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Si t'étais une fille

Summary:

Maxime est très amoureux, Djilsi a pas bien compris. Les deux souffrent, ils sont un peu bêtes. Bonne lecture !

 

J'ai écrit ça en écoutant "Andrew in Drag" et "Everything is romantic" en version orchestral. Bonne chance.

Notes:

J'espère que vous allez bien !
De retour pour une courte douceur hehe (lol)

On rappelle que c'est de la FICTION, on laisse les vraies personnes tranquilles !

(See the end of the work for more notes.)

Work Text:

Le voir sourire lui rendait la vie difficile, voir ses yeux briller et ses lèvres s’enrouler tendrement autour de ses fossettes, entendre son rire, grand et fort ou doux et étouffé. Le voir, simplement, lui rendait la vie difficile et plus belle. Il pourrait s'extasier sur chaque partie de son visage mais il s’agissait surtout de ses yeux, la manière dont son regard se mélangeait au sien lui semblait aujourd’hui la chose la plus naturelle. Pourtant, le voir se tourner vers lui, comme c’est déjà arrivé tant de fois, désabusé, amusé malgré lui, les yeux légèrement plissés, lui donner toujours envie de sourire à son tour comme s'il découvrait tout ça pour la première fois. Quel cliché de contempler la profondeur de ses yeux, la beauté de ses yeux, la couleur de ses yeux, quel cliché d’être charmé à chaque échange, d’imaginer l’affection dans chaque coup d’œil volé, quel cliché et quelle agréable torture. Au moins, le désir de se noyer dans sa présence était aisément comblé par leur proximité quasi constante. Mais même en profitant du Soleil en journée, la nuit, il devient la seule étoile qui manque dans le ciel.

Dire qu'il était tombé amoureux lui semblait blasphématoire. La chute n'avait pas été dure, elle n'avait pas été rapide, douloureuse. S'enamourer de lui, ce n'était pas une chute, c’était une baignade un jour d’été. On commence par patauger au bord de la mer, les pieds dans l’eau froide sans que cela ne soit désagréable. Puis on embrasse petit à petit les vaguelettes, on s’immerge en douceur et sans s'en apercevoir on profite depuis longtemps d'un bain de fraîcheur. Oui, l'eau l'avait pris tout entier sans qu'il ne s'en rende compte et il n'avait jamais souhaité qu'il en soit autrement.

Alors là, tout de suite, pour le dernier jour d'un voyage commun en montagne, côte à côte face au soleil couchant, à quelques centimètres de se tenir la main et les pieds dans le vide, Maxime profitait de la présence de Sidjil. Il inspirait à plein poumons, espérant faire durer l'instant plus longtemps. Il voulait faire de cette image un tableau intemporel. Le dégradé du ciel déposait de si belles couleurs sur la Terre et s'harmonisait si bien sur le corps de l'homme qu'il adorait. Les yeux cachés par ses paupières, Sidjil semblait fait d'une matière immuable, le rose orangé dont il était peint le rendait irréel, si beau que Maxime faillit tendre la main vers son visage. Mais se retenir pour lui était une habitude bien rodée. Il expira et souffla audiblement.

"Fatigué ? Tu veux bouger ?
— Non, non. Tout va bien."

Sidjil ouvrit un œil, intrigué.

"Tu es sûr ? Ça me dérange pas de retourner à la voiture tout de suite, il faut qu'on aille manger de toute façon."

Maxime hocha la tête distraitement, les yeux tournés vers la vallée en contrebas.

"J'y avais pas pensé.
- Quoi ? À aller manger ? Heureusement que je suis là pour te nourrir alors."

Il se leva sans effort de sa place et épousseta son pantalon tandis que Maxime rigolait. Sid lui tendit la main pour l'aider à se relever et l'autre la prit docilement.

"Clairement. Si t'étais une fille tu serais déjà ma femme."

Maxime s'était attendu à un rire, à des yeux levés au ciel, une blague balayée de la main comme n'importe quelle autre bêtise qu'il a l'habitude de dire. Mais Sid se figea, la mâchoire serrée et lui fit dos pour marcher vers la voiture. Maxime le suivit sans un mot, les mains agrippant les bandoulières de son sac à dos avec angoisse, la réaction de son ami imprimé derrière ses yeux. Sa voix résonnait dans ses pensées, "si t'étais une fille". Le ton n'avait pas semblé si sérieux sur le moment.

De qui se moquait-il. Il n'avait jamais rien dit de plus sérieux de sa vie.

Le trajet jusqu'à l'hôtel se fit dans le silence, Sidjil regardait par la fenêtre et Maxime, qui conduisait, avait arrêté de lui jetait des coups d'œil inquiets après une bonne vingtaine de minutes. Ils s'étaient garés dans le même vide, la radio éteinte ne faisait que renforcer la tension à l'intérieur de l'habitacle. Sidjil ouvrit la porte, son sac dans une main et sortit de la voiture.

"Je suis fatigué. Tu peux aller manger sans moi."

Maxime n'eut le temps que de dire son prénom, Sidjil avait déjà refermé la portière.

La nuit était tombée rapidement pendant le trajet, sans que Maxime ne s’en aperçoive. Il était resté quelque temps dans la voiture après le départ de Sidjil, incertain de la manière dont il devait s'y prendre à présent. Devrait-il aller lui parler ? Lui laisser de l'espace ? Le confronter sur son mutisme ? Ce serait hypocrite. Devrait-il rentrer dans leur chambre, faire comme si de rien était ? Passer leur dernière soirée sans l'assurance que rien n'avait été altéré dans leur amitié ?

Maxime avait toujours trouvé leur amitié agréable, fluide. Dès leur première rencontre, l’aisance avec laquelle ils ont conversé lui avait paru la chose la plus évidente, la plus normale. On pourrait penser que ce n’est pas le genre d’amitié qu’on construit au coin d’une rue ou dans un café. Mais Maxime aurait pu rencontrer Sidjil dans un hôtel, une gare, une salle de classe, dans un autre pays, une plage, un salon de coiffure ou un monde postapocalyptique ; il avait l’impression qu’il serait toujours et à chaque fois irrémédiablement attiré vers lui. Comment ferait-il face à sa perte ?

Le deuil d’un proche disparu est un évènement si difficile. La nostalgie, les souvenirs, les questions laissées sans réponses sont tant de choses qui rendent l’absence, soudaine ou attendue, douloureuse. Mais se séparer d’un être si cher, d’un ami dont on rêve de connaître la chair, d’un ami qui nous connaît jusqu’à la racine, tout en sachant qu’il continuera sa vie sans nous la partager n’est qu’une toxine de plus dans une vie de misères. Enfin, la blessure du rejet et de la perte finira par s’éteindre un jour, seuls la tristesse et le sentiment de vide béant demeureront entre les côtes du souffrant. Même alors Maxime préférerait souffrir n’importe quoi plutôt que de ne plus pouvoir le voir.

On toqua à la vitre de la portière côté passager.

Sidjil lui fit signe de déverrouiller la voiture.

Il s’installa à côté de lui à nouveau, changé dans des vêtements plus confortables. Il avait eu le temps de prendre une douche ? Depuis combien de temps Maxime était assis là, à ruminer dans le noir ?

« Je suis désolé. »

Maxime prit du temps à répondre, surpris. Il voulut parler mais sa voix s’enroua, il toussa et reprit :

« Pourquoi ?»

Sidjil regardait ses mains, croisées sur ses genoux. Cette fois-ci, la lumière qui flattait les lignes de son visage – Maxime soupçonnait qu’aucune lumière ne pouvait le rendre moins beau – provenait des lampadaires du parking. Il se perdit un instant dans la courbe de son nez et le chaume qui recouvrait sa mâchoire.

« Je suis désolé d’avoir réagi bizarrement tout à l’heure.
— C’est moi qui devrais te demander pardon, j’aurais pas dû dire ça. »

Sidjil hocha la tête vaguement.

« Je peux… Je peux te demander ce qui t’a gêné dans ce que j’ai dit ? »

« Désolé mec, je préfère les filles moi. T’as vraiment cru qu’entre nous deux… ? Non ! J’y crois pas ! T’as pas assez de seins pour moi mon gars, et trop de… tu vois.»

Un geste obscène et voilà, ici gisait son jeune cœur d’adolescent.

« Honnêtement, j’suis pas homophobe hein mais ça me dérange un peu que tu me vois comme ça alors… je préfère qu’on se parle plus. »

Il avait inspiré, hoché la tête avec un sourire contrit :

« Pas de soucis, j’comprends mec. »

C’était qu’un béguin, pas l’amour de sa vie. Alors pourquoi c’était si dur à entendre ? Pourquoi des expériences si lointaines le hantaient avec autant d’acharnement ? Ne pouvaient-elles pas le laisser vivre ? Ne pas le laisser si fragile ?

« Ça m’a juste rappelé deux, trois trucs que j’ai entendus au lycée, Max. T’inquiète pas. »

Confus, Maxime se tourna entièrement vers Sidjil. Il hésita à poser sa main sur son épaule.

« Comment ça ? »

 

Combien de ses amis n’étaient pas au courant de ses sentiments, de ses préférences ? Sidjil ne comptait plus. Aimer était déjà assez éprouvant, pourquoi y ajouter le regard des autres ?

« C’est… C’est difficile à-. »

Les larmes apparurent toutes seules et lui agrippèrent la gorge. La frustration, la colère, la douleur d’apparaître si faible. Tout se mélangeait dans sa tête. D’un doux chuchotement et de tendres caresses sur le dos, Maxime l’amena à nouveau à la stabilité.

« Tu n’as pas besoin de me raconter.
— J’en ai envie. Je, je n’ai juste jamais… »

Sa vision obscurcie par ses pensées en désordre s’éclaira à la vue de la main de Maxime dans la sienne.

« Prends ton temps.
— On m’a déjà dit plus ou moins la même chose. Quand j’étais jeune.
— Que tu ferais une bonne femme ? J’espère que ce n’est pas ça qui te fait pleurer. Enfin ce serait pas grave ! Mais juste, genre franchement chelou… »

Sidjil rigola et Maxime sourit.

« Que j’aurais dû être une fille. »

Maxime attendit patiemment la suite, les yeux fixés sur le visage de celui qu’il aimait plus que tout. Il lui tendit un paquet de mouchoirs qu’il avait trouvé dans la portière, Sidjil le remercia en silence.

« Je m’étais entiché d’un pote au lycée, un gars avec qui je m’entendais pas mal. »

Maxime lui fit signe qu’il comprenait.

« Il m’a dit que je manquais de certains attributs féminins si je voulais être digne d’être aimé de lui, quelque chose comme ça, enfin bref. C’est pas grand-chose, tu as le droit de rigoler, je t’en voudrais pas. »

Le rire amer qui lui échappa fut coupé dans la foulée par une embrassade étouffante. Sidjil leva les bras pour entourer Maxime à son tour. Le silence les enveloppa un moment, entrecoupé seulement de leurs respirations bientôt synchronisées.

« Je ne voulais pas dire ça comme ça.
— Je sais bien…
— Non, attends. »

Sidjil se tut.

« Je voulais dire… que si tu avais été une fille, je t’aurais montré que je t’aime beaucoup plus tôt. Je ne voulais pas dire que je ne t’aimerais qu’à la condition que tu sois une fille. On serait tous les deux des meufs que je t’aurais aimé pareil. »

L’absence de réponse effraya un instant Maxime mais Sidjil le serra un peu plus fort dans ses bras.

« Je t’aime parce que c’est toi, Sid. »

Il ne s’était jamais senti aussi libre de le dire.

 

 

« Je t’aime, mais je me les pèle dans la voiture alors soit tu m’envoies chier maintenant pour qu’on aille dormir soit tu m’embrasses et on va dormir mais dans tous les cas j’ai besoin d’un plaid ou d’une couvert- »

Sentir ses lèvres sur les siennes picotait. Il connaissait bien la sensation. Mais l’embrasser… Il n’y avait pas de grande surprise ni de papillons, seulement un sentiment de profonde appartenance. C’était comme ça qu’ils étaient faits pour s’aimer, dans les bras l’un de l’autre, dans cette fusion, cette proximité.

L’embrasser c’était communier, c’était pareil que d’être attablé à ses côtés, pareil que de marcher à ses côtés, que de regarder son sourire sous le ciel étoilé, pareil que de l’aimer sans en parler. L’embrasser c’était vivre et respirer.

« Je t’aime aussi. »

Ils sourirent tous les deux.

Notes:

J'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à laisser un commentaire et un kudo, ça me ferait super plaisir :)))