Work Text:
Gustave regarda sa montre à gousset tandis qu’il peignait ses cheveux et soupira, rassuré, quand il se rendit compte qu’il avait encore du temps pour se préparer. Il avait à peu près réussi à dompter sa coiffure, ses mèches brunes presque toutes arrangées dans la même direction, même si certains jours c’était peine perdue, et sa barbe était tout aussi bien coiffée. Il ajusta les revers de sa veste par-dessus sa chemise, le gris foncé faisant ressortir le bleu pâle. Il sourit avec satisfaction : il avait l’air suffisamment soigné, mais ni trop bien habillé pour l'occasion ni pas assez.
Il jeta un coup d’œil à la note qu’il avait accrochée à son miroir, dans le coin en haut à gauche.
“Demain, dans l’après-midi, à l'heure où blanchit le soleil,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai aux jardins des Tuileries, j'irai à son Orangerie des merveilles.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Ou : Orangerie, jardins des Tuileries, trois heures de l’après-midi, demain.
-V”
Gustave ne savait pas dire ce qui était le plus cliché : que Verso ai pris le temps de lui proposer un rendez-vous en utilisant un poème, ou qu'il ai vraiment trouvé ça terriblement romantiquement.
Probablement la première partie… Après tout, n’importe qui pourrait lire la note – non pas que Gustave ait une quelconque envie qu’ils le fassent ! – mais il n’y avait personne de présent pour confirmer ou nier le fait qu’il avait définitivement glousser comme une gamine en la lisant. M. Courbet, qui était un vieil homme et totalement inintéressé par les ragots, et par ailleurs son chef et donc forcé à maintenir un certain degré de professionnalisme, ne comptait bien évidemment pas malgré le fait qu'il était présent quand Gustave avait reçu la note. Même s'il avait totalement été témoin de Gustave rêvassant comme un idiot pendant vingt bonnes minutes.
Il fallait mieux ignorer certaines choses au nom de son intégrité professionnelle.
Le jeune homme peigna à nouveau ses cheveux, se reparfuma pour la troisième fois et se regarda dans le miroir pour la environ centième fois. Tout se devait d’être parfait après tout ; il ne fallait rien laisser au hasard dans ce genre d’affaires. Il vit un sourire niais apparaître sur son visage et il avait failli se forcer à rester de marbre, mais il décida de ne pas le faire. Il se sentait plus joyeux que cela ne semblait être possible : il se devait d’écouter son cœur pour une fois.
Au moins, Emma serait d’accord avec cette idée. Sa sœur jumelle se plaignait toujours tout le temps de… et bien, d'après tout dans la vie de Gustave s’il etait honnête, mais surtout du fait qu’il avait besoin de plus d’amis pour arrêter d’effrayer Emma en se parlant à lui-même quand il était d’humeur créatrice à trois heures du matin. Tu terrorisais ta sœur une fois à dix-huit ans et soudainement tu étais perçu comme un gros taré pour le restant de ta vie.
Comme sa montre lui indiquait qu’il lui restait encore dix minutes avant qu’il ait besoin de partir, Gustave décida de sortir de sa salle de bain avant de devenir paranoïaque de son apparence et de soudainement se dire qu’il n'avait pas l’air mieux qu’un chien errant bloqué dehors dans une ttempête. Il rentra dans sa cuisine et se mit à nettoyer le chantier qu’il avait laissé sur sa petite table à manger.
Son appartement n’était pas grand mais il avait tendance à laisser du chantier partout quand même. Il pouvait très certainement ajouter ceci à la liste des choses dont se plaignait toujours sa sœur jumelle quand elle lui rendait visite.
Il remarqua qu’en haut de la pile de documents – une des piles, la plus haute et celle qui était aussi la moins prête à tomber et éparpiller des documents partout – il y avait un nouveau morceau de papier qu’il ne se souvenait pas avoir vu avant. Il la ramassa.
C’était un message d’Emma, daté de ce matin. Elle était sans doute passée ici grâce à son double des clés pendant qu’il était au travail. Elle aurait pu attendre pour qu’ils puissent déjeuner ensemble ! C'était à son tour de payer !
Gustave lit rapidement le message.
Une plainte de l’état de son appartement, une critique de l’une de ses nouvelles vestes, ce qui était presque un compliment du projet sur lequel le bureau avait fini de travailler, et un rappel extrêmement insistant du fait qu’il avait intérêt à ne pas avoir oublié la réunion ce soi-
Hein. Quelle réunion !?
Gustave rapprocha la lettre de son visage.
En effet, Emma lui rappelait “gentiment” qu’ils étaient tous deux conviés à un dîner avec le mentor d’Emma, M. Lebrun, et que si Gustave oubliait d’y aller car il était trop absorbé par ses projets d’ingénierie comme le mois dernier et se décidait à ne pas venir, elle l’éviscérerait vivant et le penderait par les testicules.
Les joies d’avoir une fratrie.
Gustave grogna. Emma était toujours sérieuse comme la mort quand elle prodiguait des menaces. Au moins il avait une expliquation de pourquoi elle n’était pas restée déjeuner.
Il ne pouvait même pas trop lui en vouloir et c’était là le pire ; car il savait qu’elle avait parfaitement raison sur toute la ligne et qu’elle avait correctement deviné qu’il avait oublié leurs plans pour le dîner de ce soir. Mais il se dit qu’il pouvait, non, devait être excusé d’être bien plus concentré sur ses plans de cet après-midi.
Non pas qu’il lui dirait immédiatement à propos de Verso… Certaines choses se devaient d’être gardées loin des sœurs jumelles curieuses.
Il fredonna pendant qu’il finissait de ranger un air qu’il avait entendu un groupe jouer au bistrot la dernière fois que ses collègues et lui étaient sortis déjeuner. Dehors un couple de pigeons roucoulaient sur le toit à côté de sa fenêtre et les cloches de l'église sonnèrent trois fois, accompagnant sa mélodie.
Ding-dong-ding.
Il continua de fredonner et de nettoyer son appartement.
Ding-dong-ding.
Il devait certainement être déjà trois heures, il se dit passivement. Mais ce n’était pas grave car sa montre lui avait indiqué que-
Il interrompit son fil de pensée et lâcha tout ce qu’il tenait dans ses mains.
Il récupéra d’un geste automatique la montre qui était dans sa poche. Les aiguilles étaient exactement dans la même position que la dernière fois qu’il avait regardé. Il observa, observa, observa encore. Elles ne bougèrent pas d’un cil.
Il lâcha sa montre, se fichant de la manière dont elle chuta sur le tapis, et mit sa tête dans ses mains.
Il avait envie de crier. À la place, il mit sa prothèse dans sa bouche pour absorber tous les bruits.
Sa montre était probablement cassée depuis une bonne demie-heure, si ce n’était plus.
Il inspira profondément. Expira. Inspira. Expira.
Il attrapa son sac. Marcha vers la porte. Ouvrit la porte. Ferma la porte.
Puis se mit à courir jusqu’en bas des escaliers, puis toute la route jusqu’au parc tout en se disant, “putain, putain, putain, je suis un putain d’imbécile qui sait pas lire une montre” et “que les Dieux bénissent Emma de m’avoir trouvé cet apart astucieusement situé dans le neuvième arrondissement, et je n’ai jamais rien dit de mal sur elle de ma vie entière.”
Son esprit faisait le vide, son cerveau trop concentré sur le fait de lui faire aller d'un point A à un point B sans, et c'était le but, qu’il ne soit écroulé par terre et soit mort comme un idiot dans la rue. Il essayait de ne penser à rien mais ne pouvait s’empêcher de déjà s’imaginer sa sœur se tenant devant sa tombe, ‘le plus stupide et moins athlétique de tous les frères ’ comme épitaphe.
S’il était mort d’embarras ou d’avoir raté une marche et s'être fait écraser par une voiture et son cheval, il ne saurait le dire.
Il s’était presque mis à pleurer quand après il-ne-savait-même-pas-combien de minutes passées à détaler à travers les rues de Paris il aperçut le bâtiment de l’Orangerie au loin. En fait, non c’était faux, il s’était vraiment mis à pleurer.
Il s'agrippa au tronc d'un arbre à l'entrée des jardins. Il voulait croire qu’il avait l’air mystérieux et attirant, mais il savait pertinemment qu’à la manière dont il se reposait sur l’arbre et avait réellement l’air d’avoir fini une course à pied, cela ne marchait probablement pas très bien.
Il se demanda si Verso avait attendu longtemps et pria pour que ce ne soit pas le cas.
Il eut la réponse à sa question quand l’homme au cœur de ses pensées le remarqua à quelques vingt mètres de distance et le rejoignit immédiatement, un sourire se formant sur le visage de Verso.
Gustave se redressa du mieux qu’il pouvait, ajustant ses manches et essayant de ne pas respirer trop fort. Ce n'était pas chose facile. Il décida de mater Verso sans aucune gêne à la place.
L’homme plus âgé était sans grande surprise un régal pour ses yeux fatigués, c'était clair même si la vision de Gustave était un peu floue et il avait le tournis. Il portait une veste courte brun foncé avec un pantalon assorti très serré et des chaussures cirées. Il avait une chemise couleur crème dans une coupe simple, et elle avait l’air suffisamment douce et légère pour la météo estivale. Son visage était aussi parfait que ce qu’il avait toujours été. Il tenait une petite boîte en carton et avait une baguette de pain glissée sous le bras.
Verso s’arrêta à côté de lui, et maintenant qu'il était assez proche Gustave pouvait voir que l’autre homme avait un regard étrange. Était-il… embarrassé d’être témoin de Gustave dans un tel état ? Il ne devait pas avoir l’air très attrayant avec sa respiration haletante et ses joues rougissantes…
“Salut, Verso,” essaya de dire aussi naturellement que possible Gustave entre deux respirations. “Je, j’espère que, je ne suis, pas trop en, retard.”
“Il n’y a aucun problème,” dit aimablement Verso même s’il était toujours en train d’éviter Gustave du regard et de fixer un point au-dessus de son épaule. “Je t’ai ramené des pâtisseries.”
Oh, Gustave était déjà à moitié amoureux de cet homme.
“C’est vrai ? Merci !”
Il rit doucement. “Je me suis dit que, au moins, ça pourrait nous faire un bon début de conversation.”
Gustave acquiesça. Il poussa ses cheveux cultivateur de son front et retroussa ses manches. Il devrait aller beaucoup mieux maintenant. Ou au moins être meilleur à faire semblant d’aller mieux.
Verso haussa un sourcil, restant silencieux mais curieux. Gustave fit un geste de refus de la main, par déni. “J'ai juste, ah, couru un peu avant de venir ici.”
“Tu sais ce que j’ai prévu pour ce rendez-vous, n’est-ce pas ?” Il sonnait beaucoup trop mesquinement joyeux.
“Oui ?” Mentit-il.
Verso hocha de la tête avec une fausse conviction. “Bien, bien. Pas besoin de te prévenir alors.”
Le prévenir ?
Verso lui tendit la boîte. “Tiens, c’est pour toi. J’espère avoir bien choisi.”
Gustave la prit dans ses mains. “Ma sœur te dirait que le chemin vers le cœur d’un homme est à travers son estomac, surtout le mien. Donc je dirais que ta tentative de me faire la cour est une réussite.”
Verso rit. “Tu n’as pas encore vu ce dont je suis capable.”
“J’adorerais voir le meilleur de toi-même, alors.”
“Oh ? Tu le jures ?”
Gustave n'était pas sûr de ce que voulait dire le ton de voix de Verso. Il regarda la boîte et l’ouvrit. “Si tu veux,” ajouta-t-il.
À l'intérieur se trouvait deux éclairs au chocolat faits avec soin, décorés de petites fleurs en crème fouettée. Ils étaient franchement adorables.
“Oh ils sont si mignons !” s’extasia Gustave. “Encore merci !”
Verso fit signe que ce n’était rien. “J’espère juste qu’ils seront aussi bons qu’ils en ont l’air. Comme ça, c’est comme si on prenait le dessert ensemble.”
Gustave sourit sincèrement. “La plupart des hommes ramènent des fleurs à un premier rendez-vous, tu sais,” plaisanta-t-il sans once de méchanceté.
“Et bien, je ne suis pas comme la plupart des autres hommes. Du moins j’aime penser que c’est le cas. Et, puis-je te rappeler que tu es aussi un homme, mon cher Gustave ?”
“C’est vrai, mais ce n’est pas moi qui t’ai invité !”
“C'est presque pire, ça confirme juste que c’est moi qui ai tout organisé et tu t’es simplement pointé.”
“Et bien, je, euh… je t’ai fait la gentillesse de venir ! J’ai même couru pour ne pas être en retard !”
Verso rit. “Ça se tient, ça se tient, j’imagine. Et maintenant si la demoiselle voulait bien goûter à son éclair au chocolat pour que je sache si j’ai besoin d’en acheter plus la prochaine fois ?”
Gustave leva les yeux au ciel mais s'exécuta.
Une bouchée suffit à confirmer que c’était, comme il l'avait déjà soupçonné, de putain de délicieux éclairs au chocolat.
Il gémit. “Oh mon Dieu où est-ce que tu les as trouvés ? J’ai rarement mangé un truc aussi bon de ma vie !”
Mais quand il se retourna vers Verso, l’autre homme s’était déjà lui-même tourné en direction de l’entrée du parc.
“Je me disais qu’on pourrait profiter d’une promenade agréable dans les jardins en ce bel après-midi. Il y a moins de monde que d’habitude à cette heure-ci. Et l’Orangerie, belle comme elle est, me paraissait un bon départ.”
Gustave acquiesça en se dépêchant d’avaler le reste de ses éclairs ; il avait faim, ils étaient délicieux, et Verso n’était pas en train de le regarder se compter comme un dégénéré. En y réfléchissant plus longuement, Verso avait les joues un peu rouges. Gustave espèra que le soleil ne lui donnerait pas trop de problèmes.
“Ça a l’air super,” marmonna-t-il gaiement entre deux bouchées.
Verso eut un petit sourire satisfait. “Il n’y aucun endroit plus privé que le milieu de la foule. Perdus dans la masse deux âmes dans une mer de centaines, voire de milliers d’individus… Voilà le véritable anonymat. Cela nous laisserait d’amples opportunités d'être seulement tous les deux.”
Gustave mit la boîte dans la benne la plus proche.
“Mettons nous en route, alors !” déclara-t-il joyeusement.
“J’ai hâte de passer du temps avec toi,” n’avait pas été prononcé, mais avait été néanmoins entendu.
“Même si…” continua Gustave. Verso le regardait avec interrogation. “Je dois te demander…”
Ils étaient au portail. Les vues attrayantes des allées et jardins les appâtaient au loin.
“Bien sûr, vas-y. Demande ce que tu veux.”
“Pourquoi… pourquoi tu as du pain ? Je veux dire, t’as le droit ! Si tu le veux ! Mais je ne t’ai pas vu en manger et tu m’as ramené des pâtisseries, pas du pain.”
Verso baissa le regard sur la baguette qu’il tenait sous son bras, comme s’il venait lui-même seulement de se rappeler qu’elle était toujours là. “Tu verras bien,” répondit-il mystérieusement en s’éloignant.
Gustave le rattrapa. “Hé ! C'est quoi ça comme réponse- t’es vraiment étrange des fois, je te le jure !”
Verso sourit innocemment mais ralentit sa marche pour qu’ils avancent ensemble. “Cela fait toute la moitié de mon charme, pas vrai ?”
Il rougit. Ce n’était pas entièrement faux. Il se mit à regarder le décor à la place, les arbres alignés en rang offrant de l’ombre et les fleurs variées soigneusement entretenues. Les teintes vertes profondes faisaient presque oublier un instant tous les bleus et gris de Paris, le bruit autour assourdit jusqu’à ce que cela donna l'impression d'être dans une toute autre ville. Plusieurs oiseaux, surtout des pigeons et des colonnes, roucoulèrent depuis la cime des arbres, des passants discutèrent doucement. L’ensemble était aussi beau que apaisant.
“Vas-tu souvent aux Tuileries ?” demanda Gustave après quelques instants agréables de silence dans la compagnie de l’un et l’autre.
Verso hocha la tête. “Ma mère emmenait souvent mes sœurs et moi se promener l'après-midi, avant nos cours de dessin. Elle jurait que c’était le moyen parfait de stimuler notre imagination.”
“Je crains d'être d’accord avec ta mère. Le paysage est vraiment superbe ; ça me donne envie d’avoir un crayon sous la main aussi !”
“Oh ? J’avais pourtant l’impression que ton véritable amour était l’ingénierie. Et maintenant tu me dis que tu es aussi amateur d’art.” Il rit doucement. “T’avoir en ma compagnie, quelle chance.”
Gustave secoua la tête. “Oh non, je ne me considère pas comme un artiste. Pas du tout, même.”
“J’ai toujours cru au plus profond de moi qu’en chacun de nous sommeillait l'âme d’un artiste.”
Il soupira et empoigna inconsciemment sa prothèse avec son autre main. Parfois cette âme ensommeillée ne se réveillait jamais.
“J’en suis l’exception à la règle alors. Toutes les grandes théories ont des exceptions, non ?”
“Ah, je vois ! Un vrai scientifique dans l’âme !” déclara Verso plein d’enthousiasme. Son regard était indéchiffrable, ou peut-être trop compatissant. Gustave décida de ne pas trop se perdre dans ses yeux gris.
“As-tu étudié les sciences par le passé ?”
“Pas comme toi, non. Même si j’ai quand même appris les bases de la théorie et de la pratique, si c’était ta question sous-entendue.”
“Je ne sous-entendais rien ! Tu avais juste si rapidement renchéris sur ce que je disais que je me posais la question.”
Verso avait un sourire au coin des lèvres. “C’est bon de savoir que tu ne me trouves pas complètement stupide. J’apprécie toujours qu’on me flatte de temps à autre.”
Gustave leva les yeux au ciel, plein d’affection. “Tu es insupportable et égocentrique, Verso, voilà ce que tu es.”
“Tu ne le nies pas.”
“Nous sommes tous les deux parfaitement conscients du fait que tu avais su lire et interpréter mes dessins techniques lors de notre rencontre.” Il essaya de regarder l’autre homme sérieusement mais l’effet était gâché par l’amusement visible sur son visage. “Pas besoin de jouer à ça avec moi. Je vois ce que tu es réellement.”
Verso sourit. “Espérons donc que je t'ai fait une bonne première impression.”
Gustave fit semblant de devoir y réfléchir. “Mm, il me semble avoir dit que le chemin vers le cœur d’un homme passait par son estomac ?”
“Quelque chose dans le genre, oui.”
Il joignit ses mains ensemble. “En effet ! Tout porte donc à croire que tu as fait une très bonne première impression !”
Verso marcha plus près de lui, ses yeux assombris et un sourire narquois aux lèvres. “Vraiment ?”
Gustave acquiesça. Il blâmait le soleil pour sa rougeur. “Mm-mm.”
“Et est-ce que j’ai réussi à l’obtenir ?”
“Réussi à obtenir quoi ?”
“Ton cœur.”
Le jeune homme cacha immédiatement son visage cramoisi entre ses mains. Après tout, s’il ne voyait personne, alors peut-être que personne ne le voyait non plus.
“Je refuse de croire que tu viens de dire ça. Tu n’as pas dit ça.”
“Dis quoi ? Que je voulais obtenir ton cœ-”
“Par tous les Dieux, pitié arrête de parler,” se lamenta-t-il. “C’est tellement embarrassant.”
“Tu me blesses, mon chéri.”
“Qui dit ce genre de choses en public !?” gémit-il.
Il était encore bien plus rouge que ce qu'il aimerait. Et, à son grand dam, son compagnon l’avait aussi remarqué.
La voix de Verso sonnait bien trop sournoise pour ce pauvre Gustave. “Quelque chose me dit que ce n'est pas de ça dont tu es embarrassé.” Gustave ne répondit pas. “Pour notre bien à nous deux, admets mes talents de charmeur.”
“Je ne comprends même pas pourquoi ça marche sur moi. C'est tellement nul,” marmonna Gustave. Une confession à moitié avouée restait une confession.
“Peut-être que ça marche aussi bien sur toi car nous sommes déjà parfaitement en phase l'un avec l’autre.”
Gustave le fixa bouche bée. “Grands dieux, comment est-ce que cela t'est-il venu tout de suite ?”
Il haussa les épaules humblement. “Ça m’aide d’avoir une muse merveilleuse.”
Le jeune homme couvrit ses oreilles et commença à marcher plus vite, essayant bravement d'ignorer son cœur battant plus fort. “Je retire tout ce que j’ai un jour dit de gentil sur toi !” cria-t-il.
“Mais c’est toi qui est en train de faire une scène en public, mon chéri !” s’écria Verso en retour avec entrain. “Est-ce que tu vas me laisser ici, seul, tel un amant rejeté ?”
“Oui !”
“Mais oh, s’il te plaît, mon cœur, ne sois pas si cruel ! Écoute mes paroles sincères !”
“Qu’il en soit ainsi !” rit-il en accélérant. La brise estivale lui caressait les cheveux. “Que le monde voit à quel point tu es un amant pathétique !”
“Mon ange, les gens sont vraiment en train de nous regarder !”
Gustave s’arrêta brusquement et regarda en arrière. “Quoi !?”
Il n’apperçut Verso que l’instant d'une seconde avant que l’autre homme ne lui fonce dedans.
Verso était, fort heureusement, bien plus attentif que lui – du moins il faisait activement attention à là où il allait – et les balança tous les deux en agrippant solidement le bras de Gustave pour les empêcher de chuter.
“Te voilà ; ne vas pas là où je ne peux pas te suivre, trésor.”
Gustave s'esclaffa. Il se détacha. “Je vais ignorer la dernière partie de ton discours seulement parce que tu m’as empêché de tomber et de me ridiculiser encore plus. Je ne pense pas que j’aurais tenu le coup.”
“En plus de tout ce qui t’es déjà arrivé aujourd'hui, tu veux dire ?” taquina l’autre homme.
“Tu es toujours en rencard avec moi, donc c’est que je dois bien faire quelque chose correctement.”
Verso pouffa de rire. “C'est pas faux ! C’est sûrement à cause de tes charmants yeux bruns.”
“Tu veux que je me mette à détaler à nouveau ?”
Il leva les mains pacifiquement. “S’il te plaît, ne fuis pas là où je ne peux pas te rejoindre.”
Gustave sentit que quelque chose n’allait pas, mais il ne savait pas dire quoi. Il regardait fixement Verso, fronçant les sourcils – et le fait que Verso ait commencé à pencher la tête lui indiqua qu’il avait remarqué son attitude – son expression devant lentement perplexe.
“Il y a quelque chose qui ne va pas chez toi.”
Verso avait, lui aussi, l’air très perplexe. “Tu es si éloquent, mon chéri,” essaya-t-il de plaisanter.
“Non- je voulais dire-” bafouilla Gustave. “N’avais tu…” il fit une pause. Fronça un peu plus les sourcils.
Sa prise de conscience le heurta soudainement.
Il attrapa Verso par les épaules et leva les yeux vers lui. Il avait mal calculé son coup et ils se touchaient presque, mais son cerveau ignorant cette information. “Attends ! J’ai compris ! Où est la baguette que tu avais à la main ?”
Ils se retournèrent lentement en chœur pour regarder derrière eux.
Il y avait là, au milieu des graviers sur le sol, à une quinzaine de mètres de distance, la baguette de pain la plus pitoyable qui ait un jour été faite dans ce pays. Le papier de protection avait glissé et s'était envolé avec le vent.
“Ah !” dit joyeusement Verso. “C'est là où elle est passée !”
“Par tous les Dieux,” chuchota Gustave. Il se retourna vers Verso. “Je suis tellement désolé !”
“Mm ? Pourquoi donc ?”
“Elle est fichue.” Il se sépara et s’avança vers la baguette. Il la ramassa : elle était couverte de terre et de graviers. Certainement impropre à la consommation. “Qui va bien pouvoir la manger maintenant ?” se lamenta-t-il.
Verso la prit dans les mains délicatement. Il l’épousseta jusqu’à ce qu’elle ait presque retrouvée sa couleur originale, si ce n’était son apparence. Ou son goût. “Et voilà,” sourit-il. “Parfaitement mangeable.”
C’était comme si toute activité cérébrale avait cessé dans le cerveau de Gustave.
Et dire que Verso avait paru si… normal. On ne pouvait vraiment pas juger les livres par leurs couvertures.
Il était désormais confrontée à la probabilité non négligeable que l’homme à côté de lui était, peut-être, complètement fou.
Beau comme un dieu, mais complètement fou.
“Qu'est-ce que tu viens de dire ?” interrogea Gustave avec précaution tandis qu’il évaluait la distance les séparant.
“J’ai dit qu’elle était encore mangeable. Elle va être servie avec de l’eau non potable de toute façon, donc j’imagine qu’un court séjour sur le sol ne va pas empirer les choses.”
Oh par tous les saints il était vraiment fou. Il savait qu’il devait y avoir un piège quelque part !
Gustave ne répondit pas. Verso avait sûrement dû remarquer que son expression faciale avait changée car ses propres yeux s’écarquillèrent.
“Attends. Oh là, es-tu en train de penser que je vais la manger ?”
“...”
Verso éclata de rire, allant jusqu'à s’appuyer sur ses genoux pour se soutenir. Entre deux rires, it dit :
“Oh, ta tête !” Il avait un sourire jusqu’aux oreilles et Gustave ne savait pas s’il devait s’amuser avec lui ou en être offensé. “Ce n’est pas pour moi ;” il pointa un doigt en direction du plus grand bassin des Tuileries, qui était par coindidence proche d’eux, et où quelques enfants jouaient dans l’eau et des canards buvaient, “c’est pour les canards !”
Gustave ne savait pas comment répondre. “...”
Verso essuya une larme du coin de son œil. “Je te promets que je ne suis pas fou, j’ai juste pensé que ce serait mignon pour un premier rendez-vous. Crois moi, les canards se fichent de la poussière du moment qu'ils mangent du pain frais.”
C'était… terriblement mignon de sa part. Carrément adorable, même. La plupart des gens donnaient juste du pain dur !
Alors enfin, le jeune homme trouva lui aussi un côté humoristique à cette situation. Le fait que son compagnon soit horriblement romantique et gentil balançait certainement le jugement en sa faveur. Il rit doucement. “Ravi de pouvoir affirmer que mon rencard n’est pas un psychopathe.”
Verso sourit sournoisement, “tu n’as pas encore vu ce dont je suis capable.” Il brandit son bras pour que Gustave puisse s’y accrocher. “Maintenant, viens ; je te ferai savoir que les canards d’ici sont de vrais Parisiens dans l’âme !”
Gustave entrelaça leurs bras gaiement et ensemble ils marchèrent le long du chemin.
“Tu as dit que tu allais souvent aux jardins avec ta mère. Est-ce que tu faisais ça aussi quand tu étais plus jeune ?”
Verso fit signe que oui. “Mes sœurs et moi sortions en douce des fois ; ma sœur aînée étant l’instigatrice. Elle préparerait secrètement un plan des semaines à l’avance, et elle a même une fois caché du pain dans sa chambre !”
“Dans sa chambre ? Elle était vraiment dédiée à la tâche !”
Il riait mais il y avait une touche de nostalgie dans sa voix. “Elle l’était, oui. Cela fait longtemps maintenant depuis que j’ai fait quelque chose comme ça avec elle. Un jour la vie d’adulte te rattrape puis elle ne te relâche plus jamais.”
“Je te comprends. J’ai une sœur aussi, une sœur jumelle. Nous étions proches quand nous étions petits, mais nous nous sommes… naturellement éloignés, j’imagine.”
Ils étaient désormais en face du bassin. Certains des canards avaient sûrement reconnu la baguette en la voyant car ils étaient déjà en train de les entourer, caquetant impatiemment. Gustave s’extasia devant les petits canetons battant leurs ailes et nageant autour de leurs mères.
“Je crois que c'est la chose la plus adorable que j’ai vu de toute ma vie,” commenta Gustave. “C’est encore plus mignon que quand ma sœur et moi sommes allés rendre visite à ma tante une semaine après que sa chienne ait mis bas. Regarde les !” s’émerveilla-t-il.
Verso déchira de petits morceaux du pain et les lui passa, en jetant lui-même quelque uns dans le bassin. Les canards se sont immédiatement jetés dessus et mâchaient joyeusement. Gustave jeta ses miettes également et ils étaient maintenant entourés d'une armada de canetons.
“Ces canetons sont plutôt mignons, je conçois. Mais de mon point de vue, je peux voir quelque chose d'encore plus mignon.”
Gustave releva la tête. “Je ne vois pas grand-chose d’autre. Est-ce que tu parles du caniche à gauche, à côté de l’oranger ?”
Verso ricanna. “Dis-moi, as-tu déjà envisagé d’autres voies professionnelles que l'ingénierie ? Comme devenir optométriste ?”
“Optométriste ? D’où est-ce que tu sors ça ?” se demanda-t-il avec amusement.
L’autre homme marmonna quelque chose trop doucement pour qu’il puisse l’entendre.
“Qu’est-ce que tu as dit ?”
Verso sourit simplement. “Rien d’important.”
“Et toi ? Quelle carrière as-tu envisagé ?”
“La vie d’héritier ne me donne pas trop de raisons de me plaindre pour l’instant. J’ai assez d’argent pour tout dépenser dans du pain pour les canards et des éclairs pour les beaux jeunes hommes.”
“Et si tu avais pu choisir ?” demanda gentiment Gustave.
“Si j’avais pu choisir ?” répéta-t-il, son regard se portant au loin.
“Imagine-toi : peut-être qu’on se serait rencontrés à l’école, ou même-
Mais il ne put jamais finir sa phrase car une voix l'appela bruyamment.
“Gustave ! Bonjour ! Je ne m’attendais pas à te voir ici !”
C’était Lune. Elle était habillée assez élégamment aujourd'hui, dans une jolie robe rouge et chapeau assorti à la mode, ses cheveux noirs courts tressés sur le côté.
Il aurait été heureux de la voir à n'importe quel autre moment, du moment que ce n'était pas à cet instant présent.
Son amie marcha vers lui. Apparemment, elle n’avait pas encore remarqué que Gustave n’était pas seul.
“Salut Lune,” salua-t-il fébrilement.
“J’ai l’impression de ne pas t’avoir croisé depuis des lustres !” dit-elle joyeusement en trottinant dans sa direction. “Comment va le boulot ? Je dois te parler de cette nouvelle machine qu’ils-”
Lune.” Il l'interrompit doucement. Il ne savait pas comment le dire. Une de ses mains se tenait sur sa nuque maladroitement, et il hocha la tête dans la direction de Verso. “Je suis, euh… ouais.. “
Elle suivit son regard et finit par voir Verso. Son visage perdit toute joie. “Et qui êtes vous ?” questionna-t-elle, directe comme d’habitude.
“C’est juste un am-”
“-je suis son rendez-vous galant,” répondit Verso, tout sourire. Le regard malicieux dans ses yeux suffit à faire comprendre au jeune homme qu’il savait exactement ce qu’il faisait.
Gustave ne pouvait rien faire à part regarder le traître pendant que Lune le bombardait de questions.
“T’aurais dû commencer par ça !” Elle lui frappa légèrement le bras. “Ton dernier rendez-vous c’était il y a combien de temps ? Une éternité ? Depuis combien de temps sortez-vous ensemble ?” Sa voix devint plus basse. “Comment s'appelle-t-il ? Que fait-il dans la vie ? Est-ce qu'il-?”
“Je pense qu’on peut s'en arrêter là pour les questions, Lune,” supplia Gustave. “J’y répondrais plus t-”
“Non, on a pas fini,” elle lui donna un coup avec son doigt dans la poitrine. Elle se tourna vers Verso avec accusation et l’homme plus âgé réussit à ne pas entièrement perdre son sourire. “Qui êtes-vous ? Quelles sont vos intentions envers Gustave ?”
“Tu n’as pas besoin de défendre mon honneur, je suis un homme adulte !” se plaigna Gustave mais aucun des deux ne l’écoutait.
“Je m’appelle Verso. Et quant à mes intentions… Seulement les intentions habituelles, je devine.”
Elle plissa des yeux. “Et qu'est-ce que ceci est censé vouloir dire ?”
“J’ai comme une impression de déjà vu…” marmonna-t-il avant de continuer d’une voix plus forte, “Et bien, vous savez, les intentions habituelles.” Il compta sur ses doigts. “Bon vin, bon repas, bonne bais-”
Ok !” piailla Gustave. “Pas besoin de lui dire ça-”
“Comment puis-je être sûre que je peux vous faire confiance ?” Elle croisa les bras.
“-et tu n’as pas besoin de défendre mon honneur-!”
Verso n’avait plus l’air fier et cela le faisait paraître d’autant plus honnête. “Il a accepté de venir, n'est-ce pas ? Et il ne s’est pas enfui en courant, même quand il a vu une amie à lui dans les jardins. Si vous ne pouvez pas me faire confiance, faites lui confiance.”
Son argumentaire fonctionna sans doute un peu sur Lune car elle eut moins l’air d’être sur la défensive.
“C’est vrai,” admit-elle. “Gustave n’est pas un imbécile.”
“Pourquoi tu dis ça comme si ce n'était pas un compliment…?”
“Il ne l’est pas, c’est certain,” confirma Verso, et il était capable de donner tant de poids à une si petite phrase.
Gustave essaya de ne pas montrer à quel point cela l'affectait. Il changea de sujets à la place.
“Lune, tu es si élégante aujourd'hui ! Y a-t-il une raison particulière ?”
Grâce à leurs années passées à être amis il comprit qu'elle avait vu à travers sa stratégie minable et qu'elle l'embêterait bien plus, plus tard. Pourtant, grâce à toutes ces années à être amis, elle suivit son plan.
C'était une bonne amie.
“Quel est le problème ? Je ne peux pas bien m'habiller si je le souhaite ?”
“No- je veux dire, euh- bien sûr que tu peux !” bafouilla-t-il. “J'ai juste plus l'habitude de te voir en salopette à l'atelier, ou en pull dans la bibliothèque…”
“Il est vrai.”
“Donc, il y a une raison particulière…?”
Ses joues adoptèrent une légère teinte de rouge, révélant ce qu’elle pensait vraiment. “Rien de spécial, non.”
“Pardonnez-moi,” interrompit Verso, “mais je crois que vous vouliez dire “une personne spéciale, oui,’ vu votre expression.”
Lune rougit encore plus fort et Gustave écarquilla les yeux. “Lune, c’est vrai ?”
“Ce n’est vraiment rien d’important, on va juste voir une projection des frères Lumière avec Sciel…”
“Je suis désolé,” dit Verso sans avoir l’air désolé du tout, “vous avez interrompu le rendez-vous galant de votre ami alors que vous en aviez vous-même un ?”
“Ce n’est pas un rend-” elle s’arrêta. “Bon, passons, vous ne comprenez pas à quel point c’est un miracle que Gustave ait réussi à sortir pour une fois.”
“Peut-être ne devrais-tu pas dire ce genre de choses devant le dit rendez-vous miracle,” chuchota Gustave, agacé.
“S'il veut te garder, il saura la vérité tôt ou tard,” répondit-elle d’un ton neutre. “Mieux vaut ne pas donner de fausses impressions.”
“Je n’en suis si sûr,” dit Verso avec légèreté. “Son charme à clairement fonctionné sur moi.”
Elle n’avait pas l’air très impressionnée. “Son regard langoureux à peine discret à chaque fois qu’il vous regarde, vous voulez dire ?”
“Oh mon Dieu,” gémit Gustave. “Lune, tu n'as pas de meilleurs trucs à faire ? Comme aller à ton rencard.”
“Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas un renc- ahh, laisse tomber.” Elle ajusta son chapeau. “Je dois vraiment y aller.”
Elle embrassa Gustave sur la joue pour lui dire au revoir mais resta poliment éloignée de Verso, l’homme plus âgé ne faisant aucun effort pour se rapprocher lui non plus.
“Ce fut un plaisir de faire votre rencontre, Verso,” dit-elle avec des yeux perçants qui n’annonçaient rien de bon si Verso venait à blesser Gustave.
“Pareillement, mademoiselle Lune,” répondit Verso avec moins de sûreté que d’habitude.
Quand elle fut assez loin d'eux, Verso soupira avec une certaine crainte qui témoignait du respect. “Tu as des amis fantastiques.”
“Elle est… j’allais dire qu'elle n’est jamais comme ça tout le temps, mais elle comme ça tout le temps.”
“Elle a un bon fond.”
“C'est vrai, oui.” Gustave soupira lui aussi avant de continuer : “j'espère que ça n'a pas contribué à donner une mauvaise image de moi-même lors de notre premier rendez-vous.”
Verso sourit mystérieusement, ses yeux argentés scintillant. “Qui a dit quoi que ce soit à propos de faire mauvaise impression ?”
Il sentit son cœur battre plus vite. “Tu dirais que ce fut un rendez-vous réussi ?”
Verso lui prit la main délicatement et posa les yeux sur lui. Il avait vraiment de très beaux yeux. “Ce qui fait qu’un rendez-vous est réussi ou non dépend de la personne avec toi. Une promenade au parc, un beau soleil et une agréable compagnie ;” sa voix devint basse. “Telle est la formule d'une romance naissante.”
Gustave n’avait jamais ressenti une sensation similaire à ce qu’il ressentait à cet instant précis. Il sentait, pour la première fois depuis un long moment, le besoin de prendre un stylo-plume et de coucher sur le papier ses souvenirs pour ne jamais les oublier.
“Une romance, hein ?” chuchota le jeune homme. “Mais de ton propre aveu, je nous pensais amis.”
“Un ami ne désirerait pas embrasser l’autre,” confessa Verso, probablement au courant de l’effet que cette phrase seule avait sur le pauvre cœur de Gustave.
“Est-ce que c'est quelque chose que tu voudrais ?” demanda-t-il bravement. Ses mains tremblaient.
L’homme plus âgé plaça délicatement sa main sur sa joue et rapprocha leurs visages ensemble. “C’est le cas, oui. Et toi ?”
“Plus que ce que tu ne peux l’imaginer,” admit-il, haletant.
“Oh, je pense que j’ai une petite idée,” plaisanta Verso.
Leurs lèvres se touchèrent et Gustave oublia tout le reste. Sa chaleur, son toucher, une main tenant la sienne et l’autre main posée sur sa taille ; c’était absolument parfait.
L’instant avait été rendu encore plus tendre par le sourire amoureux de Verso quand leur baiser prit fin, l’homme plus âgé baissant la tête pour poser son front sur le sien. Gustave essayait toujours de l’embrasser, ce qui fit rigoler l’autre homme.
“J’ai bien peur que les normes du vivre ensemble doivent être respectées en public. Nous nous ne voudrions pas être exclus du parc.”
Gustave rit, “les pauvres canards feraient la grève.”
Il ne pouvait dire combien ils avaient passés dans les bras l'un de l’autre à regarder les canards jouer dans le bassin et l’eau s’écoulant lentement, tandis qu’au-dessus d'eux rayonnait la douce lumière d'un chaud après-midi d’été. Gustave se sentait le plus en paix qu’il eut été depuis longtemps.
Il se disait que c’était une joie si intense que rien ne pourrait jamais la gâcher, pas même quand il se souvint qu'il devait se préparer à aller dîner dans la soirée avec Emma et Zola Lebrun.
Pour le moment, il se blottit un peu plus dans les bras de Verso. L’amour avait ses raisons que les sœurs jumelles ne connaissent point.
Il sentit Verso déposer un baiser dans ses cheveux.
Quel bel après-midi.

alphacentaurussilver Thu 17 Jul 2025 10:37PM UTC
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