milliers d’années-lumière, elles maintenaient leur lien profondément ancré. Un simple message ou un appel vidéo suffisait à combler la distance, et elles profitaient de permissions simultanées pour se voir, que ce soit autour de rires dans un bar sur Terre ou lors de longues conversations au cœur vibrant de la Citadelle.
Elles étaient là, l’une pour l’autre, lors des moments déterminants. Sam, charismatique et courageuse, fut la première à décrocher le prestigieux diplôme N7, récompense de son héroïsme lors du Raid Skyllien sur Elysium. Emily, elle, obtint son diplôme après des circonstances bien plus tragiques. Akuzé, ce nom resterait gravé dans sa mémoire comme un rappel cruel de sa propre résilience et des horreurs de la guerre. Seule survivante de son unité, ce fardeau devint pour elle une source de résilience qu’aucune épreuve ne pourrait éteindre.
Lorsqu’elles se retrouvèrent à la cérémonie, Sam accueillit sa sœur avec un regard empreint de fierté et de tristesse mêlées. " Je n’ai jamais douté de ta force, Emily. Cette médaille, tu l’as méritée." dit-elle en ajustant la médaille scintillante sur l’uniforme impeccable de sa sœur. Anderson, leur père, les observait avec une tendresse discrète mais palpable. Pour lui, ces deux jeunes femmes représentaient ce que l’Alliance avait de meilleur, le courage, la résilience, et un attachement indéfectible à ce qui comptait vraiment.
Avec le soutien indéfectible d’Anderson, elles continuaient à avancer. Chaque épreuve traversée renforçait leur détermination, leur lien inébranlable et leur capacité à surmonter l’impossible. Emily savait qu’à chaque étape de leur parcours, aussi sombres soient-elles, elle pourrait toujours compter sur sa sœur et sur l’homme qu’elle appelait « papa. »
Mais rien ne laissait présager à Emily tous les obstacles et les souffrances qu’elle allait encore endurer.
Un mois après la bataille de la citadelle, en 2183, elle devait enterrer sa sœur, le commandant Samantha Shepard, sauveur de la galaxie, dont le navire avait été abattu par un ennemi inconnu. Elle était au courant du combat de Sam, de la menace des moissonneurs. Elle avait lu tous les rapports, même les documents classifiés. Elle ne mettait pas en doutes la parole de son partenaire de toujours. Et voir l’amirauté et le conseil d’administration de l’Alliance, ainsi que le Conseil de la Citadelle, balayer sous le tapis toutes les mises en garde de sa défunte sœur attisait une rage qu’elle peinait à contenir. Emily commençait à douter de leur crédibilité. Mais elle ne pouvait rien y faire. Elle fit douloureusement le deuil de sa sœur bien aimée, sachant que sans Shepard, la galaxie serait beaucoup plus sombre.
Deux ans plus tard, elle découvre par Anderson que Sam est en vie, travaillant pour le compte de Cerberus. Emily ne comprenait pas ce revirement de situation, mais décida de rester prosaïque, et préférait attendre un contact de Sam avec éventuellement une explication avant de formuler quelconques théories. C’est au bout de plusieurs semaines qu’elle reçut enfin un message de Sam, lui expliquant sa mission, celle d’arrêter les Récolteurs, et lui demandant pardon pour son silence, qu’elle voulait la protéger de Cerberus. Elle lui expliquât aussi que la dernière mission serait peut-être la dernière, étant une mission suicide visant à détruire la base des récolteurs, qui s’en prenaient aux colonies humaines dans les systèmes Terminus. Bien qu’elle voulait croire en Sam, l’ombre de Cerberus jetait un voile de méfiance sur tout ce qu’elle lisait. Plus tard, elle apprit que le Normandy était ressortit indemne du Relais Omega 4, le seul accès au monde des récolteurs.
Rapidement, Emily eu vent de la destruction du Relais Alfa et de la destruction de la planète Aratoth et de tout le système Bahak. Ainsi que la perte d’une colonie de plus de trois cent mille butariens. Elle eut un message urgent de Anderson expliquant la situation de Shepard. Sam avait des ennuis, et des gros. Emily était rappelée sur Terre quelque jours plus tard, car le commandant Shepard faisait sa reddition et remettait officiellement son vaisseau à l’Alliance, pour être ensuite jugée pour association avec une organisation terroriste et génocide du peuple butarien. Toutes les personnes aillant travaillées ou en contact récent avec Shepard étaient convoquées pour être auditionnés.
Le Conseil de Défense exigeait des réponses... et Emily savait que ces réponses décideraient du futur de sa sœur, et du sien.