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Not a lot, just forever

Summary:

Shôta a l'impression d'avoir atteint la fin de son existence. Se rendant dans un endroit spécial pour mettre fin à ses jours, ses plans sont bouleversés par une apparition...

Chapter 1: Prologue

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Les lumières éternelles de la ville lui semblent bien pâles ce soir. Peut-être est-ce parce que, dans son esprit, il sait déjà comment la nuit va finir. Il prend néanmoins un instant pour observer avec attention - une dernière fois - les éclats multicolores des néons.

Et puis, il se met en route.

Shôta n’est pas quelqu’un de très sociable. Dans son entourage - du moins, ce qu’il en reste - c’est un fait qui est bien connu. Aussi, personne ne s’est alarmé quand il a refusé de venir boire un verre avec ses collègues et amis, après une éreintante journée de travail. De toute façon, il n’aime pas tant l’alcool. Rien ne remplace une bonne tasse de café dans son cœur.

Alors que le métro l’emmène loin, bien plus loin que son arrêt habituel, il observe le paysage défiler sous ses yeux. Qu’il est étrange de constater un tel contraste entre le centre-ville et la campagne environnante ! S’il avait su que la nature, ailleurs, était si belle, il aurait pris le temps de s’y aventurer. Mais c’est trop tard maintenant. Il n’y a plus de regrets à avoir, de toute façon.

Bientôt, les tours de béton finissent par totalement disparaître, laissant place à des étendus d’arbres. Et bien sûr, le ciel. Avant qu’il ne déménage en ville, il avait passé tant de temps sous les étoiles, à observer le bras de la galaxie qui se dessinait dans l’obscurité. Et puis, après, il n’y eut plus d’astres. Parce que les lumières de la ville ne s’éteignaient jamais.

Il n’y a plus personne dans le métro lorsqu’il descend. Le terminus. Pas d’infrastructure de gare, seulement un panneau, et un trottoir en béton. Shôta fouille dans sa poche pour en tirer un paquet de cigarette. Il ne lui faut pas longtemps pour en tirer une et la glisser entre ses lèvres.

“Oh, excusez-moi !”

Il sursaute presque. Y’a-t-il quelqu’un qu’il n’a pas vu dans la rame de métro ?

Un homme s’approche, vêtu d’un uniforme caractéristique. Ah, le chauffeur. Il se gifle mentalement de n’y avoir pas penser.

“Je ne veux pas vous déranger, mais je peux vous emprunter une cigarette ? Le métro ne repart pas tout de suite, mais je n’ai pas mon paquet sur moi. Et comme vous le voyez, il n’y a pas de distributeur dans ce coin paumé.”

Il rit. Shôta, lui, reste imperturbable. Il finit néanmoins par lui tendre un de ses bâtonnets blancs. Il n’en aura plus besoin bientôt, après tout.

L’homme le remercie chaleureusement, et retourne dans sa cabine. Shôta se contente de suivre le trottoir, clope au bec.

Il faut marcher longtemps pour arriver à destination, et comme il n’a pas envie d’être assailli de pensées qui le ferait changer d’avis, il enfonce ses écouteurs dans ses oreilles et se laisse bercer par la musique. Le trajet lui semble presque moins pesant. Pas le temps de s’arrêter observer les singularités du paysage cette fois, il en a bien assez vu à travers la vitre du métro. Il enchaîne les cigarettes. Plus rien n'a d'importance.

Au bout d’une heure à déambuler, il finit par atteindre la fin de son périple. Le pont est beaucoup plus haut que ce qu’il avait imaginé. Il se contente de hausser les épaules. Qu’importe. Pas de passants, ce qui va grandement lui faciliter la tâche.

Il avance jusqu’au milieu du pont, et retire ses écouteurs. Il peut entendre les flots en contrebas, mais les eaux sont si noires qu’il ne les perçoit pas. Déposant son sac à ses pieds, il s’accoude un instant à la rambarde. La lune est pleine, brillante. Belle. Dans la nuit noire, elle semble presque avoir une aura bienveillante, comme une créature mythologique présente pour l’accompagner dans ce moment pénible.

Il est vrai que dire adieu au monde n’est pas quelque chose de plaisant. Ses expériences passées peuvent en attester.

Combien de fois avait-il été secouru par Nemuri et Hizashi, aux portes de la mort ? Un excédent de cachets, un coup de lame bien placé, une corde autour du cou… Il ne compte plus ses tentatives. Ses amis ont toujours senti la chose arrivée, le sauvant au dernier moment. Mais pas cette fois. Shôta espère simplement qu’ils ne se culpabiliseront pas trop. Après tout, ce n’était pas leur faute. Il était le seul acteur de sa descente aux enfers.

Quelle idée d’avoir voulu affirmer son identité dans un pays aussi conservateur…

Ses parents l’avaient foutus dehors. Mais ça ne s’était pas arrêté là. Ils l’avait pourchassé dans chaque ville où il avait déménagé, détruisant sa réputation, le rendant inemployable. Personne ne voulait de quelqu’un comme lui avec ses enfants, et Shôta ne se voyait pas faire autre chose de sa vie que d’enseigner.

Ses petits… Il peut voir leur visage rayonnant, les grands sourires qui tirent leurs zygomatiques. Ils ne pourraient pas comprendre…

Une larme perle à son œil droit, rapidement suivie d’une autre, et c’est un torrent qui s’écoule sur ses joues.

Ses pauvres gosses…

Il est décidément un professeur bien pitoyable. Mais c’était trop dur. Il avait reçu, quelques jours auparavant, une lettre anonyme. Il n’avait pas eu besoin de l’ouvrir pour savoir qui la lui avait envoyée. Était-ce vraiment de sa faute s’il était trop drainé par la vie pour pouvoir envisager de partir et de tout reconstruire ailleurs ?

Il se penche un instant pour retirer ses chaussures, et dépose son sac à côté de celles-ci, bien en évidence. La police y trouvera ses lettres d’adieu pour ses amis, ainsi qu’une autre, beaucoup plus importante, à l’attention de sa classe.

C’est en chaussettes qu’il enjambe la rambarde du pont, se retrouvant presque en équilibre sur le petit bout de sol qui le sépare du vide. Il ferme les yeux. Le vent est frais, l’air n’est pas trop humide. Et les clapotis de l’eau sont presque agréables.

Il plonge un pied dans le vide, déterminé. Encore un petit effort et il serait libéré de toute sa souffrance, n’est-ce pas ?

Il ferme les yeux, respire un bon coup, lâche la rambarde…

Et un éclat dans le ciel le force à sortir de sa transe.

Une traînée bleue bien étrange, juste au-dessus de lui.

Est-ce un avion qui a explosé ? Un corps céleste qui se désagrège dans l’atmosphère ?

Dans un réflexe, il s’accroche au pont, ramenant son pied sur la terre ferme. Qu’importe ce qui tombe du ciel, la chose s’approche à une vitesse terrible. Et il n’est pas capable de détacher son regard de cet éclat clair qui illumine le ciel si sombre.

Et puis, l’impact.

La chose s’écrase à quelques mètres du pont, derrière un buisson.

Shôta quitte le rebord de la passerelle, enfile ses chaussures et récupère son sac avant de courir vers l’endroit où la traînée a touché le sol.

D’abord, il ne trouve rien. Aucune trace d’un objet tombé du ciel. Pas la moindre cassure sur le sol. Il lui faut s’enfoncer un peu dans la végétation pour tomber sur ce qui ressemble à… De la barbe à papa ? Un étrange nuage bleu posé à même le sol. Et puis, en s’approchant, il ne peut que constater qu’il s’agit de cheveux et que ceux-ci sont accrochés à une tête, elle-même reliée à un corps. Un homme, il semblerait.

Il avance prudemment, dégainant le flash de son téléphone pour pouvoir mieux s’y retrouver dans la nuit noire. C’est bien un homme, vêtu d’une étrange robe claire. Sa peau est plus foncée que la sienne, comme s’il avait vécu dans un endroit très ensoleillé, mais ses cils et ses sourcils sont d’une étrange nuance de bleue claire. Il affiche des traits délicats, un corps musclé, semble bien plus grand que lui. Mais surtout, il est incroyablement… Beau. Et cette pensée le laisse perplexe. Mais pas le temps de penser que ce mec étrange pourrait bien être son type, il s’approche pour prendre ses constantes. Il hésite un instant à poser une main sur son torse pour y déceler un battement de cœur, et préfère finalement simplement se pencher au-dessus de son visage. Il finit par pousser un soupir de soulagement en l’entendant respirer.

Mais maintenant, qu’est-il censé faire ?

Il s’assoit à côté de la figure bleue avec un soupir, dégainant son téléphone pour tenter de contacter les secours. Mais… Pas de signal. En 2025, c’est quand même un comble. Et personne n’a accouru pour voir ce qu’il en était de cette étrange lumière bleue dans le ciel. Pourtant, il ne peut décemment pas être le seul à l’avoir vu, n’est-ce pas ?

Il se décide à faire ce qu’il sait faire le mieux… Etre un bourrin. Et sans se poser trop de questions, il agrippe une des épaules bien costaud de l’étrange individu et la secoue, espérant le tirer de son état d’inconscience.

Mais rien n’y fait. Il ne semble même pas dérangé par l’acte.

Shôta fronce les sourcils. Ce n’était pas du tout comme ça que sa soirée était censée se dérouler.

Il se lève, décidé à le réveiller, et le secoue avec le bout de sa chaussure. Mais une fois encore, aucune réaction. Soupirs.

Il enjambe le corps inconscient, désireux de voir si une bonne paire de claques ne pourrait pas le ramener à lui, et finit par trébucher sur son lacet encore défait, se vautrant sur le torse de l’homme allongé. Merde.

Il lève la tête, son air le plus renfrogné possible sur le visage, pour ne rencontrer que des iris d’un bleu singulier. Et pas le temps de chercher à se relever ou s’excuser, l’homme l’enlace, fort, comme s’il n’avait pas conscience de sa vigueur. Pour lui qui abhorre le contact physique au plus haut point, c’est une épreuve.

“Tu es vivant… Tu es bien vivant…”

Il chuchote, comme s’il craignait qu’on ne l’entende. Shôta ne peut s’empêcher de hausser un sourcil. Comment avait-il pu le voir ? Et puis, c’était qui ce type bizarre à la fin ?

Il rassemble ses forces pour rompre l’étreinte, le tenant par les épaules à bout de bras. Et si l’envie de lui passer un savon l’a bel et bien saisit quelques secondes auparavant, elle s’évanouie lorsqu’il constate que l’étrange homme semble sur le point de fondre en larmes.

“Shôta…”

Comment peut-il connaître son nom ? Cette situation n’a décidément rien de logique.

“Vous êtes qui ?” fait-il, son ton trahissant son agacement et une sorte de peur qui naît dans le creux de sa gorge.

L’homme semble se ressaisir, essuyant les larmes qui perlent au coin de ses yeux, avant d’arborer un sourire des plus… Céleste.

“Je suis ton ange gardien !”

Notes:

Voilà qui clôt le prologue ! J'espère que ça vous plaît ? N'hésitez pas à faire part de vos théories ou suggestions !

Chapter 2: Chapitre 1

Notes:

Heyo ! Chapitre beaucoup plus goods vibes que le prologue ! N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire, c'est toujours super d'échanger avec vous toustes ! Et bonne lecture c:

Chapter Text

C’était une erreur. Une grave erreur. 

Shôta ne sait pas trop comment il s’est retrouvé dans cette situation, à vrai dire. Quelques instants auparavant, il était prêt à sauter de ce fichu pont pour mettre fin à sa douloureuse existence, et voilà qu’il se retrouve dans le même métro que celui qu’il avait pris, accompagné de cet homme étrange qui prétendait être son ange gardien. 

Bras croisés, sourcils froncés, il garde un œil sur l’individu aux cheveux bleus. Celui-ci observe avec émerveillement le paysage qui défile sous ses yeux, comme s’il n’avait jamais pris le métro de sa vie. 

Et après l’avoir observé un moment, Shôta en avait conclu que cet homme n’avait aucun codes sociaux. Il ne connaissait vraisemblablement pas les mœurs, ne comprenait pas le concept d’espace personnel. Il est tactile, niais et se comporte comme un grand enfant. 

Shôta n’avait vraiment pas besoin de se retrouver avec un débile pareil dans ses pattes. 

Et pourtant, ils voyagent ensemble, vers l’appartement miteux du professeur. Il n’a pas eu le cœur à l’abandonner en pleine nature. Il y avait quelque chose de touchant dans ses iris bleus, tenant d’une grande innocence, qui lui rappelait ses gosses à l’école. 

Le brun ne croyait pas du tout à cette histoire de prétendu ange gardien, déjà parce que le concept était beaucoup trop chrétien pour lui, et aussi parce que - quelque part - il ne pensait vraiment pas qu’une quelconque entité pouvait avoir tant de temps à tuer pour désirer veiller sur lui. N’était-il pas d’une banalité affligeante ? Pas spécialement beau, avec un destin qui ne marquera pas l’histoire, une personnalité froide et apathique… Des gens comme lui, il y en avait des millions sur cette planète. 

Et puis quand le bleu avait commencé à évoquer des détails personnels de son histoire, il avait cru à un stalker. Mais quel genre de stalker tombe du ciel ? Ca ne pouvait pas être un coup monté, Shôta avait bien vu qu’il n’avait pas de parachute ou un autre artifice. 

Le plus effrayant dans toute cette situation, c'est qu’elle était terriblement réelle.

“Shôta ! Shôta ! C’est quoi ça ?” Demande l’homme en robe, le tirant de ses pensées. 

Le brun lève un œil vers la structure qui semble avoir attiré l’attention du soi disant ange. 

“Un temple shinto. Le truc rouge c’est un torii.”

Il répond par un “Ohhhh !” admiratif. Shôta ne peut retenir un rictus. 

“T’es un ange et tu sais pas reconnaître un temple ? Quelle connerie…”

L’autre lui répond par un sourire contrit, se frottant la nuque comme un enfant pris en faute, avant de retourner à sa contemplation du monde extérieur. Shôta en profite pour dégainer son téléphone, avec la non-surprise d’y trouver plusieurs appels manqués et des messages paniqués de Nemuri. Sans doute avait-elle fini par comprendre son plan en voyant qu’il ne répondait plus. Il ne peut retenir un soupir. 

“C’est quoi ton nom ? Ce sera plus simple pour ta famille de te retrouver avec ton nom.” Fait Shôta, frappé par un éclair de lucidité. 

L’ange le regarde en haussant un sourcil.

“Mon nom ? Mais je n’en ai pas ! Et je n’ai pas de famille non plus. Enfin, pas au sens où les humains peuvent l’entendre.”

Shôta lève les yeux au ciel. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ? L’individu semble bien embourbé dans son délire. Peut-être qu’il devrait le déposer devant un hôpital psychiatrique et le laisser là. Après tout, il ne saurait pas le retrouver. 

“Si t’es un ange, prouve-le. Fais un truc d’ange.”

L’être divin penche la tête sur le côté, avant de tendre les mains vers Shôta, à quelques centimètres de son visage. Au creux de celles-ci, un nuage. Tout petit, tout blanc, tout vaporeux. Le brun recule d’un bond, se levant de son siège pour s’éloigner. S’il a d’abord été surpris, il finit par relativiser. Il devait s’agir d'un tour de passe-passe minable. 

“Ridicule. Tu m’auras pas avec ça.”

Le bleu paraît outré, la bouche ouverte en une expression surprise. 

“Bah fais-le, toi, si c’est si facile !” Clame-t-il en croisant les bras. 

“J’suis pas un putain de magicien.”

Le reste du trajet se déroule en silence, aucun des deux hommes ne désirant plus s’adresser à l’autre. Shôta constate néanmoins que ses paroles semblent avoir blessé l’autre, ce dernier ne désirant même plus poser les yeux sur le paysage qu’il avait pourtant admiré quelques instants auparavant. 

Mais que faire d’autre ? Il n’allait quand même pas le pousser plus avant dans son délire. 

Ils finissent par arriver à destination, et Shôta se lève pour sortir du métro alors que les portes s’ouvrent. L’inconnu le suit en silence. Comme il l’avait imaginé en découvrant son corps, il le domine bien d’une tête, mais en même temps il n’était pas difficile d’être plus grand que lui. Et ses cheveux en pagaille lui donnent une plus haute stature encore. 

Alors qu’il ouvre la marche, sans vraiment se retourner pour savoir s’il continue de le suivre - après tout, ce ne serait pas si mal s’il pouvait le perdre - Shôta finit par entendre un son qu’il ne connaît que trop bien. Alors, il se retourne. A quelques mètres de là, l’inconnu rend le contenu de son estomac, le corps tordu en deux. Beurk . Dans un élan de mansuétude, il finit par franchir les pas qui les séparent pour lui tendre un mouchoir. 

“Q-Qu’est-ce qu’il m’arrive ?...” Gémit le géant, les yeux larmoyants. 

“C’est rien. Tu dois être malade en transport. Ça arrive à beaucoup de gens.”

Cocasse de n’avoir aucune égratignure en tombant du ciel mais de vomir ses tripes pour un simple trajet en métro. 

Ils finissent par reprendre leur trajet à pied, Shôta se promettant de garder un œil discret mais attentif sur l’état de son ange gardien de malheur. 

Il ne faut pas longtemps avant d’atterrir devant l’immeuble où réside le brun. Au pied de celui-ci, un konbini. Il décide d’y passer, ordonnant au géant de l’attendre dehors pour ne pas causer un esclandre. Le professeur n’a jamais été bon cuisinier, et pourquoi se forcer à l’être quand la culture de son pays encourage vivement la consommation de plats déjà préparés. Il attrape donc deux bentos, des médicaments pour la nausée du bleu, et… Bon, il peut bien se permettre de lui prendre des sandales. Après tout, il déambule dans la rue pieds nus comme un malpropre. Le caissier emballe ses courses dans un sac plastique, et Shôta retrouve son stalker à l’extérieur. 

Il est surpris de le trouver accroupi. Vomi-t-il encore ? 

“Shôtaaa ! Regarde, regarde ! Un chat !”

Et en effet, il semble qu’il se soit accroupi pour gratouiller le ventre d’un petit chat roux. Il l’avait déjà vu traîner dans le quartier avant, mais l’animal ne s’était jamais laissé approcher. Encore moins touché. Pourtant, il semble bel et bien en confiance, se frottant allègrement aux jambes du bleu. 

“On l’emmène ? Il faut lui trouver un nom ! Oh, ça mange quoi un chat ?’

Shôta soupire. Pour un ange gardien, il n’y connaissait vraiment pas grand-chose. 

“On peut pas l’emmener. Sa mère doit l’attendre, il est encore jeune.”

Moue triste. Le brun ne se laisse pour autant pas démonter, et reprend sa marche en direction de son appartement, l’ange sur les talons. 

Shôta vit au premier étage. Nemuri et Hizashi, eux, sont voisins, au troisième. La résidence est essentiellement composée de travailleurs, alors il ne croise pas grand monde. Et heureusement, car comment expliquer la présence de cet individu en robe qui le suit partout ? 

Il déverrouille la porte, et fait signe à l’autre d’entrer. Il s’exécute, jetant des regards sur tout ce qui compose son domicile. Et dieu sait qu’il n’y a pas grand-chose. Des piles de livres au sol, un kotatsu dont il ne se sert pas, des tasses à café à n’en plus savoir quoi en foutre. Il a la chance d’avoir une pièce en plus. Sa chambre. Son sanctuaire. D’ordinaire, il n’autorise personne à y pénétrer, mais là… 

Et puis, un miaulement. 

Shôta jette un regard désabusé à son invité. 

“Je sais pas où tu l’as caché, mais laisse-le sortir. Il va finir par étouffer.”

Il s’exécute, sortant le chat du haut de son espèce de toge. Celui-ci part presque immédiatement explorer l’appartement. L’ange se frotte l’arrière de la tête, s’attendant visiblement à une réprimande. Mais rien. Shôta se contente de déposer le sac du konbini sur le kotatsu, avant de s’asseoir à même le sol. 

“Si tu veux sortir, mets ça.” Fait-il en lui tendant la paire de sandales. “Ca, c’est pour manger.” Et il dépose les boîtes à bento sur la table. “Et tu prendras ça après manger.” La boîte d’anti-nauséeux rejoint les bentos. “Tu vas t’appeler Oboro. Ce sera plus simple.”

Il n’y a pas tant réfléchi, se contentant de prendre un nom qui lui irait bien. Mais c’est peut-être un peu cruel de lui imposer un prénom alors que lui-même s’était affranchi de celui que ses parents lui avaient donné à sa naissance. Pourtant, Oboro acquiesce, un large sourire aux lèvres. 

Et puis, ils se mettent à manger. Si Shôta est habitué à manger toute sorte de nourriture avec des baguettes, ce n’est pas le cas de l’ange, qui peine à maintenir les aliments avec celle-ci. Désespéré, le brun va lui chercher une fourchette, espérant qu’il avale son repas rapidement pour qu’il puisse aller dormir. Il n’aurait jamais pu imaginer la gloutonnerie de son invité. Les coups de fourchette s’enchaînent rapidement et il mange de façon relativement sale. Shôta soupire. Mais il y a quelque chose de touchant dans sa manière d’engloutir son assiette, comme un affamé qui n’aurait rien mangé depuis des jours. 

S’il mange, l’appétit finit par disparaître après quelques bouchées. Il glisse ses restes vers Oboro. 

“Tu manges pas ?” Demande-t-il, la bouche pleine. 

“T’as l’air d’en avoir plus besoin que moi.”

Le visage du bleu se tord d’une moue, mais il finit par accepter de finir son plat sans broncher. Shôta l’observe en silence, à la fois fasciné et ennuyé. 

Le chaton finit par revenir vers eux, se frottant à Shôta. A lui aussi, il allait falloir trouver un nom. Avait-t-il jamais nommé autant de personnes en si peu de temps ?

Oboro achève la seconde portion, et son regard se pose sur le brun. Silence. Shôta remarque des grains de riz sur son menton. Quel genre d’adulte pouvait être incapable de manger sans se salir ? 

“Va te nettoyer le visage, je vais te sortir un futon.” 

Il acquiesce, se levant joyeusement pour se diriger vers la salle de bain. Shôta hausse un sourcil en constatant qu’il l’a trouvé du premier coup. Chance du débutant ou… ? Il soupire, se levant pour extirper de sa chambre un futon et une couverture. Il l’installe à côté du kotatsu : hors de question qu’il dorme dans sa chambre. Néanmoins, il risque de dépasser. Mais ce n’est pas vraiment son problème, n’est-ce pas ?

Toujours de son placard, il prend sur lui pour lui prêter des vêtements, au moins pour ce soir. Il aurait toujours l’occasion de demander son aide à Nemuri pour lui trouver d’autres choses demain. Il fronce les sourcils. Non, ça ne se passerait pas comme ça. Demain il contactera la police pour expliquer ce qui s’était passé, et il ne reverra plus jamais Oboro. C’est ce qu’il y a de mieux à faire, n’est-ce pas ?

Pas le temps d’y songer davantage, une paire de bras massive l’enlace par derrière. Il claque sa langue contre son palet. 

“Je peux savoir ce que tu fous ?”

“Je te souhaite une bonne nuit ! C’est pas comme ça qu’il faut faire ?”

Shôta secoue la tête. Pour autant, il ne se défait pas immédiatement de l’étreinte. A sa grande surprise, d’ailleurs. Oboro sent le savon et le coton. Lui, il doit sans doute sentir la clope froide et le café. Il ne sait plus. Il est tellement habitué à celle-ci qu’il a fini par ne plus la sentir du tout. 

“Bonne nuit Shôta !” 

“Lâche-moi.” 

Oboro s’exécute. Et la dernière chose que voit Shôta avant de refermer la porte de sa chambre, c’est son sourire candide, et ses joues légèrement écarlates. 

Bordel de merde.

 

Chapter 3: Chapitre 2

Notes:

Nouvelles tribulations dans l'appartement de Shôta, avec l'apparition d'un nouveau personnage !

Merci à mon cher amoureux pour sa relecture et sa correction !

Chapter Text

Encore une fois, Shôta n’avait jamais imaginé se retrouver dans cette situation. Et ça commençait à faire beaucoup en l’espace d’à peine deux jours.

Assis sur son futon, tasse de café à la main, petit chat dans son giron, il doit attendre. Nemuri avait été très claire : il n’avait pas à intervenir avant qu’elle ait terminé ses examens. Mais ça fait maintenant presque deux heures qu’il tourne en rond, n’osant pas interrompre son amie. Après tout, elle est médecin. Elle sait ce qu’elle fait.

Il ne lui avait pas raconté que, cette nuit-là, il avait ouvert sa porte à Oboro, fatigué de l’entendre remuer dans le salon. L’ange ne trouvait vraisemblablement pas le sommeil et semait la zizanie dans la pièce à vivre avec le chaton. Celui-ci ayant volé un morceau de sashimi dans le frigo, il avait décidé de le nommer “Sushi”. Shôta n’avait pas vraiment compris le rapport, mais soit, après tout c’était peut-être la première fois qu’il donnait un nom à quelque chose.

Et puis, il lui a demandé s’il pouvait rester avec lui. “Pas longtemps” qu’il avait osé dire. Mais ce pas longtemps s’était étiré jusqu’à l’aube, quand Nemuri avait toqué à sa porte. Il n’en avait pas été surpris, après tout c’est lui qui lui avait demandé de venir.

Elle n’avait pas fait de commentaire ou de remarque graveleuse. C’était bien inhabituel de sa part, mais Shôta avait cru cerner un sentiment d’urgence dans son regard. Elle s’était inquiétée, pour sûr.

Et voilà comment il s'est retrouvé prisonnier de sa propre chambre. Sous son propre toit.

Il soupire, quand finalement on vient toquer à sa porte. Il bondit presque pour ouvrir, curieux de savoir comment tout s’est déroulé. C’est bien sûr Nemuri qui est venu le solliciter, et aucune trace d’Oboro. Il hausse un sourcil.

“Pas d’inquiétude. Il est tombé dans les vapes quand je lui ai fait sa prise de sang. Mais il va finir par se réveiller.”

Bon, il ne peut pas dire qu’il est étonné.

“Qu’est-ce que tu en penses ? Faut prévenir la police ?”

Nemuri semble hésiter un instant, avant de secouer la tête.

“Il n’est pas fou de ce que je peux en dire. Il souffre peut-être d’amnésie. Après tout, si tu l’as vu tomber du ciel, il a forcément dû se cogner la tête. Mais y’a rien à l’examen. Il a l’air d’aller bien. Il parle beaucoup de toi, comme s’il te connaissait depuis longtemps. Il a l’air de connaître des détails intimes de ta vie, notamment ta transidentité, et vu que je doute que tu lui en ai parlé… Ça me laisse un peu perplexe, tout ça. Je l’ai pris en photo, je la glisserai à Yu pour qu’elle voit si ça ne coïncide pas avec une personne disparue. Et puis j’ai son sang, je te dirais ce qu’il en revient après analyse.”

Shôta écoute attentivement les propos de son amie, pour finalement demeurer aussi perplexe qu’elle pouvait l’être.

“Il ne sait pas lire, pas du japonais en tout cas. Il a des connaissances poussées sur certains sujets et aucune sur d’autres. Il n’a pas vraiment l’air de savoir comment fonctionne son corps, et je comprends mieux ce que tu m’as dit sur une absence de respect de l’espace personnel. On dirait qu’il n’a jamais vécu physiquement avec d’autres gens avant.”

“Tu penses qu’il aurait pu être embrigadé dans une secte bizarre ou un truc du genre ?” Après tout, ça pouvait être plausible. Enfin, sauf pour le fait qu’il était littéralement tombé du ciel.

Nemuri semble comprendre que quelque chose tracasse Shôta, plus que le simple fait qu’Oboro soit une sorte de John Doe. Avec un air tendre et un sourire rassurant, elle pose une main sur son épaule. Il frissonne mais ne la repousse pas. Elle, elle a le droit de le toucher.

“Qu’importe ce qu’il en ressort, tu n’as pas à l’héberger si tu ne veux pas. Personne ne te forcera à faire quelque chose dont tu n’as pas envie.”

Encore une fois, elle avait lu clair en lui et ses peurs. Shôta n’a jamais partagé son espace de vie avec quiconque avant, et commencer avec quelqu’un qui ne semble vivre qu’à travers lui… C’était inquiétant. Et peut-être pas très sain.

Mais où irait-il alors ? Et s’il était malheureux ? Si on ne faisait pas attention à ses besoins ? Il secoue la tête. Tout ça, ce n’était pas son problème.

Un gémissement plus loin dans la pièce le tire de ses pensées, et il quitte définitivement sa chambre pour s’approcher du géant qui sort à peine de l’inconscience. Il le darde un instant de ses iris sombres, quand les grands yeux d’Oboro s’ouvrent finalement, dévoilant des pupilles teintées… de peur ?

“Shôta ! Me laisse pas avec elle, elle m’a piqué avec son aiguille…” Fait-il en rampant derrière lui.

Le brun laisse échapper un soupir, presque amusé. Son innocence pouvait être tellement touchante.

“Nemuri ne fait pas ça pour te blesser. Et puis, c’est fait maintenant. Elle le fera plus.”

Il ne paraît pas rassuré pour autant, même quand Nemuri lui adresse un sourire rassurant. Shôta soupire en secouant la tête.

“Il y a encore une dernière chose que j’aimerais te demander, Oboro. Après je te laisse tranquille, promis.”

Les yeux de Shôta se posent sur l’homme, guettant une réaction. Il ne semble pas rassurer, craignant sans doute une nouvelle piqûre. Le brun s’écarte pour qu’il ne se cache plus derrière lui, gagnant de sa part un regard suppliant.

“Tu as dit que tu étais l'ange gardien de Shôta. J’ai bien compris que tu connaissais énormément de choses sur sa vie, mais ton existence avant de tomber du ciel, c’était quoi ?”

S’il ne répond pas immédiatement, Oboro ne semble néanmoins pas se démonter pour autant.

“Le but de mon existence est de veiller sur Shôta pour que sa vie ne soit pas en danger.”

Il est plein de conviction, sûr du but de son existence. Pourtant, Shôta a envie de rire. Pas par amusement, mais parce que son existence avait été tellement difficile que la simple idée qu’un prétendu ange gardien ait veillé sur lui tout ce temps… Il devait être d’une incompétence spectaculaire.

“Pourquoi tu as quitté ton poste pour venir sur Terre ? Quel est le but ?”

Cette fois, il semble bien embêté, détournant le regard avec un air coupable.

“Je pensais que je serais plus efficace sur Terre. Et… Je voulais vivre comme un humain, pour voir…”

Il chuchote presque sa confession.

Shôta et Nemuri soupirent de concert. Le brun n’a toujours pas envie de croire à son histoire, mais étrangement, la doctoresse ne semble pas fermée à la possibilité qu’il dise la vérité. Du moins, elle rentre dans son jeu.

“Je vais porter la photo et le sang, et je repasserais déposer des affaires. Je dois bien avoir quelque chose à sa taille dans tout le merdier que mes ex ont laissé. Shôta, je te tiens au courant.”

Et avec un dernier regard à Oboro, elle sort, les laissant seuls avec Sushi. Le géant reste étrangement silencieux, avant de s'engouffrer dans la chambre du brun, manquant de claquer la porte derrière lui. Shôta soupire. Il semble lui en vouloir, pas qu’il ne comprenne pas pourquoi. Si on le traitait comme un sujet d’expérience et qu’on remettait constamment son existence en question, lui aussi serait énervé. Et il le savait pour l’avoir déjà subi.

Il attend donc un instant avant d’aller toquer à la porte de son propre espace personnel. Et comme Oboro ne répond pas, il finit par rentrer. Il le trouve caché sous sa couette, tout recroquevillé sur lui-même. Shôta se frotte la joue, tentant de ne pas paraître trop détaché. Après tout, le bleu semble vraiment agacé par toute cette situation, et il n’a pas envie de remettre de l’huile sur le feu.

“Tu m’en veux ?” Demande le brun en s’asseyant à côté de son futon squatté.

Pas de réponse.

“Nemuri ne te fera pas de mal, elle cherche juste à comprendre. Comme moi.”

Rien. Il n’aura jamais été aussi silencieux.

“Je ne pensais pas que ce serait si difficile ici…”

Shôta ferme les yeux un instant en écoutant sa confession. Si l’on partait du principe que c’était vraiment sa première expérience en tant qu’humain, alors oui, il était bien mal tombé. Le pauvre, tout de même.

Lui n’était pas du genre à trouver des mots rassurants pour soulager les peurs des gens, encore moins des adultes. Avec ses gosses, c’est encore différent. Néanmoins, il se permet de poser une main sur l’endroit où il suppose que se trouve sa tête, vu qu’il est toujours tout emmitouflé dans sa couverture.

“Si tu ne fais rien pour t’adapter, alors oui, ce sera difficile. Si tu m’as suivi toute ma vie, tu dois savoir que je n’ai fait que m’adapter pour survivre. Et tu devras sans doute faire de même.”

C’était sans doute un conseil horrible, mais après tout, il n’avait jamais été doué pour ce jeu de relation sociale. Il ne va néanmoins pas le forcer à quitter l’endroit où il s’est réfugié. Il n’était certes pas doué pour les interactions, mais pas à ce point-là.

“Shôta…”

“Hmm ?”

“Viens.”

“Rêve pas trop.”

Oboro laisse échapper un rire. Shôta ne peut s’empêcher de se sentir comme si on avait retiré une pression sur sa poitrine.

“J’aurais essayé.”

Il sait qu’il ne le verra pas, alors il se permet un léger sourire. Finalement, sa présence ici… Elle n’est pas si mal.

Chapter 4: Chapitre 3

Notes:

Bienvenue à toustes pour votre dose de sillyness et de mignonneries ! Petit chapitre chill avant... Quelque chose de bien plus intriguant pour la semaine prochaine c: Enjoy !

Chapter Text

Après le départ de Nemuri, Shôta avait eu bien du mal à mettre son esprit sur pause, trop occupé à ressasser ce que son amie lui avait dit de l’état d’Oboro. Il pourrait toujours lui apprendre à lire, si son analphabétisme lui posait un problème pour s’inclure dans la société. Mais du reste ? Ses débordements d’affection aléatoires, sa non connaissance de l’espace personnel des gens, sa méconnaissance des mœurs ? Comment pourrait-il faire en sorte de lui inculquer les valeurs du pays dans lequel il se trouvait maintenant ?

Et surtout, en avait-il seulement envie ?

En voyant les grands yeux émerveillés d’Oboro et son sourire, Shôta savait qu’il ne pouvait pas se résoudre à l’abandonner. Il semblait tant avoir besoin de lui, le confier à quelqu’un d’autre serait juste cruel.

Il était parvenu à le faire sortir de sa cachette en lui promettant un café et un petit déjeuner. Le brun avait vraisemblablement saisi son intérêt vif pour la nourriture. Que lui avait dit sa mère alors qu’il était encore un enfant ? “La meilleure manière de tirer ce qu’on veut d’un homme, c’est en remplissant son estomac !” Ça lui coûtait de le dire, mais pour une fois, il semble qu’elle avait eu raison.

C’est ainsi qu’ils avaient fini devant la télé, bol de céréales pour Oboro, café noir pour lui. Et comme un rien pouvait fasciner le géant ! Shôta aurait voulu changer de chaîne pour passer un programme musical, mais son squatteur avait été émerveillé par un dessin animé. Le propriétaire des lieux avait soupiré, mais n’avait pas eu le cœur à changer la diffusion. Il pouvait bien prendre sur lui pour qu’Oboro s'imprègne un peu des merveilles de la technologie.

Assis dans la cuisine, Shôta peut observer dans les moindres détails toutes les expressions qui passent sur le visage du bleu. Ses iris fixés aux images sur l’écran comme s’il n’en avait jamais vu avant, la manière dont sa cuillère pleine de céréales s’arrêtait à mi-chemin entre son bol et sa bouche quand il était trop incapable de se concentrer sur deux choses à la fois, l’enthousiasme, la surprise, l’inquiétude… Sur bien des plans, il avait la même liberté que les enfants à qui il donnait cours. Il n’était pas entravé par les carcans sociaux. Oboro était comme un oiseau sauvage qui volait trop haut pour être dompté.

Tout ce que lui avait aspiré à être dans son existence, sans jamais y parvenir.

Avant qu’il ne s’en rende compte, sa poigne se resserre autour de sa tasse. Shôta ne pourrait pas le protéger du monde extérieur éternellement. Que fera-t-il lorsque lui devra reprendre le travail ? Rester enfermer toute la journée avec Sushi pour seule compagnie, à attendre son retour, n’était pas une vie. Nemuri faisait bien plus d’heures que lui, il n’était donc pas envisageable de la lui confier. Hizashi, n’en parlons pas. Il n’était définitivement pas le type de personne sur qui Oboro devrait prendre exemple. Soupirs en cuisine. Une décision des plus difficiles se présentait à lui.

Et puis, comme pour le sortir de ses pensées, on toque à la porte. Il dépose sa tasse sur le plan de travail et se lève pour ouvrir. Oboro le suit d’un œil curieux, avant de reporter son attention sur la télévision en voyant qu’il s’agissait à nouveau de Nemuri. Elle arrive les bras chargés de sacs qui semblent plein de vêtements, comme elle l’avait promis.

“Comment ça se passe ?” Demande-t-elle en portant son regard sur l’homme prostré devant le poste de télé.

Shôta hausse les épaules.

“Ça va. J’essaye de l’occuper.”

Nemuri affiche une légère risette contrite.

“Yu a fait une rapide recherche. Il ne correspond en rien aux descriptions de disparition dans la région pour ces cinq dernières années. Elle va élargir la recherche, mais doute que ce soit concluant. J’attends toujours les résultats pour l’analyse sanguine.”

Il s’en était douté, mais il fallait toujours mieux vérifier.

“Sur une note positive, j’ai trouvé plein de fringues dans plein de styles différents dans le merdier laissé par les autres salopards. Je pense que notre nouvel ami y trouvera son bonheur.”

Shôta acquiesce, avant de se tourner vers Oboro, dont l’attention est toujours toute au combat qui se déroule sur l’écran.

“Oboro, viens voir.” Fait-il simplement.

L’écho de sa voix semble suffisant pour le tirer de son divertissement et il se lève, bol bien en main, Sushi sur les talons. Shôta l’en débarrasse promptement, pendant que Nemuri lui indique qu’il peut fouiller dans les sacs pour y trouver de quoi s’habiller. Après tout, il ne paye pas de mine avec son tee-shirt trop court et son pantalon du même acabit.

Mais faire des choix vestimentaires semble particulièrement difficile. Dès qu’un vêtement retient son attention, il est immanquablement trop petit ou trop étroit, lui tirant une moue chagrinée. Nemuri finit par venir lui prêter main forte. Et elle a bien plus l'œil pour dénicher des pièces prometteuses. Ainsi, tee-shirt, shorts, pantalons et vestes finissent par constituer la nouvelle garde-robe du géant.

“Va essayer tout ça, en espérant que ça t'aille.”

Oboro reste immobile un instant, avant de commencer à retirer ses vêtements dans la pièce principale, arrachant un cri de surprise à Shôta.

“Pas ici, andouille. Dans la chambre.”

“Oh. O-kay !” Répond le bleu en levant le pouce en l’air.

Avait-il appris ça dans un de ses dessins animés ? Décidément, il fallait qu’il garde un œil là-dessus.

Oboro emporte ses vêtements, et se dirige vers la chambre, laissant les deux amis non loin du kotatsu. Les deux restent silencieux un instant, avant que Nemuri ne pose finalement à Shôta une question qui semble la préoccuper.

“Tu as pris une décision ? Tu veux le confier à quelqu’un d’autre ?”

Son hésitation est palpable. Mais au fond de lui, il a déjà pris sa décision.

“S’il n’est réclamé par personne, alors je compte bien le garder encore un peu.”

Nemuri lui accorde un sourire, avant de lui taper dans les côtes avec son coude.

“C’est pas un objet trouvé, nom de Dieu.”

Shôta laisse lui aussi échapper un sourire. Ce n’est peut-être pas la bonne décision à prendre, mais il peine à imaginer la maison sans la présence ô combien ennuyeuse de son foutu ange gardien.

“Tu ne trouves pas qu’il ressemble à ce héros de dessin animé quand on était gosses ? C’était quoi son nom déjà ?”

Il est vrai qu’il n’y avait pas pensé en le voyant, mais maintenant que c’était évoqué, la ressemblance était pour le moins perturbante.

“Loud Cloud.”

Le héros qui avait bercé son enfance.

Il ne faut pas plus longtemps pour qu’Oboro émerge de la chambre, tout habillé. Mais Shôta remarque immédiatement que quelque chose ne va pas.

“Ça gratte.” se plaint-il.

Le brun retient un rictus.

“C’est parce que t’es pas habitué.” Tente-t-il de le rassurer.

“J’aime pas l’odeur…”

“On les lavera.” Ajoute-t-il en retenant un soupir.

“Ca te va bien !” Fait Nemuri avec enthousiasme.

Le géant semble presque gêné par le compliment, tirant les pans de son tee-shirt comme pour l’étirer et en faire une couverture pour s’y cacher, la tête basse. Mais peut-être est-ce dû au fait que ça devait être la première fois qu’on lui faisait un compliment. Il est vrai que lui ne lui en avait jamais fait.

“T’es sortable, c’est déjà ça.” Fait-il simplement, et à sa remarque, Oboro pique un fard, avant de partir se réfugier dans la chambre.

“J’ai dit quelque chose de mal ?” Demande Nemuri en tournant la tête vers Shôta.

“Il doit pas avoir l’habitude.”

Nemuri soupire doucement, avant de prendre congé, emportant avec elle les pièces de vêtements trop petites pour être portées. Shôta décide d’aller s’assurer que le bleu aille bien, s'engouffrant dans la chambre avec pour offrande le bol de céréales dont il l’avait défait plus tôt.

Oboro est assis dans un angle de la pièce, torse nu. Le brun s’approche, enjambant le vêtement abandonné au sol.

“Ça gratte. J’aime pas ça.”

“T’es pas obligé de le porter à la maison, t’inquiète pas.”

Le géant lève les yeux vers lui, l’air de questionner ce qu’il lui disait. Et puis, sans doute parce qu’il ne constate aucune malice dans ses paroles, il semble se détendre un peu. Shôta lui indique son bol.

“Viens finir de manger.”

Oboro acquiesce pour toute réponse, et se lève pour le suivre dans le salon.

Chapter 5: Chapitre 4

Notes:

Tw transphobie pour ce chapitre !

(un peu de retard pour ce chapitre, mais n'hésitez pas à me donner vos impressions ! Et bonne lecture.)

Chapter Text

Dernier jour du week-end. Demain, il faudrait retourner travailler, et laisser Oboro seul à l’appartement. Cette pensée ne rassurait pas vraiment Shôta, mais ce n’était pas comme s’il pouvait faire autrement. Au moins, Nemuri lui avait assuré qu’elle passerait le voir dès qu’elle aurait un moment. Et puis, il y avait Sushi.

Allongé sur son futon, le brun tourne la tête. Oboro dort bien trop paisiblement à côté de lui. Il avait eu un élan de pitié dans la nuit en l’entendant à nouveau remuer dans le salon, jouant avec le chaton jusqu’à pas d’heure, et lui avait intimé - voire ordonné - de ramener son futon dans la chambre et de dormir. Le bleu avait obéi sans trop se poser de questions, et avait fini par s’assoupir rapidement. Shôta, lui, avait eu bien du mal à trouver le sommeil, le regard posé sur le géant qui ronflait à côté de lui. Rêvait-il ? De quoi ses pensées étaient-elles faites ? Il semblait si paisible, comme la première fois qu’il l’avait vu à côté de ce fameux pont. L’expression “dormir comme un ange” lui sied étonnement bien. Quoique pas si étonnamment, vu ce qu’il clamait être.

Et puis, il avait fini par s’endormir, épuisé, d’un sommeil sans rêve mais reposant. Ca aussi, c’était nouveau et étrange. Depuis qu’Oboro avait fait irruption dans sa vie, il avait l’impression que ses courtes phases de sommeil étaient nettement plus revigorantes qu’avant. Physiquement, il souffrait moins, également. Les douleurs lancinantes dans ses articulations étaient nettement plus gérables. Il n’avait plus rendu ses repas. Mais ça ne pouvait être qu’une coïncidence.

Shôta s’est donc réveillé plusieurs heures après le lever du soleil, alors qu’Oboro dormait toujours. Et comme la veille, celui-ci avait envoyé valser sa couverture et sa tête ne se tenait plus sur son coussin. Son corps est tordu dans une position qui semble d’ailleurs bien inconfortable.

Avec un soupir, il se lève et prend le temps de repositionner la couverture sur le géant. Ses pieds dépassent de peu. Tant pis. Avec la chaleur, ce n’est pas vraiment comme s’il a besoin d’être couvert entièrement. Et puis, il se rend dans la cuisine, Sushi sur les talons. Shôta n’a pas d’animosité envers les chats, au contraire. Il prenait d’ailleurs sur lui pour nourrir les errants du quartier. Mais Sushi et Oboro en même temps, ça faisait beaucoup de pièces rapportées en un si court laps de temps. Il n’était pas encore totalement habitué à avoir l’animal entre les pattes. Mais sa présence chaleureuse, comme celle de l’homme assoupi, était sans doute une sorte de bénédiction.

Comme à son habitude, il prépare son café matinal, se servant celui-ci avec une cigarette, profitant du calme de l’appartement pour vérifier ses messages. Hormis les mails publicitaires noyés parmi les scams, bien peu de choses captent son intérêt. Dans la conversation de groupe qu’il entretient avec Nemuri et Hizashi, toujours la même rengaine : entre les mille photos de la soirée alcoolisée qu’avait passé le blond, quelques réactions de la brune. Shôta ne prend même pas la peine de répondre. Puis il remarque que son amie lui a envoyé un message privé, indiquant qu’elle passerait dans la journée pour déposer du matériel afin de distraire Oboro pendant l’absence du brun. Sa sollicitude ne cesserait jamais de le surprendre.

Il est interrompu dans son petit-déjeuner quand des pas se font entendre dans la chambre, et rapidement, Oboro finit par en émerger, les cheveux en bataille, seulement vêtu d’un caleçon. Shôta sent ses pommettes se mettre à picoter. Merde. Son corps ne présente aucun défaut, comme une statue antique d’un dieu grec. Ses muscles saillants, sa peau satinée… Si ce n’était pas pour le filet de bave qui marquait son menton…

Alors, il détourne le regard, fuyant le problème qu’il s’était lui-même créé dans son esprit, préférant s'intéresser à son écran de téléphone, scrollant sans vraiment s’attarder sur rien.

“Shô-taaaaa !” Fait le bleu avec enthousiasme, venant s’asseoir à même le sol à côté du brun.

Il lui jette un regard de biais, haussant un sourcil.

“Tu sais que t’as le droit de t’asseoir sur une chaise.”

Il rit, restant pourtant assis au sol. Sushi finit par venir s’asseoir entre ses grandes guiboles, quémandant son attention. Il ne se fait pas prier pour cajoler le petit animal ronronnant. Shôta ne les quitte pas des yeux. C’est donc ça, sa routine, maintenant ?

“C’est du café ?” Demande Oboro, son attention toute tournée vers la tasse à moitié pleine.

Le brun répond par un hochement de tête. Et puis, voyant la curiosité dans ses iris bleus, il finit par lui tendre le récipient. Oh, il ne se fait pas tellement d’illusion : il y a peu de chance qu’Oboro aime ça. Après tout, Shôta boit son café sans sucre, sans crème, sans sirop ni fanfreluche. Mais il se dit que sa réaction peut être amusante.

L’”ange” se saisit de la tasse, en renifle le contenu, avant de la porter à ses lèvres. Grimace. Puis, il a l’air d’apprécier. Nouvelle grimace. Shôta pouffe doucement de rire. Oboro se met à rougir férocement.

“Quoi ? C’est pas bon, hein ?”

“C’est pas bon. Mais… C’est la première fois que je t’entends rire avec mes oreilles.”

Oh. Shôta détourne le regard, rapidement imité par Oboro dont le rougissement ne s’est pas tari. Un silence étrange s’abat dans la pièce, rapidement brisé lorsque le brun se lève pour préparer à son squatteur son bol de céréales. Il finit par l’engloutir en silence, installé devant la télévision.

Plus tard dans la journée, Nemuri dépose effectivement du matériel, divers et varié. Des cahiers de coloriage, des feuilles vierges, des petites toiles, des crayons, de la peinture en tout genre. Oboro montre presque immédiatement un grand intérêt pour le fusain, et après que la médecin lui ait montré rapidement comment s’y prendre, il se met à gribouiller, laissant ainsi l’occasion aux deux amis de discuter un peu de la situation.

“Yu confirme. Il n’a aucune caractéristique physique d’une personne disparue ici ces vingt dernières années. Avec son albinisme, je pense qu’on l’aurait reconnu sans mal. Il est donc a priori tout à toi.”

Shôta reporte son attention sur le grand homme qui dessine à même le sol.

“Ne parle pas de lui à Hizashi pour le moment. Je préfère attendre.”

Nemuri pince les lèvres, mais finit par acquiescer. Contrairement à elle, le blond n’était pas au courant des raisons qui l’avait tant de fois poussé à tenter de s’ôter la vie, et Shôta - s’il ne doutait pas de l’ouverture d’esprit de son ami - ne préférait pas ébruiter sa condition.

“Je devrais recevoir les résultats de ses analyses sanguines en fin d’après-midi. Je te dirais ce qu’il en ressort.”

Shôta répond par un hochement de tête. Nemuri doit déjà s’en aller, saluant chaleureusement les deux hommes, mais Oboro, trop concentré sur sa feuille, ne la remarque pas.

Intrigué par ce qu’il griffonne, le brun finit par prendre place à côté de lui, leurs cuisses se touchant presque. Ses yeux se posent sur ce qu’il pense être un gribouillage, et il fronce les sourcils. Bon sang, comment était-ce possible ? Oboro avait représenté Sushi avec une facilité débordante et un niveau de détails saisissant.

“C’est la première fois que tu dessines ?” Demande le professeur en portant son regard sur le visage concentré du bleu.

Il répond par un vif hochement de tête, se mordillant la lèvre pour tâcher de rester concentré.

“J’ai toujours voulu essayer. Mais ce n’était pas permis.”

“Pas permis ? De là d’où tu viens, tu veux dire ?”

Sans lui adresser un regard, Oboro hoche à nouveau la tête, toujours aussi fixé sur son dessin. Shôta reste pensif. Il voulait tant en savoir plus, mais le brusquer ne mènerait sans doute à rien. Avec de la patience, il finira peut-être par tirer des informations importantes pour comprendre qui il était et d’où il venait.

Le reste de la journée se déroule calmement, l’appartement animé des sons de la télévision. Shôta avait complètement renoncé à l’idée de pouvoir changer de chaîne.

Et puis, à la nuit tombée, le brun décide de partir en quête de nourriture pour le repas du soir. Laisser Oboro seul à l’appartement pendant ce court laps de temps était un bon test pour voir s’il était capable de gérer la solitude, et puis, il ne partait pas longtemps. Il le lui avait promis.

Écouteurs dans les oreilles, cigarette au bec, et repas à emporter dans un sac en papier, il entame le trajet retour. Dans un objectif de diversification alimentaire, il avait décidé d’aller chercher deux portions de curry, dont une relativement épicé. Shôta avait toujours aimé les plats relevés après tout, et c’était l’occasion de tester le palais d’Oboro.

Néanmoins, plus il marche vers son domicile, plus il se sent suivi. Ce sentiment désagréable, il l’a déjà ressenti avant qu’il entame sa transition. Toutes les femmes l’ont déjà ressenti. Alors, il accélère le pas.

Il n’y a pas grand monde dans les rues, alors il peut entendre leurs pas, ayant coupé la musique dans ses oreilles, mais gardant les embouts bien fixés à celles-ci pour ne pas qu’on remarque qu’il sait ce qui se trame.

Il hésite à envoyer un message d’alerte à Nemuri, mais il n’est plus très loin. Rien de peut lui arriver, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?...

Une main se pose sur son épaule, le faisant s’arrêter. Il n’a pas besoin de se retourner pour reconnaître cette poigne. Après tout, il l’avait subi jusqu’à ce qu’il ne s’enfuit de la prison qu’était son domicile familial.

“Tu crois aller où comme ça ?”

La voix de son beau-père résonne dans la rue déserte. Un frisson lui traverse l’échine. Et il n’a pas eu le temps de contacter Nemuri. Merde, merde, merde.

“Reviens à la raison, Ḑ̵̨̹͙̬͇̈̓̋͒͠ȅ̴͇̫̻̪͖̣̗̟̀̔͑̋̅̚̕ͅą̸̢̧̜̻̥̩̣̯̽̑̊d̵͍͓̈́́̈̍͌̆̋̇͒͘ń̷̜̲̦̰͈̯͍͇̕ͅà̵͈̗̤̮͈͚͙̆̃̂̾̀̂̈́̕ḿ̶̘̗̝͓̬̦̏̏̈́e̵̜̟͍̊̇̋͊. Tu peux tout arrêter. Tu peux rester notre fille.”

Stop.

Son sang pulse dans son torse à la mention de son ancien prénom. Celui qui lui provoque toujours une sensation de picotement sur les bras. Sa mère n’a jamais accepté qu’il prenne sa vie en main, se détachant du conservatisme bigot de sa famille.

Il n’est pas une fille. Il n’en a jamais été une.

Et il l’a toujours sû.

“J’ai pas envie de vous voir. Foutez-moi la paix.”

Sa voix s’est faite plus grave, comme pour indiquer qu’il n’est pas effrayé, et qu’ils n’ont plus d’emprise sur lui.

Mais ce n’est clairement pas la réponse attendue. La poigne de son beau-père passe de son épaule à ses cheveux, agrippant fermement ceux-ci. Le sac de nourriture tombe au sol quand un coup le frappe dans les genoux. Ses pauvres articulations deviennent immédiatement douloureuses. Il ferme les yeux.

Oboro…

Et puis, la tension sur sa chevelure se relâche d’un coup, mais il sent un étrange poids tout autour de lui. Une odeur caractéristique de coton et de savon lui envahit le nez. Il hésite à ouvrir les yeux, mais succombe à la curiosité.

Le géant le tient contre lui. Shôta peut voir en levant la tête son expression furieuse. Une colère intense, presque excessive. Ses iris bleu ciel semblent luire étrangement. Mais ça, ce n’était que son imagination, sans doute.

“T’es qui toi sale enfoiré ?” La voix de son beau-père est marquée de surprise. Il ne s’attendait vraisemblablement pas à ce qu’on vienne à son secours.

“Ton pire cauchemar.”

Le tonnerre gronde. Pourtant, rien n’aurait pu indiquer ce changement brutal de météo. Oboro relâche Shôta, le poussant gentiment derrière lui. Et puis, il avance. Un pas, puis deux. L’air semble vibrer. Sans prévenir, il enfonce son poing sur le visage de l’autre homme, l’envoyant valser à plusieurs mètres de là. Cette force-là n'a rien d’humaine.

Sa mère se précipite pour venir lui porter secours. Mais le géant ne semble pas en avoir fini. A nouveau, il s’approche, à pas lent. Le brun remarque qu’il porte bien ses sandales, un pantalon, mais pas de tee-shirt. Sans doute était-il sorti dans la précipitation, mais comment avait-il su ?

Il franchit les quelques pas qui le séparent de sa génitrice, et s'accroupit pour lui saisir le visage. De là où il se trouve, il ne peut pas voir l’expression de son visage, ni entendre ce qu’il lui dit. Mais elle pousse un cri d’effroi. Un rideau de pluie se met à tomber.

Oboro revient vers Shôta, d’un pas un peu plus vif. Son expression s’est radoucie. Il tend une main vers le brun.

“On rentre ?” Demande-t-il presque trop innocemment.

Pourtant, Shôta ne peut qu'acquiescer. Ramassant son sac de nourriture, il finit par saisir sa main, et, sans porter de regard à ses géniteurs, remonte le pan de rue qui le sépare de son appartement.

Dans sa poche, son téléphone vibre. Un message de Nemuri.

“Son sang n’a rien d’humain. On n'a jamais vu ça. Je sais pas trop quoi faire, fais attention à toi, okay ?”

Shôta jette un regard à Oboro qui se secoue la tête comme un chat qui s’ébroue. Mais il n’a pas peur. Parce qu’il sait qu’il ne lui fera jamais de mal.

Chapter 6: Chapitre 5

Notes:

Juste à temps pour le posting hebdomadaire !
Gros TW pour des violences intra-familiales dans ce chapitre, et aussi, bah ENFIN les petits bebous font leur apparition !

Chapter Text

Shôta avait beau faire comme si ça ne le touchait pas, mais les évènements de la veille continuent de hanter sa psyché. L’avantage, c’est que maintenant qu’Oboro avait montré son côté - très - protecteur, il n’aurait peut-être plus d’ennuis avec ses parents. Mais c’était peut-être simplement se bercer d’illusions que de penser qu’ils abandonnent aussi facilement.

S’il est perdu dans ses pensées, ça n’empêche pas qu’il garde un œil attentif sur les activités de sa classe. Et comme d’habitude, le petit Bakugo importune le petit Izuku, le petit Denki tente absolument de mettre ses doigts dans les prises - quand bien même elles ne sont pas accessibles - la petite Tsuyu regarde la pluie tomber par la fenêtre en quête de grenouilles… Des classes, il en a eu quelques-unes avant de suivre ces gosses-ci, mais eux ont quelque chose de particulier. Dans leur innocente manière de percevoir le monde, de se créer des soucis bien plus grands qu’eux, ou d’être émerveillé par tout et n’importe quoi.

Dans ses bras, un enfant qui nécessite peut-être plus d’attention que les autres. Les parents de Shoto se disputent constamment, au point de parfois se montrer violents. Enfin, c’est surtout son père qui se permet d’agir de cette manière. C’est parfois son grand frère, Toya, qui vient le chercher à l’école. Mais lui aussi n’est encore qu’un gamin.

Shoto, tout niché contre son professeur, s’amuse à entortiller ses boucles sombres autour de ses toutes petites mains. Shôta soupire doucement, mais ne l’empêche pas de s’amuser comme il en a envie. Et puis, ils sont encore si petits… Quel mal peut-il y avoir à ce qu’un enfant soit en sécurité dans les bras de son instituteur ? En tout cas, lui au même âge aurait aimé pouvoir avoir un endroit où il puisse se sentir en confiance.

Les activités de la journée sont diverses et variées : arts plastiques, lecture, temps calme. Parfois, il met en place un atelier pour les intéresser à la lecture et l’écriture, mais ceux-ci les intéressent beaucoup moins que le reste.

Et puis, plusieurs fois dans la journée, il se surprend à penser à Oboro. Comment se passe sa journée ? Est-ce qu’il ne s'ennuie pas trop ? A-t-il mis le feu à l’appartement en tentant de faire réchauffer son repas ? Toutes ses inquiétudes sont balayées quand, peu après la pause méridienne, Nemuri lui envoie un sms pour lui donner des nouvelles. Elle prend même le soin de joindre une photo : Oboro dévorant ses ramens instantanés, Sushi tentant de lui voler un morceau. L’appartement est toujours debout, et ses deux squatteurs sont toujours en vie. Rassurant, donc.

Nemuri lui avait fait part de ses inquiétudes la veille, après l’obtention des résultats de la prise de sang du géant. Mais, quand bien même ce qu’ils y avaient découvert, il était purement impossible qu’Oboro puisse se montrer agressif avec l’un d’eux. Après tout, on parle de l’homme de près de deux mètres qui s’était caché derrière les jambes maigrelettes de Shôta quand la médecin lui avait adressé la parole. Niveau menace, on avait vu mieux.

Quoiqu’il en soit, Shôta avait pu continuer sa journée bien plus sereinement, la peur que quelque chose soit arrivé à l’ange ayant quitté son esprit. Les enfants avaient peut-être d’ailleurs remarqué cet infime changement dans son humeur, se montrant bien plus joueurs et enclins à étudier sérieusement leur livre de lecture.

Et puis, la journée est déjà terminée. Les enfants enfilent leurs chaussures d’extérieur ainsi que leur manteau, et Shôta attend patiemment l’arrivée des parents. Ceux de la petite Ochako, comme à leur habitude, le saluent promptement, sans trop s’attarder. La maman d’Izuku discute avec lui des progrès de son fils. Ceux de Toru passent si rapidement qu’il manque presque de ne pas les voir. Et puis, il finit par n’en rester qu’un.

Shoto attend dans ses bras, comme d’habitude. Toya n’est jamais très ponctuel, puisque ses horaires de sortie ne sont jamais vraiment les mêmes que ceux de Shoto, mais c’est une routine que Shôta a bien enregistrée. Il ne le blâme pas pour ça, se contentant de tapoter la tête du collégien quand il arrive, haletant d’avoir couru jusqu’à l’école de son petit frère.

Alors, le professeur emmène le bambin dans la salle de classe et commence son ménage journalier. Le gosse est toujours très calme, jouant avec les petites peluches du coffre à jouets commun. C’est également dans ces moments-là qu’il se livre au brun, racontant ce qu’il se passe à la maison.

Et Shoto ne pleure jamais.

Plus maintenant, du moins.

Il se contente de raconter, dans les faits, que son papa frappe sa maman quand il est énervé par son travail. Que sa maman pleure, souvent. Que Toya s’en prend parfois une en essayant de s’interposer entre M. et Mme Todoroki. Et que c’est relativement la même chose pour le reste de ses adelphes.

Mais aujourd’hui, rien. Au contraire, le gosse paraît même enjoué. Alors, Shôta s’est permis de lui demander comment il se sent aujourd’hui.

“Toya m’emmène manger des sobas après l’école !” S'exclame-t-il joyeusement.

Le brun sourit, frottant de sa paume le crâne de son élève.

Mais comme bien souvent, rien ne devait se passer comme il aurait pu l’envisager. Et presque une heure après l’heure officielle de fin de classe, ce n’est pas Toya qui toque à la porte. Mais M. Todoroki lui-même. Et le sourire de Shoto s’est fané sitôt qu’il l’a vu.

“Pardonnez mon retard, M.Aizawa. J’avais à faire ailleurs et personne ne pouvait venir immédiatement.”

Qu’est-ce qui pouvait bien être plus important que de venir chercher son gosse à l’école. Mais, pour la forme, il se contente de balayer les excuses d’un geste de main.

“Shoto, viens.”

Sa voix ne s’est faite plus autoritaire alors qu’il s’adresse à son propre fils. Et l’enfant, terrorisé, s’en est allé trouver refuge derrière les jambes de Shôta, avant de se résigner et de quitter sa cachette. Et Shôta ne peut rien faire, si ce n’est se mettre à sa hauteur pour lui dire que, quoiqu’il arrive, ils se verront demain.

Mais le regard que l’enfant lui jette en partant lui tord les boyaux.

Il n’y a plus rien à faire d’autre en classe, alors c’est déjà l’heure de rentrer. Au moins, la présence du grand débile qu’est Oboro lui changerait l’esprit.

Il lui faut encore prendre le métro pour arriver jusqu’à son appartement, et la pluie tombe toujours, sans s’arrêter. Depuis l’incident de la veille, il n’a cessé de pleuvoir.

Il glisse sa clé dans la serrure, ouvre la porte… Pour être accueilli par une chaleureuse paire de bras. Avec un soupir, il pousse promptement Oboro à l’intérieur, quand bien même celui-ci ne lâche pas sa prise sur lui.

“Shôôôô-taaaaaa !”

Le ton trop jovial de l’ange lui rappelle celui de Shoto, tout heureux à l’idée d’aller manger des sobas avec son grand-frère. Mais il n’y avait eu ni grand-frère, ni sobas.

Peut-être le bleu remarque-t-il son trouble, car il appose ses grandes mains de part et d’autre de son visage, pour le relever vers lui. Comme il est grand.

“Il s’est passé quelque chose ?” Demande-t-il, inquiet.

Shôta secoue doucement la tête. Pourquoi perdre du temps à lui raconter des choses qu’il ne comprendrait pas de toute façon ?

“Les gosses ne vont pas bien ?”

Le brun hausse un sourcil. Voyant son expression presque accusatrice, Oboro secoue la tête.

“Tu sais, quand je te regardais avant de venir ici avec toi, je voyais que tu étais souvent inquiet pour eux. C’est pour ça que tu tires cette tronche, pas vrai ?”

Comment peut-il être si ignorant, et pourtant si percutant dans ses remarques ? Mais bon, après tout, la logique dépassait totalement leur relation, alors on n’est plus vraiment à un détail près.

Shôta s’installe à côté du kotatsu, rapidement imité par Oboro, avant de finir par lui dévoiler ce qu’il s’était passé plus tôt avec le petit Todoroki. L’expression du plus grand trahit son inquiétude, mais aussi son dénuement. Car comment agir dans une situation qui semble les dépasser tous les deux ?

“Je ne m’attends pas à ce que tu nous sortes de ce pétrin, ne te prends pas trop la tête avec ça.” Fait Shôta en voyant son air grave, bien inhabituel.

Pourtant, Oboro reste pensif un long moment, le regard dans le vide. Analyse-t-il la situation avec les maigres connaissances qu’il possède ? Pour Shôta, c’est évident.

Mais il est déjà tard, et il faut songer à préparer le repas. Et l’ange le suit docilement dans la cuisine, un air bien malicieux sur le visage. Oubliée, la peine provoquée par la situation des Todoroki, visiblement.

Shôta fouille dans le frigo pour trouver un plat enveloppé. Pourtant, il n’a rien cuisiné depuis un moment. Il s’en empare prudemment, le déballe. Une plâtrée d'onigiris, qui semble fraîche. Le brun jette un regard interrogatif à son squatteur et, constatant, le grand sourire sur son visage, ne peut qu’en conclure que c’était belle et bien son œuvre.

“Nemuri m’a aidé à les faire. Elle a dit que c’était mieux que je m’approche du gaz que quand elle était là, histoire de pas foutre le feu !”

Bien joué, Nemuri. Il dépose le plateau sur le kotatsu et, sous le regard appuyé d’Oboro, attrape un onigiri pour le manger. Et c’est… Délicieux ? Et étrangement familier.

Mais comme d’habitude, il n’en dit rien. Toutefois, l’expression sur son visage et la manière dont il se ressert suffisent à satisfaire l’ange, qui se balance de droite à gauche joyeusement. Lui aussi finit par manger, engloutissant la moitié du plateau de boulettes.

Et comme la soirée avance, Shôta décide d’aller s’allonger, Oboro sur les talons. Ça ne le dérange presque plus, maintenant, tant il semble avoir toujours été là. Ils finissent par s’allonger sur leur futon respectif, restant silencieux un moment, seulement interrompus par le bruit de la pluie qui tape sur les fenêtres.

“Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ?” Finit par demander Shôta, les yeux tournés vers la figure d’Oboro.

“J’ai regardé la télé, puis après j’ai joué avec Sushi. Et Nemuri est arrivée. Elle m’a posé des questions, puis m’a aidé à faire à manger. Après, elle est partie. J’ai fait une sieste, et j’ai regardé la télé. Et puis t’es rentré.”

Shôta soupire doucement. Il allait vraiment falloir diversifier ses loisirs. Et puis, ses paupières se font lourdes. Lentement, il peut entendre Oboro rapprocher son futon du sien, mais il est trop épuisé pour lui faire une quelconque remarque sarcastique. C’est comme s’il se sentait beaucoup trop en sécurité lorsqu’il était à ses côtés. Il finit par fermer les yeux, s’endormant au moment où les lèvres de l’ange se posent sur son front.