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Livre 2 : Changement

Summary:

Zuko était un prince de la Nation du Feu. Zuko était un maître de l'Air. Il ne pouvait pas être les deux à la fois. Pas dans ce monde fracturé par la guerre. Il devra bientôt faire un choix. Bien que cela soit impossible. Bien qu'il en soit incapable.

Chapter 1: Chaud et froid

Notes:

Encore une fois en retard. Enfin, vous commencez à avoir l'habitude. Je fais vraiment n'importe quoi, c'est terrible.

Je vous souhaite à tous une bonne lecture et ce malgré les thèmes abordés. Parce qu'encore une fois dans ce chapitre, je vais parler de choses pas du tout joyeuses, entre homophobie et racisme.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Zuko se réveillait, parfois. Il y avait cette lumière, trop vive, qui lui piquait les paupières. Quelque chose de frais qui lui glissait sur la peau. Cette main, sur son front. Ces formes floues tout autour de lui. Puis tout s’éteignait à nouveau.

Et tout recommençait. Encore et encore.

Il finit par rouvrir les yeux. Une nouvelle fois. Sans les refermer.

La lumière aveuglante avait disparu.

Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu’il était allongé, dans ce qui ressemblait à un sac de couchage bleu, et sur un sol étonnamment… touffu ? Encore quelques instants et il réalisa que ce qu’il pensait être un simple tapis respirait. Il avait été placé contre un animal.

Zuko tourna la tête en arrière et reconnut l’étrange créature que l’Avatar avait réussi à ramener, de manière inexplicable, sur son bateau dans le Pôle Sud.

Ça semblait si loin désormais.

La créature puait, comme n’importe quel animal. Mais son corps était doux et chaud. C’était agréable.

- Oh, regardez ! Fit joyeusement une voix enfantine. Zuko s’est réveillé !

Ah oui. L’Avatar. L’Avatar et son petit groupe l’avaient apparemment emmené avec eux hors de Yu Dao et se dirigeaient à présent vers lui avec un peu trop d’entrain.

Parce que Zuko avait été blessé. Parce qu’il était trop stupide pour se sauver quand il avait l’occasion. Parce qu’il avait été suffisamment abruti pour les sauver eux de la mort.

Zuko n’essaya même pas de se relever, alors qu’ils se mettaient tous à genoux à sa hauteur avec un enthousiasme passablement désarmant. Il voulait rester à l’intérieur du sac de couchage. Il voulait rester contre l’animal inconnu. Il avait froid. Il continuait à avoir froid, alors qu’il aurait dû avoir chaud. Il grelottait, sans comprendre pourquoi.

Jet était tout près de lui. Bien heureusement, il n’eut pas la brillante idée de commencer à le toucher. Zuko ne l’aurait pas supporté.

- Comment tu te sens ? Demanda Katara avec sollicitude.

- … J’ai froid… Finit par lâcher Zuko faiblement.

Les yeux bruns de Jet se tournèrent vers la maître de l’Eau, qui répondit d’un ton calme, presque précautionneux :

-  C’est normal. Tu as été brûlé.

Elle hésita, puis ajouta :

- Quand la peau est touchée comme ça, elle n’arrive plus à garder la chaleur. Et puis ton corps est encore en train d’encaisser le choc. Tu as aussi pris un sale coup à la tête. Du coup… t’as froid, même si t’es couvert.

Zuko resta quelques instants sans réagir, avant d’articuler :

- Je suis brûlé à quel point ?

Est-ce que ce qui lui restait de visage était intact ? Il pouvait encore voir, donc son unique œil valide l’était toujours. Mais… Est-ce qu’il avait encore un visage ?

Il eut envie de pleurer soudain. Comme un enfant. Il réussit à se contenir, bien heureusement. Mais quelque chose dû transparaitre, puisque les autres perdirent soudain leurs sourires.

Katara se pencha alors vers lui et souleva tout doucement le tissu chaud du sac de couchage, pour dévoiler les bandages recouvrant ses bras et son torse nu.

- Tes bras ont prit l’essentiel des dégâts. Mais, ça devrait aller. Je… Je ne pense pas avoir les capacités de faire en sorte que ta peau soit comme avant, mais à part ça tout devrait fonctionner comme avant.

Zuko leva alors une main. Ses doigts effleurèrent sa joue, son front, sa mâchoire. Pas de bandages nulle part. 

Autour de lui, personne ne disait rien. Mais leurs visages parlaient pour eux. Ils semblaient comprendre et avoir de la peine pour lui.

C’était insupportable.

La voix de son père se mêla tout doucement à celle d’Azulon dans le creux de son oreille :

Faible, si faible…

Zhao aurait eu les mêmes propos, s’il avait été là. Que lui avait-il dit à l’époque ? « Si tu tenais un peu plus de ton père et faisais preuve de moins de scrupules, tu serais plus efficace. » Quel prisonnier pouvait être assez STUPIDE pour protéger ses geôliers et prendre des coups à leur place ?

Il ferma alors les yeux. Il ne voulait plus voir ces regards dégoulinant de compassion mal placée. Il voulait juste être seul.

- On va peut-être te laisser te reposer, fit alors la voix de la maître de l’Eau.

Il entendit et perçut les mouvements des gens qui se relevaient. Il sentit le déplacement de l’air autour de ceux qui s’éloignaient. Mais une personne était toujours là, avec sa respiration plus chaude que la normale.

Zuko n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour deviner de qui il s’agissait.

Son père et plus tard Zhao avaient eu beau lui répéter que cet aspect de leur maîtrise avait une utilité sur le champ de bataille et lui permettrait un jour de rester en vie, Zuko n’en avait jamais vu l’intérêt. Dans le feu de l’action et quand il en avait réellement besoin, ça ne marchait jamais. Il se laissait surprendre. Et à l’inverse, dès qu’il cessait de se concentrer, dès qu’un semblant de silence s’installait, il se mettait à brusquement tout percevoir. Quand il vivait encore à bord de son navire, il lui arrivait de se réveiller en sursaut, le cœur battant, persuadé qu’on allait l’attaquer. Mais il n’y avait rien ; juste un insecte rampant qui s’était glissé derrière une poutre.

Était-ce lui qui était encore une fois parfaitement incompétent ou était-ce une nouvelle preuve que l’Air était une maîtrise inférieure ?

Sûrement un peu des deux.

Il se rappela soudain qu’il avait perçut l’explosion à Yu Dao, quelques dixièmes de secondes avant que les autres n’en soient physiquement capables. Un avantage, qu’il aurait pu choisir d’utiliser pour s’enfuir. Un avantage, qu’il avait balancé aux orties en protégeant ses geôliers et des indigènes inconnus.

- Tu vas faire semblant de dormir encore longtemps ? Demanda alors la voix de Jet.

- Je n’ai pas envie de te voir, souffla Zuko sans ouvrir les yeux.

Un rire bref, mais étonnamment joyeux, s’échappa alors des lèvres de Jet.

- Ça a l’air d’aller mieux.

- Ça ira encore mieux quand tu me foutras la paix, dit Zuko, les yeux toujours hermétiquement clos.

Il y eut un nouveau rire, qui agaça profondément Zuko. Il sentit son visage se crisper et ses sourcils se froncer. Et il se sentit soudain comme un enfant qui boudait. Cette réalisation ne lui fit pas ouvrir les yeux pour autant.

Une main vint alors se lover contre la sienne.

- Arrête ça, ordonna Zuko en soulevant brusquement les paupières.

Erreur fatale. Sa colère s’évapora dès l’instant où son regard croisa celui de Jet, aussi vite qu’elle était montée.

Les yeux bruns de Jet pétillaient.

Zuko se sentit brusquement idiot de le fixer comme ça, mais il ne détourna pas les yeux.

Jet ne bougea pas non plus ; sa main était toujours contre la sienne et son regard toujours planté dans le sien.

- Est-ce que tu manges de la viande ? Demanda brusquement la voix de Sokka.

Zuko et Jet sursautèrent et leurs mains se séparèrent aussitôt.

Mortifié, Zuko se rendit compte que l’adolescent de la Tribu de l’Eau était revenu sans qu’il ne s’en rende compte. Il les avait vu, comme il les avait vu à Yu Dao. Pourtant, Sokka n’avait l’air ni choqué ni révolté. Il attendait simplement une réponse, avec le calme distrait de quelqu’un qui n’avait rien remarqué de particulier.

Ce n’était pas possible qu’il ne les ait pas vu.

Il les avait vu à Yu Dao.

Pourquoi se comportait-il comme si tout était parfaitement normal ?

- Parce que j’ai réussi à pécher du poisson. Mais Aang n’en mange pas. Il dit que les maîtres de l’Air ne mangent aucun être vivant. Bon, on va pas débattre sur le fait que les plantes sont des êtres vivants elles aussi. On s’en fout. Mais toi, t’es pas un maître de l’Air comme Aang, non ? Donc je peux te garder un morceau ? Tu le mangeras ?

Zuko resta un instant médusé. Sokka s’adressait à lui, sans aucune colère ni la moindre rancœur. C’était…

- Oui, finit-il par dire, alors qu’un nœud de remords lui enserrait la gorge. Je mange du poisson.

- Parfait, fit Sokka d’un air parfaitement tranquille et détendu. Je te prépare ça.

Et il s’en alla. Juste comme ça.

Jet sembla comprendre ce qui lui traversa l’esprit et attendit que Sokka soit loin pour préciser :

- La Tribu de l’Eau n’a aucun souci avec les relations entre hommes. Ou entre femmes. Ils estiment juste qu’il ne faut pas en parler et garder ça privé. Mais à part ça, les gens comme nous vivent tout à fait normalement. Ils peuvent même s’installer ensemble. Personne ne leur dira rien. Personne ne finit en prison. Personne ne se fait exécuter ou… Enfin tu sais de quoi je veux parler.

C’était tellement outrageant que Zuko ne savait même pas par où commencer :

- Comment ça « les gens comme nous » ? Finit-il par lâcher dans un sifflement furieux.

Jet haussa vaguement les épaules :

- Tu sais bien. Les invertis. Les tantes. Les pédales.

La rage consuma l’esprit Zuko dans un éclair de fureur blanche. Il se redressa d’un bond et se jeta sur Jet, qui ne le repoussa pas.

Un coup de poing.

Puis un autre.

L’animal sur lequel il reposait jusqu’à présent laissa échapper un grognement bruyant d’inquiétude et se redressa sur ses six pattes. Mais Jet lança un :

- Non, Appa !

Zuko était au-dessus de Jet et le frappait, encore et encore. Et Jet se laissa faire.

Un coup fit brutalement osciller la tête de Jet sur le côté et Jet ne se défendait toujours pas. Mais Zuko, lui, s’arrêta.

- Je ne suis pas… Essaya-t-il de se justifier, à bout de nerfs et de souffle. Je ne suis pas… !

Jet esquissa un rictus amer, toujours maintenu sur le sol en-dessous de lui :

- Si tu le dis. Qui suis-je pour remettre en question la parole de son altesse princière ?

Zuko ne savait plus quoi dire. Il réalisa soudain que le nez de Jet saignait. Il avait frappé Jet. Il avait frappé Jet jusqu’à le faire saigner.

- J’aime les femmes ! Dit-il soudain, à bout d’arguments, comme si ça pouvait tout justifier. Je… Je… Je ne suis pas une pédale !

- Si tu le dis, répéta une nouvelle fois Jet, cette fois-ci d’un ton affreusement calme. Tu peux me lâcher maintenant ?

C’était encore pire que si Jet s’était énervé. Son calme, empli de certitudes, donnait à Zuko l’envie d’hurler. Mais il ne pouvait pas. Jet saignait. A cause de lui. Il avait fait du mal à Jet.

Alors, il se laissa tomber mollement sur le côté et regarda Jet se redresser. Le regard brun ne quitta jamais le sien.

- Tu sais que l’Avatar Kyoshi était en couple avec une femme ? Lâcha le maître du Feu, de but en blanc, sans aucune raison.

- … Arrête avec ça… Répliqua Zuko d’une voix faible.

- Tu crois que je mens ?

- Je crois surtout qu’on s’en branle ! Pourquoi tu me parles de ça ? Qu’est-ce qu’on s’en fout de ce qu’elle a fait de son cul, ta sauvage du Royaume de la Terre ?

Le sourire de Jet se fit grimaçant.

- L’Avatar, fit-il en insistant lourdement sur le titre, aimait une femme de la Nation du Feu. Elles ont vécu ensemble jusqu’à leurs morts, aux yeux de tous.

- Ça m’étonnerait ! Ne put s’empêcher de rétorquer Zuko avec une expression outragée. D’où tu sors une telle information ? C’est quoi ? De la propagande du Royaume de la Terre pour déstabiliser la Nation du Feu ? 

- Et tu sais ce qui est le plus fabuleux ? Poursuivit Jet avec un soudain rictus cruel. C’est que chez les Nomades de l’Air, c’était même la norme ! Penses-tu… A force de vivre qu’entre hommes ou qu’entre femmes la majorité de l’année, fallait bien que ça arrive.

Zuko laissa échapper un son indéfinissable, chargé de mépris.

- Même en supposant que ça soit vrai et pas de la provoc’, tu crois que ça me fait quelque chose ? Les Nomades de l’Air étaient de toute manière un peuple dégénéré. Pendant que les autres bâtissaient des nations, des routes et des empires, eux se contentaient de rester enfermés dans leurs temples à ne rien faire. Qu’en plus de tout ça, ils aient pu vivre comme des animaux ne me surprend pas.

Jet resta interdit un long moment, avant lâcher, atterré :

- Mais tu t’entends parler ? Tu parles de ton propre peuple !

- Ce n’est pas mon peuple ! Mon peuple, c’est la Nation du Feu.

- Non ! Non, Zuko ! La Nation du Feu n’est pas ton peuple ! Tu es un maître de l’Air !

- Ce qui à l’inverse fait de toi un noble citoyen de la Nation du Feu ? Rétorqua Zuko d’un air grinçant.

- Mais, bordel, c’est quoi ton problème ? S’agaça Jet. Qu’est-ce que la Nation du Feu t’a donné pour te rendre si loyal ?

- Je suis un prince de la Nation du Feu ! Explosa alors Zuko. Je descends d’Agni ! Le Feu coule dans mes veines, même si je ne le maîtrise pas ! On se fout de qui a pu être mon putain d’arrière-grand-père, je ne suis pas un Nomade de l’Air !

- Tu parlais de propagande et bien en voilà une : ta satanée famille ne descend pas d’Agni ! Les Seigneurs du Feu étaient des figures religieuses ; ils dirigeaient les autres Sages ! Jusqu’à que l’un d’entre eux décide qu’il valait mieux que les autres et impose sa propre dynastie héréditaire par la force ! Les Esprits n’ont rien à voir avec toute cette histoire !

- Et tu sors cette explication d’où ?! Rugit Zuko. Ça, ça serait pas de la putain de propagande du Royaume de la Terre ?

- Parce que l’idée qu’un Esprit ait tripoté une de tes ancêtres pour pondre un être supérieur, c’est plus raisonnable selon toi ? Rétorqua Jet, sur le même ton. T’es pas foutu de voir que ce genre d’histoire, c’est juste un moyen pratique pour manipuler une population hyper-croyante ?

- A quel moment les citoyens de la Nation du Feu sont « hyper-croyants » ?

- C’est vrai. Plus maintenant. Plus depuis Sozin. Mais c’est ce genre d’histoire qui a permit à la Nation du Feu de s’unifier derrière un seul chef et de cesser ses guerres tribales. La Nation du Feu a été extrêmement croyante et pratiquante la majorité de son histoire. Ils étaient au même niveau que les Nomades de l’Air, si tu veux tout savoir. Même Aang le dit !

Zuko laissa échapper un rire grinçant et sans joie :

- Si Aang le dit, ça doit être vrai alors.

- Tu réalises que ça n’a aucun sens de douter des paroles de l’Avatar, tout en croyant que les Seigneurs du Feu descendent d’un Esprit ? Tes croyances sont à la carte ?

Zuko ne savait pas à quel moment ils s’étaient autant rapprochés l’un de l’autre. Il était trop en colère, trop concentré sur ses propres cris, pour s’en être rendu compte avant. Toujours est-il qu’à présent, leurs corps étaient à quelques centimètres l’un de l’autre.

Il se figea net, pris de court.

Jet sembla lui aussi le réaliser. Soudainement. Mais son expression à lui s’adoucit.

Jet pencha la tête et Zuko ne bougea pas. Leurs nez se frôlèrent. Jet ne le quittait pas des yeux. Il semblait attendre quelque chose. Zuko ne recula pas. Il pouvait entendre le sang pulser dans ses tempes.

Alors Jet se pencha un peu plus encore. Leurs lèvres s’effleurèrent tout doucement, dans une caresse à peine perceptible, suspendue à une question silencieuse.

Zuko pouvait sentir le souffle chaud du maître du Feu contre sa bouche.

Alors Jet l’embrassa. Avec une douceur absolument désarmante. Comme si Zuko ne venait pas de lui hurler dessus. Comme si Zuko ne lui avait pas donné de coups de poing. Comme si Zuko en valait la peine.

Le baiser dura d’abord à peine une seconde.

Jet recula légèrement. Leurs visages restèrent tout proches, nez contre nez, souffle contre souffle. Quelques secondes passèrent ainsi, de manière tout à fait absurde. Zuko entendait sa propre respiration, hachée et irrégulière. Celle de Jet aussi. Comme s’ils venaient de courir.

Puis leurs lèvres se retrouvèrent.

Zuko se laissa perdre. Il se laissa porter par la chaleur de cette bouche contre la sienne et par cette main qui s’était glissée derrière sa nuque. Un soupir, qu’il ne reconnut pas comme le sien, s’échappa paresseusement de ses lèvres alors que le baiser de Jet se faisait fiévreux et désordonné.

Zuko réalisa, soudain, sans prévenir, à quel point le corps qui se pressait contre lui était semblable au sien. A quel point ce torse était plat. Comme le sien.

C’était le corps d’un homme qui se pressait contre lui. Pas le corps d’une femme.

Ce fut la douche froide.

Zuko recula brusquement sa bouche de celle de Jet. Ce dernier le fixa, les sourcils légèrement froncés, une incompréhension muette dans le regard. Leurs souffles, courts, étaient encore assez proches pour se mêler l’un à l’autre. La main de Jet était encore sur sa nuque.

Qu’est-ce qu’ils étaient en train de faire ?!

Jet sembla enfin comprendre et s’écarta.

- Pardon, dit le maître du Feu, avec un début de panique palpable. Je n’aurais pas dû. Excuse-moi !

Jet semblait sincère. Et Zuko ne savait pas quoi répondre.

C’était dégueulasse. C’était dégoûtant. Zuko aurait clairement dû être dégoûté et il ne l’était pas.

Il semblerait que Jet avait finalement raison à son sujet. Il était une pédale. Un dégénéré. Une abomination. Parce qu’apparemment les Esprits avaient décidé qu’il n’était pas assez contre-nature comme ça.

Il alla alors se rallonger dans le sac de couchage bleu, sans un mot, sans un regard pour Jet. La colère, l'énervement et cette autre chose n'étaient plus là. Il avait de nouveau froid et cela n'arrangea pas son humeur.

Jusqu’au bout, il n’était foutu d’être normal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

Beaucoup de choses se passent dans le monde réel. Un peuple du Sud global réussit à résister aux attaques de l'Occident. Et putain de merde, j'espère de tout cœur qu'ils réussiront à tenir. Mon côté bronzé (et pourtant français, grâce aux complications de l'Histoire) apprécie moyennement les arguments délirants de la presse. Je ne suis pas fan du concept de "civiliser" par la force en massacrant à tour de bras au nom de supposées valeurs. Sans doute à cause de souvenirs familiaux, datant de l'époque où la France adorait apporter la civilisation elle aussi. Aujourd'hui, on parle d'apporter la démocratie et non plus la civilisation ; mais l'idée reste la même. On continue à tuer du sauvage, pour les sauver d'eux-mêmes et de leur sauvagerie. XIXème siècle/ XXIème siècle, même combat. Fascinant.

Quoi qu'il en soit, j'espère que ce chapitre vous a plu. A la semaine prochaine !

Chapter 2: Vestiges

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’étrange animal gigantesque et poilu que Jet appelait Appa resta avec lui. Ce n’était pas le cas des autres. Ils passaient de temps à autre pour voir comment il allait, pour lui apporter à manger et dans le cas de Katara, pour soigner ses brûlures. Mais ils ne restaient jamais longtemps. Pas même Jet. Surtout pas Jet. Pas après ce qu’il s’était passé. Il ne venait plus le voir. Ce qui était une bonne chose, dans un sens.

Zuko voulait rester seul. Moins il les voyait, mieux il se portait.

Katara lui avait dit qu’il n’était pas en état de voyager et que c’était pour cette raison qu’ils étaient tous là, dans ces bâtiments en ruine au milieu de la forêt.

Il était évident qu’ils étaient à présent dans le Royaume de la Terre, aux vues des couleurs verdâtres et écaillées présentes sur les rares murs encore debout. Il arrivait parfois à Zuko de se demander ce qui était arrivé pour que cet endroit soit dans un tel état.

C’était absolument immense. Du moins de ce que Zuko apercevait par le mur brisé de la pièce dans laquelle on l’avait placé. Il allait souvent s’asseoir devant, délaissant le confort douillet de la fourrure d’Appa, pour admirer ce qu’il pouvait et passer le temps.

La végétation avait repris ses droits. Des arbres entiers avaient poussé au milieu du temple. Par endroits, il devenait difficile de distinguer où s’arrêtaient les murs et où commençait la forêt.

Même en ruine, l’ampleur de ce qui subsistait encore sautait aux yeux : les arches effondrées, les colonnes couchées au sol, la hauteur absurde des murs brisés. Et tout cela au milieu de nulle part.

Zuko se demandait, avec un certain malaise, s’il s’agissait d’un temple.

Mais qui abandonnait un temple ?

Zuko aurait pu avoir bien des questions si seulement certains des murs n’avaient pas ces traces noircies caractéristiques. Les temples de l’Air les avaient eux aussi. Le temple sur l’Île du Croissant après leur passage avec Zhao, également. Du feu avait été utilisé ici. En grande quantité.

Les gens n’avaient peut-être, sûrement, pas abandonné leur temple. Leurs corps reposaient sans doute dans d’autres pièces, à pourrir. La Nation du Feu était passée ici. Sans doute pour une très bonne raison. Parce que la Nation du Feu ne faisait jamais rien au hasard.

Zuko se demanda, comme ça, sans raison particulière, s’il était tombé sur le cadavre de son arrière-grand-père à l’époque où il fouillait les différents temples de l’Air avec son oncle et son équipage. Il ne s’était jamais posé la question. Il ne comprenait pas non plus pourquoi il se la posait maintenant.

Son père ne lui avait jamais raconté grand-chose à son propos. Autrefois, Zuko aurait pu penser que c’était de la pudeur ; mais, plus il y repensait, plus il avait l’impression qu’Ozai n’en savait pas plus lui aussi.

Zuko ignorait jusqu’au nom de cet homme. Son arrière-grand-père. Il avait encore du mal à le considérer comme tel. Mais c’est ce qu’il était. Il avait épousé une femme de la Nation du Feu, il y a plus de cent ans. Son arrière-grand-mère. Pourquoi avait-elle, elle, fait une telle chose ?

Pourquoi autant de gens de la Nation du Feu avaient soudainement décidé d’aller s’installer dans les temples de l’Air ? Qu’est-ce qui les avaient poussés à faire ça ? Les tensions entre la Nation du Feu et les Nomades de l’Air étaient à leur paroxysme et eux avaient décidé de trahir leur patrie en s’installant parmi leurs ennemis. C’était incompréhensible.

Parfois, quand il y repensait, Zuko ne pouvait s’empêcher de se poser des questions aux niveaux des dates. La Nation du Feu avait attaqué les Nomades de l’Air pour vaincre l’Avatar, pas vrai ? C’est pour ça qu’ils avaient attendu la toute puissance de la Comète.

Pourtant, les tensions entre la Nation du Feu et les Nomades de l’Air semblaient dater de bien plus longtemps que cela. L’histoire entre Sozin et sa sœur Zeisan également. Les rares informations que Zuko avait à ce sujet mentionnaient même Sozin en tant que prince héritier, et non comme Seigneur du Feu.

Donc la Nation du Feu avait définitivement eu raison d’attaquer les Nomades de l’Air. Au-delà de la potentielle présence du nouvel Avatar, ils représentaient une menace. Quoi comme menace ? Zuko n’en savait foutrement rien. Peut-être que la propagande officielle avait raison et que son père, Zhao et tous les autres avaient tort. Peut-être que les Nomades de l’Air étaient bel et bien des guerriers sanguinaires. Ce n’était pas tout à fait compatible avec Aang et sa manie de pleurnicher plutôt que de se battre ; mais Aang était un enfant de douze ans. C’est normal d’être faible à son âge, même quand on est l’Avatar.

Mais Zuko avait du mal à imaginer que son père puisse avoir tort sur quoi que ce soit. Surtout pas sur ce sujet. Si les Nomades de l’Air avaient été des combattants, Ozai et Zhao auraient été les premiers à en tirer de la fierté. On n’avait cessé de lui répéter, de lui rabâcher, une philosophie qui prônait l’exacte inverse. Le pacifisme à l’extrême, jusqu’à refuser de manger la plupart des formes de vie. On le lui avait rabâché cela pour qu’il se souvienne de la faiblesse de leurs ancêtres et en tire des leçons.

Donc quoi ? Les Nomades de l’Air étaient inférieurs parce qu’ils étaient faibles ? Ou les Nomades étaient des sauvages dangereux et incontrôlables ?

Dans tous les cas, ils devaient disparaitre. C’était une excellente chose qu’ils soient tous morts.

Zuko se demanda à nouveau, soudainement, quel pouvait être le nom de son arrière-grand-père. Était-il mort comme un guerrier ? Ou comme un lâche ?

Avait-il croisé sans savoir d’autres squelettes, d’autres cadavres, appartenant à d’autres membres de sa famille ?

C’était une question ridicule. La notion de famille n’avait aucun sens pour les Nomades de l’Air. Ils se reproduisaient, comme des animaux, et abandonnaient leurs enfants à la communauté sans aucune forme de remords.

Et alors qu’il était tout à ses pensées, Aang arriva dans son dos et posa doucement une main sur son épaule. Zuko sursauta. Encore une fois, il n’avait pas été foutu de percevoir un mouvement aussi évident. Il avait bien de la chance que ça ne soit que ce petit abruti et son sourire de crétin.

- Hey, ça va ? Le salua l’Avatar d’un ton enjoué. Tu te sens comment aujourd’hui ?

- Bien, répondit simplement Zuko d’un air grognon.

- Ah bah, bonne nouvelle !

Son sourire enfantin s’élargit :

- Il va falloir qu’on bouge. Tu veux que je t’aide à monter sur Appa ?

Zuko sentit ses mâchoires se crisper à cette simple possibilité. Il était hors de question qu’on le hisse au-dessus de ce satané animal, comme un vieillard ou un infirme. Il préférait encore ramper ! Même s’il n’était pas sûr d’assumer d’être vu en train de le faire.

Il planta aussitôt les mains au sol et se redressa. Un peu trop rapidement.

Il n’aurait pas dû. Une violente pression lui monta aussitôt au crâne, comme si son propre sang s’était précipité d’un coup vers ses tempes. Un bourdonnement sourd envahit ses oreilles. Tout vacilla, tout autour de lui et sous ses pieds. Il eut juste le temps de tituber d’un pas avant que des mains ne viennent l’attraper fermement.

- Doucement, fit Aang avec une sollicitude parfaitement insultante.

Zuko serra les dents pour contenir une exclamation enragée.

C’était un enfant. C’était un enfant qui se souciait de son bien-être. Il ne se rendait sans doute même pas compte d’à quel point ça pouvait être humiliant pour Zuko.

Zuko n’avait pas à lui crier dessus pour cela. Il n’allait quand même pas s’en prendre à un gamin.

Il aurait été injuste de s’en prendre à Aang, simplement parce que sa propre faiblesse lui donnait envie de mordre.

- Attends, laisse-moi juste… Je vais mettre la selle d’Appa, d’accord ? Tiens-toi là, dit Aang en le déposant doucement contre un mur, comme on poserait un paquet fragile.

Ce fut à cet instant précis qu’arriva enfin le reste de leur petit groupe, portant tous des paquets à bouts de bras. Ils lui adressèrent le même regard circonspect qu’ils avaient l’habitude de lui lancer quand ils pensaient qu’il ne regardait pas, avant d’esquisser le même éternel sourire de faux-culs.

Jet, par contre, ne lui sourit pas. Il ne le regardait même pas. Il se contentait de fixer le sol. Il passa devant lui d’un pas rapide, en l’ignorant parfaitement. C’était comme si Zuko n’existait pas.

Zuko sentit quelque chose se contracter douloureusement dans sa poitrine.

C’était absurde. Ça aurait dû le soulager. Jet avait enfin compris. C’était exactement ce qu’il voulait. Que Jet cesse de lui accorder une attention aussi malsaine.

Aang s’approcha alors de lui et essaya de lui attraper le bras. Sans doute pour l’aider à monter sur Appa. La main de Zuko claqua sur celle tendue de l’enfant, assez fort pour que le bruit résonne dans le silence tendu du temple en ruine. L’Avatar eut un léger sursaut. Un éclat blessé traversa brièvement son visage, une hésitation infime, comme s’il ne comprenait pas vraiment ce qu’il avait fait de mal. Mais le masque d’Aang revint vite en place. Son sourire reparut, mais peut-être un peu plus crispé.

Les autres, eux, ne furent pas aussi indulgents. Katara tourna vivement la tête, la mâchoire crispée et les lèvres pincées. Les visages d’Haru et Sokka se durcirent, eux aussi.

Jet, lui, chargeait les différents sacs sur l’immense selle surplombant le dos d’Appa. Comme si de rien n’était. Comme s’il ne s’était rendu compte de rien.

- C’est rien ! S’empressa de mentir Aang, avec un sourire beaucoup trop large pour être honnête. Tout va bien ! J’ai juste fait mal à Zuko en lui attrapant le bras. C’est normal de repousser les gens quand on a mal, pas vrai ?

Sokka et Haru semblèrent se détendre à cette affirmation, mais pas Katara. Alors qu’ils rejoignaient Jet pour l’aider à la tâche, celle-ci vint se planter devant Zuko, les poings sur les hanches.

- Je t’interdis de le frapper, siffla-t-elle, furieuse.

C’était la première fois qu’elle se mettait en colère contre lui, nota Zuko avec détachement. Il la pensait sortie du même moule de gentillesse absolue et teintée de faiblesse que l’était Aang. Mais il semblerait que contrairement à l’Avatar, elle avait des limites. Une autre preuve que les Nomades de l’Air n’étaient pas normaux. La colère et le ressentiment sont des sentiments naturels, même chez un être profondément altruiste. Et Aang, lui, préférait se laisser marcher sur les pieds plutôt que de s’énerver ; ce qui n’était pas de la gentillesse, mais de la bêtise.

En parlant de bêtise…

- Arrête, Katara… Gémit Aang d’un air misérable, en se plaçant entre eux deux. Zuko ne m’a pas fait mal. Et puis, il a pas fait exprès !

Katara foudroya Zuko du regard. Elle n’était pas dupe de toute évidence ; néanmoins, elle finit par tourner des talons, sans rien rajouter.

Aang sourit à Zuko et lui tendit à nouveau la main. Le prince finit par accepter son aide, de mauvaise grâce et surtout de mauvaise humeur. L’Avatar l’aida à avancer sur ses deux jambes pour rejoindre l’étrange queue plate d’Appa et monter grâce à elle tout en haut, sur le dos, dans la selle où les autres les attendaient en silence.

Le malaise était quasiment palpable à ce niveau. Zuko se demanda pourquoi ils se prenaient la peine de le déplacer, si cela semblait tant les gêner. Ils auraient dû l’abandonner à Yu Dao. Ils auraient dû l’abandonner ici. Ils l’auraient sans doute fait, si Zuko n’était pas un prince de la Nation du Feu. Il était un prisonnier beaucoup trop précieux pour être simplement laissé derrière.

Aang l’aida à s’asseoir sur la selle, à l’écart du petit groupe, rassemblé, voire presque entassé, de l’autre côté. Leurs regards étaient à présent passablement hostiles. Sauf celui de Jet, qui continuait à regarder par terre. Et celui d’Aang, bien sûr, qui alla alors sur l’immense tête d’Appa.

Ce ne fut qu’à cet instant que Zuko se demanda par où ils étaient censés sortir. Par le minuscule escalier étroit qu’il avait entraperçu et qui menait aux étages inférieurs ?

Plus important : par où Appa était entré ???

- Yip yip ! Fit alors Aang en agitant les rênes.

Appa émit un grognement, agita lourdement sa queue d’avant en arrière et… s’envola

Zuko ne put contenir une exclamation de surprise, alors qu’Appa passait à travers le très large trou du mur en ruine pour s’élancer dans le ciel.

L’immense bison fendit l’air à la manière d’un oiseau et Zuko s’accrocha furieusement à la selle, persuadé que la gravité allait les rattraper d’une seconde à l’autre. Le temple en ruine, la forêt, tout rétrécissait de manière affolante.

Mais il n’y eut pas de chute. Cet animal, dénué d’ailes et pesant au bas mot plusieurs tonnes, flottait comme si de rien n’était au-dessus du vide et tout le monde semblait trouver ça normal.

L’air lui flottait violemment le visage. Zuko sentit ses doigts se desserrer du cuir de la selle. C’était impossible. C’était merveilleux. Un rire s’échappa bien malgré lui de ses lèvres. Un vrai rire, profondément enchanté. L’expression des autres sembla s’adoucir en réponse, mais Zuko s’en fichait. C’était incroyable ! Ils volaient ! Ils volaient !

Aang utilisa alors sa maîtrise de l’Air pour quitter la tête d’Appa et bondir à ses côtés sur la selle.

- Tu n’as jamais entendu parler des bisons volants ? Demanda alors l’enfant avec une certaine tristesse. Je sais que vous n’en avez pas, mais… je croyais que vous saviez au moins ce que c’était…

- Qui ça, « vous » ? Rétorqua Zuko, à moitié penché par-dessus la selle à fixer le sol, minuscule, qui défilait sous eux à une vitesse effarante.

- Tu sais bien…

L’enfant resta silencieux quelques secondes, avant de lâcher prudemment :

- Les Nomades de l’Air avaient tous des bisons, avant. On en avait tous un. On en choisissait un, quand on était petit, et il restait notre compagnon pendant toute notre vie. C’est triste qu’ils n’aient pas survécu eux aussi. Vous les auriez adorés.

Zuko comprit, qu’encore une fois, l’Avatar considérait ses semblables comme des Nomades de l’Air. Il choisit de ne pas relever et lâcha, d’un ton neutre, sans jamais quitter le sol des yeux :

- J’imagine qu’il n’était pas utile de les garder en vie.

Il perçut comme un soupir désapprobateur, à peine perceptible, dans son dos. Jet. Jet ne l’ignorait finalement pas totalement et se permettait encore une fois de juger ce qu’il avait à dire.

- Vous n’avez pas de bâton non plus, je crois ? Finit par demander Aang, d’un air soudain passablement abattu.

Zuko quitta enfin le sol des yeux, se redressa pour mieux observer l’enfant et dit :

- Comment ça ? Quelle sorte de bâton ?

- Tu sais bien ! Quand tu m’as capturé au Pôle Sud, tu m’as pris le mien pour le placer dans tes quartiers ! Tu devais savoir ce que c’était, sinon tu ne l’aurais pas pris pas vrai ?

Zuko arqua un sourcil :

- Une arme, j’imagine ? Mais franchement, désolé, ça ne me dit rien.

- Les Nomades de l’Air n’ont pas d’armes ! S’exclama Aang, presque fâché cette fois.

Zuko se rendit compte qu’Aang avait justement ce qui ressemblait à un bâton dans la main. C’était juste ça ? C’était quoi si ce n’était pas une arme ? Un objet cérémoniel ?

Aang fit pivoter rapidement ledit bâton entre ses mains et un cliquetis discret se fit entendre. Deux larges éventails orangés, de différentes tailles, apparurent brusquement sur le haut et le bas du manche en bois. Et, sans la moindre hésitation, Aang bascula dans le vide. Le cœur de Zuko manqua un battement.

Le prince se pencha aussitôt, à nouveau, par-dessus la selle, complètement paniqué. Les autres, eux, ne réagirent pas ; mais Zuko était beaucoup trop choqué pour le réaliser. Ils étaient haut, beaucoup trop haut pour qu’Aang puisse juste ralentir sa chute et atterrir en sécurité sur le sol, comme Zuko avait l’habitude de le faire.

Le corps du jeune garçon avait chuté comme une pierre à travers l’épaisse couche nuageuse. Et au bout de très longues secondes, quelque chose fendit l’air à toute vitesse.

Aang, suspendu à son étrange bâton, s’éleva dans le ciel.

Il utilisait sa maîtrise et les éventails orangés pour planer. C’était une idée absolument fabuleuse ! Pourquoi n’avait-il jamais pensé à faire ça ? Se dit Zuko, soudain captivé. Pourquoi ni son père, ni Zhao, ni aucun des autres n’avaient jamais pensé à faire ça ? Plutôt que de simplement utiliser l’air pour ralentir une chute potentielle ?

Aang atterrit souplement sur la selle. Son éternel sourire s’élargit encore un peu plus en voyant l’expression de Zuko.

- Ça te plait ? On faisait tous ça à mon époque ! Je pourrai t’apprendre si tu veux !

- Attends, l’interrompit Zuko, incrédule. Tu veux dire que les Nomades de l’Air avaient tous ce genre d’appareils ? Ils volaient ?

- Bien sûr qu’on avait tous ça ! Répondit Aang plus joyeusement que jamais. Je t’en construirai un si tu veux !

Cette simple proposition fit oublier à Zuko brusquement tout le reste. La douleur. La fatigue. Le stress. L’hostilité des autres. L’hostilité de Jet. Un sourire de joie maladroite vint fleurir sur ses lèvres, sans qu’il ne s’en rende compte.  Il allait apprendre à voler ! Il allait…

- Ah, parce que soudain, les Nomades de l’Air ne sont plus des êtres inférieurs ? Fit soudain Katara d’un ton venimeux qu’elle n’avait jusqu’alors jamais utilisé en sa présence.

La joie disparue, soufflée aussi vite qu’elle était apparue.

- Katara ! S’exclama Sokka, avec horreur.

Ils la regardaient tous comme si elle venait de dire une bêtise. Mais Zuko, lui, n’était pas vexé. Bien au contraire. Il avait presque envie de la remercier. Elle venait de lui remettre les idées en place.

- Tu as raison, dit Zuko avec détachement. C’était une idée stupide. Je ne vais pas m’abaisser à singer quelque chose d’aussi primitif.

- Primitif ? Explosa Katara, en essayant de se dégager de la prise de Sokka et d’Haru, qui la retenaient tant bien que mal.

Bien sûr que oui. Parce qu’apparemment, plutôt que d’avoir l’intelligence d’entretenir une armée comme le faisait le reste de cette foutue planète, ils construisaient des choses aussi inutiles que des bâtons avec des éventails. Pour voler. Parce qu’ils étaient définitivement trop faibles pour survivre à terre, comme tout un chacun.

Jet, lui, n’intervint pas. Il s’était affaissé sur lui-même. Ses mains pendaient mollement entre ses genoux, inertes.

- Katara ! Intervint Aang, complètement paniqué. On avait dit qu’on ne s’énerverait pas !

Katara le défendait quand il était à Yu Dao. Elle avait été terriblement et bêtement gentille avec lui au début, quand ils étaient au temple. Zuko se demanda brièvement ce qui avait provoqué le brutal changement d'attitude de ces derniers jours et soudain, il comprit.

- Tu leur as raconté ce qui s’était passé, dit-il alors à Jet avec effarement.

Jet releva enfin la tête et ses yeux bruns croisèrent le regard gris de Zuko.

- Il n’a rien eut besoin de dire ! S’offusqua Katara. On vous entendait hurler à des kilomètres !

Ah.

Zuko se demanda ce qu’il avait dit de si spécial ce jour-là pour énerver à ce point tout le monde. Il n’avait rien dit de choquant. Comme il n’avait rien dit de choquant aujourd’hui. Alors pourquoi tout le monde semblait penser le contraire ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

J'espère que ça vous a plu ! C'était un petit chapitre de transition, les affaires reprennent dans le prochain !
Merci d’avoir pris le temps de me lire et de me laisser des kudos ! A très vite !

Chapter 3: Déchirures

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le reste de la journée passa dans un silence totalement inconfortable. Zuko ne cherchait plus à comprendre. Il n’y avait pas grand-chose à conclure de toute manière. Katara le protégeait des autres à partir du moment où il n’ouvrait pas sa grande bouche. Et depuis, il semblerait qu’elle l’ait assez entendu. Haru et Sokka ne semblaient pas avoir d’avis sur la question ou du moins choisissaient de ne pas l’exprimer. Jet, il va sans dire, continuait à faire comme s’il n’existait pas.

Zuko ne savait même pas pourquoi la situation le peinait. Il était leur prisonnier. Le but n’était pas de faire copain-copain. Il était déjà chanceux d’être soigné, nourri et bien traité.

Aang, lui, à l’inverse, restait le même petit être insupportable et bavard qu’au début de leur voyage. Toujours à parler. Toujours à raconter des anecdotes sans intérêt à propos des Nomades de l’Air.

Zuko n’était pas sûr de savoir pourquoi il l’écoutait. Peut-être parce que personne d’autre lui parlait. Peut-être parce que ce qu’Aang disait lui rappelait les récits d’Ozai. Bien sûr le gamin ne lui racontait pas cela dans le même esprit, mais les histoires étaient les mêmes que celles que Zuko entendait durant son enfance. Et il adorait les réentendre.

Par moments, il avait l’impression étrange de régresser. Il ne pouvait pas s’en empêcher. À chaque mot, c’était comme si un pan entier de son enfance revenait s’installer dans un coin de sa mémoire.

Son père ne lui racontait pas ce genre d’histoires pour qu’il les apprécie. Il les lui contait pour qu’il se souvienne. Il fallait que Zuko se souvienne pourquoi les Nomades de l’Air avaient disparu. Pourquoi ils étaient faibles. Il fallait que Zuko soit fort.

Agni, qu’est-ce qu’il aurait donné pour réentendre la voix de son père…

Quand le soir, ils décidèrent de faire une pause et de monter le camp pour passer la nuit, Zuko resta lové dans les poils longs d’Appa ; loin, très loin, du reste du petit groupe qui chuchotait autour du feu.

Pas besoin d’être voyant pour deviner de quoi et surtout de qui ils étaient en train de parler. Zuko décida qu’il s’en fichait. Il s’enfonça dans le sac de couchage bleu qu’on lui avait apparemment définitivement donné et ferma les yeux.

Il s’en fichait.

Mais, malheureusement, sa fichue maîtrise en avait décidé autrement. Les chuchotements arrivèrent à ses oreilles, portés par le vent. Il réouvrit les yeux et les murmures se turent aussitôt. Un regard vers les autres et il réalisa qu’ils étaient toujours en pleine conversation. Il ferma à nouveau les yeux et tout redevint audible. C’était parfaitement net ; c’était comme s’il se trouvait autour du feu avec eux.

- Katara, il faut que tu arrêtes avec ça…

- Comment ça, il faut que j’arrête ? Vous avez entendu ce qu’il a dit ou vous allez tous faire comme si j’étais devenue folle ?

- Ce n’est pas de sa faute, tu sais bien… Souffla Aang d’un air chagriné.

La voix de Jet s’éleva soudain :

- Je disais exactement la même chose l’année dernière.

Il resta silencieux quelques secondes, avant de préciser :

- Quand j’étais dans l’armée. Quand j’étais à l’orphelinat. Je disais ce genre de choses. Sur ma mère. Sur tous les gens du Royaume de la Terre en général. Il m’arrive encore régulièrement de le penser, même si je ne le dis pas.

- Toi ? Dit Haru, passablement choqué. Avec tout ce que tu dis ou fais contre la Nation du Feu ? Tu penses que ta mère était de race inférieure ?

- Ce n’est pas… Je ne me souviens même pas qu’on me l’ait répété ou appris. Juste qu’à un moment donné, j’ai commencé à… Je ne sais pas quoi te dire, d’accord ?!

- Sérieusement ? La voix de Katara se fit à nouveau venimeuse. Donc quoi ? Tu te la joues résistant et en secret tu penses qu’on est tous des indigènes répugnants ? Parce que tu sais faire joujou avec le feu ?

- C’est ce que disait Jeong Jeong ! S’exclama alors Aang. Jet, tu as dû entendre quelqu’un te dire toutes ces choses sur ta mère ou sur le Royaume de la Terre. On te les a appris de force. Comme à Jeong Jeong ! Comme à Zuko ! C’est pas de leur faute, Katara !

- … Je pouvais encore avoir de la peine pour lui quand j’ai vu sa cicatrice, confia Katara, soudain hésitante. J’avais de la peine pour lui quand j’ai appris pour son père et sa grand-mère. Mais… Quand je l’ai entendu parler la dernière fois… Ou ce qu’il a pu dire tout à l’heure…

- Tu avais promis que tu t’énerverais pas contre lui, supplia Aang. Tu me l’avais promis !

- D’accord, d’accord ! S’agaça Katara. Comme tu veux ! Je ne m’énerverai plus !

- J’ai l’impression de revivre la même discussion en boucle, grommela Sokka, blasé. Avec quelques révélations en plus de la part de Jet. Blablabla, rien n’est de la faute de son altesse royale et blablabla. Mais jouons carte sur table : Jet, tu es sûr que tout ça n’a absolument rien avoir avec la relation très particulière que tu entretiens avec le joli petit prince ?

- On va éviter d’aller sur ce terrain-là, s’il te plait, intervint Haru avec un certain empressement et même un début de panique franche.

Tiens ? Jet n’avait-il pas prétendu que les gens de la Tribu de l’Eau évitaient de parler de ce genre de relation contre-nature ? Jet lui aurait-il mentit ou se serait-il trompé ?

- Ça n’a absolument rien avoir avec ça ! Répliqua Jet avec colère. Je ne le défends pas ! Et je n’ai AUCUNE « relation particulière » avec lui !

- Ouais, ouais, on sait ! On a tous entendu la dispute. D’où ma remarque : il ne baisera pas avec toi juste parce que tu mens pour le défendre !

- SOKKA ! Fit Katara, outrée.

- Hein ? Quoi ? Il parle de quoi là ? Demanda Aang, d’un air désorienté.

- De rien ! S’exclama Sokka avec une certaine agressivité. Je n’ai rien dit ! Désolé, Jet. Désolé, Aang. Désolé, Katara.

Jet ne répondit pas. Haru, lui, changea de sujet :

- Bien et donc qu’est-ce qu’on fait de lui ? On le garde comme prisonnier ? Dans ce cas, on ne devrait pas prendre plus de précautions ?

- On pourrait le laisser dans la prochaine ville, tenta Sokka.

- Je ne suis pas sûre qu’on puisse faire ça, dit Katara. Il n’est pas encore en état de se débrouiller seul. Et je ne pense pas que ça soit une très bonne idée de laisser le petit-fils du Seigneur du Feu en plein Royaume de la Terre.

- Tu te soucies de son bien-être, maintenant ?! Fit Sokka. Je n’arrive plus à te suivre là !

- On ne va pas l’abandonner ! Explosa alors Aang. On peut le convaincre ! Il peut changer ! Comme Jet ! Comme Jeong Jeong ! Si on le laisse, il va repartir directement dans la Nation du Feu !

Zuko réouvrit les yeux. Il avait entendu assez de conneries comme ça.

Ils l’avaient laissé seul. Comme ils l’avaient laissé seul dans le temple. Techniquement, il n’avait qu’à se relever et partir de lui-même, pas vrai ?

Zuko serra les dents et essaya de se redresser, le plus doucement possible. Mais son corps le trahit presque aussitôt. Les contours du monde se mirent à vaciller. Sa tête lui sembla soudain trop lourde, basculant en avant malgré lui. Une nausée sourde lui tordit l’estomac, remontant jusqu’à sa gorge, et il dut se figer sur place pour ne pas vomir.

Il fallait qu’il se rallonge. Il fallait qu’il reste immobile. Il n’était pas en état de partir ; pas maintenant.

Les dernières fois qu’il avait été aussi gravement blessé, il lui avait fallut plusieurs mois pour s’en remettre. Mais là, il n’avait pas plusieurs mois. Il fallait qu’il parte. Il fallait qu’il fuie. Il fallait…

La silhouette de Jet se détacha de la pénombre. Il s’approcha sans bruit, les mains dans les poches et s’assit à côté de lui. Quelques secondes s’écoulèrent dans un silence étrange et Jet finit lui aussi s’allonger contre Appa ; les bras croisés derrière la tête et les yeux tournés vers le ciel nocturne.

Jet souffla, assez bas pour que seuls eux deux puissent entendre :

- Tu devrais éviter de trop forcer… Tu tiens à peine debout. Tu n’iras pas loin.

Zuko décida de l’ignorer.

Ils restèrent ainsi un moment, sans parler. Zuko comprit soudain, avec une certaine frustration, qu’il n’était même pas sûr de pouvoir fermer les yeux sans entendre encore les chuchotements incessants de ces abrutis qui ne s’étaient toujours pas décidé de la fermer. Magnifique. Encore une super nuit en perspective.

- Tu devrais dormir, dit alors Jet.

Sans déconner.

- Je sais, rétorqua Zuko avec mauvaise humeur.

Jet ne répondit pas. Il se contenta de fixer les étoiles, les bras toujours croisés derrière la tête, avec son éternelle expression faussement détendue. Comme si tout allait bien. Comme si rien ne l’atteignait.

- Je peux savoir ce que tu fous là ? Demanda Zuko dans un grognement agacé. T’étais pas censé n’avoir aucune relation particulière avec moi ?

Jet éclata de rire.

- Pourquoi tu ris ?! S’énerva Zuko, furieux.

- Pour rien, fit Jet l’air étrangement joyeux.

Un silence tendu s'installa, si lourd qu'il en devenait presque étouffant.

Jet détacha les yeux du ciel au-dessus d’eux et tourna la tête vers lui. Leurs regards se croisèrent dans la pénombre.

Jet posa alors délicatement la main sur son avant-bras.

- Est-ce que tu veux que j’aille dormir ailleurs ? Lui demanda-t-il tout doucement.

Zuko détourna le regard.

- Fais comme tu veux ! Siffla le maître de l’Air, avec moins d’agressivité qu’il ne l’aurait espéré.

Jet ne retira pas sa main. Ses doigts caressèrent les bandages enserrant le bras de Zuko, sans insistance, sans pression, presque avec tendresse.

Ce n’était pas agréable. Pas vraiment. La main de Jet était démesurément chaude. Comme tout le reste de son corps. Comme son souffle. Comme tous les maîtres du Feu.

La peau brûlée de Zuko, sensible au moindre contact, réagit aussitôt. Le maître de l’Air ne put contenir une grimace de douleur. Jet le lâcha immédiatement.

- Excuse-moi ! Fit-il, avec la même voix paniquée qu’il avait utilisé la dernière fois au temple. Je suis vraiment désolé !

Pourquoi est-ce qu’il était toujours comme ça ?

- Pourquoi est-ce que tu es toujours gentil avec moi ? Demanda brusquement Zuko. Je ne suis pas gentil avec toi. Qu’est-ce que tu penses pouvoir obtenir en te comportant comme ça ?

- … Je ne veux rien, se contenta de répondre Jet après quelques secondes d’une hésitation marquée.

- Bien sûr que si tu veux quelque chose, rétorqua Zuko avec un rire mauvais qui ne lui ressemblait pas. Même l’autre abruti de la Tribu de l’Eau s’en est rendu compte !

Leurs regards se croisèrent à nouveau. Les yeux bruns papillonnèrent de gêne.

- … Tu es épuisant… Finit-il par lâcher.

- Et toi tu es pathétique, souffla Zuko sur le même ton.

Un sourire pâle s’étira sur les lèvres brunes.

- Je sais, dit Jet beaucoup trop calmement.

Leurs deux visages étaient beaucoup trop proches. A nouveau. Zuko frissonna.

- Est-ce que tu veux que je parte ? Redemanda Jet, dans un chuchotement à peine audible.

- … Non… Admit faiblement Zuko.

Le maigre sourire de Jet s’élargit. Ils restèrent un instant ainsi, à s’observer sans rien dire, avant que le maître du Feu ne lève une main, pour toucher distraitement, lentement, du bout des doigts, la joue intacte de Zuko.

Zuko ne dit rien. Il ne réagit pas.  Il ne réagit pas non plus quand les doigts glissèrent un peu plus bas et passèrent sur ses lèvres.

Zuko se rendit compte, trop tard, que sa respiration s’était accélérée. Une étrange étincelle passa dans les yeux bruns et Jet se pencha vers lui, un peu plus encore.

Zuko ne savait pas à quoi il s’attendait, mais sûrement pas à ce baiser léger, à peine perceptible, que Jet déposa avec une infinie délicatesse au coin de ses lèvres.

Ce n’était rien. A peine un frôlement. A peine une caresse. Et pourtant la douceur de ce geste se propagea dans tout son corps et irradia dans tout son être.

Zuko en eut le souffle coupé.

Jet ne bougea pas. Il resta là, à quelques centimètres de lui, sans chercher à aller plus loin ; sans rien exiger. Puis, dans un geste presque inconscient, Jet leva de nouveau la main et vint, cette fois, effleurer ses cheveux, pour repousser une mèche de son front. Rien de plus. Juste ce contact minuscule. Juste cette indéfectible gentillesse.

Ses lèvres se retrouvèrent soudain sur celles de Jet, sans qu’il ne sache pourquoi. Brusquement. Maladroitement. Avec une intensité fébrile.

Jet tressaillit. Il ne répondit pas à son baiser.

Zuko n’avait aucune idée de ce qu’il était censé faire. Il n’avait jamais embrassé personne avant Jet. Pas même Ty Lee. Il devait mal faire quelque chose. Sinon Jet ne resterait pas figé de cette manière.

Alors Zuko l’embrassa plus fort encore. Ses doigts allèrent se crisper sur le tissu de la tunique de Jet.

Qu’est-ce qu’il était censé faire pour que Jet continue à l’aimer ?

Son esprit vrilla complètement, soudain. Sans aucune raison. Sans aucune logique.

Jet allait le détester. Jet allait l’abandonner. Il était en train de décevoir Jet.

Comme il avait déçu Zhao. Comme il avait déçu son père. Comme il déçu tout le monde.

Parce qu’il n’avait pas fait de ce qu’ils voulaient.

Zuko lâcha Jet dès l’instant où cette pensée incompréhensible lui traversa l’esprit.

Jet, justement, le fixait presque trop intensément. Comme s’il cherchait à l’analyser. Comme s’il cherchait à comprendre les pensées folles qui lui traversait l’esprit.

Était-il déçu ? Était-il en colère contre lui ?  Ne put s’empêcher de se demander Zuko une nouvelle fois.

- Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Laissa alors échapper Zuko, dans une voix aux accents de supplique.

A cet instant, Zuko aurait fait absolument n’importe quoi. Il ne pensait plus à rien. Il n’y avait plus que cette envie brutale, irrépressible et même absolue de plaire. Il voulait que Jet continue à lui accorder de l’attention. Il voulait que Jet continue à être gentil. Il voulait… Il voulait que pour une fois une personne reste dans sa vie. Il ne fallait pas décevoir Jet. Sinon Jet partirait. Sinon Jet le détesterait.

Son père voulait qu’il soit un guerrier. Il avait échoué à être un guerrier. Zhao voulait qu’il soit un prince. Il avait échoué à l’être. Sa mère… Qu’est-ce que sa mère voulait de lui ? Qu’avait-il fait de mal pour qu’elle le méprise à ce point aujourd’hui ?

Il n’échouerait pas aujourd’hui.

Si c’était de cette manière que Jet le voulait, ça lui allait. Il ne voulait plus être seul. Jet resterait avec lui, si Zuko faisait ce qu’il voulait. Alors… Alors

Deux mains trop chaudes vinrent se placer de part et d’autre de son visage. Les yeux bruns le fixaient avec une inquiétude incompréhensible.

- Je ne veux rien !  Affirma Jet, la voix frémissante d’une émotion que Zuko ne sut pas identifier. Je te jure que je ne veux rien !

Ils étaient toujours allongés contre la fourrure chaude d’Appa. Les autres chuchotaient toujours au loin, autour du feu, et semblaient n’avoir rien remarqué.

D’autres chuchotements vinrent cruellement se mêler au reste, avant d’exploser soudainement à l’intérieur de son crâne.

Menteur ! Menteur ! Menteur !

Bien sûr que Jet voulait quelque chose de lui. Ils voulaient tous quelque chose. Même quand ils ne le disaient pas. Surtout quand ils ne le disaient pas. Les autres non plus ne formulaient pas toujours clairement ce qu’ils voulaient. Il avait parfois dû deviner. Là, c’était facile. Sokka avait dit ce que Jet voulait. Jet ne cessait de le lui demander, lui aussi, à sa manière. Pourquoi serait-il là sinon ? Pourquoi était-il toujours là ? Surtout dans ces moments-là quand personne ne pouvait les voir ? 

Zuko se plaqua brusquement contre le maître du Feu. Celui-ci émit aussitôt un son désarticulé et ferma les yeux. Zuko n’était pas sûr de comment interpréter la tension du corps figé contre le sien. Que faisait-il de mal ?

Il attrapa alors la main de Jet et la glissa, la guida, entre les plis de sa propre tunique contre sa peau. C’était comme ça qu’on faisait, pas vrai ? Il n’était pas sûr. Ce n’était pas agréable. Pas agréable pour lui. Du tout. Mais ça n’avait pas d’importance.

Il ne savait pas ce que deux hommes faisaient quand ils étaient ensemble. A vrai dire, il ne savait pas non ce qu’un homme et une femme étaient censés faire. Néanmoins, il en avait une vague idée. Et puis Jet devait savoir, lui. Il n’avait qu’à le laisser faire et…

La main de Jet se crispa violemment contre le torse dénudé de Zuko.

- Merde… Siffla le maître du Feu entre ses dents serrées.

Il réouvrit brusquement les yeux. Zuko ne comprit pas l’étincelle de fureur pure qu’il y lut. Jet était en colère. Pourquoi ?

Jet se dégagea et recula en arrière, avec la même énergie que s’il venait de se brûler.

Pourquoi ?

- … Ce n’est pas ce que tu veux ? Demanda alors Zuko, perturbé.

- Non, répondit Jet avec une agressivité surprenante. Ce n’est pas ce que je veux ! Et ce n’est pas ce que tu veux non plus !

Ça n’avait aucun sens.

- D’accord, dit simplement Zuko, toujours allongé sur Appa qui grommelait dans son sommeil à peine perturbé par leurs chuchotements furieux.

Il avait encore mal fait quelque chose. Sinon Jet ne serait pas aussi énervé. Sans doute quelque chose de particulièrement grave, parce que Jet n’avait jamais eu cette expression en le regardant ; même quand il avait découvert qu’il était un espion de la Nation du Feu.

- Je suis désolé, fit Zuko, platement, parce qu’apparemment c’est qu’il convenait de faire.

On doit s’excuser, quand on fait quelque chose de mal, pas vrai ? Même si Zuko ne comprenait pas ce qui pouvait contrarier Jet à ce point.

- Dis-moi ce que tu veux que je fasse, répéta-t-il une nouvelle fois. Et je le ferais. Je ferais tout ce que tu veux.

Une expression de complète répulsion passa sur le visage de Jet, qui se redressa brusquement, comme s’il était à deux doigts de partir en courant.

 - … Qu’est-ce qu’il t’est arrivé… Lâcha Jet avec horreur. Est-ce que quelqu’un a… ?

Il laissa sa phrase en suspens et Zuko ne savait pas quoi répondre à une phrase aussi vague.

- Quelqu’un a quoi ? Demanda-t-il sans comprendre.

Quelque chose sembla se casser dans le regard brun. Jet laissa alors échapper un son qui ressemblait à un rire, alors qu’il paraissait à l’inverse sur le point d’éclater en sanglots.

Ils restèrent plusieurs secondes ainsi. Jet, debout et figé, et Zuko, toujours allongé, qui ne savait pas quoi faire pour la situation s’arrange.

Zuko finit par esquisser un sourire qu’il espérait engageant. Cela sembla étrangement être le coup de grâce pour Jet qui tourna des talons et s’éloigna à toute allure, presque en courant.

Zuko le regarda partir, sans rien dire, sans rien faire.

Il avait déçu Jet.

Jet avait le droit d’être déçu.

Jet n’avait aucun intérêt à rester avec quelqu’un comme lui.

Zuko ferma les yeux. Les chuchotements des autres, toujours autour du feu et inconscients de ce qu’il se passait, lui arrivèrent aussitôt aux oreilles. Un mélange de voix incompréhensibles, qui se mêlaient à des hurlements qui se distinguaient du reste :

FAIBLE ! FAIBLE ! FAIBLE !

DEGOUTANT !

DEGUEULASSE !

Zuko se recroquevilla douloureusement sur lui-même, les mains serrées désespérément autour de ses oreilles dans l’espoir enfantin de ne plus rien entendre. Les voix n’auraient pas dû être là. Son père n’était pas là. Zhao n’était pas là. Azulon n’était pas là.

Jet n’était pas là non plus.

Comme Ty Lee.

Il était seul.

Définitivement seul.

Et c’était uniquement de sa faute.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

Me revoilà après quelques vacances. Je pensais qu'éloignée du boulot, j'aurais plus le temps pour écrire et à la place, je n'ai fais que végéter et dormir. J'espère qu'il y aura quelques personnes pour continuer à lire ce texte malgré tout.

On se retrouve la semaine prochaine (parce que oui on garde espoir sur le fait que je reprenne le rythme habituel (soit tous les lundi)) ! La relation de Jet et Zuko avance petit à petit, mais à partir du prochain chapitre, la guerre rattrapera malheureusement notre petit groupe. J'espère que ça vous plaira.

Chapter 4: Ne pas avoir ce qu'on veut

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une lumière vive pulsait douloureusement derrière les paupières closes de Zuko, qui finit par se résoudre par ouvrir les yeux.

Le soleil n’était pourtant pas si haut dans le ciel… Pourquoi est-ce qu’il n’était pas foutu de continuer à dormir ? Au moins, quand il dormait, il pouvait... oublier.

Ce qui s’était passé hier soir avec Jet lui était revenu en mémoire dès l’instant où il avait été tiré des tréfonds du sommeil.

Jet était parti.

Jet le détestait.

Et lui, Zuko, s’était apparemment humilié pour rien ; puisque Jet ne voulait pas de lui. Il ne savait pas ce qui était le pire ; ce qui faisait le plus mal entre le rejet et s’être avili d’une telle manière sans aucune raison. Car même un dégénéré de bas-étage comme Jet ne voulait pas de lui. Le déshonneur était total.

Zuko ignorait comment il était censé faire semblant et continuer à vivre sa vie comme si de rien n’était. Il aurait souhaité ne jamais se réveiller.

Il réalisa, soudainement, qu’il n’était pas seul et tourna difficilement la tête sur le côté.

Jet était là. Assis en tailleur. A le fixer. Les traits tirés et des cernes noirâtres sous les yeux. Il n’avait pas dormi, de toute évidence.

Zuko eut le réflexe stupide et pas du tout adulte de fermer aussitôt les yeux, avant de se glisser un peu plus à l’intérieur de son sac de couchage, jusqu’à recouvrir l’entièreté de son visage.

- … Qu’est-ce que tu fais ? Demanda Jet d’une voix passablement marquée par la fatigue.

- … Je dors… Répondit bêtement Zuko, la tête toujours enfouie dans le sac.

- D’accord, fit Jet, sans commenter quoi que ce soit sur son étrange comportement.

Un silence étouffant s’installa pendant plusieurs minutes, avant que Jet ne lance :

- Les autres sont partis se nettoyer dans la rivière. Je suis censé te porter pour que tu les rejoignes.

Le sac de couchage frémit violemment.

- Quoi ?! S’étrangla Zuko, soudain hystérique.

Il se dégagea d’un seul coup, les cheveux en bataille et les joues en feu.

- Il en est hors de question ! S’indigna-t-il avec une expression horrifiée. Tu ne vas pas me porter ! Et encore moins pour aller me… me nettoyer !

- Calme-toi. Ce n’est pas comme si tu pouvais y aller seul.

- Je resterai sale, alors !

- Sérieusement ? Répliqua Jet, en arquant un sourcil épuisé.

- Très sérieusement ! Cracha Zuko, en se glissant furieusement à nouveau à l’intérieur du sac de couchage. Dis-leur ce que tu veux, mais je ne bougerai pas d’ici !

Il entendit Jet soupirer faiblement, avant de dire :

- Zuko, je ne te toucherai pas. Je ne te laverai pas. Je ne te verrai pas nu. Je comptais juste te ramener à la rivière, puisque tu n’arrives pas à marcher. Et après, je t’aurais laissé seul. Je te le jure.

Zuko ne répondit rien. Il resta un long moment profondément enfoui à l’intérieur du sac de couchage, qui commençait à lui coller désagréablement au visage. Il pouvait entendre Jet respirer calmement à côté de lui, comme s’il attendait patiemment que Zuko craque.

Et Zuko craqua.

Il savait qu’il ne pouvait pas marcher. Même s’il essayait. Même s’il se forçait. Il allait tomber. Encore. Et ça serait encore plus humiliant.

Après de longues minutes, à voix basse, presque inaudible, il murmura :

- Juste… ne me regarde pas.

- Je ne te regarderai pas, répondit Jet, sans aucun agacement, alors qu’au fond il ne faisait que répéter ce qu’il avait déjà dit. Je vais juste te porter, puis je partirai.

Zuko rassembla ce qu’il lui restait de dignité et s’exfiltra péniblement hors du sac de couchage. Il resta un instant là, assis, avant d’enfin oser tendre le bras vers Jet.

Jet se pencha en silence et lui attrapa la main, pour mieux le hisser vers lui. Zuko se laissa faire. À peine debout, ses jambes tremblèrent dangereusement et manquèrent de fléchir presque aussitôt. Bien sûr. Son propre corps semblait décidé à l’humilier jusqu’au bout. Jet glissa aussitôt un bras dans son dos et l’autre sous son épaule, pour le retenir et l’empêcher de s’effondrer.

Le contact fit sursauter Zuko malgré lui. Mais il était bien le seul à exprimer le moindre trouble. Parce que Jet évitait soigneusement de croiser son regard. Le maître du Feu fixait droit devant lui, les mâchoires serrées, en le maintenant contre lui avec une raideur marquée.

Le campement fut vite dépassé. Le bruit de la rivière, encore invisible, se faisait de plus en plus clair à chacun de leurs pas. Ils longèrent les arbres jusqu’à descendre une petite pente, passèrent entre deux bosquets et Jet s’arrêta enfin. Il l’aida alors à s’asseoir sur la berge, juste à côté du ruissellement de l’eau.

- Je reste là, dit le maître du Feu d’un ton neutre presque solennel. Je ne regarderai pas. Dis-moi quand tu veux que je te ramène au campement.

Jet déposa à terre quelque chose (un paquet ?) que Zuko n’avait pas remarqué jusqu’alors, avant d’aller s’asseoir plusieurs mètres plus loin et de lui tourner le dos.

Zuko pouvait entendre des exclamations de joie purement enfantine au loin. L’Avatar et sa bande n’étaient pas loin. Mais eux aussi avaient choisi de lui laisser un semblant d’intimité. Juste à lui. Alors qu’ils semblaient n’avoir aucun souci, apparemment, pour se laver tous ensemble.

Cette prévenance était étrange.

Que Jet évite de le voir nu était une chose. Que les autres s’y conforment également n’avait pas le moindre sens.

Zuko décida qu’il s’en fichait et il se pencha pour s’intéresser à ce que Jet lui avait laissé. Ce n’était qu’un petit seau de bois, avec à l’intérieur un grossier morceau de savon, un rectangle de linge propre et un chiffon un peu plus rude.

Parfait.

Il commença à se déshabiller, non sans difficulté. Ses gestes étaient terriblement lents. Son corps lui échappait. Chaque mouvement semblait noyé dans une lourdeur poisseuse. Tout était retardé, freiné, comme si sa propre chair luttait contre lui.

Il ne s’était pas changé depuis Yu Dao. Néanmoins, il ne puait pas autant qu’il aurait dû. Zuko se demanda avec horreur si le petit groupe l’avait lavé, lui, ainsi que ses vêtements, durant les jours où il était inconscient. Qui s’en était chargé ?

Encore une question qu’il préférait ignorer pour le moment. Il réussit, enfin, après moult efforts, à retirer sa tunique. Son torse et ses bras étaient étroitement bandés. Il se demanda vaguement s’il devait les retirer avant de se nettoyer. Oui, bien sûr. C’était stupide comme question. Il tira les bandelettes. Lentement. Prudemment. Centimètre par centimètre et attentif à la moindre résistance. La chair en dessous était encore rouge, boursouflée par endroits, marquée de zones sombres où la brûlure avait été plus profonde. La chair avait commencé à se refermer. Ça avait été rapide. Étonnamment rapide. Katara était plus compétente qu’elle ne le pensait elle-même, de toute évidence.

La peau tiraillait douloureusement, sensible au simple contact de l’air. L’eau n’allait sans doute pas être une expérience particulièrement agréable…

 

 

 


 

 

 

Katara regarda une dernière fois le manuscrit et adressa son habituel sourire à Aang.

- On va commencer tout doucement. C’est un mouvement plutôt simple, mais il m’a fallut plusieurs mois pour véritablement le maîtriser. Alors, ne soit pas déçu si tu n’y arrives pas tout de suite, d’accord ?

Aang lui répondit avec ce regard d’adoration pure qu’il ne réservait qu’à elle, avant d’hocher la tête avec vigueur.

Sokka ne put s’empêcher de ricaner en apercevant la scène, puis reporta son attention sur quelque chose de beaucoup moins romantique : observer un hameçon qui n’attirait strictement rien. Parce qu’apparemment, il était le seul capable de nourrir cette bande d’assistés, entre le prince pourri gâté et l’Avatar surpuissant, qui, en plus, n’était même pas foutu de manger comme une personne normale.

Il avait envoyé Haru trouver quelques fruits… En espérant que le maître de la Terre ne se perde pas comme la dernière fois. Sérieusement, comment on pouvait avoir aussi peu de sens de l’orientation ?

Et pendant que l’estomac de Sokka commençait à gargouiller, Haru sortit enfin des fourrés les bras étonnamment chargés de fruits et de légumes de toute sorte.

- Je peux savoir comment tu as fait pour trouver ça ? Chuchota Sokka d’un air suspicieux, en profitant du fait que sa sœur et Aang soit trop concentrés sur leur entrainement pour remarquer quoi que ce soit.

- … Je les ai volés… Avoua Haru, tout aussi bas, du bout des lèvres.

-  Quoi ? Mais… Commença Sokka, dans un murmure furieux, avant qu’Haru ne l’interrompt.

- Je sais ce que tu vas dire. Mais… On n’a plus d’argent. Il faut bien que tout le monde mange. Comment on est censés faire sinon ?

C’était sans doute la chose la plus raisonnable à faire en temps de guerre. Ils n’avaient plus rien. Et il fallait à tout prix qu’ils réussissent à atteindre le Pôle Nord. Ils n’avaient sans doute pas le choix. Mais…

- A qui, tu as volé ça ? Insista Sokka à voix basse. On est très loin des colonies de la Nation du Feu là…

Haru baissa les yeux vers le sol, avec une émotion tellement palpable, que Sokka finit par se résoudre d'arrêter de le torturer. Haru avait volé quelqu’un du Royaume de la Terre, peut-être aussi pauvre qu’eux. Il n’y avait que des fermes, misérables, à des kilomètres à la ronde. C’était déshonorant. Honteux. Mais il fallait qu’ils survivent. Il fallait que l’Avatar mange à sa faim. Sokka soupira et s’efforça d’esquisser un grand sourire joyeux :

- Aang ! Regarde un peu ce qu’Haru a trouvé !

Le serpent d’eau qu’Aang s’efforçait de faire tournoyer autour de lui retomba aussitôt dans la rivière.

- Oh, trop bien ! Fit l’enfant avec enthousiasme, en arrivant vers eux d’un air surexcité. Ça a l’air trop bon !

Katara regarda Sokka et Haru tour à tour.

- Vraiment ? Fit-elle en plissant les yeux. Des légumes ? Tu as trouvé ce genre de légumes dans la forêt ? En si grande quantité ? Dans des paniers d’osier ?

Haru ouvrit la bouche, sans doute dans l’optique de tout avouer, mais Sokka s’exclama :

- C’est très exactement ce qu’on vient de dire Katara ! Faut penser à te déboucher les oreilles !

Il émit un rire nerveux, profondément mal à l’aise face au regard offusqué de sa sœur et celui d’Aang, plus interrogatif. A bout de nerfs, il finit par expédier un léger coup de pieds dans les chevilles de l’adolescente dès que l’Avatar leur tourna le dos.

Et parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, ce fut cet instant que Jet choisit pour ramener un Zuko apparemment toujours incapable de marcher seul.

Katara adressa un dernier regard noir à Sokka, avant de les saluer :

- Vous tombez bien ! Haru a trouvé à manger !

Jet regarda les différents paniers d’un air effaré :

- Comment on a réussi à payer tout ça ?

- Mais on n’a rien payé, persifla Katara en jetant un coup d’œil en coin à Sokka. Haru a trouvé tout ça « dans la forêt ».

- N’est-ce pas génial ? Conclut naïvement Aang avec bonne humeur.

Jet eut l’étonnante prévenance de rien ajouter. Il aida le prince à s’asseoir sur le sol de galets, avec une irritante délicatesse. Prince qui, justement, était torse nu.

Katara se pencha alors vers lui et commença à examiner plus attentivement les différentes brûlures. Zuko l’observa faire, sans rien dire et parfaitement immobile.

- Ça cicatrice bien, finit par dire sa sœur après quelques instants de silence. Jet, aide-moi à l’emmener dans l’eau. On va essayer de soigner tout ça, avant de remettre les bandages. Pendant que Sokka et Haru nous prépare le petit déjeuner qu’ils ont « trouvé dans la forêt ».

- Katara… Commença Haru.

Mais Katara l’ignora et s’éloigna avec Jet et le prince.

- Bon, allez, fit Sokka en s’efforçant de ne pas se décourager. Allez les mecs, on s’y met ! Ça ne doit pas être trop compliqué de cuisiner quelque chose avec ça.

- Mais tu ne sais pas cuisiner, s’exclama Aang avec une insolence mal placée. La dernière fois que tu as essayé, c’était vraiment pas bon.

- Comment oses-tu, petit ingrat ?!

 

 

 


 

 

 

Qu’est-ce que le groupe de l’Avatar pouvait être bruyant, se dit Zuko, alors qu’il s’enfonçait dans l’eau avec les deux autres.

Jet continuait à fixer droit devant de lui, sans jamais le regarder. Ça en devenait blessant. Lui qui était si obstiné à se rapprocher de lui, le voilà qui faisait presque comme s’il n’existait pas. Zuko ne savait plus s’il devait en être soulagé ou blessé. Une part de lui, minuscule et honteuse, aurait voulu… Il n’en était pas sûr.

Jet le détestait-il ?

Dégoûtait-il Jet ?

En même temps, quoi de plus naturel ? Il était allé trop loin. Quel homme ne serait pas dégoûté qu’un homme le touche de la manière que Zuko l’avait fait ?

Mais… N’était-ce pas ce qu’il voulait ? Pourquoi est-ce que Jet n’arrêtait pas de l’embrasser s’il… s’il n’était pas intéressé par lui ? Jet n’était-il pas aussi dégénéré que lui-même l’était ?

Ses pensées repartirent un bref instant dans tous les sens, alors qu’il était incapable de détacher les yeux de la nuque de Jet. Il aurait tellement, tellement, voulu que le maître du Feu tourne la tête et le regarde à nouveau.

Ils avancèrent un instant tous les trois, Katara et Jet le soutenant de chaque côté, jusqu’à que l’eau leur arrive jusqu’à la taille.

- Parfait, fit Katara. Ici, ça devrait aller. Jet, on fait comme la dernière fois. Zuko, surtout ne panique pas, mais on va devoir t’allonger…

Comment ça « ne panique pas » ?

Avant même qu’il ne puisse formuler un refus, les mains de Katara et de Jet l’inclinèrent doucement vers l’arrière.

L’eau, véritablement glaciale, l’engloutit d’un seul coup. Il sursauta et agrippa l’avant de la tunique de Jet, avec un début d’affolement. Mais il était trop faible, trop fatigué, pour réellement se débattre.

- Respire, lui sourit calmement Katara. C’est rien. Est-ce que tu peux essayer de rester comme ça et de ne pas bouger ?

Jet se glissa alors derrière lui et l’agrippa fermement par les épaules.

Ses pieds ne touchaient plus le sol argileux du fond de la rivière. Tout son corps flottait en planche sur la surface de l’eau, avec Jet qui le maintenait et l’empêchait de dériver.

Zuko se demanda furtivement s’ils comptaient le noyer. C’était une pensée profondément stupide dans un sens. S’ils avaient voulu le tuer, ils avaient eu des occasions plus simples et moins originales pour arriver à leurs fins.

Katara s’écarta légèrement d’eux et leva les bras. Zuko ne se lassait pas des mouvements souples et amples qu’elle avait à chaque fois qu’elle maîtrisait l’eau. Cette maîtrise était autrement plus esthétique que ne pouvait l’être la maîtrise de la Terre. Pour autant, Zuko n’était pas sûr d’éprouver un quelconque respect envers cette pratique. Si tous les maîtres de l’Eau avaient des gestes comme Katara, alors c’était plus proche d’une danse que d’une véritable maîtrise. Rien avoir avec l’efficacité de la maîtrise du Feu, qui en plus savait rester plaisante à regarder.

Les mains de Katara dessinaient des cercles dans l’air et la rivière tout autour d’eux suivait chacun de ses mouvements. Des filets d’eau se formèrent et commencèrent à glisser sur la peau de Zuko, épousant le creux de ses bras et son torse meurtri. C’était agréable, comme à chaque fois que Zuko était suffisamment conscient pour s’en rendre compte. C’était comme si tout son corps se détendait d’un seul coup. La douleur disparaissait totalement. Elle reviendrait dès que Katara cesserait d’utiliser sa maîtrise sur lui, mais moins puissamment. Ça faisait de moins en moins mal à chaque fois.

Un mince courant d’eau remonta jusqu’à son cou, puis glissa derrière sa tête, tout autour de son crâne. La sensation de bien-être s’accentua. Il se sentait si léger soudain… Il ferma les yeux et laissa échapper un léger soupir.

Il ignorait combien de temps ils restèrent ainsi. Quelques instants ? Plusieurs minutes ? Des heures ? Peut-être pas. Mais des cris déchirèrent l’air et le bien-être disparut.

Zuko réouvrit brusquement les yeux. Katara n’agitait plus les bras. Elle regardait quelque chose sur la rive. Les mains de Jet s’étaient violemment crispées sur ses épaules. Lui aussi fixait la même chose que Katara.

Zuko se redressa et se remit debout. Le geste lui sembla plus simple que tout à l’heure. Peut-être parce qu’il était dans l’eau et pas à l’extérieur. Peut-être parce qu’à chaque fois, Katara réussissait à le guérir un peu plus.

Zuko tourna à ton tour son regard vers les berges et se figea en reconnaissant les formes qui s’y débattaient. Cinq rhino-komodos, aux armures noires et rouges luisant sous le soleil éclatant du matin. Zuko aurait reconnu entre mille les cinq silhouettes qui les chevauchaient.

Les Rhinos Féroces.

Le colonel Mongke et quatre de ses sous-fifres.

Kahchi, Ogodei et Yeh-Lu faisaient l’effort de respecter les directives pour dissimuler leur maîtrise de l’Air aux yeux du monde. Vachir avait même poussé le vice jusqu’à poursuivre son entrainement d’Archer Yuyan et s’était tatoué le visage en conséquence. Seul Mongke n’avait pas pris la peine de s’embarrasser d’une quelconque arme. Parce que Mongke ne respectait rien ni personne. Parce qu’au fond, ce n’était pas la peine. Parce que Mongke ne laissait jamais des survivants derrière lui.

Ils étaient en train de combattre l’Avatar et Haru. Ainsi que Sokka, qui dénué de toute maîtrise fut très rapidement mis à terre.

Katara poussa un hurlement de panique et une colonne d’eau alla s’abattre sur les Rhinos Féroces.

Mais ça ne suffirait pas. Bien sûr que ça ne suffirait pas. L’eau heurta violemment l’air que Kahchi projeta d’un revers de main. La vague s’effondra aussitôt sur elle-même dans un grand fracas d’écume, trempant leurs montures mais ne ralentissant personne.

Mongke fit un brusque mouvement circulaire du bras et un souffle dévastateur balaya la rive, soulevant la terre, les galets et déchiquetant les arbres tout autour d’eux.

Haru fut projeté au loin. Sokka, qui tentait de se relever, roula sur lui-même comme une poupée de chiffon, heurtant le sol à plusieurs reprises avant de s’immobiliser à plat ventre, le boomerang encore en main.

Aang, pourtant maître de l’Air lui-même, fut lui aussi fauché par l’attaque. Il releva néanmoins plus vite que les deux autres et fit tournoyer son bâton tout autour de lui pour projeter une violente rafale sur Ogodei, qui le chargeait. Son rhino-komodo fut happé par le souffle et dérapa dans la boue.

Jet était déjà hors de l’eau. Vachir, fidèle à ses habitudes, tira une volée de flèches sans même songer à recourir à la maîtrise de l'Air. Une flamme étrange, longue, souple et fine, apparut au bout des doigts de Jet. Les flèches furent toutes réduites en cendre avant d’atteindre leur cible. Alors qu’il se rapprochait, la flamme au bout de ses doigts prit la forme d’une lame. Vachir se rendit enfin compte du danger et essaya de maintenir Jet à distance avec une rafale. Mais Jet ne ralentit pas. Bien au contraire.

Le feu rencontra l’air et tout explosa.

Quand le nuage de terre et de poussière retomba, Vachir était étendu sur le flanc, le visage atrocement brûlé. Mort.

Tout le monde cessa aussitôt de se battre, dans un silence stupéfait.

Les Rhinos Féroces n’avaient jamais perdu l’un des leurs. Personne n’en avait jamais été capable.

Cet instant de flottement ne dura que quelques brèves secondes, et cela suffit à Jet pour se glisser derrière Zuko qui avait eu le malheur de se rapprocher de la rive.

La dague de feu refit son apparition à l’intérieur de sa main, juste sous la gorge de Zuko, qui se figea.

- Un pas de plus, grinça Jet d’un ton que Zuko ne lui avait jamais entendu prendre jusqu’alors. Et votre prince bien aimé y passe.

Les Rhinos Féroces survivants restèrent immobiles. Le regard de Mongke passa tour à tour du visage de Zuko à celui de Jet, avant que ses yeux gris et froids ne se plissent dangereusement.

- Aang, ordonna Jet. Appelle Appa. On s’en va. Maintenant.

Aang porta à ses lèvres son étrange sifflet. Comme à chaque fois, aucun son perceptible n’en sortit. Et pourtant, comme à chaque fois, le grognement d’Appa qui se rapprochait se fit entendre au loin.

Le bison se posa lourdement sur le sol. Aucun des Rhinos Féroces ne tressaillit face à l’étrange créature. Toute leur attention était entièrement braquée sur Jet, qu’ils fixaient dans un silence et une immobilité presque iréels.

Haru s’avança péniblement, le visage couvert de sang, pour aider Katara à hisser un Sokka inconscient sur la selle de l’animal. Aang finit par se résoudre à les rejoindre, comme à contre-cœur, après avoir adressé un regard particulièrement inquiet à Jet.

Et enfin, Jet se décida à bouger. Il recula lentement, tenant toujours Zuko étroitement contre lui, la lame de feu vacillant à quelques centimètres de la gorge pâle.

Un mouvement malheureux et c’était terminé.

Il força Zuko à monter, à reculons, sur le dos du bison, sous les regards glacés des Rhinos Féroces. Aucun d’eux ne fit un geste.

- Yip yip, ordonna alors Jet, plus sombre que jamais.

Appa s’envola aussitôt. La rivière s’éloigna rapidement et avec elles les silhouettes menaçantes des Rhinos restés sur la berge. La flamme dans le poing serrée de Jet disparue ; mais il ne relâcha pas Zuko pour autant.

- Finalement, fit Jet avec une expression sinistre. Il semblerait que tu ne sois pas le petit prince rejeté, sans avenir ni contact, que tu dis être.

- … Est-ce que tu comptes me tuer ? Demanda Zuko, déjà résigné à son sort.

- … Jet… S’il te plait… Lança alors la voix terrifiée d’Aang, à l’autre bout de la selle.

Jet émit un petit rire, quelque peu distordu.

- C’est pas toi que je voulais tuer. C’était eux. Et je ne l’ai pas fait parce que je voulais que l’Avatar survive. Et eux ne m’ont pas tué parce qu’ils voulaient que tu vives. Ils étaient venus te libérer et ont dû nous regarder partir sans pouvoir rien faire. N’est-ce pas incroyable comme personne n’a ce qu’il veut au final ?

Zuko se rappela soudain la ferveur et la déférence des gradés à son égard, dès que Zhao avait commencé à diffuser ses idées délirantes dans leurs rangs.

- Ils font partie des gens qui veulent que je renverse Azulon, avoua-t-il brusquement sans aucune raison. Ils veulent que je devienne Seigneur du Feu. Ils veulent…

Il chercha brièvement ses mots.

- Ils veulent que le Feu cesse d’être considéré comme l’élément supérieur.

Voilà. C’était dit. Il ignorait comment le dire autrement. Et plus encore pourquoi il avouait tout ça, à quelqu’un qui, quelques minutes plus tôt à peine, n’aurait eu aucun mal à le tuer.

Mais Jet voulait comprendre ce qu’il se passait, pas vrai ? Alors Zuko lui dirait tout, absolument tout.

Il ne voulait plus que Jet le déteste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

J'espère que ça vous a plu ! A la semaine prochaine pour la suite !

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